Language of document : ECLI:EU:T:2004:191

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
24 juin 2004 (1)

« Fonctionnaires – Absence imputée sur la durée du congé annuel – Délais – Absence d'intérêt à agir – Irrecevabilité »

Dans l'affaire T-190/02,

Anita Jannice Österholm, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Stockholm (Suède), représentée par Me J. R. Iturriagagoitia Bassas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d'agents, assistés par Me A. Dal Ferro, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission d'imputer l'absence de la requérante, entre le 8 et le 31 juillet 2000, sur la durée de son congé annuel,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),



composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 4 mars 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L’article 59, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dispose :

« Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

L’intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Il peut être soumis à tout contrôle médical organisé par l’institution.

[…] »

2
Selon l’article 60 du statut :

« Sauf en cas de maladie ou d’accident, le fonctionnaire ne peut s’absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique. Sans préjudice de l’application éventuelle des dispositions prévues en matière disciplinaire, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé. En cas d’épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante.

Lorsqu’un fonctionnaire désire aller passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation, il est tenu d’obtenir préalablement l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. »


Faits à l’origine du litige

3
Le 1er décembre 1996, la requérante est entrée en fonctions à la Commission, en tant que fonctionnaire.

4
La requérante a été atteinte, en juin 1999, d’une maladie qui a, par la suite, entraîné sa mise en invalidité à partir du 1er décembre 2000.

5
Le 21 juin 2000, le Dr Heisbourg, chef du service médical, a informé officiellement la requérante de l’ouverture de la procédure d’invalidité, conformément à l’article 59, paragraphe 1, quatrième alinéa, du statut. La requérante a été convoquée, le 29 juin 2000, chez le DMancini, médecin désigné pour représenter l’institution au sein de la commission d’invalidité, mais ne s’est pas présentée à ce rendez-vous. Elle ne s’est pas présentée non plus au nouveau rendez-vous fixé au 12 juillet 2000, étant, à cette date, au Portugal.

6
Le 30 juin 2000, le DBuysschaert, médecin traitant de la requérante, lui a délivré un certificat d’incapacité de travail pour la période du 1er au 31 juillet 2000.

7
Le 5 juillet 2000, la requérante a introduit une demande de congé annuel pour la période comprise entre le 10 juillet 2000 et le 3 septembre 2000.

8
Le 7 juillet 2000, la requérante a adressé une lettre au Dr Mancini exprimant son intention d’utiliser le certificat médical délivré par le DBuysschaert (joint à la lettre) seulement jusqu’au 7 juillet 2000 et de considérer comme congé annuel la période allant du 10 juillet au 3 septembre 2000.

9
Le 31 juillet 2000, la Commission a fait droit à la demande de la requérante en lui accordant le congé annuel.

10
En raison de la réception tardive du certificat médical du DBuysschaert du 30 juin 2000, la Commission avait contesté le congé de maladie couvrant la période du 1er au 7 juillet 2000. À la suite d’une réclamation de la requérante du 13 décembre 2000, la Commission a décidé, le 24 avril 2001, de faire droit à la réclamation de la requérante et, partant, de reconnaître la période allant du 1er au 7 juillet 2000 comme congé de maladie.

11
Dans une note envoyée à la défenderesse, la requérante a expliqué par la suite que sa décision de demander que la période du 10 juillet au 3 septembre 2000 soit considérée comme période de congé annuel était motivée par son souhait de mettre un terme à la procédure d’invalidité en cours.

12
Par lettre du 14 juin 2001, la requérante a demandé à la Commission de considérer comme période de congé pour maladie la période comprise entre le 10 juillet et le 31 juillet 2000.

13
Le 2 juillet 2001, la Commission a rejeté la demande, indiquant que, pour les motifs exposés dans la note du DSimonnet du 27 juin 2001, elle ne pouvait pas transformer la période du 8 au 31 juillet 2000 en congé de maladie.

14
Le 14 septembre 2001, la requérante a introduit une réclamation tendant à l’annulation partielle de la décision prise le 2 juillet 2001 concernant le calcul de ses congés pour l’année 2000 ainsi qu’à la transformation de la période du 8 au 31 juillet 2000 en congé de maladie.

15
Le 11 mars 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a pris une décision de rejet des prétentions formulées par la requérante.


Procédure et conclusions des parties

16
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2002, la requérante a introduit le présent recours.

17
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont répondu aux questions écrites posées par le Tribunal.

18
Le 4 mars 2004, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

19
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, annuler la décision de l’AIPN du 11 mars 2002 portant réponse à la réclamation introduite par la requérante ;

annuler partiellement la décision du 2 juillet 2001 concernant le calcul des congés entre le 8 et le 31 juillet 2000 ;

transformer la période comprise entre le 8 et le 31 juillet 2000 en congé de maladie ;

condamner la défenderesse aux dépens de l’instance.

20
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours comme non fondé en ce qu’il vise à l’annulation de la décision du 2 juillet 2001 de ne pas transformer la période du 8 au 31 juillet 2000 en congé de maladie, et comme irrecevable en ce qu’il vise à obtenir la transformation de cette période en congé de maladie.


En droit

21
À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer que, à la suite des questions posées par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a retiré son chef de conclusion visant à ce que le Tribunal transforme la période comprise entre le 8 et le 31 juillet 2000 en congé de maladie.

22
Ensuite, il convient de rappeler que le 7 juillet 2000, la requérante a déposé un certificat d’incapacité de travail pour la période du 1er au 31 juillet 2000 et a demandé de considérer comme congé annuel la période allant du 10 juillet au 3 septembre 2000. Le 31 juillet 2000, la défenderesse a fait droit à cette demande en lui accordant le congé annuel.

23
La requérante n’a pas introduit de réclamation à l’encontre de cette décision dans les délais statutaires. En revanche, le 14 juin 2001, revenant sur sa demande du 7 juillet 2000, elle a introduit une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à considérer comme période de congé de maladie la période comprise entre le 10 juillet et le 31 juillet 2000 et, le 14 septembre 2001, elle a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre le rejet de cette demande.

24
Ce n’est dès lors que un an environ après sa première demande que, le 14 juin 2001, la requérante a contesté la décision de la défenderesse du 31 juillet 2000, en faisant valoir que la défenderesse avait fait une application erronée des articles 59 et 60 du statut.

25
Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (arrêt du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑391/94, RecFP p. I‑A‑269 et II‑787, point 34, et ordonnance du Tribunal du 25 mars 2003, J/Commission, T‑243/02, non encore publiée au Recueil, point 31).

26
À cet égard, il convient de constater que la décision imputant les jours d’absence sur le congé annuel de la requérante constitue une décision faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. En effet, il s’agit d’un acte qui exprime définitivement la volonté de la Commission et qui affecte directement et immédiatement la position juridique de la requérante.

27
Il convient ensuite de rappeler que, dès lors que l’autorité compétente a pris, à l’égard d’un fonctionnaire, une décision lui faisant grief, celui-ci n’est plus recevable à entamer la procédure précontentieuse au stade de la demande, mais doit présenter directement à l’AIPN une réclamation dirigée contre cet acte lui faisant grief, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêt du Tribunal du 23 avril 1996, Mancini/Commission, T‑113/95, RecFP p. I‑A‑185 et II‑543, point 28, et ordonnance du Tribunal du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T‑108/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1205, point 21).

28
Il s’ensuit que, en présence d’un acte faisant grief, la requérante devait présenter directement et dans les délais statutaires une réclamation contre la décision imputant ses jours d’absence sur son congé annuel.

29
En vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, toute personne visée au statut peut saisir l’AIPN d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, qui doit être introduite dans un délai de trois mois. Ce délai court du jour de la notification de la décision au destinataire et, en tout cas, au plus tard du jour où l’intéressé en a connaissance s’il s’agit d’une mesure à caractère individuel.

30
Il convient d’observer que la requérante a affirmé avoir pris connaissance de la décision de la défenderesse imputant son absence du 10 juillet au 3 septembre 2000 sur son congé annuel à la fin du mois de juillet 2000. En effet, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, elle a indiqué qu’« [elle avait] eu connaissance de la décision de la Commission imputant les jours d’absence sur son congé annuel, suite à sa demande du 7 juillet 2000, à la fin du mois de juillet 2000 [et] [qu’]elle [était] incapable de préciser davantage la date en question ».

31
Ayant pris connaissance de la décision de la défenderesse à la fin du mois de juillet 2000, la requérante avait, dès lors, à partir de ce moment, un délai de trois mois pour saisir l’AIPN d’une réclamation dirigée contre l’acte lui faisant grief. Cependant, comme il a déjà été indiqué, la requérante n’a pas introduit de réclamation visant a contester la légalité de cette décision dans les délais, mais a introduit une nouvelle demande le 14 juin 2001.

32
Selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C-246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et arrêt Mancini/Commission, précité, point 20). Les éventuelles exceptions ou dérogations à ces délais doivent être interprétées de manière restrictive (ordonnance du Tribunal du 15 décembre 1995, Progoulis/Commission, T‑131/95, RecFP p. I‑A‑297 et II‑907, point 36). Même dans l’hypothèse où l’administration a répondu au stade de la phase précontentieuse aux arguments invoqués quant au fond par le fonctionnaire, le Tribunal ne se trouve pas dispensé de l’obligation de vérifier la recevabilité du recours au regard du respect des délais statutaires (ordonnance du Tribunal du 20 mars 1998, Feral/Comité des régions, T‑301/97, RecFP p. I-A-145 et II-471, point 19, et la jurisprudence citée).

33
Par ailleurs, si, aux termes de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l’AIPN de prendre à son égard une décision, cette faculté ne permet cependant pas au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction d’une réclamation et d’un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une demande, une décision antérieure qui n’a pas été contestée dans les délais (arrêt de la Cour du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981, point 10 ; ordonnances du Tribunal du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T‑16/97, RecFP p. I‑A‑237 et II‑681, point 33, et du 11 décembre 2001, Stols/Conseil, T‑99/97, RecFP p. I‑A‑233 et II‑1061, point 40). Seule l’existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une telle décision (arrêts de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10 ; du 14 juin 1988, Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, point 11, et ordonnance Chauvin/Commission, précitée, point 37).

34
Cependant, en l’espèce, aucun fait nouveau n’a été invoqué par la requérante pour justifier la présentation d’une nouvelle demande.

35
Il s’ensuit que la demande de la requérante, du 14 juin 2001, n’a pas rouvert les délais impératifs prévus par les articles 90 et 91 du statut et que, dès lors, la réclamation qu’elle a introduite le 14 septembre 2001, c’est-à-dire plus de treize mois après avoir pris connaissance de la décision faisant grief, est tardive.

36
Par conséquent, le recours introduit par la requérante est irrecevable.

37
À titre surabondant, il y a lieu d’observer que, en tout état de cause, le recours est également irrecevable pour absence d’intérêt à agir de la requérante. En effet, il convient de rappeler qu’il est constant que, pendant la période comprise entre le 8 et le 31 juillet 2000, la requérante se trouvait au Portugal sans avoir reçu, ni même demandé, l’autorisation préalable prescrite par l’article 60 du statut.

38
Selon l’article 60 du statut, lorsqu’un fonctionnaire désire passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation, il est tenu d’obtenir préalablement l’autorisation de l’AIPN. Selon la même disposition, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé.

39
Dans ces conditions, il y a lieu d’observer que, même au cas où le Tribunal ferait droit au recours de la requérante, celle-ci ne pourrait pas atteindre l’objectif qu’elle poursuit, à savoir que la période comprise entre le 8 et le 31 juillet 2000 soit considérée comme congé de maladie. En effet, dans une telle hypothèse, ainsi que l’a souligné à juste titre la défenderesse, l’absence de la requérante serait irrégulière, celle-ci se trouvant au Portugal sans l’autorisation préalable prescrite par l’article 60 du statut. Dans ces conditions, conformément à cet article, son absence irrégulière devrait être imputée sur la durée de son congé annuel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 1996, Z/Commission, T‑135/95, RecFP p. I-A-519 et II‑1413, point 40).

40
Il s’ensuit que le présent recours est également irrecevable dans la mesure où la requérante n’a pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision qui a imputé son absence sur son congé annuel plutôt que de considérer cette absence comme congé de maladie.

41
Il ressort de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant irrecevable.


Sur les dépens

42
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Azizi

Jaeger

Dehousse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 juin 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1
Langue de procédure : le français.