Language of document : ECLI:EU:T:2017:402

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

29 mai 2017 (*)

« Recours en annulation – Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen – Indemnité d’assistance parlementaire – Recouvrement des sommes indûment versées – Irrecevabilité manifeste partielle – Non-lieu à statuer partiel »

Dans l’affaire T‑863/16,

Jean-Marie Le Pen, demeurant à Saint-Cloud (France), représenté initialement par Mes M. Ceccaldi et J.-P. Le Moigne, puis par Me Ceccaldi, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme S. Seyr et M. G. Corstens, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement du 29 janvier 2016 relative au recouvrement auprès du requérant d’une somme de 320 026,23 euros indûment versée au titre de l’assistance parlementaire, de la note de débit y afférente, du 4 février 2016, et de la décision des questeurs du 4 octobre 2016, rejetant la réclamation du requérant contre la décision du 29 janvier 2016,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Jean-Marie Le Pen, est député au Parlement européen depuis 1984. À ce titre, il a effectué un mandat pendant la septième législature s’étendant de juillet 2009 à juin 2014.

2        Le 14 juillet 2009, le requérant a conclu avec M. Jean-François Jalkh un contrat de travail ayant pour objet un emploi à temps plein d’assistant local (ci-après le « contrat de travail »). Ce contrat a pris effet le 1er août 2009 et a cessé le 30 juin 2014.

3        Le contrat de travail a été géré, conformément à l’article 35 de la décision du bureau du Parlement des 19 mai et 9 juillet 2008, portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application »), par un tiers payant, le cabinet Amboise Audit.

4        Du 15 avril au 30 mai 2011 et du 5 juillet au 17 août 2012, M. Jalkh a effectué, auprès, respectivement, du cabinet Howell et du cabinet Amboise Audit, des prestations de services, ayant pour objet le contrôle de comptes de campagne de candidats à des élections locales françaises. Ces prestations ont été rémunérées 28 000 euros.

5        Le 31 mars 2014, M. Jalkh a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec le Front national, parti politique de droit français, pour la période comprise entre le 1er avril et le 30 juin 2014.

6        Sur l’ensemble de la septième législature, les paiements effectués au bénéfice de M. Jalkh, au titre du contrat de travail, se sont élevés à un montant total de 320 026,23 euros.

7        Le 28 septembre 2015, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement, sur le fondement de l’article 68 des mesures d’application, de sommes indûment versées à M. Jalkh au titre de l’assistance parlementaire et l’a invité à présenter ses observations avant le 15 octobre 2015.

8        Le 17 novembre 2015, le requérant a, après avoir sollicité une prorogation de délai, présenté ses observations.

9        Par décision du 29 janvier 2016 (ci-après la « décision du 29 janvier 2016 »), le secrétaire général du Parlement a estimé qu’un montant de 320 026,23 euros avait été indûment versé en faveur du requérant au titre de l’assistance parlementaire et devait être recouvré auprès de celui-ci, et a chargé l’ordonnateur du Parlement de procéder au recouvrement en cause.

10      Le 5 février 2016, l’ordonnateur du Parlement a émis la note de débit 2016-195 (ci-après la « note de débit ») ordonnant le recouvrement de 320 026,23 euros avant le 31 mars 2016.

11      Le 21 mars 2016, le requérant a, en application de l’article 72, paragraphe 2, des mesures d’application, adressé une réclamation aux questeurs contre la décision attaquée.

12      Le 5 avril 2016, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision du 29 janvier 2016 et la note de débit (affaire T‑140/16, Le Pen/Parlement).

13      Le 15 juin 2016, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité dans l’affaire T‑140/16, Le Pen/Parlement au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. Celle-ci a été rejetée par une ordonnance du 24 octobre 2016, Le Pen/Parlement (T‑140/16, non publiée, EU:T:2016:645).

14      Le 4 octobre 2016, les questeurs ont rejeté la réclamation du requérant et ont maintenu la décision du 29 janvier 2016 (ci-après la « décision des questeurs »).

15      Le 30 novembre 2016, le requérant a, en application de l’article 72, paragraphe 3, des mesures d’application, adressé une réclamation au bureau du Parlement contre la décision des questeurs.

16      Le 5 décembre 2016, le Parlement a déposé une demande de non-lieu à statuer partiel dans l’affaire T‑140/16, Le Pen/Parlement, au titre de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure. Celle-ci a été rejetée par une ordonnance du 6 mars 2017, Le Pen/Parlement (T‑140/16, non publiée, EU:T:2017:151).

 Procédure

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

18      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2017, le Parlement a déposé une demande de non-lieu à statuer partiel au titre de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure. Le requérant n’a pas présenté d’observations sur cette demande dans le délai imparti.

19      Le 16 mars 2017, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre, par écrit, à des questions et à présenter leurs observations sur la jonction éventuelle de la présente affaire avec l’affaire T‑140/16, Le Pen/Parlement. Il a également demandé au Parlement de produire la décision de son bureau du 13 février 2017 rejetant la réclamation du requérant et confirmant la décision des questeurs (ci-après la « décision du bureau »). Seul le Parlement a répondu à ces demandes dans les délais impartis.

 Conclusions des parties

20      Dans la requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision des questeurs ;

–        annuler la décision du 29 janvier 2016 ;

–        annuler la note de débit ;

–        condamner le Parlement aux dépens ;

–        condamner le Parlement à lui verser 50 000 euros au titre du remboursement des dépens récupérables.

21      Dans la demande de non-lieu à statuer partiel, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevable la demande de verser 50 000 euros au titre du remboursement des dépens récupérables ;

–        constater, pour le surplus, que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

22      En vertu de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

23      En outre, en vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

24      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sur la recevabilité de la demande d’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la note de débit, la recevabilité de la demande visant à condamner le parlement à verser au requérant 50 000 euros au titre des dépens récupérable et la demande de non-lieu à statuer, sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la note de débit

25      Il y a lieu de rappeler que le juge de l’Union européenne peut, à tout moment, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon la jurisprudence, les conditions de recevabilité d’un recours. Le contrôle du Tribunal n’est donc pas limité aux fins de non-recevoir soulevées par les parties (voir arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 38 et jurisprudence citée).

26      Selon une jurisprudence constante, un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (voir arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, point 58 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, après avoir invité les parties à présenter leurs observations à cet égard dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 19 ci-dessus, il appartient au Tribunal de vérifier d’office si la recevabilité du présent recours se heurte à l’exception de litispendance.

28      À cet égard, il convient de relever que, en tant qu’ils visent à l’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la note de débit, le présent recours et le recours dans l’affaire T‑140/16, Le Pen/Parlement, opposent les mêmes parties, sont fondés sur les mêmes moyens et tendent à l’annulation des mêmes actes juridiques.

29      Au surplus, le présent recours ayant été introduit le 5 décembre 2016, il doit, en tout état de cause, être rejeté comme étant tardif en tant qu’il a trait à ladite décision et à ladite note, lesquelles ont été notifiées au requérant le 5 février 2016.

30      Il s’ensuit que, en tant qu’il vise à l’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la note de débit, le présent recours est manifestement irrecevable.

 Sur la recevabilité de la demande visant à condamner le Parlement à verser au requérant 50 000 euros au titre des dépens récupérables

31      Dans la requête, le requérant demande, en se fondant sur l’article 140, sous b), du règlement de procédure, que le Parlement soit condamné à lui verser, au titre du remboursement des dépens récupérables, la somme de 50 000 euros.

32      Dans la demande de non-lieu à statuer partiel, le Parlement évoque l’irrecevabilité de la demande en question. En effet, il ne serait pas possible pour le Tribunal de fixer, dans sa décision mettant fin à l’instance, un montant précis des frais que le requérant aurait encourus aux fins de cette procédure.

33      À cet égard, d’une part, il doit être relevé que la taxation des dépens fait l’objet d’une procédure régie par les dispositions de l’article 170 du règlement de procédure, distincte de la décision sur la répartition des dépens, visée à l’article 133 dudit règlement. D’autre part, il ne saurait être procédé à la taxation des dépens qu’à la suite de l’arrêt ou de l’ordonnance mettant fin à l’instance (voir ordonnance du 6 mars 2017, Le Pen/Parlement, T‑140/16, non publiée, EU:T:2017:151, point 39 et jurisprudence citée).

34      Il s’ensuit que la demande visant à condamner le Parlement à verser au requérant 50 000 euros au titre des dépens récupérables est prématurée et, partant, manifestement irrecevable.

 Sur la demande de non-lieu à statuer partiel

35      Le Parlement fait valoir qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de statuer sur les demandes d’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la décision des questeurs. En effet, la décision du bureau remplacerait lesdites décisions et constituerait ainsi la prise de position définitive du Parlement matérialisant sa décision de recouvrer la somme de 320 026,23 euros auprès du requérant. Ainsi, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la décision des questeurs, le recours aurait perdu son objet. Quant à la demande d’annulation de la note de débit, elle devrait connaître le même sort que la demande d’annulation de ces dernières décisions, de sorte qu’il n’y aurait plus lieu de statuer sur celle-ci.

36      À cet égard, il convient d’emblée de relever que, eu égard aux considérations figurant aux points 28 à 30 ci-dessus, il n’est pas nécessaire, pour le Tribunal, de se prononcer sur la demande de non-lieu à statuer partiel en tant qu’elle a trait à la demande d’annulation de la décision du 29 janvier 2016 et de la note de débit.

37      Ensuite, dans la mesure où ladite demande de non-lieu à statuer partiel a trait à la demande d’annulation de la décision des questeurs, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. Or, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (voir arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, points 42 à 44 et jurisprudence citée).

38      Il convient également de rappeler que l’article 72 des mesures d’application instaure une procédure de réclamation qu’un député peut mettre en œuvre lorsqu’il considère que lesdites mesures n’ont pas été correctement appliquées (ordonnance du 24 octobre 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16, non publiée, EU:T:2016:645, point 26). Ainsi, en vertu du paragraphe 1, premier alinéa, dudit article, des mesures d’application, un député qui estime que celles-ci n’ont pas été correctement appliquées à son égard par le service compétent peut adresser une réclamation écrite au secrétaire général du Parlement. Le paragraphe 2 de cet article prévoit que, en cas de désaccord avec la décision du secrétaire général du Parlement, le député peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ladite décision, demander que la question soit renvoyée aux questeurs, qui prennent une décision après consultation du secrétaire général du Parlement. Selon le paragraphe 3 du même article, en cas de désaccord avec la décision adoptée par les questeurs, une partie à la procédure de réclamation peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision des questeurs, demander que la question soit renvoyée au bureau du Parlement, qui prend une décision finale.

39      Ainsi, en cas de contestation d’une décision du secrétaire général, telle que la décision du 29 janvier 2016, la procédure de réclamation instaurée par l’article 72 des mesures d’application peut comporter deux étapes successives se déroulant, la première, devant les questeurs puis, la seconde, devant le bureau.

40      Partant, lorsque le député concerné demande, en cas de désaccord avec la décision adoptée par les questeurs, que la question soit renvoyée au bureau du Parlement, la décision des questeurs apparaît, au sein de la procédure de réclamation, comme une décision intermédiaire. En effet, dans une telle hypothèse, la décision adoptée par le bureau du Parlement constitue la prise de position finale dans le cadre spécifique de ladite procédure, laquelle est, ainsi qu’il a déjà été relevé par le Tribunal, distincte de celle ayant conduit à l’adoption de la décision du 29 janvier 2016 (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2016, Le Pen/Parlement, T‑140/16, non publiée, EU:T:2016:645, point 39).

41      En l’espèce, étant en désaccord avec la décision des questeurs, le requérant a saisi de la question, sur le fondement de l’article 72, paragraphe 3, des mesures d’application, le bureau du Parlement. Ce dernier a procédé, dans sa décision, à un nouvel examen de la situation et a confirmé la décision des questeurs, laquelle confirmait la décision du 29 janvier 2016. C’est donc désormais la décision du bureau qui constitue la prise de position finale dans le cadre de la procédure de réclamation mise en œuvre par le requérant à l’encontre de la décision du 29 janvier 2016.

42      Partant, en tant qu’il a trait à la décision des questeurs, le litige a perdu son objet et le requérant son intérêt à agir, dès lors que le recours n’est plus susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice.

43      Il s’ensuit qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il a trait à la demande d’annulation de la décision des questeurs.

 Sur les dépens

44      En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, à titre exceptionnel, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

45      En outre, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

46      Compte tenu des circonstances du cas d’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable, en tant qu’il a trait à la demande d’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 29 janvier 2016 relative au recouvrement auprès de M. Jean-Marie Le Pen d’une somme de 320 026,23 euros indûment versée au titre de l’assistance parlementaire, de la note de débit y afférente, du 4 février 2016, ainsi qu’à la demande visant à condamner le Parlement à verser au requérant 50 000 euros au titre des dépens récupérables.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il a trait à la demande d’annulation de la décision des questeurs du 4 octobre 2016 rejetant la réclamation du requérant contre la décision du 29 janvier 2016.

3)      Chaque partie supportera ses dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 mai 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. Berardis


*      Langue de procédure : le français.