Language of document : ECLI:EU:T:2007:140

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 mai 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Indemnité de dépaysement – Recours en annulation – Recours en indemnité – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Notion d’organisation internationale – Résidence habituelle et activité professionnelle principale – Refus rétroactif de l’indemnité de dépaysement – Répétition de l’indu »

Dans l’affaire T‑324/04,

F, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Rhode‑Saint‑Genèse (Belgique), représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. H. Krämer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation des décisions de la Commission refusant au requérant, avec effet rétroactif, l’indemnité de dépaysement et établissant la méthode pour le recouvrement des sommes indûment perçues à ce titre et, d’autre part, une demande de remboursement de toutes les sommes qui ont été ou seront retenues sur le salaire du requérant à partir de février 2004, majorées des intérêts, ainsi qu’une demande en indemnité tendant à la réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre)

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme C. Kristensen,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 69 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci‑après le « statut »), dispose que l’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit.

2        L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut dispose que ladite indemnité est accordée au fonctionnaire :

–        « qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

         et

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération. »

3        La directive interne du directeur de la direction générale (DG) du personnel et de l’administration de la Commission du 24 novembre 1994 (ci‑après la « directive interne de 1994 »), prise à la suite de la conclusion n° 206/94 du collège des chefs d’administration, du 6 octobre 1994, et parue aux Informations administratives du 2 décembre 1994, établit ce qui suit :

« Les organisations répondant aux critères suivants sont considérées comme ‘organisation internationale’ pour l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut :

a)       être internationale de par sa composition, c’est‑à‑dire avoir des membres de  pays différents et être ouverte aux éléments semblables de diverses nations ;

b)       être reconnue par des États ou par des organisations internationales créées  par des États ;

c)       être chargée de missions d’intérêt public par des États ou par des  organisations internationales créées par des États ;

d)       avoir un caractère de permanence et une structure organisée donnant aux  membres le droit périodique de désigner les personnes appelées à diriger  l’organisation (siège permanent, secrétariat, etc.) ;

e)       être sans but lucratif. »

4        Selon l’article 85 du statut, « [t]oute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle‑ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance ».

5        À la suite de l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), l’alinéa suivant a été ajouté à l’article 85 du statut :

« La demande de répétition doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Ce délai n’est pas opposable à l’autorité investie de pouvoir de nomination lorsque celle‑ci est en mesure d’établir que l’intéressé a délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée. »

 Antécédents du litige

6        Le requérant est entré en fonctions à la Commission le 16 septembre 1987 et a été affecté à Luxembourg, où il est resté jusqu’à sa mutation, le 1er avril 1989, à la DG de la concurrence de la Commission à Bruxelles.

7        Par lettre du 18 novembre 2003, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels », unité « Gestion des droits pécuniaires individuels », de la DG « Personnel et administration » (ci‑après l’« unité PMO.1 ») a informé le requérant qu’une vérification de son dossier, effectuée à l’occasion de sa mise à disposition entre le 1er mai et le 30 novembre 2003 auprès de la Generalidad de Cataluña (gouvernement régional de Catalogne) à Barcelone, avait révélé que le bénéfice de l’indemnité de dépaysement avait été maintenu indûment, lors de sa mutation à Bruxelles, car au cours de la période de référence, telle que définie à l’article 4 de l’annexe VII du statut, soit du 16 mars 1982 au 15 mars 1987 (ci‑après la « période de référence »), il avait habité et travaillé en Belgique comme délégué de l’Unión de Empresas Siderúrgicas (Unesid, Union des entreprises sidérurgiques), qui n’est pas une organisation internationale.

8        Dans ladite lettre, il était, en outre, précisé que « le bénéfice de l’indemnité de dépaysement [devait] être supprimé avec effet rétroactif au 1er avril 1989 et remplacé par l’indemnité d’expatriation égale à 4 % du traitement de base [du requérant] ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge » et que les montants perçus indûment feraient l’objet d’une récupération suivant les modalités à convenir avec l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels », unité « Rémunération, missions, experts », de la DG « Personnel et administration » (ci‑après l’« unité PMO.2 »).

9        Dans une deuxième lettre, portant les références de l’unité PMO.2, en date du 8 janvier 2004, le requérant a été informé des modalités de recouvrement sur les rémunérations de février, de mars et d’avril 2004, d’une première somme de 4 945,95 euros, correspondant à la différence entre l’indemnité de dépaysement et celle d’expatriation, ainsi récupérée pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2003.

10      Dans une troisième lettre, en date du 9 février 2004, le chef de l’unité PMO.2 a indiqué au requérant les modalités de recouvrement d’une somme complémentaire de 228 922 euros pour la période comprise entre avril 1989 et septembre 2003, et précisé qu’une somme de 2 080 euros ferait l’objet d’une retenue mensuelle sur sa rémunération, de mai 2004 à mai 2013, et qu’une somme de 2 202 euros serait retenue sur sa rémunération de juin 2013.

11      Le 17 février 2004, le requérant a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à l’encontre de ces décisions.

12      Le même jour, le requérant a envoyé une note à l’attention du chef de l’unité PMO.2 et du gestionnaire de l’unité PMO.2, les informant de l’introduction de la réclamation et demandant la suspension desdites décisions jusqu’à la révision complète de sa situation.

13      Par lettre du 3 mars 2004, le chef de l’unité PMO.2 a décidé de suspendre lesdites décisions et fixé le début des remboursements au 1er septembre 2004.

14      Par décision du 30 juin 2004, le directeur général de la DG  « Personnel et administration », en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN »), a partiellement accueilli la réclamation du requérant, en décidant de limiter, en application de l’article 85, second alinéa, du statut, son obligation de rembourser les montants indûment perçus à ceux perçus pendant les cinq années précédant la décision contestée. Le montant à rembourser par le requérant est ainsi passé de 228 922 euros à 94 828,43 euros.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2004, le requérant a introduit le présent recours.

16      Le même jour, le requérant a introduit une demande en référé qui a fait l’objet d’une ordonnance de radiation à la suite de son désistement, communiqué au greffe par lettre du 3 décembre 2004 (ordonnance du président du Tribunal du 15 décembre 2004, F/Commission, T‑324/04 R, non publiée au Recueil). Il a également présenté une demande d’anonymat à laquelle il a été fait droit.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties y ont déféré dans les délais impartis.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 27 septembre 2006. Au cours de cette audience et au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé au requérant de lui faire parvenir un document.

19      Le 12 octobre 2006, le requérant a déféré à la demande de production documentaire du Tribunal et la Commission a présenté ses observations sur le document produit le 23 octobre 2006. À la suite de la décision du président de la troisième chambre, communiquée aux parties le 19 octobre 2006, seul un extrait dudit document, contenant le tableau chronologique récapitulant les périodes de scolarisation des enfants du requérant, a été versé au dossier.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions de l’unité PMO.1 du 18 novembre 2003 et de l’unité PMO.2 des 8 janvier et 9 février 2004 ;

–        annuler la décision de l’AIPN du 30 juin 2004 portant réponse à sa réclamation ;

–        annuler tout acte consécutif et/ou relatif à ces décisions qui interviendrait postérieurement au présent recours ;

–        ordonner le remboursement de toutes les sommes qui ont été et/ou seront retenues sur son salaire, à partir de février 2004, majorées d’un intérêt de 5,25 % à compter de la date d’introduction de la réclamation ;

–        lui octroyer une indemnité au titre du préjudice moral, évaluée ex aequo et bono à 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, sous réserve d’augmentation en cours de procédure ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

22      Jugeant abusif et vexatoire le recours du requérant, du moins en ce qui concerne ses conclusions indemnitaires, la Commission a demandé, dans son mémoire en duplique, que les dépens soient mis, du moins au pro rata, à la charge du requérant.

 Sur la demande en annulation

A –  Sur l’objet de la demande en annulation

23      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant demande l’annulation de trois décisions qui forment les composantes, respectivement, administrative, financière et comptable d’une seule et même décision de la Commission de supprimer avec effet rétroactif l’indemnité de dépaysement, en la remplaçant par l’indemnité d’expatriation, et de procéder à la répétition de l’indu concernant un trop‑perçu au titre de celle‑ci (ci‑après la « décision attaquée »). Le requérant demande également l’annulation de la décision portant réponse à sa réclamation formée contre lesdites décisions.

24      Or, bien que les conclusions du requérant visent également à l’annulation de cette dernière décision, le présent recours a pour effet de saisir le Tribunal des actes faisant grief contre lesquels la réclamation a été présentée. Il s’ensuit que le chef de conclusions du requérant concernant l’annulation de la décision de la Commission de rejet de sa réclamation se confond avec ceux relatifs à l’annulation des décisions de la Commission susvisées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, point 20, et du 1er avril 2004, Gussetti/Commission, T‑312/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑547, point 41, et la jurisprudence citée).

B –  Sur le fond

25      À l’appui de son recours en annulation, le requérant soulève un moyen unique qui se décompose, en réalité, en deux moyens distincts. Le premier est tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation de fait et de droit. Le second, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de la violation de l’article 85 du statut, ainsi que de la méconnaissance par la Commission des principes de protection de la confiance légitime, de bonne administration et de sollicitude, et d’égalité de traitement.

1.     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation de fait et de droit

26      Dans le cadre du premier moyen, le requérant articule son argumentation en deux branches. Par la première, soulevée à titre principal, le requérant fait valoir que, durant la période de référence, il a effectué des services pour une organisation internationale, à savoir l’Unesid. Par la seconde branche du moyen, soulevée à titre subsidiaire, le requérant soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation dans la détermination du lieu de sa résidence habituelle et d’exercice de son activité professionnelle durant cette même période.

27      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner en premier lieu la seconde branche du premier moyen. En effet, il ressort clairement du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut que la dérogation tirée des services effectués pour une organisation internationale ne s’applique que dans l’hypothèse où ces services ont été accomplis par l’intéressé sur le territoire de son futur pays d’affectation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Fantechi/Commission, T‑51/99, RecFP p. I‑A‑111 et II‑485, point 28).

28      Dès lors, avant d’examiner si le requérant peut se prévaloir de la dérogation tirée de services effectués pour une organisation internationale, qui suppose que ces services aient été accomplis dans l’État du lieu d’affectation, à savoir la Belgique, il convient d’établir si le requérant avait habité ou fixé son centre d’intérêt principal dans ce pays.

a)     Sur la seconde branche du premier moyen, relative aux erreurs d’appréciation commises par la Commission dans la détermination du lieu de résidence habituelle du requérant et d’exercice de son activité professionnelle principale durant la période de référence

 Arguments des parties

29      Le requérant fait observer, à titre liminaire, que son dossier personnel a été consulté, pour la dernière fois, le 31 octobre 2001 et qu’il contient une note du 27 octobre 1987 fixant son lieu d’origine à Barcelone, avec effet au 16 septembre 1987. Le lieu d’origine et le droit à l’indemnité de dépaysement auraient encore été confirmés par une note du 26 avril 1988. À la suite de son transfert à la DG de la Concurrence, il y aurait encore eu une vérification complète de son dossier, le 13 décembre 1990, qui n’aurait fait apparaître aucun problème quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement.

30      Selon le requérant, l’AIPN a considéré, à tort, qu’il aurait habité et travaillé en Belgique sans interruption depuis 1973, y compris durant la période de référence. En particulier, il suggère de nuancer et de replacer dans le contexte de l’époque la note du secrétaire général de l’Unesid du 5 novembre 1986 (ci‑après la « note du secrétaire général de l’Unesid ») contenue dans son dossier personnel et attestant qu’il a travaillé à Bruxelles, en tant que délégué de celle‑ci, depuis 1973.

31      Il rappelle que la notion de dépaysement dépend de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d’intégration dans son nouveau milieu, et il faudrait, cas par cas, déterminer où celui‑ci a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent de ses intérêts, en tenant compte de tous les éléments de fait. En se fondant sur sa présence à Bruxelles en tant que délégué de l’Unesid, l’AIPN aurait fait une analyse incomplète et réductrice de sa situation personnelle et aurait, dès lors, commis une erreur manifeste d’appréciation.

32      Le requérant fait, en outre, observer que, selon une jurisprudence constante, la raison d’être de l’indemnité de dépaysement est de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de liens durables avant son entrée en fonctions. Toute interprétation qui exclurait du bénéfice de ladite indemnité le fonctionnaire qui n’a eu dans ce pays sa résidence habituelle ou n’y a exercé son activité professionnelle principale que pendant une partie de la période de référence méconnaîtrait cette raison d’être (arrêts du Tribunal du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865, point 48, et du 28 septembre 1999, J/Commission, T‑28/98, RecFP p. I‑A‑185 et II‑973).

33      Il précise, également, qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission (T‑4/92, Rec. p. II‑357, points 36 et 37), que les auteurs du statut ont utilisé des termes larges lorsqu’ils ont voulu octroyer aux fonctionnaires l’indemnité de dépaysement, alors qu’ils ont utilisé des termes restrictifs quand ils ont voulu les priver de celle‑ci. Il en découlerait que l’intention du législateur a été d’accorder largement le bénéfice de l’indemnité de dépaysement.

34      Le requérant souligne que l’Unesid n’a eu son bureau de liaison à Bruxelles qu’en 1986, soit à la fin de la période de référence. En effet, pendant les années précédentes, au vu de l’incertitude concernant l’adhésion du Royaume d’Espagne aux Communautés européennes, l’Unesid avait toujours reporté l’installation de son siège à Bruxelles. Pendant ces années, la position de l’Unesid et du requérant aurait eu, dès lors, un caractère temporaire lié aux négociations d’adhésion du Royaume d’Espagne. Le caractère spécifique et temporaire de l’action de l’Unesid serait, par ailleurs, confirmé par le fait que son bureau de liaison à Bruxelles a été vendu, en juillet 2002, à la suite de l’expiration du traité CECA. Néanmoins, l’Unesid avait entrepris, depuis 1974 et durant la période de référence, un certain nombre d’activités, dans le cadre desquelles le requérant avait pour mission de préparer les entreprises espagnoles à l’adhésion du Royaume d’Espagne aux Communautés européennes et d’entretenir des contacts réguliers avec la Commission, sans que cela ait impliqué une présence permanente de l’association à Bruxelles. Pour faciliter l’exercice de ses fonctions, l’Unesid aurait attribué une bourse de recherche au requérant, qui se serait inscrit à l’université libre de Bruxelles et aurait possédé, de ce fait, le statut d’étudiant entre 1974 et 1976. En même temps, l’Unesid aurait prélevé à la source le montant de ses impôts sur les revenus dus en Espagne.

35      Le requérant précise avoir travaillé pour l’Unesid soit à Bruxelles, soit auprès des entreprises espagnoles, mais conteste avoir été le délégué de l’Unesid à Bruxelles depuis 1973, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la note du secrétaire général de celle-ci. À cet égard, il fait valoir, d’une part, qu’il assistait l’Unesid auprès de la Commission, de la Confédération européenne de la sidérurgie (Eurofer) et de l’Institut international du fer et de l’acier (IISI), en utilisant deux adresses, l’une à Bruxelles et l’autre à Madrid, et, d’autre part, qu’il s’occupait, en même temps et surtout, de sociétés familiales en Espagne, dont il était actionnaire. L’AIPN aurait été, d’ailleurs, parfaitement informée de cette situation. Il ressortirait, en effet, d’une note du 31 août 1993, contenue dans le dossier personnel du requérant, que la Commission avait fixé ses droits à pension, acquis auprès de l’Office national des pensions belge de 1977 à 1980, à seulement 5 mois et 29 jours. Pendant cette période, en outre, le requérant affirme avoir été soumis à l’impôt des non‑résidents en Belgique, ce qui démontrerait qu’il n’avait pas ses revenus principaux dans ce pays.

36      Le requérant fait également valoir que, depuis septembre 1981 et pendant la période de référence, il était inscrit comme avocat au barreau de Barcelone et que, à ce titre, il avait été inscrit en Espagne à la mutualité des avocats, et immatriculé à la sécurité sociale ainsi que sa famille. En tant qu’avocat espagnol, il aurait, dès lors, travaillé hors d’Espagne sur le fondement du principe de libre prestation des services, et non sur celui du droit d’établissement. Ses prestations accomplies à l’étranger seraient ainsi non stables et de nature occasionnelle. Il aurait, en outre, toujours payé les cotisations sociales en Espagne et y aurait acquis des droits à pension. Selon le requérant, cette situation était bien connue de l’AIPN, comme le démontrerait une note du 20 octobre 2000, contenue dans son dossier personnel, concernant le rachat de droits à pension, consenti par le Royaume d’Espagne dès 2000. En définitive, pendant la période de référence, le requérant n’aurait été qu’un collaborateur indépendant de l’Unesid, étant, en même temps, le conseil d’autres clients et d’autres entreprises. Sa collaboration avec l’Unesid se serait faite sur le fondement de prestations de services régies par la législation espagnole, y compris les prestations de sécurité sociale et les cotisations à la mutualité des avocats et, pour cette collaboration ainsi que pour celles avec la Generalidad de Cataluña, il aurait été soumis à l’impôt sur le revenu en Espagne. Cela expliquerait également le fait qu’il avait indiqué sur la fiche de renseignements que son activité professionnelle relevait du secteur privé, et non d’une organisation internationale.

37      Ce serait seulement en 1986, après l’adhésion du Royaume d’Espagne aux Communautés européennes, que l’Unesid aurait proposé au requérant, par lettre du 3 mars 1986, de devenir son délégué à Bruxelles, poste qu’il aurait refusé. Le requérant attire l’attention, en particulier, sur deux éléments de cette offre de travail. Le premier concerne l’affirmation selon laquelle le « conseil de direction » avait pris la décision d’établir à Bruxelles une délégation officielle de l’association. Le second précise qu’au salaire de base s’ajoutaient d’une part une indemnité pour le déplacement à Bruxelles, ce qui démontrerait qu’antérieurement le requérant n’était pas considéré comme travaillant hors d’Espagne, et, d’autre part, une indemnité au titre du caractère exclusif du travail effectué en faveur de l’Unesid, ce qui démontrerait implicitement qu’avant cette offre il exerçait d’autres activités professionnelles.

38      L’Unesid n’aurait pas eu, par ailleurs, d’existence légale en Belgique. S’agissant de cet aspect, le requérant fait valoir que c’est à tort que la Commission considère contradictoire et incompatible, d’une part, l’absence d’existence légale en Belgique et, d’autre part, la qualification d’« organisation internationale » de l’Unesid. Selon lui, il est tout à fait normal, contrairement à ce que soutient la Commission, qu’une organisation, ayant son siège statutaire dans un pays, ait également un bureau de représentation dans un autre pays et que cette situation n’a aucune influence sur la nature de ladite organisation.

39      Quant à sa situation fiscale, le requérant précise que, de 1977 à 1980, il était résident en Espagne et non résident fiscal en Belgique, tandis que, entre 1981 et 1987, il était, à tous égards, résident en Espagne. Il affirme que les autorités belges et espagnoles ont considéré, sur la base de la convention conclue en 1970 entre le Royaume d’Espagne et le Royaume de Belgique afin d’éviter la double imposition sur les revenus (ci‑après la « convention relative à la double imposition »), notamment ses articles 4, 5 et 14, qu’il était résident en Espagne, et que, pendant ses séjours à Bruxelles, il ne possédait pas d’établissement fixe pour l’exercice de son activité professionnelle susceptible de le soumettre à l’imposition fiscale en Belgique.

40      Ensuite, le requérant énumère un certain nombre d’autres activités qu’il aurait exercées durant la période de référence et qui relèveraient de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII. Tout d’abord, il soutient avoir participé aux activités du groupe European Progressive Democrats du Parlement européen (ci‑après le « groupe EPD »), comme conseiller stagiaire à partir de mai 1982, et que, durant cette période, il a exercé ses activités à Luxembourg, à Strasbourg et à Bruxelles, ayant également organisé des réunions en Espagne. En juillet 1982, il aurait été à l’origine de la création du Patronat Català Pro Europa à Barcelone et serait devenu membre de son conseil de direction en mars 1985. Toujours en 1982, il aurait effectué des études pour la Generalidad de Cataluña concernant l’impact de l’adhésion du Royaume d’Espagne sur le secteur du textile et des télécommunications. Le même organisme lui aurait proposé une nouvelle collaboration, en 1984, pour l’élaboration du livre blanc sur la politique de la Communauté économique européenne et les technologies de l’information. Entre 1984 et 1985, il aurait, également, collaboré avec les autorités gouvernementales d’un pays tiers.

41      Pour ce qui est de la notion de résidence habituelle, le requérant précise qu’elle doit s’entendre comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Par ailleurs, l’élément fondamental qui servirait à identifier la résidence habituelle et qui ferait l’objet d’un contrôle du Tribunal serait celui d’avoir habité sans interruption, pendant la période de référence, dans le pays de recrutement.

42      À cet égard, il indique avoir gardé son domicile en Espagne durant toute la période de référence et ne pas avoir travaillé pendant toute cette période en Belgique. En effet, il aurait séjourné simultanément en Espagne, en Belgique et en Suède, son épouse étant suédoise, en fonction de son emploi du temps, de ses activités fort diversifiées et de la nécessité d’être présent, selon les périodes, à Bruxelles pour l’Unesid, afin de maintenir des contacts avec l’Eurofer ou l’IISI ou encore avec les services de la Commission et le groupe EPD.

43      Le requérant s’appuie, à cet égard, sur un tableau, rédigé par lui‑même, qui indique les voyages qu’il aurait effectués durant toute la période de référence et qui démontrerait qu’il a passé de longues périodes tant en Espagne, qu’en Suède ou en Belgique, et qu’il n’a, par conséquent, jamais résidé de façon habituelle et ininterrompue en Belgique. Le requérant conteste l’interprétation dudit document faite par la Commission, selon laquelle il y aurait des incohérences sur les dates indiquées. Il explique que, en réalité, ces dates correspondent à des voyages d’affaires en avion, tandis que, entre-temps, il avait également effectué des voyages d’ordre familial en voiture, pour lesquels il ne détient pas, aujourd’hui, d’éléments de preuve.

44      Le requérant conteste également la thèse de la Commission selon laquelle la localisation des activités économiques n’est pas un critère envisagé par l’article 4 de l’annexe VII du statut, et que lui‑même n’aurait pas nié avoir eu sa résidence habituelle à Bruxelles. Il présente, à ce propos, certains documents desquels il résulterait qu’il résidait en Espagne, à savoir sa carte d’identité, sa carte d’inscription à la mutualité des avocats, ainsi que la preuve de son immatriculation à la sécurité sociale.

45      En conclusion, le requérant fait observer que la nouvelle vérification de son dossier est intervenue à l’occasion de sa mise à disposition de la Generalidad de Cataluña, du 1er mai au 30 novembre 2003, c’est‑à‑dire pendant une période de 7 mois. Or, il ressortirait de l’article 14 de la décision de la Commission du 5 janvier 1995, relative à la mise à disposition de fonctionnaires communautaires [C (94) 3895 final] (ci‑après la « décision relative à la mise à disposition de fonctionnaires »), que ce serait seulement lors d’une mise à disposition d’une durée égale ou supérieure à neuf mois que « [l]es droits pécuniaires, notamment à l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation, [seraient] définis sur [la] base de [l]a nouvelle affectation », circonstance qui justifierait une nouvelle vérification du dossier. En vertu de l’article 11 de ladite décision, « le fonctionnaire, mis à disposition pour une durée inférieure à neuf mois, perçoit pendant cette période la rémunération correspondant à sa position administrative affectée du coefficient correcteur à son lieu d’affectation », ce qui ne légitimerait pas une vérification complète du dossier personnel. Par conséquent, le requérant estime que soit l’AIPN a mal interprété ladite décision, soit, plus vraisemblablement, d’autres raisons non avouées l’ont conduite à un réexamen de son dossier.

46      La Commission conteste ces arguments et soutient que le moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

47      Selon une jurisprudence bien établie, dans le cadre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, la raison d’être de l’indemnité de dépaysement est de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de liens durables avant son entrée en fonctions (arrêts Vardakas/Commission, point 33 supra, point 39, et J/Commission, point 32 supra, point 32). La notion de dépaysement dépend de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d’intégration dans son nouveau milieu, résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l’exercice antérieur d’une activité professionnelle principale (arrêts de la Cour du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83, Rec. p. 1253, point 13, et du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 20 ; arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Dedeu i Fontcuberta/Commission, T‑299/02, RecFP p. I‑A‑303 et II‑1377, point 61).

48      Quant à la notion de résidence habituelle, elle a été interprétée de manière constante par la jurisprudence comme étant le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. En outre, la notion de résidence implique, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux normaux (arrêts du Tribunal du 24 avril 2001, Miranda/Commission, T‑37/99, RecFP p. I‑A‑87 et II‑413, point 32, et du 4 juin 2003, Del Vaglio/Commission, T‑124/01 et T‑320/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑767, point 71).

49      Il s’agit donc d’une question factuelle exigeant la prise en considération de la résidence effective du fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec. p. II‑971, point 27). Aux fins de déterminer la résidence habituelle, il importe également de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle‑ci (arrêt du Tribunal du 15 juillet 2004, Valenzuela Marzo/Commission, T‑384/02, RecFP p. I‑A-235 et II‑1035, point 81).

50      La période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut se situe entre le 16 mars 1982 et le 15 mars 1987, le requérant étant entré en fonctions six mois après cette dernière date, à savoir le 16 septembre 1987.

51      En l’espèce, il importe d’examiner s’il y a eu, en ce qui concerne le requérant, une absence de résidence habituelle ou d’activité professionnelle principale sur le territoire de son État d’affectation durant la totalité de la période de référence.

52      En effet, toute interprétation qui exclurait du bénéfice de l’indemnité de dépaysement le fonctionnaire qui a eu dans le pays de son futur lieu d’affectation sa résidence habituelle ou y a exercé son activité professionnelle principale pendant une partie seulement de la période de référence méconnaîtrait la raison d’être de cette indemnité (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, E/Commission, T‑251/02, RecFP p. I‑A‑359 et II‑1643, point 70).

53      Il y a lieu, tout d’abord, de préciser que, contrairement à ce que soutient le requérant, le fait que la Commission a fixé son lieu d’origine en Espagne ne saurait avoir une quelconque influence sur la solution du présent litige, la détermination du lieu d’origine du fonctionnaire, d’une part, et l’octroi de l’indemnité de dépaysement, d’autre part, répondant à des besoins et à des intérêts différents (voir arrêt du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, point 49 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

54      Or, selon le requérant, la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits, car sa résidence habituelle et son centre d’intérêts, ainsi que le lieu d’exercice de son activité professionnelle, pendant la période de référence se trouvaient en Espagne et non en Belgique. Ce serait, en effet, à tort que la Commission se serait fondée sur la note du secrétaire général de l’Unesid pour en déduire qu’il était au service de cette organisation à Bruxelles depuis 1973. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il suffit qu’un seul des critères visés à l’article 4 de l’annexe VII du statut, à savoir la résidence habituelle ou l’activité professionnelle principale, soit concrétisé dans le lieu d’affectation du fonctionnaire pour que celui‑ci ne puisse pas bénéficier de l’indemnité de dépaysement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2000, Reichert/Parlement, T‑18/98, RecFP p. I‑A‑73 et II‑309, point 30).

55      S’agissant de l’attestation du secrétaire général de l’Unesid, que le requérant a confirmé, au cours de l’audience, avoir présentée en annexe à sa candidature, il convient d’observer qu’elle certifie que le requérant « [d]élégué de l’Unesid [au] bureau de Bruxelles [de l’Unesid], Rond Point Schuman 9, est [au] service [de celle‑ci] depuis 1973 en vue de [l’]assister dans [ses] relations avec les Communautés européennes ».

56      Or, s’il est vrai que, à la seule lecture de cette attestation, il ne saurait être déduit que, depuis 1973 et durant toute la période de l’activité du requérant auprès de l’Unesid, il était à Bruxelles, il n’en demeure pas moins qu’aucun des éléments de preuve rapportés par le requérant ne démontre de manière irréfutable qu’il n’avait pas sa résidence habituelle ou son activité professionnelle principale en Belgique et que celles‑ci étaient situées en Espagne.

57      Il convient, dès lors, d’examiner si le lieu de sa résidence effective ou celui de son activité professionnelle principale peuvent être établis par un faisceau d’indices conformes non équivoques et non contradictoires.

58      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le requérant indique que son activité pour l’Unesid s’effectuait tant à Bruxelles qu’auprès des entreprises espagnoles et qu’en même temps il s’occupait des sociétés familiales établies en Espagne.

59      Or, pour ce qui est de ses activités auprès des sociétés familiales, le Tribunal constate, en premier lieu, que le requérant n’assortit pas ses allégations d’éléments de preuve concluants. Les seuls portés à la connaissance du Tribunal, bien qu’une question écrite précise ait été posée sur ce point, concernent la lettre attestant sa nomination en tant que directeur du département international d’Arco SA, en date du 23 juillet 1973, ainsi que des cartes de visite attestant qu’il était conseiller des départements internationaux de la même société et de l’Institut ECO, tous les deux ayant une adresse en Espagne. Aucune autre information utile aux fins de l’appréciation de ces activités au sein des sociétés familiales n’est apportée, à savoir, par exemple, le lieu de déroulement et la durée de celles‑ci. Dès lors, au vu des seuls éléments produits, il n’est pas prouvé que ces fonctions comportaient l’exercice d’une activité professionnelle effective du requérant en Espagne et, en tout état de cause, que cette dernière a été exercée durant la période de référence.

60      En second lieu, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort clairement de l’acte de candidature du requérant, daté du 8 novembre 1986 (ci-après l’« acte de candidature »), celui-ci a travaillé pour Arco de novembre 1969 à février 1970, d’avril à août 1971, et de septembre 1972 à janvier 1973, toutes ces périodes se situant en dehors de la période de référence. Par ailleurs, il ressort également de l’acte de candidature qu’il a exercé son activité professionnelle, à partir de 1973 et durant toute la période de référence, pour le compte de l’Unesid.

61      L’argument du requérant selon lequel son travail pour l’Unesid s’effectuait également auprès d’entreprises espagnoles et en dehors de la Belgique ne ressort clairement d’aucune pièce du dossier. En revanche, il pourrait être déduit de l’acte de candidature, ainsi que de la note du secrétaire général de l’Unesid, que, compte tenu de l’objet du travail du requérant pour cette dernière, à savoir l’assister dans ses relations avec les Communautés, son activité ne pouvait que se dérouler principalement à Bruxelles, ce qui n’exclut pas qu’il se soit déplacé sporadiquement dans d’autres pays pour des raisons professionnelles. Par ailleurs, le requérant indique, dans l’acte de candidature, qu’il a séjourné en Belgique, entre 1971 et 1986, pour des études et pour son travail.

62      Quant à l’argument selon lequel l’Unesid n’a eu un siège à Bruxelles qu’en 1986, cela n’exclut pas le fait que le requérant ait pu y effectuer son travail pour le compte de celle‑ci. Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’allégation du requérant selon laquelle l’Unesid ne lui a proposé le poste de « délégué » à Bruxelles qu’en 1986, poste qu’il aurait refusé. En effet, il y a lieu de relever, premièrement, que cette affirmation ne ressort pas clairement du dossier et qu’elle est contredite par la note du secrétaire général de l’Unesid, dans laquelle il est fait mention, huit mois après la lettre lui offrant le poste qu’il affirme avoir refusé, que le requérant était toujours son délégué à Bruxelles.

63      Deuxièmement, s’agissant plus particulièrement des éléments de cette offre d’emploi de délégué mis en exergue par le requérant, à savoir le fait qu’elle attesterait que le « conseil de direction » de l’Unesid avait pris la décision d’établir à Bruxelles une délégation officielle seulement en 1986 et la circonstance qu’elle avait prévu des indemnités en faveur du requérant pour se déplacer à Bruxelles et pour travailler exclusivement en faveur de l’Unesid, ils ne sauraient démontrer, contrairement à ce que soutient le requérant, que, avant cette décision et la prévision d’indemnité de déplacement, il était considéré comme ayant résidé en Espagne où il avait d’autres activités professionnelles qu’il exerçait parallèlement à celle exercée pour l’Unesid. À cet égard, le requérant ne saurait reprocher à la Commission de faire une mauvaise interprétation de ces éléments, car c’est à lui qu’il incombe de supporter la charge de la preuve et de démontrer que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

64      Le requérant fait valoir, en outre, que ses liens avec l’Unesid n’étaient pas exclusifs et qu’il exerçait parallèlement sa profession d’avocat à Barcelone et à Madrid, étant inscrit, depuis septembre 1981, au barreau de Barcelone, et que son travail en dehors de l’Espagne s’effectuait sur le fondement du principe de la libre prestation de services et non sur celui du droit d’établissement. Cette affirmation n’est étayée par aucun élément de preuve déterminant. En effet, dans son acte de candidature, le requérant déclare être avocat au barreau de Barcelone, mais il n’y a aucune mention spécifique de la durée de cette activité, ni, surtout, de son contenu. Cet élément contraste avec le nombre important de détails apportés dans le même acte de candidature à l’égard de son travail effectué pour l’Unesid (descriptif complet et mention explicite d’une durée de 161 mois).

65      En outre, en réponse aux questions écrites et à celles posées lors de l’audience, le requérant a précisé que, en substance, son activité d’avocat se confondait avec celle de conseiller auprès des entreprises familiales et que cela avait été possible en raison du large éventail d’activités qui sont permises aux avocats exerçant leur profession en Espagne. À cet égard, il y a lieu de relever que, même s’il est constant que le requérant possédait le titre d’avocat pendant la période de référence, cela ne signifie pas qu’il exerçait effectivement cette profession en tant qu’activité principale et majoritaire en Espagne. En tout état de cause, la valeur probante de cet élément est largement affaiblie par la constatation selon laquelle, ainsi qu’il ressort du dossier et des déclarations du requérant à l’audience, il est encore aujourd’hui inscrit au barreau et à la mutualité des avocats en Espagne, bien qu’il soit constant qu’il n’exerce plus la profession d’avocat, mais travaille en tant que fonctionnaire à temps plein à la Commission.

66      Il y a lieu, en outre, de constater la nature contradictoire de l’argumentation du requérant. En effet, il soutient, dans la réplique, que sa situation depuis les années 70 était claire, en ce sens qu’il a toujours été avocat en Espagne, avec un bureau à Madrid ou à Barcelone et, en même temps, collaborateur indépendant de l’Unesid. Cette affirmation n’est cependant guère crédible, puisqu’il ressort du dossier qu’il n’a été inscrit au barreau de Barcelone qu’en 1981. Il s’ensuivrait que son activité principale, pour la période de 1973 à 1981, serait, en substance, le travail effectué pour le compte de l’Unesid. Quant aux années postérieures, à savoir celles de la période de référence, aucun élément factuel du dossier ne démontre un changement dans la nature des liens professionnels unissant le requérant à l’Unesid, à la suite de son inscription au barreau. Bien que le Tribunal ait posé une question écrite sur ce point, visant à établir si, à partir de 1981, l’activité exercée par le requérant en faveur de l’Unesid avait subi une modification quelconque, tous les documents produits par le requérant ne concernent qu’une période antérieure à celle de référence et n’éclairent pas le Tribunal sur la nature des liens professionnelles qu’il entretenait avec l’Unesid.

67      En ce qui concerne, plus particulièrement, les relations unissant le requérant à l’Unesid avant la période de référence, il convient de rappeler que cette dernière lui a attribué une bourse de recherche pour faciliter l’exercice de ses fonctions, de 1974 à 1976, et a également négocié, selon ses dires, avec les autorités fiscales belges sa position fiscale en Belgique en tant que non‑résident, pour les années 1977 à 1980. Or, bien que ces informations concernent une période antérieure à celle de référence, elles revêtent une importance particulière pour l’appréciation de la situation du requérant, car elles contribuent à démontrer que la période de référence s’inscrit dans une continuité en ce qui concerne la présence et l’activité professionnelle du requérant en Belgique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission, 201/88, Rec. p. 3109, points 10 et 11).

68      Quant aux autres activités du requérant exercées auprès du groupe EPD, du Patronat Català Pro Europa, de la Generalidad de Cataluña et des autorités gouvernementales d’un pays tiers, il suffit de constater, indépendamment de la réponse à la question de savoir si elles doivent être considérées comme des services effectués pour une organisation internationale ou pour un État, que ces activités ont été exercées par le requérant à titre accessoire et qu’aucun élément du dossier présenté au Tribunal ne permet de conclure le contraire.

69      Or, pour bénéficier de la dérogation prévue par le statut pour les services effectués pour un autre État ou une organisation internationale, seule une activité exercée à titre principal peut être prise en considération (arrêt du Tribunal du 30 juin 2005, Olesen/Commission, T‑190/03, RecFP p. I‑A‑181 et II‑805, point 62). Il s’ensuit que le requérant ne saurait utilement se prévaloir d’avoir exercé ces activités afin de bénéficier de ladite exception.

70      Il n’est pas non plus établi que des liens juridiques directs existaient entre le requérant et les organismes en question. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut doit être interprété en ce sens qu’il exige que, pour bénéficier de l’exception qui y est contenue, l’intéressé ait, au moins, eu des liens juridiques directs avec l’institution en cause (arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement, T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189, point 36).

71      En revanche, il convient de relever que, pour autant que certaines de ces activités ont eu lieu, majoritairement, à Bruxelles, elles constituent, même si elles peuvent être considérées comme accessoires à son activité principale, un élément pertinent dans la détermination du centre principal des intérêts du requérant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489, point 60).

72      Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que c’est à juste titre que la Commission a considéré que le lieu où le requérant a exercé son activité professionnelle principale, pendant la période de référence, était la Belgique et non l’Espagne.

73      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, même si le requérant exerçait certaines activités professionnelles en Espagne, cela ne signifie pas que le centre permanent de ses intérêts, déterminant le lieu de sa résidence habituelle, s’y trouvait également. En effet, une telle interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII aurait pour conséquence de réduire les deux conditions négatives qui y sont prévues, l’une visant la résidence habituelle et l’autre le lieu de l’exercice de l’activité professionnelle principale, à une seule (voir, en ce sens, arrêt E/Commission, point 52 supra, point 73).

74      Afin de démontrer que sa résidence était en Espagne, le requérant affirme que, de 1981 à 1987, il était résident fiscal dans ce pays. À ce propos, il fait valoir que les autorités belges et espagnoles ont considéré, sur la base de la convention relative à la double imposition, qu’il était résident en Espagne, et que, pendant ses séjours à Bruxelles, il ne possédait pas d’établissement fixe pour l’exercice de son activité professionnelle susceptible de le soumettre à l’imposition fiscale en Belgique.

75      Il s’appuie, également, sur plusieurs documents, à savoir sa carte d’identité espagnole, sa carte d’inscription à la mutualité des avocats et son immatriculation à la sécurité sociale en Espagne.

76      Or, même en admettant que certains de ces éléments puissent révéler que le requérant avait des liens durables avec son pays d’origine, il s’agit d’éléments purement formels qui ne permettent pas d’établir la résidence effective de celui‑ci pendant la période de référence. En effet, le fait de renouveler ses documents d’identité officiels, d’avoir conservé le bénéfice du régime d’assurance maladie en Espagne et d’y être domicilié fiscalement, ne permet pas d’établir, à lui seul, que le centre permanent des intérêts du requérant se situait encore dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt Liaskou/Conseil, point 71 supra, point 63).

77      En ce qui concerne, plus particulièrement, le paiement d’impôts en Espagne, en vertu de l’application de la convention relative à la double imposition, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, bien que le requérant ait affirmé que l’application de cette convention visait à la fois la période allant de 1977 à 1980 et celle allant de 1981 à 1987, il ressort des pièces versées au dossier que seule la première de ces périodes pourrait éventuellement être concernée par l’application de ladite convention. En effet, l’on peut déduire des extraits de rôle provenant du ministère des Finances belge, tous relatifs à l’impôt de non‑résidents, que le requérant a bénéficié d’un dégrèvement d’impôts pour les exercices d’imposition précédant la période de référence. En revanche, pour les années couvertes par la période de référence, le requérant se borne à produire ses déclarations d’impôts en Espagne, sans toutefois étayer quelle serait la décision prise à son égard par les autorités belges ou espagnoles, en vertu de ladite convention. De telles déclarations étant susceptibles de résulter d’une décision unilatérale du requérant de payer ses impôts en Espagne, elles sont insuffisantes pour prouver, à elles seules, une résidence stable et effective dans ce pays. Par ailleurs, le fait que le requérant ait payé l’impôt sur le revenu en Espagne n’exclut pas qu’il ait également travaillé, dans une grande mesure, en Belgique pour l’Unesid.

78      En tout état de cause, à titre surabondant, il y a lieu de relever que, à supposer que le paiement d’impôts en Espagne ait été effectué en vertu de la convention relative à la double imposition, ce paiement, loin de démontrer, comme le prétend le requérant, que son centre d’intérêts était situé en Espagne pendant la période de référence, atteste précisément qu’il s’était déplacé, durant la période susvisée, en dehors du territoire espagnol et, partant, qu’il habitait et travaillait, de manière habituelle, dans un autre pays, en l’occurrence la Belgique, sinon ladite convention ne serait pas applicable.

79      Il y a lieu, en outre, de constater que le requérant n’a produit aucune preuve attestant l’occupation d’un domicile ou l’existence d’une résidence effective en Espagne. En revanche, il ressort du dossier que l’adresse qui figure sur toutes ses cartes d’identité, à partir de celle délivrée le 29 mai 1973 jusqu’à celle délivrée le 25 avril 1995, demeure celle du domicile de sa mère, indiquée dans l’acte de candidature.

80      La force probante de ces documents d’identité est, de surcroît, infirmée par le fait que le requérant présente également sa carte d’identité espagnole, valable de 1995 à 2005 et portant la même adresse que celle indiquée sur les cartes d’identité délivrées auparavant, alors qu’il est constant que, pendant toute cette période, il était fonctionnaire à la Commission et résidait effectivement en Belgique, conformément à l’article 20 du statut.

81      Quant à son inscription au barreau de Barcelone et à la mutualité des avocats en Espagne, ainsi qu’il a été relevé au point 65 ci‑dessus, celles‑ci ne sauraient être prises en compte, dès lors que, à ce jour, le requérant admet lui-même avoir continué à être inscrit au barreau et à la mutualité des avocats en Espagne, malgré le fait qu’il réside en Belgique.

82      De surcroît, ainsi que le fait observer la Commission, la lettre comportant l’offre de travail pour l’Unesid, datée du 3 mars 1986, ainsi que son acte de candidature font tous deux état d’une adresse du requérant en Belgique. En effet, dans l’acte de candidature le requérant indique son adresse en Belgique non seulement comme adresse de correspondance mais également comme adresse de sa résidence permanente, alors que son adresse à Barcelone, à laquelle il soutient avoir habité pendant la période de référence, n’est indiquée qu’en tant qu’adresse du domicile de sa mère (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 juin 1987, Von Neuhoff von der Ley/Commission, 61/85, Rec. p. 2853, point 8). Le requérant, interrogé sur ce point à l’audience, affirme, en substance, qu’il a, après l’adhésion du Royaume d’Espagne en 1986, envisagé de s’installer à Bruxelles dans la perspective d’y travailler pour les institutions communautaires et que c’est pour cette raison qu’il aurait loué une maison en Belgique, où il réside encore à ce jour. Cet argument ne saurait être retenu. En effet, il ressort de l’acte de candidature que le requérant a clairement indiqué qu’il souhaitait être affecté au Luxembourg, où par ailleurs était située la direction générale pour laquelle il postulait. Une adresse du requérant en Belgique apparaît, en outre, dans la lettre qu’il a envoyée au secrétaire général du groupe EPD, en date du 18 mai 1982, annexée à la réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, ainsi que dans d’autres documents versés au dossier portant des dates antérieures à la période de référence.

83      Il est constant, en outre, que le requérant s’est marié en Belgique et que ses deux enfants y sont nés, respectivement, en 1976 et en 1978. Il ressort également du tableau chronologique récapitulant les périodes de scolarisation de ses deux filles, produit par le requérant à la demande du Tribunal, que, en raison de leur âge, elles ont été scolarisées en Belgique, l’aînée depuis le 1er septembre 1983 et la cadette depuis le 1er septembre 1985. Quant aux autres établissements scolaires ou jardins d’enfants éventuellement fréquentés par ses deux filles pendant les premiers mois de la période de référence, il suffit de constater que le requérant, interrogé à l’audience sur ce point, n’a pas été à même de les indiquer.

84      Le requérant fait, en outre, valoir que le caractère habituel de la résidence n’est confirmé que si l’intéressé a habité sans interruption dans le pays d’affectation pendant la période de référence. Pour établir le caractère non continu de sa présence en Belgique, il produit un tableau de ses déplacements, qu’il qualifie, dans sa réplique, de voyages de travail. Or, il suffit de constater que la plupart de ces voyages s’effectuent au départ de la Belgique et plusieurs séjours mentionnés correspondent à des périodes de vacances.

85      Indépendamment de la fiabilité de ce tableau, et contrairement à ce que soutient le requérant, ces déplacements revêtent un caractère précaire et ne font pas apparaître que le centre permanent de ses intérêts se situait en Espagne. Au contraire, étant donné que le lieu de départ, indiqué dans ce document, est souvent la Belgique, ces déplacements démontrent plutôt que c’est en Belgique qu’il avait situé le centre permanent de ses intérêts.

86      Selon la jurisprudence, de telles absences du pays d’affectation, sporadiques et de brève durée, lesquelles, de plus, n’étaient pas caractérisées par l’intention de l’intéressé d’établir le centre de ses intérêts dans un autre État, ne sauraient être considérées comme suffisantes pour faire perdre à la résidence du requérant dans l’État d’affectation son caractère habituel, au sens de la disposition visée du statut (arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 11).

87      Au demeurant, si l’on devait admettre que ces déplacements attestent les liens sociaux et familiaux conservés par le requérant avec son pays natal, qui, par ailleurs, ne sont que des liens usuels que les personnes gardent avec le pays où vivent leurs parents et dans lequel elles ont longtemps habité, ceux‑ci ne permettent pas de démontrer que sa résidence habituelle se situait dans ledit pays (voir, en ce sens, arrêt Liaskou/Conseil, point 71 supra, point 64).

88      Au vu de ces considérations, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la Commission a considéré que la résidence habituelle du requérant était située en Belgique et non en Espagne.

89      Enfin, quant à l’argument du requérant selon lequel sa mise à disposition auprès de la Generalidad de Cataluña ne légitimait pas une vérification de son dossier de la part de la Commission, le Tribunal estime qu’il est dénué de toute pertinence.

90      En effet, s’il est vrai que l’article 14 de la décision relative à la mise à disposition de fonctionnaires communautaires exige une révision des droits financiers d’un fonctionnaire détaché pour plus de neuf mois, ce fait ne saurait être interprété, ainsi que le relève la Commission, en ce sens que, dans un autre cas de figure, il ne serait pas permis à la Commission d’effectuer une vérification sur le dossier personnel d’un fonctionnaire.

91      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas parvenu à démontrer que, en considérant qu’il a, de manière habituelle, résidé et exercé son activité professionnelle principale en Belgique pendant la totalité de la période de référence et que le centre de ses intérêts se trouvait dans ce pays, la Commission a commis une erreur d’appréciation et violé l’article 4 de l’annexe VII du statut.

92      Il convient dès lors de rejeter le moyen pris en sa seconde branche.

b)     Sur la première branche du premier moyen, relative à l’interprétation de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut

 Arguments des parties

93      Le requérant fait valoir que l’indemnité de dépaysement lui est due, car il ne faut pas tenir compte de toute la période au cours de laquelle il a travaillé à Bruxelles pour l’Unesid, dès lors que celle‑ci doit être considérée comme une organisation internationale au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

94      Ladite organisation remplirait, en effet, au cours de la période de référence, les cinq conditions cumulatives prévues dans la conclusion n° 206/94 du collège des chefs d’administration du 6 octobre 1994, concernant la notion d’organisation internationale au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut, à savoir, premièrement, être internationale de par sa composition, c’est‑à‑dire avoir des membres de pays différents et être ouverte aux éléments semblables de diverses nations ; deuxièmement, être reconnue par des États ou par des organisations internationales créées par des États ; troisièmement, être chargée de missions d’intérêt public par des États ou des organisations internationales créées par des États ; quatrièmement, avoir un caractère de permanence et une structure organisée donnant aux membres le droit périodique de désigner les personnes appelées à diriger l’organisation (siège permanent, secrétariat, etc.) ; cinquièmement, être sans but lucratif.

95      Le requérant explique que, à l’origine, en 1973, l’Unesid était une organisation paraétatique espagnole, ayant pour but la préparation de l’adhésion de l’Espagne à la CECA. À partir de 1978 elle serait devenue une organisation professionnelle d’entreprises sidérurgiques espagnoles, dont certaines faisaient partie de groupes sidérurgiques européens et internationaux. Ensuite, en 1986, année de l’adhésion du Royaume d’Espagne à la CECA, l’Unesid serait devenue membre de l’Eurofer.

96      Selon le requérant, plusieurs articles du traité CECA obligeaient les associations professionnelles et les entreprises CECA à collaborer avec la Commission. En particulier, les associations auraient été choisies pour conseiller et aider la Commission en facilitant l’exécution de ses missions. Il s’ensuivrait que l’Unesid était une organisation reconnue par le traité CECA et ses institutions, au sens des articles 46 et suivants du même traité. Le requérant met également en exergue l’importance de l’intervention indirecte des associations, prévue à l’article 48, deuxième alinéa, du traité CECA. Ces organisations, telles que l’Unesid, auraient joué un rôle particulièrement important en ce qu’elles pouvaient exposer leur point de vue, notamment, pour l’établissement de mécanismes financiers communs, le développement de la recherche scientifique, l’étude du remploi de la main d’œuvre, etc. Par ailleurs, la Commission aurait étudié, en liaison avec les associations, l’opportunité de la fixation des prix maximaux ou minimaux à l’intérieur du marché commun et à l’exportation.

97      Le requérant estime, dès lors, que la mission de l’Unesid était établie par le traité CECA. Il en déduit que celle‑ci répondait aux critères établis par la conclusion n° 206/94 du collège des chefs d’administration du 6 octobre 1994, à savoir être reconnue par des organisations internationales créées par des États et être chargée de missions d’intérêt public. Le caractère international de l’Unesid serait également confirmé par son appartenance à l’IISI et à l’Eurofer.

98      Le requérant conteste l’argument de la Commission selon lequel les associations d’entreprises seraient des sujets du traité CECA pouvant se voir adresser des décisions leur faisant grief, par opposition à la Haute Autorité ou aux États membres, et qu’une organisation internationale ne pourrait être un sujet du droit de la concurrence sous le traité CECA. À cet égard, il fait valoir que la Commission confond les concepts d’« organisation internationale » et d’« organisation d’États », en excluant ainsi la possibilité qu’une organisation internationale puisse se concevoir comme une « organisation internationale d’entreprises ». Selon le requérant, la conclusion n° 206/94 du collège des chefs d’administration du 6 octobre 1994 ne permettrait pas de déduire que les organisations internationales doivent revêtir la forme d’un organisme de droit public.

99      Contrairement à ce que soutient la Commission, le requérant fait observer que les associations d’entreprises, aussi bien que les institutions communautaires et les États membres, pouvaient se voir adresser des décisions faisant grief, ainsi qu’agir contrairement aux dispositions du droit de la concurrence, sans que cela n’affecte la nature de l’organisme considéré. Par ailleurs, le droit de la concurrence ne s’adresserait pas qu’aux seules entreprises, mais viserait également les États membres, aussi bien que la Commission, qui devraient le respecter.

100    En outre, le fait d’être une organisation internationale, tant publique que privée, n’exclurait pas la possibilité d’avoir un comportement commercial interdit par l’article 65 du traité CECA, ce qui vaudrait tant pour les entreprises que pour les institutions et les États membres.

101    Le requérant estime que l’argumentation de la Commission est incomplète en ce qu’elle ne vise pas la nature et les fonctions de l’Unesid au sens de l’article 48 du traité CECA. Selon ledit article, l’Unesid serait un sujet de droit qui participerait, en collaboration avec la Commission, au changement et à l’élaboration d’une politique sidérurgique qui, sous le régime du traité CECA, échapperait à la compétence des États membres pour être définie et développée au niveau communautaire. Il s’agirait, par conséquent, d’une mission d’intérêt public, dont l’importance serait niée par la Commission.

102    La Commission conteste ces arguments et conclut que le moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

–       Observations liminaires

103    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que le requérant ne conteste pas, dans ses écritures, que l’examen de la qualification de l’Unesid d’organisation internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, doit être effectué à l’aune des critères établis dans la directive interne de 1994.

104    Le Tribunal observe, toutefois, que, tant à l’époque du recrutement du requérant à Luxembourg, soit le 16 septembre 1987, que lors de sa mutation à Bruxelles, en date du 1er avril 1989, l’interprétation de la notion d’organisation internationale, au sens de ladite disposition, se fondait sur la conclusion du collège des chefs d’administration du 28 mai 1986, qui était d’application à compter du 1er juin 1986. Selon ladite conclusion, les organisations internationales devaient répondre au seul critère d’être « créées par des États ou par une organisation elle‑même créée par des États ». Avant l’adoption de cette conclusion, la conclusion du collège des chefs d’administration, adoptée lors de sa réunion des 26 et 27 juin 1975, était applicable et proposait de considérer comme organisation internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, de l’annexe VII du statut, les organisations répondant aux critères suivants : premièrement, être internationale de par leur composition, c’est‑à‑dire avoir des membres de pays différents et être ouvertes aux éléments semblables de diverses nations ; deuxièmement, exercer une activité internationale d’intérêt général, notamment dans les domaines politique, économique, social, humanitaire, scientifique, et culturel ; troisièmement, avoir un caractère de permanence et une structure organisée donnant aux membres le droit périodique de désigner les personnes appelées à diriger l’organisation (siège permanent, secrétariat, etc.) ; quatrièmement, être sans but lucratif (arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, Rec. p. II‑131, point 15).

105    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le Tribunal a, dans l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, déclaré illégale la conclusion du collège des chefs d’administration du 28 mai 1986. Dans ce même arrêt, le Tribunal a conclu que l’organisme en cause devait être considéré comme une organisation internationale au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut parce que, s’il était vrai que cet organisme n’avait pas été créé par des États ou par des organisations internationales créées par des États, il remplissait néanmoins les critères prévus dans la conclusion du collège des chefs d’administration des 26 et 27 juin 1975 et avait été reconnu par des États et des organisations internationales créées par des États, telles que les Communautés européennes, qui l’avaient chargé de missions d’intérêt public (arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, points 45 et 47).

106    C’est donc à la suite de cet arrêt que la directive interne de 1994 a été adoptée. Elle établit que la reconnaissance par des États ou par des organisations internationales crées par des États suffit pour qu’une organisation puisse être considérée comme une organisation internationale au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut, dès lors que cette organisation remplit aussi les autres critères établis dans la directive interne de 1994, qui ne diffèrent pas substantiellement de ceux définis dans la conclusion du collège des chefs d’administration des 26 et 27 juin 1975, qui serait applicable ratione temporis au cas d’espèce.

107    Dès lors que la directive interne de 1994 se limite à reprendre en substance la notion d’organisation internationale au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut, telle qu’interprétée dans l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, il ne saurait être reproché à l’AIPN d’avoir apprécié si l’Unesid remplissait les conditions pour être considérée comme une organisation internationale à l’aune de celle‑ci.

–       Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

108    Le requérant allègue, en substance, que l’indemnité de dépaysement lui est due, car, durant la période de référence, il a travaillé pour l’Unesid, qui doit être considérée comme une organisation internationale au sens de la disposition susvisée.

109    Il y a lieu de rappeler que l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, en faveur de personnes ayant effectué des services pour un autre État ou une organisation internationale pendant la période de référence de cinq années expirant six mois avant leur entrée en fonctions, trouve sa raison d’être dans le fait que, dans de telles conditions, ces personnes ne peuvent pas être considérées comme ayant établi des liens durables avec le pays d’affectation en raison du caractère temporaire de leur détachement dans ce pays (arrêts de la Cour du 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8, et De Angelis/Commission, point 47 supra, point 13).

110    Il importe encore de souligner que cette exception doit faire l’objet d’une interprétation stricte, car elle est la seule prévue aux conditions que le fonctionnaire doit remplir pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement. Une telle interprétation s’impose également dès lors qu’il s’agit d’une disposition régissant l’octroi d’un avantage financier (voir, en ce sens, arrêt Olesen/Commission, point 69 supra, points 46 à 48).

111    En l’espèce, il y a lieu de déterminer si le travail effectué pour l’Unesid doit être considéré, ainsi que le prétend le requérant, comme effectué pour une organisation internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut.

112    Il convient, dès lors, d’examiner d’abord si l’Unesid peut être considérée comme ayant été reconnue par des États ou par des organisations internationales créées par des États et si elle était chargée de missions d’intérêt public confiées par ces derniers.

113    Or, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 35 de l’arrêt du 13 septembre 2005, Atienza Morales/Commission (T‑99/03, RecFP p. I‑A‑225 et II‑1029), il y a lieu de considérer qu’il découle du raisonnement tenu dans l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, de la volonté du législateur d’assimiler les États et les organisations internationales dans l’énoncé de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, ainsi que des exigences du principe de sécurité juridique, que la reconnaissance de l’existence d’une organisation internationale exige nécessairement un acte formel émanant des États ou des organisations internationales créées par des États. En effet, la reconnaissance est l’acte unilatéral par lequel un État ou une organisation internationale publique déclarent publiquement qu’ils admettent, pour ce qui les concerne, l’existence d’un fait et d’une situation et qu’ils en acceptent les conséquences dans leurs relations extérieures. Partant, si l’on ne peut pas exiger que cette reconnaissance ait lieu au moyen d’un acte de droit international public, une telle reconnaissance doit nonobstant avoir lieu moyennant une déclaration formelle, un acte de droit positif, un accord ou une convention dont il ressort expressément que cette organisation est effectivement reconnue par ces États et/ou par ces organisations internationales et que celle‑ci accepte cette reconnaissance.

114    En l’espèce, force est de constater qu’il ne ressort nullement du dossier qu’il existe un acte formel de reconnaissance de l’Unesid qui émanerait soit d’un État, soit d’une organisation internationale créée par des États.

115    À cet égard, le requérant se borne à invoquer principalement les articles 46 et 48 du traité CECA en vue d’établir la reconnaissance de l’Unesid par les Communautés et, ce faisant, il met en exergue l’importance de l’intervention des associations prévue à l’article 48, deuxième alinéa, dudit traité. En substance, selon le requérant, le fait que le traité CECA prévoit la collaboration des associations et des entreprises avec la Commission en vue de faciliter l’exécution de ses missions permettrait de retenir une reconnaissance de celles‑ci par ledit traité, ainsi que l’attribution, à leur profit, d’une mission d’intérêt public, à savoir l’élaboration d’une politique sidérurgique au niveau communautaire. Cet argument ne saurait prospérer.

116    En premier lieu, il importe de relever, ainsi que l’a souligné la Commission à l’audience, que pendant une grande partie de la période de référence, à savoir du 16 mars 1982 au 1er janvier 1986, année de l’adhésion du Royaume d’Espagne aux Communautés européennes, les dispositions du traité CECA n’étaient pas applicables au Royaume d’Espagne et, par conséquent, ne pouvaient pas être considérées comme reconnaissant l’Unesid en tant qu’organisation internationale.

117    En second lieu, à supposer que le traité CECA, prenant effet à l’égard du Royaume d’Espagne lors de son adhésion à la Communauté, ait reconnu l’Unesid comme étant une organisation internationale pour le reste de la période de référence, le Tribunal estime que, en tout état de cause, le libellé des articles du traité CECA invoqués par le requérant ne saurait justifier ses affirmations. En effet, ainsi qu’il a été souligné par la Commission, il s’agit plutôt de droits et d’obligations applicables, aux termes dudit traité, aux sujets de droit qui y sont soumis. De surcroît, le fait que la Commission pouvait consulter l’Unesid, et que cette dernière participait, le cas échéant, à des réunions consultatives ou préparatoires, ne saurait être assimilé à une mission d’intérêt public confiée par les Communautés à l’organisme en question.

118    Il convient de relever, à cet égard, que le fait d’entretenir des relations de travail directes avec les institutions communautaires ne suffit pas pour justifier une reconnaissance de l’organe en cause comme organisation internationale. S’il en était autrement, il y aurait lieu de considérer comme formellement reconnus par la Communauté les multiples organismes et groupements d’intérêts qui, dans tous les domaines de l’activité communautaire, maintiennent un dialogue direct, régulier et constant avec les différentes institutions communautaires, ce qui ne peut manifestement pas être le cas (arrêt Atienza Morales/Commission, point 113 supra, point 41).

119    Quant aux missions d’intérêt public, il n’est pas concevable de les déléguer à une organisation donnée si celle‑ci n’a pas été préalablement identifiée et reconnue formellement par les États ou les organisations internationales qui lui confient ces missions. Le critère de reconnaissance d’une organisation, de même que celui tenant au fait d’être chargé de missions d’intérêt public, exige donc nécessairement des actes formels émanant d’États et/ou d’organisations internationales créées par des États (arrêt Atienza Morales/Commission, point 113 supra, point 36).

120    Dès lors qu’il n’existe aucune reconnaissance formelle de l’Unesid et qu’il ne peut pas être établi que celle‑ci était investie de missions d’intérêt public confiées par des États ou par des organisations internationales créées par des États, il y a lieu de conclure que l’Unesid ne peut pas être considérée comme une « organisation internationale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut.

121    À titre surabondant, il convient également de constater qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la composition de l’Unesid est ou était internationale. En revanche, il résulte des dires du requérant lui-même et du statut de l’Unesid de 1978, produit par le requérant en annexe à la réponse aux questions écrites du Tribunal, qu’il est évident que cet organisme avait, pendant la période de référence, une composition strictement nationale, étant donné qu’il n’était composé que d’entreprises sidérurgiques espagnoles.

122    À cet égard, le fait que l’Unesid soit membre d’autres organisations ayant une composition internationale, telles que l’Eurofer et l’IISI, ne saurait avoir aucune incidence sur l’appréciation de sa propre composition. Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère international de l’IISI ou de l’Eurofer, dont, par ailleurs, l’Unesid ne serait devenue membre qu’en 1986, à savoir à la fin de la période de référence, il faut prendre en compte, ainsi que le souligne la Commission, uniquement la composition de l’Unesid et non son appartenance auxdites organisations. Il s’ensuit que cette dernière ne remplit pas non plus le critère relatif à la nature internationale de sa composition.

123    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter également comme non fondé le moyen pris en sa première branche. Partant, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4 de l’annexe VII du statut, ainsi que des erreurs d’appréciation, doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

2.     Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 85 du statut, ainsi que de la méconnaissance par la Commission des principes de protection de la confiance légitime, de bonne administration et de sollicitude et d’égalité de traitement

a)     Arguments des parties

124    Le requérant affirme que l’article 85 du statut doit être interprété en ce sens que l’intéressé, loin d’être dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, est, au contraire, tenu à la restitution dès lors qu’il s’agit d’une erreur qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent. Il ajoute également que, selon la jurisprudence du Tribunal, il convient de tenir compte de la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires sur la base du degré de clarté des dispositions statutaires dont il a été fait une application erronée, ainsi que de l’importance des modifications intervenues dans sa situation personnelle ou familiale, lorsque le versement de la somme litigieuse est lié à l’appréciation, par l’administration, d’une telle situation (arrêts du Tribunal du 5 juin 1996, Maslias/Parlement, T‑92/94, RecFP p. I‑A‑249 et II‑713, points 59 à 61 ; du 30 mai 2001, Barth/Commission, T‑348/00, RecFP p. I‑A‑119 et II‑557, point 27, et du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1065, point 47).

125    Le requérant rappelle, en outre, que, toujours selon la jurisprudence, pour justifier la répétition de l’indu, il suffit que soit remplie l’une des deux conditions exigées, à cet égard, à l’article 85 du statut, à savoir la connaissance par le bénéficiaire ou le caractère évident de l’irrégularité du versement. En ce qui concerne la première de ces conditions, il appartiendrait à l’administration de prouver que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement. La seconde condition, relative au caractère évident de l’irrégularité, serait remplie lorsqu’il s’agit d’une irrégularité qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent. À cet égard, il conviendrait de tenir compte, dans chaque espèce, de la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires (arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T‑38/93, RecFP p. I‑A‑65 et II‑227, points 17 à 19).

126    Quant à la première condition, le requérant relève que, dans la réponse à sa réclamation, l’AIPN se borne à faire des affirmations vagues qui ne s’appuient sur aucun élément de preuve. En effet, le fait que la fiche de salaire ait toujours mentionné l’indemnité de dépaysement n’aurait pas suffi à l’inciter à constater le caractère irrégulier du paiement. D’ailleurs, il aurait su pertinemment qu’il recevait ladite indemnité et contesterait la décision qui la lui enlèverait. Ce serait à l’AIPN de démontrer, ce qui n’a pas été le cas, que le requérant connaissait le caractère prétendument indu de l’indemnité de dépaysement perçue depuis 1989.

127    Quant à la seconde condition, le requérant souligne que l’article 85 du statut prévoit la répétition des sommes indûment perçues, si l’irrégularité du versement était si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Jensen/Commission, T‑156/96, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1173, point 63 ; du 12 juin 2002, B/Commission, T‑66/00, RecFP p. I‑A‑75 et II‑361, point 51, et Ronsse/Commission, point 124 supra, point 45).

128    Selon le requérant, les éléments pris en considération pour apprécier la capacité du fonctionnaire à procéder aux vérifications nécessaires concernent le degré de clarté des dispositions statutaires ainsi que l’importance des modifications intervenues dans sa situation personnelle ou familiale qui a donné lieu au bénéfice d’une allocation. Or, aucune modification n’étant intervenue dans sa situation familiale ou professionnelle depuis le 1er avril 1989, le requérant n’aurait pas eu de raisons de procéder à des vérifications nouvelles ou nécessaires de sa condition. À cet égard, il conteste l’argument de la Commission selon lequel une telle modification n’est pas un élément obligatoire de l’analyse. Au contraire, il considère cette modification comme étant le point essentiel de l’analyse, puisqu’une mutation dans la situation professionnelle ou familiale est justement l’occasion qui suscite le doute et la réflexion aux fins de vérifier le bien-fondé des bénéfices perçus.

129    Cette conclusion serait confirmée par plusieurs précédents tirés de la jurisprudence. Il serait ainsi établi que l’irrégularité du paiement de l’indemnité de dépaysement est évidente à partir de l’acquisition par le bénéficiaire de la nationalité de l’État du lieu de son affectation (arrêt Stahlschmidt/Parlement, point 125 supra, points 20 à 23). Il aurait été jugé également qu’un fonctionnaire veuf devrait être amené à penser qu’est devenu douteux le droit à une allocation de foyer, qu’il continue à percevoir alors même qu’il n’a plus d’enfant à charge, son fils ayant atteint l’âge de 26 ans, et que, de ce fait, l’allocation pour enfant à charge, l’allocation scolaire et la pension d’orphelin ont été par ailleurs supprimées (arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Burck/Commission, T‑93/92, RecFP p. I‑A‑55 et II‑201, points 28 à 31). Enfin, le Tribunal aurait reconnu qu’un fonctionnaire bénéficiaire d’une allocation de foyer, qui est en possession de toutes les données utiles, c’est‑à‑dire les revenus professionnels de son conjoint et les plafonds annuels indiqués dans les Informations administratives adressées à tous les fonctionnaires, est en mesure, en faisant preuve d’une diligence normale, de se rendre compte de l’erreur commise par l’administration concernant le versement de son allocation de foyer (arrêt du Tribunal du 17 janvier 2001, Kraus/Commission, T‑14/99, RecFP p. I‑A‑7 et II‑39, points 40 à 42).

130    S’agissant de la définition d’une organisation internationale, le requérant fait remarquer que la position de l’AIPN n’a pas été claire. En effet, ce serait seulement à la suite de l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, et de la décision consécutive des chefs d’administration prise en 1994, que les critères seraient devenus plus clairs. Le requérant affirme que, avant l’adoption de ladite décision, il avait procédé à une analyse approfondie de sa période d’activité auprès de l’Unesid et qu’il avait considéré avoir travaillé pour une organisation internationale. Une fois la décision intervenue, il se serait senti encore plus convaincu du fait que l’Unesid remplissait toutes les conditions pour être considérée comme une organisation internationale. Bien qu’il sût que, après ledit arrêt, plusieurs dossiers étaient soumis à un nouveau contrôle concernant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, à ses yeux, sa situation ne subirait pas de modification à la suite de cette jurisprudence.

131    À l’encontre de l’argumentation de la Commission selon laquelle le fait qu’il a déclaré travailler pour le secteur privé vaudrait admission implicite de ce que l’Unesid n’était pas une organisation internationale, le requérant réitère qu’il considérait simplement être un collaborateur indépendant, exerçant, en même temps, ses fonctions d’avocat pour d’autres clients, les deux concepts n’étant pas interdépendants.

132    Il serait donc incontestable qu’il s’est comporté avec une diligence remarquable et qu’il a fait un effort de réflexion et de contrôle, rendu difficile par l’ambiguïté des dispositions statutaires. Il souligne, à cet égard, que même l’AIPN reconnaît l’absence d’antécédents particuliers analogues au cas d’espèce.

133    Le requérant fait valoir, en outre, que, du fait qu’il a toujours été résident en Espagne et qu’il y a exercé sa profession d’avocat de manière stable, il a cru pouvoir bénéficier, à juste titre, de l’indemnité de dépaysement.

134    En ce qui concerne la violation des principes généraux de droit, tels que la protection de la confiance légitime et la bonne administration, le requérant relève que la Commission a mis quatorze ans pour se rendre compte du caractère prétendument indu du versement, alors qu’elle avait procédé à des examens de sa situation en 1987 et en 1990, sans que ces examens n’aient mis en cause ses droits financiers. Il résulterait du contrôle effectué par l’administration, qui n’aurait révélé aucune difficulté, que l’irrégularité n’était pas à ce point évidente et que, dès lors, le requérant aurait pu, en toute bonne foi, déduire le caractère régulier des versements. À cet égard, il ajoute que le principe de bonne foi, prévu à l’article 18 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 788, p. 354), est un principe de droit international coutumier dont l’existence a été reconnue par la Cour internationale de justice et qui, par conséquent, lie la Communauté. Ce principe serait le corollaire du principe de protection de la confiance légitime, dont est en droit de se prévaloir toute personne chez laquelle une institution a fait naître des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T‑115/94, Rec. p. II‑39, points 90 et 91).

135    En conclusion, le requérant fait observer que la Commission a violé le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, devoir qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir, ainsi que celui de bonne administration, impliquerait que, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’AIPN prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais également de celui du fonctionnaire. Il ne pourrait donc être permis à l’AIPN de faire rétroagir sa décision et de récupérer une somme considérable après tant d’années.

136    La Commission conteste ces arguments et soutient que le moyen n’est pas fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

137    Il résulte de la jurisprudence que, pour qu’une somme versée sans justification puisse être répétée, la preuve doit être administrée que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement ou que l’irrégularité du versement était si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. En cas de contestation de la part du bénéficiaire et en l’absence de preuve d’une connaissance de l’irrégularité du versement, il y a lieu d’examiner les circonstances dans lesquelles le versement a été effectué afin d’établir si cette irrégularité devait apparaître avec évidence (arrêt Ronsse/Commission, point 124 supra, point 45).

138    S’agissant de l’existence de l’irrégularité, il convient de relever que, selon la jurisprudence, l’erreur de versement peut résulter d’une carence ou d’une tolérance administrative et peut avoir porté sur une longue période. Par conséquent, le maintien, au profit du requérant, de l’indemnité de dépaysement constitue une telle erreur de versement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juillet 2004, Gouvras/Commission, T‑180/02 et T‑113/03, RecFP p. I‑A‑225 et II‑987, point 104, et la jurisprudence citée).

139    Il importe de relever, également, que le fait que l’administration a commis une négligence ou une erreur dans la détermination des droits pécuniaires d’un fonctionnaire est sans incidence sur l’application de l’article 85 du statut, qui présuppose précisément que l’administration a commis une erreur en procédant au versement irrégulier (arrêt Stahlschmidt/Parlement, point 125 supra, point 23).

140    En ce qui concerne la première des deux conditions requises pour la justification de la répétition de l’indu, il appartient à l’administration de prouver que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement (arrêt Stahlschmidt/Parlement, point 125 supra, point 18).

141    À cet égard, l’argument du requérant selon lequel ce serait à l’AIPN de démontrer qu’il connaissait le caractère indu de l’indemnité est dénué de pertinence, car la Commission se réfère, notamment, à la seconde condition prévue à l’article 85 du statut, à savoir que l’irrégularité du versement était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

142    Il résulte de la jurisprudence que cette dernière condition est remplie lorsqu’il s’agit d’une irrégularité qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent et que, à cet égard, il convient de tenir compte, dans chaque espèce, de la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires (arrêt Stahlschmidt/Parlement, point 125 supra, point 19).

143    Précisément, l’expression « si évidente », caractérisant l’irrégularité du versement, ne signifie pas que le fonctionnaire bénéficiant de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais que la restitution est due dès qu’il s’agit d’une erreur qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent, qui est censé connaître les règles régissant son traitement (voir arrêt Ronsse/Commission, point 124 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

144    En outre, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel l’irrégularité n’était pas évidente, puisqu’elle a échappé à l’administration, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, il ne s’agit pas de déterminer si l’erreur était ou non évidente pour l’administration, mais si elle l’était pour l’intéressé (arrêt du Tribunal du 1er février 1996, Chabert/Commission, T‑122/95, RecFP p. I‑A‑19 et II‑63, point 34). Par ailleurs, ainsi que le relève la Commission, la situation dans laquelle se trouve une administration chargée d’assurer le paiement de milliers de traitements et d’allocations de tout genre ne saurait être comparée à celle du fonctionnaire, qui a un intérêt personnel à vérifier les paiements qui lui sont mensuellement versés (arrêt de la Cour du 11 juillet 1979, Broe/Commission, 252/78, Rec. p. 2393, point 11).

145    Quant à la capacité du fonctionnaire à procéder aux vérifications, il convient d’observer que les éléments pris en considération dans la jurisprudence concernent le niveau de responsabilité du fonctionnaire, son grade et son ancienneté, le degré de clarté des dispositions statutaires définissant les conditions d’octroi de l’indemnité, ainsi que l’importance des modifications intervenues dans sa situation personnelle ou familiale, lorsque le versement de la somme litigieuse est lié à l’appréciation, par l’administration, d’une telle situation (arrêts du Tribunal Ronsse/Commission, point 124 supra, point 47 ; du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 91, et Gussetti/Commission, point 24 supra, point 83).

146    C’est à la lumière de ces considérations, qu’il convient d’analyser si, en l’espèce, la Commission était en droit de procéder à la répétition des sommes qu’elle avait indûment versées au requérant au titre de l’indemnité de dépaysement.

147    À cet égard, le requérant fait valoir que, étant donné qu’aucune modification n’était intervenue dans sa situation familiale ou professionnelle depuis le 1er avril 1989, il n’y avait pas de raison de procéder à de nouvelles vérifications de sa condition. Cet argument ne saurait pourtant être accueilli. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, cet élément ne constitue pas une condition d’application sine qua non de l’article 85 du statut. Comme il ressort de la jurisprudence susmentionnée, il ne s’agit que de l’une des conditions à prendre en compte pour l’appréciation de la capacité de vérification de la part du fonctionnaire. En tout état de cause, par rapport au moment auquel les droits financiers du requérant ont été déterminés pour la première fois, soit en 1987, lors de son entrée en fonctions à Luxembourg, il y a évidemment eu un changement de sa situation, à savoir le déplacement de son lieu d’affectation de Luxembourg à Bruxelles. En effet, il ressort clairement de l’article 4 de l’annexe VII du statut que le lieu d’affectation est un paramètre significatif pour l’évaluation du droit à l’indemnité de dépaysement.

148    Il importe, dès lors, d’examiner si le requérant a fait preuve de la diligence qui lui incombait au sens des dispositions du statut.

149    Le requérant estime avoir fait des efforts de réflexion et de contrôle, qui l’ont conduit à croire au maintien de son indemnité de dépaysement. Il soutient n’avoir jamais eu de résidence stable en Belgique et avoir toujours été résident en Espagne, où il dit avoir exercé sa profession d’avocat de manière stable. Il soutient également avoir toujours été convaincu que l’Unesid était une organisation internationale.

150    Le requérant fait valoir, à cet égard, que les dispositions concernant la définition d’une organisation internationale n’étaient pas très transparentes.

151    Or, il y a lieu de relever que le requérant a été recruté par la Commission au Luxembourg et muté par la suite à Bruxelles sous l’empire de la conclusion des chefs d’administration du 28 mai 1986, selon laquelle seules pouvaient être considérées comme des organisations internationales celles qui avaient été « créées par des États ou par une organisation elle‑même créée par des États », soit, en substance, les organisations internationales publiques. Cette conclusion a été ensuite déclarée illégale par l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra (point 45), à la suite duquel une nouvelle directive interne, à savoir la directive interne de 1994, a été adoptée.

152    Or, il est difficilement concevable que le requérant, juriste de formation et de grade A 3, ait pu considérer après une analyse approfondie, comme il l’affirme, que l’Unesid remplissait ledit critère. En effet, il est constant que l’Unesid n’a été créée ni par un État ni par une organisation elle‑même créée par des États et, d’ailleurs, le requérant lui-même tire l’argument du caractère international de l’Unesid du fait qu’elle aurait été reconnue par le traité CECA.

153    L’allégation du requérant selon laquelle la position du Tribunal vis‑à‑vis de l’organisme litigieux dans l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, l’aurait persuadé encore davantage que l’Unesid avait un caractère international ne saurait être accueillie. Il ressort, au demeurant, du point 21 dudit arrêt, ainsi que de la résolution du Conseil du 7 mai 1985, concernant une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de normalisation (JO 1985, C 136, p. 1), et de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8), que l’organisme en cause, à savoir le Comité européen de normalisation (CEN), était l’organisme compétent pour adopter les normes européennes harmonisées dans le champ d’application de la directive, conformément aux orientations faisant l’objet d’un accord que la Commission, après consultation des États membres, avait conclu avec cet organisme. Il s’ensuit que la reconnaissance du CEN ainsi que sa mission découlaient d’une source formelle, ce qui n’est pas le cas pour l’Unesid. À titre surabondant, il convient, en outre, de constater que le requérant a été muté à Bruxelles quatre ans avant le prononcé de l’arrêt Vardakas/Commission, point 33 supra, qui date du 30 mars 1993, et que c’était lors de sa mutation qu’il aurait dû s’interroger sur le maintien de son droit à l’indemnité de dépaysement.

154    Quant à la directive interne de 1994, elle prévoit cinq critères explicites, qui doivent être remplis pour qu’une organisation puisse être qualifiée d’internationale. Or, force est de constater que le requérant aurait au moins dû avoir des doutes quant à la question de savoir si son travail pour l’Unesid pouvait être qualifié de « services effectués pour une organisation internationale ». Ainsi qu’il ressort de l’analyse effectuée dans le cadre de la première branche du premier moyen, il n’était pas certain que l’Unesid avait une composition internationale, ni qu’elle avait été reconnue par des États ou par des organisations internationales créées par des États, ni qu’elle était chargée de missions d’intérêt public par des États ou par des organisations internationales créées par des États.

155    S’agissant de la première de ces conditions, le Tribunal estime, d’une part, qu’elle est formulée sans aucune ambiguïté dans la directive interne de 1994 et, d’autre part, qu’elle devait apparaître très clairement aux yeux du requérant, dès lors qu’il indique lui‑même que l’Unesid était une association d’entreprises espagnoles.

156    Quant aux deuxième et troisième conditions, même en admettant que leur formulation puisse permettre une certaine marge d’appréciation, un fonctionnaire juriste de haut grade ne saurait déduire des dispositions du traité CECA la reconnaissance de l’Unesid et le fait qu’elle était chargée des missions d’intérêt public. De surcroît, le requérant aurait dû, à tout le moins, s’interroger sur la question de savoir si les dispositions du traité CECA qu’il invoque couvraient la totalité de la période de référence, dès lors que ledit traité n’est entré en vigueur en Espagne qu’en 1986.

157    En tout état de cause, il n’est pas nécessaire que le fonctionnaire, dans l’exercice du devoir de diligence qui lui incombe, tel qu’il a été dégagé par la jurisprudence, puisse déterminer avec précision l’étendue de l’erreur commise par l’administration. En revanche, il suffit qu’il éprouve des doutes sur le bien‑fondé des versements en question pour qu’il soit obligé de se manifester auprès de l’administration afin que cette dernière effectue les vérifications nécessaires (arrêt Kraus/Commission, point 129 supra, point 41).

158    Il convient, en outre, de rappeler que, s’il n’y a pas lieu de neutraliser une période en raison de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale, le statut énonce clairement que l’indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire qui n’a pas de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État.

159    Force est de constater qu’un fonctionnaire normalement diligent, de l’expérience et du grade du requérant, ne pouvait ignorer qu’il ne remplissait pas cette condition pour bénéficier du versement de l’indemnité de dépaysement. Comme il ressort des considérations développées dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, le requérant ne pourrait pas se prévaloir d’une résidence habituelle en Espagne ni d’y avoir exercé son activité professionnelle principale.

160    Il résulte de ce qui précède que, compte tenu notamment des compétences et de l’expérience professionnelle de l’intéressé ainsi que de la vigilance qu’il aurait dû, comme tout autre fonctionnaire, exercer quant aux éléments de sa rémunération, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il ne pouvait pas avoir connaissance de l’irrégularité du versement dont il a continué à bénéficier depuis sa mutation à Bruxelles.

161    En l’espèce, même s’il est très regrettable qu’il ait fallu un long délai à la Commission pour se rendre compte de l’irrégularité du versement de l’indemnité de dépaysement, il n’en demeure pas moins que le requérant, bénéficiaire de l’allocation en cause, loin d’être dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, aurait dû détecter une erreur qui ne pouvait pas échapper à un fonctionnaire normalement diligent.

162    C’est à bon droit, dès lors, que la Commission a procédé à la répétition de l’indu. Le grief tiré de la violation de l’article 85 du statut doit, par conséquent, être rejeté.

163    S’agissant de la possibilité de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime dans des contentieux relatifs à la répétition de l’indu, il ressort clairement de la jurisprudence que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime appartient à tout particulier chez lequel l’administration a fait naître des espérances fondées. En revanche, une violation dudit principe ne peut pas être invoquée en l’absence d’assurances précises fournies par l’administration, celles‑ci devant, en tout état de cause, être conformes aux dispositions du statut (arrêts du Tribunal du 27 février 1996, Galtieri/Parlement, T‑235/94, RecFP p. I‑A‑43 et II‑129, points 63 et 65, et Ronsse/Commission, point 124 supra, point 54).

164    En l’espèce, le requérant ne fait état d’aucune assurance verbale ou écrite que lui aurait donnée l’administration concernant son droit à l’indemnité de dépaysement. Dès lors, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que la vérification complète du dossier personnel du requérant, en 1990, ne saurait être considérée comme un comportement précis de l’administration, de nature à susciter la confiance légitime du fonctionnaire. Il s’agit, tout au plus, d’un élément attestant la persistance de l’erreur de l’administration, ce qui constitue la prémisse de l’application de l’article 85 du statut.

165    En arguant de sa bonne foi, le requérant conteste implicitement avoir eu connaissance de l’irrégularité des versements litigieux. Il résulte pourtant des considérations précédentes que cette irrégularité était si évidente qu’il aurait dû en avoir connaissance.

166    Par ailleurs, en omettant de signaler à l’administration le caractère éventuellement indu de ses droits financiers, le requérant s’est placé, par son propre comportement, dans une situation irrégulière et ne saurait, dès lors, invoquer sa bonne foi en vue d’être libéré de l’obligation de restituer l’indu (voir, en ce sens, arrêt Gussetti/Commission, point 24 supra, point 106, et la jurisprudence citée). De surcroît, le Tribunal a considéré que le fait pour un fonctionnaire d’avoir dûment informé l’administration du changement intervenu dans sa situation familiale ne saurait l’exonérer de son obligation de restituer les sommes indues lorsque, malgré ses déclarations, l’administration a continué à lui verser des allocations clairement incompatibles avec les dispositions statutaires applicables (arrêt Barth/Commission, point 124 supra, point 36).

167    Enfin, l’article 85 du statut étant, selon la jurisprudence, lui‑même une manifestation du principe de protection de la confiance légitime, l’absence de violation de cet article, telle qu’elle est constatée au point 162 ci-dessus, implique de ce fait le rejet du grief tiré dudit principe (voir, en ce sens, arrêt Gussetti/Commission, point 24 supra, point 117, et la jurisprudence citée). Ce grief doit, dès lors, être rejeté.

168    Le requérant reproche également à la Commission d’avoir violé les principes de bonne administration et de sollicitude. Il convient de rappeler, à titre préliminaire, que, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour de comptes, 321/85, Rec. p. 3199, point 18 ; arrêts du Tribunal du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, RecFP p. I‑A‑37 et II‑239, point 51, et Di Marzio/Commission, point 145 supra, point 99).

169    Par ailleurs, le devoir de sollicitude ne saurait en aucun cas contraindre l’administration à agir à l’encontre des dispositions applicables. En particulier, le devoir de sollicitude ne saurait conduire l’administration à donner à une disposition communautaire un effet qui irait à l’encontre des termes clairs et précis de cette disposition. Dès lors, un requérant ne peut invoquer le devoir de sollicitude afin d’obtenir des avantages que le statut ne permet pas de lui octroyer (voir arrêt Di Marzio/Commission, point 145 supra, point 100, et la jurisprudence citée).

170    En l’espèce, quand bien même la Commission n’aurait pas géré le dossier d’une manière entièrement satisfaisante, aucune des allégations du requérant ne permet de retenir une violation du devoir de sollicitude ou du principe de bonne administration. Dès lors que le requérant n’a pas prouvé qu’il remplissait les conditions requises par le statut pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé le devoir de sollicitude ou le principe de bonne administration, celle-ci ayant fait une juste application de l’article 85 du statut.

171    L’allégation du requérant selon laquelle, dans le cadre du devoir de sollicitude de l’administration, il ne devrait pas être permis à l’AIPN de faire rétroagir sa décision et de récupérer une somme considérable après tant d’années, ne saurait non plus être retenue. En effet, selon une jurisprudence bien établie, le retrait rétroactif d’un acte administratif est généralement soumis à des conditions très strictes. Tout d’abord, l’institution ayant adopté l’acte doit constater que celui‑ci est entaché d’une illégalité, ensuite, la décision de retrait doit intervenir dans un délai raisonnable, enfin, la protection de la confiance légitime du bénéficiaire de l’acte doit être respectée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 avril 1997, De Compte/Parlement, C‑90/95 P, Rec. p. I‑1999, point 35 ; arrêt B/Commission, point 127 supra, point 61).

172    En l’espèce, il n’est pas contestable que l’administration ait agi dès qu’elle a constaté l’irrégularité de l’indemnité litigieuse. En outre, le requérant ne saurait valablement se prévaloir de la protection de sa confiance légitime pour les raisons énoncées précédemment. Par ailleurs, à la suite de la réclamation du requérant, la répétition de l’indu a été limitée aux montants qu’il a perçus pendant les cinq dernières années précédant l’adoption de la décision attaquée. Le grief susvisé doit, en conséquence, être rejeté.

173    Quant, enfin, à l’allégation concernant la prétendue violation du principe de l’égalité de traitement, il suffit de relever que le requérant se borne tout simplement à l’évoquer dans le cadre de l’énonciation de son moyen unique, sans développer aucun argument spécifique à cet égard. Ce grief revêt un caractère si imprécis que le Tribunal n’est pas en mesure de l’apprécier et il doit, par conséquent, être déclaré irrecevable, en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

174    Il résulte de ce qui précède que le second moyen n’est pas non plus fondé et qu’il y a lieu de rejeter l’ensemble des demandes en annulation.

 Sur la demande de remboursement

175    Par son sixième chef de conclusions, le requérant demande le remboursement de toutes les sommes qui ont été et/ou seront retenues sur son salaire, à partir de février 2004, majorées d’un intérêt de 5,25 % à compter de la date d’introduction de la réclamation.

176    La demande tendant à la condamnation de la Commission au remboursement, avec les intérêts, des sommes retenues sur le salaire du requérant, doit être rejetée par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à l’annulation de la décision prévoyant la répétition desdites sommes (voir, en ce sens, arrêt Ronsse/Commission, point 124 supra, point 64).

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

177    Le requérant, en rappelant les conditions dégagées par la jurisprudence du Tribunal en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté, affirme avoir subi à la fois un préjudice matériel et un préjudice moral tant en raison de la décision attaquée que de l’atteinte à sa carrière.

178    Il sollicite, à cet égard, le paiement d’une somme provisionnelle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi, tout en se réservant le droit de majorer cette demande en cours d’instance.

179    Le requérant fait référence, tout d’abord, à la jurisprudence concernant le devoir de sollicitude. À cet égard, il maintient que la décision attaquée n’aurait pas été précédée de la moindre consultation ni du moindre entretien entre l’administration et lui-même, et qu’aucune tentative de solution amiable n’aurait eu lieu. Il souligne qu’il n’a pas été convoqué pour donner des renseignements et des explications et estime que l’administration ne lui a pas porté la moindre attention en tant que personne confrontée à d’éventuelles difficultés financières ni n’a envisagé, à tout le moins, un plan de remboursement réaliste. Toute tentative de négociation serait d’ailleurs subordonnée, de la part de la Commission, au désistement du présent recours, ce qui reviendrait à renoncer au droit de se défendre. Il serait alors incontestable que l’administration n’a nullement pris en compte la situation du fonctionnaire et a manqué au devoir de sollicitude qui lui incombait à son égard.

180    Même si, comme le soutient la Commission, l’article 85 du statut suppose une erreur de la part de l’administration, le fait que, nonobstant un contrôle approfondi de son dossier en 1990, celle‑ci ne s’était pas aperçue du problème, signifie, selon le requérant, que l’erreur constitue une faute grave et injustifiable, causée par un manque de diligence, ce qui ne pourrait pas être mis à sa charge.

181    Quant à l’examen approfondi de son dossier personnel au sujet de l’indemnité de dépaysement, le requérant insiste sur le fait qu’il n’y a aucune trace de cette vérification dans la fiche de consultation du dossier, alors que le respect du devoir de transparence, de sollicitude et de bonne administration voudrait que l’AIPN laisse une trace de son passage, ne fût‑ce que par l’indication de l’identité du vérificateur. De ce fait, le requérant émet des doutes quant à la légitimité de ladite vérification et rappelle qu’aucune modification n’est intervenue dans sa situation personnelle et familiale depuis son entrée au service de la Commission, de nature à justifier un changement dans la méthode de calcul de l’indemnité de dépaysement.

182    Le requérant conclut que la décision attaquée démontre un cas évident de mauvaise administration, qui l’a placé dans un état d’incertitude et d’inquiétude quant à son avenir financier, avec des répercussions certaines et graves sur sa famille.

183    La Commission conteste les arguments du requérant et soutient que le moyen n’est pas fondé. Elle soulève également des doutes quant à la recevabilité de l’allégation du requérant tirée du manque de consultation préalable.

 Appréciation du Tribunal

184    En ce qui concerne la demande en indemnité, il suffit de relever, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de la recevabilité de l’argument du requérant tiré du fait que la décision attaquée n’aurait pas été précédée d’une consultation préalable, que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles‑mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêts du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 159 ; du 8 mars 2005, D/BEI, T‑275/02, RecFP p. I‑A‑51 et II‑211, point 91, et du 4 mai 2005, Sena/AESA, T‑30/04, RecFP p. I‑A‑113 et II‑519, point 108).

185    En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation. Dans la mesure où l’examen des moyens présentés au soutien des conclusions en annulation n’a pas révélé d’illégalité commise par la Commission et, donc, de faute de nature à engager sa responsabilité, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.

186    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

187    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. En vertu de l’article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles‑ci.

188    Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu des faits à l’origine du litige et du déroulement de la procédure, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de cette disposition, en faisant application, ainsi que le demande la Commission dans son mémoire en duplique, de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce même règlement, car le fait que le requérant ait maintenu, dans le cadre de son recours, la demande en indemnité n’a pas fait supporter à la Commission des frais frustratoires et vexatoires.

189    Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’établir que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger      

Table des Matières

Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la demande en annulation

A –  Sur l’objet de la demande en annulation

B –  Sur le fond

1.  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation de fait et de droit

a)  Sur la seconde branche du premier moyen, relative aux erreurs d’appréciation commises par la Commission dans la détermination du lieu de résidence habituelle du requérant et d’exercice de son activité professionnelle principale durant la période de référence

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur la première branche du premier moyen, relative à l’interprétation de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Observations liminaires

–  Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

2.  Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 85 du statut, ainsi que de la méconnaissance par la Commission des principes de protection de la confiance légitime, de bonne administration et de sollicitude et d’égalité de traitement

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la demande de remboursement

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : le français.