Language of document : ECLI:EU:T:2014:734

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

20 août 2014 (*)

« Référé – Aides d’État – Infrastructures aéroportuaires – Financement public accordé par des municipalités en faveur d’un aéroport régional – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑217/14 R,

Gmina Kosakowo (Pologne), représentée par Me M. Leśny, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Grespan, S. Noë et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2014) 759 final de la Commission, du 11 février 2014, relative à la mesure SA. 35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        En juillet 2007, la requérante, la Gmina Kosakowo (ci-après la « commune de Kosakowo »), et la Gmina Miasto Gdynia (ci-après la « commune de Gdynia ») ont créé une société, Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo sp. z o. o. ci-après la « société AGK »), qui appartient à 100 % à ces deux communes polonaises, dans le but de reconvertir à des fins civiles le périmètre de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie dépendant des forces navales polonaises basées à Gdynia et situé sur le territoire de la commune de Kosakowo en Poméranie, dans le nord de la Pologne. Ce nouvel aéroport civil, dont la gestion était confiée à la société AGK, devait devenir le deuxième aéroport le plus important de la voïvodie de Poméranie et servir principalement au trafic aérien général, aux lignes à bas coûts et aux compagnies charters.

2        En 2012, la République de Pologne a notifié à la Commission européenne un projet de financement conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. La Commission ayant des doutes quant à la conformité de ce financement avec le marché intérieur, elle a engagé, par la décision C (2013) 4045 final du 2 juillet 2013, relative à la mesure SA. 35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, une procédure formelle d’examen.

3        Le 11 février 2014, la Commission a clôturé cette procédure par la décision C (2014) 759 final relative à la mesure SA. 35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle elle a constaté que le projet de financement envisagé constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, notamment en raison du fait que, grâce au financement public de la part des communes de Gdynia et de Kosakowo, la société AGK avait obtenu un avantage économique dont elle n’aurait pas bénéficié dans des conditions normales de marché.

4        Dans la décision attaquée, la Commission a considéré, en particulier, que l’aide était incompatible avec le marché intérieur, parce qu’elle ne remplissait pas un objectif d’intérêt commun clairement défini et ne faisait que redoubler les infrastructures régionales. L’aéroport de Gdynia-Kosakowo n’aurait pas de perspectives satisfaisantes d’exploitation à moyen terme, compte tenu du fait que l’aéroport de Gdansk (Pologne), situé à environ 25 km, se concentrait sur les lignes à bas coûts et les vols charters et qu’il n’était exploité qu’à 60 % de ses capacités. En outre, l’aide pourrait influer sur les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

5        Au vu de ces considérations, la Commission a constaté, à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, que les injections de capitaux effectuées par la République de Pologne du 28 août 2007 au 17 juin 2013 constituaient une aide d’État en faveur de la société AGK, d’un montant de 91,7 millions de zlotys polonais (PLN), incompatible avec le marché intérieur et mise en œuvre en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, l’aide d’État que la République de Pologne a envisagé d’octroyer à la société AGK après le 17 juin 2013 est incompatible avec le marché intérieur et ne peut être mise en œuvre.

6        Aux termes de l’article 2 de la décision attaquée, la République de Pologne est tenue de récupérer auprès du bénéficiaire l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 1, ainsi que les intérêts produits par les différents montants des apports de capitaux. En outre, elle doit cesser désormais tout versement de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2.

7        En vertu de l’article 3 de la décision attaquée, l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 1, doit être récupérée immédiatement et effectivement, les autorités polonaises étant tenues de mettre en œuvre ladite décision dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.

8        L’article 4 de la décision attaquée dispose que les autorités polonaises sont obligées de communiquer à la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification, les informations se rapportant au montant total de l’aide à récupérer auprès du bénéficiaire, la description détaillée des mesures déjà adoptées et des mesures prévues, ainsi que les documents confirmant qu’il a été ordonné au bénéficiaire de l’aide de restituer celle-ci. En outre, les autorités polonaises doivent, jusqu’au moment de la récupération intégrale de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 1, tenir la Commission informée de l’état d’avancement des mesures adoptées au niveau national aux fins de l’exécution de la décision attaquée et, sur demande de la Commission, produire sans délai les informations relatives aux mesures déjà adoptées et aux mesures prévues aux fins de l’exécution de ladite décision. Enfin, les autorités polonaises doivent communiquer des informations détaillées sur les montants d’aide et les intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

9        Aux termes de son article 5, la décision attaquée est adressée à la République de Pologne.

10      À la suite de l’adoption de la décision attaquée, la société AGK a déposé, le 12 mars 2014, une demande de déclaration de faillite auprès du Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ (tribunal d’arrondissement de Gdansk Nord, ci-après le « Sąd Rejonowy »), au motif que sa situation financière s’était détériorée en raison de l’arrêt du financement de son activité par ses associés, les communes de Gdynia et de Kosakowo, à la suite de l’ouverture par la Commission de la procédure formelle d’examen (voir point 2 ci-dessus), au point qu’elle n’était plus en mesure d’honorer ses dettes courantes et que la valeur de son passif dépassait celle de ses actifs.

11      C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2014, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée. À l’appui de son recours, elle reproche à la Commission, en substance, d’avoir violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE et commis des erreurs manifestes d’appréciation. Le 8 avril 2014, la commune de Gdynia et la société AGK avaient également introduit un recours en annulation de la décision attaquée (affaire T-215/14).

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2014, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Le 8 avril 2014, la commune de Gdynia et la société AGK avaient également introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée (affaire T-215/14 R).

13      Après l’introduction de la présente demande en référé, le Sąd Rejonowy, par ordonnance du 7 mai 2014, a prononcé la faillite de la société AGK, au motif que cette dernière n’honorait plus ses obligations depuis le 1er mars 2014.

14      Dans ses observations sur la présente demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 12 mai 2014, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      La requérante a répondu aux observations de la Commission par mémoire du 20 mai 2014. La Commission a pris définitivement position sur celui-ci par mémoire du 2 juin 2014.

 En droit

 Généralités

16      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du 17 janvier 2013, Slovénie/Commission, T‑507/12 R, EU:T:2013:25, point 6 et jurisprudence citée).

17      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec, EU:C:1996:381, point 30].

18      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec, EU:C:1995:257, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), EU:C:2007:209, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec, EU:C:2001:123, point 73).

19      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

20      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient, d’abord, d’examiner si la condition relative à l’urgence est remplie et, ensuite, de procéder à la mise en balance des intérêts.

 Sur l’urgence et sur la mise en balance des intérêts

21      Il y a lieu de constater, d’emblée, que, dans la demande en référé, la requérante a indiqué que le présent litige portait sur le caractère exécutoire de la décision attaquée, « enjoignant à l’État polonais de récupérer auprès de la société AGK la somme de 91 714 000 PLN » majorée des intérêts courus, et a souligné la nécessité urgente d’être protégée « contre les dommages prévisibles découlant d’une récupération de l’aide » par une mesure provisoire consistant à suspendre les effets de la décision attaquée. Rappelant que le transfert des capitaux nécessaires à l’achèvement, par la société AGK, des investissements aéroportuaires a été suspendu quand la Commission a ouvert, par décision du 2 juillet 2013, la procédure formelle d’examen (voir point 2 ci-dessus), elle a estimé que la protection de la concurrence était suffisamment garantie par l’interdiction de l’octroi d’aides nouvelles imposée en vertu de cette décision. Ensuite, dans son mémoire du 20 mai 2014, la requérante a explicitement invité le juge des référés à accorder le sursis à l’exécution de la décision attaquée, « tout en ordonnant une mesure provisoire qui interdirait l’octroi de toute nouvelle aide publique ».

22      Dans ces circonstances, le juge des référés ne peut que conclure que la requérante, en vue d’exclure la survenance d’un préjudice grave et irréparable, se limite à solliciter le sursis à l’exécution du seul ordre de récupération, auprès de la société AGK, des aides versées, alors qu’elle accepte la décision attaquée dans la mesure où celle-ci ordonne la cessation de tout versement d’aides nouvelles.

23      En ce qui concerne l’urgence qu’il y aurait de surseoir à l’exécution de cet ordre de récupération, la requérante fait observer que la mise en œuvre immédiate de l’ordre de récupérer, auprès de la société AGK, les aides qu’elle a perçues entraînerait la liquidation de cette société, ce qui causerait un dommage grave et irréparable au patrimoine protégé par la commune de Kosakowo, dont relèvent les intérêts économiques et sociaux sur le plan local. En effet, cela signifierait la fin des espoirs placés dans l’exploitation des investissements aéroportuaires réalisés, qui devait produire un impact direct et sensible sur les conditions de vie des habitants de la commune de Kosakowo, en générant notamment de nombreux nouveaux emplois. Dans ce contexte, la requérante affirme qu’une véritable reconversion de l’aéroport militaire se traduirait par une amélioration des infrastructures de transport, du commerce et des services, impliquant de nombreux investissements dans l’agglomération des trois villes de Gdánsk, Gdynia et Kosakowo, y compris, en particulier, la construction du « Métro de Poméranie » reliant ces trois villes.

24      La requérante souligne que, contrairement à la thèse défendue par la Commission, le fait que le Sąd Rejonowy ait, par son ordonnance du 7 mai 2014, prononcé la faillite de la société AGK, ne rend pas sans objet la demande en référé. En effet, l’objectif de cette demande n’aurait jamais été d’éviter la faillite de ladite société, mais plutôt de prévenir qu’elle fût liquidée à l’issue de la procédure de faillite. Ainsi, la Commission assimilerait erronément la déclaration de faillite et la liquidation, alors que les deux institutions doivent être strictement distinguées. Dans ce contexte, la requérante rappelle que, en droit polonais, l’adoption d’une décision de faillite n’aboutit pas automatiquement à une liquidation. Son objectif principal serait la satisfaction des créanciers et, lorsque les circonstances le permettent, le maintien de l’activité du débiteur. Il serait donc possible de transformer la décision de faillite visant à la liquidation des actifs de la société AGK en concordat (faillite concordataire), ce qui permettrait de maintenir l’activité de la société. Par conséquent, un sursis à l’exécution de la décision attaquée ordonnant le recouvrement des aides versées ferait disparaître la menace d’une liquidation de la société AGK et justifierait que le Sąd Rejonowy transforme la décision de faillite en concordat.

25      La requérante conteste donc le raisonnement de la Commission selon lequel la faillite elle-même entraînerait un préjudice irréparable, en soulignant que seule la liquidation constituerait un tel préjudice. Tant que la liquidation n’a pas eu lieu, le sursis à l’exécution de la décision attaquée aurait une raison d’être et serait indispensable pour éviter le préjudice irréparable que constitueraient les pertes liées à un projet d’intérêt vital pour la commune de Kosakowo.

26      De l’avis de la Commission, la requérante n’est pas parvenue à établir l’urgence.

27      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir personnellement un préjudice de cette nature. En cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué. Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie qui sollicite les mesures provisoires demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable et permettre au juge des référés d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires [voir ordonnance Slovénie/Commission, EU:T:2013:25, point 14 et jurisprudence citée, et ordonnance du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), Rec, EU:C:2013:157, point 41 et jurisprudence citée].

28      S’agissant des éléments de preuve nécessaires à cet effet, il ressort d’une jurisprudence bien établie que la partie qui sollicite les mesures provisoires doit présenter au juge des référés des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés démontrant la situation invoquée. Cette partie est ainsi tenue de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation dont elle prétend qu’elle justifie l’octroi des mesures provisoires. Cette image doit d’ailleurs être fournie dans le texte de la demande en référé. En effet, une telle demande doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé [voir ordonnance Slovénie/Commission, EU:T:2013:25, point 16 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), EU:C:2010:242, point 13].

29      En l’espèce, la commune de Kosakowo étant une entité territoriale infra-étatique de droit public, il importe de relever qu’une telle entité est par nature appelée à fournir des services publics dans le cadre desquels elle est responsable de la sauvegarde des infrastructures et intérêts économiques, sociaux et culturels considérés comme généraux sur le plan local. Par conséquent, elle peut demander l’octroi de mesures provisoires en alléguant que la mesure contestée risque de compromettre sérieusement l’accomplissement de ses missions de service public, en affectant un secteur de son économie, notamment lorsque celle-ci est susceptible d’avoir des répercussions défavorables sur le niveau de l’emploi et sur le coût de la vie (voir, en ce sens, ordonnance du 17 février 2011, Comunidad Autónoma de Galicia/Commission, T‑520/10 R, EU:T:2011:56, point 62).

30      S’agissant de l’impact sur ses missions publiques d’une exécution immédiate de l’ordre de récupérer, auprès de la société AGK, les aides versées à hauteur de 91,7 millions de PLN, la requérante fait valoir que le préjudice grave et irréparable qu’elle risquerait de subir ne surviendrait qu’en cas de liquidation de cette société à l’issue de la procédure de faillite ouverte à son égard. Force est donc de constater que la liquidation de la société AGK est une condition sine qua non de la validité de la thèse de la requérante concernant la survenance de ce préjudice. S’il convient de faire une distinction entre le préjudice individuel que pourrait invoquer la société AGK dans le cadre d’une procédure de référé et le préjudice allégué par la requérante en tant qu’entité territoriale infra-étatique de droit public, il n’en demeure pas moins que ce dernier préjudice dépend de la mise en liquidation de la société AGK.

31      En ce qui concerne l’imminence du préjudice susceptible d’être causé par une récupération, auprès de la société AGK, des aides versées, force est de constater que la décision attaquée n’impose à cette société aucune obligation directe de paiement. C’est à la République de Pologne, seule destinataire de la décision attaquée, qu’il appartient d’exiger la restitution, par la société AGK, de l’aide d’État litigieuse. Conformément à l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, la décision attaquée est donc obligatoire à l’égard des seules autorités polonaises. Il s’ensuit que la décision attaquée ne peut juridiquement, à elle seule, être considérée comme susceptible de contraindre la société AGK à restituer l’aide d’État litigeuse, la somme à restituer en vertu de la décision attaquée ne constituant donc pas une dette exigible de cette société. Ainsi, aussi longtemps que les autorités polonaises n’auront pris aucune mesure contraignante visant à l’exécution de la décision attaquée, en ce qu’elle ordonne la récupération de l’aide d’État litigieuse, la survenance du préjudice allégué par la requérante ne saurait être considérée comme suffisamment imminente pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité [voir, en ce sens, ordonnances du 11 mars 2013, Elan/Commission, T‑27/13 R, EU:T:2013:122, point 18 et jurisprudence citée, et du 21 janvier 2014, France/Commission, C‑574/13 P(R), Rec, EU:C:2014:36, points 26 et 27].

32      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle, d’une part, « les circonstances actuelles, dont l’insolvabilité [de la société AGK] prononcée le 7 mai 2014 par le Sąd Rejonowy, sont une conséquence directe de la décision [attaquée], le fait que cette décision soit directement exécutable [ayant] eu pour effet d’imposer au bénéficiaire de l’aide publique octroyée une obligation vis-à-vis de la commune de Gdynia et de la commune de Kosakowo » et, d’autre part, la société AGK était tenue d’émettre une demande en déclaration d’insolvabilité au moment où elle a constaté son insolvabilité « en raison des créances […] résultant de la décision [attaquée] ».

33      En l’espèce, la société AGK a déposé, le 12 mars 2014, une demande de déclaration de faillite (voir point 10 ci-dessus). Ainsi qu’il ressort de l’ordonnance du Sąd Rejonowy du 7 mai 2014, cette demande était motivée par le fait que la société AGK avait connu, à partir du 28 février 2014, des problèmes de trésorerie, parce qu’il lui était impossible d’obtenir un financement de ses actionnaires et de sources externes et que ses obligations existantes dépassaient la valeur de son actif.

34      Or, dans la demande en référé, la requérante est restée silencieuse quant à l’adoption, par les autorités polonaises, de mesures contraignantes visant à l’exécution de la décision attaquée en ordonnant la récupération de l’aide d’État litigieuse. Ce n’est que la Commission qui, dans ses observations du 12 mai 2014, a fait mention de l’envoi, par la commune de Gdynia, d’une lettre du 6 mars 2014 invitant la société AGK à restituer l’aide d’État litigieuse. Dans son mémoire du 20 mai 2014, la requérante a affirmé qu’elle avait adressé, le 28 mars 2014, à la société AGK une lettre de mise en demeure visant à obtenir la restitution de l’aide, sans pourtant produire cette lettre devant le juge des référés ou préciser son libellé exact et complet.

35      Dans ces circonstances, la requérante n’a pas établi qu’elle-même et/ou la commune de Gdynia avaient, en tant que copropriétaires de la société AGK, effectivement pris des mesures de nature à contraindre impérativement ladite société à restituer l’aide d’État litigeuse. Elle n’a fourni aucune précision quant au degré de force obligatoire inhérent à la lettre du 28 mars 2014 et aux conditions de son éventuelle exécution forcée, afin de démontrer que les conditions d’exigibilité de la dette relative au remboursement de l’aide d’État litigieuse étaient remplies. Elle n’a pas non plus exposé les conditions d’exigibilité prévues en droit polonais pour une dette de cette nature, mais s’est contentée d’énoncer l’affirmation, non étayée, selon laquelle le simple fait qu’elle-même et la commune de Gdynia aient demandé à la société AGK le remboursement des sommes versées avait juridiquement contraint cette société, en application du droit national, à demander la déclaration de son insolvabilité.

36      La requérante s’oppose à l’exigence de mesures nationales contraignantes en rappelant que la Commission a fixé, dans la décision attaquée, un délai de quatre mois pour l’exécution de cette décision et un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci pour présenter les mesures déjà adoptées et celles prévues en vue de sa mise en œuvre. Selon la requérante, ces deux délais doivent être interprétés en tenant compte du délai de deux mois prévu à l’article 263 TFUE pour l’introduction d’un recours en annulation. Ainsi, la communication d’éventuelles mesures nationales à la Commission devrait avoir lieu au plus tôt après l’écoulement du délai de recours de deux mois, afin de permettre l’introduction d’un recours en annulation et d’une demande en référé. L’approche de la Commission, qui lie la condition de l’urgence à l’obligation de présentation des mesures nationales adoptées, rendrait illusoire le droit tiré de l’article 263 TFUE de former un recours en annulation de la décision attaquée.

37      Cette argumentation de la requérante, fondée sur la crainte d’être privée de la possibilité de saisir le Tribunal, doit être écartée, en ce qu’elle méconnaît la législation pertinente. En effet, rien n’aurait empêché la requérante de respecter le délai fixé par l’article 263, sixième alinéa, TFUE pour l’introduction d’un recours visant à l’annulation de la décision attaquée, tout en attendant l’adoption de mesures nationales contraignantes d’exécution de cette décision avant d’introduire une demande en référé. À cet égard, il suffit de rappeler que la partie qui envisage d’assortir son recours principal d’une demande de mesures provisoires peut le faire à tout moment pendant la durée de la procédure principale, comme le démontrent, par exemple, les affaires ayant donné lieu aux ordonnances du 15 mai 2013, Allemagne/Commission (T‑198/12 R, Rec, EU:T:2013:245, points 16 et 17), et du 5 juillet 2013, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission (T‑309/12 R, EU:T:2013:347, points 14 et 17), dans lesquelles des demandes en référé ont été déposées, respectivement, neuf et dix mois après l’introduction des recours en annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 16 octobre 2013, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission, T‑462/13 R, EU:T:2013:546, point 32).

38      En raison du manque de précision et de preuve de la part de la requérante concernant l’adoption de mesures nationales demandant impérativement à la société AGK de rembourser l’aide d’État litigieuse, le juge des référés ne peut que constater que, dans l’hypothèse où la lettre de la commune de Kosakowo demandant à cette société ledit remboursement ne serait pas de nature à la contraindre juridiquement à restituer l’aide, la dette en question ne serait pas encore devenue exigible. Par conséquent, il aurait été prématuré pour la société AGK de demande de déclaration de faillite sur cette dette. Dans cette hypothèse, l’ordre de récupération imposé par la décision attaquée ne pourrait être considéré comme constituant la cause déterminante du préjudice grave et irréparable (voir point 27 ci-dessus) que la requérante craint de subir à l’issue de la procédure de faillite relative à la société AGK. En effet, ce préjudice ne serait pas une conséquence directe de la décision attaquée, mais serait plutôt le résultat d’un manque de diligence de la société AGK, qui devrait également être imputé à la commune de Kosakowo en tant que copropriétaire de cette société (voir point 1 ci-dessus), dont l’intérêt bien compris consistait à veiller à ce que la réalisation des investissements nécessaires à la gestion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ne soit pas compromise par des actes inconsidérés de la société AGK, tels qu’une demande prématurée de déclaration de faillite (voir, en ce sens, ordonnances du 28 mai 1975, Könecke/Commission, 44/75 R, Rec, EU:C:1975:72, point 3 ; du 22 avril 1994, Commission/Belgique, C‑87/94 R, Rec, EU:C:1994:166, points 38 et 42, et du 15 juillet 2008, CLL Centres de langues/Commission, T‑202/08 R, EU:T:2008:293, point 73). Par conséquent, la requérante n’a pas établi, sous cet aspect, l’urgence de sa demande en référé.

39      Dans l’hypothèse où la lettre en cause devrait effectivement être qualifiée de mesure contraignante visant impérativement à l’exécution de l’ordre de récupération, la requérante aurait été tenue d’aborder, dans la demande en référé, la question d’une éventuelle protection juridictionnelle de la société SGK devant le juge polonais compétent.

40      En effet, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une entreprise bénéficiaire d’une aide d’État est confrontée à une décision de la Commission adressée à un État membre et ordonnant la récupération de cette aide, la circonstance qu’il existe des voies de recours internes permettant à ladite entreprise de se défendre contre les mesures de recouvrement au niveau national est susceptible de permettre à ladite entreprise d’éviter un préjudice grave et irréparable résultant du remboursement de ladite aide [ordonnance du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), EU:C:2011:829, point 46 ; voir également, en ce sens, ordonnances du 6 février 1986, Deufil/Commission, 310/85 R, Rec, EU:C:1986:58, point 22, et du 15 juin 1987, Belgique/Commission, 142/87 R, Rec, EU:C:1987:281, point 26]. Il s’ensuit que, dans le cadre d’une procédure de référé ayant pour objet une telle décision, il appartient à cette entreprise de démontrer que les voies de recours internes que lui offre le droit national applicable pour s’opposer au recouvrement immédiat de cette aide ne lui permettent pas, en invoquant notamment sa situation financière ou l’illégalité de la mesure de recouvrement nationale, d’éviter de subir un préjudice grave et irréparable, à défaut de quoi le juge des référés conclut à l’absence d’urgence dans la procédure devant lui (voir ordonnance Elan/Commission, EU:T:2013:122, point 23 et jurisprudence citée).

41      Cette jurisprudence – qui confère ainsi à la procédure de référé devant le juge de l’Union un caractère subsidiaire par rapport à la procédure susceptible d’être engagée devant le juge des référés national, lequel est certainement mieux placé pour apprécier la légalité d’actes nationaux et la situation de l’entreprise concernée au regard du régime national en matière d’insolvabilité et de liquidation – repose sur le raisonnement selon lequel, dans le cadre d’une procédure nationale de récupération d’une aide d’État, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que le juge national ordonne le sursis à l’exécution d’une demande de recouvrement adoptée par les autorités nationales, en attendant que l’affaire au fond soit réglée devant le Tribunal ou que la Cour se prononce sur la question préjudicielle dont elle est saisie au titre de l’article 267 TFUE. En effet, dans la mesure où la partie requérante a contesté la légalité de la décision litigieuse de l’Union au titre de l’article 263 TFUE, le juge national n’est pas lié par le caractère définitif de cette décision. En outre, le fait qu’une demande de sursis à exécution n’a pas abouti devant le juge de l’Union n’empêche pas qu’un sursis soit ordonné par le juge national (voir ordonnance du 29 août 2013, France/Commission, T‑366/13 R, EU:T:2013:396, point 45, et ordonnance Elan/Commission, EU:T:2013:122, point 24 et jurisprudence citée).

42      En l’espèce, la requérante n’a pas établi, ni même prétendu, que les voies de recours internes que le droit national polonais offrait à la société AGK pour s’opposer à une mesure de recouvrement contraignante ne lui permettraient pas, en invoquant devant le juge national sa situation financière individuelle et, le cas échéant, l’illégalité de cette mesure pour violation du droit national, d’éviter de subir un préjudice grave et irréparable. En particulier, elle n’a fourni aucune explication relative au droit polonais, alors même que la Commission a exposé que, d’une part, la société AGK aurait pu faire appel des éventuelles mesures de recouvrement contraignantes adoptées par les autorités polonaises et, d’autre part, le droit des faillites polonais prévoyait plusieurs voies de recours appropriées tant pour cette société que pour la commune de Kosakowo. Le juge des référés ne peut donc que constater l’absence de démonstration de l’imperfection des voies de recours polonaises en la matière.

43      Par conséquent, si la lettre de la commune de Kosakowo du 28 mars 2014 invitant la société AGK à restituer l’aide d’État litigieuse devait être qualifiée de mesure contraignante visant impérativement à l’exécution de l’ordre de récupération et si la société AGK avait omis d’attaquer cette mesure devant le juge polonais, ladite société aurait fait preuve d’un manque de diligence imputable, sous forme d’un manque de vigilance, également à la requérante, de sorte que l’ordre de récupération imposé par la décision attaquée ne pourrait être considéré comme constituant la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué (voir points 27 et 38 ci-dessus). Il s’ensuit que la requérante n’est pas parvenue non plus à établir, sous cet aspect, qu’il serait urgent de faire droit à sa demande en référé.

44      La requérante s’oppose au principe du caractère subsidiaire de la procédure de référé devant le juge de l’Union par rapport à celle devant le juge national. Elle prétend qu’une telle subsidiarité ne trouve aucun fondement dans le traité et est incompatible avec la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle le Tribunal dispose de la primauté pour décider si une mesure provisoire est fondée. Elle affirme qu’elle ne disposait, en vertu du droit polonais, d’aucun moyen juridique l’habilitant à s’opposer à la probable déclaration d’insolvabilité de la société AGK, ou à demander que la procédure d’insolvabilité fût suspendue jusqu’à l’issue de la procédure devant le Tribunal portant sur la légalité de la décision attaquée. La procédure de déclaration d’insolvabilité aurait été ouverte sur demande de la société AGK ; en sa qualité de créancière, la requérante n’aurait pas été habilitée à accomplir la moindre démarche en ce sens. Par ailleurs, elle n’aurait pas eu la possibilité juridique d’introduire un recours contre la déclaration d’insolvabilité emportant la liquidation du patrimoine de la société AGK, seule cette dernière en tant que débitrice déclarée insolvable étant habilitée à introduire un tel recours. À supposer même que la requérante ait saisi le juge national d’une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée, cela n’aurait pas garanti sa protection contre la survenance d’un préjudice. En effet, le juge national ne serait pas compétent pour prononcer l’invalidité d’un acte de l’Union ; en conséquence, il lui aurait été nécessaire de saisir la Cour d’une question préjudicielle sur ce point. En cas de recours contre la décision attaquée, le juge national aurait éventuellement suspendu l’examen de la demande en référé, jusqu’à ce qu’il fût statué sur ce recours. Cela signifierait, en substance, que, compte tenu de l’urgence de l’affaire, la seule démarche efficace était de saisir le juge de l’Union de ladite demande en référé.

45      Cette critique ne saurait prospérer. En effet, la Cour a reconnu, dans ses arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C‑143/88 et C‑92/89, Rec, EU:C:1991:65), et du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (I) (C‑465/93, Rec, EU:C:1995:369), que, en matière de récupération d’une aide d’État déclarée illégale et incompatible avec le marché intérieur, d’une part, le juge national peut ordonner, sous certaines conditions et dans des cas spécifiques, le sursis à l’exécution d’un acte de recouvrement national pris en exécution d’une décision de la Commission et, d’autre part, il n’est pas exclu, par principe, qu’une décision juridictionnelle nationale de sursis à exécution puisse justifier le fait qu’un État membre n’a pas procédé à la récupération de l’aide en cause dans les délais impartis (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2006, Commission/France, C‑232/05, Rec, EU:C:2006:651, point 54, et du 5 juin 2014, Commission/Italie, C‑547/11, EU:C:2014:1319, points 41 et 62).

46      En outre, la subsidiarité critiquée par la requérante ne consiste pas à transférer au juge national la compétence en matière de référé dont jouit le juge de l’Union. Il s’agit plutôt pour ce dernier juge d’examiner si, parmi les conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées, celle relative à l’« urgence », au sens de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit être considérée comme exclue parce que la société AGK a la possibilité d’éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable en amenant le juge national à lui accorder une protection provisoire, celle-ci s’analysant d’ailleurs en un pur élément de fait. Dans le cadre de cette appréciation de l’urgence, il n’est pas approprié de vouloir faire une distinction artificielle entre la protection juridictionnelle de la société AGK en tant que débitrice et celle de la requérante en tant que créancière. En effet, la requérante et la commune de Gdynia étant les copropriétaires de la société AGK qu’elles avaient créée dans le seul but de réaliser les investissements nécessaires à la gestion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, il devrait être aisé pour ces trois protagonistes de se concerter sur les démarches à entreprendre à cet effet devant les différentes juridictions nationales (voir, en ce sens, ordonnance France/Commission, EU:T:2013:396, point 55).

47      Au demeurant, ledit principe de subsidiarité a effectivement été appliqué dans la pratique juridictionnelle. Ainsi, il existe des décisions qui, dans des situations comparables à celle objet du cas d’espèce, ont fait droit aux demandes de suspension introduites devant le juge national. À titre d’exemple, il peut être renvoyé à l’ordonnance du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission (T‑181/02 R, Rec, EU:T:2002:294, point 108), dont il ressort que le juge national allemand a suspendu une procédure nationale de recouvrement d’aides d’État après que le président de la Cour a rejeté la demande en référé introduite par la République fédérale d’Allemagne devant la Cour et concernant le même recouvrement. De plus, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 1er juillet 2013, SEA Handling/Commission (T‑152/13 R, EU:T:2013:337), relative à une décision de la Commission enjoignant à l’État italien de récupérer des aides d’État à hauteur de 360 millions d’euros versées à la société SEA Handling SpA, la demande de sursis à exécution a fait l’objet d’un désistement, après que le juge administratif italien avait suspendu l’injonction de recouvrement nationale (voir Il Giorno Milano du 23 mai 2013). Inversement, dans son ordonnance du 13 juin 2014, SACE et Sace BT/Commission (T‑305/13 R, EU:T:2014:595), le juge des référés de l’Union, après avoir constaté que les parties requérantes avaient épuisé sans succès les voies de droit devant le juge des référés italien, a reconnu que la condition relative à l’urgence était remplie dans la procédure pendante devant lui.

48      Il convient d’ajouter que la requérante a souligné qu’elle visait non à éviter la faillite de la société AGK, mais à prévenir que celle-ci fût liquidée à l’issue de la procédure de faillite. Or, dans son ordonnance du 7 mai 2014, le Sąd Rejonowy a supposé, sans être contredite par la requérante, que la procédure de faillite se poursuivrait pendant 24 mois, et dans son mémoire du 2 juin 2014, la Commission a indiqué que, selon les statistiques du ministère de la justice polonais relatives aux procédures de faillite menées en Pologne, la durée moyenne d’exécution de la procédure après le prononcé de la faillite était de 25,4 mois. Dans ces circonstances, la survenance du préjudice qui serait causé par la liquidation de la société AGK à l’issue de la procédure de faillite ne saurait être considérée comme suffisamment imminente, à l’heure actuelle, pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité. Par ailleurs, il n’apparaît pas exclu que le Tribunal saisi du recours visant à l’annulation de la décision attaquée statue sur ce recours avant la fin de ladite procédure.

49      Au vu de ce qui précède, le juge des référés ne peut que constater que la requérante n’a pas établi que, à défaut d’octroi d’un sursis à l’exécution de la décision attaquée, elle risquait de subir un préjudice grave et irréparable. La condition relative à l’urgence n’est donc pas satisfaite.

50      Cette solution est cohérente avec la mise en balance des différents intérêts en présence, dans le cadre de laquelle le juge des référés doit déterminer, notamment, si l’intérêt de la requérante à obtenir le sursis à exécution demandé prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec, EU:C:2003:385, point 142).

51      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE prévoit que, si la Commission constate qu’une aide d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. Il s’ensuit que l’intérêt général au nom duquel la Commission exerce les fonctions qui lui sont confiées par l’article 108, paragraphe 2, TFUE et par l’article 7 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), afin de garantir que le fonctionnement du marché intérieur ne soit pas faussé par des aides d’État nuisibles à la concurrence, est d’une importance particulière. En effet, l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer une aide incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure (voir, en ce sens, ordonnance Elan/Commission, EU:T:2013:122, point 28 et jurisprudence citée).

52      Par conséquent, il a été jugé que, dans le cadre d’une demande de sursis à l’exécution de l’obligation imposée par la Commission de rembourser une aide illégalement versée déclarée incompatible avec le marché intérieur, l’intérêt de l’Union devait normalement primer celui du bénéficiaire de l’aide d’éviter l’exécution de l’obligation de la rembourser avant le prononcé de l’arrêt devant intervenir dans l’affaire principale. Ce n’est qu’en présence de circonstances exceptionnelles et dans l’hypothèse où, notamment, la condition relative à l’urgence est remplie que le bénéficiaire d’une telle aide peut obtenir l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance Elan/Commission, EU:T:2013:122, point 29 et jurisprudence citée).

53      Or, ainsi qu’il vient d’être jugé, la requérante ne remplit pas la condition relative à l’urgence en l’espèce.

54      En ce qui concerne d’éventuelles circonstances exceptionnelles, la requérante affirme, notamment, qu’elle a conclu un contrat de bail avec la société AGK en vertu duquel celle-ci dispose des biens immeubles composant l’infrastructure aéroportuaire, l’objet de ce contrat de bail étant la réalisation et l’exploitation d’un aéroport civil par ladite société. La requérante aurait également conclu un contrat de prêt à usage avec l’État polonais permettant le transfert des immeubles sur lesquels est situé un aéroport, ces immeubles transférés pouvant ensuite faire l’objet d’un bail en faveur de l’opérateur mettant en fonction l’aéroport ou de son gestionnaire. Par conséquent, la société AGK ne serait pas propriétaire des installations construites sur les biens immeubles donnés en location, puisque ceux-ci dépendent de facto du propriétaire de ces immeubles, c’est-à-dire l’État polonais. Aux termes desdits contrats, en cas de cessation des activités du gestionnaire de l’aéroport en cause, tous les investissements réalisés sur les biens immeubles reviennent au prêteur sans droit à indemnisation ou à remboursement. Ainsi, la décision attaquée aurait pour effet que la société AGK cesse son activité de gestionnaire de l’aéroport, ce qui constituerait une base légale pour la rupture des contrats susmentionnés. À la suite de la cessation des activités de la société AGK, tous les investissements réalisés par elle sur les biens immeubles faisant l’objet du bail deviendraient la propriété de l’État, la société AGK n’ayant aucun droit au remboursement des dépenses, ni à une indemnisation.

55      À cet égard, force est de constater que la société AGK est sans activité depuis plusieurs mois – ce que la requérante confirme en alléguant qu’il n’est pas vraisemblable que cette société démarre son activité et menace la concurrence sur le marché du transport aérien – [dem, point 61] sans que le préjudice consistant en la perte de l’infrastructure ne se soit réalisé pour autant.

56      En outre, il semble peu probable que l’État polonais, sachant que le Tribunal examine actuellement le financement de la reconversion de l’aéroport de Gdynia-Oksywie, intervienne prématurément pour résilier le contrat de prêt à usage conclu avec la requérante, d’autant que cette dernière a affirmé, elle-même, qu’il n’y aurait apparemment pas de possibilité réelle d’exploitation, à des fins militaires, de l’infrastructure civile créée après plusieurs années de travail, ce qui aurait pour conséquence la présence sur le terrain de la commune de Kosakowo d’un domaine inexploité, exposé à une dégradation progressive. Il paraît encore moins probable que la requérante mette fin au contrat de bail conclu avec la société AGK, dont elle est le copropriétaire, consciente du fait que cela pourrait entraîner le transfert gratuit à l’État de l’infrastructure qu’elle avait cofinancée.

57      En tout état de cause, à supposer même que, en raison de l’inactivité économique de la société AGK, les deux contrats aient effectivement été résiliés avec les conséquences infrastructurelles négatives pour la requérante, notamment la perte des terrains et infrastructures aéroportuaires, ce préjudice serait déjà survenu et ne pourrait donc plus être évité par l’octroi de mesures provisoires. En effet, la finalité d’une procédure de référé ne consiste pas à assurer la réparation d’un préjudice qui s’est déjà réalisé (voir ordonnance du 27 novembre 2013, Oikonomopoulos/Commission, T‑483/13 R, EU:T:2013:614, points 19 et 43 et jurisprudence citée). Enfin, la requérante n’a pas indiqué pourquoi il serait juridiquement et économiquement impossible, en cas d’annulation de la décision attaquée, de renouveler les contrats susmentionnés et de rétablir son contrôle et celui de la société AGK sur les terrains et infrastructures aéroportuaires en cause, ce qui exclurait le caractère irréparable du préjudice allégué à cet égard.

58      La requérante n’invoque, dès lors, aucune circonstance exceptionnelle qui pourrait justifier une pondération des intérêts en sa faveur et légitimer un sursis à l’exécution de la décision attaquée, celle-ci bénéficiant d’une présomption de légalité.

59      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition relative au fumus boni juris [ordonnance du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), EU:C:2012:674, point 31].

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 20 août 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le polonais.