Language of document : ECLI:EU:T:2018:787

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

15 novembre 2018 (*)

« Aides d’État – Dispositions concernant l’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des sociétés fiscalement domiciliées à l’étranger – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Sélectivité – Système de référence – Dérogation – Différence de traitement – Justification de la différence de traitement – Entreprises bénéficiaires de la mesure – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑399/11 RENV,

Banco Santander, SA, établie à Santander (Espagne),

Santusa Holding, SL, établie à Boadilla del Monte (Espagne),

représentées par Mes J. Buendía Sierra, E. Abad Valdenebro, R. Calvo Salinero et A. Lamadrid de Pablo, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze, en qualité d’agent,

par

Irlande, représentée initialement par Mmes G. Hodge et E. Creedon, puis par Mmes Hodge et M. Browne, en qualité d’agents,

et par

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal, B. Stromsky, C. Urraca Caviedes et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 4 de la décision 2011/282/UE de la Commission, du 12 janvier 2011, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 135, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, R. da Silva Passos, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 31 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 10 octobre 2007, à la suite de plusieurs questions écrites qui lui avaient été posées au cours des années 2005 et 2006 par des membres du Parlement européen ainsi qu’à la suite d’une plainte d’un opérateur privé dont elle avait été le destinataire au cours de l’année 2007, la Commission des Communautés européennes a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard du dispositif prévu à l’article 12, paragraphe 5, introduit dans la Ley del Impuesto sobre Sociedades (loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés) par la Ley 24/2001, de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social (loi 24/2001, portant adoption de mesures fiscales, administratives et d’ordre social), du 27 décembre 2001 (BOE no 313, du 31 décembre 2001, p. 50493), et repris par le Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret législatif royal 4/2004, portant approbation du texte remanié de la loi relative à l’impôt sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci-après la « mesure litigieuse » ou le « régime litigieux »).

2        La mesure litigieuse prévoit que, dans le cas d’une prise de participation d’une entreprise imposable en Espagne dans une « société étrangère », lorsque cette prise de participation est d’au moins 5 % et que la participation en cause est détenue de manière ininterrompue pendant au moins un an, la survaleur financière (voir points 65 et 67 ci-après) en résultant peut être déduite, sous forme d’amortissement, de l’assiette imposable de l’impôt sur les sociétés dont l’entreprise est redevable. La mesure litigieuse précise que, pour être qualifiée de « société étrangère », une société doit être assujettie à un impôt identique à l’impôt applicable en Espagne et ses revenus doivent provenir essentiellement de la réalisation d’activités à l’étranger.

3        Par lettre du 5 décembre 2007, la Commission a reçu les observations du Royaume d’Espagne sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (ci-après la « décision d’ouverture »). Entre le 18 janvier et le 16 juin 2008, la Commission a également reçu les observations de 32 tiers intéressés. Par lettres du 30 juin 2008 et du 22 avril 2009, le Royaume d’Espagne a présenté ses commentaires sur les observations des tiers intéressés.

4        Le 18 février 2008, ainsi que les 12 mai et 8 juin 2009, des réunions techniques ont été organisées par la Commission avec les autorités espagnoles. D’autres réunions techniques ont également été organisées avec certains des 32 tiers intéressés.

5        Par lettre du 14 juillet 2008 et par courrier électronique du 16 juin 2009, le Royaume d’Espagne a soumis des informations additionnelles à la Commission.

6        La Commission a clôturé la procédure, en ce qui concerne les prises de participations réalisées au sein de l’Union européenne, par sa décision 2011/5/CE, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 7, p. 48, ci-après la « décision du 28 octobre 2009 »).

7        La Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur le régime litigieux, consistant en un avantage fiscal permettant aux sociétés espagnoles d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des sociétés non résidentes, lorsqu’il s’appliquait à des prises de participations dans des sociétés établies au sein de l’Union.

8        La Commission a cependant maintenu ouverte la procédure en ce qui concerne les prises de participations réalisées en dehors de l’Union, les autorités espagnoles s’étant engagées à fournir des éléments supplémentaires relatifs aux obstacles aux fusions transfrontalières existant en dehors de l’Union dont elles avaient fait état.

9        Le Royaume d’Espagne a communiqué à la Commission des informations relatives aux investissements directs réalisés par des sociétés espagnoles en dehors de l’Union les 12, 16 et 20 novembre 2009, ainsi que le 3 janvier 2010. La Commission a également reçu les observations de plusieurs tiers intéressés.

10      Le 27 novembre 2009, ainsi que les 16 et 29 juin 2010, ont eu lieu des réunions techniques entre la Commission et les autorités espagnoles.

11      Le 12 janvier 2011, la Commission a adopté la décision 2011/282/UE, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) appliqué par l’Espagne (JO 2011, L 135, p. 1, ci-après la « décision attaquée »). Cette décision, dans sa version publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 mai 2011, avait fait l’objet d’un correctif en date du 3 mars 2011. Elle a fait l’objet d’un second correctif publié au Journal officiel le 26 novembre 2011.

12      La décision attaquée déclare incompatible avec le marché intérieur le régime litigieux, lorsqu’il s’applique à des prises de participations dans des entreprises établies en dehors de l’Union (article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée). L’article 4 de cette décision prévoit, notamment, la récupération par le Royaume d’Espagne des aides accordées.

II.    Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2011, les requérantes, Banco Santander, SA et Santusa Holding, SL, ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

14      Par arrêt du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938), le Tribunal a fait droit à ce recours en se fondant sur le fait que la Commission avait fait une application erronée de la condition de sélectivité prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

15      Par ailleurs, la décision du 28 octobre 2009 a également été annulée par le Tribunal dans son arrêt du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939).

16      Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 janvier 2015, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938). Ce pourvoi, qui a été enregistré sous le numéro C‑21/15 P, a été joint au pourvoi, enregistré sous le numéro C‑20/15 P, que la Commission avait formé contre l’arrêt du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939).

17      Les requérantes, soutenues par la République fédérale d’Allemagne, par l’Irlande et par le Royaume d’Espagne, ont demandé le rejet des pourvois.

18      Par arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, ci-après l’« arrêt World Duty Free », EU:C:2016:981), la Cour a annulé l’arrêt du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938), renvoyé l’affaire devant le Tribunal et réservé pour partie les dépens. La Cour a également annulé l’arrêt du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, EU:T:2014:939).

19      Conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les parties principales ont déposé des observations écrites le 2 mars 2017 et le Royaume d’Espagne le 3 mars 2017.

20      Conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure, les parties principales et le Royaume d’Espagne ont déposé leur mémoire complémentaire d’observations écrites le 24 avril 2017.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

22      Par décision du président de la neuvième chambre élargie du Tribunal du 8 décembre 2017, les parties entendues, la présente affaire et l’affaire T‑219/10 RENV, World Duty Free Group/Commission, ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 31 janvier 2018.

24      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, dans la mesure où il déclare que le régime litigieux comporte des éléments d’aide d’État ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, dans la mesure où il déclare que le régime litigieux comporte des éléments d’aide d’État lorsqu’il est appliqué à des acquisitions de participations qui impliquent une prise de contrôle ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de la décision attaquée, dans la mesure où il prévoit la récupération des aides pour les opérations réalisées antérieurement à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée et, à titre encore plus subsidiaire, son article 4, dans la mesure où ces dispositions visent des opérations réalisées aux États-Unis, au Mexique et au Brésil ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      Les requérantes demandent également que le Tribunal adopte des mesures d’organisation de la procédure aux fins d’obtenir la communication de documents de la part de la Commission.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

27      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours en annulation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

III. En droit

28      Au soutien du recours, les requérantes invoquent trois moyens, le premier, tiré de l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse, le deuxième, tiré d’une erreur dans l’identification du bénéficiaire de la mesure litigieuse et, le troisième, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

A.      Sur le premier moyen, tiré de l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse

1.      Arguments des parties

29      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soulèvent trois griefs, le premier, tiré de l’absence de sélectivité prima facie de la mesure litigieuse, le deuxième, tiré d’une erreur dans l’identification du système de référence (ou cadre de référence ou encore régime commun ou normal) et, le troisième, tiré du caractère justifié de la mesure litigieuse au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit.

30      Dans le cadre du premier grief, les requérantes soutiennent, en substance, que le régime litigieux ne présente pas un caractère sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, car le bénéfice qu’il prévoit est accessible à toute entreprise. Elles indiquent que la sélectivité retenue dans la décision attaquée se fonde sur un raisonnement circulaire et tautologique selon lequel seules les entreprises qui bénéficient de la mesure litigieuse peuvent en bénéficier.

31      Les requérantes se fondent également sur l’existence de données statistiques qui permettraient d’étayer le fait que la mesure litigieuse a pu bénéficier à des entreprises de différentes tailles relevant de différents secteurs. Elles se fondent enfin sur une incohérence de la Commission au regard de sa propre pratique.

32      Dans le cadre du deuxième grief, les requérantes soutiennent que, alors que les entreprises espagnoles peuvent sans difficulté procéder à un regroupement avec des sociétés résidentes, ce qui leur permet alors de bénéficier d’un amortissement de la survaleur, elles rencontrent des difficultés qui les empêchent de procéder à un regroupement et donc de bénéficier de cet amortissement, pour les opérations qui concernent les sociétés non résidentes, en particulier dans les États qui ne sont pas membres de l’Union. Selon le type d’opérations en cause, les entreprises se trouveraient donc dans des situations juridiques et factuelles différentes. Il ne serait dès lors pas possible de considérer que la mesure litigieuse, qui ne s’applique qu’aux prises de participations dans des sociétés non résidentes, introduirait une dérogation à un régime fiscal commun ou normal, c’est-à-dire une différenciation entre des opérations se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable.

33      Les requérantes invoquent à cet égard un certain nombre d’arrêts de la Cour. Elles soutiennent également que la Commission n’a pas expliqué suffisamment pourquoi un système de référence distinct, spécifique aux prises de participations dans des sociétés non résidentes, ne pourrait être retenu.

34      Selon les requérantes, alors que la Commission a admis dans la décision du 28 octobre 2009 une différence de situations entre les prises de participations dans des sociétés résidentes et les prises de participations dans des sociétés non résidentes, elle ne la reconnaît plus dans la décision attaquée. Les requérantes soulignent l’incohérence de la Commission et invoquent ainsi, en substance, la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime. Les requérantes demandent à cet égard que soit produit un échange de courriers entre la Commission et le Royaume d’Espagne.

35      Les requérantes soutiennent que l’existence d’obstacles juridiques qui s’opposeraient aux regroupements d’entreprises avec des sociétés non résidentes est établie. Elles critiquent à cet égard les appréciations portées par la Commission sur la situation des fusions aux États-Unis, au Brésil, au Mexique et au Japon. Elles soutiennent que la conclusion à laquelle aboutit la Commission à cet égard n’est pas suffisamment motivée.

36      Elles reprochent à la Commission de n’avoir pris en compte que les obstacles juridiques explicites.

37      Elles reprochent également à la Commission de n’avoir examiné que la situation de certains pays, alors même que le Royaume d’Espagne aurait demandé expressément à la Commission d’examiner la situation de chacun des pays cités dans les études qui avaient été produites lors de la procédure formelle d’examen.

38      Dans le cadre du troisième grief, les requérantes soutiennent, à titre subsidiaire, que la dérogation qui serait introduite par la mesure litigieuse est, en tout état de cause, justifiée par la logique du système fiscal espagnol. En effet, la mesure litigieuse permettrait d’assurer une neutralité fiscale entre les opérations de prises de participations dans des sociétés résidentes et les opérations de prises de participations dans des sociétés non résidentes.

39      À cet égard, les requérantes se prévalent de la pratique décisionnelle de la Commission.

40      Les requérantes critiquent également le raisonnement de la Commission selon lequel la mesure litigieuse présente un caractère disproportionné et trop imprécis. Selon les requérantes, la mesure litigieuse s’appliquait, à juste titre, dès que le seuil de 5 % de participation était atteint. En tout état de cause, la Commission aurait dû déclarer, comme le Royaume d’Espagne le lui aurait expressément demandé, que la mesure litigieuse n’était pas sélective concernant les prises de participations majoritaires. Elles invoquent à cet égard plusieurs arrêts ainsi qu’une lettre du membre de la Commission chargé de la concurrence dans laquelle celui-ci donnait son avis sur la possibilité de maintenir le régime litigieux.

41      Le Royaume d’Espagne indique que l’objectif de la mesure litigieuse est d’assurer le respect du principe de neutralité fiscale. Selon ce principe, les effets fiscaux d’un même investissement devraient être identiques.

42      Le Royaume d’Espagne estime que la mesure litigieuse est sans lien avec le « principe de compétitivité ».

43      Il souligne également que l’avantage procuré par la mesure litigieuse est accessible à toute entreprise quelle que soit son activité.

44      Il ajoute que la mesure litigieuse se borne à assurer la récupération d’un investissement en permettant que le coût de cet investissement soit déduit au moment de l’évaluation du montant soumis à l’impôt.

45      Le Royaume d’Espagne soutient que la Commission n’a pas pris en compte les obstacles juridiques et pratiques aux regroupements transfrontaliers, alors même qu’il avait signalé ces difficultés à la Commission au cours de la procédure formelle d’examen. Il ajoute que les obstacles en cause existaient au moment où la mesure litigieuse est entrée en vigueur et qu’ils n’ont pas été supprimés, même au sein de l’Union, malgré l’adoption ultérieure d’une réglementation en la matière.

46      Le Royaume d’Espagne soutient que la Commission n’a pas procédé à un examen rigoureux de la situation juridique et factuelle concernant les obstacles aux fusions transfrontalières. Il indique que la Commission disposait d’une documentation abondante qu’il lui avait fournie. L’existence d’obstacles aurait été admise par le membre de la Commission chargé de la concurrence dans le cadre d’un échange de courriers avec l’administration nationale espagnole. Ces obstacles ne sauraient se limiter aux obstacles juridiques explicites.

47      Le Royaume d’Espagne soutient que l’existence d’obstacles juridiques, mais également économiques et pratiques aux regroupements transfrontaliers, est établie. Il critique en particulier le raisonnement suivi par la Commission concernant les États-Unis, le Mexique et le Brésil.

48      La Commission rétorque que l’analyse du caractère sélectif réalisée dans la décision attaquée est conforme à la jurisprudence, puisque cette analyse part de la définition du cadre de référence pertinent et qu’elle se poursuit en constatant l’existence d’une exception créée par la mesure litigieuse. La Commission estime, dans ses observations présentées sur l’arrêt World Duty Free, que son analyse a été confirmée par cet arrêt.

49      Selon la Commission, même si le système de référence pris en compte se limitait aux seules prises de participations dans des sociétés non résidentes, des situations qui ne présentent aucune similitude significative bénéficieraient pourtant de l’avantage prévu par la mesure litigieuse, dès lors que ce système de référence s’appliquerait y compris à des prises de participations minoritaires.

50      La Commission ajoute que la mesure litigieuse s’applique aux participations minoritaires qui sont sans lien avec les regroupements d’entreprises.

51      Par ailleurs, la mesure litigieuse n’aurait pas de rapport avec la possibilité de regrouper des entreprises, et ce, en particulier, s’agissant des entreprises qui acquièrent des participations minoritaires dans des sociétés non résidentes.

52      De plus, selon la Commission, il suffit que la présence d’obstacles au regroupement transfrontalier ne soit pas établie dans certains pays pour que la légalité de la décision attaquée puisse être confirmée.

53      La Commission indique, par ailleurs, que les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime.

54      La Commission indique également que la mesure litigieuse n’est pas justifiée par la logique du système fiscal espagnol. Elle se fonde, en particulier, sur le fait que, pour amortir la survaleur dans le cas d’opérations nationales, un regroupement d’entreprises devrait nécessairement avoir lieu, alors que, s’agissant d’opérations transfrontalières, la mesure litigieuse s’appliquerait à partir d’une simple prise de participation de 5 % dans l’entreprise non résidente.

55      La Commission rappelle également que, dans le régime normal, l’amortissement de la survaleur pour des prises de participations de seulement 5 % est possible uniquement si ces prises de participations sont suivies d’un regroupement d’entreprises. Cela a pour conséquence qu’une entreprise qui réalise une acquisition de participations d’au moins 5 % dans une société résidente, mais qui ne peut pas fusionner avec celle-ci, du fait, par exemple, qu’elle ne possède pas suffisamment de participations, ne pourra pas bénéficier de l’amortissement de la survaleur. Au contraire, une entreprise qui, d’une manière analogue, acquiert des participations dans une société non résidente et ne peut pas non plus fusionner avec celle-ci, parce qu’elle ne possède pas suffisamment de participations, pourra bénéficier de la mesure litigieuse et amortir ainsi la survaleur.

56      La Commission précise que, contrairement à ce qui est indiqué, selon elle, dans la requête, les autorités espagnoles n’ont pas demandé à la Commission qu’elle constate une absence d’aide dans les cas où la mesure litigieuse a été appliquée à des participations majoritaires.

2.      Appréciation du Tribunal

57      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt World Duty Free, point 53 et jurisprudence citée).

58      En ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage qui est constitutive de la notion d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il résulte d’une jurisprudence tout aussi constante de la Cour que l’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, la mesure nationale en cause est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de discriminatoire (voir arrêt World Duty Free, point 54 et jurisprudence citée).

59      Par ailleurs, lorsque la mesure en cause est envisagée comme un régime d’aide et non comme une aide individuelle, il incombe à la Commission d’établir que cette mesure, bien qu’elle prévoie un avantage de portée générale, en confère le bénéfice exclusif à certaines entreprises ou à certains secteurs d’activité (voir arrêt World Duty Free, point 55 et jurisprudence citée).

60      S’agissant en particulier de mesures nationales conférant un avantage fiscal, il y a lieu de rappeler qu’une mesure de cette nature qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation plus favorable que les autres contribuables est susceptible de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et constitue, partant, une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, ne constitue pas une telle aide, au sens de cette disposition, un avantage fiscal résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques (voir arrêt World Duty Free, point 56 et jurisprudence citée).

61      Dans ce contexte, aux fins de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit, dans un premier temps, identifier le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné et, dans un second temps, démontrer que la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêt World Duty Free, point 57 et jurisprudence citée).

62      La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt World Duty Free, point 58 et jurisprudence citée).

63      C’est donc au terme d’une méthode en trois étapes, telle que présentée aux points 61 et 62 ci-dessus, qu’il est possible de conclure qu’une mesure fiscale nationale présente un caractère sélectif.

64      Il convient également, toujours à titre liminaire, de reprendre les motifs de la décision attaquée sur la base desquels la Commission a conclu au caractère sélectif de la mesure litigieuse.

65      Tout d’abord, il y a lieu de préciser que la survaleur est définie dans la décision attaquée comme étant la valeur de la bonne réputation du nom commercial de l’entreprise concernée, les bonnes relations avec ses clients, la qualification de ses travailleurs et d’autres facteurs similaires qui permettent d’espérer à l’avenir des gains supérieurs aux gains apparents (considérant 27 de la décision attaquée). Elle résulte de la différence comptable entre le coût d’acquisition et la valeur de marché des actifs qui composent les entreprises acquises par l’entité regroupée ou qui sont sous son contrôle (considérant 123 de la décision attaquée). Lorsque l’acquisition d’une société se fait au moyen de l’acquisition de ses actions, la survaleur correspond à l’écart entre le prix payé pour la prise de participation dans une société et la valeur de marché des actifs qui font partie de cette société, écart qui se doit d’être enregistré dans la comptabilité de l’entreprise acquéreuse comme actif incorporel distinct, dès que cette entreprise prend le contrôle de l’entreprise acquise (considérant 27 de la décision attaquée).

66      Au considérant 28 de la décision attaquée, il est indiqué que, conformément aux principes fiscaux espagnols, la survaleur ne peut, à l’exception de la mesure litigieuse, être amortie qu’en cas de « regroupement d’entreprises », c’est-à-dire, selon une acception large de cette expression, tant à la suite d’une acquisition ou contribution des actifs composant des entreprises indépendantes qu’après une opération de fusion ou de scission.

67      La survaleur financière est définie dans la décision attaquée comme équivalant à la survaleur qui aurait été enregistrée dans la comptabilité de l’entreprise acquéreuse en cas de regroupement de cette entreprise acquéreuse et de l’entreprise acquise. Ainsi, selon la Commission, le concept de survaleur financière visé par la mesure litigieuse introduit, dans le domaine des prises de participations, une notion généralement utilisée pour les opérations de regroupement d’entreprises (considérant 29 de la décision attaquée).

68      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que le cadre ou système de référence pertinent était le régime général espagnol de l’impôt sur les sociétés et, plus précisément, les règles relatives au traitement fiscal de la survaleur financière définies dans ledit régime fiscal (considérant 118 de la décision attaquée). Elle a ajouté qu’elle confirmait ainsi le système de référence retenu dans la décision du 28 octobre 2009. Or, au considérant 89 de cette dernière décision, elle avait précisé que « la mesure litigieuse [devait] être évaluée en tenant compte des dispositions générales du régime de l’impôt sur les sociétés applicables aux situations dans lesquelles l’apparition de la survaleur [conduisait] à un avantage fiscal […] parce qu’elle [considérait] que les situations dans lesquelles la survaleur financière [pouvait] être amortie ne [couvraient] pas toute la catégorie des contribuables se trouvant dans une situation similaire en fait ou en droit ». La Commission a ainsi estimé que le cadre de référence ne pouvait se limiter au traitement fiscal de la survaleur financière instauré par la mesure litigieuse, dès lors que cette mesure ne bénéficiait qu’aux prises de participations dans des sociétés non résidentes, et que c’étaient donc les dispositions générales du régime de l’impôt sur les sociétés relatives à l’amortissement fiscal de la survaleur (ci-après le « traitement fiscal de la survaleur ») qui constituaient le cadre de référence.

69      La Commission a également indiqué que, en permettant que la survaleur qui aurait été comptabilisée si les entreprises s’étaient regroupées apparaisse même sans regroupement d’entreprises, la mesure litigieuse constituait une exception au système de référence (considérant 124 de la décision attaquée), dès lors que celui-ci, pour des raisons comptables, ne prévoyait l’amortissement de la survaleur que dans l’hypothèse d’un tel regroupement (considérants 28, 29 et 123 de la décision attaquée).

70      La Commission a ajouté que la mesure litigieuse ne pouvait être considérée comme une nouvelle règle générale à part entière, dès lors que l’amortissement de la survaleur résultant de la simple prise de participation était autorisé seulement dans le cas de prises de participations transfrontalières et non dans le cas de prises de participations nationales. La mesure litigieuse introduisait ainsi, selon la Commission, une différence de traitement entre les opérations nationales et les opérations transfrontalières (considérant 124 de la décision attaquée).

71      La Commission a poursuivi en relevant, au considérant 136 de la décision attaquée, que la mesure litigieuse n’était pas nécessaire compte tenu de la logique du système fiscal. Elle a ajouté qu’elle était également disproportionnée. Il convient de relever que la Commission avait déjà, au considérant 106 de la décision attaquée, souligné le caractère à la fois vague et imprécis, mais également discriminatoire, de la mesure litigieuse.

72      La Commission a précisé que la mesure litigieuse conduisait à imposer une taxation différente à des entreprises se trouvant dans des situations comparables pour la seule raison que certaines d’entre elles prenaient part à des investissements à l’étranger (considérant 136 de la décision attaquée) et qu’elle conduisait aussi, en s’appliquant y compris à des prises de participations minoritaires, à traiter de manière identique des situations différentes (considérant 139 de la décision attaquée).

73      La Commission a conclu que le caractère d’avantage sélectif du régime fiscal en cause n’était pas justifié par la nature du système fiscal (considérant 140 de la décision attaquée).

74      Il convient d’ajouter que la Commission a également vérifié s’il existait des obstacles juridiques explicites aux regroupements transfrontaliers concernant des États qui n’étaient pas membres de l’Union (considérants 113 à 120 de la décision attaquée).

75      La Commission a précisé qu’elle examinait la législation de ces États tiers dans le seul but de vérifier les allégations des autorités espagnoles au sujet de l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers. Elle a souligné que cet examen ne constituait en aucune manière une reconnaissance de ce que ces obstacles pouvaient justifier un système de référence différent de celui qu’elle avait retenu (considérant 113 de la décision attaquée).

76      En se fondant sur un tel examen, la Commission a conclu qu’il n’y avait « aucune raison de s’écarter du système de référence de la décision d’ouvrir la procédure et de la décision [du 28 octobre 2009] » (considérant 118 de la décision attaquée).

77      Il convient d’apprécier si, au regard de chacun des trois griefs soulevés par les requérantes, la Commission a pu conclure à bon droit, sur la base de la jurisprudence qui a été rappelée et des motifs qui viennent d’être exposés, que la mesure litigieuse était sélective.

a)      Sur l’absence de sélectivité prima facie

78      Dans l’arrêt du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission (T‑399/11, EU:T:2014:938), le Tribunal a, en substance, considéré qu’il n’était pas possible de constater qu’une mesure constitutive d’un avantage fiscal faussait la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions si cet avantage était accessible à toutes les entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés dans l’État membre ayant adopté la mesure en cause. Le Tribunal a estimé que l’avantage que procurait une mesure fiscale nationale de portée générale était accessible à toute entreprise lorsqu’il était impossible d’identifier une catégorie d’entreprises exclue du bénéfice de la mesure ou, son corollaire, une catégorie d’entreprises auxquelles le bénéfice de la mesure était réservé (points 38 à 49, 56 et 83 à 85).

79      Or, le Tribunal a considéré que l’avantage que procure la mesure litigieuse était accessible à toute entreprise redevable de l’impôt sur les sociétés en Espagne qui choisit de prendre des participations dans des sociétés non résidentes. Le Tribunal a en effet relevé que toute entreprise pouvait procéder librement à un tel choix sans que, notamment, le secteur d’activité de l’entreprise ou sa taille exercent une contrainte à cet égard et qu’une même entreprise pouvait, de façon successive, voire concomitante, acquérir des titres de participation dans des sociétés résidentes et dans des sociétés non résidentes (arrêt du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission, T‑399/11, EU:T:2014:938, points 57 à 65).

80      Sur la base d’un tel constat d’accessibilité de la mesure litigieuse, le Tribunal, faisant application du raisonnement exposé au point 78 ci-dessus, a conclu que la Commission, pour constater que la mesure litigieuse était sélective, ne pouvait se borner à relever qu’elle constituait une exception à un système de référence, qu’elle n’avait bénéficié qu’aux entreprises réalisant les opérations qu’elle vise et qu’elle « entend[ait] favoriser l’exportation de capital ».

81      Par l’arrêt World Duty Free, la Cour a invalidé le raisonnement exposé au point 78 ci-dessus en estimant qu’il introduisait une exigence supplémentaire, relative à l’identification d’une catégorie particulière d’entreprises pouvant être distinguées du fait de propriétés spécifiques, qui ne pouvait être déduite de la jurisprudence (voir points 69 à 71 et 78).

82      La Cour a en effet jugé qu’une condition d’application ou d’obtention d’une aide fiscale pouvait fonder le caractère sélectif de cette aide si cette condition conduisait à opérer une différenciation entre des entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime commun qui sert de cadre de référence, dans une situation factuelle et juridique comparable et si, partant, elle révélait une discrimination à l’égard des entreprises qui en étaient exclues (arrêt World Duty Free, point 86). La Cour a également relevé que le fait que les entreprises résidentes, lorsqu’elles effectuent des prises de participations dans des sociétés fiscalement domiciliées en Espagne, ne puissent obtenir l’avantage que prévoit la mesure litigieuse pouvait permettre de conclure au caractère sélectif de cette mesure (arrêt World Duty Free, point 87).

83      Ainsi, un constat de sélectivité ne résulte pas nécessairement d’une impossibilité pour certaines entreprises de bénéficier de l’avantage prévu par la mesure en cause du fait de contraintes juridiques, économiques ou pratiques les empêchant de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de cet avantage, mais peut résulter de la seule constatation qu’il existe une opération qui, alors qu’elle est comparable à celle qui conditionne l’octroi de l’avantage en cause, n’ouvre pas droit à celui-ci. Il s’ensuit qu’une mesure fiscale peut être sélective alors même que toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de l’avantage que prévoit cette mesure.

84      L’accent a ainsi été mis sur une notion de sélectivité fondée sur la distinction entre des entreprises choisissant de réaliser certaines opérations et d’autres entreprises choisissant de ne pas les réaliser et non sur la distinction entre des entreprises au regard de leurs caractéristiques propres.

85      Il incombe, dès lors, au Tribunal de faire application de ce raisonnement à la mesure litigieuse.

86      Or, il ne peut qu’être constaté que la mesure litigieuse avantage les entreprises imposables en Espagne qui ont choisi de prendre des participations dans des sociétés non résidentes par rapport aux entreprises imposables en Espagne qui ont choisi de prendre des participations dans des sociétés résidentes.

87      En effet, les entreprises imposables en Espagne ne peuvent, lorsqu’elles effectuent une opération de prise de participation dans une société résidente, obtenir, au titre de cette opération, l’avantage prévu par la mesure litigieuse.

88      Ainsi, lorsqu’une entreprise imposable en Espagne a choisi d’acquérir des participations dans une société non résidente, elle est alors – dans le cadre délimité par cette opération – favorisée par rapport à toute autre entreprise, y compris elle-même (voir point 79 ci-dessus), qui choisirait de procéder à l’acquisition de participations dans une société résidente.

89      Il résulte de ce qui précède qu’une mesure fiscale nationale telle que la mesure litigieuse, qui accorde un avantage dont l’octroi est conditionné par la réalisation d’une opération économique, peut être sélective y compris lorsque, eu égard aux caractéristiques de l’opération en cause, toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser cette opération.

90      Le premier grief invoqué par les requérantes, lequel est tiré, en substance, du fait que toute entreprise peut bénéficier de l’avantage procuré par la mesure litigieuse, doit donc être écarté sans qu’il y ait lieu de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par les requérantes à ce titre, dès lors que ces mesures sont censées permettre d’établir que toute entreprise peut bénéficier de l’avantage procuré par la mesure litigieuse.

b)      Sur l’existence d’une dérogation

91      Par leur second grief, les requérantes critiquent l’application que la Commission a faite en l’espèce des deux premières étapes de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, à l’issue desquelles il est possible de déterminer s’il existe une dérogation à un régime fiscal commun ou normal, c’est-à-dire une différenciation entre des opérations se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. Elles contestent, en substance, les éléments de comparaison pris en compte par la Commission dans le cadre de ces deux étapes.

92      Il appartient donc au Tribunal d’apprécier si la Commission a correctement mis en œuvre les deux premières étapes de la méthode d’analyse mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, à savoir l’identification d’un régime fiscal national commun (première étape) et le constat d’une dérogation à ce régime fiscal (deuxième étape).

1)      Sur la première étape

93      Ainsi qu’il a été relevé au point 68 ci-dessus, la Commission a retenu comme cadre de référence pour son analyse de la sélectivité le traitement fiscal de la survaleur et n’a pas circonscrit ce cadre au traitement fiscal de la seule survaleur financière. Elle a estimé en effet que les situations dans lesquelles la survaleur financière pouvait être amortie ne couvraient pas toute la catégorie des contribuables se trouvant dans une situation similaire en fait et en droit. Elle n’a donc pas limité, dans la décision attaquée, l’examen du critère de sélectivité aux seules prises de participations dans des sociétés non résidentes.

94      Cependant, selon les requérantes, alors que les entreprises espagnoles peuvent sans difficulté procéder à un regroupement avec des sociétés résidentes, ce qui leur permet de bénéficier d’un amortissement de la survaleur, elles rencontrent des difficultés qui les empêchent de procéder à un regroupement et donc de bénéficier de cet amortissement, pour les opérations qui concernent les sociétés non résidentes, en particulier dans les États qui ne sont pas membres de l’Union. Selon le type d’opérations en cause, les entreprises se trouveraient donc dans des situations juridiques et factuelles différentes justifiant un traitement fiscal différent. Il ne serait, dès lors, pas possible de considérer que la mesure litigieuse, qui ne s’applique qu’aux prises de participations dans des sociétés non résidentes, introduirait une différenciation entre des opérations se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.

95      L’argumentation des requérantes conduit le Tribunal à s’interroger sur la pertinence du cadre de référence choisi par la Commission en l’espèce, ce dernier devant, selon celles-ci, se limiter, en raison d’obstacles aux regroupements transfrontaliers, à la mesure litigieuse, laquelle ne s’applique qu’aux prises de participations dans des sociétés non résidentes.

96      Est en cause ici l’identification d’un régime fiscal national commun, c’est-à-dire la première des trois étapes de la méthode dont la Cour prévoit la mise en œuvre aux fins d’examiner le caractère sélectif ou non d’une mesure fiscale nationale (voir points 61 et 62 ci-dessus).

97      Premièrement, il y a lieu de relever que cette première étape est mentionnée au paragraphe 16 de la communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO 1998, C 384, p. 3, ci-après la « communication de 1998 »). À ce paragraphe, il est précisé qu’il convient d’abord de déterminer le régime commun applicable.

98      Au demeurant, dans la communication relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] (JO 2016, C 262, p. 1, ci-après la « communication de 2016 »), la Commission indique que le système de référence constitue l’élément à partir duquel la sélectivité d’une mesure doit être appréciée (paragraphe 132).

99      Deuxièmement, il convient de souligner que, si la jurisprudence de la Cour a apporté des précisions permettant de délimiter la portée géographique du cadre de référence préalablement à l’analyse des rapports qu’il entretient avec la mesure regardée comme étant constitutive d’une aide (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, points 64 à 66 ; voir, également, s’agissant d’une entité administrative disposant d’un pouvoir normatif autonome par rapport à celui de l’État membre concerné, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 61 et 62), la délimitation matérielle de ce cadre de référence, au contraire, est opérée, en principe, en lien avec cette mesure.

100    Ainsi, dans l’arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 50), s’agissant d’une mesure consistant en une exonération de l’impôt sur les sociétés dont bénéficiaient les sociétés coopératives de production et de travail, la Cour a considéré que cet impôt, dans son ensemble, constituait le cadre de référence, compte tenu du fait que, pour les besoins du calcul de l’impôt sur le revenu des sociétés, la base imposable des bénéficiaires de cette mesure était déterminée de la même manière que celle des autres types de sociétés, c’est-à-dire en fonction du montant du bénéfice net résultant de l’exercice de l’activité de l’entreprise au terme de l’année d’imposition. Ainsi, le cadre de référence a été défini en prenant en considération, d’une part, l’objet de la mesure, qui présentait un lien évident avec celui du cadre de référence, et, d’autre part, la situation des bénéficiaires de cette mesure, qui était comparable à celle d’autres personnes auxquelles le cadre de référence s’appliquait.

101    Dans l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 63 à 67), alors que la mesure en cause réservait un avantage à certaines entreprises en leur permettant de monétiser la valeur économique des réductions d’émissions d’oxydes d’azote qu’elles réalisaient, la Cour a admis que le cadre de référence soit défini essentiellement par l’absence de mention de cette mesure dans des textes normatifs qui, pourtant, avaient un objet environnemental analogue au sien. Elle a ainsi indiqué que ce cadre de référence était constitué des « lois relatives à la gestion de l’environnement et à la pollution atmosphérique ne comportant pas la mesure en cause ».

102    La Cour, dans ces deux affaires, a estimé qu’il existait un régime dont l’objet présentait un lien avec celui de la mesure en cause et qui, alors qu’il était moins favorable que cette mesure, s’appliquait pourtant à des opérateurs se trouvant dans des situations comparables à celle des bénéficiaires de cette mesure. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 50), ces opérateurs étaient les autres sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés dont la base imposable était déterminée de la même manière que celle des sociétés coopératives de production et de travail. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 64), il s’agissait des entreprises émettrices d’oxydes d’azote auxquelles la mesure en cause ne s’appliquait pas, mais qui, pourtant, tout comme les entreprises auxquelles cette mesure s’appliquait, se voyaient imposer des obligations en matière de limitation ou de réduction des émissions d’oxydes d’azote.

103    Il résulte ainsi de la jurisprudence que, outre l’existence d’un lien entre l’objet de la mesure en cause et celui du régime normal, l’examen du caractère comparable des situations relevant de cette mesure et des situations relevant de ce régime permet également de délimiter matériellement la portée dudit régime.

104    C’est d’ailleurs le caractère comparable de ces situations qui permet aussi de conclure à l’existence d’une dérogation (voir point 61 ci-dessus), lorsque les situations relevant de la mesure litigieuse sont traitées différemment de celles relevant du régime normal alors qu’elles leur sont comparables.

105    Ainsi, un raisonnement d’ensemble portant sur les deux premières étapes de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus peut, dans certains cas, conduire à déterminer à la fois le régime normal et l’existence d’une dérogation.

106    Il convient toutefois de préciser que, dans l’arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 54 à 61), la Cour a poursuivi l’analyse en examinant les caractéristiques particulières des sociétés coopératives de production et de travail et a conclu, au terme de cette analyse, qui s’apparentait alors à celle opérée au cours de la deuxième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, que ces sociétés ne sauraient, en principe, être considérées comme se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des sociétés commerciales.

107    Troisièmement, toujours selon la jurisprudence de la Cour, le caractère comparable des situations qui permet, dans le cadre de la première étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, de délimiter matériellement le régime normal, s’apprécie au regard de l’objectif poursuivi par ce régime.

108    Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 50), c’est en examinant la situation des opérateurs au regard de l’objectif de l’impôt sur les sociétés que la Cour a conclu au caractère comparable de la situation des sociétés coopératives de production et de travail et de celle des autres sociétés. En effet, alors que l’objectif de cet impôt est l’imposition des bénéfices des sociétés (point 54), la détermination de la base imposable des sociétés coopératives et de celle des autres sociétés, qui est une première étape nécessaire aux fins d’établir l’impôt, s’opérait de manière identique (point 50).

109    Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551, points 63, 64 et 67), d’autres sociétés que celles bénéficiant de la mesure litigieuse, qui émettaient également des oxydes d’azote, se voyaient en conséquence imposer par les « lois relatives à la gestion de l’environnement et à la pollution atmosphérique » (voir point 101 ci-dessus) les mêmes obligations en matière de limitation ou de réduction des émissions d’oxydes d’azote. Ces autres sociétés se trouvaient donc, au regard de l’objectif de protection de l’environnement poursuivi non seulement par la mesure litigieuse, mais surtout par lesdites lois, lesquelles constituaient le régime normal, dans une situation comparable à celle des sociétés bénéficiant de la mesure litigieuse.

110    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de déterminer si, en l’espèce, au regard de l’objectif du régime normal identifié par la Commission, dont l’objet doit être en lien avec celui de la mesure litigieuse, les entreprises prenant des participations dans des sociétés résidentes et celles prenant des participations dans des sociétés non résidentes se trouvent, comme le soutiennent les requérantes, dans des situations juridiques et factuelles qui ne sont pas comparables et qui sont si différentes que le régime normal aurait dû se limiter à la mesure litigieuse.

111    À cet égard, il convient de relever que la mesure litigieuse permet l’amortissement à des fins fiscales de la survaleur résultant de prises de participations dans des sociétés non résidentes.

112    Dans le système fiscal espagnol, l’assiette imposable est déterminée à partir du résultat comptable, en y introduisant ensuite des corrections en application de règles fiscales (considérants 49 et 121 de la décision attaquée).

113    Or, l’une de ces règles fiscales, dont l’objet présente un lien avec celui de la mesure litigieuse, prévoit l’amortissement de la survaleur.

114    Selon cette règle, l’amortissement de la survaleur est possible en cas de « regroupement d’entreprises », c’est-à-dire, dans une acception large de cette expression, tant à la suite d’une acquisition ou d’une contribution des actifs composant des entreprises indépendantes qu’après une opération de fusion ou de scission (considérants 28 et 123 de la décision attaquée).

115    Il convient de préciser qu’il ne peut être déduit des dispositions de l’article 89, paragraphe 3, de la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés que les entreprises pourraient, en dehors de l’hypothèse dans laquelle la mesure litigieuse s’applique, bénéficier de l’amortissement de la survaleur pour de simples prises de participations. En effet, ainsi que le Royaume d’Espagne l’indique lui-même dans ses observations, en vertu de ces dispositions, lorsqu’une entreprise acquiert des participations dans une société, elle n’est autorisée à amortir la survaleur relative à cette prise de participation que si elle fusionne ensuite avec la société acquise.La fusion, qui est une forme de regroupement d’entreprises – la seule d’ailleurs prise en compte par la Commission dans une acception étroite de cette expression (considérant 32 de la décision attaquée) qu’elle utilise lorsqu’elle se limite au cas des prises de participations (considérants 29 et 36 de la décision attaquée) –, est donc une condition nécessaire à l’amortissement de la survaleur.

116    Il résulte de ce qui précède que seul un regroupement d’entreprises permet l’amortissement de la survaleur à des fins fiscales. Il y a lieu de souligner également que le traitement fiscal qui est ainsi fait de la survaleur s’applique de manière indifférente aux opérations transfrontalières et aux opérations internes au Royaume d’Espagne.

117    Or, c’est en lien avec une logique comptable que le traitement fiscal de la survaleur s’organise sur la base du critère tiré de l’existence ou non d’un regroupement d’entreprises.

118    En effet, un regroupement d’entreprises résulte d’une acquisition ou d’une contribution des actifs composant des entreprises indépendantes ou encore d’une fusion ou d’une scission (voir point 114 ci-dessus). À la suite de ces opérations, une survaleur, qui résulte de la différence entre le coût d’acquisition et la valeur de marché des actifs ainsi acquis, apparaît, comme actif incorporel distinct, dans la comptabilité de l’entreprise issue du regroupement (considérants 28 et 123 de la décision attaquée).

119    Ainsi, au regard des techniques et des principes comptables que le traitement fiscal de la survaleur vise à respecter, le constat de l’existence d’un regroupement d’entreprises, lequel conduit à comptabiliser cette survaleur, ce qui permet ensuite de l’amortir, est pertinent.

120    Il est vrai que, en vertu des principes comptables espagnols, l’écart entre le prix payé pour une prise de participation dans une société et la valeur de marché des actifs qui font partie de cette société peut, même en l’absence de regroupement d’entreprises, être enregistré dans la comptabilité de l’entreprise acquéreuse comme actif incorporel distinct lorsque cette dernière prend le contrôle de l’entreprise acquise. Il s’agit alors de présenter, dans le cadre d’une consolidation des comptes, la situation globale d’un groupe de sociétés soumises à un contrôle unique (considérants 27 et 121 de la décision attaquée).

121    Cependant, le fait qu’une entreprise ait pris des participations dans une société résidente ou dans une société non résidente est sans rapport avec l’enregistrement de la survaleur dans la comptabilité de l’entreprise et donc avec l’objectif du traitement fiscal de la survaleur.

122    À cet égard, il est indifférent qu’il puisse exister des obstacles au regroupement transfrontalier. En effet, l’objectif du traitement fiscal de la survaleur est d’assurer une certaine cohérence entre le traitement fiscal de la survaleur et son traitement comptable, ce qui justifie d’amortir la survaleur lorsqu’elle résulte d’un regroupement d’entreprises (voir points 117 et 119 ci-dessus). Le traitement fiscal de la survaleur ne vise donc pas à compenser l’existence d’obstacles au regroupement transfrontalier ou à assurer un traitement égalitaire des différents types de prises de participations.

123    Par conséquent, les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes.

124    C’est donc à bon droit que, dans le cadre de la première étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, la Commission n’a pas limité l’examen du critère de sélectivité aux seules prises de participations dans des sociétés non résidentes et a ainsi retenu, au titre du régime normal, le traitement fiscal de la survaleur et non le traitement fiscal de la survaleur financière instauré par la mesure litigieuse (voir point 68 ci-dessus).

125    Il convient d’ajouter que la mesure litigieuse, en permettant l’amortissement de la survaleur pour des prises de participations dans des sociétés non résidentes sans qu’il y ait de regroupement d’entreprises, applique à ces opérations un traitement différent de celui qui s’applique aux prises de participations dans des sociétés résidentes, alors que ces deux types d’opérations se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans des situations juridiques et factuelles comparables. Il peut donc, dès ce stade de l’analyse, être relevé que c’est à bon droit que la Commission a constaté, dans le cadre de la deuxième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, que la mesure litigieuse dérogeait au régime normal (arrêt World Duty Free, point 57).

126    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le grief des requérantes non seulement en tant qu’il concerne la première étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, mais également en tant qu’il concerne la deuxième étape de celle-ci, ce qui confirme l’existence de liens entre ces deux étapes, voire, parfois même, comme en l’espèce, d’un raisonnement commun (voir point 105 ci-dessus).

127    Cependant, malgré l’existence d’un régime fiscal, en lien avec la mesure litigieuse et au regard de l’objectif duquel des opérations, qui ne bénéficient pas de cette mesure, se trouvent dans une situation comparable aux opérations qui en bénéficient, il convient encore d’examiner si la mesure litigieuse pourrait, eu égard à ses caractéristiques propres et donc indépendamment de toute analyse comparative, constituer, à elle seule, un cadre de référence autonome, comme le soutiennent les requérantes.

128    À cet égard, il doit être relevé qu’une mesure peut constituer son propre cadre de référence lorsqu’elle instaure un régime fiscal clairement délimité, poursuivant des objectifs spécifiques et se distinguant ainsi de tout autre régime fiscal appliqué dans l’État membre concerné. Dans une telle hypothèse, il convient alors, aux fins d’apprécier la condition de sélectivité, de déterminer si certains opérateurs sont exclus du champ d’application de la mesure alors que, au regard de l’objectif qu’elle poursuit, ces opérateurs se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des opérateurs auxquels elle s’applique (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2012, British Aggregates/Commission, T‑210/02 RENV, EU:T:2012:110, points 51, 63, 67 et 71 à 75).

129    S’agissant d’une mesure qui n’instaure pas un régime fiscal clairement délimité, mais appartient à un ensemble juridique plus large, M. l’avocat général Warner, dans ses conclusions dans l’affaire Italie/Commission (173/73, EU:C:1974:52, p. 728), a apporté des précisions qui, alors même qu’elles portent sur un système de sécurité sociale national, peuvent utilement s’appliquer en matière fiscale aux fins d’identifier si une telle mesure peut être regardée comme constituant, par elle-même, un cadre de référence autonome.

130    Selon l’avocat général Warner, une réforme générale du système de sécurité sociale dans un État membre, ayant incidemment pour effet de réduire le taux des cotisations patronales, pourrait en tant que telle être étrangère au domaine d’application des dispositions relatives aux aides d’État. Cependant, selon lui, la mesure en cause dans cette affaire ne constituait pas une telle réforme et ne formait pas non plus un élément d’une réforme de cette nature, mais avait seulement pour objet de résoudre un problème particulier. Elle relevait donc, ainsi que la Cour l’a confirmé dans l’arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission (173/73, EU:C:1974:71), des dispositions relatives aux aides d’État.

131    L’approche présentée par l’avocat général Warner dans ses conclusions dans l’affaire Italie/Commission (173/73, EU:C:1974:52, p. 728) conduit à se fonder sur le caractère systématique et général d’une mesure pour l’exclure du champ d’application des dispositions relatives aux aides d’État.

132    En l’absence d’autres précisions apportées dans la jurisprudence quant à la méthode permettant d’identifier, au sein d’un ensemble plus large, un régime autonome susceptible de constituer un cadre de référence, il est utile de se référer, à titre indicatif, aux communications adoptées par la Commission en la matière.

133    C’est d’ailleurs une approche similaire à celle adoptée par l’avocat général Warner qui est présentée au paragraphe 133 de la communication de 2016, duquel il ressort que le système de référence est composé d’un ensemble cohérent de règles qui s’appliquent de manière générale sur la base de critères objectifs à toutes les entreprises relevant de son champ d’application tel que défini par son objectif.

134    Il peut encore être relevé que le paragraphe 13 de la communication de 1998 prévoit, aux fins de distinguer les aides d’État des mesures générales, deux catégories de mesures générales, à savoir, d’une part, les « mesures de pure technique fiscale (par exemple, fixation des taux d’imposition, des règles de dépréciation et d’amortissement et des règles en matière de reports de pertes ; dispositions destinées à éviter la double taxation ou l’évasion fiscale) » et, d’autre part, les « mesures poursuivant un objectif de politique générale en réduisant la charge fiscale liée à certains coûts de production ».

135    En l’espèce, la mesure litigieuse n’est qu’une modalité particulière d’application d’un impôt plus large, l’impôt sur les sociétés, et n’instaure donc pas un régime fiscal clairement délimité (voir point 128 ci-dessus). Il convient donc de faire application des considérations exposées aux points 129 à 134 ci-dessus.

136    À cet égard, il convient de relever que la mesure litigieuse n’introduit pas, comme l’indique à bon droit la Commission au considérant 124 de la décision attaquée, une nouvelle règle générale à part entière relative à l’amortissement de la survaleur, mais une exception à la règle générale selon laquelle seuls les regroupements d’entreprises peuvent conduire à l’amortissement de la survaleur, cette exception étant censée remédier, selon le Royaume d’Espagne, aux effets défavorables pour les prises de participations dans des sociétés non résidentes que l’application de la règle générale engendrerait.

137    Ainsi, premièrement, la mesure litigieuse réserve le bénéfice de l’amortissement de la survaleur aux seules prises de participations dans des sociétés non résidentes. Elle ne fait donc pas de l’opération consistant à prendre des participations un nouveau critère général qui organiserait le traitement fiscal de la survaleur, ce qui pourrait permettre de considérer que la mesure litigieuse serait une « mesure de pure technique fiscale » au sens du paragraphe 13 de la communication de 1998.

138    Deuxièmement, dans ses observations exposées dans la décision attaquée, le Royaume d’Espagne a indiqué que la mesure litigieuse avait été adoptée en raison du fait qu’il existerait des obstacles, notamment juridiques, empêchant les investisseurs espagnols d’effectuer des regroupements transfrontaliers d’entreprises et donc de bénéficier de l’amortissement de la survaleur que permet le droit fiscal espagnol dans l’hypothèse d’un tel regroupement, alors qu’ils pourraient procéder sans difficulté à des regroupements dans un contexte national (considérants 60 et 94 de la décision attaquée). La mesure litigieuse vise donc seulement, selon son auteur, à remédier à une situation, jugée insatisfaisante, qui aurait été créée par le régime relatif au traitement fiscal de la survaleur. Elle ne constitue donc pas une réforme de l’impôt sur les sociétés autonome par rapport à ce régime.

139    De plus, dans la mesure où elle a pour objet de résoudre un problème particulier, celui des effets supposés des obstacles aux regroupements transfrontaliers sur le traitement fiscal de la survaleur, la mesure litigieuse ne peut être regardée comme poursuivant un objectif de politique économique générale au sens du paragraphe 13 de la communication de 1998.

140    Par conséquent, pour reprendre les termes utilisés par l’avocat général Warner dans ses conclusions dans l’affaire Italie/Commission (173/73, EU:C:1974:52, p. 728), la mesure litigieuse, qui a seulement pour objet de résoudre un problème particulier, n’est pas une réforme générale.

141    Il résulte de ce qui précède que le système de référence ne peut se limiter à la mesure litigieuse. Cela confirme que le traitement fiscal de la survaleur constitue, comme l’a retenu à bon droit la Commission dans la décision attaquée, le système de référence pertinent en l’espèce (voir point 124 ci-dessus).

142    Au regard des considérations qui précèdent et, en particulier, de celles qui figurent aux points 122 et 139 ci-dessus, le grief des requérantes tiré de l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers doit être écarté, en tant qu’il vise à remettre en cause le cadre de référence retenu par la Commission.

2)      Sur la deuxième étape

143    Les requérantes soutiennent que la Commission, qui, selon elles, était tenue de démontrer que les prises de participations dans des sociétés résidentes et celles dans des sociétés non résidentes étaient comparables au regard de l’objectif de neutralité fiscale poursuivi par la mesure litigieuse, ne s’est pas acquittée de cette obligation.

144    S’agissant de la deuxième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, si la Cour, dans l’arrêt du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke (C‑143/99, EU:C:2001:598, point 41), a fait référence à l’objectif poursuivi par la « mesure concernée », elle a, par la suite, fait référence à l’objectif poursuivi par le « régime juridique » dans lequel s’insère cette mesure (arrêts du 29 avril 2004, GIL Insurance e.a., C‑308/01, EU:C:2004:252, point 68 ; du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, EU:C:2005:130, point 40 ; du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 54, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 54). Dans l’arrêt World Duty Free, rendu en grande chambre, la Cour a, de manière encore plus explicite, fait référence à l’objectif poursuivi par le régime fiscal commun ou normal applicable dans l’État membre concerné (point 57).

145    Il convient de relever que, du fait de cette jurisprudence, l’exercice de comparaison qui s’applique aux fins de mettre en œuvre la deuxième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus s’apparente désormais, dans une large mesure, à celui que la Cour utilise aussi aux fins de définir le champ d’application matériel du cadre de référence (voir points 103 à 109 et 126 ci-dessus).

146    En application de la jurisprudence mentionnée au point 144 ci-dessus, en particulier l’arrêt World Duty Free sur lequel les parties ont pu, conformément au principe du contradictoire, faire valoir leurs observations, il y a lieu de prendre en compte l’objectif du régime commun dans son ensemble.

147    Or, il convient de constater que l’objectif poursuivi par le régime normal n’est pas de permettre aux entreprises de bénéficier de l’avantage fiscal que constitue l’amortissement de la survaleur lorsqu’elles rencontrent des difficultés les empêchant de procéder à un regroupement d’entreprises (voir points 117 à 122 ci-dessus).

148    C’est plutôt la mesure litigieuse qui vise à le faire en remédiant à l’existence d’obstacles au regroupement transfrontalier et en permettant ainsi, selon le Royaume d’Espagne, de garantir le respect du principe de neutralité fiscale (voir point 138 ci-dessus).

149    L’argument des requérantes relatif à l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers, lequel se fonde, contrairement à ce qu’elles soutiennent, sur l’objectif de la mesure litigieuse et non sur celui du régime normal, doit donc être écarté comme inopérant au stade de l’examen de la deuxième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus. Il sera, en revanche, à nouveau examiné dans le cadre du troisième grief, qui porte sur la troisième étape de cette méthode.

150    Au surplus, il convient de rappeler que le régime normal ne prévoit l’amortissement de la survaleur qu’en cas de regroupement d’entreprises et que la mesure litigieuse, en permettant cet amortissement pour des prises de participations dans des sociétés non résidentes, applique à ces opérations un traitement différent de celui qui s’applique aux prises de participations dans des sociétés résidentes, alors que ces deux types d’opérations se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans des situations juridiques et factuelles comparables. La mesure litigieuse introduit, dès lors, une dérogation à ce régime, ainsi que la Commission l’a estimé à bon droit (voir point 125 ci-dessus).

151    Le grief des requérantes doit donc être écarté.

152    La conclusion exposée au point 151 ci-dessus ne saurait être remise en cause par la jurisprudence invoquée par les requérantes.

153    En effet, premièrement, s’agissant de l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 61 et 62), le règlement relatif aux redevances aéroportuaires, en cause dans cette affaire, avait été adopté par un aéroport, dans le cadre de son pouvoir autonome de réglementation et ne pouvait donc être regardé comme constituant une dérogation à un régime applicable à tous les aéroports. Le contexte de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt est donc sans lien avec celui de l’espèce.

154    Deuxièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9), l’avantage octroyé consistait en un droit d’accès préférentiel aux couloirs de bus dont bénéficiaient les taxis et non les voitures de tourisme avec chauffeur (point 63). Eu égard à l’objectif de la mesure en cause, à savoir assurer un système de transport sûr et efficace (point 50), le fait que seuls les taxis puissent solliciter ou attendre des passagers n’ayant pas conclu de réservation préalable (point 5) et que certaines obligations, notamment le fait qu’ils doivent être reconnaissables et en mesure de transporter des personnes se déplaçant en fauteuil roulant (point 60), ne s’imposent qu’à eux a permis à la Cour de conclure que les taxis ne se trouvaient pas dans une situation comparable à celle des voitures de tourisme avec chauffeur (point 61).

155    De même, s’agissant de l’arrêt du 29 mars 2012, 3M Italia (C‑417/10, EU:C:2012:184), la mesure en cause dans cette affaire était applicable à certains contribuables qui, au regard de l’objectif poursuivi par cette mesure, laquelle avait été instaurée pour assurer un traitement des procédures judiciaires les plus anciennes en matière fiscale respectant le principe du délai raisonnable, ne se trouvaient pas dans la même situation que d’autres contribuables qui étaient parties à des procédures plus récentes avec l’administration fiscale (points 40 à 42).

156    Ainsi, il est vrai que, dans ces deux arrêts, la Cour a pris en compte l’objectif de la mesure censée procurer l’avantage en cause et non, plus largement, celui du régime dans lequel cette mesure s’inscrivait, alors même que, dans l’arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, point 55), la Cour a rappelé qu’il résultait d’une jurisprudence constante que l’article 107, paragraphe 1, TFUE imposait de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale était de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvaient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable.

157    Cependant, dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour a précisé qu’il convenait de prendre en compte l’objectif du régime dans lequel s’insère la mesure procurant un avantage et non l’objectif de cette mesure (voir point 144 ci-dessus).

158    Troisièmement, dans l’arrêt du 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke/Commission (C‑353/95 P, EU:C:1997:596), la Cour a constaté que le législateur national avait traité différemment les paris organisés en France sur les courses françaises de ceux organisés en France sur les courses étrangères en prévoyant que ces derniers étaient soumis aux retenues légales et fiscales en vigueur dans les pays où ces courses étaient organisées (points 2, 3 et 36).

159    La Cour a, certes, relevé que les deux catégories de paris n’étaient pas identiques (arrêt du 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke/Commission, C‑353/95 P, EU:C:1997:596, point 33), ce qui peut renvoyer à un raisonnement relevant de la deuxième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus.

160    Cependant, pour justifier un tel constat, la Cour a, notamment, souligné que le pari mutuel était caractérisé par le fait que les enjeux constituaient une masse commune qui, après différents prélèvements, était distribuée aux gagnants d’une manière égale, quelle que soit l’origine des paris, ce qui impliquait que la quotité des enjeux réservée aux gagnants ne puisse varier selon les États dans lesquels les paris étaient engagés. Elle a alors conclu que le bon fonctionnement d’un tel système ne pouvait être assuré que si le taux des prélèvements dont pouvait faire l’objet le montant des enjeux des paris sur une course donnée était celui de l’État dans lequel se déroulait la course (point 34).

161    La Cour a donc adopté dans cette affaire une approche qui relève en réalité de la troisième étape de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, laquelle repose sur l’examen de la justification de la différence de traitement constatée.

162    L’arrêt du 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke/Commission (C‑353/95 P, EU:C:1997:596), ne saurait donc être utilement invoqué aux fins de contester la manière dont la Commission a procédé en l’espèce s’agissant des deux premières étapes de la méthode mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus.

163    Par ailleurs, les circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt se distinguent de celles de l’affaire en cause en l’espèce. Ainsi, il ne saurait, sans plus d’explications de la part des requérantes, être déduit de la reconnaissance par la Cour d’une différence de situations entre les paris organisés en France sur les courses belges et ceux organisés en France sur les courses françaises (voir point 159 ci-dessus), l’existence d’une différence de situations entre les prises de participations dans des sociétés résidentes et les prises de participations dans des sociétés non résidentes.

164    En tout état de cause, la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au point 151 ci-dessus se fonde sur la jurisprudence plus récente de la Cour exposée au point 144 ci-dessus.

165    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le présent grief.

c)      Sur le caractère justifié de la mesure litigieuse au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit (troisième étape)

166    À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que la dérogation introduite par la mesure litigieuse est justifiée au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit. Elles se réfèrent ainsi à la troisième étape de la méthode d’analyse mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus.

167    Ainsi qu’il a été rappelé au point 62 ci-dessus, la Cour a jugé que, dans le cadre de la troisième étape de la méthode d’analyse mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, la notion d’« aide d’État » ne visait pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent.

168    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs assignés à une mesure fiscale ou à un régime fiscal particulier et qui leur sont extérieurs et, d’autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs. Par conséquent, des exonérations fiscales qui résulteraient d’un objectif étranger au système d’imposition dans lequel elles s’inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 69 et 70).

169    Au paragraphe 138 de la communication de 2016, la Commission renvoie d’ailleurs à des principes fondateurs ou directeurs intrinsèques du système fiscal en cause ou encore à des mécanismes inhérents au système et nécessaires à son fonctionnement ainsi qu’à son efficacité qui, seuls, sont susceptibles de justifier une dérogation.

170    En l’espèce, la différence de traitement entre les prises de participations dans des sociétés résidentes et les prises de participations dans des sociétés non résidentes qu’introduit la mesure litigieuse permettrait, selon le Royaume d’Espagne, de neutraliser la différence de traitement que le régime fiscal espagnol de la survaleur instaurerait en faveur des premières et au détriment des secondes.

171    La différenciation introduite par la mesure litigieuse serait donc justifiée dès lors qu’elle résulterait du principe de neutralité fiscale.

172    Or, le principe de neutralité, qui est reconnu en droit fiscal espagnol (considérant 138 de la décision attaquée), relève des mécanismes inhérents à un système fiscal, ainsi qu’il ressort d’ailleurs du paragraphe 139 de la communication de 2016, selon lequel le principe de neutralité fiscale peut constituer une justification possible d’une dérogation au régime normal.

173    Le Royaume d’Espagne peut donc utilement se fonder sur le principe de neutralité fiscale aux fins de justifier la différenciation qu’introduit la mesure litigieuse.

174    Il convient de relever que c’est seulement dans un cas particulier comme celui de l’espèce que l’objectif visé par la mesure en cause peut utilement être invoqué au cours de la troisième étape de la méthode d’analyse mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus.

175    Le caractère pertinent de la justification par le Royaume d’Espagne de la différenciation introduite par la mesure litigieuse, à savoir le principe de neutralité fiscale, ayant été admis, il reste encore à déterminer si la mesure litigieuse est effectivement de nature à garantir la neutralité fiscale.

176    Selon une jurisprudence constante, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 87 et jurisprudence citée).

177    En premier lieu, il convient de rappeler que, lorsqu’une dérogation est identifiée par la Commission, c’est à l’État membre concerné qu’il appartient de démontrer que cette dérogation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit (voir point 62 ci-dessus).

178    Il y a donc lieu de déterminer si, en l’espèce, les éléments apportés par le Royaume d’Espagne et invoqués par les requérantes sont suffisants pour justifier, contrairement à ce que la Commission a estimé, la dérogation constatée au point 150 ci-dessus.

179    Les requérantes se fondent sur le fait que, selon le Royaume d’Espagne, la mesure litigieuse vise à rétablir une situation de neutralité fiscale en mettant fin à une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, les entreprises qui peuvent sans difficulté procéder avec une société résidente à une fusion qui leur permet de bénéficier de l’amortissement de la survaleur et, d’autre part, les entreprises qui rencontrent des difficultés d’ordre juridique, en particulier dans les États qui ne sont pas membres de l’Union, les empêchant de procéder à une fusion avec une société non résidente et donc de bénéficier de l’amortissement de la survaleur.

180    Il convient de relever que la mesure litigieuse, aux fins de neutraliser la différence de traitement injustifiée qui résulterait ainsi du régime normal, accorde le bénéfice de l’amortissement de la survaleur aux entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non résidentes.

181    La mesure litigieuse se fonde ainsi nécessairement sur la prémisse selon laquelle les entreprises qui souhaitent procéder à des fusions transfrontalières et qui ne peuvent le faire en raison d’obstacles, notamment juridiques, au regroupement prennent par défaut des participations dans des sociétés non résidentes ou, pour le moins, conservent les participations dont elles disposent déjà.

182    En l’absence d’une telle prémisse, la mesure litigieuse ne pourrait en effet être regardée comme bénéficiant aux entreprises qui, selon le Royaume d’Espagne, font l’objet d’un traitement défavorable injustifié résultant de l’application du régime normal. Elle ne pourrait donc avoir un effet neutralisant.

183    Or, la prémisse mentionnée au point 181 ci-dessus n’est pas établie.

184    Certes, les requérantes allèguent que, lorsque les fusions transfrontalières sont impossibles du fait d’obstacles posés par les législations et les pratiques administratives des États en cause, ces opérations doivent, dans la grande majorité des cas, être organisées par l’intermédiaire de la prise de participation dans des sociétés étrangères.

185    Cependant, une prise de participation, contrairement à une fusion, n’entraîne pas la dissolution de la société acquise. Eu égard à cette différence et à ses implications juridiques et économiques, il n’est pas évident que ces deux types d’opérations visent à atteindre les mêmes objectifs ou qu’elles correspondent à des stratégies économiques identiques. Il en va d’autant plus ainsi s’agissant de prises de participations minoritaires qui relèvent pourtant, lorsqu’elles atteignent un seuil de 5 %, du champ d’application de la mesure litigieuse. Par conséquent, il ne peut être présumé qu’une entreprise qui ne peut opérer une fusion avec une société prenne par défaut des participations dans cette société.

186    Il est même plausible que les entreprises souhaitant procéder à une fusion avec une société non résidente et se trouvant dans l’incapacité de le faire en raison d’obstacles, notamment juridiques, au regroupement renoncent à acquérir ou à conserver des participations dans la société en cause. Ainsi, ces entreprises, qui, pourtant, sont celles qui sont susceptibles de subir un traitement défavorable, ne bénéficient pas de l’avantage octroyé par la mesure litigieuse.

187    Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Royaume d’Espagne, auquel il appartient de démontrer que la dérogation est justifiée (voir point 177 ci-dessus), ait établi que les entreprises qui souhaitent procéder à des fusions transfrontalières et qui ne peuvent le faire du fait d’obstacles, notamment juridiques, au regroupement prennent par défaut des participations dans des sociétés non résidentes ou, pour le moins, conservent les participations dont elles disposent déjà.

188    Au demeurant, les requérantes n’ont pas davantage procédé à une telle démonstration.

189    Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été démontré que l’avantage résultant de la mesure litigieuse bénéficierait aux entreprises subissant la différence de traitement à laquelle cette mesure est censée remédier. Les effets neutralisants de la mesure litigieuse n’ont donc pas été établis.

190    À cet égard, il peut être relevé que la Commission a indiqué, au considérant 106 de la décision attaquée, que la mesure litigieuse était trop imprécise et vague, en ce sens que son application n’était pas subordonnée à l’existence de situations spécifiques et légalement délimitées qui justifieraient un traitement fiscal différent.

191    En second lieu, à supposer même que la mesure litigieuse ait pour conséquence de neutraliser les effets supposément pénalisants du régime normal, ce qui n’est pas établi, elle présente, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission (considérants 136, 138 et 139 de la décision attaquée), un caractère disproportionné et donc injustifié.

192    En effet, toutes les entreprises prenant des participations d’au moins 5 % dans des sociétés résidentes n’ont pas nécessairement vocation à opérer une fusion avec ces sociétés et, ainsi, à se voir accorder le bénéfice de l’amortissement de la survaleur.

193    Tout d’abord, une telle fusion n’est pas toujours possible. Tel est le cas, par exemple, lorsque l’entreprise en cause ne dispose pas d’une participation lui donnant le contrôle de la société avec laquelle elle souhaite fusionner et que les autres actionnaires de cette société s’opposent au regroupement.

194    De plus, à supposer même qu’une telle fusion soit possible, l’amortissement de la survaleur ne profitera qu’aux entreprises qui souhaitent procéder à une telle opération. Or, il n’est pas certain que toutes les entreprises ayant acquis des participations, y compris majoritaires, dans une société résidente souhaitent procéder à une fusion avec cette société compte tenu, notamment, du fait qu’il n’est pas évident qu’une prise de participation et une fusion visent à atteindre les mêmes objectifs ou qu’elles correspondent à des stratégies économiques identiques (voir point 185 ci-dessus).

195    Pourtant, toutes les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non résidentes, alors qu’elles n’ont pas nécessairement pour objectif de procéder à une fusion, bénéficieront de l’amortissement de la survaleur.

196    À cet égard, la Commission a relevé à juste titre, au considérant 106 de la décision attaquée, que la mesure litigieuse couvrait « de manière discriminatoire une vaste catégorie d’opérations, ce qui ne peut se justifier par l’existence de différences objectives entre les contribuables ».

197    Il convient encore de souligner que la circonstance que les entreprises qui acquièrent des titres de participation dans des sociétés résidentes puissent plus aisément, si elles le souhaitent, bénéficier de l’amortissement de la survaleur en procédant à une fusion ne place pas ces entreprises dans une position aussi avantageuse que les entreprises qui acquièrent des titres de participation dans des sociétés non résidentes et qui bénéficient à ce titre, de façon automatique, de l’amortissement de la survaleur.

198    Il résulte de ce qui précède que l’application de la mesure litigieuse conduit à traiter de manière différente des entreprises qui se trouvent pourtant dans des situations comparables.

199    Ainsi, à supposer même que la mesure litigieuse permette de rétablir une certaine neutralité fiscale mise en cause par le régime normal, ce qui n’est pas établi (voir point 189 ci-dessus), les effets qu’elle produit ont, en tout état de cause, pour conséquence qu’elle ne peut être regardée comme justifiée au regard du principe de neutralité fiscale, ainsi que la Commission l’a, à bon droit, estimé dans la décision attaquée (voir point 191 ci-dessus).

200    En conclusion, ainsi qu’il résulte de chacun des deux motifs autonomes exposés dans les considérations qui figurent aux points 177 à 199 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la dérogation qu’introduit la mesure litigieuse soit justifiée au regard du principe de neutralité fiscale.

201    Alors que le système de référence qui doit être retenu pour examiner le caractère sélectif de la mesure litigieuse est le traitement fiscal de la survaleur (voir point 141 ci-dessus) et que la mesure litigieuse introduit une dérogation par rapport à ce système (voir point 150 ci-dessus), l’existence éventuelle d’obstacles aux fusions transfrontalières n’est, compte tenu des considérations qui précèdent, pas de nature à pouvoir justifier la dérogation qu’introduit la mesure litigieuse.

202    La thèse des requérantes selon laquelle la mesure litigieuse est justifiée au regard de l’objectif de neutralité fiscale doit, dès lors, être écartée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur argumentation relative à l’existence d’obstacles rendant impossibles ou difficiles les fusions transfrontalières.

203    Par conséquent, il n’y a pas lieu non plus de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par les requérantes à ce titre, dès lors que ces mesures sont censées permettre d’établir l’existence d’obstacles rendant impossibles ou difficiles les fusions transfrontalières.

204    La conclusion exposée au point 202 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par les requérantes.

205    En premier lieu, selon les requérantes, il appartenait à la Commission d’opérer une distinction entre les prises de participations dans des sociétés non résidentes emportant une prise de contrôle et les autres prises de participations aux fins de déclarer que l’application de la mesure litigieuse aux premières n’emportait pas la qualification d’aide d’État.

206    Cependant, ainsi qu’il a été relevé au point 194 ci-dessus, certaines entreprises prennent des participations majoritaires dans des sociétés résidentes sans souhaiter pour autant procéder à une fusion. Ces entreprises subissent alors, du fait de la mesure litigieuse, un traitement défavorable par rapport aux entreprises prenant des participations dans des sociétés non résidentes alors qu’elles se trouvent dans une situation comparable à elles. Ce traitement défavorable révèle l’incohérence qu’introduit la mesure litigieuse dans le traitement fiscal de la survaleur et qu’elle introduirait y compris si elle ne bénéficiait qu’aux prises de participations majoritaires dans des sociétés non résidentes.

207    À titre surabondant, à supposer même que la mesure litigieuse puisse être regardée comme étant justifiée pour des prises de participations majoritaires, il convient de constater qu’il n’incombait pas, en tout état de cause, à la Commission de fixer, dans le cadre de la décision attaquée, des conditions d’application de la mesure litigieuse qui auraient pu lui permettre, dans certaines hypothèses, de ne pas retenir la qualification d’aide. Une telle question relève en effet du dialogue entre les autorités espagnoles et la Commission, dans le cadre de la notification du régime en cause, laquelle aurait dû avoir lieu préalablement à sa mise en œuvre (arrêt du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑227/01 à T‑229/01, T‑265/01, T‑266/01 et T‑270/01, EU:T:2009:315, point 381).

208    La Commission s’est, à cet égard, référée à bon droit à la jurisprudence citée au point 207 ci-dessus aux considérants 107 et 118 de la décision attaquée.

209    Il y a lieu d’ajouter que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cas d’un régime d’aide, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide (arrêts du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, EU:C:2004:239, point 24 ; du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 91, et du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 122).

210    À cet égard, les requérantes invoquent l’arrêt du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission (T‑9/98, EU:T:2001:271, point 117). S’il est vrai que le Tribunal a jugé dans cette affaire que la Commission ne pouvait se contenter de procéder à une analyse générale et abstraite de la mesure en cause en l’espèce, mais devait également examiner le cas spécifique de la partie requérante concernée dans cette affaire, cette solution a été adoptée dans des circonstances très particulières, différentes de celles du présent litige, puisque, premièrement, l’adoption de la mesure en cause avait, notamment, été motivée par les particularités de la situation de la partie requérante, deuxièmement, durant la procédure administrative, cette situation particulière avait fait l’objet non seulement d’observations écrites de la part du gouvernement allemand et de la société mère de la partie requérante concernée dans cette affaire, mais également de discussions approfondies entre ce gouvernement et la Commission et, troisièmement, le gouvernement allemand avait proposé à cette dernière de n’appliquer la mesure en cause qu’à la partie requérante concernée dans cette affaire et de notifier individuellement tous les autres cas éventuels d’application de cette mesure (points 80 à 82).

211    S’agissant de l’invocation de l’arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368), il convient de relever que cet arrêt est antérieur à l’arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni (C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732), lequel a confirmé la jurisprudence selon laquelle, dans le cas d’un régime d’aide, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide (voir point 209 ci-dessus).

212    De plus, dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368), et à celui du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, EU:T:2008:537), également cité par les requérantes, était invoquée une méconnaissance du principe de non-discrimination, la Commission ayant, s’agissant d’un régime d’aide, examiné la situation individuelle de certaines entreprises, les entreprises municipales, sans procéder de la même manière pour des entreprises privées se trouvant dans des situations analogues. Or, les requérantes n’invoquent pas une méconnaissance du principe de non-discrimination tirée de ce que la situation de certaines entreprises aurait fait l’objet d’un examen individuel. Dès lors, la solution retenue par le Tribunal (et validée par la Cour aux points 128 et 160 de son arrêt), selon laquelle, en l’absence d’informations spécifiques à l’égard des entreprises requérantes et des secteurs dans lesquels elles opèrent, la Commission n’était pas tenue, en vertu du principe de non-discrimination, de déroger à son approche fondée sur un examen du régime d’aide en cause selon ses caractéristiques générales et de procéder à une analyse de leur situation individuelle, n’est pas pertinente en l’espèce.

213    Surtout, la jurisprudence mentionnée aux points 210 à 212 ci-dessus n’est pas pertinente, car il ne s’agit pas en l’espèce de délimiter, selon les secteurs, les entreprises pour lesquelles la qualification d’aide d’État pourrait ne pas être retenue, mais de déterminer, selon les opérations économiques auxquelles s’applique l’avantage en cause, les entreprises pour lesquelles cette qualification pourrait ne pas être retenue. Si une obligation d’examen des différentes opérations économiques auxquelles l’avantage en cause pourrait valablement s’appliquer sans que l’existence d’une aide puisse être constatée était imposée à la Commission, cela la conduirait à modifier le contenu ou les conditions d’application de la mesure examinée et non à délimiter seulement sa portée géographique ou sectorielle. Or, une telle obligation conduirait la Commission à aller au-delà des compétences qui lui sont dévolues par les dispositions du traité FUE et celles du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

214    De plus, s’agissant de la justification de la différenciation opérée par la mesure en cause, il convient de rappeler que c’est à l’État membre concerné qu’il appartient de l’établir (voir points 62 et 177 ci-dessus). C’est donc à lui qu’il appartient également d’adapter le contenu ou les conditions d’application de cette mesure s’il s’avère qu’elle n’est que partiellement justifiable.

215    Enfin, du fait de la connaissance qu’il a de la nature et de l’économie du système dans lequel la mesure en cause s’inscrit, l’État membre est aussi le plus à même de définir le contenu ou les conditions d’application de la mesure, en particulier lorsque, comme en l’espèce, l’évaluation des effets de celle-ci, qui sont censés justifier la dérogation qu’elle introduit, est complexe (voir points 179 à 199 ci-dessus).

216    Ainsi, à supposer même que l’examen, par la Commission, dans le cadre de la procédure formelle d’examen, du cas des prises de participations majoritaires ait fait l’objet de discussions spécifiques entre la Commission et le Royaume d’Espagne sur la base de demandes documentées présentées par celui-ci, il résulte des considérations exposées aux points 205 à 215 ci-dessus que le présent grief doit, en tout état de cause, être écarté, y compris pour les prises de participations majoritaires, et ce sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argumentation relative à l’existence d’obstacles rendant impossibles ou difficiles les fusions transfrontalières.

217    Par conséquent, il n’y a pas lieu non plus de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par les requérantes à ce titre, dès lors que ces mesures sont censées permettre d’établir l’existence d’obstacles rendant impossibles ou difficiles les fusions transfrontalières.

218    Par ailleurs, les requérantes soutiennent que la Commission s’est fondée également sur le motif selon lequel la mesure litigieuse serait disproportionnée du fait qu’elle s’applique également aux prises de participations minoritaires qui n’impliquent pas de prise de contrôle. Par cette critique, elles pourraient être regardées comme concluant, à titre subsidiaire, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle déclare illégale l’application de la mesure litigieuse aux prises de participations majoritaires.

219    Il convient de rejeter cette demande.

220    En effet, premièrement, la Commission pouvait considérer à bon droit que le Royaume d’Espagne n’avait pas établi le caractère justifié de la mesure litigieuse sans même se fonder sur le caractère disproportionné de celle-ci (voir points 177 à 189 ci-dessus).

221    De plus, même si elle ne bénéficiait qu’aux prises de participations majoritaires dans des sociétés non résidentes, la mesure litigieuse introduirait une incohérence dans le traitement fiscal de la survaleur mettant en cause sa justification par le principe de neutralité fiscale (voir point 206 ci-dessus).

222    Deuxièmement, eu égard aux considérations présentées aux points 207 à 215 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue, alors même que, selon les requérantes, le Royaume d’Espagne le lui avait demandé, de déclarer qu’il n’y avait pas d’aide dans le cas des prises de participations majoritaires.

223    Enfin, troisièmement, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte (voir arrêt du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil, C‑244/03, EU:C:2005:299, point 12 et jurisprudence citée). Il n’est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil, C‑244/03, EU:C:2005:299, point 13). Or, en l’espèce, l’annulation de la décision attaquée, en tant qu’elle constate l’existence d’une aide d’État y compris s’agissant de prises de participations majoritaires, aurait pour effet de modifier la substance de ladite décision.

224    Il convient donc d’écarter l’argument mentionné au point 218 ci-dessus et de rejeter les conclusions subsidiaires fondées sur celui-ci.

225    En second lieu, s’agissantde l’invocation de la pratique décisionnelle de la Commission, il convient d’écarter cet argument.

226    À cet égard, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence, c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une certaine mesure et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 136).

227    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient, en tout état de cause (voir point 202 ci-dessus), d’écarter le présent grief, tiré du caractère justifié de la mesure litigieuse au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit.

228    Par ailleurs, l’argument tiré du défaut de motivation de la décision attaquée quant au constat du caractère sélectif de la mesure litigieuse ne saurait être retenu. En effet, ainsi qu’il ressort des considérations présentées aux points 64 à 73 ci-dessus, la Commission a suffisamment motivé sa décision sur ce point.

229    Enfin, s’agissant de l’argument relatif au principe de protection de la confiance légitime (voir point 34 ci-dessus), il convient de rappeler que la notion d’aide d’État répond à une situation objective et ne saurait dépendre du comportement ou des déclarations des institutions. Ces circonstances ne peuvent faire obstacle à la qualification d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si les conditions de l’existence d’une aide d’État sont réunies. Elles sont en revanche à prendre en considération en ce qui concerne l’obligation de récupérer l’aide incompatible avec le marché intérieur, au regard des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique (arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, EU:C:2013:812, point 53).

230    L’argument relatif au principe de protection de la confiance légitime, qui est inopérant s’agissant de la qualification d’une mesure en tant qu’aide d’État, doit donc être écarté. Il sera néanmoins examiné au titre de l’analyse du troisième moyen.

231    Eu égard au motif sur la base duquel se fonde une telle solution, à savoir le caractère inopérant de l’argument en cause, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par les requérantes à ce titre, dès lors que ces mesures sont censées permettre d’établir le bien-fondé de cet argument.

232    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen, tiré de l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse, doit être écarté dans son ensemble.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’identification du bénéficiaire de la mesure litigieuse

1.      Arguments des parties

233    Les requérantes contestent en substance le fait que l’avantage octroyé par la mesure litigieuse bénéficie aux entreprises imposables en Espagne acquérant des participations dans des sociétés non résidentes. Les bénéficiaires de la mesure litigieuse seraient en réalité ces sociétés et leurs actionnaires, qui pourraient céder leurs participations à un meilleur prix.

234    Les requérantes soutiennent que la Commission a présenté, dans la décision attaquée, une réponse incohérente et erronée à l’argument présenté par certaines des parties intéressées, lequel est tiré du fait que les bénéficiaires réels de l’aide seraient les actionnaires de sociétés non résidentes qui vendent leurs actions à des entreprises imposables en Espagne.

235    Les requérantes se prévalent également de la pratique antérieure de la Commission.

236    La Commission soutient que l’incohérence invoquée par les requérantes n’existe pas.

237    En tout état de cause, selon la Commission, les entreprises auxquelles s’applique la mesure litigieuse bénéficient d’un avantage.

2.      Appréciation du Tribunal

238    Il convient tout d’abord de rappeler que, du fait de la mesure litigieuse, les entreprises imposables en Espagne qui acquièrent des participations dans des sociétés non résidentes peuvent réduire, si elles remplissent par ailleurs les autres conditions prévues par la mesure, l’assiette de l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables.

239    Selon les requérantes, l’avantage procuré par la mesure litigieuse, dont les entreprises qui acquièrent des participations dans des sociétés non résidentes sont les destinataires immédiats, est, en réalité, répercuté sur le prix de vente des actions. Par conséquent, ce ne seraient pas ces entreprises qui bénéficieraient de la mesure litigieuse, mais plutôt les vendeurs des participations en cause.

240    Un tel argument doit être écarté sur la base de chacun des trois motifs autonomes qui suivent.

241    En premier lieu, il ne saurait être présumé que l’avantage procuré par la mesure litigieuse est nécessairement répercuté sur le prix de vente des actions des sociétés acquises. Or, une telle circonstance n’est pas établie en l’espèce. Par conséquent, le présent argument manque en fait.

242    En deuxième lieu, à supposer même que les entreprises imposables en Espagne souhaitant acheter des actions de sociétés non résidentes majorent le prix offert en prenant en compte la réduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés dont elles bénéficient au titre de cette acquisition, cela augmente leurs chances de réaliser les transactions en cause. Ces entreprises disposent ainsi d’un « avantage économique qu’elles n’auraient pas obtenu dans des conditions normales de marché », selon la formule employée par la Cour dans son arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C‑39/94, EU:C:1996:285, point 60).

243    La situation examinée en l’espèce est donc différente de celle dans laquelle le destinataire de l’avantage est tenu, sans contrepartie, de transférer celui-ci à un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, EU:C:2003:387, point 58). En effet, les entreprises acquéreuses, à supposer même qu’elles répercutent intégralement l’avantage fiscal résultant de la mesure litigieuse sur le prix d’achat des actions des sociétés acquises, voient leur capacité de négociation en tant qu’acheteur accrue, ce qui constitue, en tant que tel, un avantage évident, ainsi que la Commission le souligne à juste titre.

244    En troisième lieu, la Cour a jugé que la circonstance que le bénéfice réalisé par l’exploitation d’un avantage, en particulier d’un avantage fiscal, ne soit pas identique à cet avantage, voire s’avère inexistant, est sans incidence sur la récupération de l’aide auprès des personnes destinataires de cet avantage (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, points 92, 93, 100 et 102).

245    Par conséquent, une telle circonstance est également sans incidence sur la qualité de bénéficiaire de l’aide des personnes destinataires de l’avantage en cause.

246    En effet, s’il était admis, en présence d’une telle circonstance, que les destinataires de l’avantage que prévoit une mesure ne sont pas les bénéficiaires réels de cette mesure, cela aurait pour effet d’empêcher toute mesure de récupération à leur égard, ce qui serait contraire à la solution retenue par la Cour.

247    En l’espèce, les requérantes se prévalent, en substance, d’une diminution, voire d’une disparition, du bénéfice réalisé par l’exploitation de l’avantage que leur procure la mesure litigieuse.

248    En application de la jurisprudence citée au point 244 ci-dessus, telle qu’interprétée au point 245 ci-dessus, la circonstance, à la supposer établie, que l’avantage fiscal résultant de la mesure litigieuse soit, en l’espèce, intégralement répercuté par les entreprises acquéreuses sur le prix des actions des sociétés acquises et que le bénéfice résultant de la mesure litigieuse réalisé par les entreprises acquéreuses lors de l’opération d’achat s’avère de ce fait inexistant ne permet pas de conclure que ces entreprises ne seraient pas les bénéficiaires de la mesure litigieuse.

249    Il résulte de chacun des trois motifs exposés aux points 241 à 248 ci-dessus que les entreprises imposables en Espagne et acquérant des participations dans des sociétés non résidentes ne sont pas seulement les destinataires immédiats de l’aide en cause, mais également les bénéficiaires réels de celle-ci.

250    C’est ce qu’indique sans ambiguïté la Commission dans la décision attaquée, dont la motivation, suffisamment détaillée sur ce point, n’est nullement incohérente.

251    Il peut être relevé, à cet égard, que la Commission a indiqué, au considérant 130 de la décision attaquée, qu’elle estimait que les bénéficiaires de l’aide étaient les entreprises qui pouvaient faire application de l’amortissement fiscal de la survaleur. Elle a, notamment, relevé qu’aucun mécanisme ne garantissait que l’avantage soit entièrement ou partiellement transféré aux vendeurs des participations concernées et que, même si tel était le cas, la mesure litigieuse renforcerait les capacités de l’acquéreur d’offrir un prix plus élevé, « ce qui revêt[ait] une importance capitale dans le cas d’une opération d’acquisition concurrentielle ».

252    Par ailleurs, l’argument des requérantes tiré du caractère prétendument incohérent de la pratique de la Commission en matière d’identification du bénéficiaire de l’aide en cause doit être écarté.

253    En effet, conformément à la jurisprudence, c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une mesure donnée et non au regard d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (voir arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 136 et jurisprudence citée). Or, la détermination du bénéficiaire de l’aide est une des composantes du constat de l’existence de celle-ci qui répond à une situation objective et ne saurait dépendre du comportement des institutions (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, EU:C:2013:812, point 53).

254    Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime

1.      Arguments des parties

255    Les requérantes invoquent, en substance, un premier grief, tiré d’une erreur de droit tenant à ce que la Commission a, à tort, pris pour date de référence, aux fins de déterminer les aides devant faire l’objet d’une mesure de récupération, la date de publication de la décision d’ouverture. La Commission aurait ainsi méconnu le principe de protection de la confiance légitime, en s’abstenant de prendre comme date de référence celle de la publication de la décision attaquée.

256    Les requérantes se fondent, en particulier, sur la jurisprudence du juge de l’Union, ainsi que sur la pratique décisionnelle de la Commission au titre de laquelle elles se prévalent d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement.

257    Les requérantes critiquent la thèse de la Commission selon laquelle, après la publication de la décision d’ouverture, un opérateur diligent devrait s’abstenir d’appliquer la mesure litigieuse jusqu’à la publication de la décision finale.

258    À titre subsidiaire, les requérantes invoquent un second grief. Elles contestent les conditions posées par la Commission pour que, dans certaines hypothèses, soit prise en considération, comme date de référence aux fins de déterminer les aides devant faire l’objet d’une mesure de récupération, la date de publication de la décision attaquée. Selon les requérantes, la solution retenue par la Commission dans le cadre du régime transitoire appliquée par la décision attaquée aurait été imprévisible pour un opérateur diligent.

259    Les requérantes invoquent également un défaut de motivation de la décision attaquée.

260    La Commission soutient que, au regard de la jurisprudence, le principe de protection de la confiance légitime n’a pas été méconnu.

261    Elle soutient également que l’argument tiré de sa pratique antérieure est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

262    Elle soutient enfin qu’aucune méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ne peut être relevée s’agissant des hypothèses dans lesquelles la date de référence pour la récupération de l’aide est la date de publication de la décision attaquée.

2.      Appréciation du Tribunal

263    Il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables [voir arrêts du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, point 81 et jurisprudence citée, et du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 77 et jurisprudence citée].

264    Il convient également de rappeler que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ne peut utilement être invoqué aux fins de contester une décision de la Commission qui qualifie une mesure nationale d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors que la notion d’aide d’État répond à une situation objective et ne saurait dépendre du comportement ou des déclarations des institutions (voir point 229 ci-dessus). Ainsi, lorsqu’une mesure nationale peut, à bon droit, être qualifiée d’aide d’État, des assurances antérieures relatives au fait que cette mesure ne constitue pas une aide ne sauraient être conformes à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La troisième condition exposée au point 263 ci-dessus n’étant pas remplie, une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime invoquée à l’encontre de la décision de la Commission qui qualifie la mesure d’aide d’État est exclue.

265    Cependant, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime peut utilement être invoqué à l’encontre d’une décision par laquelle la Commission décide, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, que l’État membre intéressé doit supprimer une mesure nationale ou la modifier dans le délai qu’elle détermine (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a., C‑272/12 P, EU:C:2013:812, point 53).

266    Il peut s’agir, par exemple, pour la Commission, d’obliger l’État membre intéressé à mettre fin, de manière progressive, à un régime d’aide existant devenu incompatible avec le marché intérieur (voir la décision en cause dans l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416) ou encore d’ordonner la récupération d’une aide nouvelle versée sans notification préalable à la Commission et considérée par celle-ci comme étant incompatible avec le marché intérieur.

267    S’agissant de ce dernier exemple, lequel est en cause en l’espèce, il convient de souligner que, s’il existait une règle ou un principe selon lequel la Commission est tenue d’ordonner la récupération de toute aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, des assurances données dans l’absence de récupération d’une telle aide, lesquelles peuvent résulter d’assurances données quant à l’absence de qualification de la mesure en cause en tant qu’aide, seraient nécessairement contraires à ce principe ou à cette règle.

268    Ainsi, la troisième des conditions cumulatives d’application du principe de protection de la confiance légitime (voir point 263 ci-dessus), celle relative au fait que les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêts du 16 novembre 1983, Thyssen/Commission, 188/82, EU:C:1983:329, point 11 ; du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 162/84, EU:C:1986:56, point 6 ; du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, EU:T:1990:24, point 28 ; du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, EU:T:1999:135, point 70 ; du 18 juin 2014, Espagne/Commission, T‑260/11, EU:T:2014:555, point 84, et du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 213), ne pourrait jamais être remplie.

269    À cet égard, il convient de rappeler que la Cour, dès l’arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission (C‑142/87, EU:C:1990:125, point 66), a jugé que la suppression d’une aide illégale incompatible avec le marché intérieur par voie de récupération était la conséquence logique de la constatation de son illégalité.

270    Toutefois, le lien logique ainsi établi dans la jurisprudence de la Cour entre l’illégalité d’une aide et sa récupération n’entraînait pas une obligation pour la Commission d’ordonner la récupération de toute aide illégale et incompatible avec le marché intérieur.

271    En effet, ainsi que la Commission l’a rappelé dans la communication de 2007 intitulée « Vers une mise en œuvre effective des décisions de la Commission enjoignant aux États membres de récupérer les aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun » (JO 2007, C 272, p. 4), ce n’est que dans la seconde moitié des années 80 et dans les années 90 qu’elle a commencé à ordonner plus systématiquement la récupération des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur et c’est l’adoption du règlement no 659/1999 qui a « établi l’obligation pour la Commission d’exiger la récupération de ce type d’aides ».

272    Cette obligation résulte de la première phrase de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, qui dispose que, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission « décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire ».

273    Malgré l’adoption d’une telle disposition, qui semble imposer à la Commission d’ordonner la récupération de toute aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime demeure utilement invocable à l’encontre d’une décision ordonnant la récupération d’une aide nouvelle versée sans notification préalable à la Commission et considérée par celle-ci comme étant incompatible avec le marché intérieur.

274    En effet, premièrement, une exception à l’obligation d’ordonner la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur est prévue dès la seconde phrase de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, laquelle dispose que la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

275    Or, le principe de protection de la confiance légitime est reconnu comme étant un principe général du droit de l’Union (arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 avril 1988, Mulder, 120/86, EU:C:1988:213, points 26 et 27).

276    Deuxièmement, l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, en particulier sa première phrase, ne saurait être interprété comme ayant pour effet d’empêcher que la troisième des conditions cumulatives d’application du principe de protection de la confiance légitime soit remplie et de conduire ainsi à ce que l’application de ce principe soit exclue (voir points 263, 267 et 268 ci-dessus).

277    En effet, la seconde phrase de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 vise précisément à assurer la protection de la confiance légitime, ainsi que cela ressort de la déclaration 29/99 inscrite au procès-verbal de la session du Conseil au cours de laquelle il a été procédé à l’adoption formelle dudit règlement (relevé mensuel des actes du Conseil, mars 1999), déclaration selon laquelle la « Commission est toujours liée par les principes généraux du droit [de l’Union], et notamment par le principe de confiance légitime, qui priment le droit […] dérivé ».

278    Il résulte de ce qui précède que les requérantes peuvent, aux fins de contester la légalité de la décision attaquée en tant que celle-ci prévoit la récupération de l’aide octroyée, utilement invoquer devant le Tribunal le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime et se prévaloir, à cet égard, des assurances qui ont pu leur être données par la Commission quant à l’absence de qualification de la mesure litigieuse en tant qu’aide, ce qui impliquait nécessairement que l’avantage que leur procurait cette mesure ne ferait pas l’objet d’une récupération (voir point 267 ci-dessus) ou seulement d’une récupération respectueuse de ces assurances.

279    Dès lors, il y a lieu de déterminer si l’un ou l’autre des deux griefs invoqués par les requérantes au soutien du troisième moyen (voir points 255 et 258 ci-dessus) est fondé.

a)      Sur le premier grief, invoqué à titre principal

280    Les requérantes contestent le régime transitoire appliqué par la Commission en tant qu’il a retenu, comme date de référence, la date de publication de la décision d’ouverture. Selon elles, la Commission aurait dû prendre en compte la date de publication de la décision attaquée.

281    À titre liminaire, il convient de relever que la Commission a estimé, au considérant 184 de la décision attaquée, que la mesure litigieuse constituait une aide d’État illégale, c’est-à-dire une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

282    Il est constant que le régime litigieux n’a pas été notifié par le Royaume d’Espagne à la Commission en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

283    Certes, selon les requérantes, la mesure n’est pas sélective en dehors de l’Union et ne le serait devenue, en son sein, qu’avec la disparition des obstacles aux fusions transfrontalières qui ne pourrait être constatée, au plus tôt, selon les requérantes, qu’après l’entrée en vigueur de la directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (JO 2005, L 310, p. 1). Ainsi, la mesure litigieuse n’aurait pas constitué une aide au moment de son entrée en vigueur et pourrait donc être regardée comme étant une aide existante au sens des dispositions de l’article 1er, sous b), v), du règlement no 659/1999.

284    Cependant, en raisonnant ainsi, les requérantes se fondent sur le postulat selon lequel l’existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers permettrait de regarder cette mesure comme n’étant pas sélective.

285    Or, l’absence de pertinence d’un tel postulat a été constatée, notamment, aux points 201, 202 et 216 ci-dessus.

286    Il peut, par conséquent, être conclu que les requérantes n’ont pas établi que la mesure litigieuse constituerait une aide existante. C’est donc à bon droit que la Commission l’a qualifiée d’aide illégale.

287    Or, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf s’il existe des circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, EU:C:1987:502, points 16 et 17 ; du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C‑5/89, EU:C:1990:320, points 14 et 16 ; du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 134 ; du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, EU:T:1998:7, point 182 ; du 16 octobre 2014, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑177/10, EU:T:2014:897, point 61, et du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 214).

288    Dans la décision attaquée, la Commission, estimant qu’elle se trouvait en présence de telles circonstances (considérants 38 et 210 de la décision attaquée), n’a pas ordonné la récupération de l’aide en cause, notamment, pour les bénéficiaires de la mesure litigieuse ayant acquis des participations dans une société étrangère au plus tard le 21 décembre 2007, date de publication de la décision d’ouverture.

289    L’application d’un tel régime transitoire se justifiait, selon la Commission, par le fait qu’elle avait offert des garanties spécifiques, inconditionnelles et concordantes d’une nature telle que les bénéficiaires de la mesure litigieuse avaient nourri des espoirs justifiés que le régime d’amortissement de la survaleur était légal, en ce sens qu’il n’entrait pas dans le champ d’application des règles relatives aux aides d’État, et que, par conséquent, aucun des avantages découlant dudit régime ne pouvait faire l’objet par la suite d’une procédure de récupération (considérant 192 de la décision attaquée).

290    Ainsi, le 19 janvier 2006, en réponse à la question d’un député au Parlement, un membre de la Commission a, au nom de celle-ci, indiqué ce qui suit :

« La Commission n’est pas en mesure de confirmer si les offres élevées des entreprises espagnoles sont dues à la législation fiscale espagnole qui permet aux entreprises d’amortir [la survaleur financière] plus rapidement que leurs homologues françaises ou italiennes. La Commission est toutefois en mesure de confirmer que ces législations nationales n’entrent pas dans le champ d’application des règles relatives aux aides d’État, mais qu’elles constituent plutôt des règles générales de dépréciation applicables à toutes les entreprises en Espagne. »

291    De même, le 17 février 2006, en réponse à la question d’un député au Parlement, un membre de la Commission a indiqué ce qui suit, toujours au nom de l’institution :

« Selon les informations dont la Commission dispose actuellement, les règles fiscales espagnoles relatives à l’amortissement de la survaleur semblent être applicables à toutes les entreprises en Espagne, indépendamment de leur taille, du secteur, de la forme juridique ou du fait qu’elles soient privées ou publiques, dès lors qu’elles constituent des règles d’amortissement générales. Elles ne semblent donc pas entrer dans le champ d’application des règles relatives aux aides d’État. »

292    Si les réponses de la Commission n’ont pas fait l’objet d’une publication intégrale au Journal officiel de l’Union européenne, le numéro des questions, leur auteur, leur objet, l’institution destinataire ainsi que la mention de l’existence et de la date des réponses ont fait l’objet d’une telle publication (JO 2006, C 327, p. 164 et 192).

293    Il n’est pas contesté, en l’espèce, que les éléments mentionnés aux points qui précèdent ont pu faire naître une confiance légitime à l’égard des requérantes.

294    Le désaccord des parties porte sur les conséquences qu’il convient de tirer de l’adoption le 10 octobre 2007 de la décision d’ouverture qui a été publiée, précédée de son résumé, au Journal officiel de l’Union européenne le 21 décembre 2007 (voir point 280 ci-dessus).

295    À cet égard, la jurisprudence de la Cour, fondée sur le libellé de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, prévoit que, dans l’hypothèse où la Commission ouvre la procédure formelle d’examen, la dernière phrase de l’article 108, paragraphe 3, TFUE interdit à l’État membre intéressé de mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure n’ait abouti à une décision finale. Les aides nouvelles sont donc soumises à un contrôle préventif exercé par la Commission et elles ne peuvent en principe être mises à exécution par l’État membre concerné aussi longtemps que cette institution ne les a pas déclarées compatibles avec le traité (arrêt du 30 juin 1992, Espagne/Commission, C‑312/90, EU:C:1992:282, point 16).

296    De plus, la Cour a jugé que, lorsque la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure nationale nouvelle en cours d’exécution, l’effet suspensif d’une telle décision s’impose y compris aux juridictions nationales susceptibles d’être saisies, lesquelles sont tenues, le cas échéant, d’adopter toutes les mesures nécessaires en vue de tirer les conséquences d’une éventuelle violation de l’obligation de suspension de l’exécution de ladite mesure (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 42).

297    Enfin, il a été jugé, s’agissant d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard d’une mesure en cours d’exécution qualifiée d’aide nouvelle par la Commission, qu’il existait, après son adoption, à tout le moins un doute important sur la légalité de la mesure en cause qui, sans préjudice de la faculté de solliciter des mesures provisoires auprès du juge des référés, devait conduire l’État membre à en suspendre le versement, dès lors que l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE excluait une décision immédiate concluant à la compatibilité avec le marché intérieur qui permettrait de poursuivre régulièrement l’exécution de ladite mesure. Ce doute sur la légalité de la mesure en cause devait également conduire les entreprises bénéficiaires de la mesure à refuser en tout état de cause de nouveaux versements ou à provisionner les sommes nécessaires à d’éventuels remboursements ultérieurs (arrêt du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2001:528, point 59).

298    Ainsi, compte tenu de l’effet suspensif d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen adoptée à l’égard d’une mesure nationale nouvelle en cours d’exécution, les bénéficiaires de cette mesure ne sont pas fondés, comme c’est le cas en l’espèce, à se prévaloir de circonstances exceptionnelles pouvant justifier le maintien d’une confiance légitime après l’intervention de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2016, France/Commission, T‑56/06 RENV II, EU:T:2016:228, points 50 à 56).

299    Par ailleurs, le régime transitoire adopté par la Commission a permis aux bénéficiaires de l’aide ayant acquis des participations, ou s’étant engagés irrévocablement à acquérir des participations, à la date de publication de la décision d’ouverture, de continuer à se voir appliquer cette mesure pendant toute la période d’amortissement prévue. Les entreprises en cause étaient ainsi en mesure, après cette date, d’adapter leur comportement de façon immédiate en ne contractant pas un engagement relatif à une prise de participation dans une société étrangère si elles estimaient qu’un tel engagement, compte tenu du risque de ne pas pouvoir bénéficier à terme de l’avantage fiscal prévu par la mesure litigieuse, ne présentait pas un intérêt économique suffisant.

300    Il convient enfin d’ajouter que, dans le résumé de la décision d’ouverture publié, avec cette décision, au Journal officiel de l’Union européenne du 21 décembre 2007, la Commission a indiqué qu’elle estimait que le régime fiscal en cause paraissait répondre à tous les critères en vigueur pour être considéré comme une aide d’État. Elle a également précisé ce qui suit :

« [L]a mesure offre apparemment une dérogation au système fiscal espagnol en ce sens que la survaleur financière fait l’objet d’un amortissement, même si elle n’est pas enregistrée dans la comptabilité de la société acquéreuse, du fait qu’il n’y a pas de regroupement d’entreprises entre société acquéreuse et société acquise. Elle confère dès lors un avantage économique sous la forme d’une réduction de la charge fiscale des sociétés qui prennent des participations significatives dans des sociétés étrangères. Elle semble impliquer des ressources d’État et être spécifique puisqu’elle favorise les entreprises qui réalisent certains types d’investissements.

La mesure semble altérer les échanges entre États membres, car elle renforce la position de ses bénéficiaires, qui exercent certaines activités de holding, et peut fausser la concurrence dans la mesure où, en subventionnant les sociétés espagnoles se portant acquéreuses de sociétés à l’étranger, elle désavantage les concurrents non espagnols qui font des offres comparables sur les marchés en cause.

Aucune des dérogations prévues à l’article [10]7, paragraphes 2 et 3 ne semble applicable et l’aide paraît incompatible avec le marché [intérieur]. La Commission considère donc qu’en mettant la mesure incriminée à exécution, les autorités espagnoles ont peut-être accordé une aide d’État au sens de l’article [10]7, paragraphe 1, du traité. »

301    Compte tenu des éléments mentionnés au point 300 ci-dessus, à la date de publication de la décision d’ouverture, les entreprises auxquelles le régime litigieux s’appliquait ou était susceptible de s’appliquer avaient pu prendre connaissance des motifs précis pour lesquels la Commission estimait que les mesures prévues par ce régime lui paraissaient remplir chacune des conditions requises par l’article 107 TFUE et qu’elles pouvaient être regardées comme incompatibles avec le marché intérieur.

302    De plus, il ne ressort pas du résumé de la décision d’ouverture ou de la chronologie figurant aux considérants 1 à 7 de cette décision que le régime litigieux puisse concerner une aide existante. En particulier, les entreprises en cause pouvaient comprendre que ce régime, qui avait été mis à exécution avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, n’avait pas fait l’objet d’une autorisation de la part de la Commission.

303    Il résulte de tout ce qui précède que l’adoption de la décision d’ouverture suffisait, en l’espèce, à mettre fin à la confiance légitime qu’avaient pu faire naître à l’égard des bénéficiaires de la mesure litigieuse les déclarations citées aux points 290 et 291 ci-dessus.

304    Les autres arguments des requérantes ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

305    En premier lieu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502, point 6), une aide nouvelle avait certes été versée avant sa notification à la Commission.

306    Cependant, les sommes dont la Commission demandait la récupération avaient été versées antérieurement à l’adoption de toute décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, à cet égard, le rapport d’audience publié au Recueil, p. 4621 et 4622).

307    Ainsi, la solution dégagée dans l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), n’est pas transposable, dès lors que, en l’espèce, l’aide dont la Commission a ordonné la récupération n’avait pas encore été octroyée à la date de publication de la décision d’ouverture et concernait même un avantage accordé sur la base de comportements adoptés par les bénéficiaires de l’aide après la publication de cette décision (voir point 299 ci-dessus).

308    En deuxième lieu, les requérantes invoquent l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), relatif au régime fiscal belge des centres de coordination.

309    Il existe cependant des différences substantielles entre le contexte de la présente affaire et celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416).

310    En effet, premièrement, dans cette affaire, la Commission avait, par deux décisions successives (point 16), constaté que le régime en cause ne contenait pas d’élément d’aide. Il s’agissait donc d’un régime d’aide existant pour lequel la jurisprudence relative à la récupération des aides illégales incompatibles avec le marché intérieur, laquelle ne retient une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime que dans des circonstances exceptionnelles (voir point 287 ci-dessus), ne s’appliquait pas.

311    De même, les dispositions du traité relatives aux effets de l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et la jurisprudence qui tire les conséquences de l’application de ces dispositions lorsqu’une aide a été versée illégalement (voir points 295 à 298 ci-dessus), lesquelles limitent également l’application du principe de protection de la confiance légitime, ne s’appliquaient pas.

312    D’ailleurs, dans ses conclusions dans les affaires jointes Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:89, points 404 et 405), M. l’avocat général Léger insistait sur la spécificité d’une situation dans laquelle la confiance était créée par l’adoption de décisions antérieures de la Commission et qui devait, dès lors, faire l’objet d’une protection particulière.

313    En effet, dans une telle hypothèse, les décisions de la Commission constatant l’absence d’élément d’aide confortent la situation juridique des personnes auxquelles s’applique la mesure en cause, en admettant sa conformité aux dispositions de l’article 107 TFUE jusqu’à l’adoption d’une éventuelle décision en sens contraire.

314    À cet égard, il convient de rappeler que les actes des institutions de l’Union jouissent d’une présomption de légalité aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés ou annulés (arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, EU:C:1994:247, point 48).

315    Deuxièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), était en cause la possibilité pour les bénéficiaires d’un régime d’aide de voir ou non la période durant laquelle ils relevaient de ce régime être prolongée.

316    Dans cette affaire, le bénéfice du régime en cause était subordonné à l’obtention d’un agrément accordé pour dix ans et renouvelable. La décision contestée prévoyait que, à compter de la date à laquelle elle était notifiée, les bénéficiaires d’un tel agrément ne pouvaient, lors de son expiration, en obtenir le renouvellement (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, points 32 à 34).

317    La Cour a jugé que le délai d’environ huit mois écoulé entre la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et la décision contestée était insuffisant pour permettre aux bénéficiaires de l’aide de prendre en considération l’éventualité d’une décision mettant fin au régime en cause. Elle s’est fondée, notamment, sur le fait que ce régime impliquait des mesures comptables et des décisions financières et économiques qui ne pouvaient être prises dans un délai aussi bref par un opérateur économique averti (arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 162).

318    Dans son arrêt du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556), la Cour a souligné que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), les bénéficiaires de l’agrément, lesquels ne pouvaient en obtenir le renouvellement du fait de la décision de la Commission, avaient procédé, à cause de cet agrément, à des investissements importants ainsi qu’à des engagements à long terme (point 91).

319    Dans ses conclusions dans les affaires jointes Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:89), M. l’avocat général Léger a indiqué que le régime en cause dans cette affaire constituait un régime fiscal dérogatoire au droit commun qui comportait plusieurs exonérations et un mode de détermination de la base imposable particulier et que l’éventualité de la suppression de mesures de ce type était beaucoup plus difficile à prendre en compte par une entreprise que celle de la suppression d’une subvention, car elle nécessitait non seulement de prendre en considération les conséquences économiques d’une telle suppression, mais également de procéder à une réorganisation importante, notamment sur le plan de la comptabilité (point 418).

320    Au contraire, en l’espèce, ainsi qu’il a été jugé au point 299 ci-dessus, les entreprises auxquelles le régime litigieux s’appliquait ou était susceptible de s’appliquer étaient en mesure, dès la date de publication de la décision d’ouverture, d’adapter leur comportement de façon immédiate en ne contractant pas un engagement relatif à une prise de participation dans une société étrangère si elles estimaient qu’un tel engagement, compte tenu du risque de ne pas pouvoir bénéficier à terme de l’avantage fiscal prévu par le régime litigieux, ne présentait pas un intérêt économique suffisant.

321    Par conséquent, l’ensemble des circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), qui viennent d’être exposées aux points 308 à 320 ci-dessus, ne se retrouvent pas en l’espèce, qu’il s’agisse du fait que l’aide en cause dans cette affaire était une aide existante ou qu’il s’agisse de la nécessité pour les bénéficiaires de cette aide d’adopter, à la suite de son interdiction, des mesures qui ne pouvaient l’être dans un délai bref. Par conséquent, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer cet arrêt.

322    En troisième lieu, les requérantes invoquent une méconnaissance du principe d’égalité de traitement. Elles se prévalent de décisions de la Commission intervenues pour des régimes fiscaux présentant, comme l’indiquent elles-mêmes les requérantes, des similitudes avec le régime fiscal belge des centres de coordination, c’est-à-dire celui examiné dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 16). Or, ainsi qu’il a été jugé au point 321 ci-dessus, les caractéristiques de ce régime se distinguent de celles du régime litigieux.

323    Les situations invoquées par les requérantes à cet égard ne sont donc pas comparables à la situation en l’espèce.

324    Par ailleurs, pour autant que les requérantes se réfèrent tant aux décisions de la Commission intervenues pour des régimes fiscaux présentant, selon elles, des similitudes avec le régime fiscal belge des centres de coordination qu’à plusieurs autres décisions de la Commission relatives à des mesures fiscales, elles n’établissent pas que la Commission aurait accordé le bénéfice de la confiance légitime dans un contexte caractérisé par l’octroi, même après la décision d’ouverture, d’un avantage résultant d’une aide nouvelle qui n’avait pas été notifiée à la Commission.

325    Il n’est pas non plus établi, ni même allégué, que les bénéficiaires des avantages en cause dans les décisions dont se prévalent les requérantes pouvaient adapter leur comportement de façon immédiate (voir point 320 ci-dessus).

326    En l’absence d’établissement et, a fortiori, d’invocation de circonstances qui pourraient éventuellement permettre de justifier l’octroi d’un régime transitoire dont les effets se poursuivraient au-delà de la date de publication de la décision d’ouverture, l’argument des requérantes fondé sur la pratique décisionnelle de la Commission en matière de protection de la confiance légitime doit être écarté.

327    En ce qui concerne la décision de la Commission du 31 octobre 2000 relative aux lois espagnoles sur l’impôt sur les sociétés (JO 2001, L 60, p. 57), seule décision issue de la pratique décisionnelle de la Commission invoquée par les requérantes pour laquelle celles-ci apportent suffisamment d’éléments aux fins de permettre au Tribunal d’examiner de façon détaillée si le contexte de cette affaire était comparable à celui de l’espèce, il s’agit, comme le souligne à juste titre la Commission, d’une décision adoptée en application du traité CECA pour lequel les conditions de contrôle des aides n’étaient pas comparables à celles prévues par le traité CE puis par le traité FUE. En particulier, il n’existait pas dans le traité CECA de dispositions similaires à celle de l’article 108, paragraphe 3, TFUE sur lequel se fonde la jurisprudence citée au point 295 ci-dessus.

328    Au surplus, cette décision est antérieure à l’arrêt du 9 octobre 2001, Italie/Commission (C‑400/99, EU:C:2001:528), cité au point 297 ci-dessus, selon lequel il existe, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, à tout le moins, un doute important sur la conformité de la mesure en cause aux règles de l’Union en matière d’aides d’État.

329    Une telle décision ne peut donc conduire à conclure à l’existence d’une confiance légitime dont les requérantes seraient fondées à se prévaloir.

330    Il résulte de ce qui précède que, à supposer même que l’argument tiré de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission s’agissant des modalités de récupération d’une aide et de leur caractère attentatoire ou non au principe de protection de la confiance légitime soit opérant aux fins de se prévaloir de ce principe, un tel argument est, en tout état de cause, non fondé.

331    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier grief invoqué par les requérantes doit être écarté.

b)      Sur le second grief, invoqué à titre subsidiaire

332    À titre liminaire, il convient de relever que la Commission, en plus de ne pas ordonner la récupération de l’aide en cause, notamment, pour des bénéficiaires de la mesure litigieuse ayant acquis des participations dans une société étrangère jusqu’au 21 décembre 2007, date de publication de la décision d’ouverture (voir point 280 ci-dessus), n’a pas non plus ordonné la récupération de cette aide pour les bénéficiaires de la mesure litigieuse ayant acquis, au plus tard le 25 mai 2011, date de publication de la décision attaquée, des participations majoritaires dans des sociétés étrangères établies en Chine, en Inde ou dans d’autres pays où l’existence d’obstacles juridiques explicites aux regroupements transfrontaliers d’entreprises avait été démontrée ou pouvait l’être.

333    La Commission a justifié la mise en œuvre d’un tel régime transitoire en indiquant qu’elle avait pu, au considérant 117 de la décision du 28 octobre 2009, faire naître des espérances fondées quant à l’absence d’aide d’État s’agissant des « opérations réalisées par des entreprises espagnoles dans les pays tiers où il existe des “barrières juridiques” explicites aux regroupements transfrontaliers d’entreprises et où l’entreprise espagnole en cause avait acquis une “majorité de l’actionnariat” » (considérant 197 de la décision attaquée).

334    Les requérantes contestent les conditions posées par la Commission pour que, dans certaines hypothèses, soit prise en considération, en tant que date de référence aux fins de déterminer les aides devant faire l’objet d’une mesure de récupération, la date de publication de la décision attaquée. Selon elles, cette date aurait dû être retenue pour toutes les opérations réalisées dans les pays tiers, car elles estiment que la confiance légitime créée, notamment par le considérant 117 de la décision du 28 octobre 2009, ne se limitait pas aux seules hypothèses finalement retenues par la Commission dans la décision attaquée.

335    À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant d’une aide nouvelle, l’adoption d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen emporte des effets suspensifs et met ainsi fin à la confiance légitime qui avait pu naître précédemment à l’égard de ses bénéficiaires (voir points 295 à 298 ci-dessus).

336    Or, dans la mesure où, dans la décision du 28 octobre 2009, la Commission n’a pas conclu, s’agissant des opérations transfrontalières, à une absence d’aide ou à l’existence d’une aide compatible avec le marché intérieur, mais s’est bornée à décider de poursuivre la procédure formelle d’examen, les effets de la décision d’ouverture, qui avaient mis fin à la confiance légitime ayant pu naître antérieurement à sa publication, persistaient.

337    Il convient également de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), l’invocation du principe de protection de la confiance légitime a conduit à l’annulation d’une décision de la Commission ordonnant la récupération d’une aide illégale dans une hypothèse dans laquelle, contrairement à ce qu’il en est en l’espèce, les sommes dont la Commission demandait la récupération avaient été versées antérieurement à l’adoption de toute décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir points 306 et 307 ci-dessus).

338    Par conséquent, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime au titre d’assurances que la Commission aurait pu donner dans la décision du 28 octobre 2009 ou dans d’autres documents postérieurs à celle-ci.

339    De plus, la circonstance, à la supposer établie, que le régime transitoire contesté présente des incohérences ou ne soit pas respectueux du principe de sécurité juridique n’est pas de nature à établir que la Commission aurait fait naître – avant l’adoption de la décision attaquée – des espérances fondées à l’égard des requérantes, dès lors que ce régime n’a été instauré par la Commission qu’au stade de l’adoption de cette décision. L’argument en cause, qui n’est invoqué qu’au soutien du moyen tiré de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime, doit donc être écarté.

340    En tout état de cause, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives (voir point 263 ci-dessus).

341    Or, aucun élément du dossier invoqué par les requérantes ne permet d’établir que les trois conditions cumulatives mentionnées au point 340 ci-dessus soient remplies.

342    Ainsi, premièrement, dans la décision du 28 octobre 2009 et, en particulier, au considérant 117 de celle-ci, la Commission a certes maintenu ouverte la possibilité qu’il puisse être justifié d’appliquer un traitement fiscal différencié aux opérations transfrontalières réalisées en dehors de l’Union. Elle a, notamment, indiqué qu’elle ne pouvait « a priori rejeter complètement cette différenciation » pour ces opérations et elle a décidé de poursuivre la procédure formelle d’examen s’agissant de celles-ci. En procédant ainsi, la Commission n’a cependant pas fourni d’assurances suffisamment précises et inconditionnelles pour faire naître à nouveau une confiance légitime dans un contexte où, s’agissant d’une aide illégale, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen avait été adoptée avant même que n’intervienne le comportement entraînant l’octroi de l’avantage pour lequel la récupération était demandée (voir points 299, 307 et 320 ci-dessus).

343    Deuxièmement, les requérantes se prévalent d’une lettre, en date du 16 octobre 2009, du membre de la Commission chargé de la concurrence dont elles demandent que le Tribunal ordonne la production.

344    À cet égard, il convient de relever qu’il s’agit d’un courrier adressé au ministre de l’Économie et des Finances espagnol et non aux requérantes. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un tel courrier aurait été destiné à être publié ou rendu public. Enfin, le simple fait que les requérantes demandent au Tribunal d’obtenir la communication de cette lettre auprès de la Commission démontre qu’elles n’avaient pas connaissance de son contenu.

345    Dans un tel contexte, les requérantes ne font état d’aucune circonstance permettant de conclure, conformément à ce que prévoit les première et deuxième conditions cumulatives mentionnées au point 263 ci-dessus, que, par la lettre du 16 octobre 2009, la Commission leur aurait fourni des assurances précises et concordantes de nature à faire naître, dans leur esprit, une attente légitime.

346    Il convient, à cet égard, d’ajouter qu’il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées par les requérantes en ce qu’elles visent à obtenir la communication de la lettre du 16 octobre 2009, dès lors que cette lettre a été communiquée au Tribunal par le Royaume d’Espagne.

347    Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’écarter le second grief, ainsi que le troisième moyen dans son ensemble.

348    S’agissant du défaut de motivation de la décision attaquée, à supposer même qu’un tel défaut soit invoqué par les requérantes, il convient de constater que la Commission a, ainsi qu’il résulte de l’analyse au fond que le Tribunal a été en mesure d’opérer dans les développements qui précèdent, expliqué et justifié de manière suffisamment précise et cohérente dans la décision attaquée les modalités de récupération de l’aide pour permettre aux requérantes de contester la validité de cette décision et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur sa légalité (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke/Commission, T‑471/93, EU:T:1995:167, point 29). Il peut à cet égard être renvoyé, en particulier, aux points 281, 289 et 333 ci-dessus, dans lesquels il est fait référence de manière explicite à certains passages de la décision attaquée.

349    Ainsi, à supposer même que le troisième moyen vise également à contester la légalité formelle de la décision attaquée, il conviendrait de l’écarter comme étant, en tout état de cause, non fondé.

350    Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des moyens présentés au soutien du présent recours doit être écarté.

351    Il convient donc de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

352    Conformément à l’article 219 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Dans la mesure où, dans l’arrêt World Duty Free, la Cour a réservé les dépens des requérantes et de la Commission, il appartient au Tribunal de statuer également, dans le présent arrêt, sur leurs dépens afférents à la procédure dans l’affaire C‑21/15 P (voir point 18 ci-dessus).

353    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, elles supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

354    S’agissant des parties intervenantes, dans la mesure où, dans l’arrêt World Duty Free, la Cour a statué sur leurs dépens, il n’y a donc lieu de statuer que sur leurs dépens afférents à la présente procédure.

355    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, selon lequel les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, il convient de décider que la République fédérale d’Allemagne, l’Irlande et le Royaume d’Espagne supporteront chacun leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Banco Santander, SA et Santusa Holding, SL supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.


3)      La République fédérale d’Allemagne, l’Irlande et le Royaume d’Espagne supporteront chacun leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

 

      Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré de l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

a) Sur l’absence de sélectivité prima facie

b) Sur l’existence d’une dérogation

1) Sur la première étape

2) Sur la deuxième étape

c) Sur le caractère justifié de la mesure litigieuse au regard de la nature et de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit (troisième étape)

B. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’identification du bénéficiaire de la mesure litigieuse

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

C. Sur le troisième moyen, tiré d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

a) Sur le premier grief, invoqué à titre principal

b) Sur le second grief, invoqué à titre subsidiaire

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.