Language of document : ECLI:EU:T:2011:134

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

1er avril 2011 (*)

« Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Absence de force majeure – Absence d’erreur excusable – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑469/10,

Padraigh Conneely, demeurant à Claregalway (Irlande), représenté par MM. A. Collins, SC, N. Travers, barrister, et D. Barry, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 4763 de la Commission, du 13 juillet 2010, rejetant une demande d’augmentation de capacité pour des raisons de sécurité concernant un nouveau navire de pêche,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas et K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 16 juillet 2010, le requérant, M. Padraigh Conneely, s’est vu notifier la décision C (2010) 4763 de la Commission, du 13 juillet 2010, adressée à l’Irlande, rejetant une demande d’augmentation de capacité pour des raisons de sécurité concernant un nouveau navire de pêche (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision remplace celle figurant à l’article 2 et à l’annexe II de la décision 2003/245/CE de la Commission, du 4 avril 2003, relative aux demandes reçues par la Commission d’accroître les objectifs du POP IV en vue d’améliorer la sécurité, la navigation en mer, l’hygiène, la qualité des produits et les conditions de travail pour les navires d’une longueur hors tout supérieure à 12 mètres (JO L 90, p. 48).

2        Par requête déposée par courrier électronique au greffe du Tribunal, le 28 septembre 2010, le requérant a introduit le présent recours. L’original de la requête est parvenu au greffe du Tribunal le 6 octobre 2010.

3        Par lettre du greffier du 5 novembre 2010, le requérant a été informé que le présent recours n’avait pas été formé dans le délai prévu par l’article 263 TFUE et a été invité à exposer les raisons du dépôt tardif de la requête.

4        Par lettre du 22 novembre 2010, le requérant a répondu que son recours avait été déposé avant l’expiration du délai de recours, puisqu’il avait envoyé la requête par courrier électronique, le 27 septembre 2010, juste avant minuit, selon le fuseau horaire irlandais. Dans l’hypothèse où le Tribunal devrait considérer qu’il convenait de prendre en considération l’heure à laquelle la requête a été reçue par le greffe au Luxembourg, le requérant soutient qu’il a été confronté à des circonstances exceptionnelles constitutives d’un cas fortuit ou de force majeure, justifiant, selon lui, le dépôt tardif de sa requête.

5        Par lettre du 15 décembre 2010, le Tribunal a posé deux questions écrites au requérant l’invitant à fournir des précisions supplémentaires quant aux problèmes rencontrés avec le télécopieur du greffe du Tribunal.

6        Le 10 janvier 2011, le requérant a répondu auxdites questions.

 Conclusions du requérant

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission européenne aux dépens.

 En droit 

8        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

9        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

10      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

11      En outre, conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

12      Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39).

13      En l’espèce, conformément à l’article 101, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours a commencé à courir le 17 juillet 2010, jour suivant la date de la notification de la décision attaquée, et a expiré le 27 septembre 2010 à minuit, délai de distance inclus, compte tenu du fait que le 26 septembre 2010 était un dimanche, ce qui n’est pas contesté par le requérant.

14      Étant donné que la requête a été transmise par courrier électronique au greffe, le 28 septembre à 00 h 53 (heure du Luxembourg), l’original ayant été déposé le 6 octobre 2010, le présent recours a été introduit après l’expiration du délai de recours, donc tardivement.

15      Le requérant, dans sa lettre du 22 novembre 2010, fait cependant valoir que sa requête a été transmise par courrier au greffe avant l’expiration du délai de recours, étant donné qu’il a envoyé son courrier électronique, à 23 h 53, selon le fuseau horaire irlandais.

16      Or, il y a lieu de relever que l’heure à prendre en considération pour le dépôt de la requête est l’heure enregistrée au greffe du Tribunal. En effet, dans la mesure où, conformément à l’article 43, paragraphe 3, du règlement de procédure, au regard des délais de procédure, seule la date du dépôt au greffe sera prise en considération, il y a lieu de considérer que seule l’heure du dépôt au greffe doit être retenue pour le calcul des délais. La Cour de justice de l’Union européenne, conformément à l’article unique du protocole n° 6 du traité FUE sur la fixation du siège des institutions et de certains organes, organismes et services de l’Union européenne, ayant son siège à Luxembourg, il convient donc de prendre en compte l’heure du Luxembourg.

17      Le requérant se prévaut de l’existence d’un cas de force majeure, au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. À cet égard, il indique avoir rencontré des problèmes avec le télécopieur du greffe, après 21 h 35 (selon l’heure de son propre télécopieur), et avoir infructueusement tenté d’envoyer par télécopie ladite requête après que sept requêtes avaient été dûment transmises au greffe. Sur ce point, il a joint deux rapports de confirmation de transmission de son télécopieur, montrant que celui du Tribunal était resté sans réponse à 21 h 53 et à 21 h 57 (selon l’heure de son télécopieur), lors de la tentative d’envoi de la requête dans l’affaire T‑471/10, Gill/Commission. Il a précisé avoir envoyé, par courrier électronique, les autres requêtes, dont quatre auraient été transmises avant 22 h 35, et avoir eu des problèmes également avec le système de courrier électronique du greffe du Tribunal.

18      Il convient de rappeler que la Cour a jugé à maintes reprises qu’il ne peut être dérogé à l’application des réglementations concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, Rec. p. I‑9757, point 16, et la jurisprudence citée).

19      La Cour a également eu l’occasion de préciser que les notions de force majeure et de cas fortuit comportent un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’opérateur, et, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’évènement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’opérateur doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (voir ordonnance Belgique/Commission, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

20      En l’espèce, il y a lieu de relever que le requérant a établi que le télécopieur du greffe ne répondait pas momentanément à 21 h 53 et à 21 h 57 (selon l’heure de son télécopieur) lors de l’envoi d’un autre recours (affaire T-471/10). Toutefois, l’horloge de son télécopieur, pour des raisons qui n’ont pas été exposées au Tribunal, en dépit d’une question écrite adressée spécifiquement à cet égard, retardait de deux heures par rapport à celle du télécopieur du greffe du Tribunal, comme l’atteste le rapport du télécopieur du greffe.

21      Or, une seule heure sépare le fuseau horaire dans lequel se situe l’Irlande de celui dans lequel se trouve le Luxembourg. La seconde heure de différence ne saurait résulter des délais de transmission des télécopies, étant donné qu’il ressort des rapports de transmission des télécopies des autres recours déposés (T-461/10, Boyle/Commission, T‑464/10, Fitzpatrick/Commission, T‑459/10, Hugh McBride/Commission, T‑463/10, Ocean Trawlers/Commission, T-467/10, Murphy/Commission, T-466/10, Hannigan/Commission, et T-462/10, Flaherty/Commission) que le délai moyen de transmission d’une requête n’était que d’environ six à sept minutes, comme le confirme le requérant.

22      Il s’ensuit que les heures auxquelles se réfère le requérant pour montrer que le télécopieur du Tribunal ne répondait pas, lors de l’envoi de la requête dans l’affaire T-471/10, doivent être comprises comme étant 23 h 53 et 23 h 57 au Luxembourg. Dès lors, et en prenant en considération le délai moyen de transmission des sept requêtes (voir point 21 ci-dessus), même à supposer que le télécopieur du greffe ait fonctionné normalement, seul le recours dans l’affaire T‑471/10 pouvait encore être transmis jusqu’à minuit, heure d’expiration du délai de recours.

23      Quant à l’argument relatif aux problèmes qu’aurait rencontrés le requérant avec le système de courrier électronique du greffe, il y a lieu de le rejeter, car il s’agit d’une simple allégation non étayée par un élément de preuve.

24      Au surplus, il doit être relevé qu’aucun élément ne permet de considérer que le requérant aurait averti le greffe du Tribunal des problèmes qu’il aurait rencontrés avec le télécopieur ou le système de courrier électronique de celui-ci.

25      Il s’ensuit que les circonstances invoquées par le requérant ne sauraient être considérées comme des circonstances exceptionnelles constitutives d’un cas de force majeure, au sens de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour.

26      Le requérant se prévaut également d’une erreur excusable. Dans sa réponse du 10 janvier 2011 aux questions posées par le Tribunal, le requérant a ajouté que le greffe du Tribunal avait assuré à son représentant, lors d’une conversation téléphonique dans l’après-midi du 27 septembre 2010, que le recours dans l’affaire T-461/10, Boyle/Commission, lui avait bien été transmis par télécopie et que l’heure de réception de cette requête serait celle prise en considération pour la réception de tous les autres recours qui seraient envoyés ultérieurement.

27      Il est de jurisprudence constante qu’une erreur excusable peut, dans des circonstances exceptionnelles, avoir pour effet de ne pas mettre la partie requérante hors délai (voir ordonnance du Tribunal du 13 janvier 2009, SGAE/Commission, T-456/08, non publiée au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

28      L’erreur excusable est une notion qui doit être interprétée de façon restrictive et qui ne peut viser que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion inadmissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2007, Belgique/Commission, T‑5/07, non publié au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée).

29      Une erreur excusable ne saurait toutefois être reconnue en l’espèce. Même à supposer que le greffe ait donné des informations par téléphone sur les modalités de dépôt des recours, ce qui n’est aucunement établi, le requérant était tenu d’appliquer les dispositions du règlement de procédure relatives aux modalités de dépôt des recours prévues ainsi qu’aux délais applicables, lesquelles ne présentent pas de difficultés d’interprétation particulière (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 janvier 2004, OPTUC/Commission, T‑142/01 et T‑283/01, Rec. p. II‑329, point 44, et ordonnance du Tribunal du 30 novembre 2009, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, T-2/09, non publiée au Recueil, point 21). De surcroît, il n’entre pas dans les attributions et compétences des fonctionnaires du greffe de se prononcer sur le calcul du délai pour l’introduction d’un recours (ordonnance SGAE/Commission, précitée, point 21). Au demeurant, il convient de relever que cet argument n’a été soulevé par le requérant que, après plusieurs échanges de courriers avec le greffe, le 10 janvier 2011, dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal l’invitant à fournir des précisions supplémentaires quant aux problèmes rencontrés avec le télécopieur du greffe du Tribunal.

30      Ne saurait davantage être retenue la justification selon laquelle le représentant du requérant n’aurait été en mesure de transmettre au greffe du Tribunal le présent recours qu’au cours de l’après-midi et de la soirée du 27 septembre 2010, du fait que son client et l’architecte naval auraient été difficilement joignables au cours des derniers mois, passant pour l’exercice de leur activité professionnelle la plupart de leur temps en mer. En effet, les questions liées au fonctionnement et à l’organisation des services du représentant du requérant ne sauraient conférer un caractère excusable au dépôt tardif de la requête [voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 28 avril 2008, Publicare Marketing Communications/OHMI (Publicare), T-358/07, non publiée au Recueil, point 17].

31      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la Commission.

 Sur les dépens

32      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la Commission et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que le requérant supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Padraigh Conneely supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 1er avril 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.