Language of document : ECLI:EU:T:2021:79

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

10 février 2021 (*)

« Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) de la décision no 14/2018, en matière de pensions ‐ Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Compétence de l’auteur de l’acte – Obligation de motivation – Droits acquis – Sécurité juridique – Confiance légitime – Droit de propriété – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑519/19,

Mario Forte, demeurant à Naples (Italie), représenté par Mes C. Forte et G. Forte, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes S. Seyr et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la note du 11 juin 2019 établie par le Parlement et concernant l’adaptation du montant de la pension dont le requérant bénéficie à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents, C. Mac Eochaidh (rapporteur), Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, le requérant, M. Mario Forte, ancien membre du Parlement européen, élu en Italie, sollicite du Tribunal qu’il annule la décision du Parlement adaptant le calcul de sa pension de retraite au calcul du niveau des pensions que perçoivent les membres de la Camera dei deputati (Chambre des députés, Italie) et réduisant le montant de ladite pension.

I.      Cadre juridique

A.      Le droit de l’Union européenne

2        La réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») dans sa version en vigueur jusqu’au 14 juillet 2009 prévoyait à son annexe III (ci-après l’« annexe III »), notamment :

« Article premier

1. Tous les membres du Parlement européen ont le droit de bénéficier d’une pension de retraite.

2. En attendant l’instauration d’un régime communautaire de pension définitif pour tous les membres du Parlement européen, et au cas où le régime national ne prévoit pas de pension, ou au cas où le niveau et/ou les modalités de la pension prévue ne sont pas identiques à ceux applicables pour les membres du parlement national de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu, une pension de retraite provisoire est payée, sur demande du membre concerné, sur le budget de l’Union européenne, section Parlement.

Article 2

1. Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu.

2. Tout membre bénéficiant des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, est tenu, en adhérant à ce régime, de verser au budget de l’Union européenne une cotisation qui est calculée d’une manière telle qu’il paie au total la même contribution que paie un membre de la Chambre basse de l’État membre où il a été élu, en vertu des dispositions nationales.

Article 3

1. La demande d’adhésion au présent régime de pension provisoire doit être introduite dans un délai de douze mois à compter du début du mandat de l’intéressé.

Passé ce délai, la date d’effet de l’adhésion au régime de pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

2. La demande de liquidation de la pension doit être introduite dans un délai de six mois suivant la naissance du droit.

Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

[…] »

3        Le statut des députés au Parlement européen a été adopté par la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), et est entré en vigueur le 14 juillet 2009, premier jour de la septième législature.

4        L’article 25 du statut des députés dispose :

« 1. Les députés qui faisaient déjà partie du Parlement avant l’entrée en vigueur du statut et ont été réélus peuvent opter, s’agissant de l’indemnité, de l’indemnité transitoire et des diverses pensions, pour toute la durée de leur activité, en faveur du régime national actuel.

2. Ces versements sont à la charge du budget de l’État membre.

[…] »

5        L’article 28 du statut des députés prévoit :

« 1. Tout droit à pension qu’un député a acquis en vertu des régimes nationaux au jour de l’application du présent statut est entièrement maintenu.

[…] »

6        Par décision des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application »).

7        L’article 49 des mesures d’application, relatif aux droits de pension d’ancienneté, prévoit :

« 1. Les députés qui ont exercé leur mandat pendant au moins une année complète ont droit, après la cessation du mandat, à une pension d’ancienneté à vie payable à partir du premier jour du mois suivant celui où ils atteignent l’âge de 63 ans.

L’ancien député ou son représentant légal introduit, sauf en cas de force majeure, la demande de paiement de la pension d’ancienneté dans un délai de six mois suivant la naissance du droit. Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension d’ancienneté est fixée au premier jour du mois de réception de la demande.

[…] »

8        En vertu de leur article 73, les mesures d’application sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009.

9        L’article 74 des mesures d’application précise que, sous réserve des dispositions transitoires prévues à leur titre IV, et notamment de l’article 75 de ces mêmes mesures d’application (ci-après l’« article 75 »), la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

10      L’article 75, relatif notamment aux pensions de retraite, dispose :

« 1. La pension de survie, la pension d’invalidité, la pension d’invalidité supplémentaire accordée pour les enfants à charge et la pension de retraite attribuées en vertu des annexes I, II et III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de ces annexes aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut.

Au cas où un ancien député bénéficiant de la pension d’invalidité décède après le 14 juillet 2009, la pension de survie est versée à son conjoint, son partenaire stable non matrimonial ou son enfant à charge, dans les conditions fixées à l’annexe I de la réglementation FID.

2. Les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe III précitée restent acquis. Les personnes qui ont acquis des droits dans ce régime de pension bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III précitée, dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée. »

11      Enfin, l’article 75 doit être lu en combinaison avec le considérant 7 de ces mêmes mesures d’application, lequel expose :

« Il importe par ailleurs d’assurer, dans les dispositions transitoires, que les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID puissent continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime. Il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur du statut. En outre, il est nécessaire de tenir compte du régime spécifique applicable aux députés qui relèveront, pendant une période transitoire et pour ce qui concerne les conditions financières d’exercice du mandat, des systèmes nationaux de leur État membre d’élection, en vertu de l’article 25 ou de l’article 29 du statut. »

B.      Le droit italien

12      Le 12 juillet 2018, l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) a adopté la décision no 14/2018, ayant pour objet une nouvelle fixation du montant des allocations viagères et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, ainsi que des prestations de réversion, relatives aux années de mandat effectuées jusqu’au 31 décembre 2011 (ci-après la « décision no 14/2018 »).

13      L’article 1er de la décision no 14/2018 prévoit :

« 1. À compter du 1er janvier 2019, les montants des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011, sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision.

2. Le nouveau calcul visé au paragraphe précédent est effectué en multipliant le montant de la contribution individuelle par le coefficient de transformation relatif à l’âge du député à la date à laquelle le député a acquis le droit à l’allocation viagère ou à la prestation de prévoyance pro rata.

3. Les coefficients de transformation figurant dans le tableau 1, annexé à la présente décision, sont appliqués.

4. Le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculées conformément à la présente décision, ne peut en aucun cas dépasser le montant de l’allocation viagère, directe ou de réversion, ou de la part d’allocation viagère de la prestation de prévoyance pro rata, directe ou de réversion, prévu pour chaque député par le Règlement en vigueur à la date du début du mandat parlementaire.

5. Le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculés conformément à la présente décision, ne peut en aucun cas être inférieur au montant calculé en multipliant le montant des contributions individuelles versées par un député ayant exercé le mandat parlementaire durant la seule XVIIe législature, réévalué conformément à l’article 2 ci-dessous, par le coefficient de transformation correspondant à l’âge de 65 ans en vigueur au 31 décembre 2018.

6. Dans le cas où, à la suite du nouveau calcul opéré au sens de la présente décision, le nouveau montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, est réduit de plus de 50 %, par rapport au montant de l’allocation viagère, directe ou de réversion, ou de la part d’allocation viagère de la prestation de prévoyance pro rata, directe ou de réversion, prévus pour chaque député par le Règlement en vigueur à la date de début du mandat parlementaire, le montant minimum déterminé en vertu du paragraphe 5 est augmenté de moitié.

7. L’Office de la Présidence, sur proposition du Collège des députés Questeurs, peut augmenter jusqu’à un maximum de 50 % le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculés en vertu de la présente décision, en faveur des personnes qui en font la demande et pour lesquelles les conditions suivantes sont réunies :

a)      elles ne perçoivent pas d’autres revenus annuels d’un montant supérieur au montant annuel de l’aide sociale, à l’exclusion de ceux éventuellement tirés, à quelque titre que ce soit, de l’immeuble destiné à l’habitation principale ;

b)      elles sont atteintes de maladies graves exigeant l’administration de thérapies vitales, étayées par des documents appropriés produits par des établissements de soins publics, ou bien, souffrent de pathologies donnant lieu à des situations d’invalidité à 100 % reconnues par les autorités compétentes.

8. La documentation étayant la réunion des conditions visées au paragraphe 7 doit être produite par le demandeur au moment de la demande et, ultérieurement, au plus tard le 31 décembre de chaque année. »

II.    Antécédents du litige

14      Le requérant est un ancien membre du Parlement européen, élu en Italie. Il bénéficie d’une pension de retraite.

15      En application des règles de la décision no 14/2018, le montant de la pension du requérant a été réduit à partir du 1er janvier 2019.

16      À la suite de l’introduction de recours contre la décision no 14/2018 par des députés nationaux italiens concernés par lesdites réductions, la légalité de cette décision nationale est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

17      Par l’ajout d’un commentaire sur le bulletin de pension du mois de janvier 2019, le Parlement a averti le requérant du fait que le montant de sa pension pourrait être révisé en exécution de la décision no 14/2018 et que ce nouveau calcul pourrait éventuellement donner lieu à un recouvrement des sommes indûment versées.

18      En effet, selon le Parlement, celui-ci aurait été tenu d’appliquer la décision no 14/2018 et, partant, de recalculer le montant de la pension du requérant, eu égard à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel prévoit que « [l]e niveau et les modalités de la pension [de retraite] provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse du Parlement de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu » (ci-après la « règle de pension identique »).

19      Par une note non datée du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale (DG) des finances du Parlement, annexée au bulletin de pension du requérant du mois de février 2019, le Parlement a averti ce dernier que, par son avis no SJ-0836/18 du 11 janvier 2019, son service juridique avait confirmé l’applicabilité automatique de la décision no 14/2018 à sa situation (ci-après l’« avis du service juridique »). Cette note ajoutait que, dès qu’il aurait reçu les informations nécessaires de la part de la Chambre des députés, le Parlement notifierait au requérant la nouvelle fixation du montant de sa pension et procéderait au recouvrement de l’éventuelle différence sur les douze mois suivants. Enfin, cette note informait le requérant que la fixation définitive du montant de sa pension serait arrêtée par un acte formel contre lequel il serait possible d’introduire une réclamation sur le fondement de l’article 72 des mesures d’application ou un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.

20      Le 5 mars 2019, le requérant, par l’intermédiaire de son avocat, a répondu à la note du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement. Par ailleurs, sur le fondement de règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), le requérant a demandé à avoir accès à l’avis du service juridique, à la décision no 14/2018, à la décision no 6/2018 de l’Ufficio di Presidenza del Senato (office de la présidence du Sénat, Italie) ainsi qu’à tout document utile à la détermination des pensions des anciens députés du Parlement.

21      Le 20 mars 2019, l’unité « Transparence » de la DG de la présidence du Parlement a répondu au requérant que l’avis du service juridique avait été publié dans le registre public des documents. Cette unité a également envoyé un lien Internet vers cette publication ainsi qu’un lien Internet vers les documents relatifs aux indemnités des députés.

22      Par note du 11 avril 2019 (ci-après le « projet de décision »), le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement a informé le requérant que, comme il l’avait annoncé dans sa note de février 2019, le montant de sa pension serait adapté, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés en application de la décision no 14/2018. Ce projet de décision précisait également que le montant de la pension du requérant serait adapté dès le mois d’avril 2019 (et avec effet rétroactif au 1er janvier 2019) en application du projet de fixation du nouveau montant de la pension transmis en annexe de ce courrier. Enfin, ce même projet de décision accordait au requérant un délai de 30 jours, à compter de sa réception, pour faire valoir ses observations. À défaut de telles observations, les effets de ce projet de décision seraient considérés comme définitifs et impliqueraient, notamment, la répétition des montants indûment perçus pour les mois de janvier à mars 2019.

23      Par courrier électronique du 14 mai 2019, le requérant a transmis ses observations au service compétent du Parlement.

24      Par courrier du 11 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement a indiqué que les observations transmises par le requérant ne contenaient pas d’éléments de nature à justifier une révision de la position du Parlement, telle qu’exprimée dans le projet de décision. Par conséquent, le montant de la pension et le plan de recouvrement de l’indu qui en découlait, tels que recalculés et communiqués en annexe dudit projet de décision, étaient devenus définitifs à la date de la notification de la décision attaquée.

III. Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2019, le requérant a introduit le présent recours.

26      Le 31 juillet 2019, le Parlement a, au titre de l’article 69, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, sollicité la suspension de la procédure dans l’attente de la décision du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) statuant sur la validité de la décision no 14/2018.

27      Le 4 octobre 2019, le Tribunal a interrogé les parties quant à la possibilité, d’une part, d’identifier un nombre réduit d’affaires pilotes parmi les 84 affaires similaires dont il était à cette époque saisi et, d’autre part, de suspendre en conséquence les autres affaires jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans les affaires identifiées comme affaires pilotes passe en force de chose jugée. Par ailleurs, le Tribunal a prié le Parlement de produire, dans son intégralité, la réglementation FID.

28      Le 9 octobre 2019, le Parlement a déposé le mémoire en défense.

29      Le 28 octobre 2019, les parties ont répondu à la question du Tribunal. Par ailleurs, le Parlement a transmis une version intégrale de la réglementation FID.

30      Par décision du 14 novembre 2019 et à la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal, la présente affaire a été réattribuée à la huitième chambre.

31      Le 28 novembre 2019, le Tribunal a décidé qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire.

32      Le 4 décembre 2019, le Tribunal a demandé au requérant de prendre position sur la demande de suspension déposée par le Parlement. Le requérant a déposé ses observations le 8 janvier 2020.

33      Le 14 janvier 2020, le président de la huitième chambre a décidé de ne pas suspendre la procédure.

34      Le 21 janvier 2020, le Tribunal a demandé au Parlement de produire tous les documents préparatoires à l’adoption de l’article 75 et de l’annexe III. Par ailleurs, le Tribunal a interrogé le Parlement sur sa pratique administrative dans le domaine des salaires et des pensions. Le Parlement a répondu à la question et transmis les documents préparatoires demandés le 11 février 2020.

35      Le 7 mars 2020, le requérant a, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, sollicité la tenue d’une audience.

36      Le 20 avril 2020, le président de la huitième chambre a décidé de faire juger la présente affaire en priorité, conformément à l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure.

37      Le 30 avril 2020, le Tribunal a demandé aux parties de prendre position sur la possibilité de joindre le présent recours aux affaires jointes T‑345/19, Santini/Parlement, T‑346/19, Ceravolo/Parlement, T‑364/19, Moretti/Parlement, T‑365/19, Capraro/Parlement, T‑366/19, Sboarina/Parlement, T‑372/19, Cellai/Parlement, T‑373/19, Gatti/Parlement, T‑374/19, Wuhrer/Parlement, T‑375/19, Pisoni/Parlement et T‑385/19, Mazzone/Parlement, aux affaires jointes T‑389/19, Coppo Gavazzi/Parlement, T‑390/19, Muscardini/Parlement, T‑391/19, Vinci/Parlement, T‑392/19, Mantovani/Parlement, T‑393/19, Catasta/Parlement, T‑394/19, Zecchino/Parlement, T‑397/19, Novati/Parlement, T‑398/19, Paciotti/Parlement, T‑403/19, Fantuzzi/Parlement, T‑404/19, Lavarra/Parlement, T‑406/19, Cocilovo/Parlement, T‑407/19, Speroni/Parlement, T‑409/19, Di Meo/Parlement, T‑410/19, Di Lello Finuoli/Parlement, T‑411/19, Lombardo/Parlement, T‑412/19, Contu/Parlement, T‑413/19, Dupuis/Parlement, T‑414/19, Frittelli/Parlement, T‑415/19, Laroni/Parlement, T‑416/19, Filippi/Parlement, T‑417/19, Viola/Parlement, T‑418/19, Mussa/Parlement, T‑420/19, Nobilia/Parlement, T‑421/19, Segre/Parlement, T‑422/19, De Luca/Parlement, T‑425/19, Ventre/Parlement, T‑426/19, Musoni/Parlement, T‑427/19, Concarella/Parlement, T‑429/19, Iacono/Parlement, T‑430/19, Bonsignore/Parlement, T‑431/19, Azzolini/Parlement, T‑432/19, Gawronski/Parlement, T‑435/19, Caligaris/Parlement, T‑436/19, Aita/Parlement, T‑438/19, Novelli/Parlement, T‑439/19, Mantovani/Parlement, T‑440/19, Mattina/Parlement, T‑441/19, La Russa/Parlement, T‑442/19, Carollo/Parlement, T‑444/19, Locatelli/Parlement, T‑445/19, Chiesa/Parlement, T‑446/19, Castellina/Parlement, T‑448/19, Costanzo/Parlement, T‑450/19, Gallenzi/Parlement, T‑451/19, Gemelli/Parlement, T‑452/19, Napoletano/Parlement, T‑453/19, Panusa/Parlement, T‑454/19, Musotto/Parlement, T‑463/19, Cervetti/Parlement et T‑465/19, Florio/Parlement, ainsi qu’à l’affaire T‑695/19, Falqui/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure.

38      Sur proposition de la huitième chambre, le Tribunal a, le 15 mai 2020, décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation élargie.

39      Le 19 mai 2020, le Tribunal a interrogé les parties sur différents aspects de la présente affaire.

40      Le 2 juin 2020, le requérant et le Parlement ont déposé leurs observations sur la proposition de jonction aux fins de la phase orale de la procédure, telle que mentionnée au point 37 ci-dessus.

41      Le 5 juin 2020, le président de la huitième chambre a décidé de joindre la présente affaire aux affaires jointes T‑345/19, Santini/Parlement, T‑346/19, Ceravolo/Parlement, T‑364/19, Moretti/Parlement, T‑365/19, Capraro/Parlement, T‑366/19, Sboarina/Parlement, T‑372/19, Cellai/Parlement, T‑373/19, Gatti/Parlement, T‑374/19, Wuhrer/Parlement, T‑375/19, Pisoni/Parlement et T‑385/19, Mazzone/Parlement, aux affaires jointes T‑389/19, Coppo Gavazzi/Parlement, T‑390/19, Muscardini/Parlement, T‑391/19, Vinci/Parlement, T‑392/19, Mantovani/Parlement, T‑393/19, Catasta/Parlement, T‑394/19, Zecchino/Parlement, T‑397/19, Novati/Parlement, T‑398/19, Paciotti/Parlement, T‑403/19, Fantuzzi/Parlement, T‑404/19, Lavarra/Parlement, T‑406/19, Cocilovo/Parlement, T‑407/19, Speroni/Parlement, T‑409/19, Di Meo/Parlement, T‑410/19, Di Lello Finuoli/Parlement, T‑411/19, Lombardo/Parlement, T‑412/19, Contu/Parlement, T‑413/19, Dupuis/Parlement, T‑414/19, Frittelli/Parlement, T‑415/19, Laroni/Parlement, T‑416/19, Filippi/Parlement, T‑417/19, Viola/Parlement, T‑418/19, Mussa/Parlement, T‑420/19, Nobilia/Parlement, T‑421/19, Segre/Parlement, T‑422/19, De Luca/Parlement, T‑425/19, Ventre/Parlement, T‑426/19, Musoni/Parlement, T‑427/19, Concarella/Parlement, T‑429/19, Iacono/Parlement, T‑430/19, Bonsignore/Parlement, T‑431/19, Azzolini/Parlement, T‑432/19, Gawronski/Parlement, T‑435/19, Caligaris/Parlement, T‑436/19, Aita/Parlement, T‑438/19, Novelli/Parlement, T‑439/19, Mantovani/Parlement, T‑440/19, Mattina/Parlement, T‑441/19, La Russa/Parlement, T‑442/19, Carollo/Parlement, T‑444/19, Locatelli/Parlement, T‑445/19, Chiesa/Parlement, T‑446/19, Castellina/Parlement, T‑448/19, Costanzo/Parlement, T‑450/19, Gallenzi/Parlement, T‑451/19, Gemelli/Parlement, T‑452/19, Napoletano/Parlement, T‑453/19, Panusa/Parlement, T‑454/19, Musotto/Parlement, T‑463/19, Cervetti/Parlement et T‑465/19, Florio/Parlement, ainsi qu’à l’affaire T‑695/19, Falqui/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure.

42      Le 17 juin 2020, le requérant et le Parlement ont répondu aux questions que le Tribunal leur avait adressées le 19 mai 2020.

43      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales du Tribunal lors de l’audience du 7 juillet 2020.

44      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler tout acte préalable, connexe ou consécutif à la décision attaquée et produisant des effets juridiques à son égard ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

45      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur l’objet du recours et sur la compétence du Tribunal

46      À titre liminaire, il convient de relever que, certes, le requérant a expressément indiqué, tant dans la requête que dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que le recours était dirigé contre la décision attaquée.

47      Toutefois, le Tribunal constate que, malgré cette affirmation, la définition de l’objet du présent recours n’est pas dénuée d’ambiguïté. En effet, les écritures du requérant contiennent de nombreux arguments pris de la prétendue violation du droit italien, et en particulier de la Constitution italienne. Par ailleurs, une part conséquente de l’argumentation du requérant se fonde exclusivement sur la jurisprudence de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) et de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie). Du reste, plusieurs passages de la requête indiquent que le requérant entend contester la légalité de la décision no 14/2018.

48      Par ailleurs, lors de l’audience, le conseil du requérant a affirmé se référer à la plaidoirie de Me Maurizio Paniz, avocat des parties requérantes dans les affaires jointes Santini e.a/Parlement, T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19 à T‑366/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19.

49      Or, dans la mesure où Me Paniz a contesté la validité de la décision no 14/2018 lors de sa plaidoirie et a soumis, durant la phase orale de la procédure, des éléments de preuve au soutien de cette thèse, il y a lieu de rappeler les limites qui s’imposent à la compétence du Tribunal dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE.

50      À cet égard, conformément à l’article 263 TFUE, le juge de l’Union européenne n’est pas compétent pour statuer sur la légalité d’un acte adopté par une autorité nationale (voir, en ce sens, ordonnance du 28 février 2017, NF/Conseil européen, T‑192/16, EU:T:2017:128, point 44 et jurisprudence citée).

51      Compte tenu de cette jurisprudence, l’appréciation de la légalité de la décision no 14/2018 échappe à la compétence du Tribunal.

52      Au surplus, le Tribunal relève que les éléments de preuve soumis par Me Paniz au cours de la phase orale de la procédure et auxquels il s’est référé lors de l’audience sont sans incidence sur l’issue du présent recours. D’une part, Me Paniz a communiqué une copie de la décision no 2/2020 du 22 avril 2020 par laquelle le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) a partiellement annulé l’article 1, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. Toutefois, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37 et jurisprudence citée). L’annulation partielle de la décision no 14/2018 n’emporte donc aucune conséquence en l’espèce, puisque celle-ci est postérieure à la date d’adoption de la décision attaquée. Cette conclusion s’impose d’autant plus que, en tout état de cause, le Parlement n’a pas reçu de demande d’appliquer, et par conséquent n’a pas appliqué, au requérant des règles identiques à celles figurant à l’article 1, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. D’autre part, Me Paniz a également déposé une copie du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2020 de la Commissione contenziosa del senato (Commission du contentieux du Sénat, Italie). Cependant, cet arrêt, prononcé, lui aussi, postérieurement à la date d’adoption de la décision attaquée, a pour objet la décision no 6/2018 de l’office de la présidence du Sénat, et non la décision no 14/2018. Or, il est constant que, conformément à ce qui est prescrit à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le Parlement a uniquement appliqué des règles identiques à celles de la décision no 14/2018. Enfin, le Tribunal constate que le Parlement a confirmé lors de l’audience qu’il appliquerait, à l’avenir, toute modification du droit italien, et notamment de la décision no 14/2008, qui pourrait résulter des procédures en cours devant le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés), conformément à la règle de pension identique.

53      Si, sur le fondement de l’article 263 TFUE, le Tribunal ne peut donc pas contrôler la validité de la décision no 14/2018, il est, en revanche, compétent pour examiner la légalité des actes du Parlement. Ainsi, dans le cadre du présent recours en annulation, le Tribunal peut vérifier si l’article 75 et l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, instituant la règle de pension identique, ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal peut examiner si l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision no 14/2018 est conforme au droit de l’Union. Enfin, le Tribunal est également compétent pour s’assurer que la décision attaquée respecte le droit de l’Union.

B.      Sur le fond

54      À l’appui de son recours en annulation, le requérant soulève deux moyens. Le premier moyen est pris du caractère illogique et contradictoire de la motivation, d’une erreur de droit, d’un défaut de contrôle de la légalité de la décision no 14/2018 au regard des principes de proportionnalité, de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de protection des droits acquis, mais aussi de la violation du droit de propriété, de la violation des mesures d’application, et de la violation du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1). Le second moyen est pris du caractère contradictoire de la motivation, d’une analyse sommaire de la conformité de la décision no 14/2018 avec les principes généraux du droit de l’Union, d’une application rétroactive des dispositions, d’une violation de plusieurs principes généraux du droit de l’Union et d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

55      Compte tenu du fait que ces deux moyens reposent, en substance, sur une même argumentation, le Tribunal juge opportun de les examiner conjointement. Par conséquent, le Tribunal appréciera successivement les griefs issus de ces deux moyens, tirés, premièrement, du caractère illogique et contradictoire de la motivation ainsi que de la violation des mesures d’application et du règlement 2018/1046, deuxièmement, de la violation du principe de protection des droits acquis, troisièmement, de la violation du principe de sécurité juridique, quatrièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, cinquièmement, de la violation du droit de propriété, sixièmement, de la violation du principe de proportionnalité, septièmement, d’une violation du principe d’égalité et, huitièmement, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

56      Le Tribunal estime également opportun de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans la décision attaquée, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 50 à 53 ci-dessus). Partant, le Tribunal appréciera les griefs du requérant uniquement en ce qu’ils concernent la décision attaquée et le droit de l’Union.

1.      Sur le premier grief, tiré du caractère illogique et contradictoire de la motivation ainsi que de la violation des mesures d’application et du règlement 2018/1046

57      Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée ne contient aucune motivation quant à la compatibilité de l’application des règles de la décision no 14/2018 avec les principes généraux du droit de l’Union. Sur ce point, la décision attaquée se limiterait à renvoyer à l’avis du service juridique. Or, cet avis aurait conclu à l’applicabilité automatique des règles de la décision no 14/2018 à la situation du requérant, sans évaluation de la compatibilité desdites règles au regard du droit de l’Union, en raison d’une prétendue présomption de légalité du droit italien. Cette motivation serait donc illogique et contradictoire, dès lors que la présomption de légalité du droit italien ne saurait automatiquement emporter une présomption de légalité d’un acte du droit de l’Union. Par ailleurs, cette motivation, prétendument illogique et contradictoire, aurait conduit le Parlement à commettre une erreur de droit, dans la mesure où, sur le fondement de l’avis du service juridique, il aurait adopté la décision attaquée sans contrôler préalablement sa compatibilité au regard du droit de l’Union. Enfin, cette motivation, qui serait illogique et contradictoire, aurait conduit le Parlement à méconnaître plusieurs dispositions du règlement 2018/1046 qui exigent, notamment, de s’assurer de la légalité et de la régularité des opérations.

58      Le Parlement conclut au rejet du premier grief comme étant en partie irrecevable, en ce sens qu’il manquerait de clarté et qu’il viserait notamment à contrôler la légalité de l’avis du service juridique, et en partie non fondé.

59      À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 58 et jurisprudence citée). S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 287 et jurisprudence citée).

60      Il convient également de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Cette motivation peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke/Parlement, T‑352/17, EU:T:2018:319, point 20 et jurisprudence citée). Les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont, dès lors, dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 120 et jurisprudence citée).

61      Partant, sont sans pertinence les arguments du requérant selon lesquels la décision attaquée aurait dû être précédée par une analyse approfondie de la compatibilité des règles de la décision no 14/2018, telles qu’elles ont été appliquées par le Parlement, au regard des principes généraux du droit de l’Union ainsi qu’à l’aune des dispositions du règlement 2018/1046.

62      À titre surabondant, à supposer même que lesdits arguments du requérant puissent être pris en considération dans le cadre de l’examen d’une prétendue violation de l’obligation de motivation par le Parlement, il conviendrait, en tout état de cause, de les rejeter comme non fondés.

63      En effet, il est constant que la décision attaquée a pour bases juridiques l’article 75 ainsi que l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. De même, il n’est pas contesté entre les parties que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, est applicable à la situation des anciens députés européens qui, tel le requérant, ont commencé à percevoir leur pension de retraite avant le 14 juillet 2009.

64      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, prévoit que « [les] pension[s] de retraite attribuées en vertu [de l’]annex[e] III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de [cette] annex[e] aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut ».

65      Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III énonce, quant à lui, la règle de pension identique, au cœur de la présente affaire, dans les termes suivants :

« Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. »

66      La formulation impérative de cette disposition – « [l]e niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques » – ne laisse aucune marge au Parlement pour un mode de calcul autonome. Sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la Charte, le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen relevant du champ d’application de l’annexe III sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, à savoir, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision no 14/2018.

67      De même, l’usage du présent de l’indicatif – « sont identiques » – implique que cette obligation d’appliquer les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités que celles fixées par le droit de l’État membre concerné ne se limite pas à régir la situation passée des anciens députés, c’est-à-dire avant l’adoption du statut des députés, mais continue de déployer ses effets tant que les pensions de retraite sont versées.

68      Cette double interprétation est renforcée par l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, lequel indique expressément que les pensions de retraite « continuent d’être versées » en application de l’annexe III. Le recours, ici aussi, à une formulation impérative et au présent de l’indicatif confirme, d’une part, la permanence des règles contenues à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, même après l’entrée en vigueur du statut des députés, et, d’autre part, l’absence de marge de manœuvre du Parlement quant à leur application.

69      Il se déduit de ce qui précède que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lus conjointement, exigent, de manière expresse, que le Parlement applique, en tout temps, les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités des pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné. Le Parlement ne saurait, comme cela est déjà indiqué au point 66 ci-dessus, s’affranchir de cette obligation que dans la seule hypothèse où, eu égard au principe de la hiérarchie des normes, la mise en œuvre de ces règles conduirait à violer une norme de rang supérieur du droit de l’Union.

70      Si le Parlement était donc tenu d’appliquer les règles contenues dans la décision no 14/2018, il est, en revanche, sans incidence qu’il n’ait pas préalablement procédé à une vérification approfondie de la compatibilité desdites règles au regard des principes généraux du droit de l’Union ainsi qu’à l’aune des dispositions du règlement 2018/1046. En effet, une telle vérification ne constitue pas une formalité procédurale obligatoire à laquelle le Parlement aurait été astreint avant d’adopter la décision attaquée. Seul importe que les effets concrets de cette décision ne méconnaissent pas des normes de rang supérieur du droit de l’Union.

71      Or, le requérant n’a avancé aucun argument précis et concret prouvant que l’application des règles de la décision no 14/2018 aurait conduit le Parlement à méconnaître les principes généraux du droit de l’Union et les dispositions du règlement 2018/1046, de manière telle que cette institution aurait dû s’abstenir, conformément à ce qui est mentionné aux points 66 et 69 ci-dessus, d’adopter la décision attaquée.

72      Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief.

2.      Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de protection des droits acquis

73      Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée, en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, partant, en réduisant le montant de sa pension, a violé le principe de protection des droits acquis.

74      Le Parlement conclut au rejet du deuxième grief comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant se limiterait à des considérations très générales sans exposer d’argumentation détaillée démontrant que le principe en question aurait été violé en l’espèce.

75      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Il ressort de la jurisprudence que cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, Elche Club de Fútbol/Commission, T‑901/16, EU:T:2020:97, point 79 et jurisprudence citée).

76      En l’espèce, ainsi que l’a relevé le Parlement, il est manifeste que le requérant s’est limité à présenter des considérations très générales. En revanche, il n’a avancé aucun argument concret et précis visant à démontrer que la décision attaquée aurait méconnu le principe de protection des droits acquis. Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le deuxième grief est irrecevable.

77      À titre surabondant, à supposer même que, malgré cette absence d’arguments précis et concrets, le deuxième grief soit recevable, il conviendrait, en tout état de cause, de le rejeter comme étant non fondé.

78      Même si l’application de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lus conjointement, implique, comme en l’espèce, une réduction du montant de la pension, cela ne saurait pour autant être considéré comme portant atteinte aux droits à pension de retraite acquis du requérant.

79      En effet, la lecture combinée de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’annexe III indique que les droits à pension de retraite acquis, issus des cotisations payées par les anciens députés, ne constituent que la base de calcul desdites pensions de retraite. En revanche, aucune disposition de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’annexe III ne garantit l’immuabilité du montant de ces pensions. Les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

80      Cette interprétation de la règle de pension identique n’est pas infirmée par le considérant 7 des mesures d’application, auquel le requérant se réfère. En effet, ce considérant se limite à préciser que les droits à pension acquis avant l’entrée en vigueur du statut des députés sont garantis après cette date. En revanche, ce considérant n’indique pas que le montant desdites pensions ne peut pas être révisé, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Ainsi, ce considérant ne fait que confirmer la substance de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

81      Cette interprétation n’est pas davantage infirmée par l’article 75, paragraphe 2, première phrase. Certes, cette disposition prévoit que « les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe III précitée restent acquis ». Toutefois, à l’instar du considérant 7 des mesures d’application, ledit article 75, paragraphe 2, première phrase, n’indique pas que le montant des pensions de retraite ne peut pas être modifié, que ce soit en faveur ou en défaveur de leurs bénéficiaires. En outre, une interprétation systémique de cet article 75 emporte, en tout état de cause, l’inapplicabilité de son paragraphe 2 aux anciens députés, tel le requérant, qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite avant le 14 juillet 2009.

82      Cette interprétation ne contredit pas non plus l’article 28 du statut des députés. En effet, il suffit de constater que l’article 28 du statut des députés ne s’applique, selon sa propre lettre, qu’aux droits à pension que les députés ont acquis « en vertu des régimes nationaux ». Or, en l’espèce, les pensions de retraite du requérant n’ont pas été acquises en vertu d’un régime national, mais sur le fondement des dispositions de l’annexe III. De plus, le requérant reconnaît lui-même, dans ses écritures, que ses pensions ne sont pas à la charge de la République italienne, mais à celle du Parlement. L’article 28 du statut des députés est donc inapplicable aux pensions du requérant, dès lors que celles-ci relèvent d’un régime de pension de l’Union, et non d’un régime de pension national.

83      Enfin, le Tribunal constate que l’absence d’immuabilité du montant des pensions versées au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III est confirmée par la pratique. En effet, en réponse aux questions écrites du Tribunal, le Parlement a indiqué, preuves à l’appui, que, avant l’adoption de la décision no 14/2018, le montant des pensions de retraite d’une dizaine d’anciens députés européens, élus en Italie, avait déjà été diminué pour tenir compte de la décision no 210/2017 de l’office de la présidence de la Chambre des députés. En sens inverse, le Parlement a précisé, également preuves à l’appui, que le niveau des pensions de retraite de certains anciens députés européens, élus en Italie, avait augmenté, entre 2002 et 2005, en application de la hausse du montant de l’indemnité parlementaire décidée par l’office de la présidence de la Chambre des députés.

84      En l’espèce, en application de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le Parlement s’est limité à adapter le niveau et les modalités des pensions de retraite pour tenir compte des nouvelles règles de calcul fixées par la décision no 14/2018. Ainsi, seules les règles de calcul du montant de ces pensions de retraite ont été modifiées, en application des nouvelles prescriptions de la décision no 14/2018. Le requérant n’a d’ailleurs pas soutenu que le Parlement avait mal appliqué les règles de la décision no 14/2018. En revanche, le Parlement n’a pas remis en cause les droits à pension de retraite acquis par le requérant avant le 14 juillet 2009.

85      Du reste, et à titre de comparaison, le Tribunal constate que la possibilité d’une révision du montant des pensions a déjà été admise par la jurisprudence dans le cadre du contentieux de la fonction publique de l’Union. Suivant celle-ci, il y a lieu d’établir une distinction nette entre la fixation du droit à pension et le paiement des prestations qui en résultent. Ainsi, selon la jurisprudence, les droits acquis en termes de fixation d’une pension ne sont pas violés lorsque les changements intervenus dans les montants effectivement payés résultent d’évolutions législatives ou réglementaires qui ne portent pas atteinte au droit à pension proprement dit (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, points 79 et 80 et jurisprudence citée).

86      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Parlement a satisfait à l’obligation qui pèse sur lui au titre de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, en conséquence, en adoptant la décision attaquée. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le Parlement pouvait valablement se fonder sur l’article 75 et sur les règles de l’annexe III, sans en méconnaître les dispositions, pour adopter la décision attaquée.

87      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième grief.

3.      Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de sécurité juridique

88      Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée, en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, partant, en réduisant le montant de sa pension, a violé le principe de sécurité juridique.

89      Le Parlement conclut au rejet du troisième grief comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant se limiterait à des considérations très générales sans exposer d’argumentation détaillée démontrant que le principe en question aurait été violé en l’espèce.

90      À cet égard, ainsi que l’a relevé le Parlement, il est manifeste que le requérant s’est limité à présenter des considérations très générales. En revanche, il n’a avancé aucun argument concret et précis visant à démontrer que la décision attaquée aurait méconnu le principe de sécurité juridique. Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le troisième grief est irrecevable.

91      À titre surabondant, à supposer même que, malgré cette absence d’arguments précis et concrets, le troisième grief soit recevable, il conviendrait, en tout état de cause, de le rejeter comme étant non fondé.

92      Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, point 65 et jurisprudence citée).

93      À cet égard, le Tribunal estime opportun de rappeler, comme il l’a déjà indiqué aux points 78 à 87 ci-dessus, que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Ni l’article 75 ni l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III ne lui confèrent un tel pouvoir. Au contraire, ces dispositions exigent le respect de ces droits à pension de retraite acquis. Toutefois, cela n’implique pas que le montant desdites pensions ait été définitivement arrêté avant l’entrée en vigueur du statut des députés et qu’il soit immuable.

94      Ces observations étant faites, il convient de vérifier si l’adoption de la décision attaquée, sur le fondement de ces dispositions, a enfreint le principe de sécurité juridique.

95      Il ressort des points 64 à 69 ci-dessus que l’article 75 prévoit, de manière claire et précise, que le montant des pensions de retraite est calculé suivant les prescriptions de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel instaure la règle de pension identique et dispose que le « niveau et les modalités [des pensions de retraite] sont identiques » à celles que reçoivent, en l’espèce, les membres de la Chambre des députés.

96      Ces règles, qui n’ont pas été modifiées depuis l’entrée en vigueur du statut des députés, envisagent donc explicitement l’hypothèse d’une révision, à la hausse ou à la baisse, du montant des pensions de retraite pour tenir compte des évolutions pertinentes du droit de l’État membre concerné. De plus, il y a lieu de rappeler que, au point 86 ci-dessus, il a été conclu que l’adoption de la décision attaquée était conforme aux dispositions de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

97      L’application rétroactive d’un acte sans que soit méconnu le principe de sécurité juridique suppose qu’une indication suffisamment claire soit dans ses termes, soit dans ses objectifs, permette de conclure que cet acte dispose autrement que pour l’avenir seul (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Panasonic Italia e.a., C‑472/12, EU:C:2014:2082, point 57 et jurisprudence citée).

98      Il est vrai que la décision attaquée a été adoptée le 11 juin 2019 et qu’elle déploie ses effets antérieurement à cette date, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à établir que le Parlement aurait méconnu le principe de sécurité juridique en appliquant le nouveau montant des pensions à partir de cette date.

99      Le fait que le montant des pensions du requérant ait été modifié depuis le 1er janvier 2019 s’explique par l’obligation, pesant sur le Parlement au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, d’appliquer les mêmes modalités aux pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné. Or, la détermination du point de départ de l’application des nouvelles règles de calcul desdites pensions fait incontestablement partie de ces « modalités ».

100    À cet égard, il ressort explicitement de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision no 14/2018 que, « [à] compter du 1er janvier 2019, les montants des [pensions] […] sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision ».

101    En conséquence, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le requérant n’était plus en droit de prétendre, à partir du 1er janvier 2019, au bénéfice de sa pension, telle que celle-ci était calculée avant cette date. Au contraire, depuis le 1er janvier 2019, seules des pensions dont le montant avait été adapté dans le respect des règles fixées par la décision no 14/2018 étaient exigibles et payables.

102    Certes, il aurait été préférable que la décision attaquée soit adoptée avant le 1er janvier 2019, et non après cette date. Toutefois, cette circonstance est sans importance en l’espèce. L’obligation d’appliquer, avec effet à cette date, les nouvelles règles de calcul aux pensions du requérant ne provient pas de la décision attaquée, mais de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. En ce sens, la décision attaquée ne fait que tirer les conséquences découlant directement de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, et impliquant, partant, que les sommes indûment versées entre le 1er janvier 2019 et sa date d’adoption, à savoir le 11 juin 2019, doivent être remboursées.

103    Il ressort de ces éléments que le requérant n’a pas démontré que le principe de sécurité juridique avait été méconnu en l’espèce. En effet, les règles de l’annexe III impliquaient que le nouveau montant des pensions du requérant entre en vigueur au 1er janvier 2019. Or, les règles de l’annexe III sont largement antérieures au 1er janvier 2019, et non postérieures à cette date. De plus, le requérant n’a pas soutenu, et aucun élément du dossier n’en atteste, que le Parlement aurait appliqué ce nouveau montant avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire avant la date retenue à cet effet par la décision no 14/2018. Enfin, comme il est indiqué au point 17 ci-dessus, le Parlement avait, en janvier 2019, informé le requérant d’une possible application des règles de la décision no 14/2018 à son égard. De même, comme il est indiqué au point 19 ci-dessus, le Parlement avait, en février 2019, confirmé au requérant l’applicabilité automatique de cette même décision à sa situation. Ce faisant, le requérant avait été mis au courant de la modification des règles applicables au calcul du montant de sa pension avant que la décision attaquée ne soit adoptée.

104    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième grief.

4.      Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

105    Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée, en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, partant, en réduisant le montant de sa pension, a violé le principe de protection de la confiance légitime.

106    Le Parlement conclut au rejet du quatrième grief comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant se limiterait à des considérations très générales sans exposer d’argumentation détaillée démontrant que ledit principe aurait été violé en l’espèce.

107    À cet égard, ainsi que l’a relevé le Parlement, il est manifeste que le requérant s’est limité à présenter des considérations très générales. En revanche, il n’a avancé aucun argument concret et précis visant à démontrer que la décision attaquée aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime. Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le quatrième grief est irrecevable.

108    À titre surabondant, à supposer même que, malgré cette absence d’arguments précis et concrets, le quatrième grief soit recevable, il conviendrait, en tout état de cause, de le rejeter comme étant non fondé.

109    Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. Enfin, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 153 et jurisprudence citée).

110    D’emblée, il convient de rappeler, pour des raisons similaires à celles exposées au point 93 ci-dessus, que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Seule la modification du montant desdites pensions est permise sur le fondement de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

111    Par ailleurs, le requérant n’a ni démontré ni soutenu que le Parlement lui aurait fourni des assurances autres que celle contenue dans l’article 75 et dans l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. Or, il est manifeste que ces deux articles ne prévoient pas l’immuabilité du montant de la pension du requérant.

112    En effet, ainsi qu’il ressort notamment des points 66 à 69 ci-dessus, la seule assurance précise et inconditionnelle donnée au requérant par le Parlement consistait à lui garantir le bénéfice d’une pension dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre dans lequel il a été élu, en l’espèce les membres de la Chambre des députés.

113    En appliquant fidèlement les règles de la décision no 14/2018 en vue de l’adoption de la décision attaquée, le Parlement ne s’est donc pas écarté de l’assurance qu’il avait fournie au requérant lorsque celui-ci a adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III.

114    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième grief.

5.      Sur le cinquième grief, tiré de la violation du droit de propriété

115    Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée, en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, partant, en réduisant le montant de sa pension, a violé son droit de propriété.

116    Le Parlement conclut au rejet du cinquième grief comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant se limiterait à des considérations très générales sans exposer d’argumentation détaillée démontrant que le droit de propriété aurait été violé en l’espèce.

117    À cet égard, ainsi que l’a relevé le Parlement, il est manifeste que le requérant s’est limité à présenter des considérations très générales. En revanche, il n’a avancé aucun argument concret et précis visant à démontrer que la décision attaquée aurait méconnu son droit de propriété. Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le cinquième grief est irrecevable.

118    À titre surabondant, à supposer même que, malgré cette absence d’arguments précis et concrets, le cinquième grief soit recevable, il conviendrait, en tout état de cause, de le rejeter comme étant non fondé.

119    Selon la jurisprudence, le droit de propriété, tel que garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental du droit de l’Union, dont le respect est une condition de la légalité des actes de l’Union. En outre, cette disposition, qui énonce le droit de toute personne de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, énonce une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 96 et jurisprudence citée).

120    Cependant, il importe de rappeler que le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’est pas absolu et que son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à la condition que ces restrictions soient prévues par la loi, qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et qu’elles ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, points 51 et 53 et jurisprudence citée).

121    Enfin, afin de déterminer la portée du droit fondamental au respect de la propriété, il y a lieu, eu égard à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, de tenir compte de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacre ce droit (voir arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 49 et jurisprudence citée).

122    En l’espèce, il convient de rappeler que la décision attaquée applique, conformément à la règle de pension identique, le nouveau mode de calcul tel qu’établi par la décision no 14/2008 aux pensions de retraite du requérant. En ce qui concerne plus particulièrement le présent grief, tiré d’une violation du droit de propriété, tel que garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, force est de constater que le requérant n’avance aucun élément concret selon lequel ce droit garantit un niveau de protection différent, voire supérieur, aux garanties assurées par le droit italien. Le Tribunal constate que la légalité de la décision no 14/2018 est actuellement en cours d’examen devant le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) et que le Parlement a indiqué lors de l’audience que, à l’avenir, il appliquerait, conformément à la règle de pension identique, toute modification de la décision no 14/2018 adoptée par les autorités italiennes compétentes aux pensions du requérant.

123    En l’occurrence, il est constant que le Parlement n’a pas privé le requérant d’une partie de ses droits à pension, mais qu’il s’est borné à appliquer la réduction du montant de ces pensions prévue par les dispositions applicables en la matière. De plus, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a fourni un tableau précisant l’ampleur de cette réduction. Selon les données transmises par le Parlement, le pourcentage de cette réduction est de 47 % et le nouveau montant de sa pension se situe à 1 644 euros, ce que confirme, en substance, le requérant dans la requête. Il convient de constater que la pension du requérant est liée à la durée de son mandat de député européen, à savoir cinq ans, et que le nouveau mode de calcul s’effectue sur la base de ses contributions individuelles, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision no 14/2008. En tout état de cause, le requérant ne développe pas d’argumentation circonstanciée et individuelle tirée de l’ampleur de la réduction du montant de la pension dans son cas spécifique. Il se limite à soulever des arguments de nature plus générale selon lesquels le droit de propriété exclurait la réduction du montant de la pension en l’espèce en raison de sa prétendue rétroactivité et de la prétendue absence d’intérêt public supérieur. Au surplus, il convient de rappeler que l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans un cas particulier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 153 et jurisprudence citée).

124    À cet égard, il y a lieu d’ajouter ce qui suit.

125    Il a déjà été jugé que, lorsqu’une législation prévoit le versement automatique d’une prestation sociale, telle une pension de retraite, elle engendre un intérêt patrimonial relevant, pour les personnes remplissant ses conditions, du champ d’application de l’article 17 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 50 et jurisprudence citée). La pension du requérant entre donc dans le champ d’application matériel de l’article 17 de la Charte.

126    Par ailleurs, même si la décision attaquée n’emporte pas une privation pure et simple de la pension du requérant, il n’en demeure pas moins qu’elle en réduit le montant. En ce sens, la décision attaquée restreint le droit de propriété du requérant (voir, en ce sens, Cour EDH, 1er septembre 2015, Da Silva Carvalho Rico c. Portugal, CE :ECHR :2015 :0901DEC001334114, points 31 à 33 et jurisprudence citée). Du reste, le Parlement a admis l’existence d’une telle restriction durant l’audience.

127    Il convient donc de vérifier si cette restriction respecte le contenu essentiel du droit de propriété du requérant, si elle est prévue par la loi, si elle répond à un objectif d’intérêt général et si elle est nécessaire à cette fin.

128    Premièrement, le droit de propriété, tel que consacré par l’article 17 de la Charte, ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 50 et jurisprudence citée).

129    Deuxièmement, la restriction au droit de propriété du requérant en cause en l’espèce est prévue par la loi.

130    D’une part, la décision attaquée se fonde sur l’article 75 et sur l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. À cet égard, il a été relevé au point 96 ci-dessus que les règles de l’annexe III n’avaient pas été modifiées depuis l’entrée en vigueur du statut des députés. De plus, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III exige que le montant de la pension soit adapté, à la baisse ou à la hausse, pour tenir compte des évolutions législatives ou réglementaires pertinentes dans l’État membre concerné. Ainsi, la décision attaquée, tout en adaptant le montant de la pension du requérant, n’a pas modifié le contenu du droit à pension tel que défini par le droit de l’Union.

131    D’autre part, le Tribunal constate que les nouvelles règles de calcul de cette pension sont fixées, avec suffisamment de clarté et de précision, par les dispositions de la décision no 14/2018, ce que ne conteste d’ailleurs pas le requérant. En outre, la circonstance que la décision n’ait pas la forme d’une « loi » en droit italien n’a aucune incidence. Selon une jurisprudence constante, la notion de « loi » doit être entendue dans son acception « matérielle », et non « formelle ». En conséquence, elle inclut l’ensemble constitué par le droit écrit, y compris les textes de rang infra législatif, ainsi que la jurisprudence qui l’interprète [voir Cour EDH, 18 janvier 2018, Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS) et autres c. France, CE :ECHR :2018 :0118JUD 004815111, point 160 et jurisprudence citée].

132    Troisièmement, le Parlement affirme que la justification de la restriction au droit de propriété du requérant figure dans la décision no 14/2018, dès lors que c’est l’office de la présidence de la Chambre des députés qui a fait le choix d’adapter le mode de calcul des pensions versées aux membres de cette chambre. Plus précisément, la décision no 14/2018 serait justifiée par l’objectif d’adapter le montant des pensions versées à tous les députés au système de calcul sur contribution.

133    À cet égard, le Tribunal relève que, compte tenu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, l’adoption de la décision attaquée est nécessairement tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes. Aussi, l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi ne peut faire abstraction des buts ayant présidé à l’adoption de la décision no 14/2018.

134    Sur ce point, il y a lieu de constater que l’objectif invoqué par le Parlement est explicitement mentionné dans le préambule de la décision no 14/2018. En effet, il y est précisé que cette décision vise à « procéder à un nouveau calcul selon la méthode contributive du montant des allocations viagères, de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata et des prestations de réversion dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011 » et que « le nouveau calcul de la prestation en vigueur [ne peut pas] donner lieu à un montant plus élevé que celui actuellement versé ».

135    De plus, même si le requérant affirme qu’aucun intérêt général spécifique n’a été invoqué pour justifier cette atteinte à son droit de propriété, il reconnaît pourtant lui-même que l’adoption de la décision no 14/2018 s’inscrit dans le cadre d’une intervention plus générale et vise à réduire les dépenses à la charge de la République italienne. Certes, au point 29 de la requête, le requérant affirme, de manière absolue, que la décision no 14/2018 ne contient « aucune justification » indiquant l’objectif d’intérêt général poursuivi par les autorités italiennes. Au point 20 de la requête, le requérant réitère, avec cependant moins de force, que « la décision no 14/2018 n’est pas fondée sur des exigences budgétaires publiques face à une crise économique (du moins, de telles exigences ne sont pas mentionnées) ». Cela étant, au point 19 de la requête, il consent que, dans un tel contexte, l’objectif poursuivi « [peut] notamment consister en la nécessité de contenir les dépenses publiques en cas de crise économique ». Au point 22 de la requête, il convient, certes toujours sous une forme hypothétique, que la décision no 14/2018 peut « [avoir] pour objectif de rééquilibrer les finances nationales ». Toutefois, au point 10 de la requête, il admet, implicitement, mais nécessairement, que la décision no 14/2018 a pour objectif de réduire les dépenses publiques, puisqu’il assure que cette décision « ne démontre pas ses avantages pour le budget de l’État [italien] ». Il ressort donc des écritures du requérant que, malgré certaines dénégations, celui-ci a clairement établi un lien entre l’adoption de la décision no 14/2018 et l’objectif de réduire les dépenses à la charge de la République italienne en temps de crise économique.

136    Il se déduit de ces éléments que la décision no 14/2018 a pour objectif de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire. Or, le juge de l’Union a déjà reconnu qu’un tel objectif constitue un objectif d’intérêt général susceptible de justifier une atteinte aux droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 56 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2018, FV/Conseil, T‑750/16, EU:T:2018:972, point 108).

137    Cet objectif légitime doit également être retenu pour la décision attaquée, dès lors que son adoption ne présente aucune raison d’être autonome, mais qu’elle est, au contraire, comme il est précisé au point 133 ci-dessus, tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes. De plus, la décision attaquée poursuit en même temps l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, d’accorder au requérant une pension dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

138    Quatrièmement, en ce qui concerne la nécessité de la décision no 14/2018, et par conséquent celle de la décision attaquée, la Cour a déjà jugé que, compte tenu du contexte économique particulier sévissant depuis plusieurs années, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des décisions en matière économique et qu’ils sont les mieux placés pour définir les mesures susceptibles de réaliser l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 57). De même, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà considéré que la décision de légiférer en matière de prestations sociales implique d’ordinaire un examen de questions d’ordres politique, économique et social. Il en découle qu’une marge d’appréciation étendue est laissée aux États, en particulier pour l’adoption de politiques d’économie des deniers publics ou de lois introduisant des mesures d’austérité imposées par une grave crise économique (voir, en ce sens, Cour EDH, 10 juillet 2018, Achille Claudio Aielli et autres c. Italie et Giovanni Arboit et autres c. Italie, CE :ECHR :2018 :0710DEC002716618, point 26 et jurisprudence citée).

139    Or, le requérant n’a pas démontré que les règles fixées par la décision no 14/2018 n’étaient pas nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis, tels que décrits aux points 136 et 137 ci-dessus. Le requérant n’a pas non plus évoqué l’existence d’autres mesures moins contraignantes qui auraient permis d’atteindre lesdits objectifs.

140    Par ailleurs, il ressort des points 13 et 16 de l’avis du service juridique que la décision no 14/2018 contient un certain nombre de dispositions garantissant sa proportionnalité, et en particulier l’article 1er, paragraphes 6 et 7, de cette décision. À cet égard, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a fourni un tableau dans lequel il apparaît qu’il a fait application des règles de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018 au bénéfice du requérant. Or, ce dernier n’a contesté cet élément factuel ni par écrit, après avoir eu connaissance de ce tableau, ni lors de l’audience. Or, conformément aux règles de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018, le nouveau montant de sa pension, tel qu’il avait été recalculé, a été augmenté de moitié. De même, lors de l’audience, le Parlement a soutenu, sans être contredit par le requérant, que ce dernier n’avait pas sollicité l’application des règles de l’article 1er, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. De surcroît, dans la requête, le requérant confirme qu’il lui était possible d’adresser une telle demande au Parlement, ce qu’il n’a pas fait. Or, ces règles permettent d’augmenter le montant de la pension de personnes qui ne perçoivent pas d’autres revenus annuels d’un montant supérieur au montant annuel de l’aide sociale, qui sont atteintes d’une maladie grave exigeant l’administration de thérapies vitales  ou qui souffrent de pathologies donnant lieu à des situations d’invalidité à 100 %. Enfin, au cas où les affirmations du requérant devraient être comprises comme une critique de la circonstance qu’il pouvait adresser une telle demande uniquement au Parlement, et non au Collège des députés ou aux questeurs de la Chambre des députés italienne, il suffit alors de constater que cela résulte du fait que le Parlement est l’autorité compétente pour mettre en œuvre la règle de pension identique et, par ce biais, pour décider, mutatis mutandis, de l’application ou non de l’article 1er, paragraphe 7, de la décision no 14/2018.

141    Quant aux conséquences de la décision attaquée pour le requérant, le Tribunal n’exclut, certes, pas qu’elles puissent atteindre un certain seuil de gravité. Cependant, en soi, ce seuil de gravité ne permet pas de conclure que la décision attaquée engendre des inconvénients démesurés eu égard aux buts poursuivis, notamment considérant l’ampleur des réductions du montant de la pension en cause, le nouveau montant absolu de la pension, soit 1 644 euros, apprécié en relation avec la durée de son mandat de député européen, à savoir cinq ans, ainsi que le fait que le nouveau mode de calcul prend en compte la contribution individuelle de celui-ci. Par ailleurs, le requérant se borne à indiquer que le montant de sa pension a été réduit de 47 %, ce qui induirait de « lourdes retombées » pour lui, alors que l’économie ne serait que « négligeable » pour le budget de l’Union. Toutefois, ces conséquences financières ne sont ni étayées ni prouvées. À défaut d’éléments concrets, il ne peut donc être constaté que le requérant supporterait une charge individuelle excessive au regard des objectifs poursuivis. En tout état de cause, l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans un cas particulier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 153 et jurisprudence citée).

142    Il ressort de ces éléments que le requérant n’a pas démontré que la décision attaquée avait méconnu son droit de propriété de manière injustifiée ou disproportionnée.

143    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième grief.

6.      Sur le sixième grief, tiré de la violation du principe de proportionnalité

144    Le requérant soutient, en substance, que la décision attaquée, en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, partant, en réduisant le montant de sa pension, a violé le principe de proportionnalité.

145    Le Parlement conclut au rejet du sixième grief comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant se limiterait à des considérations très générales sans exposer d’argumentation détaillée démontrant que le principe en question aurait été violé en l’espèce.

146    À cet égard, ainsi que l’a relevé le Parlement, il est manifeste que le requérant s’est limité à présenter des considérations très générales. En revanche, il n’a avancé aucun argument concret et précis visant à démontrer que la décision attaquée aurait méconnu le principe de proportionnalité. Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le sixième grief est irrecevable.

147    À titre surabondant, à supposer même que, malgré cette absence d’arguments précis et concrets, le sixième grief soit recevable, il conviendrait, en tout état de cause, de le rejeter comme étant non fondé pour les raisons exposées aux points 138 à 141 ci-dessus.

148    Par conséquent, il convient de rejeter le sixième grief.

7.      Sur le septième grief, tiré d’une violation du principe d’égalité

149    Le requérant soutient, en substance, que les dispositions de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018 créent une discrimination en raison de l’âge, dans la mesure où elles réserveraient le bénéfice de la correction de la réduction du montant des pensions aux seuls anciens députés subissant une diminution supérieure à 50 %. Or, une telle correction favoriserait les anciens députés les plus jeunes, si bien que le requérant n’aurait pas pu bénéficier de ladite correction.

150    Le Parlement conclut au rejet du septième grief comme étant irrecevable, dans la mesure où le requérant se limiterait à contester la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien.

151    À cet égard, sans même devoir se prononcer sur la recevabilité du septième grief, il convient de le rejeter. En effet, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il est manifeste que l’octroi de l’avantage prévu par l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018 n’est conditionné par aucun critère relatif à l’âge des anciens députés concernés. De plus, le requérant n’a pas démontré en quoi cette disposition, malgré le fait qu’elle ne repose sur aucune condition liée à l’âge des anciens députés concernés, bénéficierait uniquement aux plus jeunes d’entre eux et exclurait ceux qui, comme lui, seraient « légèrement plus âgé[s] ». Au surplus, la thèse du requérant est, en tout état de cause, contredite, ainsi que cela a été relevé au point 140 ci-dessus, par le tableau fourni par le Parlement en réponse à une question écrite du Tribunal. Il ressort de ce tableau que le Parlement a fait application des règles de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018 au bénéfice du requérant. Or, ce dernier n’a contesté cet élément factuel ni par écrit, après avoir eu connaissance de ce tableau, ni lors de l’audience.

152    Par conséquent, il convient de rejeter le septième grief.

8.      Sur le huitième grief, tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective

153    Le requérant soutient, en substance, qu’il lui est impossible de contester la légalité de la décision no 14/2018 devant le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés), dès lors qu’il ne serait pas un ancien membre de cette chambre. De plus, le requérant met en cause l’impartialité de cet organe juridictionnel, car il serait composé de députés italiens en fonction.

154    Le Parlement conclut au rejet du huitième grief.

155    À cet égard, le Tribunal constate que l’impossibilité pour le requérant de contester la légalité de la décision no 14/2018 devant le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) constitue un obstacle procédural qui ne découle pas du droit de l’Union, mais qui est inhérent au droit italien. En tout état de cause, le Tribunal demeure incompétent, dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, pour apprécier directement la conformité du droit italien à l’aune des droits fondamentaux, et notamment au regard du droit à une protection juridictionnelle effective.

156    Par conséquent, il convient de rejeter le huitième grief et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

 Sur les dépens

157    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il convient de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mario Forte supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Pynnä

 

      Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.