Language of document : ECLI:EU:T:2022:189

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

30 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale SCRUFFS – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑720/20,

Perry Street Software, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M. M. Hawkins, solicitor, et par Me T. Dolde, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Toolstream Ltd, établie à Yeovil (Royaume-Uni), représentée par Mme J. Hourigan, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 29 septembre 2020 (affaire R 550/2020‑4), relative à une procédure de nullité entre Perry Street Software et Toolstream,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et R. Mastroianni, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 novembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 juillet 2013, The BSS Group Ltd, prédécesseur en droit de l’intervenante, Toolstream Ltd, a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international no 1171590, désignant l’Union européenne, de la marque verbale SCRUFFS. Cet enregistrement, jouissant de la date de priorité du 25 janvier 2013, à laquelle la demande d’enregistrement avait été déposée, a été notifié à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001, du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Vêtements, chaussures et chapellerie de protection ; vêtements, chaussures et chapellerie de protection pour le travail ; vêtements, chaussures et chapellerie de protection contre les blessures ou les accidents ; vêtements, chaussures et chapellerie de sécurité ; vêtements, chaussures et chapellerie de sécurité à usage professionnel ; vêtements, chaussures et chapellerie pour la prévention des blessures ou des accidents » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; vêtements de travail ».

3        Le 20 octobre 2017, la requérante, Perry Street Software, Inc., a introduit une demande en nullité à l’encontre de cette marque pour l’ensemble des produits visés au point 2 ci-dessus sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), dudit règlement.

4        Le 13 février 2020, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité dans son intégralité, considérant que la marque contestée n’était ni descriptive des produits pour lesquels elle avait été enregistrée, ni dénuée de caractère distinctif.

5        Le 17 mars 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001 contre cette décision de la division d’annulation.

6        Par décision du 29 septembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, s’agissant du public pertinent, elle a considéré qu’il était composé de professionnels anglophones qui utilisent des vêtements de protection et du grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention variant de moyen à élevé. Elle a constaté qu’aucune source de référence de la langue anglaise ne contenait une définition pertinente du terme constituant la marque contestée et que ni les éléments de preuve produits par la requérante supposés démontrer l’utilisation dudit terme dans le langage courant, ni la définition argotique fournie n’étaient de nature à démontrer un usage descriptif de ce terme. Elle a ainsi considéré que la requérante n’avait pas démontré que la marque contestée était descriptive d’une caractéristique spécifique des produits en cause. En outre, elle a considéré que la marque contestée n’était pas dépourvue de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et, le cas échéant, l’intervenante aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de nullité devant la division d’annulation et devant la chambre de recours.

8        L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À titre liminaire, il y a lieu de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 janvier 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

10      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures aux dispositions du règlement 2017/1001 comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

11      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, les instances de l’EUIPO doivent se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêt du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée), T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297, point 17 et jurisprudence citée].

12      À l’appui de son recours, la requérante présente trois moyens, tirés, le premier, d’un défaut d’examen exhaustif et d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve, le deuxième, d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenus, respectivement, article 59, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001] et, le troisième, d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

13      Il convient d’examiner en premier lieu le deuxième moyen, en deuxième lieu, le premier moyen et, en troisième lieu, le troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009

14      La requérante soutient, en ce qui concerne la définition du public pertinent, que celui-ci était constitué des consommateurs anglophones de l’Union, ce qui incluait les anglophones du Royaume-Uni et de l’Irlande. La requérante soutient, en premier lieu, que la chambre de recours a erronément considéré qu’aucune source de référence de la langue anglaise ne contenait une définition pertinente du terme « scruffs ». Selon la requérante, cette erreur s’est avérée déterminante dans l’appréciation de la chambre de recours relative au caractère descriptif de la marque contestée.

15      En deuxième lieu, la chambre de recours aurait méconnu la définition du terme « scruffs » figurant dans un dictionnaire de termes argotiques disponible sur Internet, dont un extrait a été produit par la requérante, et aurait également dénaturé les éléments de preuve. En particulier, rien dans la définition argotique fournie par la requérante ne pourrait suggérer que ledit terme désigne nécessairement des articles usagés, vieux ou en mauvais état. Par ailleurs, la requérante soutient que la définition du mot « scruffs » figurant dans le Cambridge Dictionary contredit manifestement l’appréciation de la chambre de recours, dès lors que cette définition, d’une part, ferait référence à une caractéristique intrinsèque des produits concernés et, d’autre part, ne se référerait pas nécessairement à des vieux vêtements. En outre, la requérante allègue que, dans le règlement applicable, rien n’indique que, pour qu’elle soit descriptive, une marque doit se référer à des produits neufs. À cet égard, elle fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, une marque est susceptible de faire l’objet d’un usage sérieux même lorsque son titulaire ne fait que revendre des produits d’occasion. La requérante ajoute que le fait que le dictionnaire de termes argotiques qu’elle a produit, comprend des mots qui pourraient être perçus comme désobligeants est dénué de pertinence aux fins de l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée.

16      En troisième lieu, la requérante affirme qu’elle a produit devant la chambre de recours des éléments de preuve exhaustifs provenant de diverses sources, telles que des articles de presse, montrant que le terme « scruffs » est utilisé par le public pertinent dans le langage courant pour désigner des vêtements, des chaussures et de la chapellerie soit de loisir, soit portés pour exercer des activités ou des travaux susceptibles de les salir, soit utilisés à des fins de protection.

17      En quatrième et dernier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a erronément considéré que le terme « scruffs » n’était pas synonyme de « loungewear », mot visant des tenues d’intérieur. En particulier, elle affirme que la comparaison des définitions figurant dans des dictionnaires de la langue anglaise démontre que les deux termes font référence à des vêtements informels conçus pour être portés chez soi et ont donc la même signification. Selon la requérante, le fait que le terme « scruffs » ne figure dans aucun dictionnaire en tant que synonyme du terme « loungewear » ne saurait signifier que les deux mots ne sont pas synonymes.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

19      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

20      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, non publié, EU:T:2011:340, point 12].

21      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience se révèle positive, ou de faire un autre choix, si elle se révèle négative (arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 7 juillet 2011, TRUEWHITE, T‑208/10, non publié, EU:T:2011:340, point 13).

22      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, EU:C:2001:461, point 39, et du 5 juillet 2012, Deutscher Ring/OHMI (Deutscher Ring Sachversicherungs-AG), T‑209/10, non publié, EU:T:2012:347, point 17].

23      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par la disposition susmentionnée, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret, de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 7 juillet 2011, TRUEWHITE, T‑208/10, non publié, EU:T:2011:340, point 14 et jurisprudence citée).

24      Il convient également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 38, et du 7 juillet 2011, TRUEWHITE, T‑208/10, non publié, EU:T:2011:340, point 17].

25      En l’espèce, il appartenait donc à la chambre de recours d’examiner si, sur la base d’une signification donnée de la marque contestée, à la date pertinente, il existait, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret entre cette marque et les caractéristiques des produits pour lesquels elle avait été enregistrée, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

26      Tout d’abord, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours et de la requérante, que, dans la mesure où la marque contestée est constituée d’un terme anglais, il convient de se fonder sur la signification de ce terme telle qu’elle est perçue par le public anglophone de l’Union. Par ailleurs, ainsi que la chambre de recours l’a constaté et que la requérante l’a admis lors de l’audience, le public pertinent est constitué de professionnels et d’artisans qui utilisent des vêtements de protection ainsi que du grand public et son niveau d’attention varie de moyen à élevé.

27      Ensuite, quant à la signification du terme « scruffs », la chambre de recours a considéré, que les éléments de preuve produits établissaient un usage familier de ce terme pour désigner des vêtements portés pour le confort et non l’apparence, pouvant être exposés à la saleté ou abîmés sans que cela ne porte à conséquence et qui ne constituaient pas une catégorie objective de vêtements. Selon la chambre de recours, le sens ainsi dégagé et confirmé par la définition tirée de l’extrait du dictionnaire de termes d’argot produit par la requérante concernait non pas des articles à acheter, mais tout vêtement devenu usagé et pouvant être abîmé. Sur la base de ces constatations, la chambre de recours a considéré qu’il n’avait pas été démontré que la marque contestée était descriptive d’une caractéristique spécifique in concreto.

28      Les arguments de la requérante ne permettent pas de remettre en cause cette appréciation de la chambre de recours.

29      En particulier, et contrairement à ce qui est allégué par la requérante, il ne ressort ni du dictionnaire de termes d’argot disponible sur le site Internet www.peevish.co.uk, ni des exemples d’utilisation du terme « scruffs » dans la presse écrite et en ligne qui ont été produits, que celui-ci est utilisé pour désigner l’une des caractéristiques intrinsèques des produits concernés. À cet égard, il convient de relever que, selon le dictionnaire susmentionné, le terme « scruffs » désigne des « [v]êtements de moindre importance dans lesquels on se détend ou on accomplit des tâches susceptibles de les salir ou de les abîmer ». À l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de relever qu’une telle définition désigne des vêtements qui, du fait de leur état, sont dénués d’importance aux yeux de leur propriétaire et qui ne constituent pas des vêtements neufs, y compris des vêtements de protection, aux yeux des consommateurs potentiels de ces produits.

30      À cet égard, la référence faite par la chambre de recours, au point 20 de la décision attaquée, aux autres termes compris dans la liste de mots extraite du dictionnaire d’argot anglais disponible sur Internet ne vise qu’à révéler le contexte dans lequel le terme « scruffs » est cité. Dès lors, contrairement à ce qui est allégué par la requérante, la chambre de recours n’était pas tenue d’étayer davantage son affirmation selon laquelle l’extrait de ladite liste extraite du dictionnaire d’argot, pour le surplus, était constitué de mots profondément désobligeants dans l’ensemble, de nature sexuelle, scatologique et/ou biaisée. Outre le fait que la simple lecture de la liste de mots argotiques figurant dans cet extrait produit par la requérante permet de constater la présence de plusieurs mots ou expressions de nature sexuelle, la référence à ces termes n’a été faite par la chambre de recours que de manière purement complémentaire dans le cadre de l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée.

31      Par ailleurs, la chambre de recours a confirmé la signification retenue du terme « scruffs » en renvoyant à plusieurs exemples d’utilisation de ce terme dans la presse écrite et en ligne. En particulier, elle a notamment fait référence à des phrases telles que « I did actually go to work in my scruffs once » (« une fois, je suis vraiment allé travailler dans mes “scruffs” »), « I have been stopped in a supermarket, shopping in my scruffs (« j’ai été arrêté dans un supermarché, faisant du shopping dans mes “scruffs” »), « I put on my scruffs and went out the back to clean out the shed (« j’ai mis mes “scruffs” et suis sorti par l’arrière pour nettoyer le hangar »), « I’d always take my “scruffs” or clothes I could chuck away at the end of the festival as they’d be ruined » (« je prenais toujours mes “scruffs” ou des vêtements que je pouvais jeter à la fin du festival, car ils auraient été abîmés »), « I can wander around in my scruffs with my hair back and without makeup » (« je peux me promener dans mes “scruffs” avec mes cheveux en arrière et sans maquillage »), « after dinner I got changed into my scruffs and headed out to what was needed in the garden » (après le dîner, j’ai mis mes “scruffs” et je suis sorti pour m’occuper de ce qu’il fallait faire dans le jardin).

32      Or, il ressort de tous ces exemples d’utilisation courante du terme « scruffs » que celui-ci est associé à des produits usagés qui se trouvent déjà en possession de leur propriétaire et qui, comme l’a relevé la chambre de recours, conviennent à des activités privées ou à des activités qui mettent les vêtements à rude épreuve. Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les éléments de preuve montraient un usage familier du terme « scruffs » désignant des vêtements portés pour le confort et non l’apparence et qui peuvent être exposés à la saleté ou abîmés sans que cela ne porte à conséquence. Elle n’a pas davantage commis d’erreur en considérant que ces produits ne constituaient pas une catégorie objective de vêtements, en ce que leur état usagé n’était pas perçu comme constituant une caractéristique intrinsèque ou essentielle d’articles achetés en magasin, dès lors que même les produits recyclés ou d’occasion étaient en principe vendus en bon état et que les consommateurs ne s’attendaient pas à acheter des habits en mauvais état.

33      Par ailleurs, les autres arguments avancés par la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations figurant au point 32 ci-dessus.

34      En premier lieu, il convient de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a erronément considéré qu’aucune source de référence de la langue anglaise ne contenait une définition pertinente du terme « scruffs » et que cette erreur avait été déterminante dans l’appréciation de la chambre de recours quant à l’absence de caractère descriptif de la marque contestée.

35      À ce titre, il y a lieu de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 52 et de l’article 55 du règlement no 207/2009 (devenu article 62 du règlement 2017/1001), une marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [voir arrêt du 28 septembre 2016, European Food/EUIPO – Société des produits Nestlé (FITNESS), T‑476/15, EU:T:2016:568, point 47 et jurisprudence citée].

36      Cette présomption de validité limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union européenne mené par les examinateurs de l’EUIPO, et, sur recours, par les chambres de recours, lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité (voir arrêt du 28 septembre 2016, FITNESS, T‑476/15, EU:T:2016:568, point 48 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il est constant que la requérante a produit pour la première fois devant le Tribunal l’extrait de la définition du terme « scruffs » figurant dans le Cambridge Dictionary. Au vu des principes rappelés aux points 35 et 36 ci-dessus, dans le cadre de la procédure de nullité, la chambre de recours n’était pas tenue, contrairement à ce que soutient la requérante, d’examiner d’office les faits pertinents qui auraient pu l’amener à appliquer le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

38      À cela s’ajoute le fait que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 9 ci-dessus, dans le cadre d’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la date pertinente pour l’examen de la conformité d’une marque de l’Union européenne avec l’article 7 de ce règlement est celle du dépôt de la demande d’enregistrement. La circonstance que la jurisprudence admette la prise en compte d’éléments postérieurs à cette date, loin d’infirmer cette interprétation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la conforte, dès lors que cette prise en compte n’est possible qu’à la condition que ces éléments concernent la situation à la date du dépôt de la demande de marque [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, point 19].

39      En l’espèce, l’extrait du Cambridge Dictionary relatif au terme « scruffs » produit par la requérante en tant qu’annexe A.10 de la requête est daté du 7 décembre 2020. Partant, la chambre de recours n’aurait pas pu prendre en compte la définition figurant dans ledit dictionnaire, dès lors que cet élément de preuve est postérieur à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, à savoir le 25 janvier 2013.

40      Certes, la requérante fait valoir que l’EUIPO devait prendre en compte d’office la définition du terme « scruffs » figurant dans le Cambridge Dictionary dès lors que celle-ci constituerait un fait notoire. Elle soutient à cet égard que les entrées des dictionnaires sont des sources généralement accessibles au grand public et fournissent une définition pertinente du mot en cause dans la langue concernée.

41      Cet argument ne saurait toutefois être retenu. En effet, premièrement, au vu de ce qui a été relevé au point 39 ci-dessus, la requérante n’établit pas que ladite définition du terme « scruffs » constituait un fait notoire pertinent à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. À cet égard, il y a lieu de souligner que, à la différence de la présente affaire, il résulte des points 73 à 75 de l’arrêt du 15 octobre 2020, smart things solutions/EUIPO – Samsung Electronics (smart:)things) (T‑48/19, non publié, EU:T:2020:483), invoqué par la requérante, que l’extrait du dictionnaire concerné dans cette affaire remontait à une période antérieure à la date de la demande d’enregistrement de la marque concernée.

42      Deuxièmement, la référence faite par la requérante à l’arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN) (T‑57/03, EU:T:2005:29), n’est, elle non plus, pas pertinente. En effet, à la différence de la présente affaire, celle ayant donné lieu à l’arrêt précité était afférente à une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001]. Par ailleurs, à la différence de la présente affaire, qui concerne la signification d’un terme tel que mentionné dans un dictionnaire, au point 59 de l’arrêt susmentionné, le Tribunal a relevé l’utilité des dictionnaires pour fournir une indication pertinente de la prononciation correcte d’un mot dans une langue d’accueil.

43      Troisièmement, ainsi qu’il a été relevé au point 24 ci-dessus, dans le cadre de l’examen effectué au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée au regard des produits ou des services concernés doit avoir lieu en tenant compte de la perception que le public pertinent a de cette marque. Or, le Tribunal a déjà jugé que la seule inclusion d’un terme dans un ou plusieurs dictionnaires ne saurait suffire à démontrer que le public pertinent percevra immédiatement sa signification, même s’il s’agit de locuteurs natifs de la langue concernée [voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2017, Rare Hospitality International/EUIPO (LONGHORN STEAKHOUSE), T‑856/16, non publié, EU:T:2017:412, point 38]. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la présente affaire, ainsi qu’il a été relevé aux points 29 à 32 ci-dessus, la chambre de recours a tenu compte de tous les éléments de preuve produits par la requérante pour constater l’absence de caractère descriptif du terme « scruffs ». Par conséquent, à supposer même que la définition de celui-ci figurant dans le Cambridge Dictionary soit un fait notoire pouvant être pris en compte par la chambre de recours, il ne saurait être reproché à celle-ci de ne pas s’être fondée sur des éléments de preuve suffisants pour apprécier la perception dudit terme par le public pertinent .

44      Enfin, quatrièmement, il y a lieu de relever que le Cambridge Dictionary définit le terme « scruffs » comme suit : « clothes that are not formal or suitable for work or special occasions, especially old or worn clothes » (vêtements qui ne sont pas habillés ou adaptés pour le travail ou des occasions spéciales, en particulier de vieux vêtements ou des vêtements usagés). Partant, à l’instar de l’EUIPO, il convient de constater que l’extrait dudit dictionnaire corrobore l’appréciation de la chambre de recours concernant la signification du terme « scruffs ».

45      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante relatif à l’erreur que la chambre de recours aurait commise en considérant qu’aucune source de référence de la langue anglaise ne contenait une définition pertinente du terme « scruffs ».

46      En deuxième lieu, il convient également de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, même dans le cas où le terme « scruffs » ferait allusion à des vieux vêtements ou des vêtements usagés, cela n’empêcherait pas la marque contestée d’être descriptive des produits concernés. À cet égard, la requérante relève que la Cour a déjà admis, dans son arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari (C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854), qu’une marque est susceptible de faire l’objet d’un usage sérieux même si son titulaire ne commercialise sous cette marque que des produits d’occasion. Elle estime que, dès lors qu’il peut y avoir un usage sérieux d’une marque désignant des produits d’occasion, il n’y a aucune raison de conclure qu’une marque ne saurait être descriptive à l’égard de « vieux produits d’occasion ».

47      À cet égard, il y a lieu de constater que, à supposer que la jurisprudence invoquée par la requérante puisse être comprise comme admettant la possibilité qu’une marque soit considérée comme descriptive également pour des produits d’occasion, elle n’est pas pertinente dans le cas d’espèce. En effet, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si le terme « scruffs » serait perçu par le public pertinent comme une description des produits en cause ou d’une de leurs caractéristiques. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 32 ci-dessus, l’état usagé des vêtements désignés par le terme « scruffs » ne serait pas perçu comme étant une caractéristique intrinsèque ou essentielle d’articles achetés en magasin, dès lors que même les produits d’occasion sont en principe vendus en bon état et que les consommateurs ne s’attendent pas à acheter des habits en mauvais état.

48      En troisième lieu, contrairement à ce qui est allégué par la requérante, le terme « scruffs » ne saurait non plus être considéré comme synonyme du terme « loungewear ». À cet égard, il convient de constater que, comme la chambre de recours l’a correctement relevé, les dictionnaires cités par la requérante qui contiennent la définition du terme « loungewear » ne mentionnent pas le terme « scruffs » comme synonyme de celui-ci. Par ailleurs, si les deux termes peuvent désigner des vêtements non habillés adaptés pour être portés chez soi, le terme « loungewear » fait plutôt référence au caractère décontracté et confortable des vêtements que l’on porte pour se prélasser. À la différence des vêtements désignés par le mot « scruffs », ceux visés par le terme « loungewear » ne sont pas, en principe, destinés à être portés pour se livrer à des travaux ou à des tâches susceptibles de les salir ou de les abîmer.

49      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent percevrait le terme « scruffs » comme une allusion amusante ou surprenante, suffisamment imprécise pour être suggestive et divertissante. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lors de l’examen de la marque contestée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

50      Il convient donc de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

51      La requérante affirme que la chambre de recours a violé l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 en n’ayant pas procédé à un examen exhaustif des éléments de preuve et en ayant dénaturé les faits et les éléments de preuve. En particulier, elle relève que la chambre de recours a admis qu’aucune source de référence de la langue anglaise ne contenait une définition pertinente du terme « scruffs ». Or, le Cambridge Dictionary serait une source de référence de la langue anglaise, étant l’un des dictionnaires de cette langue parmi les plus réputés au monde. Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû prendre en compte l’entrée correspondant audit terme figurant dans ce dictionnaire, dès lors qu’il s’agirait d’une source généralement accessible et que la définition de ce terme donnée par ce dictionnaire constituerait donc un fait notoire. La requérante ajoute que la chambre de recours a également dénaturé les éléments de preuve produits, car l’appréciation qu’elle en a faite serait manifestement erronée.

52      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53      Il convient de rappeler que, dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante a fait valoir que la chambre de recours avait erronément considéré qu’aucune source de référence de la langue anglaise ne contenait une définition pertinente du terme « scruffs » et que cette erreur avait été déterminante dans l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée était dépourvue de caractère descriptif au regard des produits en cause.

54      Or, il échet de rappeler que, aux points 35 à 45 ci-dessus, il a été constaté que, en l’espèce, la définition du terme « scruffs » figurant dans le Cambridge Dictionary ne pouvait pas être considérée comme un fait notoire pertinent et que, en toute hypothèse, cette définition corroborait l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent percevait ledit terme comme désignant des vieux vêtement ou des vêtements usagés. Par ailleurs, étant donné que, comme il a été relevé au point 49 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation lors de l’examen de ce terme, un défaut d’examen exhaustif ou une dénaturation des faits ou des éléments de preuve ne pourraient être établis à cet égard.

55      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

56      La requérante allègue que, dès lors que la marque contestée est descriptive de tous les produits en cause, elle est dépourvue de caractère distinctif. Partant, la chambre de recours aurait également commis une erreur dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque contestée et aurait donc violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. La requérante ajoute que la marque contestée, constituée d’un mot figurant dans le dictionnaire, ne permet pas au public pertinent de distinguer les produits de l’intervenante relevant des classes 9 et 25 d’autres produits pouvant être décrits comme des « scruffs ».

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

58      Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante se fonde sur l’affirmation selon laquelle la marque contestée, étant descriptive au regard des produits concernés et rentrant de ce fait dans le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, serait également, en conséquence, dépourvue de caractère distinctif.

59      Or, il convient de constater que, d’une part, il découle des réponses aux deux premiers moyens que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la marque contestée n’était pas descriptive et ne se heurtait dès lors pas au motif de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. D’autre part, la requérante n’a avancé aucun autre élément visant à établir l’absence de caractère distinctif de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2012, Stichting Regionaal Opleidingencentrum van Amsterdam/OHMI – Investimust (COLLEGE), T‑165/11, non publié, EU:T:2012:284, point 38].

60      En particulier, la requérante n’a pas démontré d’erreur entachant l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent percevait la marque contestée comme une allusion amusante ou surprenante, suffisamment imprécise pour être suggestive et divertissante, de sorte que cette marque était perçue comme un indicateur de l’origine commerciale des produits concernés, et n’était donc pas dépourvue de caractère distinctif.

61      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, dès lors, le recours dans son entièreté.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Perry Street Software, Inc. est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.