Language of document : ECLI:EU:T:2015:968

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

30 novembre 2015 (*)

« Recours en annulation – Remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑217/14,

Gmina Kosakowo, établie à Kosakowo (Pologne), représentée par Me M. Leśny, avocat,

partie requérante,

soutenue par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Grespan, S. Noë et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2014/883/UE de la Commission, du 11 février 2014, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Création de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO L 357, p. 51),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige et procédure

1        En juillet 2007, la requérante, la Gmina Kosakowo (ci-après la « commune de Kosakowo ») et la Gmina Miasto Gdynia (ci-après la « commune de Gdynia ») ont créé une société, Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo sp. z o. o. (ci-après la « société AGK »), qui appartient à 100 % à ces deux communes polonaises, dans le but de reconvertir à des fins civiles le périmètre de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie dépendant des forces navales polonaises basées à Gdynia et situé sur le territoire de la commune de Kosakowo en Poméranie, dans le nord de la Pologne.

2        En 2012, la République de Pologne a notifié à la Commission européenne un projet de financement conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Ayant des doutes quant à la conformité de ce financement avec le marché intérieur, la Commission a engagé une procédure formelle d’examen, par la décision C (2013) 4045 final du 2 juillet 2013, relative à la mesure SA.35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo.

3        Le 11 février 2014, la Commission a clos cette procédure par la décision 2014/883/UE concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Création de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO L 357, p. 51, ci-après la « décision du 11 février 2014 »), dans laquelle elle constatait que le projet de financement envisagé et les apports de capitaux octroyés dans le passé à la société AGK étaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Par cette décision, la Commission demandait également à la République de Pologne de récupérer l’aide d’État versée à la société AGK.

4        Le 12 mars 2014, la société AGK a déposé une demande de déclaration de faillite auprès du Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ (tribunal d’arrondissement de Gdansk Nord), au motif que sa situation financière s’était détériorée en raison de l’arrêt du financement de son activité par ses associés, les communes de Gdynia et de Kosakowo, à la suite de l’ouverture par la Commission de la procédure formelle d’examen, au point qu’elle n’était plus en mesure d’honorer ses dettes courantes et que la valeur de son passif dépassait celle de ses actifs.

5        C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2014, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 11 février 2014 (affaire T‑217/14). À l’appui de son recours, elle reproche à la Commission, en substance, d’avoir violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE et commis des erreurs manifestes d’appréciation. Le 8 avril 2014, la commune de Gdynia et la société AGK ont également introduit un recours en annulation de la décision du 11 février 2014 (affaire T‑215/14). Dans ces affaires, les communes de Gdynia et de Kosakowo ainsi que la société AGK font valoir, notamment, que la Commission a inclus à tort dans le montant de l’aide à récupérer le financement d’activités relevant d’une tâche d’intérêt public.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2014, la requérante a introduit une demande visant à obtenir en référé le sursis à l’exécution de la décision du 11 février 2014. Le 8 avril 2014, la commune de Gdynia et la société AGK ont également introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision du 11 février 2014 (affaire T‑215/14 R).

7        Après l’introduction de la demande en référé, le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ a ordonné, par ordonnance du 7 mai 2014, la faillite de la société AGK, au motif que cette dernière n’honorait plus ses obligations depuis le 1er mars 2014.

8        Le 20 août 2014, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé pour défaut d’urgence (ordonnance du 20 août 2014, Gmina Kosakowo/Commission, T‑217/14 R, EU:T:2014:734). À la même date et pour la même raison, la président du Tribunal a également rejeté la demande en référé introduite par la commune de Gdynia et la société AGK (ordonnance du 20 août 2014, Gmina Kosakowo/Commission, T‑215/14 R, EU:T:2014:733).

9        Par ordonnance du 27 août 2014, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis la République de Pologne à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

10      Le 2 octobre 2014, la requérante a déposé sa réplique et, le 9 octobre 2014, la République de Pologne a déposé son mémoire en intervention.

11      Le 26 février 2015, la Commission a retiré la décision du 11 février 2014 et l’a remplacée par la décision (UE) 2015/1586 concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO L 250, p. 165, ci-après la « décision du 26 février 2015 »).

12      Le 27 février 2015, la Commission a présenté une demande de suspension au titre de l’article 77, sous d), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, aux termes duquel une procédure pendante peut être suspendue lorsque la bonne administration de la justice l’exige. Une telle demande a également été présentée dans l’affaire T‑215/15.

13      Dans sa demande, la Commission faisait état de la décision du 26 février 2015 en indiquant que, si elle maintenait son appréciation selon laquelle une aide d’État incompatible avait été octroyée pour assurer la reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, elle en excluait désormais les apports en capitaux dont elle considérait qu’ils avaient été effectués pour satisfaire des missions d’intérêt général.

14      Dès lors, la Commission faisait valoir que le présent recours était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur cette affaire. Au cas où la requérante déciderait de maintenir son recours en ce qui concerne l’appréciation de l’aide d’État effectuée dans la décision du 26 février 2015, la Commission faisait alors valoir que la requérante devrait pouvoir adapter ses arguments concernant la décision du 26 février 2015 au vu des arguments précédemment exposés cette affaire. Dans ces circonstances, la Commission demandait au Tribunal de suspendre la procédure afin de permettre à la requérante de prendre connaissance du contenu de la décision du 26 février 2015.

15      Le 14 et le 18 mars 2015, respectivement, la requérante et la République de Pologne ont présenté leurs observations sur la demande de suspension de la Commission en indiquant qu’elles ne s’opposaient pas à une suspension de la procédure.

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2015, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 26 février 2015 (affaire T‑209/15).

17      Le 4 mai 2015, la Commission a communiqué au greffe du Tribunal une copie de la décision du 26 février 2015, laquelle a été versée au dossier le 8 mai 2015.

18      Le 5 mai 2015, les parties dans la présente affaire ont été informées que le Tribunal avait décidé de ne pas suspendre la procédure. La même décision a été communiquée aux parties dans l’affaire T‑215/14.

19      Le 15 mai 2015, les requérantes dans l’affaire T‑215/14, la commune de Gdynia et la société AGK, ont introduit un recours en annulation de la décision du 26 février 2015 (affaire T‑263/15).

20      Le 21 septembre 2015, par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a décidé d’entendre les parties sur l’éventualité d’un non-lieu à statuer.

21      Les parties ont répondu à cette mesure le 7 octobre 2015. La requérante a indiqué être en faveur d’un non-lieu à statuer dans la présente affaire. La République de Pologne s’y est opposée et a préconisé de joindre les affaires T‑217/14 et T‑209/15 aux fins de la procédure et de la décision mettant fin aux deux instances. Pour sa part, la Commission a indiqué maintenir sa position selon laquelle l’adoption de la décision du 26 février 2015 rendait le présent recours sans objet, de sorte qu’il n’avait plus lieu de statuer.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les articles 1er et 2 de la décision du 11 février 2014 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision du 11 février 2014 en ce que la Commission y a considéré les dépenses de sécurité comme une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et a ordonné leur restitution.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

25      En vertu de l’article 131, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

26      À titre liminaire, il convient de rappeler que, si l’objet du recours disparaît au cours de la procédure, le Tribunal ne peut pas se prononcer sur le fond, dès lors qu’une telle décision de sa part ne saurait procurer aucun bénéfice à la partie requérante (voir ordonnance du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, Rec, EU:T:2011:4, point 14 et jurisprudence citée).

27      La disparition de l’objet du litige peut notamment provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance (voir ordonnance Terezakis/Commission, point 26 supra, EU:T:2011:4, point 15 et jurisprudence citée).

28      Dans ce contexte, il convient de relever que, si l’effet juridique d’un acte abrogé expire, sauf disposition contraire, à la date de son abrogation, un acte qui est retiré et remplacé disparaît complètement de l’ordre juridique de l’Union. Le retrait d’un acte a donc normalement un effet ex tunc (voir ordonnance Terezakis/Commission, point 26 supra, EU:T:2011:4, point 16 et jurisprudence citée).

29      En outre, il convient de constater qu’un recours en annulation peut, à titre exceptionnel, ne pas devenir sans objet, malgré le retrait de l’acte dont l’annulation est recherchée, lorsque la partie requérante conserve néanmoins un intérêt suffisant à obtenir un arrêt annulant cet acte de manière formelle (voir ordonnance Terezakis/Commission, point 26 supra, EU:T:2011:4, point 17 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il est constant que la requérante ne demande que l’annulation de la décision du 11 février 2014.

31      Il est également constant que, le 23 avril 2015, elle a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 26 février 2015 (affaire T‑209/15), et plus précisément de ses articles 2 à 4, relatifs à la qualification et à la récupération de l’aide incompatible avec le marché intérieur, ce qui a aussi été fait, le 15 mai suivant, par la commune de Gdynia et la société AGK (affaire T‑263/15), qui demandent l’annulation de l’intégralité de la décision.

32      De plus, il ressort de l’article 1er de la décision du 26 février 2015 que « [la décision du 11 février 2014] est retirée ». Pour expliquer un tel retrait, la Commission indique au considérant 15 de la décision du 26 février 2015 que, « [a]u cours de la procédure devant le Tribunal, il est apparu que l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur par la [décision du 11 février 2014] comprenait certains investissements qui, selon la décision d’ouvrir la procédure, ne constituaient pas des aides d’État ». La Commission en a tenu compte dans la décision du 26 février 2015, laquelle est donc plus favorable que la décision du 11 février 2014 pour les communes de Gdynia et de Kosakowo ainsi qu’à la société AGK.

33      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante n’a avancé aucun élément justifiant un intérêt à obtenir un arrêt constatant l’illégalité formelle de la décision du 11 février 2014.

34      En conséquence, dans un souci de bonne administration de la justice et compte tenu, d’une part, du retrait de la décision du 11 février 2014 et de son remplacement par la décision du 26 février 2015 et, d’autre part, du recours visant à l’annulation de la décision du 26 février 2015 introduit dans l’affaire T‑209/15, il convient de constater que le présent recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. De telle manière, les parties et le Tribunal peuvent se concentrer sur l’état actuel du litige, à savoir la dernière appréciation des mesures litigieuses effectuée par la Commission dans la décision du 26 février 2015, et non plus son état initial qui n’existe plus aujourd’hui.

35      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

36      L’article 137 du règlement de procédure prévoit que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

37      À cet égard, il convient de relever que le non-lieu résulte de l’adoption par la Commission de la décision du 26 février 2015, qui a remplacé la décision du 11 février 2014, laquelle ayant été retirée, et cela parce que, « [a]u cours de la procédure devant le Tribunal, il est apparu que l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur par la [décision du 11 février 2014] comprenait certains investissements qui, selon la décision d’ouvrir la procédure, ne constituaient pas des aides d’État » (voir point 32 ci-dessus).

38      Dès lors, dans les circonstances de l’espèce et en ce qui concerne la procédure principale, il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante. En ce qui concerne la procédure de référé, il y a lieu toutefois de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

39      En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République de Pologne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Gmina Kosakowo en ce qui concerne la procédure principale.

3)      Gmina Kosakowo supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission en ce qui concerne la procédure de référé.

4)      La République de Pologne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 30 novembre 2015.

Le greffier

 

      Le président

E.  Coulon

 

      S. Frimodt Nielsen


* Langue de procédure : le polonais.