Language of document : ECLI:EU:T:2018:32

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

25 janvier 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale billiger-mietwagen.de – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑866/16,

SilverTours GmbH, établie à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), représentée par Me P. Neuwald, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 3 novembre 2016 (affaire R 206/2016-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal billiger-mietwagen.de comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 juillet 2015, la requérante, SilverTours GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal billiger-mietwagen.de.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 38, 39 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, à la description suivante (ci-après les « services litigieux ») :

–        classe 35 : « Exploitation d’un comparateur de prix ; courtage de contrats pour le compte de tiers, en matière de location de véhicules, y compris automobiles, camping-cars et camions, ainsi que tous les services afférents – y compris via un réseau informatique mondial et un marché électronique ; médiation d’opérations commerciales pour des tiers ; présentation de produits et services, services de prise de commandes et de livraison ainsi que de facturation pour un système de commandes électronique » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunications » ;

–        classe 39 : « Location de voitures ; location, vente, crédit-bail et prêt de véhicules, y compris automobiles, camping-cars et camions ainsi que d’accessoires (galeries, sièges de sécurité pour enfants, remorques, chaînes pour la neige et appareils de navigation) ainsi que le courtage des contrats correspondants ; courtage en voitures de location, y compris pour le compte de tiers ».

4        Par décision du 3 décembre 2015, la demande d’enregistrement a été rejetée par l’examinatrice pour une partie des services visés par la demande, à savoir pour les services litigieux mentionnés au point 3 ci-dessus, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle était descriptive.

5        Le 28 janvier 2016, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinatrice.

6        Par décision du 3 novembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, d’une part, elle a considéré que la marque demandée était comprise comme l’indication d’un site Internet de location d’automobiles à des conditions avantageuses (point 21 de la décision attaquée) et que, en ce qui concerne les services litigieux, le public pertinent comprenait immédiatement et sans autre réflexion que la marque demandée décrivait l’objet de la prestation du service, à savoir la soumission d’une offre avantageuse de location de voitures, ainsi que l’espèce et les modalités de prestation du service, à savoir que celui-ci s’effectuait à travers un site Internet (point 27 de la décision attaquée). D’autre part, elle a considéré que la marque demandée était impropre à remplir la fonction d’indication d’une origine commerciale déterminée des services litigieux (point 46 de la décision attaquée). Sur la base de ces considérations, elle a conclu que, en ce qui concerne les services litigieux, la marque demandée devait être refusée à l’enregistrement pour les motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009 (devenu articles 95, paragraphe 1, premier phrase, du règlement 2017/1001), le deuxième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, et, le troisième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009

10      La requérante soutient que la chambre de recours a méconnu le principe de l’examen d’office des faits prévu à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, dans la mesure où elle a pris pour point de départ une situation de fait erronée. Selon elle, ladite chambre a omis de tenir compte du fait que la marque demandée était non seulement inhabituelle sur le plan linguistique, mais aussi grammaticalement construite de façon incohérente et inexacte. Cette chambre aurait dû recourir à une assistance éclairée si elle n’était pas en mesure de constater que la construction verbale, objet de la marque demandée, était linguistiquement inusuelle et grammaticalement incorrecte en langue allemande, alors que la requérante avait développé ce point de vue. Les difficultés rencontrées à cet égard seraient démontrées par les appréciations grammaticalement erronées de l’examinatrice.

11      La requérante fait également valoir que, si la chambre de recours s’était penchée sur la question de savoir si le signe verbal objet de la marque demandée était grammaticalement correct, celle-ci aurait admis que ledit signe n’était pas usuel en allemand, parce que sa construction grammaticale était fausse. Elle estime, en substance, que l’adjectif « billiger » (pas cher) n’a de sens que s’il est suivi d’un verbe, tel que dans les expressions « billiger telefonieren » (téléphoner pas cher) ou « billiger einkaufen » (acheter pas cher) et non d’un substantif, tel que, en l’espèce, le terme « mietwagen » (voiture de location). La construction correcte incluant ledit terme serait l’expression « der billige Mietwagen » (la voiture de location pas chère), avec l’adjectif « billige » et non l’adjectif « billiger ». Elle soutient que, à supposer que l’expression « billiger Mietwagen » soit une forme comparative, la construction correcte serait « Im Vergleich zu X handelt es sich bei Y um den billigeren Mietwagen » (en comparaison avec X, Y est la voiture de location la moins chère), avec l’adjectif « billigeren » et non l’adjectif « billiger ». Ainsi, en raison de sa tournure inhabituelle et grammaticalement fausse, le public pertinent ne percevrait pas la marque demandée comme ayant un contenu énonciatif, mais se demanderait qui a composé cette suite lexicale inhabituelle en allemand, ce qui permettrait d’indiquer l’origine commerciale des services.

12      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

13      Aux termes de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009 :

« Au cours de la procédure, l’Office procède à l’examen d’office des faits ; […]. »

14      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lors de l’examen des motifs absolus de refus, les examinateurs, et, le cas échéant, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque demandée relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 dudit règlement [arrêt du 18 mai 2017, Reisswolf/EUIPO (secret.service.), T‑163/16, non publié, EU:T:2017:350, point 18].

15      Il ressort de la jurisprudence que l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est une expression du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [arrêt du 30 septembre 2016, Alpex Pharma/EUIPO – Astex Pharmaceuticals (ASTEX), T‑355/15, non publié, EU:T:2016:591, point 51].

16      Dans la mesure où la requérante argue que la chambre de recours a méconnu le principe de l’examen d’office des faits prévu à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, dès lors qu’elle a pris pour point de départ une situation de fait erronée en omettant d’examiner correctement la marque demandée sur le plan linguistique et grammatical en allemand, il y a lieu de relever, d’une part, que, au point 19 de la décision attaquée, ladite chambre a constaté que le signe billiger-mietwagen.de se composait de trois éléments, à savoir « billiger », « mietwagen » et « .de », et a indiqué que leur signification avait été attestée dans la décision de l’examinatrice, sans être remise en cause par la requérante. Au demeurant, il convient de relever que, effectivement, à la page 2 de sa décision, l’examinatrice, en s’appuyant notamment sur un dictionnaire allemand, a relevé que le mot « billig » signifiait « bas en prix ; pas cher ; [avoir] relativement pour peu d’argent », que le mot « mietwagen » signifiait « voiture de location » et que l’élément « .de » était un « raccourci pays dans les adresses Internet ».

17      D’autre part, au point 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, dans la combinaison faite par la requérante dans la marque demandée, les composants se présentaient au public pertinent comme l’« adresse Internet du domaine “billiger-mietwagen.de” », dans lequel l’élément « .de » constituait l’extension nationale allemande d’un nom de domaine de premier niveau [country code Top Level Domain (ccTLD)] correspondant à un site Internet et serait ainsi directement perçu par ledit public comme se rapportant à l’« adresse d’un site Internet allemand ou ayant un lien avec l’Allemagne ».

18      Il ne ressort pas des constatations effectuées aux points 19 et 20 de la décision attaquée que la chambre de recours ait rencontré des difficultés dans l’appréciation de la marque demandée sur le plan linguistique et grammatical en allemand. La requérante, d’ailleurs, ne mentionne précisément aucune appréciation opérée par ladite chambre dans ladite décision qui démontrerait de telles difficultés, mais elle se borne, d’une part, à évoquer de prétendues appréciations grammaticalement erronées de l’examinatrice et, d’autre part, à contester, sur le fond, l’appréciation de la marque demandée opérée par cette chambre.

19      Or, d’une part, dans la mesure où la requérante conteste des prétendues appréciations grammaticalement erronées de l’examinatrice, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, le recours devant le juge de l’Union n’est ouvert qu’à l’encontre des seules décisions des chambres de recours, de sorte que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des moyens dirigés contre la décision de la chambre de recours même [arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 59, et du 24 novembre 2010, Nike International/OHMI – Muñoz Molina (R10), T‑137/09, EU:T:2010:478, point 13]. Partant, les griefs de la requérante dirigés à l’encontre de la décision de l’examinatrice sont inopérants et, en tout état de cause, irrecevables dans le cadre du présent recours devant le Tribunal.

20      D’autre part, dans la mesure où la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir apprécié erronément la marque demandée, elle vise à remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation de certains faits et de certains de ses arguments effectuée par ladite chambre, et non à faire grief à cette dernière d’avoir omis de prendre en considération ces faits et arguments avant de parvenir à la décision attaquée. Or, la question de savoir si la chambre de recours a correctement apprécié, ou non, certains faits, arguments ou éléments de preuve relève de l’examen de la légalité au fond de la décision attaquée et non de la régularité de la procédure ayant conduit à son adoption.

21      En tout état de cause, force est de constater qu’un tel grief de la requérante est manifestement non fondé.

22      En effet, d’une part, il convient de rappeler que la marque demandée n’est pas constituée par l’expression « billiger mietwagen », mais par la construction « billiger-mietwagen.de » (voituredelocaction-paschère.de), laquelle, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours, renvoie immédiatement et directement à une adresse Internet en raison du nom de domaine de premier niveau « .de ». Or, il y a lieu de relever que l’écriture des adresses Internet présente certaines particularités, auxquelles le public est habitué et lesquelles ne sont pas perçues comme des divergences à l’égard des usages linguistiques [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2013, Unister/OHMI (fluege.de), T‑244/12, EU:T:2013:243, points 22 et 23].

23      D’autre part, même à supposer qu’il y ait lieu de prendre en compte l’usage linguistique de l’adjectif allemand « billig » (pas cher), il convient de relever que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO dans le mémoire en réponse, en grammaire allemande, un adjectif porte des terminaisons différentes selon qu’il est précédé par un article défini ou par un article indéfini, voire qu’il fait partie d’un groupe nominal sans article. En particulier, s’agissant de l’adjectif « billig », lorsqu’il est précédé par l’article défini « der » (la), il se décline dans la forme « billige », tandis que, lorsqu’il est précédé par l’article indéfini « ein » (un), voire lorsqu’il n’est précédé par aucun article, il se décline dans la forme « billiger ». Ainsi, les expressions « der billige Mietwagen », « ein billiger Mietwager » et « billiger Mietwagen » sont toutes les trois correctes en allemand sur les plans linguistique et grammatical.

24      Il en découle que la juxtaposition de l’adjectif « billiger » au substantif « mietwagen » n’a rien d’inusuel ou d’erroné, d’autant plus lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, du nom de domaine permettant d’accéder à un site Internet, dans l’écriture duquel les articles déterminatifs peuvent faire défaut. Au demeurant, il n’est pas inusuel que la recherche d’un site Internet dans un moteur de recherche se fasse sans indiquer d’article, en l’occurrence en utilisant notamment l’expression « billiger mietwagen » (voiture de location pas chère).

25      Par ailleurs, quant à l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû recourir à de l’assistance ou à de l’aide afin de déterminer si la construction grammaticale de la marque demandée était correcte ou non, il convient de rappeler que, s’agissant des mesures d’instructions qui peuvent être prises au titre de l’article 78 du règlement no 207/2009 (devenu article 97 du règlement 2017/1001), telle que, notamment, une expertise [paragraphe 1, sous e), de ladite disposition], les instances de l’EUIPO disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider si, dans le cadre d’une procédure devant elles, il est pertinent de procéder à une telle mesure. La prise d’une telle mesure d’instruction demeure une faculté pour l’EUIPO qui n’y procède que lorsqu’elle l’estime justifiée et non pas automatiquement à la suite d’une demande en ce sens par une partie [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Kasztantowicz/EUIPO – Gbb Group (GEOTEK), T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 57 et jurisprudence citée].

26      En l’espèce, la requérante n’a pas demandé à la chambre de recours de procéder à une expertise pour apprécier la marque demandée sur le plan linguistique et grammatical, ni, au demeurant, une telle expertise aurait été nécessaire, dès lors que les composants de ladite marque peuvent être appréciés sur la base de leur signification commune en allemand.

27      Il résulte de tout ce qui précède que, en l’espèce, la chambre de recours a examiné avec soin et impartialité la signification en allemand de la marque demandée et que, partant, le moyen tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009, doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

28      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, et invoque, en substance, trois griefs, à l’appui d’un tel moyen. Tout d’abord, en se référant aux explications formulées dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que, en prenant comme point de départ une situation factuelle erronée, la chambre de recours a faussé l’appréciation du caractère descriptif de la marque demandée. Ensuite, ainsi que cela ressortirait des points 23 à 27 de la décision attaquée, cette chambre n’aurait pas tenu compte des exigences formulées par la jurisprudence quant à l’existence d’un rapport suffisamment direct et concret entre ladite marque et les services visés par celle-ci. En effet, en raison de la structure grammaticale incorrecte de cette marque, il serait exclu que le public pertinent puisse percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description d’une caractéristique desdits services. Enfin, la même chambre aurait méconnu, d’une part, « le principe d’interprétation élémentaire du droit des marques » selon lequel « le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à des analyses conceptuelles ni à des ajouts sémantiques et à des précisions » et, d’autre part, l’obligation qui lui incomberait « de tenir compte […] de “l’ensemble des faits et des circonstances pertinents” […], tout en se fondant cependant […] sur la perception des milieux concernés qu’il est “raisonnable” d’envisager ».

29      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

30      À titre liminaire, il y a lieu d’écarter comme étant non fondé le premier grief de la requérante tiré de la prise en compte d’une situation factuelle erronée, dès lors qu’un tel grief s’appuie, en substance, sur les arguments invoqués par la requérante dans le cadre du premier moyen du recours contestant l’appréciation linguistique et grammaticale de la marque demandée opérée par la chambre de recours et que, ainsi qu’il a été constaté aux points 21 à 24 ci-dessus, lesdits arguments sont non fondés.

31      S’agissant des deux autres griefs de la requérante, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

32      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 62 et jurisprudence citée).

33      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n o 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, EU:C:2001:461, point 39, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 24].

34      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25).

35      À cet égard, il doit être précisé que le choix par le législateur du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés par ladite disposition ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50 et jurisprudence citée).

36      Le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent qui est constitué par les consommateurs de ces produits ou de ces services [arrêt du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, EU:T:2007:179, point 30].

37      En l’espèce, au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, que les services litigieux s’adressaient en partie au grand public et en partie au public spécialisé. Elle a relevé que lesdits services n’étaient pas utilisés quotidiennement et que, en partie, ils supposaient d’importants investissements financiers. Elle a poursuivi en indiquant que, s’agissant de ces services, les consommateurs étaient particulièrement attentifs et que, partant, le degré d’attention accordé au signe était élevé. Au point 18 de ladite décision, elle a constaté que la marque demandée était composée de mots allemands et que, partant, le public pertinent était le public germanophone. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

38      Sur la base de ces éléments, ainsi que sur la base de son examen linguistique de la marque demandée (voir les points 16 et 17 ci-dessus), la chambre de recours a considéré, à juste titre, au point 21 de la décision attaquée, que, dans son ensemble, la marque demandée était comprise par le public pertinent comme étant l’indication d’un site Internet de location de voitures à des conditions pécuniaires avantageuses. Au demeurant, cela n’est pas non plus contesté par la requérante, laquelle, par son deuxième grief, se borne à soutenir qu’en raison de la structure grammaticale incorrecte de la marque demandée, le consommateur ne perçoit pas de rapport avec les services litigieux et que la chambre de recours n’a pas tenu compte des exigences formulées par la jurisprudence quant à l’existence d’un tel rapport.

39      À cet égard, d’une part, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été constaté aux points 23 et 24 ci-dessus, la marque demandée ne présente aucune structure grammaticale incorrecte, mais, au contraire, elle est grammaticalement correcte pour le public germanophone.

40      D’autre part, dans la mesure où la requérante conteste le fait que la chambre de recours n’aurait pas tenu compte des exigences formulées par la jurisprudence, il convient de relever que, aux points 23 à 26 de la décision attaquée, ladite chambre a examiné le rapport entre les services litigieux et la marque demandée et elle a constaté l’existence d’un rapport direct ou immédiat entre ceux-ci.

41      En effet, dans la mesure où la marque demandée sera comprise comme l’indication d’un site Internet de location de voitures à des conditions pécuniaires avantageuses, le public pertinent, confronté à celle-ci pour les services litigieux relevant des classes 35 et 39, comprendra immédiatement que ces services portent sur la location de voitures à des conditions avantageuses et qu’ils sont fournis à travers un site Internet. De même, confronté à une telle marque pour les services litigieux relevant de la classe 38, le public pertinent comprendra également, de manière immédiate, que ces services visent à exploiter un site Internet pour la location de voitures à des conditions avantageuses.

42      Sur la base d’un tel examen, au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a donc pu conclure, à juste titre, que le public pertinent, lorsqu’il est confronté à la marque demandée en relation avec les services litigieux, comprendra immédiatement et sans autre réflexion que la marque décrit l’objet de la prestation du service, à savoir des services liés à la location de voiture à des conditions avantageuses, ainsi que la modalité de prestation dudit service, à savoir par le biais d’un site Internet.

43      C’est donc sans commettre d’erreur que, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a pu conclure que la marque demandée était manifestement descriptive des services litigieux dans la perception du public pertinent.

44      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 32 à 36 ci-dessus, la chambre de recours a dûment examiné la perception de la marque demandée par le public pertinent par rapport aux services visés par celle-ci. La requérante n’a invoqué aucun argument susceptible de remettre en cause une telle constatation, mis à part ceux, non fondés, tirés du caractère grammaticalement incorrect de la structure de la marque demandée et de l’inobservation de la jurisprudence.

45      Il en découle que le deuxième grief de la requérante doit être écarté comme étant non fondé.

46      En ce qui concerne le troisième grief de la requérante, tiré du fait que la chambre de recours a méconnu, d’une part, le principe selon lequel « le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à des analyses conceptuelles ni à des ajouts sémantiques et à des précisions » et, d’autre part, l’obligation qui lui incombe « de tenir compte […] de “l’ensemble des faits et circonstances pertinents” […], tout en se fondant cependant […] sur la perception des milieux concernés qu’il est “raisonnable” d’envisager », il y a lieu de relever qu’un tel grief est invoqué de manière abstraite, sans indiquer quels sont les analyses conceptuelles, les ajouts sémantiques ou les précisions que la chambre de recours aurait pris en compte, quels sont les faits ou les circonstances pertinents qui n’auraient pas été pris en compte par elle et quelle perception des milieux concernés il lui aurait été raisonnable d’envisager.

47      Or, à cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 13 mars 2013, Biodes/OHMI – Manasul Internacional (FARMASUL), T‑553/10, non publié, EU:T:2013:126, point 22 et jurisprudence citée].

48      Or, le troisième grief évoqué au point 28 de la requête ne satisfait pas ces exigences et doit, par conséquent, être écarté comme irrecevable.

49      Au demeurant, en l’espèce, il ressort, d’une part, de la décision attaquée que la chambre de recours a dûment examiné la perception de la marque demandée « dans son ensemble » (point 21 de la décision attaquée). D’autre part, il ne ressort nullement de la décision attaquée que la chambre de recours se soit fondée sur des analyses conceptuelles, ajouts sémantiques ou précisions, qu’elle ait omis d’examiner des faits ou des circonstances pertinentes ou qu’elle ait omis de prendre en compte la perception du public pertinent. Par conséquent, un tel grief est en tout état de cause non fondé.

50      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du recours.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

51      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et invoque, en substance, trois griefs à l’appui d’un tel moyen. Tout d’abord, elle estime que les explications données dans le cadre du premier moyen quant à la mauvaise analyse des faits opérée par la chambre de recours fondent également le troisième moyen. Ensuite, elle fait valoir que la marque demandée n’appartient pas aux catégories de marques dont il peut être particulièrement difficile d’apprécier le caractère distinctif. Au contraire, ladite marque relèverait de la catégorie de marques « la plus typique », c’est-à-dire celle où la nature du signe plaiderait pour son aptitude à indiquer l’origine du produit. Enfin, la requérante soutient que cette marque est « propre à distinguer, sur le marché, [les services litigieux] de ceux d’une autre entreprise […] du fait de la construction grammaticalement inexacte du terme formant la marque, et de son contenu sémantique par conséquent suffisamment abstrait pour être simplement suggestif ou évocateur ». De plus, elle considère que la marque demandée doit se voir appliquer la conclusion énoncée par le Tribunal au point 49 de l’arrêt du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL) (T‑34/00, EU:T:2002:41), selon laquelle elle pourrait être facilement et immédiatement mémorisée par le public ciblé et elle serait dotée d’une capacité intrinsèque pour être appréhendé en tant que signe distinctif.

52      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

53      Il convient d’observer que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus qui y sont énumérés s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire [voir arrêt du 8 novembre 2012, Hartmann/OHMI (Nutriskin Protection Complex), T‑415/11, non publié, EU:T:2012:589, point 46 et jurisprudence citée].

54      Or, il découle de l’examen du deuxième moyen que c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que le signe demandé était descriptif des services concernés et qu’il ne pouvait, dès lors, être enregistré en tant que marque de l’Union, se heurtant au motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n o 207/2009.

55      Partant, le troisième moyen est inopérant.

56      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      SilverTours GmbH est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2018.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand