Language of document : ECLI:EU:T:2007:94

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 mars 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Terranus – Marque communautaire et nationale figurative antérieure terra – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des produits et des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑322/05,

Carsten Brinkmann, demeurant à Cologne (Allemagne), représenté par Me K. van Bebber, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. T. Eichenberg, puis par M. G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Terra Networks, SA, établie à Pozuelo de Alarcón (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 10 juin 2005 (affaire R 1145/2004‑1), relative à une procédure d’opposition entre Terra Networks, SA et Carsten Brinkmann,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 août 2005,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 février 2006,

à la suite de l’audience du 14 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 janvier 2001, Carsten Brinkmann a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque verbale Terranus.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent à la description suivante : « Assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, conception et médiation de concepts d’entreprises pour services immobiliers ».

4        Le 14 janvier 2002, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 4/2002.

5        Le 12 avril 2002, Terra Networks, SA a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour l’intégralité des services visés par cette dernière.

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était le risque de confusion, visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et une marque antérieure dont l’opposante est titulaire. La marque antérieure en question, qui a fait l’objet d’un enregistrement espagnol n° 2 261 483, du 4 octobre 1999, désignant des « Assurances, opérations financières, monétaires et immobilières » relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, et d’un enregistrement communautaire n° 1 332 691, du 14 mai 2003, désignant des « Assurances, affaires financières en ligne sans aucun rapport avec les sociétés d’investissement, affaires monétaires et bancaires en ligne à l’exclusion des services en rapport avec les sociétés d’investissement ; affaires immobilières » relevant de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice, est la marque figurative terra, reproduite ci-après :

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7        Par décision du 29 octobre 2004, la division d’opposition de l’OHMI a accueilli l’opposition et rejeté la demande de marque dans son intégralité.

8        Le 8 décembre 2004, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 10 juin 2005 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours et a confirmé la décision de la division d’opposition. En substance, la chambre de recours a considéré que, bien que le degré de similitude entre les signes ne fût pas particulièrement élevé, ce dernier était suffisant pour entraîner, dans l’esprit du public allemand, un risque de confusion entre les services mis en vente sous les deux marques en cause, compte tenu, d’une part, que les services proposés par celles-ci étaient identiques et, d’autre part, que l’élément verbal dominant « terra », intégralement repris dans la marque Terranus, introduisait un important facteur de similitude entre les signes.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition de l’autre partie devant la chambre de recours et enregistrer la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure d’opposition.

11      Lors de l’audience, le requérant a déclaré renoncer à son deuxième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13      Au soutien de son recours, le requérant invoque le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

14      Le requérant conteste l’existence d’un risque de confusion entre les marques en faisant valoir l’existence de différences significatives entre les signes. Selon lui, bien que les services concernés soient identiques, la chambre de recours a commis une erreur de droit en confirmant la décision de la division d’opposition, les signes en cause présentant une absence de similitude.

15      Procédant à une comparaison des signes en présence sur le plan visuel, le requérant fait observer notamment que la marque antérieure est une marque figurative alors que la marque demandée ne comporte pas d’élément graphique. La différence entre ces marques serait facilement perçue par le public visé, puisque, la marque demandée étant prolongée par les lettres « n », « u » et « s », elle serait ainsi sensiblement plus longue que la marque antérieure, qui ferait partie des marques relativement courtes. En outre, l’élément « terra », inclus dans la marque antérieure comme dans la marque demandée, ne présenterait qu’un caractère distinctif extrêmement faible en ce qu’il ferait partie d’un grand nombre de marques enregistrées et inscrites au registre des marques communautaires, ce qui ne serait, d’ailleurs, pas le cas de la marque demandée.

16      En ce qui concerne la comparaison phonétique, le requérant fait valoir que la marque demandée compte trois syllabes, soit une syllabe supplémentaire par rapport à la marque antérieure, ce qui la différencie de manière importante de celle-ci et entraîne une prononciation sensiblement plus longue de la voyelle « a ».

17      Du point de vue conceptuel, le mot latin « terranus » signifierait « perception intellectuelle d’un terrain ou d’un immeuble devant être identifié comme tel », l’accent étant mis sur l’élément « nus », en tant que symbole de la raison, de l’intellect et de la perception intellectuelle. Cette signification ne serait toutefois pas décisive, puisque la majorité du public ne verra dans le signe Terranus qu’une dénomination de fantaisie. L’origine et la signification du mot latin « terra » (terre ou pays), descriptif par rapport aux produits et aux services de la classe 36, seraient connues du public de toute l’Europe et ce mot serait à l’origine de termes proches ou identiques existant dans de nombreuses langues. Même en admettant que la marque antérieure n’ait pas un caractère distinctif faible et que la composante verbale « terra » caractérise celle-ci, il demeurerait que les termes confrontés sont sensiblement différents.

18      Le requérant soutient, par ailleurs, qu’il ne peut y avoir de risque de confusion indirecte, la marque demandée ne s’inscrivant pas dans une série de marques et se présentant comme une nouvelle expression à part entière. La marque demandée, contrairement à la marque antérieure, serait un terme de fantaisie incompréhensible pour le public visé, ce qui ne permettrait aucune association entre les marques Terranus et Terra.

19      Enfin, le requérant invoque la décision du Deutsches Patent und Markenamt (office des brevets et des marques allemand) du 25 mai 2004 qui, dans la procédure d’opposition impliquant les mêmes marques et les mêmes services, a admis l’enregistrement de la marque identique à celle demandée et a rejeté l’opposition formée par l’autre partie devant la chambre de recours en raison de l’absence de risque de confusion en Allemagne.

20      L’OHMI invoque tout d’abord la jurisprudence de la Cour et du Tribunal portant sur la notion de risque de confusion, en insistant sur l’exigence d’une appréciation globale, sur le critère de la perception du consommateur moyen et sur l’obligation de s’attacher aux similitudes visuelles, auditives et conceptuelles ainsi qu’aux éléments distinctifs et dominants des marques en conflit. Il soutient que, au regard de cette jurisprudence, les signes en présence sont à considérer comme similaires et que leur similitude et l’identité des services en cause entraînent un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent en Allemagne.

21      L’OHMI procède ensuite, en premier lieu, à la comparaison des signes en cause du point de vue phonétique, visuel et conceptuel. Sur le plan phonétique, l’élément verbal « terra » de la marque antérieure, reproduit intégralement au début du mot constituant la marque demandée et se prononçant de manière similaire, impliquerait une similitude phonétique importante entre les deux marques et se présenterait comme l’élément déterminant pour le public. Le Tribunal aurait déjà considéré que le public pertinent prêtait plus d’attention au début d’un mot qu’aux éléments verbaux qui suivent. Dès lors, la similitude phonétique des signes en cause ne serait pas négligeable. En outre, la chambre de recours aurait relevé à juste titre que le public recourrait à l’élément verbal « terra » pour désigner oralement la marque antérieure, celui-ci étant l’élément dominant de cette dernière.

22      Sur le plan visuel, il conviendrait de conclure au moins à l’existence d’une similitude faible des signes en cause. L’élément verbal « terra », qui constitue les deux premières syllabes des deux marques en conflit, créerait, de la même manière que sur le plan phonétique, une similitude importante malgré l’absence d’élément graphique dans la marque demandée, l’élément graphique de la marque antérieure n’étant pas dominant. Ce serait à tort que le requérant soutient que l’élément verbal « terra » possède un caractère distinctif extrêmement faible par rapport aux services en question, l’extrait du registre des marques communautaires produit par le requérant ne présentant que trois marques relevant de la classe 36 et incluant l’élément « terra », qui, de plus, n’apparaîtrait pas de manière autonome.

23      Du point de vue conceptuel, non seulement le mot « terranus » mais également le mot « terra » devraient être considérés comme des dénominations de fantaisie pour le public allemand. L’élément verbal « terra » posséderait un caractère distinctif « normal », comme l’a relevé le Deutsches Patent und Markenamt. Même en admettant qu’une partie du public concerné puisse assimiler le mot « terra » au mot « terre », il n’y aurait aucune raison de penser qu’elle n’en ferait pas de même avec le mot « terranus ». En tout état de cause, il ne serait pas apporté de preuve quant au fait que la signification de ce mot d’origine latine soit connue dans toute l’Europe et aucune preuve tangible ne permettrait de conclure à un éventuel affaiblissement du caractère distinctif de l’élément verbal « terra » sur le territoire allemand. De plus, ce terme ne serait pas entré en tant que tel dans la langue allemande et ne pourrait, sur ce territoire, être perçu que comme un mot d’origine étrangère. Il ne serait pas non plus établi que ce mot puisse être associé en Allemagne aux services de la classe 36. Dès lors, aucun élément de différenciation conceptuelle ne pourrait faciliter la distinction par le public allemand des marques en conflit.

24      L’OHMI procède, en second lieu, à l’appréciation globale du risque de confusion et fait observer que, selon une jurisprudence constante, une similitude des signes établie pour un seul des critères, telle que la similitude phonétique de l’élément dominant « terra », suffit à établir un risque de confusion si celui‑ci est significatif compte tenu de tous les autres facteurs pertinents. Les services en cause étant incontestablement identiques, la simple similitude phonétique, même faible, serait suffisante, car les signes en cause ne présenteraient pas de différences, tant sur le plan visuel que conceptuel, susceptibles de neutraliser cette similitude phonétique, mais au contraire les éléments communs constatés sur le plan visuel tendraient à accroître le risque de confusion. En outre, la décision attaquée n’ayant pas constaté de risque de confusion par association, il ne serait pas nécessaire d’examiner cet argument du requérant.

25      Enfin, en réponse à l’argument du requérant tiré de l’existence de la décision du Deutsches Patent und Markenamt du 25 mai 2004 par laquelle celui-ci a admis l’enregistrement de la marque identique à celle demandée, l’OHMI oppose la jurisprudence selon laquelle les décisions nationales ne le lient pas ni, le cas échéant, ne lient le juge communautaire.

 Appréciation du Tribunal

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ». Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94, on entend par marques antérieures les marques communautaires, les marques enregistrées dans un État membre ou ayant fait l’objet d’un enregistrement international, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

27      Le risque de confusion dans l’esprit du public, qui se définit comme le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 16 et 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, points 17 et 18 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 25 et 26].

28      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et Fifties, précité, point 27).

29      Le Tribunal constate qu’en l’espèce la marque antérieure, sur laquelle l’opposition était fondée, est une marque communautaire et espagnole. Il y a lieu, à cet égard de rappeler qu’il résulte du caractère unitaire de la marque communautaire, consacré à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, qu’une marque communautaire antérieure est protégée de façon identique dans tous les États membres. Les marques communautaires sont, dès lors, opposables à toute demande de marque ultérieure qui porterait atteinte à leur protection, ne fût‑ce que par rapport à la perception des consommateurs d’une partie du territoire communautaire. Il s’ensuit que le principe consacré à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, selon lequel il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque, qu’un motif absolu de refus n’existe que dans une partie de la Communauté, s’applique, par analogie, également au cas d’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 59 ; du 3 mars 2004, Mühlens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec. p. II‑791, point 36 ; du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3475, point 34, et du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), T‑185/03, Rec. p. II‑715, point 33].

30      Il en résulte que le territoire à prendre en compte pour apprécier le risque de confusion est celui de l’ensemble de la Communauté européenne. La division d’opposition et la chambre de recours ont constaté l’existence d’un risque de confusion dans une partie de la Communauté européenne, notamment en Allemagne, ce qui est suffisant, si ce risque est établi, pour refuser l’enregistrement de la marque demandée. La décision attaquée n’étant pas contestée par les parties en ce qu’elle procède à l’examen du risque de confusion sur le territoire allemand, il y a lieu de s’attacher, plus particulièrement à vérifier l’existence du risque de confusion sur ce territoire.

31      En ce qui concerne les services désignés par les marques en cause, le Tribunal observe qu’ils sont identiques, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties. Étant donné la nature de ces services (services financiers, immobiliers et d’assurances), il convient de considérer qu’il s’agit de services de consommation courante. Le public ciblé est par conséquent constitué par le consommateur moyen et notamment le consommateur moyen allemand.

32      Il y a lieu, à cet égard, de relever que la perception des marques qu’a le consommateur des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25 ; arrêt Fifties, précité, point 28). En outre, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (arrêts Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26, et Fifties, précité, point 28).

33      En ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, l’appréciation globale du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25 ; arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47].

34      S’agissant de la comparaison visuelle des marques en conflit, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 51, et du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec. p. II‑1515, point 43].

35      En l’espèce, il convient d’observer que l’élément verbal « terra » est commun aux deux signes en conflit. Il y a lieu de relever, à cet égard, que le fait que l’un des composants d’une marque complexe soit identique à une autre marque ne permet de conclure à la similitude de ces marques que si ce composant constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe (arrêt MATRATZEN, précité, point 33).

36      Or, le Tribunal est d’avis que l’élément verbal « terra » l’emporte sur l’élément figuratif de la marque antérieure et s’impose, effectivement, dans la perception de celle-ci, en raison de sa taille et de son positionnement précédant l’élément graphique en question. En outre, ce dernier est constitué d’un dessin simple et abstrait qui n’est pas particulièrement remarquable et frappant dans la perception d’ensemble de la marque antérieure, ce qui ne permet pas de le considérer comme l’élément dominant ou, du moins, comme un élément aussi important que l’élément verbal de celle-ci. Dans ces circonstances, c’est à raison que la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « terra » constituait l’élément dominant de la marque antérieure.

37      La comparaison entre le signe Terranus et l’élément verbal de la marque figurative antérieure, « terra », élément qui apparaît comme l’élément dominant de celle-ci, révèle un certain degré de similitude entre eux sur le plan visuel. Le nombre différent de syllabes et de lettres des deux signes en cause n’est pas de nature à neutraliser cette similitude. Ainsi, même si l’élément verbal de la marque antérieure est composé de seulement cinq lettres et de deux syllabes, tandis que la marque demandée contient huit lettres et trois syllabes, il n’en reste pas moins que les deux signes ont en commun deux syllabes, à savoir celles de l’élément « terra ». De plus, ce dernier se trouve placé à la même position dans les deux marques, soit au début de celles-ci. À cet égard, il y a lieu de relever que, en général, l’attention du consommateur est portée surtout sur le début du mot (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 83, et du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, points 69 à 71). Le Tribunal estime donc que ces éléments de ressemblance visuelle l’emportent sur la longueur différente des signes en cause, qui ne saurait, dès lors, créer une différence importante entre ceux‑ci sur le plan visuel.

38      Les mêmes considérations se dégagent de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, de laquelle il ressort également que l’élément « terra » sera déterminant dans la perception du consommateur. En effet, le consommateur concerné, confronté aux marques en cause, retiendra surtout l’élément verbal commun « terra », qui domine dans la prononciation de la marque demandée et dont la prononciation n’est pas modifiée significativement par l’ajout dans celle-ci de l’élément « nus ». Il n’est pas démontré notamment que la présence de ce dernier élément entraîne une prononciation sensiblement plus longue de la voyelle « a », en particulier dans la langue des pays où le terme « terranus » serait perçu comme fantaisiste et où sa prononciation ne serait pas établie de manière certaine.

39      Sur le plan conceptuel, il est constant que les deux termes proviennent du latin. L’expression latine « terranus », signifiant selon le requérant « perception intellectuelle d’un terrain ou d’un immeuble devant être identifié comme tel », ne sera très certainement pas comprise en ce sens par le consommateur moyen. De même, et contrairement aux allégations du requérant, si certaines langues européennes ayant une origine latine contiennent des mots similaires, on ne peut présumer que la signification du mot latin « terra », pas plus que sa différence sémantique par rapport au mot « terranus », est connue du public de toute l’Europe, notamment du public allemand. Par conséquent, pour le consommateur moyen qui ne connaît pas la terminologie latine, le mot « terra » aura une signification vague et évoquera un terme fantaisiste au même titre que le mot « terranus ». De ce fait, il n’existe pas de différence conceptuelle marquante entre les deux signes en conflit.

40      Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient une certaine similitude sur les plans visuel et phonétique qui n’était pas neutralisée par des différences entre eux d’un point de vue conceptuel.

41      Les services désignés par les marques en cause étant identiques, même un faible degré de similitude entre les signes suffit à établir l’existence d’un risque de confusion. Dès lors, le Tribunal estime que la chambre de recours a conclu sans commettre d’erreur de droit ni d’appréciation qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause, les signes en conflit présentant un degré de similitude suffisant à cet égard. En effet, un consommateur moyen, confronté aux marques en question et n’en gardant qu’une image imparfaite en mémoire, retiendra surtout l’élément « terra », qui est présent dans les deux signes en conflit et qui est placé au début de ceux-ci, de sorte qu’il pourra directement les confondre.

42      En ce qui concerne la décision nationale invoquée par le requérant, il suffit de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, non encore publié au Recueil, point 70]. Dès lors, la décision nationale invoquée par le requérant ne saurait en toute hypothèse remettre en cause la légalité de la décision attaquée, qui ne doit être appréciée que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente.

43      Au vu de tout ce qui précède, le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être rejeté comme non fondé. En conséquence, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le requérant est condamné aux dépens.



Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.