Language of document : ECLI:EU:T:2007:138

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 mai 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Délai de la procédure d’opposition – Transmission par télécopieur – Recevabilité – Indication claire de la marque antérieure – Règle 18, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 2868/95 »

Dans les affaires jointes T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 à T‑247/05, T‑255/05, T‑274/05 à T‑280/05,

The Black & Decker Corporation, établie à Towson, Maryland (États‑Unis), représentée par MM. H. Carr, QC, et P. Harris, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Atlas Copco AB, établie à Stockholm (Suède), représentée par MM. R. Meade, barrister, et M. Gilbert, solicitor,

ayant pour objet treize recours formés, respectivement, contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI du 19 avril (R 727/2004‑1, R 729/2004‑1, R 723/2004‑1, R 730/2004‑1 et R 724/2004-1), du 27 avril (R 722/2004‑1) et du 3 mai 2005 (R 788/2004‑1, R 789/2004‑1, R 790/2004‑1, R 791/2004‑1, R 792/2004‑1, R 793/2004‑1 et R 794/2004‑1), relatives à des procédures d’opposition entre Atlas Copco AB et The Black & Decker Corporation,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

à la suite de l’audience du 12 décembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Le règlement sur la marque communautaire

1        L’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié dispose :

« Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe :

a)      des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire ;

b)      ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. »

2        Aux termes de l’article 42, paragraphe 1, du règlement nº 40/94 :

« Une opposition à l’enregistrement de la marque peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque communautaire, au motif que la marque devrait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 8 :

a)      dans les cas de l’article 8, paragraphes 1 et 5, par les titulaires de marques antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, ainsi que par les licenciés habilités par les titulaires de ces marques ;

b)      dans les cas de l’article 8, paragraphe 3, par les titulaires de marques visées à cette disposition ;

c)      dans les cas de l’article 8, paragraphe 4, par les titulaires de marques ou de signes antérieurs visés à cette disposition, ainsi que par les personnes autorisées, en vertu du droit national applicable, à exercer ces droits. »

 Le règlement d’application

3        La règle 18 du règlement (CE) nº 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement nº 40/94 (JO L 303, p. 1, ci‑après le « règlement d’application ») dispose :

« Rejet de l’opposition pour irrecevabilité

1.      Si l’Office constate que l’acte d’opposition ne remplit pas les conditions visées à l’article 42 du règlement [n° 40/94], ou que l’acte d’opposition n’indique pas clairement la demande à l’encontre de laquelle l’opposition est formée, ou bien la marque antérieure ou le droit antérieur sur la base de laquelle ou duquel l’opposition est formée, il rejette l’opposition pour irrecevabilité, à moins qu’il ne soit remédié auxdites irrégularités avant l’expiration du délai d’opposition. Si la taxe d’opposition n’est pas acquittée avant l’expiration du délai d’opposition, l’acte d’opposition est réputé ne pas avoir été déposé. Si la taxe d’opposition est acquittée après l’expiration du délai d’opposition, elle est remboursée à l’opposant.

2.      Si l’Office constate que l’acte d’opposition ne satisfait pas à d’autres dispositions du règlement [n° 40/94] ou des présentes règles, il en informe l’opposant en l’invitant à remédier dans un délai de deux mois aux irrégularités constatées. S’il n’est pas remédié auxdites irrégularités dans le délai imparti, l’Office rejette l’opposition pour irrecevabilité.

3.      Toute décision de rejet de l’opposition rendue en vertu des paragraphes 1 et 2 est communiquée au demandeur. »

4        Aux termes de la règle 79 du règlement d’application :

« Transmission des communications par écrit ou par d’autres moyens

Les demandes d’enregistrement d’une marque communautaire ainsi que les autres demandes prévues par le règlement [n° 40/94] et toutes les autres communications adressées à l’Office sont transmises à ce dernier de la manière suivante :

a)      par la transmission à l’Office d’un original signé du document correspondant par voie postale, par voie de signification ou par tout autre moyen ; la signature des annexes jointes aux documents ainsi transmis n’est pas nécessaire ;

b)      par la transmission d’un original signé par télécopieur, conformément à la règle 80 ;

c)      par télex ou par télégramme, conformément à la règle 81 ;

d)      par la transmission du contenu de la communication par des moyens électroniques, conformément à la règle 82. »

5        La règle 80, paragraphe 1, du règlement d’application dispose ce qui suit :

« Lorsqu’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire est transmise à l’Office par télécopieur et qu’elle contient une reproduction de la marque conformément à la règle 3, paragraphe 2, qui ne satisfait pas aux exigences de ladite règle, les reproductions originales sont transmises à l’Office, en autant d’exemplaires que prévu, conformément à la règle 79, [sous] a). Si les reproductions parviennent à l’Office dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la télécopie par l’Office, la demande est réputée parvenue à ce dernier à la date de réception de ladite télécopie. Si les reproductions ne parviennent à l’Office qu’après l’expiration de ce délai et que la reproduction est nécessaire pour que soit accordée une date de dépôt, la demande est réputée être parvenue à l’Office à la date à laquelle ce dernier reçoit lesdites reproductions. »

6        La règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application dispose :

« Lorsqu’une communication reçue par télécopieur est incomplète ou illisible, ou que l’Office a des doutes sérieux quant à l’intégrité des données transmises, il en informe l’expéditeur et l’invite, dans le délai qu’il lui impartit, à transmettre à nouveau l’original par télécopie ou à lui fournir l’original conformément à la règle 79, [sous] a). Si l’expéditeur se conforme à cette invitation en temps voulu, la date de réception de la nouvelle transmission ou de l’original est réputée être la date de réception de la communication originale, étant entendu que lorsque le défaut concerne l’attribution d’une date de dépôt pour une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, les dispositions régissant la date de dépôt sont applicables. Si l’expéditeur ne se conforme pas à cette invitation en temps voulu, la communication est réputée n’être jamais parvenue. »

 Antécédents du litige

7        Le 28 janvier (affaire T‑276/05), le 18 mars (affaires T‑240/05, T‑245/05, T‑246/05 et T‑255/05), le 9 mai 1997 (affaires T‑239/05, T‑247/05, T‑277/05, T‑278/05 et T‑280/05) et le 28 juin 1999 (affaires T‑274/05, T‑275/05 et T‑279/05), la requérante a demandé, en vertu du règlement nº 40/94, l’enregistrement de treize marques communautaires à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

8        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les suivantes :

–        dans les affaires T‑240/05, T‑245/05, T‑246/05 et T‑255/05 : des marques figuratives de couleur jaune et noire représentant des outils électriques ;

–        dans les affaires T‑239/05 et T‑247/05 : des représentations tridimensionnelles de deux outils électriques jaunes et noirs ;

–        dans les affaires T‑274/05 à T‑280/05 : une représentation de la juxtaposition des deux couleurs jaune et noire.

9        Les produits pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent pour chacune des marques demandées à la description suivante : « outils portables électriques actionnés manuellement (à l’exception d’outils de jardinage) ».

10      Les demandes de marque ont été publiées au Bulletin des marques communautaires nº 103/2001, du 3 décembre (affaires T‑240/05 et T‑245/05), nº 109/2001, du 24 décembre 2001 (affaires T‑239/05 et T‑247/05), nº 4/2002, du 14 janvier 2002 (affaires T‑246/05 et T‑255/05), et nº 29/2003, du 7 avril 2003 (affaires T‑274/05 à T‑280/05).

11      Atlas Copco AB a, sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94, formé des oppositions à l’encontre de l’enregistrement des marques demandées.

12      Ces oppositions sont fondées sur l’existence de marques antérieures non enregistrées et d’autres signes utilisés dans la vie des affaires (ci-après les « marques et signes antérieurs »), au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, dont l’intervenante était titulaire.

13      Les oppositions ainsi formées ont été transmises à l’OHMI par télécopies reçues le 4 mars (affaires T‑240/05 et T‑245/05), le 25 mars (affaires T‑239/05 et T‑247/05), le 15 avril 2002 (affaires T‑246/05 et T‑255/05) et le 7 juillet 2003 (affaires T‑274/05 à T‑280/05).

14      Les originaux des actes d’opposition ont été transmis par courriers reçus le 6 mars (affaires T‑240/05 et T‑245/05), le 27 mars (affaires T‑239/05 et T‑247/05), le 19 avril 2002 (affaires T‑246/05 et T‑255/05) et le 10 juillet 2003 (affaires T‑274/05 à T‑280/05).

15      Le délai d’opposition expirait, respectivement, le 4 mars (affaires T‑240/05 et T‑245/05), le 25 mars (affaires T‑239/05 et T‑247/05), le 15 avril 2002 (affaires T‑246/05 et T‑255/05) et le 7 juillet 2003 (affaires T‑274/05 à T‑280/05).

16      Le formulaire d’opposition de l’OHMI utilisé aux fins des diverses procédures d’opposition contient, entre autres, une partie relative à la représentation des marques et des signes antérieurs sur lesquels l’opposition est fondée. Ainsi, la rubrique 78 du formulaire d’opposition, intitulée « Marque antérieure non enregistrée », dispose : « Indiquer la marque verbale ; si la marque est d’un autre type, fournir sa représentation en annexe ». Aussi, l’intervenante a-t-elle indiqué dans chaque affaire : « Voir annexe A ». De même, la rubrique 82 du formulaire d’opposition, intitulée « Signe antérieur utilisé dans la vie des affaires », dispose : « Indiquer le signe ; si le signe n’est pas un mot, fournir sa représentation en annexe ». Ainsi, l’intervenante a également indiqué : « Voir annexe A ».

17      Aux rubriques 80 et 84 de chaque formulaire d’opposition, l’intervenante a précisé que l’opposition était fondée sur des outils électriques. Aux rubriques 81 et 86, sous le titre « Preuves de protection », l’intervenante a coché la case « À suivre ». À la rubrique 83, sous le titre « Nature des droits réclamés », l’intervenante a indiqué : « Voir annexe B ».

18      Chaque annexe A des formulaires d’opposition, dans sa version originale, contient des représentations en couleurs d’outils électriques figurant dans les catalogues de l’intervenante. Dans chacune des affaires T‑239/05, T‑240/05 et T‑255/05, l’annexe A consiste en trois pages d’images en couleurs représentant des outils électriques. Les deux premières pages consistent en des images de modèles d’outils différents. La troisième page consiste en une image de quinze outils électriques différents avec la marque Atlas Copco en haut de la page. Les deux premières pages contiennent également des descriptions des outils et des spécifications (comprenant des numéros de référence de certains modèles) en forme de tableau.

19      Dans chacune des affaires T‑245/05, T‑246/05 et T‑247/05, l’annexe A consiste en six pages d’images en couleurs représentant des outils électriques. Les cinq premières pages consistent en des images de modèles d’outils différents. La dernière page consiste en une image de quinze outils électriques différents avec la marque Atlas Copco en haut de la page. Certaines pages contiennent également des descriptions des outils et des spécifications (comprenant des numéros de référence de certains modèles) en forme de tableau.

20      Dans chacune des affaires T-274/05 à T-280/05, l’annexe A consiste en trois pages d’images en couleurs représentant des outils électriques. La première page est intitulée « Outils électriques industriels » et consiste en une image de plusieurs modèles différents d’outils électriques. La deuxième page est intitulée « Extraction de poussière » et consiste en une image de plusieurs modèles de « Matériel d’extraction de poussière » ainsi qu’une description des outils. La dernière page contient une image de quatre modèles de marteaux à buriner ainsi qu’une description des caractéristiques techniques des outils et des spécifications (comprenant des numéros de référence de certains modèles) en forme de tableau.

21      Chaque annexe B des formulaires d’opposition contient l’information suivante : « En raison de l’utilisation qu’elle a faite du signe, l’opposante est en droit d’interdire l’utilisation de la marque communautaire, objet de l’opposition, au Royaume-Uni au titre de l’action en contrefaçon et, dans les autres ordres juridiques européens, au titre du droit national de la concurrence déloyale. »

22      Les actes d’opposition transmis par télécopie ont été reçus par l’OHMI en noir et blanc aux dates mentionnées au point 13 ci-dessus. Les originaux transmis par courrier ont été reçus par l’OHMI en couleurs aux dates mentionnées au point 14 ci‑dessus.

23      Par décisions du 15 juin (nº 1963/2004 dans l’affaire T‑255/05, nº 1958/2004 dans l’affaire T‑247/05, nº 1964/2004 dans l’affaire T‑246/05, nº 1962/2004 dans l’affaire T‑239/05, nº 1957/2004 dans l’affaire T‑240/05 et nº 1956/2004 dans l’affaire T‑245/05) et du 6 juillet 2004 (nº 2219/2004 dans l’affaire T‑274/05, nº 2216/2004 dans l’affaire T‑275/05, nº 2214/2004 dans l’affaire T‑276/05, nº 2212/2004 dans l’affaire T‑277/05, nº 2215/2004 dans l’affaire T‑278/05, nº 2218/2004 dans l’affaire T‑279/05 et nº 2217/2004 dans l’affaire T‑280/05), la division d’opposition de l’OHMI a rejeté les oppositions.

24      En substance, dans chacune des affaires, la division d’opposition a considéré que les documents déposés par l’intervenante dans le délai prévu par l’article 42, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 ne suffisaient pas pour identifier clairement les marques antérieures et les signes utilisés dans la vie des affaires sur la base desquels l’opposition était formée. La division d’opposition a estimé que les documents joints en annexes A et visant à l’identification de la représentation des marques et des signes ne fournissaient pas d’information claire sur ce qui devait être considéré comme étant les marques et les signes sur lesquels l’opposition était fondée. Par conséquent, la division d’opposition a conclu que l’opposition était irrecevable, car elle n’identifiait pas clairement les marques et les signes antérieurs sur la base desquels elle était formée. En conclusion, la division d’opposition a constaté que les actes d’opposition n’étaient pas conformes aux exigences de l’article 42, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 40/94 et de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application.

25      Le 16 août (dans les affaires T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 à T‑247/05 et T‑255/05) et le 6 septembre 2004 (dans les affaires T‑274/05 à T‑280/05), l’intervenante a formé des recours contre les décisions de la division d’opposition.

26      Par décisions du 19 avril (affaires T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 à T‑247/05), du 27 avril (affaire T‑255/05) et du 3 mai 2005 (affaires T‑274/05 à T‑280/05), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé les décisions de la division d’opposition et renvoyé les affaires à celle-ci pour suite à donner, au sens de l’article 62, paragraphe 1, du règlement nº 40/94.

27      En substance, la chambre de recours a estimé que les recours étaient fondés, car les marques et les signes antérieurs sur la base desquels les oppositions étaient formées étaient bien identifiés dans les annexes A. Elle a considéré que chaque représentation des différents modèles d’outils électriques, dans les annexes A, était clairement identifiée, puisque les représentations fournies en noir et blanc, qui ont été transmises par télécopie et confirmées par courrier en couleurs, étaient parfaitement claires et précises. La chambre de recours a également relevé que plusieurs modèles étaient identifiés par leur numéro de référence et par leurs spécifications apparaissant sous forme de tableau. Par conséquent, la chambre de recours a estimé que les signes étaient clairement identifiés, au sens de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application.

 Procédure

28      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 1er juillet dans les affaires T‑239/05 et T‑240/05, le 4 juillet dans les affaires T‑245/05, T‑246/05 et T‑247/05, le 8 juillet dans l’affaire T‑255/05 et le 20 juillet 2005 dans les affaires T‑274/05 à T‑280/05, la requérante a introduit les présents recours en langue anglaise.

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 2005, la requérante a introduit un recours enregistré sous le numéro T‑273/05, contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 3 mai 2005 (R 786/2004‑1), relative à une quatorzième procédure d’opposition entre Atlas Copco et The Black & Decker Corporation.

30      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 24 novembre 2005, les quatorze affaires ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

31      L’OHMI a déposé son mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 31 janvier 2006. La partie intervenante a déposé son mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 31 janvier 2006.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

33      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a posé, par écrit, une question aux parties, en les invitant à y répondre par écrit avant l’audience. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 décembre 2006.

35      Lors de cette audience, le président de la deuxième chambre du Tribunal a ordonné que l’affaire T‑273/05 soit disjointe des treize autres affaires, en raison de l’intention exprimée par la partie requérante de se désister de son recours dans ladite affaire.

36      Le présent arrêt porte donc uniquement sur les treize affaires T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 à T‑247/05, T‑255/05, T‑274/05 à T‑280/05.

 Conclusions des parties

37      La requérante conclut, dans chacune des affaires, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer irrecevable la procédure d’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

38      L’OHMI conclut, dans chacune des affaires, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

39      L’intervenante conclut, dans chacune des affaires, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision de la chambre de recours ;

–        déclarer recevable l’opposition et renvoyer l’affaire à la division d’opposition de l’OHMI pour suite à donner, conformément à l’article 62, paragraphe 1, du règlement nº 40/94 ;

–        déclarer que les versions en couleurs des droits antérieurs sur lesquels l’opposition est fondée ont été valablement déposées avant l’expiration du délai d’opposition ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

40      La requérante soulève, en substance, un moyen unique tiré de la violation de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application. Par ce moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur de droit, dans chacune des affaires concernées, en déclarant recevables des oppositions qui n’indiquaient pas d’une façon suffisamment claire les marques et signes antérieurs sur lesquels elles étaient fondées et qui, par conséquent, ne satisfaisaient pas à l’une des conditions de recevabilité prévue par la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application.

41      Le moyen unique du recours se subdivise en quatre griefs, dont deux seulement sont communs aux treize affaires. Ces quatre griefs sont fondés sur quatre erreurs d’appréciation de la chambre de recours. Par le premier grief, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée à tort sur des images en couleurs des marques et des signes antérieurs de l’intervenante, alors que ces images auraient été transmises après l’expiration du délai d’opposition. Par le deuxième grief, la requérante soutient que la chambre de recours a considéré de manière erronée que les marques et signes antérieurs étaient clairement identifiés. Par le troisième grief, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée à tort sur quinze représentations, alors que l’intervenante aurait indiqué, après l’expiration du délai d’opposition, qu’une seule représentation était pertinente. Par le quatrième grief, la requérante soutient que les marques et signes antérieurs ne pouvaient pas être suffisamment identifiés en raison du fait que les documents fournis étaient en noir et blanc.

42      Lors de l’audience, la partie requérante a indiqué que ses troisième et quatrième griefs n’avaient pas de portée autonome par rapport aux deux premiers griefs et qu’ils devaient être considérés comme s’y intégrant.

43      Il convient d’examiner d’abord le premier grief puis, ensemble, les deuxième, troisième et quatrième griefs.

 Sur le premier grief, tiré de la violation de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application, en ce que la chambre de recours aurait pris en compte des images en couleurs déposées après l’expiration du délai d’opposition

 Arguments des parties

44      Par le premier grief, qui est commun à toutes les affaires, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la substitution des images en noir et blanc par des images en couleurs déposées hors délai ne violait pas la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application. Selon la requérante, la chambre de recours a reconnu que les images en noir et blanc étaient les seules images à avoir été déposées avant l’expiration du délai d’opposition. Il s’ensuit, selon elle, que la chambre de recours a commis une erreur en fondant sa décision sur les images en couleurs déposées après l’expiration dudit délai. La requérante estime que, en utilisant les images en couleurs, la chambre de recours a soit reconnu que les images en noir et blanc n’identifiaient pas de façon claire les marques et signes antérieurs, soit accordé à l’intervenante une prorogation du délai afin d’identifier clairement les marques et signes antérieurs. Dans l’un et l’autre cas, la chambre de recours aurait violé la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application.

45      L’OHMI soutient que la chambre de recours a correctement pris en compte les images en couleurs des annexes A, bien que ces documents aient été reçus après l’expiration du délai d’opposition.

46      L’OHMI fait valoir que, conformément à la règle 79 du règlement d’application, une communication adressée à l’OHMI par voie de télécopie a une valeur juridique équivalente à celle d’une communication d’un original adressée par voie postale ou par voie de signification. Selon l’OHMI, puisque les couleurs ne peuvent pas faire l’objet d’une transmission par télécopie, une demande est réputée parvenue à l’OHMI à la date de réception de la télécopie, à condition que les reproductions originales soient envoyées avec diligence. L’OHMI souligne que, si tel n’était pas le cas, les expéditeurs de documents en couleurs seraient assujettis à un régime plus sévère que les expéditeurs de documents en noir et blanc.

47      L’OHMI invoque, en ce sens, la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application (voir point 6 ci-dessus).

48      Premièrement, l’OHMI observe que le champ d’application de cette règle s’étend aux transmissions par télécopie de documents en couleurs, puisque celles-ci remettent en cause l’intégrité des données transmises au sens de ladite règle.

49      Deuxièmement, l’expéditeur d’un document par télécopie dont l’intégrité des données transmises n’est pas remise en question par l’OHMI ne pourrait pas être traité de manière plus sévère que l’expéditeur d’un document par télécopie à l’égard duquel l’OHMI émet des objections. Dans le cas où l’OHMI n’invite pas l’expéditeur à envoyer l’original des copies en couleurs, celui-ci devrait bénéficier d’une période raisonnable afin de déposer l’original.

50      Dans le cas d’espèce, l’OHMI maintient, en se référant à l’article 78 du règlement nº 40/94, que l’intervenante a fait preuve de toute la vigilance requise par les circonstances et qu’elle a déposé les originaux des documents avec diligence, ces derniers ayant été reçus par l’OHMI moins de quatre jours après l’expiration du délai d’opposition.

51      L’intervenante soutient que, selon une interprétation correcte du règlement nº 40/94, les copies en couleurs, en tant que partie de l’acte d’opposition, étaient recevables.

52      L’intervenante fait observer que la règle 80, paragraphe 1, et la règle 3, paragraphe 2, du règlement d’application prévoient que, lorsqu’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire est transmise par télécopieur à l’OHMI et que la reproduction n’est pas adéquate pour la publication au Bulletin des marques communautaires, le demandeur dispose d’un délai d’un mois à compter de la date de réception de la télécopie afin de déposer les reproductions par voie postale. Il serait anormal, selon elle, que la transmission par voie de télécopie d’un acte d’opposition soit traitée de manière plus sévère. Elle s’appuie également sur la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application afin de démontrer que les oppositions ne sont pas traitées de manière plus sévère. Selon elle, l’effet de cette règle est que, lorsque l’OHMI reçoit une opposition par voie de télécopie, mais que les aspects techniques de la télécopie la rendent impropre à remplir son objectif, l’OHMI est tenu d’inviter l’expéditeur à envoyer à nouveau l’opposition par une voie plus appropriée. Selon l’intervenante, il s’ensuit que, si la division d’opposition avait considéré que les documents transmis par télécopie étaient incomplets, elle aurait dû l’en informer et lui impartir un nouveau délai.

53      L’intervenante s’appuie également sur le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005, modifiant le règlement d’application (JO L 172, p. 4), qui est partiellement en vigueur depuis le 25 juillet 2005. La règle 15, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 2868/95, telle que modifiée, prévoit ainsi que, si l’acte d’opposition se fonde sur une marque antérieure en couleurs, la représentation doit elle aussi être en couleurs. La règle 17, paragraphe 4, dudit règlement, également modifiée par le règlement n° 1041/2005, prévoit que, si l’acte d’opposition ne satisfait pas à cette exigence, l’OHMI en informe l’opposant en l’invitant à remédier dans un délai de deux mois aux irrégularités constatées. S’il n’est pas remédié aux irrégularités dans le délai imparti, l’OHMI rejette l’opposition pour irrecevabilité, conformément à cette dernière règle. L’intervenante soutient que, en cas de doute à propos de l’interprétation du règlement d’application, celui-ci doit être lu en concordance avec le nouveau règlement.

 Appréciation du Tribunal

54      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon l’article 42, paragraphe 1, du règlement nº 40/94, une opposition à l’enregistrement d’une marque peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque communautaire.

55      Par ailleurs, il ressort de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application qu’une opposition est irrecevable si elle n’est pas formée avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article 42, paragraphe 1, du règlement nº 40/94.

56      En l’espèce, il est constant que les treize actes d’opposition en cause ont été transmis à l’OHMI par télécopie et reçus en noir et blanc avant l’expiration du délai d’opposition ainsi prévu, et que les versions originales en couleurs desdits actes d’opposition ont été transmises par courrier et qu’elles ont été reçues par l’OHMI après l’expiration dudit délai d’opposition (voir point 14 ci-dessus).

57      L’argument de la requérante selon laquelle la chambre de recours a violé la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application en prenant en considération les versions originales en couleurs déposées hors délai doit être rejeté.

58      En effet, aux termes de la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application, lorsqu’une communication reçue par télécopieur est incomplète ou illisible, ou lorsque l’OHMI a des doutes sérieux quant à l’intégrité des données transmises, ce dernier invite l’expéditeur, dans le délai qu’il lui impartit, à transmettre à nouveau l’original par télécopie ou à lui fournir l’original conformément à la règle 79, sous a).

59      Le Tribunal considère que le champ d’application de cette règle s’étend aux communications par télécopie de documents en couleurs, puisque les versions reçues par le destinataire ne sont imprimées qu’en noir et blanc et sont, par conséquent, incomplètes au sens de ladite règle.

60      À cet égard, il convient de relever que l’objet de la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application est d’accorder la possibilité aux expéditeurs de communications par télécopie à l’OHMI de transmettre à nouveau leurs documents ou de fournir les originaux à l’OHMI après l’expiration du délai d’opposition, lorsqu’une des situations visées par ladite règle se présente, afin qu’ils puissent remédier aux irrégularités résultant desdites situations.

61      Ladite disposition règle spécifiquement les situations dans lesquelles l’OHMI invite l’expéditeur à lui communiquer les documents à nouveau. En revanche, les situations dans lesquelles l’expéditeur prend l’initiative de retransmettre les documents par télécopie ou de fournir les originaux sans attendre une telle invitation ne sont pas explicitement réglées.

62      Il y a lieu de considérer qu’il serait contraire à l’objectif poursuivi par cette règle que l’expéditeur d’un document par télécopie dont la communication est incomplète et qui, par conséquent, fournit les originaux sans attendre l’invitation de l’OHMI, soit traité de manière plus sévère que l’expéditeur d’un document par télécopie qui ne communique les originaux à nouveau qu’après invitation faite par l’OHMI.

63      Priver l’expéditeur qui agit sans l’invitation de l’OHMI du bénéfice de la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application reviendrait au contraire à le pénaliser de sa diligence. Une telle interprétation de ladite règle doit être considérée comme allant à l’encontre de l’intention du législateur.

64      Il convient donc d’adopter une interprétation moins restrictive de cette règle en ce sens qu’à tout le moins lorsqu’un expéditeur a connaissance que sa communication est incomplète et que, par conséquent, il transmet à nouveau l’original par télécopie ou fournit l’original conformément à la règle 79, sous a), avec diligence et sans attendre une invitation de l’OHMI au sens de la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application, la date de réception de la deuxième tentative de communication est réputée être celle de la première communication.

65      En l’espèce, la partie intervenante avait connaissance que ses transmissions par télécopie étaient en noir et blanc, et donc incomplètes. Par la suite, elle a fourni les versions originales en couleurs par courrier sans attendre une invitation de l’OHMI au sens de la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application. Ces documents originaux ont été reçus par l’OHMI deux jours (affaires T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 et T‑247/05), trois jours (T‑274/05 à T‑280/05) et quatre jours (T‑246/05 et T‑255/05) après l’expiration du délai d’opposition.

66      La réception de ces documents s’étant faite entre deux et quatre jours après l’expiration du délai d’opposition, il y a lieu de constater que la partie intervenante a agi avec diligence en ce qui concerne la deuxième tentative de communication au sens de la règle 80, paragraphe 2, du règlement d’application.

67      Il résulte de ce qui précède que les versions originales des actes d’opposition doivent être réputées parvenues aux dates de leur communication par télécopie citées au point 13 ci-dessus. Par conséquent, elles sont réputées parvenues à l’OHMI avant l’expiration du délai d’opposition et sont, dès lors, recevables.

68      Il convient, par conséquent, de rejeter le premier grief de la requérante.

 Sur les deuxième, troisième et quatrième griefs, tirés de la violation de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application

 Arguments des parties

69      Par le deuxième grief, qui est également commun à toutes les affaires, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a estimé que les marques et signes antérieurs sur la base desquels l’intervenante avait formé son opposition étaient clairement identifiés. En particulier, la chambre de recours aurait considéré de manière erronée que le fait que plusieurs modèles étaient identifiés par leur numéro de référence et, également, par leurs spécifications apparaissant sous forme de tableau pouvait aider à l’identification par la requérante de ces droits antérieurs.

70      La requérante avance deux arguments à cet égard. Premièrement, elle fait valoir que les spécifications apparaissant sous forme de tableau ne sont pas pertinentes quant aux aspects sur lesquels l’intervenante paraît se fonder, notamment l’apparence externe des produits. Deuxièmement, la chambre de recours aurait omis de tenir compte de ce que ces produits étaient représentés dans un catalogue appartenant à l’intervenante et auquel la requérante n’avait pas accès. La situation de l’espèce se distinguerait ainsi de celle à l’origine de l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Spa Monopole/OHMI – Spaform (SPAFORM) (T‑186/04, Rec. p. II‑2333), dans laquelle la représentation de la marque était accessible par une recherche en ligne dans le registre des marques du Benelux.

71      L’OHMI soutient qu’il convient d’interpréter la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application comme imposant à la partie opposante d’indiquer d’une façon suffisamment claire la marque antérieure sur laquelle l’opposition est fondée pour en permettre l’identification, et ce avant l’expiration du délai d’opposition (arrêt SPAFORM, point 70 supra, point 47).

72      En l’espèce, les marques et signes antérieurs auraient été représentés dans l’annexe A de l’acte d’opposition. Selon l’OHMI, les images en couleurs des outils électriques sont suffisamment claires pour indiquer avec certitude que l’intervenante se fondait sur des droits acquis sur des signes complexes constitués d’une forme et d’une combinaison de couleurs.

73      Selon l’intervenante, il ressort clairement des documents relatifs à l’opposition que celle-ci se fondait sur l’apparence externe des outils électriques décrits dans l’annexe A. Elle aurait également clairement identifié dans l’annexe B, en combinaison avec les représentations des outils électriques figurant à l’annexe A, les droits antérieurs sur lesquels l’opposition se fondait.

74      Enfin, l’intervenante souligne qu’elle s’appuie uniquement sur les pages de ses catalogues qui font partie de ses actes d’opposition.

75      Par le troisième grief, qui concerne uniquement les affaires T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 à T‑247/05 et T‑255/05, la requérante invoque un défaut d’identification des produits pertinents aux fins de l’opposition, révélé par la restriction, après la fin du délai d’opposition, du nombre d’outils sur lesquels l’opposition était fondée. Elle fait observer que la dernière page de l’annexe A consiste en une image représentant quinze outils électriques. Or, ce ne serait qu’après l’expiration du délai d’opposition que l’intervenante aurait indiqué, par le moyen d’une déposition de témoin de M. F. (un préposé de l’intervenante), qu’un seul de ces quinze outils électriques représentés était pertinent aux fins de l’opposition. La requérante en déduit que l’intervenante a essayé d’identifier clairement les marques et signes antérieurs après la date prévue par la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application. Lesdits marques et signes n’auraient donc pas été clairement identifiés avant l’expiration du délai d’opposition. La chambre de recours aurait elle-même commis une erreur en prenant en compte les quinze images au lieu de l’image unique et en concluant, sur cette base, que les marques et signes antérieurs étaient indiqués de façon suffisamment claire.

76      L’OHMI réitère ses arguments selon lesquels les produits ont été correctement identifiés par l’intervenante.

77      Le fait que l’intervenante aurait restreint à un stade ultérieur les droits antérieurs sur lesquels elle se fondait pour former son opposition serait dénué de pertinence. Il serait évident, en effet, qu’une partie opposante peut restreindre le nombre des droits antérieurs sur lesquels elle se fonde, bien qu’elle ne puisse pas en ajouter de nouveaux.

78      L’intervenante fait valoir que, selon la règle 16 du règlement d’application, l’opposante peut présenter des faits, des preuves et des observations à l’appui de l’opposition et que, selon le paragraphe 3 de ladite règle, la présentation de ces éléments peut se faire dans un délai suivant l’ouverture de la procédure d’opposition, que l’OHMI fixe conformément à la règle 20, paragraphe 2, du règlement d’application. Pour chacune des six oppositions concernées, l’OHMI aurait fixé un délai de quatre mois et l’intervenante aurait présenté une explication du fondement de son opposition et une déposition de témoin de M. F., son préposé, avant l’expiration de ce délai. Elle fait valoir que la requérante n’est pas en droit de contester la recevabilité de l’opposition en se fondant sur des preuves et des arguments (en l’occurrence, les dépositions de témoin de M. F.) valablement avancés au stade de l’examen au fond de l’opposition, après que la question de la recevabilité a été tranchée.

79      Par ailleurs, l’intervenante ayant clairement identifié ses marques et signes antérieurs dans l’acte d’opposition, il serait sans pertinence que celle-ci se soit ensuite fondée uniquement sur une partie de ces marques et signes antérieurs (quod non).

80      Enfin, la chambre de recours se serait bornée à décrire le contenu de l’annexe A comme comportant « quinze outils électriques différents ». En revanche, rien n’indiquerait que la chambre de recours a attaché de l’importance à ce fait, ni qu’elle l’a utilisé comme fondement de sa décision.

81      Dans le cadre du quatrième grief, qui concerne uniquement les affaires T‑239/05, T‑240/05, T‑245/05 à T‑247/05 et T‑255/05, la requérante soutient que, en tout état de cause, les marques et signes antérieurs ne pouvaient pas être suffisamment identifiés en raison du fait que les documents fournis étaient en noir et blanc. Elle précise que la dernière page de l’annexe A représentait des outils électriques dont les couleurs n’ont été révélées (comme bleu et blanc, selon la requérante) que lorsque les images en couleurs ont été reçues hors délai. Sur la base des images en noir et blanc, il aurait été impossible, selon la requérante, de deviner les couleurs desdits outils électriques. Par conséquent, les conditions établies par la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application et par le Tribunal dans l’arrêt SPAFORM, point 70 supra, n’auraient pas été réunies. La chambre de recours aurait ainsi commis une erreur en considérant l’opposition comme étant recevable.

82      L’OHMI réitère ses arguments selon lesquels les produits étaient correctement identifiés par l’intervenante (points 71 et 72 ci-dessus).

83      L’intervenante soutient que, les copies en couleurs ayant été valablement déposées, le quatrième grief repose sur une prémisse erronée. À supposer même que les copies en couleurs n’aient pas été valablement déposées, la chambre de recours n’aurait cependant pas commis d’erreur, car la requérante avait déjà vu les copies en couleurs et elle aurait donc été parfaitement au courant de la nature des marques et des signes antérieurs sur lesquels l’intervenante fondait son opposition. De plus, cet argument n’aurait même pas été examiné par la chambre de recours.

 Appréciation du Tribunal

84      À titre liminaire, il convient de relever qu’il résulte d’une lecture conjuguée de l’article 42 du règlement n° 40/94 et des règles 16, 17, 18 et 20 du règlement d’application que le législateur opère une distinction entre, d’une part, les conditions auxquelles doit satisfaire l’acte d’opposition, érigées en conditions de recevabilité de l’opposition, et, d’autre part, la production des faits, preuves et observations ainsi que des pièces justificatives à l’appui de l’opposition, relevant de l’instruction de cette dernière [arrêt du Tribunal du 13 juin 2002, Chef Revival/OHMI – Massagué Marín (Chef), T‑232/00, Rec. p. II‑2749, point 31].

85      Parmi les conditions de recevabilité de l’opposition visées à l’article 42 du règlement n° 40/94 et à la règle 18 du règlement d’application figurent, notamment, le délai de trois mois pour l’introduction de l’opposition, l’intérêt à agir de l’opposant ainsi que les conditions de forme, la motivation et le contenu minimal de l’acte d’opposition (arrêt Chef, point 84 supra, point 32).

86      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’indication claire dans l’acte d’opposition de la marque ou du signe antérieurs prévue par la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application est une condition de recevabilité de l’opposition.

87      Selon la jurisprudence, il convient d’interpréter la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application comme imposant d’indiquer d’une façon suffisamment claire la marque antérieure sur laquelle l’opposition est fondée pour en permettre l’identification, et ce avant l’expiration du délai d’opposition (arrêt SPAFORM, point 70 supra, point 47).

88      À cet égard, il convient également de rappeler que la règle 18 du règlement d’application vise à ce que l’indication de la marque antérieure sur laquelle l’opposition est fondée soit suffisamment claire pour que l’OHMI et l’autre partie à la procédure puissent l’identifier (arrêt SPAFORM, point 70 supra, point 44).

89      En l’espèce, dans chacune des affaires, il n’est pas contesté que l’acte d’opposition a spécifié les pays dans lesquels les marques et signes antérieurs en cause faisaient l’objet d’une protection, les produits sur lesquels l’opposition était fondée et la nature des droits antérieurs. Ainsi, il était indiqué dans chaque acte d’opposition que les droits étaient protégés dans chacun des États membres de la Communauté européenne des Quinze, que les oppositions étaient fondées sur des outils électriques et que, en ce qui concerne uniquement les signes antérieurs, l’opposante était en droit d’interdire l’utilisation des marques communautaires, objets de l’opposition, au Royaume-Uni au titre de l’action en contrefaçon et, dans les autres ordres juridiques européens, au titre du droit national de la concurrence déloyale.

90      Quant à l’identification des marques et des signes antérieurs sur lesquels l’intervenante s’est fondée, l’acte d’opposition dans chacune des affaires indiquait que ces marques et signes antérieurs étaient représentés à l’annexe A. L’annexe A dans chacune des affaires consistait en plusieurs images en couleurs de différents outils électriques, dont la grande majorité était colorée d’une combinaison de jaune et de noir. Certaines images étaient accompagnées d’une description de l’outil ainsi que, pour la plupart, des spécifications (comprenant des numéros de référence de certains modèles) sous forme de tableau.

91      Il convient de constater qu’il ressort, d’une manière suffisamment claire, des informations contenues dans l’acte d’opposition dans chacune des affaires que les oppositions étaient fondées sur l’apparence externe globale des outils électriques spécifiquement identifiés à l’annexe A dont les formes et modèles étaient variés et dont les couleurs étaient majoritairement une combinaison de jaune et de noir, mais également des combinaisons de jaune et de gris métallique, de brun et de gris métallique, et de bleu et de gris métallique.

92      En ce qui concerne l’argumentation de la requérante relative aux numéros de référence des outils électriques, il y a lieu de relever que, au point 17 de chaque décision de la chambre de recours, cette dernière a estimé que « chacun des différents modèles d’outils électriques représenté [était] clairement identifié à l’annexe A, puisque les représentations fournies en noir et blanc, qui [avaient] été transmises par télécopie et confirmées par courrier en couleurs, [étaient] parfaitement claires et précises ». Elle a ajouté que, « [e]n outre, plusieurs modèles étaient identifiés par leur numéro de référence et par leurs spécifications apparaissant sous forme de tableau ».

93      Il ressort ainsi du point 17 de chaque décision de la chambre de recours et de l’utilisation de l’expression « en outre » que la référence aux numéros de référence et aux spécifications des outils constituait un élément additionnel que la chambre de recours a pris en compte pour conclure que les signes antérieurs étaient suffisamment clairement identifiés.

94      Il convient de constater que les numéros de référence ainsi que les spécifications en forme de tableau servent à préciser les modèles d’outils électriques concernés. En apportant cette précision, l’intervenante indiquait quels outils étaient pertinents et, par conséquent, facilitait l’identification des marques et des signes antérieurs en cause. Par conséquent, l’argumentation de la requérante à cet égard doit être rejetée.

95      En ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait omis de tenir compte de ce que les produits de l’intervenante figurant aux annexes A étaient représentés dans un catalogue appartenant à l’intervenante et auquel la requérante n’avait pas accès, il convient de relever que, ainsi que l’intervenante l’a indiqué dans ses plaidoiries, les actes d’opposition doivent être lus dans le sens que l’intervenante s’appuyait uniquement sur les pages de ses catalogues qui faisaient partie de ses actes d’opposition. Il en résulte que la requérante avait accès aux représentations pertinentes aux oppositions. Son argumentation à cet égard doit, dès lors, être rejetée.

96      Quant à l’argumentation de la requérante à l’appui du troisième grief, selon laquelle la chambre de recours aurait omis de tenir compte de la restriction du nombre de droits antérieurs, il y a lieu de relever ce qui suit.

97      Premièrement, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 84 ci-dessus, il convient de distinguer entre, d’une part, les conditions auxquelles doit satisfaire l’acte d’opposition, érigées en conditions de recevabilité de l’opposition, et, d’autre part, la production des faits, preuves et observations ainsi que des pièces justificatives à l’appui de l’opposition, relevant de l’instruction de cette dernière.

98      Deuxièmement, la question de la recevabilité de l’opposition doit être appréciée en fonction des documents déposés au stade de la recevabilité, les preuves et arguments avancés au stade ultérieur de l’examen au fond n’ayant aucune incidence sur la question préalable de la recevabilité. Puisque la question de l’indication claire des marques et des signes antérieurs relève de la recevabilité de l’opposition, elle doit donc être traitée séparément des questions de fond.

99      En l’espèce, dans le cadre de son argumentation concernant la recevabilité des oppositions, la requérante se fonde sur une déposition de témoin avancée par l’intervenante au stade de l’examen au fond des oppositions. Ladite déposition n’étant pas pertinente quant à la question de la recevabilité des oppositions, l’argumentation de la requérante à cet égard doit être rejetée comme non fondée.

100    Il s’ensuit que la chambre de recours était en droit de tenir compte de tous les documents valablement avancés au stade de la recevabilité, telles les images figurant aux annexes A.

101    En ce qui concerne le quatrième grief avancé par la requérante, il convient de constater que celui-ci présuppose que le premier grief est fondé, c’est-à-dire que les versions originales, en couleurs, des oppositions sont irrecevables. Dès lors que ce premier grief a été rejeté comme non fondé, le quatrième grief doit également être rejeté comme non fondé.

102    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que, aux fins de la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’application en tant que condition de recevabilité des oppositions, les informations contenues dans les actes d’opposition, et notamment la représentation des outils électriques en couleurs, accompagnée, dans certains cas, par les numéros de référence des modèles, constituent une indication suffisamment claire des marques et des signes antérieurs sur lesquels les oppositions se fondent.

103    Par conséquent, les recours ne peuvent qu’être rejetés.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mai 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.