Language of document : ECLI:EU:T:2007:87

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 mars 2007 (*)

« Fonctionnaires – Nomination – Révision du classement en grade et en échelon – Application de la jurisprudence de la Cour – Article 5, article 31, paragraphe 2, article 32, deuxième alinéa, articles 45 et 62 du statut »

Dans l’affaire T‑430/03,

Iosif Dascalu, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mmes C. Berardis-Kayser, L. Lozano Palacios et M. H. Krämer, puis par Mme Berardis-Kayser et M. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation des décisions de la Commission en date des 23 décembre 2002 et 14 avril 2003 portant modification du classement en grade du requérant, pour autant que celles-ci fixent son classement en échelon, à la date de sa nomination, au grade A 6, premier échelon, qu’elles fixent au 5 octobre 1995 la date à laquelle elles prennent leurs effets pécuniaires et qu’elles n’ont pas reconstitué la carrière en grade du requérant, et, pour autant que de besoin, une demande d’annulation des décisions portant rejet des réclamations du requérant et, d’autre part, une demande visant à la réparation du préjudice allégué découlant de ces décisions,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 5, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable jusqu’au 30 avril 2004 (ci‑après le « statut ») dispose :

« Les fonctionnaires appartenant à une même catégorie […] sont soumis […] à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

2        L’article 25, deuxième alinéa, du statut dispose :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

3        L’article 31 du statut prévoit :

« 1.      Les candidats […] choisis sont nommés :

–        fonctionnaires de la catégorie A […] : au grade de base de leur catégorie […]

[…]

2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions […] ci-[dessus], dans les limites suivantes :

[…]

b)       pour les autres grades [que les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison :

–        d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

–        de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.

[…] »

4        L’article 32 du statut indique :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade ; cette bonification ne peut excéder […] 48 mois dans les autres grades [que les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4].

[…] »

5        L’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie […] [à laquelle] il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet.

Ce minimum d’ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base de leur […] catégorie, de six mois à compter de leur titularisation ; il est de deux ans pour les autres fonctionnaires. »

6        L’article 62 du statut énonce :

« Dans les conditions fixées à l’annexe VII et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination.

Il ne peut renoncer à ce droit.

Cette rémunération comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités. »

7        Par décision interne du 1er septembre 1983, publiée aux Informations administratives n° 420, du 21 octobre 1983, la Commission a précisé les critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement des fonctionnaires en application des articles 31 et 32 du statut.

8        L’article 2, premier alinéa, de la décision du 1er septembre 1983, prévoit :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté. »

9        À la suite de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683), un alinéa a été ajouté après le premier alinéa de l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983 par décision de la Commission du 7 février 1996. Ce nouvel alinéa est rédigé comme suit :

« Par exception à ce principe, [l’autorité investie du pouvoir de nomination] peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. »

10      L’article 2, troisième alinéa, de la décision du 1er septembre 1983 fixe la durée minimale d’expérience professionnelle pour le classement au premier échelon dans le grade de base de chaque carrière. Elle est de douze ans pour le grade A 5 et de 3 ans pour le grade A 7. Selon le sixième alinéa du même article, l’expérience professionnelle doit pouvoir être mise en oeuvre dans un des secteurs d’activité de la Commission.

11      Conformément à l’article 3 de la décision du 1er septembre 1983, pour tenir compte de l’expérience professionnelle dépassant celle indiquée à l’article 2, troisième alinéa, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») accorde, sous réserve des maximums prévus à l’article 32 du statut, une bonification d’ancienneté d’échelon selon un tableau figurant à l’annexe II. Cette annexe fixe le rapport entre le nombre de mois de bonification à accorder et le nombre d’années d’expérience professionnelle.

12      L’article 4 de la décision du 1er septembre 1983 prévoit la création d’un comité paritaire de classement, chargé de formuler des avis sur le classement à l’attention de l’AIPN. Cette dernière arrête ses décisions de classement après avis de ce comité.

13      L’article 10 de la décision du 1er septembre 1983 dispose que ladite décision entre en vigueur le 1er septembre 1983 et qu’elle annule et remplace la décision du 6 juin 1973.

14      La direction générale (DG) « Personnel et administration » de la Commission a publié un guide administratif relatif au classement des nouveaux fonctionnaires et autres agents de la Commission (ci-après le « guide administratif »). Le guide administratif précise qu’il est conçu pour être un instrument d’information et de référence décrivant les règles existantes et qu’il n’est pas un document juridiquement contraignant.

15      Le guide administratif indique également que, pour trouver les meilleurs candidats et les faire bénéficier d’un grade supérieur, le comité paritaire de classement attache une importance toute particulière aux éléments suivants : niveau et pertinence des qualifications et des diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ; niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission ; durée de l’expérience professionnelle en liaison avec le poste proposé ; pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ; particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier). Il est précisé que les critères les plus importants pour justifier le classement à un grade supérieur consistent d’abord dans le bénéfice que la Commission peut tirer de l’expérience professionnelle du futur collaborateur et ensuite dans la durée de cette expérience.

16      Par ailleurs, le guide administratif prévoit que, en cas de nomination au grade supérieur d’une carrière (A 6, B 4, C 4), l’échelon est déterminé en fonction de la valeur accordée aux paramètres cités dans le paragraphe précédent. À cet égard, il est mentionné que l’échelon le plus élevé susceptible d’être obtenu pour le grade A 6 est le troisième échelon.

 Antécédents du litige

17      Lauréat du concours COM/A/469, le requérant a été nommé à la Commission, en qualité de fonctionnaire stagiaire, le 16 janvier 1989, au grade A 7, troisième échelon, et affecté à la DG « Union douanière et fiscalité indirecte ».

18      Par décision du 17 mars 1989, l’AIPN a fixé son classement définitif au grade A 7, troisième échelon (ci-après la « décision initiale de classement »), avec effet au 16 janvier 1989.

19      Le requérant a été titularisé dans son emploi par décision de l’AIPN du 18 octobre 1989.

20      À la suite de la modification de l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983 visée au point 9 ci-dessus, le requérant a introduit auprès de l’AIPN, le 21 février 1996, une demande en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, en vue d’un classement au grade supérieur de la carrière A 7/A 6.

21      Cette demande ayant été rejetée par décision de l’AIPN du 12 juin 1996, le requérant a, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation le 9 septembre 1996.

22      Cette réclamation ayant également été rejetée par décision de l’AIPN du 27 décembre 1996, le requérant a, le 24 avril 1997, introduit un recours en annulation contre cette décision, enregistré sous la référence T‑91/97.

23      Ce recours faisant partie d’une série de recours ayant un objet identique, le Tribunal a suspendu les autres affaires dans l’attente de la décision à intervenir dans l’affaire T-160/97.

24      Par ordonnance du 19 août 1998, Gevaert/Commission (T‑160/97, RecFP p. I‑A‑465 et II‑1363), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable. Les autres requérants se sont désistés à la suite de cette ordonnance.

25      Sur pourvoi contre l’ordonnance Gevaert/Commission, précitée, la Cour a, par arrêt du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission (C‑389/98 P, Rec. p. I‑65), annulé l’ordonnance du Tribunal. Conformément à un engagement de sa part en ce sens, la Commission a retiré sa décision rejetant la demande de reclassement présentée par le requérant et réexaminé la demande de reclassement d’une série de fonctionnaires, dont celle du requérant.

26      Après réexamen du dossier du requérant, la Commission, par décision du 23 décembre 2002, a classé l’intéressé au grade A 6, premier échelon, avec effet au 16 janvier 1989 (ci-après la « première décision attaquée »). Cette décision précisait toutefois que, si elle devait entraîner des effets pécuniaires en faveur du requérant, ceux-ci seraient comptés à partir de la date du 5 octobre 1995, date à laquelle a été prononcé l’arrêt Alexopoulou/Commission, précité. L’AIPN indiquait également qu’elle avait donné l’instruction de traduire la première décision attaquée dans les divers actes qui en découleraient.

27      Conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a introduit auprès de l’AIPN, le 9 avril 2003, une réclamation à l’encontre de la première décision attaquée, complétée par une note ampliative du 12 avril 2003. Par cette réclamation, le requérant demandait la révision de son classement et estimait devoir être classé, à la date de sa nomination, au grade A 6, troisième échelon.

28      Le 14 avril 2003, l’AIPN a adopté une décision (ci-après la « deuxième décision attaquée ») par laquelle elle confirmait, tout d’abord, que le classement du requérant, à la date de sa nomination, était révisé et fixé au grade A 6, premier échelon, à la date du 16 janvier 1989. L’AIPN indiquait, ensuite, que son classement ultérieur était révisé et fixé au grade A 5, deuxième échelon, à la date du 1er avril 1996 (ancienneté d’échelon à compter du 1er janvier 1995) et au grade A 4, deuxième échelon, à la date du 1er janvier 2001 (ancienneté d’échelon à compter du 1er avril 2000). La décision précisait enfin que cette révision produirait ses effets pécuniaires à partir de la date du 5 octobre 1995.

29      Conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a, le 19 août 2003, introduit auprès de l’AIPN une réclamation à l’encontre de la deuxième décision attaquée. Le requérant demandait principalement à bénéficier d’un classement initial au grade A 6, troisième échelon, d’une reconstitution de sa carrière et de la fixation des effets pécuniaires de la deuxième décision attaquée à la date de sa nomination, soit le 16 janvier 1989. Le requérant invoquait également, dans l’hypothèse où la Commission se trouverait dans l’impossibilité de reconstituer sa carrière en grade, le droit à percevoir une indemnité, qu’il évaluait provisoirement à la somme de 125 000 euros, pour le préjudice subi.

30      Par décision de l’AIPN du 4 septembre 2003, notifiée le 11 septembre suivant, la réclamation du requérant du 9 avril 2003 a été rejetée.

31      Une décision implicite de rejet de la réclamation du requérant est intervenue le 19 décembre 2003.

32      Par décision explicite du 15 janvier 2004, notifiée au requérant le 26 janvier suivant, l’AIPN a rejeté la réclamation du 19 août 2003.

 Procédure et conclusions des parties

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, qui y ont répondu dans le délai imparti.

35      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience publique du 13 juillet 2006.

36      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée en ce qu’elle l’a classé au grade A 6, premier échelon, au lieu du grade A 6, troisième échelon ;

–        annuler la deuxième décision attaquée en ce qu’elle n’a pas fixé son classement au moment de sa nomination au grade A 6, troisième échelon, en ce qu’elle n’a pas reconstitué sa carrière en grade en avançant la date de ses promotions aux grades A 5 et A 4 et en ce qu’elle fixe le point de départ de ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995 ;

–        annuler, pour autant que de besoin, les décisions portant rejet des réclamations du requérant ;

–        condamner la Commission au paiement d’une indemnité fixée provisoirement à une somme de 125 000 euros dans l’hypothèse où elle serait dans l’impossibilité de reconstituer la carrière en grades du requérant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur les conclusions visant à l’annulation des décisions attaquées pour autant que celles-ci fixent le classement en échelon du requérant, à la date de sa nomination, au grade A 6, premier échelon

 Sur la recevabilité

–       Arguments des parties

38      La Commission considère ces conclusions comme étant irrecevables et soutient que c’est de manière tardive que le requérant a demandé un classement au grade A 6, troisième échelon, à savoir uniquement dans la réclamation qu’il a introduite auprès de l’AIPN le 9 avril 2003. Selon la Commission, une telle demande, formulée dans des termes clairs et non équivoques visant spécifiquement l’octroi du grade A 6, troisième échelon, aurait dû être introduite dans un délai raisonnable à compter de l’adoption de la décision interne de 1996, modifiant la décision du 1er septembre 1983. À cet égard, elle ajoute que les contestations du requérant quant au refus du classement au grade supérieur de sa carrière, antérieurement à l’adoption des décisions attaquées, n’étaient pas suffisantes, puisque les décisions portant sur le classement en grade et celles afférentes à la bonification d’échelon ont des contenus distincts.

39      Le requérant soutient, au contraire, que ces conclusions sont recevables, puisque ce n’est que par la première décision attaquée qu’il a pris connaissance du fait qu’il ne lui serait accordé que le grade A 6, premier échelon. Il fait tout d’abord observer que, le grade étant statutairement octroyé avant l’échelon, lequel dépend aussi du critère sur la base duquel a été octroyé le grade, il n’était ni en mesure ni obligé de déposer une demande de bonification d’ancienneté d’échelon avant d’avoir obtenu son reclassement au grade supérieur de la carrière. Il rappelle, ensuite, que l’octroi d’un échelon est automatique de sorte qu’il ne nécessite aucune demande préalable. Le requérant souligne enfin que la décision initiale de classement lui ayant octroyé le grade A 7, troisième échelon, il n’avait aucune raison de penser qu’il en serait autrement dans l’hypothèse où, conformément à ses demandes, un classement au grade supérieur de sa carrière lui aurait été accordé.

–       Appréciation du Tribunal

40      En ce qui concerne l’irrecevabilité invoquée à titre principal par la Commission, il y a lieu de relever que, eu égard au chevauchement partiel des critères pris pour l’octroi d’un classement au grade supérieur de la carrière et de l’échelon, notamment pour ce qui concerne la durée de l’expérience professionnelle acquise, une demande visant à ce que l’AIPN procède à l’examen des éventuelles qualifications exceptionnelles d’un fonctionnaire, aux fins de réviser son classement en grade, au moment de sa nomination, au grade supérieur de sa carrière, emporte nécessairement une demande de réexamen de l’échelon attribué audit fonctionnaire par la décision initiale de classement.

41      En l’espèce, il est constant que le requérant a, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, introduit auprès de l’AIPN, le 15 février 1996, une demande expresse en vue uniquement d’un classement au grade supérieur de la carrière A 7/A 6 et que cette demande a été rejetée le 12 juin 1996 par décision de l’AIPN. Cependant, à cette occasion, l’AIPN devait également vérifier si l’expérience professionnelle antérieure du requérant était suffisamment valorisée par l’octroi du grade A 6, premier échelon.

42      Dans ces conditions, l’AIPN ne peut se prévaloir de la circonstance que le requérant n’aurait fait mention que dans la réclamation introduite le 9 avril 2003 de sa demande tendant à bénéficier du grade A 6, troisième échelon, pour lui opposer une fin de non-recevoir.

43      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la Commission à l’égard du premier chef de conclusions ne peut qu’être écartée.

44      Au fond, le requérant invoque, en substance, trois moyens tirés, respectivement, de la méconnaissance de l’obligation de motivation, de la violation des décisions de la Commission, du 6 juin 1973 et du 1er septembre 1983, relatives aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon et de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

45      Le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir motivé les décisions attaquées pour autant que celles-ci ont refusé de lui attribuer une bonification d’ancienneté d’échelon pour la durée de son expérience professionnelle dépassant celle prise en compte pour la détermination du grade au moment de la nomination. Il ajoute que la motivation erronée de ces décisions étant explicitement contredite par la Commission dans ses écritures, l’on ne saurait en déduire que l’AIPN a exposé de manière claire et non équivoque les raisons qui l’ont amenée à refuser l’octroi d’une bonification d’ancienneté d’échelon.

46      La Commission conteste cette argumentation. Elle expose que la décision portant rejet de la première réclamation du requérant a fait apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement au terme duquel elle lui a refusé le bénéfice d’une bonification d’ancienneté d’échelon. S’agissant du caractère prétendument erroné de la motivation, la Commission rappelle que cette question relève de l’appréciation du bien-fondé des décisions attaquées.

–       Appréciation du Tribunal

47      Selon la jurisprudence, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, points 39 et 40 ; arrêts du Tribunal du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 27, et du 6 octobre 2004, Vicente‑Nuñez/Commission, T‑294/02, RecFP p. I‑A‑283 et II‑1279, point 41).

48      Il convient de rappeler, en outre, qu’une décision de classement présente des analogies avec une décision de promotion, ce qui justifie de transposer, aux décisions portant classement en grade, les principes régissant l’obligation de motivation des décisions en matière de promotion. À cet égard, il est de jurisprudence constante, d’une part, que la motivation peut être utilement fournie au stade de la décision statuant sur la réclamation et, d’autre part, qu’il suffit qu’elle porte sur la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure et sur le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à l’égard du fonctionnaire concerné, sans que, en particulier, soit exigée la révélation de l’appréciation comparative que l’AIPN a effectuée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 121 ; du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, RecFP p. I‑A‑311 et II‑1437, point 120 ; du 16 février 2005, Aycinena/Commission, T‑284/03, non encore publié au Recueil, point 33, et du 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 55).

49      En l’espèce, il y a lieu d’observer que la décision du 4 septembre 2003 rejetant la réclamation du requérant expose notamment que, à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, l’AIPN a procédé à un nouvel examen du dossier de classement à l’entrée en service du requérant et que, à l’issue de cet examen, elle a décidé de le classer au grade A 6, premier échelon, avec effet au 16 janvier 1989, date de son recrutement.

50      Ensuite, il y est précisé que l’article 3 de la décision du 1er septembre 1983 renvoie à un tableau établissant des bonifications d’échelon pour un fonctionnaire recruté au grade A 7, mais ne s’appliquant pas à un fonctionnaire recruté au grade A 6, et que, si l’AIPN a considéré injustifié d’accorder à l’intéressé plus que le premier échelon du grade supérieur, c’est parce qu’elle « a estimé que, par rapport aux recrutements à la Commission et notamment ceux ayant bénéficié d’un classement au grade supérieur, l’intensité d’exceptionnalité d’indices lui permettait d’accorder le 1er échelon [au requérant] et que l’attribution de cet échelon reflète un classement approprié ».

51      Pour autant que cette motivation soit à considérer comme insuffisante, comme le soutient le requérant, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en cas d’insuffisance de motivation, des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d’instance (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, point 26 ; du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T‑16/94, RecFP p. I‑A‑103 et II‑335, point 36 ; du 16 octobre 1996, Benecos/Commission, T‑37/94, RecFP p. I‑A‑461 et II‑1301, point 46 ; du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T‑71/96, RecFP p. I‑A‑339 et II‑921, point 79, voir, également, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, Rec. p. I‑7597, point 29, et arrêt du Tribunal du 26 janvier 2000, Gouloussis/Commission, T‑86/98, RecFP p. I‑A‑5 et II‑23, point 79.

52      À cet égard, il est possible de prendre en compte, d’une part, les indications exposées dans la décision du 15 janvier 2004 portant rejet de la seconde réclamation du requérant et, d’autre part, les précisions fournies par la Commission dans ses écritures, dont il ressort que, si l’AIPN a considéré ne pas pouvoir accorder à l’intéressé plus que le grade A 6, premier échelon, c’est qu’elle estimait avoir déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé pour déroger au principe du recrutement au grade de base et le classer au grade supérieur.

53      Il s’ensuit que le moyen, tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation, doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation des décisions de la Commission, du 6 juin 1973 et du 1er septembre 1983, relatives aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon

–       Arguments des parties

54      Le requérant allègue, à titre principal, que la modification de la décision du 1er septembre 1983, intervenue en 1996, par laquelle la Commission a réinstauré la possibilité de classer des fonctionnaires nouvellement recrutés au grade supérieur de la carrière, a pour conséquence que les conditions fixées dans la décision du 6 juin 1973 pour bénéficier d’une bonification d’échelon pour les fonctionnaires de grade A 6 sont à nouveau applicables. Cette interprétation impliquerait que le requérant a droit à être classé au grade A 6, troisième échelon, lequel, conformément à la décision du 6 juin 1973, serait attribué à tout fonctionnaire nouvellement recruté pouvant faire valoir au moins douze années d’expérience professionnelle antérieurement à son recrutement.

55      À titre subsidiaire, le requérant invoque l’application par analogie, aux fonctionnaires recrutés au grade A 6, des conditions fixées par la décision du 1er septembre 1983 pour l’attribution d’une bonification d’échelon aux fonctionnaires de grade A 7. Ainsi, toute expérience professionnelle supérieure à trois ans, acquise antérieurement au recrutement, devrait être valorisée sous forme d’une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade A 6. Le requérant estime toutefois que, s’agissant des fonctionnaires nommés au grade supérieur de leur carrière, ce n’est évidemment que la durée de l’expérience professionnelle qui n’a pas été prise en compte aux fins du reclassement en grade qui doit être comptabilisée pour une éventuelle bonification d’ancienneté d’échelon.

56      Dès lors, selon le requérant, en ne lui accordant aucune bonification d’échelon, alors qu’il peut faire valoir treize années d’expérience professionnelle antérieures à son recrutement, la Commission aurait méconnu, dans les deux décisions attaquées, tant la décision du 6 juin 1973 que celle du 1er septembre 1983.

57      Le requérant considère que le guide administratif a également été méconnu.

58      Enfin, il soutient que, en se fondant sur le « faisceau d’indices » retenu pour l’examen de son classement au grade supérieur de la carrière pour rejeter sa demande visant à l’attribution du grade A 6, troisième échelon, l’AIPN a, dans la décision portant rejet de sa réclamation du 9 avril 2003, commis une erreur de droit, le seul critère devant être retenu pour accorder une bonification d’ancienneté d’échelon étant, selon lui, la durée de l’expérience professionnelle.

59      Dans le mémoire en défense, la Commission rappelle, en premier lieu, que la décision du 6 juin 1973 a été abrogée par la décision du 1er septembre 1983, sans que la modification de 1996 ait modifié cette situation juridique. Elle ajoute qu’elle n’était pas non plus tenue, à la suite de la modification de 1996, de réintroduire les conditions d’attribution du classement en échelon prévues par la décision du 6 juin 1973, lequel dépendait d’un nombre fixe d’années d’expérience professionnelle.

60      La Commission rejette, en second lieu, la prétention du requérant relative à l’application par analogie aux fonctionnaires classés au grade A 6 des conditions dans lesquelles une bonification d’ancienneté d’échelon est attribuée aux fonctionnaires de grade A 7.

61      Elle fait observer que la bonification d’ancienneté d’échelon dépend uniquement de l’expérience professionnelle. En revanche, la faculté de recruter un fonctionnaire au grade supérieur de la carrière, en application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, repose sur plusieurs facteurs interdépendants, dont l’expérience professionnelle, lui permettant d’atteindre le « seuil d’exceptionnalité ». Par conséquent, la Commission estime qu’il existe un chevauchement entre l’article 31, paragraphe 2, et l’article 32, deuxième alinéa, du statut, dans la mesure où la durée de l’expérience professionnelle est prise en considération dans le cadre de l’application de chacune de ces dispositions. À cet égard, la Commission souligne que le poids du facteur de l’expérience professionnelle est différent pour l’appréciation de l’éventuelle application des deux dispositions précitées à la situation d’un fonctionnaire donné.

62      Ainsi, selon la Commission, lorsque le niveau des facteurs pertinents, autres que la durée de l’expérience professionnelle, est tellement élevé que le seuil d’exceptionnalité est atteint sans que la durée de cette expérience soit entièrement valorisée dans ce cadre, une bonification d’ancienneté d’échelon demeure possible, tout en étant soumise au pouvoir d’appréciation de l’AIPN. Il en serait de même lorsque la durée de l’expérience professionnelle est tellement élevée qu’elle ne peut être considérée comme étant entièrement valorisée dans le cadre de l’appréciation du seuil d’exceptionnalité au titre de l’article 31, paragraphe 2, du statut. En revanche, en dehors de ces cas de figure, une bonification d’ancienneté d’échelon serait, en principe, exclue. L’application du guide administratif ne saurait, de l’avis de la Commission, remettre en cause ces principes.

63      De plus, la Commission considère que l’application par analogie souhaitée par le requérant aurait pour conséquence de prendre en compte doublement une même période d’expérience professionnelle, de manière contraire au principe de l’égalité de traitement.

64      Enfin, la Commission précise que c’est en raison de l’interdépendance partielle des indices permettant le classement au grade supérieur de la carrière et de celui applicable pour la bonification d’échelon, à savoir la durée de l’expérience professionnelle, que l’on ne saurait, pour les fonctionnaires classés au grade supérieur de la carrière A 7/A 6, évaluer de manière « forfaitaire » la durée de l’expérience professionnelle aux fins de la bonification d’ancienneté d’échelon dans le cadre d’une directive interne, comme c’est le cas pour les fonctionnaires classés au grade de base de cette carrière.

65      En l’espèce, la Commission rappelle que l’AIPN a estimé ne pas pouvoir accorder au requérant un grade supérieur au grade A 6, premier échelon, parce qu’elle avait déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de celui-ci pour le classer, à titre exceptionnel, au grade supérieur de la carrière.

–       Appréciation du Tribunal

66      À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à l’article 10 de la décision du 1er septembre 1983 (voir point 13 ci-dessus), ladite décision « annule et remplace » la décision interne du 6 juin 1973. Donc, la modification de cette décision par la décision du 7 février 1996 n’a pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient le requérant, de rendre à nouveau applicables les dispositions de la décision du 6 juin 1973 relatives aux conditions d’attribution de la bonification d’ancienneté d’échelon.

67      Pour apprécier si la Commission était en droit de prendre en compte, pour l’attribution d’échelons, la circonstance qu’elle a accordé, à titre exceptionnel, le grade supérieur de la carrière à un fonctionnaire nouvellement recruté, il y a lieu de se référer au cadre juridique pertinent, constitué par les articles 31 et 32 du statut.

68      À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’AIPN la faculté de nommer le candidat sélectionné au grade supérieur de la carrière. Selon une jurisprudence constante, cette faculté doit, toutefois, être comprise comme une exception aux règles générales de classement (voir arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, point 32, et la jurisprudence citée).

69      Il résulte, en outre, de la jurisprudence que l’AIPN n’est pas tenue d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut, même en présence d’un candidat sélectionné possédant des qualifications exceptionnelles (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, ci-après l’« ordonnance Alexopoulou », points 36 et 38, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 56). En effet, les fonctionnaires et agents nouvellement recrutés, même s’ils réunissent les conditions pour pouvoir être nommés au grade supérieur de la carrière, n’ont pas pour autant un droit subjectif à une telle nomination (ordonnance Alexopoulou, point 43).

70      L’article 31, paragraphe 2, du statut a notamment pour finalité de permettre à l’institution concernée, dans le cas d’espèce à la Commission en sa qualité d’employeur, de s’attacher les services d’une personne qui pourrait, dans le contexte du marché du travail, faire l’objet de sollicitations d’autres employeurs. La faculté de recourir à l’article 31, paragraphe 2, donne ainsi à l’AIPN la possibilité d’accorder, à titre exceptionnel, au candidat sélectionné qui le mérite, des conditions plus attrayantes afin de se réserver ses services (ordonnance Alexopoulou, point 38).

71      Il y a lieu de rappeler, en second lieu, que l’article 32 du statut dispose que le fonctionnaire est recruté au premier échelon de son grade. Toutefois, l’AIPN peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade. Cette bonification ne peut excéder 48 mois dans les grades autres que A 1 à A 4.

72      C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner si l’AIPN a commis une illégalité en fixant, par les décisions attaquées, le classement du requérant au grade A 6, premier échelon, avec effet au 16 janvier 1989, date de sa nomination, alors que celui-ci fait valoir une expérience professionnelle antérieure de treize années.

73      Le requérant soutient, en substance, que, pour rejeter sa demande visant à l’attribution du grade A 6, troisième échelon, l’AIPN a commis une erreur de droit. Le seul critère qui devait être pris en compte pour l’octroi d’une bonification d’ancienneté d’échelon était, selon lui, la durée de l’expérience professionnelle. Il estime avoir droit à être classé au grade A 6, troisième échelon.

74      À cet égard, il convient de rappeler d’abord que, aux termes de la décision initiale de classement, le classement du requérant a été fixé à la date de son recrutement au grade A 7, troisième échelon.

75      Il y a lieu de relever encore que, à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, l’AIPN a, par la première décision attaquée, réexaminé la situation administrative de l’intéressé et fixé son classement dès le recrutement au grade A 6, premier échelon. Dans ces conditions, il convient de considérer que, pour estimer que la nomination du requérant au grade supérieur de la carrière était justifiée, l’administration a nécessairement procédé à l’évaluation de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle du requérant.

76      Le juge communautaire a, à plusieurs reprises, examiné, sans la critiquer, l’utilisation des critères relatifs à la formation et à l’expérience professionnelle non seulement pour la bonification en échelon, mais aussi pour la nomination au grade supérieur de la carrière (arrêts Wasmeier/Commission, précité, points 61 et 62 ; Chawdhry/Commission, précité, point 59, et Aycinena/Commission, précité, point 67).

77      Selon une jurisprudence constante, l’AIPN jouit d’un large pouvoir d’appréciation, dans le cadre fixé par l’article 31 et par l’article 32, deuxième alinéa, du statut, en vue d’apprécier les expériences professionnelles antérieures d’une personne recrutée comme fonctionnaire, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir (arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, De Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission, 314/86 et 315/86, Rec. p. 6013, point 26 ; arrêts du Tribunal du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T‑2/90, Rec. p. II‑103, point 56, et Aycinena/Commission, précité, point 72). Il en résulte que, dans l’exercice du contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en échelon d’un fonctionnaire nommé au grade supérieur de la carrière, le juge ne saurait substituer son appréciation à celle de l’AIPN.

78      En l’espèce, la Commission fait valoir que, ayant déjà tenu compte de l’ensemble de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique du requérant pour déroger au principe du recrutement au grade de base et le classer au grade supérieur, elle a estimé injustifié d’accorder à l’intéressé une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade supérieur.

79      Il s’ensuit que l’AIPN a tenu compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique du requérant, qui ont permis de le nommer dès son recrutement au grade supérieur. Toutefois, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, l’AIPN a pu considérer qu’elle ne pouvait pas lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans le grade supérieur, l’expérience professionnelle du requérant ayant déjà été prise en compte pour la nomination au grade supérieur.

80      Par ailleurs, l’argumentation du requérant tendant à l’application par analogie aux fonctionnaires recrutés au grade supérieur de leur carrière des conditions d’attribution d’une bonification d’ancienneté d’échelon aux fonctionnaires recrutés au grade A 7 ne saurait être admise s’agissant de fonctionnaires qui ne se trouvent pas dans des situations factuelles et juridiques identiques.

81      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des décisions de la Commission, du 6 juin 1973 et du 1er septembre 1983, relatives aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination

–       Arguments des parties

82      Le requérant considère que le refus de la Commission de lui octroyer une bonification d’ancienneté d’échelon, malgré la durée de son expérience professionnelle, constitue une violation de l’égalité de traitement par rapport aux fonctionnaires de la même catégorie classés dans un autre grade.

83      Le requérant estime que la rupture de l’égalité de traitement découle de la circonstance que les fonctionnaires classés au grade A 7 bénéficient, pour l’application de l’article 32 du statut, de conditions objectives fixées dans un tableau clair et transparent, alors que l’attribution d’une bonification d’ancienneté d’échelon aux fonctionnaires de grade A 6, dont il fait partie, dépend entièrement du pouvoir d’appréciation de l’AIPN.

84      La Commission expose que, contrairement à ce que soutient le requérant, il existe des circonstances dans lesquelles les fonctionnaires classés au grade supérieur de la carrière peuvent bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon. Elle indique également qu’il serait contraire au principe d’égalité de traitement qu’une même période d’expérience professionnelle soit doublement valorisée pour les fonctionnaires ayant bénéficié d’un classement au grade supérieur de la carrière au moment de leur nomination, alors qu’elle ne le serait qu’une seule fois pour ceux ayant été recrutés au grade de base de la carrière.

85      S’agissant de la différence de traitement entre les fonctionnaires de grade A 7 et ceux de grade A 6 en termes de bonification d’ancienneté d’échelon, la Commission soutient que ce grief, invoqué pour la première fois en réplique, est irrecevable, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Au fond, elle estime que la différence de traitement entre les fonctionnaires de grade A 7 et ceux de grade A 6 en ce qui concerne la bonification d’ancienneté d’échelon est objectivement justifiée, en raison de la circonstance que ces derniers ont précisément bénéficié d’un classement au grade supérieur de la carrière, lequel a déjà pris en compte la durée de l’expérience professionnelle antérieure au recrutement de chaque fonctionnaire concerné.

–       Appréciation du Tribunal

86      Selon une jurisprudence constante, l’évaluation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté ne peut pas être effectuée dans l’abstrait, mais doit se faire au regard du poste pour lequel le recrutement a eu lieu. La nature casuistique de cette évaluation (voir, en ce sens, arrêt Wasmeier/Commission, précité, point 76) s’oppose à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts Chawdhry/Commission, précité, point 102, et Aycinena/Commission, précité, point 70).

87      Cette jurisprudence s’applique a fortiori aux fonctionnaires nommés, dès leur recrutement, au grade supérieur de la carrière, en vertu de l’article 32, deuxième alinéa, du statut. En effet, dans une telle hypothèse, la formation et l’expérience professionnelle spécifiques ont déjà été prises en compte pour la nomination du fonctionnaire, dès son recrutement au grade supérieur de la carrière. Il s’ensuit qu’un fonctionnaire nommé dès son recrutement au grade supérieur de la carrière ne saurait utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne sa bonification d’échelon (arrêt Aycinena/Commission, précité, point 71).

88      S’agissant de la rupture d’égalité de traitement qui résulterait, selon le requérant, du traitement différent des fonctionnaires recrutés au grade de base de la carrière et de ceux classés au grade supérieur, cette argumentation ne peut être davantage retenue.

89      La jurisprudence établit qu’il y a violation du principe énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent lors de leur recrutement. Il y a également violation du principe d’égalité de traitement lorsque des situations qui sont différentes sont traitées de manière identique (arrêt Wasmeier/Commission, précité, point 122 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Valero Jordana/Commission, T‑429/03, non encore publié au Recueil, point 101).

90      En l’espèce, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 80 du présent arrêt, que les deux catégories de fonctionnaires définies par le requérant ne se trouvent pas, lors de leur entrée en fonction, dans des situations factuelles et juridiques identiques. La circonstance que les fonctionnaires recrutés au grade de base de la carrière pourraient bénéficier d’une bonification d’ancienneté d’échelon tandis que ceux nommés au grade supérieur s’en trouveraient, le cas échéant, privés du fait de leur classement au grade supérieur ne remet pas en cause ce constat.

91      Le moyen tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination n’est, dès lors, pas fondé et doit être rejeté.

92      Aucun des moyens invoqués à l’appui du premier chef de conclusions n’étant fondé, il y a lieu de rejeter celui-ci.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la deuxième décision attaquée pour autant que celle-ci fixe au 5 octobre 1995 la date à laquelle elle prend ses effets pécuniaires

 Arguments des parties

93      À l’appui de ces conclusions, le requérant estime que, en limitant les effets de la deuxième décision attaquée, la Commission a violé l’article 62 du statut. À cet égard, il rappelle que, par les décisions attaquées, l’AIPN l’a classé au moment de sa nomination, c’est-à-dire le 16 janvier 1989, au grade A 6, premier échelon. Or, cette décision impliquerait que le requérant ait droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon à compter de cette date. La fixation du point de départ des effets pécuniaires de la deuxième décision attaquée à la date du 5 octobre 1995 méconnaît, selon le requérant, l’article 62 du statut. Il ajoute que, en n’accordant aucune rétroactivité aux effets de la deuxième décision attaquée, la Commission s’appuie sur un raisonnement qui revient à assimiler illégalement le reclassement au grade supérieur de la carrière à une promotion.

94      La Commission expose qu’il convient de distinguer, d’une part, le contenu de la deuxième décision attaquée, à savoir la modification de la fixation du classement du requérant au grade A 6, premier échelon, et, d’autre part, la fixation de la date à laquelle elle prend effet, à savoir le 5 octobre 1995. En effet, ainsi que le préciserait la décision portant rejet de la réclamation du requérant, ce seraient les effets pratiques, y compris pécuniaires, de la modification de classement accordée qui s’appliqueraient à compter de cette date.

95      La Commission considère qu’elle était en droit de fixer au 5 octobre 1995 la date à laquelle la deuxième décision attaquée prendrait effet, dans la mesure où ce n’est qu’à cette date, qui correspond au prononcé de l’arrêt Alexopoulou/Commission, précité, qu’est née, pour elle, l’obligation de procéder au réexamen de la décision initiale de classement du requérant. Selon elle, cette analyse est confirmée, de manière implicite, par la Cour, au point 41 de l’arrêt Gevaert/Commission, précité. Aux dires de la Commission, faire droit au présent moyen reviendrait à traiter le requérant comme s’il avait contesté la décision initiale de classement par une réclamation déposée avant le 17 juin 1989.

96      La Commission en conclut que les effets juridiques de la décision initiale de classement, telle que modifiée par la deuxième décision attaquée, portent sur l’échelon dans les grades auxquels le requérant a été classé durant la période postérieure au 5 octobre 1995, à savoir dans les grades A 6 jusqu’au 31 mars 1996, A 5 jusqu’au 31 décembre 2000 et A 4 jusqu’au 1er janvier 2001. Pour la période antérieure au 5 octobre 1995, elle expose que c’est uniquement la décision initiale de classement qui continue de produire ses effets juridiques.

97      Il s’ensuit, selon la Commission, que le requérant n’a pas droit, pour la période comprise entre le 16 janvier 1989 et le 5 octobre 1995, à la différence de rémunération entre le grade A 7, troisième échelon, et le grade A 6, premier échelon.

 Appréciation du Tribunal

98      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en l’absence, dans le corps du statut, de toute disposition expresse, au sens de l’article 62, premier alinéa, du statut, une institution ne peut arbitrairement limiter la libre disposition de leur rémunération par ses fonctionnaires (voir ,en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juin 2001, X/Commission, T‑214/00, RecFP p. I‑A‑143 et II‑663, point 29).

99      En l’espèce, il est constant que, par les décisions attaquées, l’AIPN a décidé de reclasser le requérant au grade A 6, premier échelon, au 16 janvier 1989, date de sa nomination. Toutefois, par la deuxième décision attaquée, l’AIPN a précisé à l’intéressé que c’était aux seules fins de la détermination de sa situation administrative que son classement était fixé et révisé au grade A 6, premier échelon, mais que la révision produisait ses effets pécuniaires à partir du 5 octobre 1995.

100    Pour justifier la distinction entre, d’une part, la modification de la fixation du classement du requérant, prenant effet à la date de sa nomination, et, d’autre part, les effets pécuniaires ou « pratiques » de cette décision, n’intervenant qu’à compter du 5 octobre 1995, l’AIPN se fonde sur la circonstance que, selon elle, l’obligation de procéder au réexamen de la décision initiale de classement est née le 5 octobre 1995, date du prononcé de l’arrêt Alexopoulou/Commission, précité. Cette obligation ne pourrait, selon la Commission, exister antérieurement à cette date, le requérant n’ayant pas attaqué, dans les délais de recours, la décision initiale de classement.

101    Cette argumentation ne saurait, toutefois, être retenue.

102    En premier lieu, le droit à la rémunération est un droit subjectif garanti par le statut et qui ne peut être limité que par des dispositions expresses dudit statut.

103    À cet égard, en procédant à une distinction entre la modification de la fixation du classement, intervenant à la date de la nomination du requérant, et les effets pécuniaires de cette décision, dont le point de départ était fixé à la date du 5 octobre 1995, l’AIPN a limité de manière arbitraire ce droit pour la période comprise entre ces deux dates.

104    Or, force est de constater que, tant dans ses écritures qu’au cours de la procédure orale, la Commission n’a jamais été en mesure d’indiquer au Tribunal sur quelles dispositions du statut elle se fondait pour limiter ainsi les effets pécuniaires de la décision de reclassement.

105    En second lieu, selon une jurisprudence constante, une demande de reclassement tend à voir réviser le classement initial en grade effectué au moment de la nomination du fonctionnaire et cette hypothèse doit être distinguée de l’attribution d’une promotion, qui, conformément à l’article 45, paragraphe 1, du statut, élève un fonctionnaire pendant le cours de sa carrière, à un grade supérieur de la catégorie à laquelle il appartient (arrêt Gevaert/Commission, précité, point 39).

106    Or, en fixant le point de départ des effets pécuniaires de la décision de reclassement à la date du 5 octobre 1995, l’AIPN a méconnu cette distinction.

107    En effet, la demande du requérant, telle que formulée dans sa réclamation, consiste en une demande de reclassement au grade supérieur à la date de sa nomination et non en une demande de promotion à ce grade.

108    À cet égard, la circonstance que la décision initiale de classement n’aurait pas été attaquée dans les délais de recours n’est pas pertinente, dès lors que la décision de reclassement au grade supérieur à la date de la nomination, prise en exécution de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, a vocation à se substituer dans tous ses effets à la décision initiale de classement.

109    Il s’ensuit que la décision par laquelle l’AIPN a fixé le point de départ des effets pécuniaires de la décision de reclassement à la date du 5 octobre 1995 est entachée d’illégalité.

110    Il y a donc lieu d’accueillir le moyen unique comme fondé et d’annuler la deuxième décision attaquée pour autant qu’elle fixe le point de départ des effets pécuniaires de la décision de reclassement à la date du 5 octobre 1995.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la deuxième décision attaquée pour autant que celle-ci n’a pas reconstitué la carrière en grade du requérant

111    À l’appui de ce chef de conclusions, le requérant invoque, en substance, la violation de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 45 du statut, la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

 Arguments des parties

112    La Commission oppose une fin de non-recevoir aux conclusions du requérant relatives à l’absence de reconstitution de sa carrière, dans la mesure où elles reviennent à critiquer les décisions implicites de ne pas promouvoir celui-ci aux grades A 5 et A 4 dès l’exercice de promotion de 1991, lesquelles sont devenues définitives, faute d’avoir été contestées dans les délais statutaires. Elle ajoute que, en vertu de la modification de la décision du 1er septembre 1983 intervenue en 1996, elle n’était aucunement obligée de procéder à un réexamen des décisions de non-promotion, mais uniquement de réexaminer la décision initiale de classement du requérant, conformément à l’engagement qu’elle avait pris dans ce sens devant le Tribunal. Le fait qu’il puisse exister un lien entre le contenu de la décision initiale de classement et les décisions postérieures de non-promotion ne signifie pas, aux dires de la Commission, que le requérant puisse faire abstraction des délais de contestation propres à chacune de ces décisions. Selon elle, une conclusion inverse porterait atteinte à l’impératif de sécurité juridique. En outre, à supposer même que la modification de la décision du 1er septembre 1983 intervenue en 1996 constitue un fait nouveau, la Commission fait observer que le requérant n’a contesté les décisions de non-promotion de manière claire et circonstanciée et pour la première fois que dans sa réclamation du 19 août 2003, citée au point 29 ci-dessus, soit bien au-delà d’un délai raisonnable.

113    Le requérant conteste cette argumentation. Il estime, pour sa part, que la deuxième décision attaquée, en procédant à son classement au grade supérieur de sa carrière, constitue un fait nouveau par rapport à l’évolution de sa carrière, lequel a rouvert les délais statutaires. Il soutient que les possibilités de promotion dépendent directement du grade et de l’ancienneté dans ce grade. Or, le grade attribué au requérant au moment de sa nomination ayant été révisé par la deuxième décision attaquée, l’AIPN aurait dû, selon le requérant, réexaminer son évolution de carrière en grade.

114    De plus, le requérant fait observer que, s’agissant du principe de sécurité juridique, celui-ci doit être mis en balance avec l’intérêt du requérant à bénéficier d’une carrière qui évolue conformément à ses mérites. À cet égard, il rappelle que le refus originel de le nommer au grade supérieur de la carrière dès son recrutement trouve son fondement dans l’illégalité commise par la Commission et condamnée dans l’arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, précité. Or, une application rigide du principe de sécurité juridique permettrait à la Commission de ne pas assumer les conséquences de cette illégalité originelle.

115    En réponse, la Commission fait valoir que, si l’on devait suivre le raisonnement du requérant selon lequel la deuxième décision attaquée constituerait un fait nouveau permettant le réexamen des décisions de non-promotion, le requérant aurait néanmoins dû introduire une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, portant précisément sur la révision de ces dernières décisions. Or, elle relève que, à supposer même que la réclamation du 19 août 2003 contienne une telle demande, le requérant n’a pas introduit une réclamation à l’encontre de la décision portant rejet de cette réclamation. En tout état de cause, la Commission considère que la décision interne de 1996 ne constituait un fait nouveau que par rapport à la décision initiale de classement et non par rapport aux décisions de ne pas promouvoir le requérant.

116    Quant au fond, le requérant soutient que le refus par la Commission de reconstituer sa carrière en grade et de procéder à un examen comparatif de ses mérites et de ceux des autres fonctionnaires promouvables depuis 1991, alors qu’elle lui accorde, dans le même temps, le classement au grade supérieur de la carrière, a pour conséquence de le faire passer d’une évolution de carrière normale à une évolution de carrière très lente, circonstance contradictoire avec l’admission par la Commission de ses qualifications exceptionnelles et l’existence de rapports de notation excellents. À titre d’illustration, il allègue que, au vu de son nouveau classement, il a passé 7 ans et 2,5 mois dans le grade A 6, alors que, dans sa carrière initiale, il n’a passé dans ce grade que 4 ans et 3 mois avant d’être promu au grade A 5. Au regard de ces circonstances et des statistiques relatives à l’évolution normale de la carrière, il aurait dû, selon lui, bénéficier d’une promotion au grade A 5 le 16 avril 1993, au lieu du 1er avril 1996, et d’une promotion au grade A 4 le 16 janvier 1998, au lieu du 1er janvier 2001.

117    En outre, le requérant précise, d’une part, que la Commission ne saurait se prévaloir à bon droit de l’absence de rétroactivité des effets pécuniaires de la deuxième décision attaquée dans la mesure où une décision de promotion ou de non-promotion n’est pas une décision d’ordre purement pécuniaire. Il souligne, d’autre part, que la question fondamentale qui doit être tranchée en l’espèce est celle de savoir si une promotion rétroactive est envisageable. Or, à cet égard, tout en étant conscient de certaines difficultés pratiques qu’un tel exercice peut entraîner, le requérant estime qu’il s’agit, dans le cas d’espèce, de rétablir une situation découlant de l’illégalité originelle commise par la Commission envers les fonctionnaires qui ont été privé, lors de leur recrutement, de la possibilité d’être classé au grade supérieur de leur carrière.

118    En réponse, la Commission expose, tout d’abord, que, s’agissant des décisions de non-promotion antérieures au 5 octobre 1995, elle ne saurait être obligée de les réexaminer, puisqu’elles sont antérieures à la prise d’effet de la décision attaquée.

119    Elle rappelle ensuite, en ce qui concerne les décisions de non-promotion postérieures au 5 octobre 1995, que l’octroi d’une promotion rétroactive est, en principe, exclu. À cet égard, elle souligne que le Tribunal aurait, dans son arrêt Vicente Nuñez/Commission, précité, écarté l’éventualité qu’une promotion impliquant un changement de carrière comme celle entre les grades A 6 et A 5 puisse revêtir un caractère rétroactif. Or, tel serait, en l’espèce, l’objet de la demande du requérant. Au demeurant, l’octroi d’une promotion rétroactive se heurte, aux dires de la Commission, au problème de la comparaison rétroactive entre des fonctionnaires dont les rapports de notation ont été établis, à l’époque, en fonction de leur grade et de leur ancienneté dans ce grade.

120    Enfin, la Commission constate que l’allégation du requérant selon laquelle il a été désavantagé par rapport aux fonctionnaires ayant été classés dès leur nomination au grade supérieur de la carrière manque en fait, puisque, sous l’empire de la décision du 1er septembre 1983 et jusqu’à la décision interne de 1996, aucun fonctionnaire n’a pu bénéficier d’un tel traitement.

 Appréciation du Tribunal

121    En ce qui concerne l’irrecevabilité soulevée à titre principal par la Commission, au motif que le requérant n’a pas contesté dans les délais requis la décision implicite de ne pas le promouvoir au grade A 5 le 16 avril 1993, puis au grade A 4 le 16 janvier 1998, il y a lieu de relever que la seule circonstance que la Commission ne prenne pas en considération en vue d’une promotion les fonctionnaires qui ne remplissent pas, à la date de l’exercice de promotion, les conditions pour être promus, n’a pu faire naître une décision fût-elle implicite. La fin de non-recevoir opposée par la Commission ne peut, dès lors, qu’être écartée.

122    S’agissant de la seconde fin de non-recevoir soulevée par la Commission tirée de ce que la demande de reconstitution de carrière a été présentée pour la première fois dans la réclamation du 19 août 2003 et que le rejet de cette demande n’a pas été suivi d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2 du statut, il y a lieu de considérer que le requérant, en demandant dans sa réclamation du 9 avril 2003 son reclassement au troisième échelon du grade A 6 à la date de sa nomination, a entendu nécessairement et implicitement demander la reconstitution de sa carrière. La seconde fin de non-recevoir opposée par la Commission ne peut par suite qu’être écartée.

123    Sur la demande de reconstitution de carrière, il convient de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion aux fonctionnaires, même à ceux qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (arrêts du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑739, point 67 ; du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 40, et Vicente Nuñez/Commission, précité, point 68).

124    Il importe également de rappeler que, pour évaluer les mérites comparatifs à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’AIPN à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait en effet substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêts de la Cour du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, C‑324/85, Rec. p. 529, point 6, et du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C‑277/01 P, Rec. p. I‑3019, point 35 ; arrêts du Tribunal Baiwir/Commission, précité, point 66 ; du 5 mars 1998, Manzo‑Tafaro/Commission, T‑221/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑307, point 16, et du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, RecFP p. I‑A‑195 et II‑885, point 58).

125    En conséquence, les moyens tirés de la violation de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 45 du statut, de la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ne peuvent qu’être rejetés comme non fondés.

126    Il s’ensuit que le troisième chef de conclusions tendant à l’annulation de la deuxième décision attaquée pour autant qu’elle n’a pas reconstitué la carrière en grade du requérant doit être rejeté.

127    Cependant, s’il n’existe pas de droit à promotion pour les fonctionnaires, l’AIPN a l’obligation, lorsqu’elle se livre à une appréciation comparative des mérites des candidats, d’examiner la situation de tous les candidats susceptibles de faire l’objet d’une promotion éventuelle.

128    Dans le cas d’espèce, force est de constater que cet examen pour les fonctionnaires promouvables au grade A 5 à compter du 16 avril 1993 et ensuite au grade A 4 à compter du 16 janvier 1998 a été vicié du fait du comportement illégal de l’AIPN. Celle-ci, en omettant de reclasser à la date de sa nomination le requérant au grade supérieur A 6 et en ne prenant cette décision que plus tard en exécution de l’arrêt Gevaert/Commission, précité, l’a privé d’une chance de voir sa candidature prise en compte au titre des exercices de promotion vers le grade A 5, à compter du 16 avril 1993, puis vers le grade A 4, à compter du 16 janvier 1998.

129    À cet égard, il y a lieu d’admettre que l’AIPN était tenue de procéder à un examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des candidats promus au grade A 5, puis au grade A 4, à compter des dates susmentionnées et, si elle l’estimait justifié, de faire bénéficier le requérant d’une promotion. 

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

130    La Commission considère les conclusions du requérant tendant à obtenir réparation du prétendu préjudice découlant des décisions de non-promotion comme étant irrecevables. En effet, le requérant ne saurait, selon la Commission, légalement pallier son omission d’introduire, en temps requis, un recours en annulation à l’encontre des décisions de non-promotion par le biais d’une demande en indemnité.

131    Le requérant fait valoir qu’il ne cherche pas à contourner une prétendue irrecevabilité de ses conclusions en annulation, qu’il estime, au demeurant, recevables, et que ses conclusions indemnitaires, invoquées à titre subsidiaire, s’appuient sur l’obligation pour la Commission de réparer le préjudice qu’il a subi.

132    Le requérant demande, à cet effet, que la Commission soit condamnée à lui verser une indemnité compensatoire qu’il évalue, à titre provisoire, à la somme de 125 000 euros, dans l’hypothèse où elle serait dans l’impossibilité de procéder à une reconstitution de sa carrière.

133    Il considère que les conditions pour l’engagement de la responsabilité de la Commission sont réunies. Selon le requérant, l’illégalité du comportement de la Commission est avérée, la décision du 1er septembre 1983 ayant été déclarée contraire au statut par l’arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, précité. Ensuite, le préjudice de carrière qu’il aurait subi serait réel, puisque, depuis l’adoption de la deuxième décision attaquée, l’évolution de sa carrière serait devenue plus lente que la moyenne, alors que la Commission reconnaîtrait, dans le même temps et de manière contradictoire, ses qualifications exceptionnelles. Enfin, s’agissant du lien de causalité entre l’illégalité commise et le dommage, celui-ci ne serait pas contesté par la Commission.

134    La Commission conteste ces allégations. Elle soutient, d’une part, que les décisions de non-promotion n’étaient nullement illégales et, d’autre part, que le requérant n’a fourni aucun élément susceptible de justifier de la réalité et du caractère certain du préjudice. Elle considère, à cet égard, que l’argumentation du requérant est fondée sur l’éventualité de promotions anticipées et qu’elle est, par conséquent, purement spéculative.

 Appréciation du Tribunal

135    L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour actes illicites de ses organes suppose réunies un ensemble de conditions cumulatives relatives à l’illégalité du comportement reproché à l’institution défenderesse, à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement critiqué et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 72, et ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 34).

136    Or, en s’abstenant illégalement de procéder à l’examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des autres candidats promus au grade A 5 à compter du 16 avril 1993, puis au grade A 4 à compter du 16 janvier 1998, la Commission a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité.

137    Cependant, même lorsqu’une faute d’une institution est établie, la responsabilité de la Communauté ne peut être effectivement engagée qu’une fois déterminée la réalité et la consistance du préjudice allégué (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, Rec. p. II‑2227, point 72).

138    Or, en l’état, le Tribunal n’est en mesure d’apprécier ni la réalité ni la consistance du préjudice allégué, dès lors que la Commission doit, au préalable, comparer les mérites du requérant à ceux des fonctionnaires promus au titre des différents exercices de promotion dans le cadre desquels il pouvait légitimement prétendre à une promotion vers le grade A 5, puis le grade A 4.

139    À la suite de cet examen et, à défaut pour la Commission d’être en mesure de faire bénéficier le requérant d’une promotion de grade qui serait apparue justifiée, les parties sont invitées à rechercher un accord sur une compensation appropriée en prenant, le cas échéant, en considération la demande d’indemnité présentée à titre compensatoire par le requérant.

140    Les parties informeront le Tribunal du contenu de l’accord auquel elles seront, le cas échéant, parvenues dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt.

 Sur les dépens

141    La décision sur les dépens est réservée.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

statuant avant dire droit, déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 14 avril 2003 est annulée pour autant qu’elle fixe le point de départ de ses effets pécuniaires à la date du 5 octobre 1995.

2)      La Commission procédera à l’examen comparatif des mérites du requérant et de ceux des fonctionnaires promus au grade A 5 à compter du 16 avril 1993, puis au grade A 4 à compter du 16 janvier 1998.

3)      À la suite de cet examen et, à défaut pour la Commission d’être en mesure de faire bénéficier le requérant d’une promotion de grade qui serait apparue justifiée, les parties sont invitées à rechercher un accord sur une compensation appropriée en prenant, le cas échéant, en considération la demande d’indemnité présentée à titre compensatoire par le requérant.

4)      Les parties informeront le Tribunal dans un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt du contenu de l’accord auquel elles seront parvenues ou, à défaut, de leurs conclusions chiffrées quant à l’évaluation du préjudice subi.

5)      Le recours est rejeté pour le surplus.

6)      Les dépens sont réservés.

Legal

Wiszniewska-Białecka

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      H. Legal


* Langue de procédure : le français.