Language of document : ECLI:EU:T:2008:579

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2008(*)

« Incident de procédure – Exception d’irrecevabilité – Irrecevabilité partielle du recours – Absence d’imputabilité de l’acte attaqué au Parlement »

Dans l’affaire T‑285/07,

République italienne, représentée par Mme I. Bruni, en qualité d’agent et par M. P. Gentili, Avvocato dello Stato,

partie requérante,

soutenue par,

République hellénique, représentée par Mmes S. Vodina et M. Michelogiannaki, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes A. Lukošiūtė, R. Ignătescu, et M. G. Mazzini, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et A. Aresu, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/95/07, pour la constitution d’une réserve de recrutement de 20 administrateurs (AD5) dans le domaine de l’information (bibliothèque/documentation), publié au Journal officiel de l’Union européenne du 8 mai 2007 (JO C 103 A, p. 7).

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij (rapporteur), président, V. Vadapalas, et L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 8 mai 2007, l’Office européen de sélection du personnel de la Commission (ci-après l’« EPSO ») a publié l’avis de concours général EPSO/AD/95/07 dans les éditions allemande, anglaise et française (JO C 103 A, p. 7), en vue d’établir une liste de réserve destinée à pourvoir des postes vacants au sein du Parlement pour des administrateurs (AD 5) dans le domaine de l’information (bibliothèque/documentation).

2        La première partie de l’avis de concours régissant les conditions d’admission aux tests d’accès, section A, point 2, prévoyait que tous les candidats devaient posséder une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union européenne, en tant que langue principale, et une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français en tant que deuxième langue obligatoirement différente de la langue principale. Il était, en outre, prévu au même point, qu’afin de garantir la clarté et la compréhension des tests à caractère général et des communications adressées aux ou en provenance des candidats, les convocations aux différents tests et épreuves ainsi que toute correspondance entre le secrétariat du jury et les candidats seraient établies uniquement en allemand, anglais et français. La Section B indiquait, en outre, que les tests d’accès au concours se dérouleraient en allemand, en anglais ou en français.

3        La deuxième partie de l’avis régissant le concours général, Section A, point 3, sous b), prévoyait que, à titre de condition d’admission au concours, les candidats devaient posséder une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union européenne, en tant que langue principale, et une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, en tant que deuxième langue – obligatoirement différente de la langue principale. La section B de la deuxième partie dudit avis consacrée au déroulement des épreuves prévoyait que les épreuves écrites se dérouleraient en allemand, en anglais ou en français.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal 18 juillet 2007, la République italienne (ci-après la « requérante ») a introduit le présent recours.

5        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2007, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2007, la République hellénique a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 12 décembre 2007, le président de la sixième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

7        Dans son exception d’irrecevabilité le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre le Parlement.

8        Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante, soutenue par la République hellénique, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité qui a été soulevée par le Parlement.

9        Le juge Tchipev étant empêché de siéger, le président de la sixième chambre a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 4, du règlement de procédure, M. le juge Truchot pour compléter la formation de la sixième chambre à laquelle l’affaire est attribuée.

10      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal (sixième chambre) estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

11      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, le Parlement fait valoir que l’acte attaqué a été adopté par l’EPSO et que, selon une jurisprudence constante, un recours ne peut être dirigé que contre le titulaire du pouvoir de décision en la matière (voir l’ordonnance de la Cour du 8 mai 1985, Koyo Seiko/Conseil et Commission, 256/84, Rec., p. 1351).

12      Le Parlement souligne qu’il n’est pas en mesure d’organiser un concours sans autorisation, tous les pouvoirs dans ce domaine ayant été transférés à l’EPSO, qui est en charge de toutes les opérations jusqu’à l’obtention des résultats du concours.

13      La requérante s’oppose à l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement. À titre liminaire, elle admet qu’un recours ne peut être dirigé que contre le titulaire du pouvoir de décision et que, formellement, l’acte attaqué a été adopté par l’EPSO.

14      Toutefois, cette règle devrait être lue à la lumière du droit à un procès équitable consacré à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, ainsi que du principe du contradictoire, dont il découlerait que tous les sujets directement et individuellement concernés par les effets d’un jugement doivent être considérés comme parties au procès. Dans ces conditions, une personne directement et individuellement concernée par une décision devrait pouvoir être partie à la procédure en qualité de défenderesse, dans le cadre d’un recours en annulation formé contre cette décision. À cet égard, la requérante allègue que l’article 230, alinéas 1 et 2, CE, ne prévoit pas que les recours doivent être formés exclusivement contre l’institution qui est formellement l’auteur de l’acte attaqué.

15      En l’espèce, l’acte attaqué aurait pour objet spécifique l’établissement d’une liste de réserve de candidats qui est destinée à pourvoir des postes vacants au sein du Parlement et non pas de la Commission. Dans ces conditions, une simple intervention du Parlement au litige entre la requérante et la Commission ne garantirait pas le respect des droits procéduraux susmentionnés du Parlement.

16      La requérante rappelle, enfin, que le Parlement reste également titulaire du pouvoir de décision en la matière en tant qu’institution qui a introduit la demande d’organisation du concours en cause, en application des articles 2 et 3 de la décision 2002/620/CE du 25 juillet 2002 portant création de l’EPSO.

 Appréciation du Tribunal

17      Il convient de relever, à titre liminaire, que l’article 4 de la décision 2002/620/CE du Parlement, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’EPSO (JO L 197, p. 53) prévoit expressément que tout recours contre une décision de l’EPSO dans l’exercice des pouvoirs de sélection qui lui sont dévolus par cette décision est dirigé contre la Commission. Cet article 4 se fonde sur l’article 91 bis du statut des fonctionnaires des Communautés européennes énonçant que, lorsqu’une ou plusieurs institutions confient à l’une d’entre elles l’exercice de certains pouvoirs dévolus à l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN), les recours contre les actes de l’AIPN délégataire doivent être dirigés contre l’institution dont l’AIPN délégataire dépend.

18      Cependant, les dispositions précitées de l’article 91 bis du statut des fonctionnaires et de l’article 4 de la décision 2002/620/CE visent spécifiquement les recours formés sur la base de l’article 236 CE, dans les conditions énoncées aux articles 90 et 91 de ce statut. En principe, elles ne sont dès lors pas formellement applicables dans le cadre d’un recours en annulation formé, comme en l’espèce, par un État membre, sur la base de l’article 230 CE.

19      Toutefois, la circonstance que le présent recours soit fondé sur l’article 230 CE est privée de toute pertinence, pour apprécier à quelle institution l’acte attaqué doit être imputé. En effet, l’imputabilité d’un acte ne saurait être appréciée de manière différente selon la base juridique du recours.

20      En l’occurrence, l’EPSO est uniquement habilité à établir des listes d’aptitude, en vertu de la décision 2002/621/CE des secrétaires généraux du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, du greffier de la Cour de Justice, des secrétaires généraux de la Cour de Comptes, du Comité économique et social, du comité des régions et du représentant du médiateur du 25 juillet 2002 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’EPSO et conformément à l’article 2, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires qui exclut la possibilité pour les institutions de confier à l’une d’entre elles ou à un organisme interinstitutionnel les pouvoirs de l’AIPN en matière de nomination, de promotion ou de mutation des fonctionnaires. Dans la limite des compétences qui lui sont ainsi dévolues, l’EPSO exerce ses pouvoirs de manière entièrement autonome. L’institution concernée exerce, quant à elle, les pouvoirs de l’AIPN pour la nomination au(x) poste(s) en cause d’un (ou plusieurs) lauréat(s) figurant sur la liste d’aptitude établie par le jury dans le cadre de la procédure de concours organisé par l’EPSO.

21      Dans le contexte de cette répartition de compétences entre l’EPSO et l’institution concernée, en l’occurrence le Parlement, la règle susmentionnée énoncée par l’article 4 de la décision 2002/620/CE, selon laquelle les recours contre les décisions de l’EPSO doivent être introduits contre la Commission, se justifie par le fait que l’EPSO, qui est un organisme interinstitutionnel doté d’une autonomie fonctionnelle dans l’exercice des compétences qui lui sont conférées, est rattaché sur le plan institutionnel et budgétaire à la Commission et ne possède pas la personnalité juridique (voir l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la décision 2002/621/CE du 25 juillet 2002 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’EPSO, précitée au point 20 ci-dessus).

22      Il en résulte que les actes adoptés par l’EPSO dans le cadre de l’exercice des pouvoirs de sélection qui lui sont délégués sont imputables à la Commission.

23      En conséquence, tout recours contre un acte de cet organisme doit être introduit contre la Commission (voir par analogie, en ce qui concerne un recours en indemnisation du préjudice prétendument subi du fait d’un rapport de l’OLAF, l’arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑09/03, Rec. p. II‑1173, point 66).

24      En l’espèce, la requérante reconnaît que le présent recours devait être introduit contre la Commission, dans la mesure où l’avis de concours attaqué constitue une décision de l’EPSO. Néanmoins, elle estime que ce recours, formé conjointement contre les deux institutions, doit également être déclaré recevable en ce qu’il a été introduit contre le Parlement, au motif que ce dernier demeurait titulaire du pouvoir de décision, puisqu’il était seul habilité à charger l’EPSO d’organiser le concours en cause.

25      Cette thèse, qui revient à suggérer que l’avis de concours attaqué est imputable tant à la Commission qu’au Parlement, ne saurait être accueillie. Il suffit de rappeler, à cet égard, que l’avis de concours en cause a été adopté par l’EPSO dans l’exercice des pouvoirs autonomes qui lui sont conférés par la décision 2002/620/CE du 25 juillet 2002, susmentionnée, instituant cet organisme. Dans ces conditions, la circonstance, invoquée par la requérante, que l’EPSO pouvait uniquement et devait procéder à l’organisation du concours en cause à la demande du Parlement, est privée de pertinence. En effet, après avoir été saisi d’une telle demande, l’EPSO était habilité à exercer en toute indépendance les pouvoirs qui lui ont été délégués, en l’occurrence par le Parlement, en application de la décision 2002/621/CE, susmentionnée (voir point 20 ci-dessus).

26      Le Parlement ne disposait, dès lors, d’aucune possibilité légale d’influencer l’EPSO dans l’accomplissement de la mission qu’il lui avait confiée, de sorte que l’avis de concours attaqué ne peut pas lui être imputé (voir en ce sens l’ordonnance du Tribunal du 22 février 2001, Lamberts/Médiateur et Parlement, T‑209/00, Rec. p. II‑765, points 17 et 18).

27      Il en résulte que l’acte attaqué ne saurait être considéré comme une décision commune adoptée par la Commission et le Parlement en application du statut et de ses décisions d’application, mais constitue une décision uniquement imputable à la Commission.

28      Par ailleurs, l’irrecevabilité du présent recours en ce qu’il est dirigé contre le Parlement ne saurait porter atteinte à ses droits procéduraux. En effet, comme l’acte attaqué n’est pas imputable à cette institution, le respect du droit à un procès équitable et du principe du contradictoire à l’égard du Parlement, invoqués par la requérante, est garanti par son droit d’intervenir, le cas échéant, dans la procédure.

29      Par ailleurs, il est à noter que l’argument de la requérante selon lequel une personne directement et individuellement concernée par une décision devrait pouvoir être partie à la procédure en qualité de défenderesse (voir point 14 ci-dessus), dans le cadre d’un recours en annulation formé contre cette décision, ne saurait être accueilli. Il se fonde, en effet, sur un amalgame entre, d’une part, les conditions relatives à l’existence d’un lien direct et individuel, auxquelles est subordonnée la reconnaissance de la légitimation active (qualité pour agir) des requérantes non privilégiées en application de l’article 230, alinéa 4, CE, et, d’autre part, la question de l’imputabilité de l’acte, qui détermine la légitimation passive de l’auteur de l’acte.

30      Pour l’ensemble de ces raisons, le recours doit être rejeté comme irrecevable en ce qu’il a été introduit contre le Parlement.

 Sur les dépens

31      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu du paragraphe 5, du même article, à défaut de conclusions sur les dépens chaque partie supporte ses propres dépens.

32      En l’espèce, en l’absence de conclusions du Parlement sur les dépens, il y a lieu de décider que le Parlement supportera ses propres dépens et la République italienne supportera les dépens qu’elle a exposés dans le cadre du présent recours pour autant qu’il est dirigé contre le Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le Parlement ;

2)      La République italienne supportera les dépens qu’elle a exposés dans le cadre du présent recours pour autant qu’il est dirigé contre le Parlement. Le Parlement supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A W. H. Meij


* Langue de procédure : l’italien.