Language of document : ECLI:EU:F:2013:147

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

2 octobre 2013 (*)

« Fonction publique – Procédure de référé – Demande de mesures provisoires – Urgence – Balance des intérêts – Élections du comité du personnel – Comité exécutif d’un syndicat – Droits d’accès à la messagerie électronique d’un syndicat durant la période électorale »

Dans l’affaire F‑87/13 R,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 278 TFUE et 157 EA, ainsi que de l’article 279 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Philippe Colart, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bastogne (Belgique) et huit autres fonctionnaires du Parlement européen dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes A. Salerno et B. Cortese, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par M. O. Caisou-Rousseau et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 13 septembre 2013, les parties requérantes demandent « d’ordonner au secrétaire général du Parlement européen de bloquer temporairement la [messagerie électronique] mise par [celui-ci] à la disposition du syndicat [Solidarité pour les agents et fonctionnaires européens (ci-après ‘ SAFE ’)] ».

 Faits à l’origine du litige.

2        Le syndicat SAFE, réuni en assemblée générale, a procédé à l’élection d’un nouveau comité exécutif le 21 juin 2013.

3        Le même jour, M. Colart, se réclamant de sa qualité de nouveau président du comité exécutif du syndicat SAFE, tel qu’issu des élections du 21 juin 2013, a demandé aux services techniques du Parlement, dans l’attente que le nouvel exécutif décide de l’attribution de nouveaux droits d’accès à la messagerie électronique du syndicat, de supprimer temporairement tous les accès, à l’exception des siens et de ceux attribués au secrétaire politique du nouvel exécutif. Le Parlement a procédé à la suppression sollicitée le 24 juin 2013 en milieu de matinée.

4        Quelques heures plus tard, M. Ciuffreda, se réclamant également de sa qualité de président du comité exécutif du syndicat, a informé ces mêmes services de « la décision [du comité exécutif] de modifier [la composition de]son bureau » et les a sollicités en conséquence pour « supprimer tous les anciens droit d’accès à la [messagerie électronique] » et pour en attribuer de nouveaux à une liste de huit personnes, nommément désignées. Sur cette liste ne figuraient pas les noms des requérants. La suppression a été effective le 24 juin 2013 au soir.

5        Les parties requérantes ont constaté le 25 juin 2013 que leurs droits d’accès à la messagerie électronique de SAFE avaient été supprimés et ont sollicité, par courriel du 26 juin 2013, les services techniques du Parlement afin que leurs droits d’accès soient rétablis. Leur demande n’a pas reçu de réponse. Elles ont ensuite demandé à ces mêmes services de « bloquer immédiatement ou au plus tard lundi 5 août 2013 la [messagerie électronique mise à disposition du syndicat SAFE] aux deux parties », à savoir donc aussi bien à eux-mêmes qu’aux membres du comité exécutif conduit par M. Ciuffreda. Les services, dans un courriel du 6 août 2013, ont répondu qu’ils ne pouvaient donner suite à une telle demande sans une décision en ce sens du secrétariat général du Parlement, lequel n’avait pris, à ce jour, aucune décision sur ce point.

6        Parallèlement, une partie des membres du syndicat a contesté la régularité des élections tenues le 21 juin 2013 et introduit une demande en référé devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Luxembourg) afin, notamment, selon les parties requérantes, « d’interdire avec effet immédiat à M. Colart d’agir au nom et pour le compte de SAFE ».

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête séparée parvenue au greffe du Tribunal le 13 septembre 2013, les parties requérantes ont saisi le Tribunal d’une demande tendant, principalement, à l’annulation de « la décision du secrétaire général du Parlement de juin 2013 relative à une nouvelle distribution des droits d’accès à la [messagerie électronique] du syndicat SAFE » (ci-après la « décision attaquée ») laquelle aurait abouti à supprimer leurs droits d’accès à ladite messagerie.

8        Dans la présente demande en référé, les parties requérantes concluent à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        « ordonner au [s]ecrétaire général du Parlement […] de bloquer temporairement la [messagerie électronique] mise par le Parlement […] à la disposition du syndicat SAFE, jusqu’à l’intervention d’une décision du juge luxembourgeois, actuellement saisi, sur l’identification des personnes composant le comité exécutif dudit syndicat et ayant, de ce fait, le droit de s’exprimer et d’agir au nom de celui-ci » ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

9        Dans ses observations en défense, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au juge des référés de rejeter la demande des parties requérantes, à titre principal, comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée, ainsi que de réserver les dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de la demande en référé

Arguments opposés en défense

10      Le Parlement soutient, tout d’abord, que le recours au principal serait irrecevable en l’absence de décision autonome imputable au Parlement. Celui-ci aurait en effet été tenu d’agir conformément à la demande de ceux qui se présentaient comme légalement investis par le syndicat SAFE pour agir en son nom. Le Parlement n’ayant eu aucune marge d’appréciation, il ne saurait utilement lui être reproché d’avoir mis en œuvre des décisions émanant d’autorités syndicales se présentant comme légitimes.

11      Le Parlement fait valoir, ensuite, que la décision attaquée aurait dû faire l’objet d’un recours sur le fondement de l’article 263 TFUE dans un délai de deux mois à compter du jour où les parties requérantes en ont eu connaissance, soit le 25 juin 2013. Le Parlement prétend en effet que le présent litige est relatif à l’exécution de l’accord-cadre signé, le 12 juillet 1990, entre le Parlement européen et les organisations syndicales ou professionnelles (OSP) du personnel de cette institution (ci-après l’« accord-cadre du 12 juillet 1990 »), et notamment de son article 14 qui prévoit la mise à disposition de celles-ci de certains avantages en matière de communication. Or, cet accord-cadre ne créerait de droits et d’obligations qu’envers les seules OSP, en tant que personnes morales chargées de la défense des intérêts collectifs de leurs membres, et non envers les fonctionnaires ou agents pris individuellement. Le Parlement estime en conséquence que la suppression des droits d’accès à la messagerie électronique mise à disposition du syndicat SAFE, soit la décision attaquée, ne lèse pas les intérêts personnels des requérants mais l’intérêt du syndicat lui-même et qu’elle relève donc d’un recours au titre de l’article 263 TFUE et non de l’article 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

12      Le Parlement affirme, enfin, que le recours au principal est irrecevable car prématuré. Les parties requérantes lui auraient, en effet, adressé une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, en le sollicitant pour rétablir leurs droits d’accès par le courriel du 26 juin 2013, demande qui est restée sans réponse. Faute de réclamation préalable dirigée contre la décision implicite de rejet de ladite demande, laquelle ne saurait intervenir qu’à l’expiration du délai de réponse de quatre mois, le recours au principal, assorti d’une demande en référé et présenté dans le cadre de l’article 91, paragraphe 4, du statut, serait dès lors irrecevable.

Appréciation du président du Tribunal

13      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la question de la recevabilité du recours au principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure en référé, mais doit être réservée à l’analyse dudit recours, sauf dans l’hypothèse où celui-ci apparaît, à première vue, manifestement irrecevable. Statuer sur la recevabilité au stade du référé, lorsque celle-ci n’est pas, prima facie, totalement exclue, reviendrait, en effet, à préjuger la décision du Tribunal statuant au principal (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 4 février 1999, Peña Abizanda e.a./Commission, T‑196/98 R, point 10, et la jurisprudence citée ; ordonnances du président du Tribunal du 14 décembre 2006, Dálnoky/Commission, F‑120/06 R, point 41, et du 8 septembre 2011, Pachtitis/Commission, point 17).

14      Il convient donc de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense à la lumière des limites ainsi rappelées en examinant si, à première vue, le recours au principal n’apparaît pas manifestement irrecevable.

15      Il convient d’emblée de constater que l’appartenance au syndicat SAFE des parties requérantes n’est pas discutée par le Parlement, lequel ne se prononce pas davantage sur leur qualité de membre du comité exécutif dudit syndicat. Il n’appartient pas non plus au juge des référés, lequel statue à titre provisoire, de se prononcer sur cette qualité.

16      Cela étant précisé, il est constant, tout d’abord, que le Parlement, ainsi qu’il le reconnaît lui-même dans ses observations, a pris une décision le 24 juin 2013 visant à supprimer les anciens droits d’accès à la messagerie électronique du syndicat SAFE et à en attribuer de nouveaux. La circonstance qu’il aurait agi en compétence liée pour prendre une telle décision, à supposer que ce soit exact, ne rend pas, par elle-même, irrecevable le recours mais serait seulement susceptible de rendre inopérants certains des moyens de fond avancés par les parties requérantes.

17      Ensuite, par le courriel du 26 juin 2013 les parties requérantes « ont constaté que [leurs droits d’]accès à la [messagerie électronique de SAFE avaient] été bloqués », ont dénoncé l’existence d’un « courriel émanant d’un exécutif qui [leur] est inconnu » et ont demandé au Parlement de « rétablir [leurs] droits d’accès ». Par un tel contenu, ledit courriel, par lequel les parties requérantes ont demandé non pas l’ouverture de droits d’accès mais leur réouverture, pourrait, en première analyse, être regardé comme une réclamation dirigée contre l’acte du 24 juin 2013, par lequel les services techniques du Parlement ont supprimé les droits d’accès qui leur étaient préalablement accordés à la messagerie électronique de SAFE.

18      S’agissant, enfin, de la fin de non-recevoir tirée de ce que les parties requérantes seraient dépourvues d’intérêt à agir contre la décision attaquée, il y a lieu, premièrement, de rappeler que le fonctionnaire ou agent a, en principe, un intérêt à agir contre un acte lui faisant grief, c’est-à-dire contre une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de celui-ci en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique (arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Commission/Alvarez Moreno, C‑373/04 P, point 42, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 décembre 2012, Strack/Commission, T‑199/11 P, point 127 ; arrêt du Tribunal du 26 février 2013, Labiri/CESE, F‑124/10, point 42). En matière de liberté syndicale, protégée par les dispositions de l’article 24 ter du statut, un tel intérêt serait constitué à l’encontre d’une mesure qui concernerait directement ce fonctionnaire ou agent dans l’exercice individuel d’un droit syndical, se situant dans la sphère de ses relations individuelles de travail avec l’institution. En d’autres termes, un fonctionnaire ou agent, membre ou représentant d’une organisation syndicale ou professionnelle, ne saurait avoir un intérêt à agir contre un acte ou une mesure qui, sans l’affecter ni directement ni personnellement, n’affecterait que l’intérêt collectif que défend cette organisation syndicale ou professionnelle dans le cadre des relations de celle-ci avec l’institution. Ce n’est que dans le cas où l’atteinte portée à l’organisation syndicale ou professionnelle, qui résulterait de la mesure en cause, pourrait être regardée, eu égard à l’intensité de ses effets, comme privant les membres de cette organisation de l’exercice normal de leurs droits syndicaux, que des fonctionnaires ou agents agissant à titre individuel seraient susceptibles de se prévaloir d’un intérêt à agir contre une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Sergio e.a./Commission, F‑137/07, points 51 et 52). Dans cette seule hypothèse, ce fonctionnaire ou agent serait ainsi susceptible de solliciter utilement l’obtention d’une mesure provisoire à l’effet de lui éviter un préjudice ou l’aggravation d’un préjudice qui l’affecterait directement et personnellement dans ses intérêts en sa qualité de membre ou représentant de l’organisation syndicale ou professionnelle concernée par la mesure en cause.

19      Il convient, deuxièmement, de souligner que les parties requérantes n’attaquent pas, dans leur recours au principal, l’accord-cadre du 12 juillet 1990, mais une décision du Parlement de supprimer leurs droits d’accès à la messagerie électronique du syndicat SAFE.

20      Il y a lieu, troisièmement, de constater que la décision attaquée, relative à l’utilisation en interne d’une messagerie mise à disposition d’un syndicat, est relative aux conditions dans lesquelles les fonctionnaires membres de ce syndicat peuvent exercer leurs droits syndicaux tels que reconnus par les dispositions de l’article 24 ter, lequel reconnaît aux fonctionnaires le droit d’être membres d’une OSP.

21      Quatrièmement, il ressort du dossier et notamment des écritures en défense que la décision attaquée, laquelle a été mise en œuvre « le 24 juin à partir de 18 heures 25 » a produit des effets immédiats sur la situation des parties requérantes.

22      Dans ces conditions, et à première vue, la décision attaquée au principal est susceptible de léser directement et immédiatement les intérêts des parties requérantes en leur qualité de fonctionnaire ou agent, membres supposés du syndicat SAFE.

23      Compte-tenu de tout ce qui précède, le recours au principal n’apparaît pas, à première vue, manifestement irrecevable. La demande de mesure provisoire est donc elle-même recevable.

 Sur les conditions de mise en œuvre de mesures provisoires

24      En vertu de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes de sursis et autres mesures provisoires doivent spécifier, notamment, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi des mesures auxquelles elles concluent.

25      Selon une jurisprudence constante, les conditions relatives à l’urgence et à l’apparence de bon droit de la demande (fumus boni juris) sont cumulatives, de sorte qu’une demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut (ordonnance du président du Tribunal du 3 juillet 2008, Plasa/Commission, F‑52/08 R, point 21, et la jurisprudence citée). Il incombe également au juge des référés de procéder à la mise en balance des intérêts en cause (ordonnance du président du Tribunal du 15 février 2011, de Pretis Cagnodo et Trampuz de Pretis Cagnodo/Commission, F‑104/10 R, point 16).

26      Dans les circonstances de l’espèce, il y a tout d’abord lieu d’examiner si les conditions relatives à l’urgence et à la mise en balance des intérêts, qu’il convient d’examiner ensemble, sont remplies.

27      À cet égard, selon une jurisprudence bien établie, la finalité de la procédure en référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice, mais de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Pour atteindre ce dernier objectif, il faut que les mesures sollicitées soient urgentes en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elles soient prononcées et produisent leurs effets dès avant la décision au principal [ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), point 62; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 10 septembre 1999, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99 R, point 25].

28      Dans le même ordre d’idées, la mesure ordonnée par le juge des référés doit être provisoire, en ce sens qu’elle ne préjuge pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralise par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 7 juillet 1998, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98 R, point 34).

29       En outre, c’est à la partie qui demande l’octroi de mesures provisoires qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 19 décembre 2002, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02 R, point 27).

30      Il convient également de préciser que le juge des référés, dans le cadre de l’appréciation de la condition d’urgence, ne saurait prendre en compte un préjudice grave et irréparable allégué que dans la mesure où il est susceptible d’être occasionné aux intérêts de la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 21 mai 2001, Schaefer/Commission, T‑52/01 R, point 47 ; ordonnance du président du Tribunal du 14 juillet 2010 Bermejo Garde/CESE, F‑41/10 R, point 28).

31      Il y a lieu, enfin, ainsi qu’il a été dit au point 18 ci-dessus, de rappeler qu’en matière de liberté syndicale, un fonctionnaire ou agent serait susceptible de solliciter utilement l’obtention d’une mesure provisoire à l’effet de lui éviter un préjudice ou l’aggravation d’un préjudice qui l’affecterait directement et personnellement dans ses intérêts en sa qualité de membre ou représentant de l’organisation syndicale ou professionnelle que dans la seule mesure où la mesure provisoire sollicitée serait de nature, par ses effets, à préserver l’exercice normal de ses droits syndicaux.

32      En l’espèce, pour justifier de l’urgence à demander de « bloquer temporairement la [messagerie électronique] mise par le Parlement […] à disposition du syndicat SAFE », les requérants font valoir que la procédure électorale en vue du renouvellement du comité du personnel, pour lequel la date du premier tour de scrutin a été fixée au 14 octobre 2013, est ouverte depuis le 13 septembre 2013 et qu’au vu du calendrier électoral, et afin de garantir le respect des principes démocratiques, « l’urgence existe et est même absolue ». Ils dénoncent la situation de confusion dans laquelle SAFE et les électeurs se trouvent depuis que « certaines personnes se présentant, à tort, comme habilitées à s’exprimer et à agir au nom de SAFE [disposent de la messagerie électronique] dont bénéficie [celui-ci] en tant que syndicat représentatif, alors que ‘la ligne politique’ qu’elles défendent […] n’est manifestement pas celle arrêtée démocratiquement par la majorité des membres du syndicat ». Ils soutiennent que « les dirigeants légitimes de SAFE seront réduits au silence, en tout cas dans le système de messagerie électronique du Parlement européen ». Ils estiment ainsi qu’en l’absence d’une fermeture provisoire de la messagerie électronique de SAFE, « toute la campagne électorale sera faussée et cela pourrait déboucher sur une annulation du scrutin, avec tout ce que cela comportera de préjudiciable pour l’action syndicale au sein du Parlement ». Ils affirment ainsi que faute de mesure provisoire, « le discrédit qui s’en suivra pour les requérants, et accessoirement pour le syndicat SAFE sera, sinon irréparable, du moins difficilement réparable à court et moyen terme ». Pour les requérants, « devant l’impossibilité d’obtenir avant le démarrage de la campagne électorale l’annulation de la décision du secrétaire général [de supprimer leurs droits d’accès], la seule mesure susceptible de permettre le déroulement des opérations électorales dans des conditions satisfaisantes de sincérité et de clarté […] consisterait donc à ‘réduire au silence’ provisoirement la [messagerie électronique] de SAFE ».

33      À cet égard, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que les parties requérantes ne sollicitent pas la suspension de la décision qu’a prise l’AIPN à leur encontre de supprimer leurs droits d’accès à la messagerie électronique de SAFE mais de « bloquer » temporairement l’accès à cette messagerie pour l’ensemble de ses utilisateurs, y compris donc pour eux-mêmes. À supposer que les accès à la messagerie électronique de SAFE soient temporairement bloqués pour l’ensemble de ses utilisateurs, une telle mesure ne saurait de toute évidence éviter le préjudice qui résulterait pour les parties requérantes de ne plus avoir accès à cette messagerie. En outre, elle équivaudrait à supprimer les droits d’accès des autres membres supposés du comité exécutif présidé par M. Ciuffreda, ce qui serait de nature à préjuger de l’issue du recours au principal, lequel recours met en cause précisément la légitimité des fonctions exercées par ces derniers au sein dudit comité.

34      Dans le même sens, il convient de constater que les parties requérantes pour établir le « discrédit » préjudiciable qui résulterait pour eux de l’utilisation de la messagerie électronique du syndicat SAFE par « certaines personnes se présentant, à tort, comme habilitées à s’exprimer et à agir au nom de [ce syndicat] », se placent dans l’hypothèse où lesdites personnes seraient effectivement illégitimes à agir au nom dudit syndicat, alors que les parties requérantes auraient cette légitimité. Or, reconnaître, dans le cadre de la présente instance en référé, l’existence d’un tel préjudice reviendrait une fois encore à préjuger du fond du recours.

35      Les parties requérantes ont, également, entendu, par la mesure sollicitée, éviter que SAFE et les électeurs ne souffrent de la situation de confusion créée par des « personnes se présentant, à tort, comme habilitées à s’exprimer et à agir au nom de SAFE » en utilisant la messagerie électronique du syndicat. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 30 ci-dessus, le juge des référés ne saurait prendre en compte un préjudice que dans la mesure où il serait susceptible de léser l’intérêt de la partie sollicitant la mesure provisoire. Les parties requérantes ne peuvent donc utilement se prévaloir du préjudice qui résulterait pour les électeurs ou pour SAFE, eu égard à l’intérêt collectif de ses membres, de ne pas bloquer temporairement les droits d’accès à la messagerie électronique du syndicat.

36      Enfin, il y a lieu d’ajouter que, lorsque, dans le cadre d’une demande de mesures provisoires, le juge des référés, devant lequel est alléguée l’existence d’un risque pour le demandeur de subir un préjudice grave et irréparable, doit mettre en balance, en tout état de cause, les différents intérêts en présence. Or, d’une part, il ne ressort pas du dossier, et il n’est pas même allégué, que les parties requérantes, dans l’exercice de leurs activités syndicales, ne peuvent utiliser les autres moyens de communication mis à disposition de leur syndicat ni ne peuvent avoir accès, en leur nom personnel, en tant que fonctionnaire ou agent de l’institution, à une messagerie électronique interne.

37      D’autre part, la mesure envisagée aurait pour effet de priver une des OSP du personnel du Parlement, en l’occurrence le syndicat SAFE, de l’un de ses moyens essentiels de communication. Une telle mesure serait ainsi susceptible d’affaiblir un tel syndicat par rapport aux autres et ne permettrait pas au Parlement d’assurer le bon déroulement des opérations électorales en garantissant leur impartialité et un traitement égalitaire entre les différentes OSP de son personnel. La mesure provisoire sollicitée est donc, en l’espèce, par ses effets sur la procédure électorale, de nature à préjudicier aux obligations du Parlement, chargé d’assurer la régularité et le contrôle des opérations électorales au comité du personnel. Elle ne saurait ainsi, en tout état de cause, être regardée, comme le prétendent les parties requérantes, comme de nature à éviter que le scrutin ne soit faussé.

38      Dans la mesure où il n’est pas contesté que le syndicat SAFE est, ainsi que le fait remarquer le Parlement, une composante importante de la représentation du personnel au sein de cette institution, les conséquences pour le Parlement qu’entraînerait la mesure provisoire sollicitée apparaissent, dans les circonstances de l’espèce, manifestement disproportionnées au regard des avantages que les parties requérantes obtiendraient par la mesure en cause.

39      Compte tenu de tout ce qui précède, la condition de l’urgence n’est pas établie et, en tout état de cause, le résultat de la mise en balance des intérêts en présence penche en faveur du Parlement. Les conclusions de la présente demande en référé doivent donc être rejetées, sans qu’il y ait lieu d’examiner la condition relative au fumus boni juris.

 Sur les dépens

40      L’article 86 du règlement de procédure prévoit qu’il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance, ce qui s’entend comme étant la décision mettant fin à l’instance au principal (ordonnance Bermejo Garde/CESE, précitée, point 91, et la jurisprudence citée).

41      Par suite, il y a lieu de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

ordonne :

1)      La demande en référé présentée par MM.  Colart, Bras, Corthout, Decoutere, Dony, Garzone, Manzela et Vienne ainsi que par Mme Kemmerling-Linssen est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 2 octobre 2013.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch

ANNEXE

Jean-Marie Bras, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),

Sven Corthout, demeurant à Antwerpen (Belgique),

Dominiek Decoutere, demeurant à Wolwerange (Luxembourg)

Guy Dony, demeurant à Waterloo (Belgique),

Luigi Garzone, demeurant à Strasbourg (Belgique),

Yvonne Kemmerling-Linssen, demeurant à Ettelbruck (Luxembourg),

Giovanni Manzella, demeurant à Luxembourg,

Philippe Vienne, demeurant à Sandweiler (Luxembourg).


* Langue de procédure : le français.