Language of document : ECLI:EU:T:2015:502

Affaire T‑337/13

CSF Srl

contre

Commission européenne

« Rapprochement des législations – Directive 2006/42/CE – Machines munies du marquage ‘CE’ – Exigences essentielles de sécurité – Risques pour la sécurité des personnes – Clause de sauvegarde – Décision de la Commission déclarant justifiée une mesure nationale d’interdiction de mise sur le marché – Conditions encadrant la mise en œuvre de la clause de sauvegarde – Erreur manifeste d’appréciation – Égalité de traitement »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 15 juillet 2015

1.      Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Affectation directe – Critères – Décision de la Commission concluant au caractère justifié de mesures nationales interdisant la mise sur le marché d’une machine non conforme aux exigences de la directive 2006/42 – Affectation directe du fabricant – Absence de marge d’appréciation des autres États membres pouvant affecter la situation du fabricant

(Art. 263, al. 4, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 7 et 11, § 3 ; décision de la Commission 2013/173)

2.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Approbation par la Commission – Possibilité pour l’État membre concerné d’étendre les mesures nationales adoptées à d’autres machines présentant le même risque – Exclusion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 6, § 1, 7 et 11)

3.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Examen par la Commission du caractère justifié – Contrôle juridictionnel – Portée

(Art. 263 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 11)

4.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Obligation de justifier l’existence du risque visé – Portée

[Directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 5, § 1, a), et 11 et annexe I, point 1.1.2, a)]

5.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Respect des exigences de santé et de sécurité énumérées dans l’annexe I – Exigence tenant à l’existence d’une structure de protection appropriée contre la chute d’objets ou de matériaux – Interprétation à la lumière de l’objectif prioritaire d’éliminer ou de réduire les risques – Conséquences pour les machines servant à différents usages

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 11 et annexe I, points 1.1.2, 1.7.4.1, 1.7.4.2 et 3.4.4)

6.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Présomption de conformité des machines munies du marquage CE – Incidence sur la faculté des États membres de recourir à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Absence

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 7, § 1, et 11)

7.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Vérification par la Commission – Pouvoir d’appréciation – Contrôle juridictionnel – Limites

(Art. 36 TFUE et 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 11)

8.      Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Obligation de justifier l’existence du risque visé – Réalisation d’une évaluation du risque – Critères d’appréciation

[Directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 11 et annexe I, point 1.1.1, i)]

9.      Droit de l’Union européenne – Principes – Égalité de traitement – Notion

10.    Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Approbation par la Commission – Obligation d’apprécier la conformité des mesures nationales au principe d’égalité de traitement – Absence

(Art. 36 TFUE et 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, 25e considérant, et art. 11 et 20)

11.    Rapprochement des législations – Machines – Directive 2006/42 – Mise sur le marché – Recours d’un État membre à la clause de sauvegarde en cas de risque pour la santé ou la sécurité – Défaut d’adoption de mesures similaires à l’égard d’autres machines présentant les mêmes risques – Absence de justification objective – Inadmissibilité – Violation du principe d’égalité de traitement

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2006/42, art. 11)

12.    Responsabilité non contractuelle – Conditions – Illégalité – Préjudice – Lien de causalité – Conditions cumulatives – Absence de l’une des conditions – Rejet du recours dans son ensemble

(Art. 340, al. 2, TFUE)

1.      Une personne physique ou morale est directement concernée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE par un acte, dès lors que celui‑ci produit directement des effets sur sa situation juridique et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires, sa mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires.

S’agissant d’un recours dirigé contre une décision de la Commission concluant au caractère justifié de mesures adoptées par des autorités nationales, fondée sur l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2006/42, relative aux machines, à propos des conditions dans lesquelles une machine est mise sur le marché national, et destinée aux États membres, cette décision produit directement, sur la situation juridique du fabricant de ladite machine, des effets autres que ceux découlant desdites mesures nationales. En effet, en premier lieu, une telle décision implique que chacun des États membres autres que celui ayant adopté des mesures en question prenne des mesures utiles relatives à la mise ou au maintien de la machine concernée sur son marché et garantisse, ce faisant, l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42, à la lumière des mesures adoptées par l’État membre concerné et déclarées justifiées par la Commission. Dans cette mesure, ladite décision a pour conséquence directe de déclencher les procédures nationales mettant en cause le droit dont le fabricant jouissait jusqu’alors, dans l’ensemble de l’Union, de commercialiser une machine qui bénéficiait elle‑même de la présomption de conformité prévue par l’article 7 de ladite directive, dès lors qu’elle était munie du marquage CE et accompagnée de la déclaration CE de conformité.

En second lieu, une décision fondée sur l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2006/42 ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires quant au résultat à atteindre, sa mise en œuvre ayant, à cet égard, un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires. Certes, il est vraisemblable que, pour pouvoir déterminer si le fabricant a mis ou entend mettre des exemplaires de sa machine en circulation sur leur territoire et si certains de ces exemplaires présentent le même risque que celui visé par les mesures nationales adoptées par l’État membre concerné, les autorités nationales compétentes doivent au préalable procéder à des mesures de contrôle. Néanmoins, s’il s’avère que tel est le cas, ces autorités seront tenues de considérer que cette situation risque de compromettre la sécurité des personnes et de prendre toutes les mesures utiles pour parer à ce risque, en assurant dans ce cadre l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42, au regard de la décision de la Commission et des mesures nationales que celle‑ci déclare justifiées, et donc en ordonnant l’interdiction, le retrait ou la modification de la machine en cause ou en adoptant toute mesure équivalente. Dès lors, c’est la décision de la Commission concluant au caractère justifié des mesures nationales concernées qui détermine le résultat à atteindre par les autres autorités nationales, qui ne jouissent d’aucune marge d’appréciation.

(cf. points 17, 23, 28, 30, 31)

2.      Si les États membres doivent assurer l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42, relative aux machines, en tirant les conséquences d’une mesure nationale prise à l’égard d’une machine donnée et déclarée justifiée par la Commission, sans disposer d’une marge d’appréciation quant au résultat à atteindre, ils ne peuvent à l’évidence pas étendre de leur propre chef, et en dehors du cadre procédural et matériel prévu par l’article 11, paragraphe 1, de cette directive, le champ d’application de cette mesure à d’autres machines, au motif que ces dernières présenteraient le même risque, sauf à méconnaître le principe de libre circulation énoncé par l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive et la présomption de conformité prévue par son article 7. C’est la raison pour laquelle le législateur de l’Union a conditionné cette extension à la mise en œuvre d’une procédure spécifique impliquant notamment l’adoption, d’une part, d’une décision expresse de la Commission à cet effet et, d’autre part, de mesures nationales de mise en œuvre de cette décision. En revanche, de tels actes ne sont ni prévus ni nécessaires, aux fins de l’article 11 de la directive 2006/42, compte tenu de la portée de celui‑ci.

(cf. point 34)

3.      Si c’est effectivement aux États membres qu’il incombe de mettre en œuvre correctement la directive 2006/42, relative aux machines, et de veiller à ce que les machines mises sur le marché ou mises en service sur leur territoire satisfassent à ses dispositions, le cas échéant en prenant des mesures telles que celles envisagées par son article 11, il n’en appartient pas moins à la Commission de contrôler le caractère justifié de ces mesures, en s’assurant en particulier du bien‑fondé des raisons juridiques et factuelles ayant motivé leur adoption. Le résultat de ce contrôle conditionne le maintien définitif de la mesure nationale en cause, en ce sens que l’État membre ne peut la maintenir que si la Commission la déclare justifiée et doit y mettre fin dans le cas contraire.

Il s’ensuit que toute personne recevable à demander l’annulation d’une décision concluant au caractère justifié de telles mesures est en droit de faire valoir, à l’appui de ses conclusions, que ladite décision se fonde sur une interprétation erronée des dispositions de la directive 2006/42, quand bien même cette interprétation, dont l’ensemble des États membres devront tenir dûment compte, aurait‑elle d’abord été effectuée par les autorités nationales compétentes, puis reprise à son compte par la Commission. En effet, en pareil cas, l’erreur de droit susceptible de vicier la décision par laquelle la Commission a conclu au caractère justifié des mesures nationales en cause doit pouvoir être contestée devant le juge de l’Union, sauf à priver de portée l’article 263 TFUE et le principe de protection juridictionnelle effective.

Par ailleurs, le contrôle juridictionnel du bien‑fondé des raisons juridiques ayant conduit la Commission à conclure au caractère justifié des mesures nationales en cause ne peut être, s’agissant d’une question de droit, qu’un contrôle entier.

(cf. points 46‑48)

4.      C’est par rapport à une machine ou à un équipement interchangeable concrets, ayant une ou plusieurs fonctions déterminées, qu’un État membre a le pouvoir de recourir à la clause de sauvegarde prévue par l’article 11 de la directive 2006/42, relative aux machines, et qu’il a, dans ce cadre, l’obligation d’évaluer le risque pour la santé ou la sécurité des personnes qui conditionne la mise en œuvre d’une telle clause. Cette évaluation et la mesure nationale qui en découle doivent donc être justifiées par rapport à ladite machine, telle qu’elle a été commercialisée, et le cas échéant à l’équipement interchangeable dont elle a été dotée lors de sa mise sur le marché ou de sa mise en service. À défaut, un État membre aurait la possibilité de porter au principe de libre circulation une atteinte qui ne serait pas justifiée par l’existence d’un risque réel pour la santé ou la sécurité des personnes.

À cet égard, selon les termes mêmes du point 1.1.2, sous a), de l’annexe I de la directive 2006/42, il convient de considérer que « tout risque » lié à l’installation, à l’entretien ou au fonctionnement de la machine en cause, que ce soit dans des conditions d’usage normal ou de mauvais usage raisonnablement prévisible, peut justifier le recours à la clause de sauvegarde prévue par l’article 11 de ladite directive. Toutefois, cet article exige que le risque motivant sa mise en œuvre soit constaté, et donc que l’État membre qui s’en prévaut établisse à suffisance de droit la réalité d’un tel risque. À défaut d’une telle démonstration, l’atteinte au principe de libre circulation engendrée par la mesure nationale adoptée au titre de la clause de sauvegarde prévue par cette disposition ne pourrait pas être considérée comme justifiée au sens de celle‑ci.

En outre, force est de constater que l’existence d’un risque pour la santé ou la sécurité des personnes au sens de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/42 peut être évaluée, entre autres critères, à la lumière des exigences essentielles de santé et de sécurité imposées aux fabricants de machines par l’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’annexe I de ladite directive. En effet, le respect de ces exigences, instaurées dans le but de garantir que la conception et la construction des machines prennent en compte les risques associés à celles‑ci, conditionne la mise sur le marché de ces machines. Pour sa part, leur non‑respect peut être invoqué à l’appui d’une mesure de retrait ou d’interdiction.

(cf. points 54, 57, 58)

5.      La portée de l’exigence spécifique de santé et de sécurité figurant au point 3.4.4 de l’annexe I de la directive 2006/42, relative aux machines, et concernant les chutes d’objets doit être interprétée à la lumière des exigences générales énoncées par ladite directive, et en particulier du point 1 des principes généraux figurant en tête de son annexe I ainsi que du principe d’intégration de la sécurité énoncé par le point 1.1.2 de ladite annexe. Or, il résulte clairement de ces derniers, tout d’abord, que la conception et la construction des machines destinées à être mises sur le marché dans l’Union doivent garantir que celles‑ci puissent fonctionner sans exposer quiconque à un risque dans les conditions prévues par le fabricant, mais en tenant également compte de tout mauvais usage prévisible, et, plus largement, éviter qu’elles soient utilisées de façon anormale, si un tel mode d’utilisation engendre un risque. Ensuite, les mesures prises à cet effet doivent avoir pour objectif de supprimer tout risque. Enfin, pour s’acquitter d’une telle obligation, le fabricant, tout en ayant la possibilité de choisir les solutions les plus adéquates, n’en a pas moins l’obligation de respecter un ordre de priorité consistant, à titre principal, à éliminer ou à réduire les risques dans toute la mesure du possible.

Compte tenu du caractère prioritaire de l’objectif consistant à éliminer ou à réduire dans toute la mesure du possible, dès la conception et la construction des machines, les risques associés à leur usage normal ou à leur mauvais usage raisonnablement prévisible, ainsi qu’à éviter leur utilisation anormale et à prendre toutes les mesures de protection nécessaires à l’égard des risques ne pouvant être éliminés, il convient de considérer que, lorsqu’une machine est destinée à servir à une multitude d’usages différents, en fonction des différents équipements interchangeables qui peuvent lui être associés, elle doit être munie, avant toute mise sur le marché ou toute mise en service, d’une structure de protection appropriée lorsqu’il est constaté que, même si l’usage normal auquel le destine son acheteur dans un cas donné n’emporte lui‑même pas de risque de chute d’objets ou de matériaux, un des autres usages raisonnablement prévisibles auxquels elle peut donner lieu implique un tel risque. Une telle mesure relève en effet de celles tendant à éliminer ou à réduire les risques dans toute la mesure du possible par le biais de l’intégration de la sécurité à la conception et à la construction des machines.

Par ailleurs, le respect de l’exigence prévue aux points 1.7.4.1 et 1.7.4.2 de l’annexe I de la directive 2006/42 d’accompagner des machines d’une notice d’instructions décrivant leur usage normal ne remet pas en cause l’obligation prioritaire faite aux fabricants de machines d’intégrer la sécurité à leur conception et à leur construction, en éliminant ou en réduisant dans toute la mesure du possible les risques associés à leur usage normal ou à leur mauvais usage raisonnablement prévisible, comme cela ressort du point 1.7.4.2, sous l), de l’annexe I de ladite directive. En d’autres termes, la directive n’impose pas seulement aux fabricants de mettre en garde leurs clients contre les risques liés au mauvais usage raisonnablement prévisibles des machines qu’ils leurs vendent. Elle les oblige également à éliminer ou à réduire de tels risques dans toute la mesure du possible dès le stade de la conception et de la construction de ces machines.

(cf. points 64, 65, 69, 70)

6.      Il ressort clairement de l’économie de la directive 2006/42, relative aux machines, que la présomption de conformité dont bénéficie une machine en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive ne remet pas en cause la possibilité reconnue aux États membres de recourir à la clause de sauvegarde prévue par son article 11 lorsque les conditions énoncées par ce dernier sont remplies.

(cf. point 72)

7.      La directive 2006/42, relative aux machines, met en place un système de surveillance et de régulation du marché intérieur, dans lequel c’est, au premier chef, aux autorités nationales compétentes qu’il revient d’évaluer si une machine risque de compromettre la santé ou la sécurité des personnes et, dans l’affirmative, de prendre les mesures de retrait ou d’interdiction qui s’imposent. La clause de sauvegarde prévue à cet effet par l’article 11 de la directive 2006/42 doit elle‑même être appréhendée au regard de l’article 114, paragraphe 10, TFUE, qui permet aux États membres de prendre de telles mesures pour une ou plusieurs des raisons non économiques visées à l’article 36 TFUE, parmi lesquelles figure la protection de la santé et de la vie des personnes. Un tel exercice peut impliquer, de la part des autorités nationales compétentes, des appréciations complexes d’ordre technique ou scientifique.

Pour sa part, la Commission est appelée, dans le cadre de ce dispositif, à vérifier le caractère justifié ou non, en droit et en fait, des mesures adoptées par les États membres. Or, afin de pouvoir poursuivre efficacement l’objectif qui lui est assigné, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission. L’existence d’un tel pouvoir est également reconnue à la Commission lorsque celle‑ci est appelée à contrôler des mesures prises par un État membre dans le cadre du dispositif prévu par les paragraphes 4 à 6 de l’article 114 TFUE. À cet égard, lorsqu’il est appelé à contrôler l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation, le juge de l’Union doit vérifier, en fonction des moyens soulevés devant lui, le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il doit vérifier, au vu des éléments invoqués par les parties, l’exactitude matérielle des éléments de preuve appuyant l’acte attaqué, leur fiabilité et leur cohérence et contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

(cf. points 79‑82)

8.      S’agissant de l’évaluation du risque à laquelle doit procéder l’État membre concerné avant de recourir aux mesures prévues par l’article 11 de la directive 2006/42, relative aux machines, sous le contrôle de la Commission, elle doit être effectuée en se plaçant du point de vue d’un utilisateur moyen et raisonnablement attentif et avisé. En effet, le pouvoir que cet article confère aux autorités nationales constitue une dérogation au principe de libre circulation énoncé par la directive et ne se justifie qu’en présence d’un risque lié à l’usage normal ou au mauvais usage raisonnablement prévisible de la machine en cause, lui‑même défini par le point 1.1.1, sous i), de l’annexe I de cette directive comme un usage susceptible de résulter d’un comportement humain aisément prévisible. Dans ce contexte, le fait que les autorités nationales évaluent la réalité d’un tel risque en se plaçant du point de vue concret d’un utilisateur moyen et raisonnablement diligent, et non de manière abstraite, contribue à garantir qu’elles ne portent pas une atteinte non justifiée, au sens de l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive, à la libre circulation des machines.

Toutefois, dès lors que la réalité d’un tel risque est établie à suffisance de droit, par référence à un utilisateur moyen et raisonnablement diligent, le fait que ce dernier ait été informé par avance de l’existence de ce risque est en lui‑même indifférent, compte tenu, d’une part, de la hiérarchie établie par la directive 2006/42 entre les obligations de prévention et d’information qu’elle impose aux fabricants de machines et, d’autre part, des conséquences attachées au non‑respect de ces obligations.

(cf. points 83, 84)

9.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 94)

10.    L’article 11 de la directive 2006/42, relative aux machines, n’impose pas à la Commission, dans le cadre spécifique de l’examen du caractère justifié ou non des mesures que lui communiquent les États membres, de déterminer si celles‑ci sont, par ailleurs, conformes ou non au principe d’égalité de traitement. Dès lors qu’une telle mesure est justifiée au sens de ladite disposition, la décision par laquelle la Commission reconnaît son caractère justifié ne peut donc être remise en cause au motif que des machines comparables à celle visée par cette mesure sont présentes sur le marché national en cause, mais n’ont pas fait l’objet de mesures similaires en violation du principe d’égalité de traitement.

En effet, en premier lieu, lorsqu’un domaine a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive au niveau de l’Union, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de l’acte opérant cette harmonisation et non de celles du droit primaire. Ceci vaut notamment dans le cas où la mesure en cause constitue non pas un acte de nature législative ou réglementaire, mais une mesure à caractère individuel. Ainsi, la directive 2006/42 ayant procédé à une harmonisation exhaustive, au niveau de l’Union, des règles relatives non seulement aux exigences essentielles de sécurité applicables aux machines et à l’attestation de la conformité de ces machines auxdites exigences, mais également aux comportements que les États membres peuvent adopter à l’égard des machines présumées conformes à ces exigences, c’est donc au regard de ses dispositions qu’il convient de déterminer si la Commission a manqué à ses obligations en ne vérifiant pas si les mesures nationales adoptées par les autorités compétentes l’avaient été dans le respect du principe d’égalité de traitement ou s’il n’entrait pas dans les compétences de la Commission d’opérer un tel contrôle.

En deuxième lieu, l’article 11 de la directive 2006/42 n’a pas pour objet de confier à la Commission le soin de contrôler, sous tous les aspects, la légalité des mesures prises par les autorités nationales lorsqu’elles constatent que des machines risquent de compromettre la santé ou la sécurité des personnes. En effet, c’est aux juridictions nationales qu’incombe un tel contrôle, comme cela résulte du considérant 25 et de l’article 20 de ladite directive. En troisième lieu, bien que le paragraphe 3 de l’article 11 de la directive 2006/42 se borne à prévoir que la Commission examine si les mesures prises par les États membres sont justifiées ou non, l’économie générale dudit article implique d’appréhender cette obligation au regard de celles que les paragraphes 1 et 2 dudit article imposent, au préalable, aux autorités nationales.

Par ailleurs, l’article 114, paragraphe 10, TFUE, qui autorise le législateur de l’Union à prévoir des clauses de sauvegarde telles que celle instituée par l’article 11 de la directive 2006/42 et qui renvoie aux raisons visées par la première phrase de l’article 36 TFUE, ne se réfère pas à la seconde phrase de ce dernier, qui dispose que les interdictions ou restrictions pouvant être justifiées par de telles raisons ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. Il diffère par conséquent des paragraphes 4 à 6 du même article, relatifs aux dispositions qu’un État membre peut introduire ou maintenir après l’adoption d’une mesure d’harmonisation au titre du paragraphe 1.

(cf. points 98‑105)

11.    Tout acte de l’Union doit être interprété en conformité avec l’ensemble du droit primaire, en ce compris le principe d’égalité de traitement. De même, il y a lieu, pour interpréter un acte de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de ses dispositions, mais également de leur économie générale, de leur contexte et de la finalité de la réglementation dont elles font partie.

S’agissant de la directive 2006/42, relative aux machines, il serait contraire non seulement au principe d’égalité de traitement, mais aussi à la finalité de ladite directive, qui vise notamment à harmoniser les conditions dans lesquelles les machines sont mises sur le marché intérieur et y circulent librement, tout en protégeant la santé et la sécurité des personnes à l’égard des risques découlant de leur utilisation, ainsi qu’à l’économie générale du dispositif instauré pour garantir l’application correcte et uniforme de cette directive par les autorités nationales, sous le contrôle de la Commission, qu’un État membre puisse recourir à la clause de sauvegarde prévue par l’article 11 de ladite directive à l’égard d’une machine risquant de compromettre la santé ou la sécurité des personnes tout en s’abstenant de soumettre les machines comparables à un traitement égal, en l’absence de justification objective.

(cf. points 108, 109)

12.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 116)