Language of document : ECLI:EU:T:2012:566

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 octobre 2012 (*)

« Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Acte, pour partie, confirmatif, pour partie, informatif – Irrecevabilité – Recours en indemnité – Absence d’identification du comportement reproché ou de définition du préjudice allégué – Irrecevabilité – Recours en indemnité – Absence de preuve du préjudice – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑442/11,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes S. Delaude et D. Calciu, en qualité d’agents, assistées de Me P. Wytinck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, une demande d’annulation d’une lettre de la Commission du 27 mai 2011, en deuxième lieu, une demande visant à la condamnation de la Commission au versement de dommages-intérêts et, en troisième lieu, la condamnation de cette même institution à publier un communiqué,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 29 décembre 1995, la Commission a conclu avec une société, dont la requérante, Evropaïki Dynamiki, était sous‑traitante, deux contrats portant sur des services informatiques. Il est constant que ceux‑ci portaient sur une application informatique ultérieurement dénommée « communication and information resource centre administrator » (ci-après « CIRCA »).

2        L’application CIRCA était un extranet, destiné à sécuriser le partage de documents entre administrations publiques. Cette application était utilisée par la Commission, d’autres institutions européennes et diverses autorités nationales.

3        En exécution de trois contrats, signés respectivement le 29 décembre 1999, le 21 décembre 2000 et le 20 décembre 2001, la requérante fournit à la Commission, en qualité de cocontractant de celle‑ci, des services en lien avec l’application CIRCA, tels que des services de développement et de maintenance, d’une part, ainsi que d’assistance et d’aide aux utilisateurs, d’autre part.

4        En 2002, la Commission lança un appel d’offres intitulé « Further development of the collaborative software CIRCA » (JO 2002/S 106‑083279‑LOT1). La requérante soumit une offre, laquelle ne fut pas retenue. La requérante introduisit alors un recours devant le Tribunal, dont elle se désista (ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 23 janvier 2003, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑345/02, non publiée au Recueil). En effet, un accord extrajudiciaire fut trouvé entre la requérante et la Commission. À la suite d’une nouvelle évaluation des offres, la requérante remporta l’appel d’offres et fut invitée à signer un contrat‑cadre. Toutefois, avant que le contrat ne fût signé, le 12 septembre 2003, la Commission décida d’annuler l’appel d’offres.

5        En 2004, après un incident informatique qu’elle considéra « majeur », la Commission choisit de remplacer CIRCA par une application nouvelle dénommée « communication and information resource centre for administrations, businesses and citizens » (ci-après « CIRCABC »). Il est constant que celle‑ci devait être entièrement basée sur des logiciels libres.

6        En mars 2005, la Commission lança un nouvel appel d’offres, lequel portait sur des services d’aide et de support aux utilisateurs de l’application CIRCA. Toutefois, cet appel d’offres fut annulé, ce dont la requérante fut informée par lettre du 26 octobre 2005.

7        Par ailleurs, la Commission conduisit une étude de marché afin de déterminer quels logiciels libres pourraient être utilisés pour développer l’application CIRCABC. Les résultats de cette étude furent présentés au comité chargé de l’application CIRCABC, le 19 septembre 2005. Vingt‑deux logiciels libres étaient identifiés par cette étude. Aucun d’entre eux n’avait été conçu par la requérante. Puis, une étude de faisabilité fut menée, de la fin de l’année 2005 au début de l’année 2006, afin de tester, de manière plus approfondie, trois de ces vingt‑deux logiciels. À l’issue de cette étude, il fut recommandé d’utiliser un logiciel édité par la société A. S. comme composant de base de l’application CIRCABC.

8        Le 20 février 2006, la Commission conclut avec la requérante un contrat portant sur des services d’aide et de support aux utilisateurs de l’application CIRCA.

9        Par lettre du 10 avril 2006, la requérante allégua que l’étude mentionnée au point 7 ci‑dessus avait été partiale et s’était révélée être un échec. Au soutien d’une telle allégation, elle avança trois arguments. Premièrement, elle prétendit qu’elle n’avait pas eu l’opportunité de défendre sa position devant la Commission. Deuxièmement, elle fit valoir qu’elle avait développé un logiciel, dénommé Mermig, et ajouta que celui‑ci aurait dû figurer dans la liste des logiciels identifiés comme pouvant être utilisés en tant que composants de l’application CIRCABC. Troisièmement, la requérante indiqua que, « au cas où [l’étude de marché dont il s’agit aurait] été menée par [les sociétés] T. et/ou S., il pourrait y avoir un sérieux conflit d’intérêts ». Au dernier paragraphe de sa lettre, la requérante conclut en faisant valoir qu’elle attendait de la part de la Commission un « traitement et une coopération équitables ».

10      Par lettre du 28 avril 2006, la Commission indiqua que la lettre de la requérante du 10 avril 2006 avait reçu toute son attention et se borna à préciser que sa direction générale en charge de l’informatique avait « toujours traité – et continuera[it] à traiter – tous ses cocontractants et toutes les entreprises qui participent à [des] procédures de passation de marchés d’une manière professionnelle et de la même façon, équitable et transparente ».

11      Par lettre du 19 juillet 2006, la requérante demanda à la Commission de lui préciser les raisons pour lesquelles le logiciel Mermig n’était pas au nombre des logiciels identifiés par l’étude de marché mentionnée au point 7 ci‑dessus. Après avoir rappelé que ce logiciel constituait un logiciel libre, elle ajouta qu’elle avait « de sérieuses raisons de penser que l’intention [de la Commission était de la] dissocier de CIRCA, plutôt que de sélectionner le [logiciel] meilleur marché, conformément à la législation applicable sur les marchés publics ». Puis, elle indiqua qu’elle était « profondément désolée d’une telle situation injustifiée » et restait « prête à agir pour y remédier ». Enfin, elle demanda à la Commission de « prendre les mesures nécessaires pour assurer une évaluation équitable et objective ».

12      Par lettre du 7 août 2006, la Commission releva que, s’agissant du « futur de CIRCA », les affirmations de la requérante n’étaient pas nouvelles et qu’elle y avait déjà amplement répondu, notamment par la lettre du 28 avril 2006. Elle ajouta qu’il est de sa « responsabilité de décider quelle est la meilleure approche pour le développement de ses systèmes d’information » et précisa qu’elle « recherche l’intérêt général et ne peut se permettre d’être guidée par des intérêts de nature privée, quelque légitimes qu’ils soient ». Enfin, elle conclut en demandant à la requérante de noter qu’elle considérait le « débat » relatif au « futur de CIRCA » « comme clos ».

13      Par lettre du 8 août 2006, la requérante indiqua qu’il lui semblait que la Commission avait décidé de « remplacer [l’application] CIRCA par [un logiciel édité par la société A. S.] ». Puis, elle invita la Commission à « interrompre [la] procédure [tendant au remplacement de l’application CIRCA], qui [était selon elle] à la fois contraire aux règles de passation des marchés publics et dommageable pour [elle] », et précisa que, « [e]n l’absence de réponse de [la] part [de la Commission] dans les 30 prochains jours, [elle se verrait] contraint[e] de saisir les juridictions compétentes ».

14      Par lettre du 7 septembre 2006, la Commission répondit qu’elle « renvoyait à [sa] récente lettre […] du 7 août 2006, par laquelle elle avait informé [la requérante qu’elle] considérait le débat [concernant le futur de CIRCA] comme clos ».

15      Nonobstant cette circonstance, la requérante réitéra sa demande par un courriel daté du 25 octobre 2006, faisant valoir que le remplacement de l’application CIRCA par une application reposant sur un logiciel distribué par la société A. S. n’avait pas été réalisé de manière transparente et violait le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1). Puis, elle indiqua que, si une solution amiable n’était pas atteinte, elle solliciterait une réunion avec des représentants du secrétariat général de la Commission et de l’Office européen de lutte antifraude.

16      L’agent de la Commission auquel ce courriel avait été destiné répondit par lettre du 8 novembre 2006. Il indiqua, en premier lieu, que les questions soulevées par la requérante relevaient de la seule compétence de l’ordonnateur chargé d’exécuter les dépenses évoquées par la requérante et qu’il n’y avait donc pas de « place à la discussion ». En deuxième lieu, il releva que la fin du courriel pouvait être perçue comme tendant à menacer le personnel de la Commission. En troisième lieu, il remarqua que ledit courriel contenait des inexactitudes et témoignait de malentendus.

17      Le 23 novembre 2006, après qu’une étude complémentaire eut été menée, il fut formellement proposé au comité chargé de l’application CIRCABC de retenir, comme composant de base de l’application CIRCABC, le logiciel conçu par la société A. S. évoqué au point 7 ci‑dessus. Il n’est pas contesté que le comité accepta cette proposition par un acte daté du même jour. Aucune trace écrite de l’acceptation de cette proposition ne figure cependant au dossier. Tout au plus la Commission a‑t‑elle produit, en réponse à une demande écrite du Tribunal, un courriel daté du 4 décembre 2006 confirmant que le rapport contenant la proposition en cause était approuvé.

18      Des services liés au développement de l’application CIRCABC, tels que les services de conseil, ont, par la suite, été fournis à la Commission par une entreprise titulaire de plusieurs contrats‑cadres de services informatiques. Cette entreprise a eu, comme sous‑traitant, la société A. S.

19      Le 1er février 2007, la requérante déposa la plainte n° 438/2007/(TN)RT auprès du Médiateur européen. Elle y faisait, en particulier, valoir que, lors du remplacement de CIRCA, la Commission avait méconnu les principes de bonne gestion financière et de transparence et avait eu à son égard un traitement discriminatoire.

20      Le 10 novembre 2010, le Médiateur européen décida de clore son enquête. Il se borna à formuler, à l’endroit de la Commission, un commentaire critique, au sens de l’article 7 de la décision du Médiateur européen portant adoption de dispositions d’exécution de la décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur (JO L 113, p. 15). Selon le Médiateur européen, la Commission n’aurait « pas expliqué de façon suffisamment convaincante pourquoi le contrat conclu avec [la société A. S.] n’était pas un contrat public au sens du règlement [n° 1605/2002] ». En outre, elle n’aurait « pas justifié sa décision de sélectionner le fournisseur de ce logiciel sans organiser un appel d’offres approprié ».

21      Le 7 décembre 2010, la requérante demanda, par télécopie, à la Commission quelles mesures celle‑ci envisageait de prendre pour donner suite au commentaire critique du Médiateur européen.

22      Le 20 décembre 2010, la Commission indiqua à la requérante que, comme à son habitude, elle entendait répondre directement au Médiateur européen, sans entamer un échange de correspondances parallèle avec elle.

23      Le 4 mai 2011, la requérante adressa à la Commission une télécopie intitulée « Invitation à agir adressée en vertu de l’article 265 TFUE ».

24      Dans cette télécopie, elle rappelait, tout d’abord, le commentaire critique formulé à l’égard de la Commission par le Médiateur européen (voir point 20 ci‑dessus) et ajoutait que ce commentaire confirmait « une chose sur laquelle [elle] insist[ait] constamment durant les dernières années ».

25      Ensuite, elle faisait valoir, d’une part, que le logiciel conçu par la société A. S. avait été acquis par la Commission sans qu’une procédure d’appel d’offres ne soit engagée et, d’autre part, que la décision de remplacer CIRCA par CIRCABC avait été adoptée sur le fondement d’une étude conduite par une société rencontrant un « sérieux conflit d’intérêts », eu égard à ses liens avec la société A. S.

26      Enfin, elle formulait quatre demandes distinctes.

27      Premièrement, elle enjoignait à la Commission de « geler » tout projet en cours utilisant le logiciel conçu par la société A. S., et notamment l’application CIRCABC (demande n° 1).

28      Deuxièmement, elle demandait d’« arrêter » tout « investissement futur » dans l’application CIRCABC (demande n° 2).

29      Troisièmement, elle sollicitait le paiement de dommages‑intérêts, à savoir :

–        un million d’euros au titre de la perte de l’opportunité de proposer sa propre « plateforme » pour l’application CIRCABC [demande n° 3, sous a)] ;

–        un million d’euros « pour l’utilisation de [ses] droits de propriété intellectuelle » [demande n° 3, sous b)] ;

–        dix millions d’euros « pour la détérioration de [son] image, de [sa] réputation et de [sa] crédibilité sur le marché, causée par les actions et omissions de la Commission qui [auraient] conduit le marché, dans son ensemble, à considérer que [la requérante et ses] produits avaient été rejetés par la Commission, ayant été estimés inadéquats pour l’application CIRCABC et d’autres applications dans le domaine de l’e‑collaboration et du management de document/contenus » [demande n° 3, sous c)].

30      Quatrièmement, la requérante demanda à la Commission de lui communiquer tous les éléments pertinents, et notamment le contrat signé avec la société A. S., les rapports, les minutes de réunions, la correspondance et les contrats conclus avec des tiers concernant directement ou indirectement l’objet du litige, à savoir, en particulier, le remplacement de CIRCA par CIRCABC et les relations de la Commission avec la société A. S. (demande n° 4).

31      En réponse à cette télécopie, la Commission adressa à la requérante une lettre, datée du 27 mai 2011.

32      En premier lieu, elle y rappelait qu’elle avait réagi, le 20 décembre 2010, à la télécopie que la requérante lui avait adressée le 7 décembre 2010. Elle ajoutait qu’elle avait reçu la « décision du Médiateur européen clôturant l’enquête relative à la plainte [n° 438/2007/(TN)RT] ». Elle précisait qu’elle répondrait à ce dernier, tout en ajoutant qu’elle ne « partageait pas le point de vue du [Médiateur européen] dans tous les cas ».

33      En deuxième lieu, la Commission indiquait que la requérante n’avait pas résumé avec exactitude la décision du Médiateur européen. Selon elle, cette décision aurait, d’une part, écarté comme irrecevables toutes ses allégations, « exception faite du commentaire critique », et d’autre part, rejeté la demande tendant à ce que la Commission « gèle la procédure de remplacement de CIRCA » par CIRCABC. Par ailleurs, elle aurait explicitement mentionné, d’une part, que la requérante n’avait pas fait l’objet de discrimination et, d’autre part, qu’il n’existait aucune preuve d’erreur manifeste d’appréciation.

34      En troisième lieu, la Commission précisait qu’elle « ne pouvait pas accepter » les réclamations formulées par la requérante dans la télécopie du 4 mai 2011. En particulier, elle remarquait que :

–        les demandes nos 1 et 2 avaient « déjà [été] rejetées par le M[édiateur] e[uropéen] » ;

–        la demande n° 3, sous a), était non fondée « dès lors que le M[édiateur] e[uropéen] avait constaté qu’il n’y avait pas eu d’erreur manifeste d’appréciation » ;

–        la demande n° 3, sous b), était « complètement nouvelle et exclue de l’enquête du M[édiateur] e[uropéen] » ;

–        la demande n° 3, sous c), d’une part, était « irréaliste en tant qu’appréciation de la capacité de la Commission à influencer le marché » et, d’autre part, avait été « réfutée par le jugement récent du Tribunal de première instance de Bruxelles » ;

–        et la demande n° 4 était « formulée en des termes excessivement larges ».

35      Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’annexe 6 de l’exception d’irrecevabilité, que le jugement évoqué par la Commission statuait sur un recours indemnitaire formé par un agent de la Commission contre la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2011, la requérante a introduit le présent recours.

37      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la « décision de la Commission du 27 mai 2011 de n’adopter aucune mesure correctrice à la suite de la décision du Médiateur européen » de clore son enquête relative à la plainte n° 438/2007/(TN)RT ;

–        annuler « toutes les décisions de la Commission qui y sont liées » ;

–        condamner la Commission à lui verser une indemnité d’un montant correspondant à « l’avantage concurrentiel » accordé à la société A. S., en réparation du préjudice résultant, d’une part, de « la décision de la Commission de novembre 2006 » par laquelle la Commission aurait « sélectionn[é] les produits et les services [de la société A. S.] » et, d’autre part, des « décisions de la Commission de signer des contrats spécifiques […] entre 2006 et 2011, en vue de la fourniture de services de consultance et de développement […] pour produire la nouvelle version de CIRCA (CIRCABC) » ;

–        condamner la Commission à lui verser une somme d’un million d’euros « pour la perte d’une chance de participer à l’appel d’offres qu’elle a décidé d’annuler » ;

–        condamner la Commission à lui verser une somme d’un million d’euros « pour une utilisation non autorisée de ses droits de propriété intellectuelle » ;

–        condamner la Commission à lui verser une somme de dix millions d’euros « pour une perte non pécuniaire consistant en la mise en cause de sa réputation et de sa crédibilité » ;

–        condamner la Commission à publier une « note publique informant le marché et tous les utilisateurs intéressés par CIRCA que ce produit n’est pas une plateforme obsolète, que [le logiciel développé par la société A S.] n’est pas une plateforme privilégiée pour CIRCABC et qu’ils sont libres de choisir à titre de substitut pour CIRCA la plateforme de leur choix » ;

–        condamner la Commission aux dépens, « même en cas de rejet du présent recours ».

38      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2011, la Commission a, en application de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d’irrecevabilité.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de fondement en droit ;

–        en tout état de cause, condamner la requérante aux dépens.

40      Le 27 janvier 2012, la requérante a déposé au greffe du Tribunal ses observations écrites en réponse à l’exception d’irrecevabilité. Elle y conclut au rejet de celle‑ci et rappelle les conclusions formées dans sa requête.

 En droit

41      En vertu de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. La suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

42      En outre, en vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui‑ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

43      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer, sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée.

1.     Sur les conclusions à fin d’annulation

 En ce qui concerne l’étendue des conclusions à fin d’annulation

 S’agissant de ces conclusions en tant qu’elles sont dirigées contre la lettre du 27 mai 2011 et « toutes les décisions de la Commission » lui étant « liées »

44      Dans sa requête, la requérante a demandé, en substance, au Tribunal d’annuler la lettre du 27 mai 2011 visée au point 31 ci‑dessus (ci‑après la « lettre du 27 mai 2011 ») en tant que cette lettre porte refus d’adopter les « mesures correctrices » qui auraient été imposées par la décision du Médiateur européen de clore son enquête relative à la plainte n° 438/2007/(TN)RT. Elle a, par ailleurs, explicitement indiqué que son recours tendait également à l’annulation de « toutes les décisions de la Commission […] liées » à cette lettre.

45      Pour apprécier la portée d’un tel chef de conclusions, il convient, au préalable, de rappeler quel était le contenu de ladite lettre.

–       Contenu de la lettre du 27 mai 2011

46      Dans la première partie de la lettre du 27 mai 2011, la Commission, en premier lieu, rappelait qu’elle avait réagi, le 20 décembre 2010, à une télécopie que la requérante lui avait adressée le 7 décembre 2010, en deuxième lieu, indiquait qu’elle avait reçu la « décision » du Médiateur européen, en troisième lieu, soulignait que, selon elle, la requérante n’avait pas résumé avec exactitude cette « décision » et, en quatrième lieu, ajoutait qu’elle entendait répondre directement au Médiateur européen, tout en précisant qu’elle ne partageait pas systématiquement le point de vue de ce dernier.

47      Dans la seconde partie, elle faisait part à la requérante du rejet de ses demandes, numérotées de 1 à 4, qui avaient été formulées par télécopie en date du 4 mai 2011 (voir points 27 à 30 ci‑dessus). Parmi lesdites demandes, la demande n° 3, sous a) à sous c), présentait un caractère indemnitaire. Quant à celle portant le numéro 4, elle tendait à ce que la Commission communique à la requérante divers documents.

–       Portée du chef de conclusions

48      Les conclusions en indemnité formées dans la requête, et mentionnées aux quatrième à sixième tirets du point 37 ci‑dessus, constituent la reprise de la demande n° 3, sous a) à sous c), dont il vient d’être question au point 47 ci‑dessus. En effet, elles ont pour objet la réparation des mêmes préjudices que ces demandes. En outre, les sommes sollicitées à titre d’indemnité sont identiques.

49      Par ailleurs, au soutien de ses conclusions à fin d’annulation, la requérante n’a développé aucune argumentation relative au rejet, par la Commission, des demandes visées au point précédent.

50      Dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme ayant entendu, non pas contester, sur le fondement de l’article 263 TFUE, la légalité du rejet desdites demandes, mais présenter celles‑ci directement devant le Tribunal, dans le cadre d’un recours en indemnité.

51      Quant à la demande portant le numéro 4, elle n’avait manifestement pas pour objet l’adoption des « mesures correctrices » auxquelles la requérante fait référence dans sa requête. En outre, à l’appui de ses conclusions à fin d’annulation, la requérante n’a présenté aucune argumentation relative au rejet, par la Commission, de cette demande. Dans ces conditions, le Tribunal considère que la requérante n’a pas entendu contester devant lui ledit rejet.

52      Par suite, le chef de conclusions mentionné au point 44 ci‑dessus tend uniquement à l’annulation, en premier lieu, de la première partie de la lettre du 27 mai 2011, en deuxième lieu, de la seconde partie de cette lettre, en tant qu’elle porte rejet des demandes nos 1 et 2, et, en troisième lieu, de « toutes les décisions de la Commission » liées à ladite lettre.

 S’agissant de l’éventuel surplus des conclusions à fin d’annulation

53      Dans sa requête, la requérante a fait référence, non seulement à la lettre du 27 mai 2011 et aux décisions lui étant liées, mais également à d’autres actes, prétendument adoptés par la Commission.

54      Ainsi, elle a indiqué, au point 3 de sa requête, que la « présente affaire port[ait] [non seulement sur la lettre du 27 mai 2011, mais aussi] sur les décisions suivantes de la Commission :

–        la décision de la Commission de choisir les produits et les services d’[A. S.] et de signer un (ou plusieurs) contrat(s) avec cette société […] en vue d’acquérir un logiciel spécifique et de l’utiliser pour développer [l’application CIRCABC], qui a été adoptée en novembre 2006 ;

–        [et] les décisions de la Commission de signer entre 2006 et 2011 […] des contrats spécifiques portant sur la fourniture de services de consultance et de développement et faisant appel à [A. S.] pour produire [l’application CIRCABC] ».

55      Par ailleurs, elle a évoqué, à de nombreuses reprises, l’illégalité dont était, selon elle, entachée la décision, adoptée en novembre 2006, par laquelle un logiciel conçu par la société A. S. avait été retenu comme composant de l’application CIRCABC. En particulier, elle a soutenu que, lors de l’édiction de cette décision, la Commission avait violé les articles 27, 88, 89 et 91 du règlement n° 1605/2002 ainsi que les articles 116, 122 et 124 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1). En outre, elle a exposé que ladite décision, d’une part, méconnaissait les principes de non‑discrimination et d’égalité de traitement et, d’autre part, était entachée de détournement de pouvoir.

56      Nonobstant ces circonstances, le Tribunal constate que les conclusions à fin d’annulation formées par la requérante n’ont pas une portée différente de celles mentionnées au point 52 ci‑dessus.

57      En effet, il est vrai que la requérante a indiqué, au point 3 de la requête, que la présente affaire « portait » notamment sur une décision adoptée en novembre 2006 et diverses décisions de signer des contrats. Toutefois, elle n’a en aucun cas précisé qu’elle présentait des conclusions à fin d’annulation contre ces décisions. L’existence de telles conclusions ne ressort, en particulier, ni de la partie de la requête intitulée « Demande », ni de sa page de garde, sur laquelle est indiqué l’objet du recours.

58      En outre, dans son exception d’irrecevabilité, la Commission avait considéré que seules la lettre du 27 mai 2011 et les décisions lui étant « liées » étaient en litige. Confirmant cette interprétation de son recours, la requérante n’a pas fait mention, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, de conclusions à fin d’annulation autres que celles dirigées contre la lettre du 27 mai 2011 et les décisions lui étant « liées ». D’ailleurs, elle a réitéré, sans les modifier, ses conclusions telles qu’énoncées dans la partie « Demande » de la requête.

59      Ce faisant, elle doit être regardée comme ayant entendu souligner que ses conclusions à fin d’annulation n’étaient dirigées qu’à l’encontre de la lettre du 27 mai 2011 et des décisions liées à cette lettre. Dès lors, les décisions mentionnées au point 54 ci-dessus doivent être regardées comme ayant été invoquées dans le cadre d’une argumentation présentée au soutien des conclusions en indemnité.

 En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation partielle de la lettre du 27 mai 2011

 S’agissant de la recevabilité des conclusions à fin d’annulation dirigées contre la première partie de la lettre du 27 mai 2011

60      Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui‑ci (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Portugal/Commission, C‑249/02, Rec. p. I‑10717, point 35, et la jurisprudence citée). Pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca‑Cola/Commission, T‑125/97 et T‑127/97, Rec. p. II‑1733, point 78, et la jurisprudence citée).

61      Se prévalant de cette jurisprudence, la Commission fait valoir, en substance, que les conclusions à fin d’annulation sont irrecevables en tant qu’elles portent sur la première partie de la lettre du 27 mai 2011. Celle‑ci présenterait, selon elle, un caractère informatif et serait, par suite, dépourvue d’effets juridiques obligatoires.

62      Une telle fin de non‑recevoir doit être accueillie.

63      Ainsi qu’il a été dit, dans la première partie de la lettre du 27 mai 2011, la Commission s’est bornée, en premier lieu, à rappeler qu’elle avait réagi, le 20 décembre 2010, à une télécopie que la requérante lui avait adressée le 7 décembre 2010, en deuxième lieu, à indiquer qu’elle avait reçu la « décision » du Médiateur européen du 10 novembre 2010, en troisième lieu, à souligner que, selon elle, la requérante n’avait pas résumé avec exactitude cette « décision », en quatrième lieu, à ajouter qu’elle entendait répondre directement au Médiateur européen et, en cinquième lieu, à préciser qu’elle ne partageait pas systématiquement le point de vue de ce dernier.

64      Or, aucune de ces cinq assertions n’est assortie d’effets juridiques obligatoires de nature à avoir affecté les intérêts de la requérante. Toutes présentent, au contraire, un contenu purement informatif.

65      En effet, par ses deux premières assertions, la Commission n’a livré que de simples informations factuelles relatives à des événements passés. Par sa troisième assertion, elle s’est contentée de faire part à la requérante de son opinion quant à la façon dont celle‑ci avait interprété les conclusions auxquelles était parvenu le Médiateur européen. Par sa quatrième assertion, elle a donné à la requérante une information quant à la manière suivant laquelle elle répondrait au Médiateur européen. Enfin, par sa cinquième assertion, elle n’a fait que préciser à la requérante qu’elle était parfois en désaccord avec le Médiateur européen.

 S’agissant de la recevabilité des conclusions à fin d’annulation dirigées contre la seconde partie de la lettre du 27 mai 2011 en tant qu’elle porte rejet des demandes nos 1 et 2

66      Selon la jurisprudence, un recours contre un acte confirmatif est irrecevable pour autant que l’acte confirmé est devenu définitif à l’égard de l’intéressé, faute d’avoir fait l’objet d’un recours contentieux introduit dans le délai requis (arrêt de la Cour du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, Rec. p. I‑12041, point 54 ; voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 24 mai 2011, Royaume‑Uni/Commission, T‑115/10, non publiée au Recueil, point 25).

67      Un acte est confirmatif lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du ou des destinataires de cet acte antérieur (ordonnance de la Cour du 7 décembre 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑521/03 P, non publiée au Recueil, point 47 ; ordonnance Royaume‑Uni/Commission, point 66 supra, point 25).

68      En particulier, si un acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen d’une décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (voir ordonnance Royaume‑Uni/Commission, point 66 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

69      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la recevabilité des conclusions à fin d’annulation dirigées contre la seconde partie de la lettre du 27 mai 2011.

–       Fin de non‑recevoir tirée du caractère confirmatif de la lettre du 27 mai 2011

70      La Commission fait valoir, en substance, que la lettre du 27 mai 2011 présente un caractère confirmatif en tant qu’elle porte rejet des demandes formulées par télécopie du 4 mai 2011 et numérotées 1 et 2 (voir points 27 et 28 ci‑dessus).

71      D’une part, ces dernières demandes auraient déjà été formulées dans une lettre datée du 8 août 2006.

72      D’autre part, la lettre du 27 mai 2011 répondrait auxdites demandes en des termes, en substance, identiques à ceux d’un précédent courrier du 7 septembre 2006. Elle se bornerait ainsi, en définitive, à confirmer ce courrier ainsi que la décision subséquente, du 23 novembre 2006, par laquelle le comité chargé de l’application CIRCABC a retenu comme composant de cette application un logiciel libre édité par la société A. S. Or, si la requérante avait souhaité contester ladite lettre ou ladite décision, elle aurait dû le faire dans le respect des délais de recours.

73      Enfin, il n’y aurait eu ni fait nouveau ni réexamen de la situation.

–       Examen par le Tribunal de cette fin de non‑recevoir

74      Par la lettre du 27 mai 2011, la Commission a rejeté les deux premières demandes formulées par la requérante dans sa télécopie du 4 mai 2011 (voir points 27 et 28 ci‑dessus), lesquelles tendaient en substance à ce que la Commission renonce à tout projet informatique utilisant un logiciel conçu par la société A. S. et cesse, en particulier, de développer et d’utiliser l’application CIRCABC.

75      Ce faisant, la Commission s’est bornée à réaffirmer une position qu’elle avait exposée antérieurement, d’une part, dans les lettres du 7 août 2006 et du 7 septembre 2006, visées, respectivement, aux points 12 et 14 ci‑dessus, et, d’autre part, dans l’acte du 23 novembre 2006, mentionné au point 17 ci‑dessus.

76      En effet, en premier lieu, elle avait déjà signifié clairement à la requérante, dans les lettres du 7 août 2006 et du 7 septembre 2006, qu’elle comptait poursuivre le développement et l’utilisation de l’application CIRCABC. Elle avait, d’ailleurs, conclu sa lettre du 7 août 2006, laquelle répondait à des observations critiques formulées par la requérante le 19 juillet 2006 (voir point 11 ci‑dessus), en demandant à celle‑ci de noter que le « débat » relatif au « futur de CIRCA » était, à ses yeux, « clos ». Et, dans sa lettre du 7 septembre 2006, la Commission s’était contentée de « renvoyer à [sa] récente lettre […] du 7 août 2006 », indiquant ainsi qu’elle refusait de faire droit à l’ensemble des prétentions de la requérante concernant les applications CIRCA et CIRCABC.

77      Or, il ressort, certes, des pièces du dossier, et notamment de l’annexe 1 de la requête, que les lettres de la Commission du 7 août 2006 et du 7 septembre 2006 semblent avoir été à l’origine de la saisine, par la requérante, du Médiateur européen, ce qui témoigne d’ailleurs de ce que la requérante considérait qu’elles lui faisaient grief. Toutefois, ces lettres n’ont pas été déférées au juge de l’Union dans le délai requis. En effet, il ressort des pièces du dossier, et spécialement de l’annexe 1 de la réponse de la requérante à la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal, que la lettre du 7 septembre 2006, qui faisait référence, ainsi qu’il a été dit, à celle du 7 août 2006, a été reçue par la requérante le 8 septembre 2006. Il s’ensuit que lesdites lettres présentaient, le 27 mai 2011, un caractère définitif, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 66 ci-dessus.

78      En second lieu, la Commission avait, par l’acte du 23 novembre 2006, déjà fait connaître son intention de retenir comme composant de l’application CIRCABC un logiciel édité par la société A. S.

79      Or, selon une jurisprudence constante, à défaut de publication ou de notification, le délai de recours ne court qu’à partir du moment où l’intéressé a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause, à condition qu’il demande le texte intégral dans un délai raisonnable. Cette jurisprudence se fonde sur des exigences tenant à la sécurité juridique qui imposent, de la part des destinataires d’un acte, d’agir, lorsqu’ils ne connaissent pas le contenu précis dudit acte, avec diligence en vue d’être suffisamment informés (arrêt de la Cour du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission, C‑48/96 P, Rec. p. I‑2873, points 25 et 26 ; arrêt du Tribunal du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, Rec. p. II‑3207, point 68). En l’espèce, si aucun élément du dossier n’indique que l’acte du 23 novembre 2006 ait été publié ou notifié à la requérante, force est de constater qu’il était mentionné par la décision du Médiateur européen de clore son enquête relative à la plainte n° 438/2007/(TN)RT (point 25 de cette décision). La requérante en a donc eu connaissance, au plus tard, le 7 décembre 2010, date à laquelle elle a adressé à la Commission la demande mentionnée au point 21 ci‑dessus, dans laquelle ladite décision du Médiateur européen était invoquée. Cependant, il n’est pas établi que, à compter de cette date, elle ait demandé à la Commission les motifs dudit acte. Dans ces conditions, c’est à compter du 7 décembre 2010 que doit être calculé le délai de recours contentieux. Par suite, le 27 mai 2011, l’acte du 23 novembre 2006 était devenu définitif, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 66 ci‑dessus.

80      La requérante prétend que, nonobstant les éléments rappelés aux points précédents, la lettre du 27 mai 2011 ne présente pas un caractère confirmatif.

81      À cet égard, elle rappelle que, dans sa décision visée au point 20 ci‑dessus, le Médiateur européen a formulé à l’égard de la Commission un commentaire critique. Selon la requérante, bien que ce commentaire critique ne soit pas contraignant pour la Commission, il serait un élément juridique nouveau, qui s’ajoute au contexte factuel de l’espèce. Ledit commentaire constituerait par ailleurs un « appel » à reconsidérer l’approche suivie jusqu’alors par la Commission et à « remédier à la situation ». Enfin, il aurait eu un impact considérable dans le domaine des services informatiques et aurait dû inciter la Commission à réexaminer la situation de la requérante. Dès lors, d’après la requérante, il serait raisonnable de présumer que la lettre du 27 mai 2011 constitue le résultat d’un tel réexamen et, ainsi, détient le caractère d’une « nouvelle mesure ».

82      Autrement dit, la requérante allègue qu’il convient, d’une part, de considérer que le commentaire critique formulé par le Médiateur européen constituait un fait nouveau et substantiel au sens de la jurisprudence mentionnée au point 68 ci‑dessus et, d’autre part, de présumer que, à la suite de ce commentaire, la Commission avait réexaminé la situation de la requérante.

83      Toutefois, de telles allégations ne peuvent qu’être rejetées.

84      En premier lieu, l’article 3, paragraphe 6, de la décision 94/262 dispose : « Lorsque le [M]édiateur [européen] décèle un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution ou l’organe concerné, le cas échéant en lui soumettant des projets de recommandations. L’institution ou l’organe saisi lui fait parvenir un avis circonstancié dans un délai de trois mois. » Le paragraphe 7 du même article ajoute : « Le [M]édiateur transmet ensuite un rapport au Parlement européen et à l’institution ou à l’organe concerné. Il peut y présenter des recommandations […]. » Il résulte de ces dispositions que, même dans l’hypothèse où le Médiateur européen décèle un cas de mauvaise administration, il ne peut, en définitive, qu’émettre des recommandations, lesquelles ne présentent, par nature, pas de caractère contraignant. En d’autres termes, en dépit de telles recommandations, l’institution ou l’organe concerné reste libre de ne pas réexaminer sa position (voir, en ce sens, ordonnance Hilfsfonds/Commission, point 67 supra, point 49).

85      Il suit de là que la requérante ne saurait prétendre qu’il convient de présumer que, à la suite du commentaire critique formulé par le Médiateur européen à l’égard de la Commission, la Commission a réexaminé sa situation. D’ailleurs, d’une part, la lettre du 27 mai 2011 n’indiquait ni explicitement ni implicitement qu’elle résultait d’un réexamen de la situation de la requérante ; d’autre part, un tel réexamen ne ressort d’aucune pièce du dossier.

86      En second lieu, en vertu des dispositions de l’article 2, paragraphe 6, de la décision 94/262, les plaintes présentées auprès du Médiateur européen n’interrompent pas les délais de recours dans les procédures juridictionnelles. Il résulte de ces dispositions que, a fortiori, une plainte présentée auprès du Médiateur européen ne saurait avoir pour effet de rouvrir un délai de recours, une fois celui‑ci expiré.

87      Dans ce contexte, une plainte déposée auprès du Médiateur européen ne peut, en aucun cas, être regardée comme un fait nouveau et substantiel, au sens de la jurisprudence citée au point 68 ci‑dessus. Il en va nécessairement de même s’agissant des éventuelles recommandations émises par le Médiateur européen à l’issue d’une enquête consécutive à une plainte. En effet, quel que soit leur sens, de telles recommandations ne sont que la conséquence de ladite plainte.

88      Une solution contraire priverait d’ailleurs de portée la règle posée à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, selon laquelle le recours en annulation est enserré dans un délai de deux mois. En effet, il suffirait qu’un justiciable ayant omis d’introduire dans ledit délai un recours en annulation contre une décision d’une institution ou d’un organe de l’Union saisisse le Médiateur européen d’une plainte pour qu’un recours contre un acte ultérieur de l’institution ou de l’organe concerné se bornant à rappeler les motifs et le dispositif de cette décision soit jugé recevable et qu’ainsi la légalité de ladite décision puisse, indirectement, être examinée par le juge de l’Union.

89      En l’espèce, la requérante n’est donc pas fondée à prétendre que la plainte mentionnée au point 19 ci‑dessus et le commentaire critique du Médiateur européen évoqué au point 20 ci‑dessus constituent des faits nouveaux et substantiels et que, par voie de conséquence, la lettre du 27 mai 2011 contient des éléments nouveaux par rapport aux lettres des 7 août 2006 et 7 septembre 2006 ou à l’acte du 23 novembre 2006.

90      Il résulte de ce qui vient d’être dit que, en l’absence, d’une part, de réexamen de la position de la Commission exprimée dans les lettres du 7 août 2006 et du 7 septembre 2006 ainsi que dans l’acte du 23 novembre 2006 et, d’autre part, de tout élément nouveau depuis la prise de connaissance par la requérante de ces lettres et dudit acte, la lettre du 27 mai 2011 doit être regardée comme étant un acte purement confirmatif, pour autant qu’elle répond aux deux premières demandes formulées dans la télécopie du 4 mai 2011 (et rappelées aux points 27 et 28 ci‑dessus).

91      Par suite, les conclusions à fin d’annulation dirigées contre cette lettre, en tant qu’elle porte rejet desdites demandes, sont irrecevables.

 En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de « toutes les décisions […] liées » à la lettre du 27 mai 2011

92      Comme l’a relevé la Commission dans son exception d’irrecevabilité, la requérante n’a pas identifié précisément les actes « liés » à la lettre du 27 mai 2011, visés à la première page de sa requête. Ainsi, quand bien même elle aurait voulu en demander l’annulation, une telle demande en annulation devrait être regardée comme n’étant pas suffisamment claire et précise pour que le Tribunal l’examine. À la lumière des considérations énoncées au point 96 ci‑dessous, le Tribunal ne peut donc qu’en relever l’irrecevabilité (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, point 19 ; arrêt du Tribunal du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, T‑166/98, Rec. p. II‑3991, point 79).

 En ce qui concerne la recevabilité de l’éventuel surplus des conclusions à fin d’annulation

93      Nonobstant ce qui a été dit aux points 56 à 59 ci‑dessus, le Tribunal entend, dans un souci d’exhaustivité, examiner la recevabilité d’éventuelles conclusions à fin d’annulation dirigées, d’une part, contre la décision de « novembre 2006 » visée aux points 54 et 55 ci‑dessus et, d’autre part, contre des décisions de signer des « contrats spécifiques portant sur la fourniture de services de consultance et de développement », lesquelles ont été mentionnées au point 54 ci‑dessus.

 S’agissant de la recevabilité des éventuelles conclusions tendant à l’annulation d’une décision « adoptée en novembre 2006 »

94      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 54 et 55 ci‑dessus, la requérante a évoqué, à plusieurs reprises, une décision, adoptée en novembre 2006, par laquelle un logiciel conçu par la société A. S. avait été retenu comme composant de l’application CIRCABC. Selon toute vraisemblance, elle a entendu désigner ainsi l’acte du 23 novembre 2006 mentionné au point 17 ci‑dessus.

95      Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 79 ci-dessus, à la date d’introduction du présent recours, cet acte était devenu définitif. Dès lors, à supposer que la requérante ait entendu en demander l’annulation, une telle demande ne peut qu’être rejetée, sur le fondement de l’article 111 du règlement de procédure, comme étant tardive et, ainsi, manifestement irrecevable.

 S’agissant de la recevabilité des éventuelles conclusions tendant à l’annulation de décisions de signer des « contrats spécifiques portant sur la fourniture de services de consultance et de développement »

96      En vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, point 55, et la jurisprudence citée).

97      Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que l’objet du recours doit être déterminé dans la requête, de sorte que des conclusions déposées à un stade ultérieur sont, en principe, irrecevables (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Weissenfels/Parlement, T‑22/92, Rec. p. II‑1095, point 27, et la jurisprudence citée).

98      En l’espèce, il est vrai que, au point 3 de sa requête, la requérante a évoqué des « décisions de la Commission de signer entre 2006 et 2011 […] des contrats spécifiques portant sur la fourniture de services de consultance et de développement et faisant appel à [A. S.] pour produire [l’application CIRCABC] ».

99      Toutefois, à supposer même que la requérante demande effectivement l’annulation de ces décisions, force est de constater qu’un tel chef de conclusions n’est pas défini avec précision dans la requête. À la lumière de la jurisprudence citée aux points 96 et 97 ci‑dessus, il ne peut donc qu’être considéré manifestement irrecevable, sur le fondement de l’article 111 du règlement de procédure.

100    En effet, la requérante n’a joint à sa requête ni les décisions qu’elle visait ni les contrats sur lesquels celles‑ci auraient porté. Par ailleurs, elle n’a mentionné aucun élément permettant au Tribunal d’identifier lui‑même ces décisions et contrats. D’ailleurs, si, dans la requête, la requérante indiquait que lesdits contrats « faisa[ie]nt appel à [A. S.] », elle ne précisait pas s’ils liaient directement la Commission à cette société ou si celle‑ci avait uniquement la qualité de sous‑traitant.

101    À cet égard, il convient d’observer que le Tribunal a, pour son information, demandé à la Commission, par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure, de produire les contrats susceptibles d’avoir été mentionnés par la requérante au point 3 de sa requête. En réponse à cette demande, 30 documents contractuels différents ont été produits. Si certains de ces contrats mentionnaient effectivement le nom de la société A. S., il n’en reste pas moins que la requête ne saurait être comprise comme tendant à l’annulation de ces contrats. En effet, il ressort des dispositions susmentionnées de l’article 44, paragraphe 1, et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que, à défaut d’élément de fait ou de droit révélé en cours de procédure, seules les conclusions figurant dans la requête peuvent être prises en considération par le juge (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, Rec. p. II‑5253, point 28, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été dit, il ne ressort pas clairement de la requête que celle-ci visait spécifiquement un ou plusieurs des contrats produits par la Commission à la demande du Tribunal.

2.     Sur le surplus du recours

 En ce qui concerne les conclusions en indemnité

102    Selon la jurisprudence, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir, premièrement, l’imputabilité du comportement reproché à une institution ou à un organe de l’Union, deuxièmement, l’illégalité de ce comportement, troisièmement, l’existence d’un préjudice réel et certain et, quatrièmement, l’existence d’un lien direct de causalité entre ledit comportement et le préjudice. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions sont satisfaites (voir arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec. p. II‑1291, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

103    Par ailleurs, il appartient au requérant de prouver que la condition tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain est remplie (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec. p. I‑10833, point 27, et la jurisprudence citée) et, plus particulièrement, d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue de ce préjudice (voir arrêt de la Cour du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C‑362/95 P, Rec. p. I‑4775, point 31, et la jurisprudence citée).

104    Enfin, pour satisfaire aux exigences posées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, énoncées au point 96 ci‑dessus, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution ou un organe de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution ou à l’organe concerné, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du Tribunal du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, Rec. p. II‑211, point 132, et la jurisprudence citée).

105    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les quatre chefs de conclusions indemnitaires présentés par la requérante.

 S’agissant du premier chef de conclusions à caractère indemnitaire

106    La requérante demande que la Commission soit condamnée à lui verser une indemnité d’un montant correspondant à l’« avantage concurrentiel » accordé à la société A. S., en réparation du préjudice résultant, d’une part, de « la décision de la Commission de novembre 2006 » par laquelle la Commission aurait « sélectionn[é] les produits et les services [de la société A. S.] » et, d’autre part, des « décisions de la Commission de signer des contrats spécifiques […] entre 2006 et 2011, en vue de la fourniture de services de consultance et de développement […] pour produire la nouvelle version de CIRCA (CIRCABC) ».

107    Force est de constater qu’une telle demande indemnitaire est entachée d’imprécision.

108    En effet, la requérante indique que son préjudice correspond à l’« avantage concurrentiel » prétendument accordé par la Commission à la société A. S. Or, premièrement, une telle indication ne permet pas, à elle seule, au Tribunal de connaître l’étendue exacte du préjudice invoqué. Deuxièmement, ce dernier ne fait l’objet d’aucune évaluation chiffrée. Troisièmement, aucun élément du dossier ne permet au Tribunal d’en déterminer lui‑même l’étendue.

109    Il convient donc de rejeter comme irrecevable le chef de conclusions mentionné au point 106 ci‑dessus, conformément aux conclusions de la Commission.

110    En tout état de cause, à supposer même que ce chef de conclusions ait été recevable, il aurait fallu le rejeter comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sur le fondement de l’article 111 du règlement de procédure.

111    En effet, ainsi qu’il a été dit au point 108 ci‑dessus, la requérante n’a présenté aucun élément de nature à permettre au Tribunal de déterminer précisément l’étendue du préjudice qu’elle invoquait, et ce alors même que, dans son exception d’irrecevabilité, la Commission avait explicitement fait valoir que la requérante ne justifiait pas avoir subi un quelconque préjudice. Au demeurant, il n’est pas établi que le préjudice puisse être quantifié. Dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme n’ayant pas apporté la preuve de ce que la condition tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain était satisfaite.

 S’agissant du deuxième chef de conclusions à caractère indemnitaire

112    La requérante sollicite la condamnation de la Commission au versement d’une somme d’un million d’euros « pour la perte d’une chance de participer à l’appel d’offres qu’elle a décidé d’annuler ».

113    À l’appui de ce chef de conclusions, la requérante indique, d’une part, qu’elle « avait produit le logiciel CIRCA sur la base duquel [l’application] CIRCABC avait été développée, [qu’]elle était le contractant en place, [qu’]elle avait remporté l’appel d’offres précédent qui a été annulé sans la moindre motivation en 2003, [qu’]elle avait remporté tous les appels d’offres liés à CIRCA [et qu’]elle jouissait d’une grande expérience dans ce domaine, [car] elle avait créé [le logiciel dénommé Mermig] ».

114    D’autre part, elle ajoute que le logiciel qu’elle avait créé, à savoir Mermig, « était totalement conforme [au] cahier des charges [de la Commission] […] et […] répondait par conséquent parfaitement aux besoins des centaines de milliers d’utilisateurs de CIRCA et des organisations ayant des besoins équivalents ».

115    Dans ces conditions, la requérante considère que, si la Commission avait lancé un appel d’offres afin de choisir le logiciel sur la base duquel il convenait de développer l’application CIRCABC, elle aurait eu de grandes chances de le remporter.

116    Ainsi, selon elle, en « adoptant illégalement » le logiciel développé par la société A. S., sans lancer d’appel d’offres, la Commission « a créé une ‘situation de fait irrévocable’ qui a engendré une perte de chance grave pour [elle] et l’a en fait exclue définitivement de son marché naturel en transférant son savoir‑faire et sa présence à une autre entreprise ».

117    La requérante fait valoir que le préjudice qu’elle a subi « en raison de [cette] perte de la chance » ne peut en aucun cas être considéré comme hypothétique ou comme une simple éventualité. Il s’ensuit qu’il est, selon elle, possible d’attribuer une valeur économique à ce préjudice, malgré l’incertitude demeurant quant à sa quantification exacte.

118    En l’espèce, elle évalue le montant de la perte de chance qu’elle a subie à un million d’euros, « compte tenu de la valeur des contrats, de la complexité des aspects techniques et du prestige du pouvoir adjudicateur ».

119    Cette argumentation ne saurait prévaloir.

120    En effet, le comportement que la requérante reproche à la Commission n’est pas identifié de manière univoque.

121    D’une part, au point 140 de sa requête, la requérante évoque l’annulation d’un appel d’offres, en 2003. Ce faisant, elle se réfère, implicitement mais nécessairement, à l’annulation, en 2003, d’un appel d’offres portant sur l’application CIRCA intitulé « Further development of the collaborative software CIRCA » (voir point 4 ci‑dessus).

122    D’autre part, aux points 123 et 126 de sa requête, la requérante évoque le fait que la Commission n’a pas lancé d’appel d’offres avant de retenir le logiciel édité par la société A. S. comme l’un des composants de l’application CIRCABC.

123    Il résulte de ces considérations que les conclusions en indemnité rappelées au point 112 ci‑dessus sont entachées d’imprécision, comme l’a, à juste titre, relevé la Commission. Elles ne répondent donc pas aux critères énoncés aux points 96 et 104 ci‑dessus et sont, à ce titre, irrecevables.

124    En tout état de cause, quand bien même tel n’aurait pas été le cas, il aurait fallu les rejeter comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit, sur le fondement de l’article 111 du règlement de procédure.

125    En effet, la requérante, à qui revient, ainsi qu’il a été dit au point 103 ci‑dessus, la charge de la preuve, n’a pas démontré que la condition tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain était satisfaite. S’il est vrai, comme le rappelle la requérante, qu’un préjudice correspondant à une perte de chance ne saurait être regardé, par principe, comme n’étant pas certain (voir, en ce sens, arrêt Agraz e.a./Commission, point 103 supra, point 30), il n’en reste pas moins qu’au cas particulier, la requérante n’a pas apporté le moindre élément probant ni même esquissé la moindre argumentation afin de justifier de la somme d’un million d’euros qu’elle sollicite à titre de réparation de la perte de chance qu’elle aurait subie. La simple référence à la « valeur des contrats », à la « complexité des aspects techniques » et au « prestige du pouvoir adjudicateur » ne saurait d’ailleurs suppléer à une telle carence, qui avait été relevée par la Commission dans son exception d’irrecevabilité.

 S’agissant du troisième chef de conclusions à caractère indemnitaire

126    La requérante demande de condamner la Commission à lui verser une somme de dix millions d’euros « pour une perte non pécuniaire consistant en la mise en cause de sa réputation et de sa crédibilité ».

127    Au soutien de ce chef de conclusions, la requérante fait valoir qu’en l’absence de diffamation de son produit par la Commission, elle aurait conclu de nombreux contrats de fourniture de services d’assistance concernant son logiciel, à savoir Mermig. Elle évalue la valeur de ces contrats à quatre millions d’euros par an, chiffre qui doit selon elle être multiplié par six, dès lors que lesdits contrats auraient dû être conclus de 2006 à 2011. De ce fait, « en supposant une marge brute de 50 % », la requérante considère que sa perte s’élève environ à dix millions d’euros.

128    Afin de justifier le niveau de sa marge brute, la requérante prétend que la Commission « a accepté dans le cadre de tous les projets similaires qu’elle a réalisés une marge bénéficiaire brute de 50 % ».

129    Toutefois, le seul fait que la Commission ait décidé de remplacer l’application CIRCA et de retenir un logiciel édité par la société A. S. comme composant de la nouvelle application CIRCABC ne saurait être, en lui‑même, constitutif d’une atteinte à la réputation ou à la crédibilité de la requérante.

130    Par ailleurs, si la requérante prétend, dans sa requête, que, lors d’une « grande conférence internationale sur le logiciel libre qui s’est déroulée en Espagne », un agent de la Commission aurait diffamé ses produits, elle n’assortit de telles allégations d’aucun élément probant. En particulier, ni un courriel de la requérante daté du 16 avril 2007, et produit à l’annexe 17 de la requête, ni la télécopie du 4 mai 2011, à laquelle la Commission a répondu par la lettre litigieuse du 27 mai 2011, ne sauraient constituer la preuve d’une telle diffamation. En effet, il est certes vrai que cette télécopie fait état de propos diffamatoires qu’aurait tenus un agent de la Commission lors d’une conférence spécialisée en informatique et que ledit courriel évoque une « attitude hostile » de la Commission envers la requérante. Toutefois, comme l’avait souligné la Commission, dans son exception d’irrecevabilité, il s’agit de documents établis par la requérante elle-même, qui ne sont étayés par aucune offre de preuve.

131    Enfin, si la requérante fait état d’un préjudice de dix millions d’euros et justifie une telle évaluation par référence, d’une part, à son taux de « marge brute » et, d’autre part, à la valeur annuelle des « contrats de fourniture de services d’assistance » qu’elle aurait pu conclure en l’absence de « diffamation », force est de constater qu’aucun document ne corrobore la valeur de ces contrats et ledit taux. Pourtant, il était loisible à la requérante de produire de tels documents, dont l’absence avait été soulignée par la Commission, dans son exception d’irrecevabilité.

132    Par suite, le préjudice allégué n’est pas établi. Le chef de conclusions mentionné au point 126 ci‑dessus doit dès lors être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sur le fondement de l’article 111 du règlement de procédure.

 S’agissant du quatrième chef de conclusions à caractère indemnitaire

133    La requérante demande au Tribunal de condamner la Commission à lui verser une somme d’un million d’euros « pour une utilisation non autorisée de ses droits de propriété intellectuelle ».

134    Au soutien d’un tel chef de conclusions, la requérante fait valoir que, dans le cadre d’un contrat antérieurement conclu avec la Commission, cette dernière l’avait obligée à « publier sa propre plateforme [à savoir Mermig] sous forme de logiciel libre et à lui remettre la totalité du code source, des documents et de la documentation technique s’y rapportant ».

135    Selon la requérante, la Commission n’était cependant pas autorisée à accéder à cette « plateforme », de quelque manière que ce soit, en vue de créer une nouvelle application (telle que CIRCABC). Elle n’était pas non plus, selon elle, en droit de la « remettre à une tierce partie (ou à sa propre équipe interne utilisant le produit d’une tierce partie) afin de créer ses propres applications ».

136    Pourtant, d’après elle, la Commission et les experts travaillant pour elle « ont […] sans aucun doute examiné, étudié et utilisé » la « plateforme » Mermig afin de développer l’application CIRCABC.

137    Ainsi, la Commission aurait obtenu et utilisé la « plateforme » Mermig en violation des droits de propriété intellectuelle de la requérante.

138    En réparation de cette violation, la Commission n’aurait pas versé à la requérante la moindre indemnité. Par ailleurs, elle n’aurait « pas rendu [à la requérante] le code source et les droits de propriété intellectuelle » et n’aurait « pas garanti à cette dernière que son équipe et/ou son nouveau contractant ne les utiliseraient pas ».

139    Dès lors, la requérante aurait subi un préjudice d’un million d’euros.

140    Une telle argumentation est vouée au rejet.

141    En effet, d’une part, la requérante a reconnu, elle‑même, que le logiciel Mermig était libre de droits. Dans ces conditions, elle aurait dû, à tout le moins, expliquer les raisons pour lesquelles, selon elle, ce logiciel ne pouvait pas être utilisé sans « autorisation ». En l’absence de telles explications, la requérante ne peut être considérée comme justifiant d’un préjudice résultant de l’« utilisation non autorisée » dudit logiciel.

142    D’autre part, comme l’a fait valoir la Commission dans son exception d’irrecevabilité, la requérante n’a, dans sa requête, pas apporté le moindre élément probant ni, au demeurant, esquissé la moindre argumentation afin de justifier de la somme d’un million d’euros dont elle sollicite le versement à titre d’indemnité. Elle n’a, de même, ni produit de tels éléments ni développé une telle argumentation à un stade ultérieur de la procédure.

143    Par suite, les conclusions indemnitaires énoncées au point 133 ci‑dessus doivent, en tout état de cause, être rejetées comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit, sur le fondement de l’article 111 du règlement de procédure.

 En ce qui concerne les conclusions à fin d’injonction

144    La requérante demande au Tribunal de condamner la Commission à publier une « note publique informant le marché et tous les utilisateurs intéressés par CIRCA que ce produit n’est pas une plateforme obsolète, que [le logiciel développé par la société A. S.] n’est pas une plateforme privilégiée pour CIRCABC, et qu’ils sont libres de choisir à titre de substitut pour CIRCA la plateforme de leur choix ».

145    Toutefois, ainsi que le soutient la Commission, de telles conclusions ont le caractère de conclusions à fin d’injonction.

146    Or, dans le cadre de la compétence d’annulation qui lui est conférée par les dispositions de l’article 263 TFUE, le juge de l’Union n’est pas habilité à adresser des injonctions aux institutions (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2007, CB/Commission, T‑266/03, non publié au Recueil, point 78, et du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, Rec. p. II‑4661, point 19).

147    Il s’ensuit que les conclusions énoncées au point 144 ci‑dessus doivent être rejetées comme irrecevables.

148    Dès lors, le recours doit, dans son ensemble, être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

149    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission, et de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de la Commission aux dépens, « même en cas de rejet du […] recours ».

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 24 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1. Sur les conclusions à fin d’annulation

En ce qui concerne l’étendue des conclusions à fin d’annulation

S’agissant de ces conclusions en tant qu’elles sont dirigées contre la lettre du 27 mai 2011 et « toutes les décisions de la Commission » lui étant « liées »

– Contenu de la lettre du 27 mai 2011

– Portée du chef de conclusions

S’agissant de l’éventuel surplus des conclusions à fin d’annulation

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation partielle de la lettre du 27 mai 2011

S’agissant de la recevabilité des conclusions à fin d’annulation dirigées contre la première partie de la lettre du 27 mai 2011

S’agissant de la recevabilité des conclusions à fin d’annulation dirigées contre la seconde partie de la lettre du 27 mai 2011 en tant qu’elle porte rejet des demandes nos 1 et 2

– Fin de non‑recevoir tirée du caractère confirmatif de la lettre du 27 mai 2011

– Examen par le Tribunal de cette fin de non‑recevoir

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de « toutes les décisions […] liées » à la lettre du 27 mai 2011

En ce qui concerne la recevabilité de l’éventuel surplus des conclusions à fin d’annulation

S’agissant de la recevabilité des éventuelles conclusions tendant à l’annulation d’une décision « adoptée en novembre 2006 »

S’agissant de la recevabilité des éventuelles conclusions tendant à l’annulation de décisions de signer des « contrats spécifiques portant sur la fourniture de services de consultance et de développement »

2. Sur le surplus du recours

En ce qui concerne les conclusions en indemnité

S’agissant du premier chef de conclusions à caractère indemnitaire

S’agissant du deuxième chef de conclusions à caractère indemnitaire

S’agissant du troisième chef de conclusions à caractère indemnitaire

S’agissant du quatrième chef de conclusions à caractère indemnitaire

En ce qui concerne les conclusions à fin d’injonction

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.