Language of document : ECLI:EU:C:2016:977

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

21 décembre 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2000/78/CE – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Article 2, paragraphes 1 et 2 – Discrimination fondée sur l’âge – Convention collective de travail – Allongement de délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique – Inégalité de traitement indirecte fondée sur l’âge »

Dans l’affaire C‑539/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 24 septembre 2015, parvenue à la Cour le 15 octobre 2015, dans la procédure

Daniel Bowman

contre

Pensionsversicherungsanstalt,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et S. Rodin, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour M. Bowman, par Me P. Ringhofer, Rechtsanwalt,

–        pour la Pensionsversicherungsanstalt, par Mes J. Milchram, A. Ehm et T. Mödlagl, Rechtsanwälte,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 21 et 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que de l’article 2, paragraphes 1 et 2, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Daniel Bowman à la Pensionsversicherungsanstalt (organisme d’assurance pension, ci-après l’« administration ») au sujet d’une décision de cette dernière fondée sur une disposition d’une convention collective de travail prévoyant un délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique plus long que celui qui s’applique entre les échelons suivants.

 Le cadre juridique

 La directive 2000/78

3        Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».

4        L’article 2 de cette directive prévoit :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1 :

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)      cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, [...]

[...] »

5        L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, intitulé « Justification des différences de traitement fondées sur l’âge », est ainsi libellé :

« Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

a)      la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;

b)      la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;

[...] »

 Le droit autrichien

6        Avant la 80e modification de cette convention collective de travail, la Dienstordnung A für die Angestellten bei den Sozialversicherungsträgern Österreichs (régime A applicable aux employés des organismes assureurs de la sécurité sociale autrichienne, ci-après la « DO.A »), prévoyait :

« Article 13 : Périodes de service à prendre en considération pour le classement dans le barème des salaires

1.       Doivent être prises en considération pour le classement dans le barème des salaires (article 40) les périodes de service suivantes que l’intéressé a accomplies après avoir atteint l’âge de 18 ans :

[...]

Article 40 : Classement dans le barème des salaires ; avancement

1. Les employés [...] sont classés à l’échelon 1 de leur classe salariale (rang) conformément aux dispositions des articles 37 à 39. Si des périodes de service doivent être prises en compte conformément à l’article 13, le paragraphe 3 s’applique au classement par analogie.

2. [...] Les périodes que l’intéressé a accomplies dans les échelons a à c avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans ne sont pas des périodes de service à prendre en considération pour le classement dans le barème des salaires. [...]

3. [...] [L]’employé bénéficie d’un avancement dans l’échelon suivant de sa classe salariale (rang) chaque fois qu’il a accompli deux années de service (avancement par ancienneté).

[...] »

7        À la suite de la 80e modification de la DO.A, laquelle a également introduit une disposition transitoire pour les travailleurs recrutés avant le 1er janvier 2011, ces dispositions se lisent comme suit :

« Article 13 : Périodes de service à prendre en compte pour le classement dans le barème des salaires.

1.      Sont à prendre en compte pour le classement dans le barème des salaires (article 40) les périodes de service suivantes accomplies après le 30 juin de l’année au cours de laquelle ont ou auraient été accomplies neuf années scolaires après l’admission de l’intéressé dans le premier degré scolaire :

[...]

2a.      jusqu’à un maximum de trois années en tout

[...]

b)      la période accomplie dans une école [...] excédant l’obligation scolaire générale à hauteur du minimum applicable à ce cycle d’études conformément à la législation scolaire, mais avec un maximum de trois ans ;

[...]

Article 40 : Classement dans le barème des salaires ; avancement

1.      Les employés sont classés à l’échelon 1 de leur classe salariale (rang) [...]. Si des périodes de service doivent être prises en compte conformément à l’article 13, le paragraphe 3 s’applique au classement par analogie

[...]

3.      L’employé(e) demeure cinq ans dans l’échelon 1 ; à partir de l’échelon suivant, il passe à l’échelon supérieur de sa classe salariale (rang) chaque fois qu’il a accompli deux années de service (avancement par ancienneté).

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        M. Bowman, qui est né le 28 juillet 1961, travaille au service de l’administration depuis le 1er avril 1988 sur la base d’un contrat de travail de droit privé. Ce contrat est régi par la DO.A, qui est une convention collective. Sa rémunération est calculée sur la base d’un classement opéré lors de son recrutement sans qu’il ait été tenu compte, à ce moment, de périodes de scolarité qu’il aurait accomplies. M. Bowman est, depuis lors, passé tous les deux ans à l’échelon supérieur, conformément aux dispositions de la DO.A, et a perçu une augmentation de rémunération correspondant à son avancement.

9        Avant sa 80e modification, l’article 40, paragraphe 2, de la DO.A prévoyait, s’agissant des employés de l’administration qui n’avaient pas atteint au moins l’âge de 18 ans à la date de leur recrutement, que ceux de moins de 16, 17 et 18 ans étaient respectivement classés à l’échelon a, b et c de la classe salariale applicable conformément à l’article 37 de la DO.A. Ce n’est qu’après que ces mêmes employés avaient atteint l’âge de 18 ans qu’ils passaient au premier échelon, dans lequel devait être également classé tout employé de l’administration ayant été recruté après l’âge de 18 ans, mais sans pouvoir se prévaloir de périodes antérieures assimilables à des périodes d’activité. Partant, aucune période scolaire ne pouvait être prise en compte. En outre, le traitement afférent aux échelons a, b et c était nettement moins élevé que celui attaché au premier échelon. La même activité ou fonction était donc rémunérée différemment en fonction de l’âge auquel elle était exercée.

10      La 80e modification de la DO.A a abrogé l’article 40, paragraphe 2, de celle-ci et ne l’a pas remplacé, de sorte que les échelons a, b et c ont été supprimés. Le classement de tout employé de l’administration n’ayant pas accompli, avant la date de son recrutement, de périodes qui doivent être prises en considération pour le calcul de la carrière s’effectue, à la suite de cette modification, indépendamment de l’âge que cet employé a atteint lorsqu’il entre en service. Un tel employé est immédiatement classé au premier échelon. Le nouveau régime n’a pas modifié la rémunération afférente à ce dernier échelon de la classe salariale concernée, de sorte que tous les employés de moins de 18 ans ont obtenu une augmentation de salaire significative, qui, selon la classe salariale, était comprise entre 100 et 200 euros par mois.

11      Depuis la 80e modification de la DO.A, tout avancement au deuxième échelon ne peut intervenir qu’au terme de cinq ans. Ensuite, les avancements dans les échelons suivants s’opèrent chaque fois après deux ans de service. Ces avancements bisannuels prennent fin avec le 18e échelon, l’avancement suivant intervenant alors au bout de quatre ans. Après celui-ci, qualifié de « bonification d’âge », plus aucun avancement n’est prévu.

12      Avant d’être engagé par l’administration, M. Bowman avait été scolarisé dans un lycée de l’État autrichien du 1er septembre 1976 au 30 juin 1979, soit durant deux ans et dix mois. Après que la 80e modification de la DO.A eu rendu possible la prise en compte de périodes de scolarité, M. Bowman a présenté, le 17 mai 2012, une demande visant à ce que les périodes antérieures à son entrée en service au sein de l’administration soient recalculées aux fins de la fixation de sa date d’avancement, conformément à l’article 13 de la DO.A, dans sa version résultant de la 80e modification de cette convention collective. M. Bowman a, par conséquent, réclamé à l’administration le paiement d’une somme de 3 655,20 euros brut, majorée des intérêts et des frais, le versement, à l’avenir, d’un traitement correspondant à un classement dans la classe salariale F, rang I, échelon 17, et la fixation de la date de son prochain avancement au 1er octobre 2012.

13      Le 27 mai 2012, l’administration a décidé que, si, conformément à la DO.A, dans sa version résultant de la 80e modification de celui-ci, l’ancienneté de carrière de M. Bowman pouvait être complétée de trois années au maximum, il n’en résulterait toutefois pour lui aucune amélioration de son classement salarial ni de modification de sa date d’avancement, dès lors que, depuis ladite modification, l’avancement au deuxième échelon ne peut intervenir qu’au terme de cinq ans au lieu de deux ans comme c’était le cas auparavant.

14      L’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne, Autriche) a fait droit au recours que M. Bowman a introduit contre cette décision de l’administration. Cette juridiction a considéré que l’allongement du délai d’avancement du premier au deuxième échelon constituait une discrimination indirecte fondée sur l’âge.

15      L’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) a accueilli le recours en appel de cette décision de l’Arbeits- und Sozialgericht Wien (tribunal du travail et des affaires sociales de Vienne) dont il avait été saisi par l’administration. La juridiction d’appel a notamment constaté que la possibilité de prendre en compte les périodes de scolarité a été introduite par la 80e modification de la DO.A., en même temps que la mesure visant à allonger le délai d’avancement du premier au deuxième échelon du barème, et que M. Bowman a été traité de la même façon que les autres travailleurs tant avant qu’après cette modification, de sorte qu’il n’aurait pas fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’âge.

16      M. Bowman a saisi la juridiction de renvoi, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), d’un recours en « Revision » contre cet arrêt. Cette juridiction se demande si l’allongement du délai d’avancement du premier au deuxième échelon du barème établi par la DO.A constitue ou non une discrimination indirecte fondée sur l’âge. Elle fait notamment observer que la 80e modification de la DO.A vise non pas à supprimer une inégalité de traitement préexistante, mais à permettre une valorisation de la carrière par la prise en compte de périodes antérieures. Même si l’allongement du délai d’avancement du premier au deuxième échelon devait être constitutif d’une différence de traitement indirectement fondée sur l’âge, elle pourrait néanmoins être justifiée.

17      Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 21 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphes 1 et 2, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 et en combinaison avec l’article 28 de la Charte, doit-il être interprété en ce sens :

a)      qu’une règle inscrite dans une convention collective qui, pour les périodes d’activité accomplies en début de carrière, prévoit un délai d’avancement plus long et rend ainsi l’avancement à l’échelon suivant plus difficile, comporte une différence de traitement indirecte fondée sur l’âge

et, en cas de réponse affirmative, doit-il être interprété en ce sens

b)      qu’une telle règle est appropriée et nécessaire en raison, notamment, de la faible expérience professionnelle acquise en début de carrière ? »

 Sur la question préjudicielle

18      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21 de la Charte ainsi que l’article 2, paragraphes 1 et 2, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une convention collective de travail nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un employé, qui bénéficie de la prise en compte de périodes de scolarité aux fins de son classement dans les échelons barémiques, est soumis à un délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique plus long que celui qui s’applique entre les échelons suivants.

19      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’ils adoptent des mesures entrant dans le champ d’application de la directive 2000/78, laquelle concrétise, dans le domaine de l’emploi et du travail, le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, désormais consacré à l’article 21 de de la Charte, les États membres et les partenaires sociaux doivent agir dans le respect de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2011, Prigge e.a., C‑447/09, EU:C:2011:573, point 48, ainsi que du 11 novembre 2014, Schmitzer, C‑530/13, EU:C:2014:2359, point 23).

20      Il convient ainsi, dans un premier temps, de rechercher si une convention collective, telle que celle en cause au principal, institue une différence de traitement fondée sur l’âge, au sens de l’article 2 de la directive 2000/78. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, le principe de l’égalité de traitement se définit par l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive. L’article 2, paragraphe 2, sous a), de ladite directive précise que, pour les besoins de l’application de son paragraphe 1, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la même directive. Il ressort en outre de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78 que, aux fins de celle-ci, une discrimination indirecte fondée sur l’âge se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné, par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

21      S’agissant des périodes de scolarité, lesquelles sont en cause dans l’affaire au principal, il ressort de la demande de décision préjudicielle que, à la différence du régime antérieur à la 80e modification de la DO.A, le régime instauré par cette modification permet leur prise en compte dans la mesure où elles excédent l’obligation scolaire générale à hauteur du minimum applicable à ce cycle d’études conformément à la législation scolaire, avec un maximum de trois années.

22      En outre, si, à la suite de la 80e modification de la DO.A, le délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique a été rallongé de trois années, l’avancement dans le barème des salaires continue de s’effectuer en fonction des années de service accomplies.

23      Il s’ensuit que, ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, une convention collective telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les employés qui bénéficient de la prise en compte de périodes de scolarité aux fins de leur classement dans les échelons barémiques sont soumis à un délai d’avancement au sein du premier échelon barémique plus long que celui applicable aux échelons supérieurs, n’induit pas de différence de traitement directement fondée sur l’âge à leur égard.

24      S’agissant du point de savoir si une telle convention collective emporte, ainsi que le suggère la juridiction de renvoi, une discrimination indirecte fondée sur l’âge, il y a lieu d’examiner si, bien que formulée de façon neutre, elle désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de personnes relevant d’un certain âge ou d’une certaine catégorie d’âge.

25      En l’occurrence, la 80e modification de la DO.A a pour résultat que tout avancement au deuxième échelon requiert l’accomplissement d’une période de service de cinq ans, tandis que les avancements à partir de cet échelon s’opèrent chaque fois après deux ans de service.

26      À cet égard, il convient de relever que la juridiction de renvoi se fonde sur la prémisse selon laquelle l’instauration d’un délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique plus long que celui applicable au passage aux échelons suivants concerne principalement les travailleurs nouvellement recrutés par l’administration et qui ne peuvent pas utilement se prévaloir, aux fins de leur classement dans les échelons barémiques, de périodes antérieures à leur entrée en service. Le groupe formé par les travailleurs dont les salaires sont moins élevés serait, généralement, composé principalement de personnes plus jeunes, de sorte que, selon la juridiction de renvoi, il ne saurait être exclu que le régime instauré au terme de la 80e modification de la DO.A défavorise les travailleurs plus jeunes en matière de salaire.

27      Il convient toutefois de relever que, en l’espèce, l’existence d’une différence de traitement indirectement fondée sur l’âge ne saurait reposer sur ce seul constat.

28      En effet, il ressort du dossier soumis à la Cour, d’une part, que le régime institué au terme de la 80e modification de la DO.A prévoit que le classement des employés de l’administration dans les échelons barémiques dépend notamment, ainsi qu’il ressort du point 21 du présent arrêt, des périodes de scolarité accomplies. Ces périodes de scolarité peuvent être prises en compte aux fins dudit classement, indépendamment de l’âge de l’employé au moment de son recrutement. Dès lors, un tel régime se fonde sur un critère qui n’est ni indissociablement ni indirectement lié à l’âge des salariés (voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2012, Tyrolean Airways Tiroler Luftfahrt Gesellschaft, C‑132/11, EU:C:2012:329, point 29).

29      D’autre part, il convient de relever que la situation de M. Bowman, laquelle a pourtant mené la juridiction de renvoi à poser la présente question, ne paraît pas correspondre à celle d’un travailleur dont l’expérience professionnelle en est à ses débuts et qui ne peut pas se prévaloir de périodes de service utiles, celui-ci pouvant justifier, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, d’une période de scolarité ainsi que de près de trente années de service auprès de l’administration.

30      Partant, même si un jeune travailleur, nouvellement recruté et ne disposant que de peu d’expérience, qui demande à ce que ses périodes de scolarité soient prises en compte pour le classement dans les échelons barémiques, sera, concrètement, soumis à l’allongement du délai d’avancement au sein du premier échelon, il n’en demeure pas moins que, comme le démontre la situation de M. Bowman, un travailleur plus âgé et bénéficiant d’une période de service importante au sein de l’administration et soumettant une demande identique se verra, également et au même titre, virtuellement ou rétroactivement, soumis au même allongement.

31      En effet, ainsi qu’il ressort d’une réponse fournie par l’administration à une question écrite de la Cour, la convention collective en cause au principal, en ce qu’elle prévoit la prise en compte de périodes de scolarité et l’allongement du délai d’avancement au sein du premier échelon du barème des salaires, s’applique de la même manière à tous les travailleurs qui font la demande d’une telle prise en compte, y compris, de façon rétroactive, aux travailleurs ayant déjà atteint les échelons supérieurs.

32      Il s’ensuit qu’une convention collective telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle tous les employés qui bénéficient de la prise en compte de périodes de scolarité aux fins de leur classement dans les échelons barémiques sont soumis à un délai d’avancement au sein du premier échelon barémique plus long que celui applicable aux échelons supérieurs, n’induit pas de différence de traitement indirectement fondée sur l’âge à leur égard.

33      Il convient par conséquent de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/78, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une convention collective de travail nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un employé, qui bénéficie de la prise en compte de périodes de scolarité aux fins de son classement dans les échelons barémiques, est soumis à un allongement du délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique, dès lors que cet allongement s’applique à tout employé bénéficiant de la prise en compte de ces périodes, y compris de façon rétroactive à ceux ayant déjà atteint les échelons suivants.

 Sur les dépens

34      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une convention collective de travail nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un employé, qui bénéficie de la prise en compte de périodes de scolarité aux fins de son classement dans les échelons barémiques, est soumis à un allongement du délai d’avancement du premier au deuxième échelon barémique, dès lors que cet allongement s’applique à tout employé bénéficiant de la prise en compte de ces périodes, y compris de façon rétroactive à ceux ayant déjà atteint les échelons suivants.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.