Language of document : ECLI:EU:T:2008:478

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (Sixième chambre)

5 novembre 2008(*)

« Clause compromissoire – Contrat de financement communautaire d’un projet de recherche conclu entre la Commission et l’Université Libre de Bruxelles – Contrat de travail conclu entre l’Université Libre de Bruxelles et la partie requérante – Incompétence  manifeste »

Dans les affaires T-213/08 et T-213/08 AJ,

Daniela Marinova, demeurant à Sofia (Bulgarie), représentée par MG. Stratiev Georgiev, avocat,

partie requérante,

contre

Université Libre de Bruxelles

et

Commission des communautés européennes,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours en responsabilité contractuelle fondé sur une clause compromissoire contenue dans le contrat n° 038950 (MEIF CT/2007 038950) de financement communautaire d’un projet de recherche conclu entre la Commission et l’Université Libre de Bruxelles (ULB),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (Sixième chambre),

Composé de MM. A. W. H. Meij, (rapporteur), président, V. Vadapalas, L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Dans le cadre du programme spécifique de recherches et développement technologique (« Structuring ERA »), action « Marie Curie Incoming International Fellowships », la Commission, agissant au nom des Communautés européennes, a conclu avec l’Université Libre de Bruxelles (ULB), le 14 avril 2007, un contrat de financement communautaire du projet de recherche intitulé « Active Structures with Smart Materials : Modeling, Control, Numerical Simulation and Experimental Validation » [contrat n° 038950 (MEIF CT/2007 038950)]. L’annexe I à ce contrat désigne le Prof. Preumont comme responsable du projet de recherche et la requérante comme chercheur.

2        Ce contrat contient une clause attribuant compétence aux juridictions communautaires pour statuer sur tout litige survenu entre la Communauté et son cocontractant, l’ULB, en ce qui concerne la validité, l’exécution ou l’interprétation dudit contrat.

3        Le 31 août et le 5 octobre 2007, l’ULB a conclu deux contrats de travail successifs, le premier de trois mois et le second de neuf mois, avec la partie requérante, recrutée en sa qualité de chercheur en vue de la réalisation du projet de recherche susvisé, financé par la Communauté (ci-après « le contrat de travail »).

4        Par lettre du 19 décembre 2007, la requérante a adressé une plainte à la Commission concernant le contenu de son contrat de travail avec l’ULB et l’exécution de ce contrat. Par lettre du 11 février 208, la Commission lui a répondu en substance que, selon les informations qu’elle avait recueillies auprès de l’ULB, la requérante bénéficiait d’un contrat de travail normal assorti d’une couverture sociale pleine et entière. Elle a ajouté qu’elle vérifierait à la fin du projet que l’ULB avait employé pour payer la requérante la part de la contribution financière communautaire prévue par le contrat n° 038950 (partie D de l’annexe I), susmentionné, pour la réalisation des travaux effectués par la requérante. Enfin, pour des questions supplémentaires relatives à son contrat de travail avec l’ULB, la Commission suggérait à la requérante de s’adresser directement à l’ULB. À la suite d’une seconde plainte de la requérante en date du 10 mars 2008, la Commission a répondu par lettre du 14 avril 2008.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2008, la partie requérante a introduit le présent recours.

6        Par acte séparé déposé le même jour, la partie requérante a demandé que le présent recours soit traité selon la procédure accélérée.

7        Par lettre du 25 août 2008, la partie requérante a déposé une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 95 du règlement de procédure.

 Conclusions de la partie requérante

8        La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner l’ULB à lui verser les montants qui lui sont dus au titre du contrat nº 038950 (MEIF CT/2007 038950) ;

–        condamner conjointement l’ULB et la Commission à lui verser un montant de 100 000 euros en réparation des pertes et du manque à gagner subis, du fait que la requérante n’aurait pas été mise en mesure de valoriser ses compétences dans le cadre de l’exécution du projet en cause financé par la Communauté européenne ;

–        condamner conjointement l’ULB et la Commission à lui verser un montant de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        désigner un expert afin de déterminer notamment l’ensemble des montants dus par l’ULB à la requérante au titre du contrat n° 038950 (MEIF – CT/2007 ­ 038950) ;

–        condamner l’ULB et la Commission aux dépens.

 En droit  

9        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque ce dernier est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

10      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

11      Dans la présente affaire, la partie requérante entend obtenir du Tribunal qu’il se prononce sur les obligations découlant du contrat de travail qu’elle a conclu avec l’ULB, ainsi que sur le prétendu manquement de la Commission à son obligation de surveillance découlant du contrat n° 038950, susvisé. Elle prétend que ce contrat de financement communautaire conclu entre l’ULB et la Commission a fait naître des droits et obligations réciproques entre elle et ces dernières.

12      En particulier, la requérante fait valoir que l’annexe I à ce contrat conclu entre l’ULB et la Commission la désigne en qualité de chercheur dans le cadre du projet en cause, et que l’annexe III à ce même contrat met à la charge de l’ULB un certain nombre d’obligations à l’égard de la requérante pendant la durée du projet. Elle allègue que l’ULB a gravement méconnu ces obligations. En outre, à la suite des deux plaintes adressées par la requérante à la Commission, cette institution se serait limitée à l’inviter à s’adresser à l’ULB. La Commission aurait ainsi manqué à son obligation de garantir la bonne exécution du projet et le respect des dispositions du contrat n° 038950, susvisé.

13      Il y a lieu de constater que les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 225 CE et à l’article 140 A EA, tels que précisés par l’article 51 du statut de la Cour de justice. En application de ces dispositions, le Tribunal n’est compétent pour statuer, en première instance, sur les litiges en matière contractuelle portés devant lui qu’en vertu d’une clause compromissoire. Faute de quoi, il étendrait sa compétence juridictionnelle au-delà des litiges dont la connaissance lui est limitativement réservée par l’article 240 CE, cette disposition conférant aux juridictions nationales la compétence de droit commun pour connaître des litiges auxquels la Communauté est partie (ordonnance du Tribunal du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T-186/96, Rec. p. II-1633, point 47). Cette compétence est dérogatoire du droit commun et doit, partant, être interprétée restrictivement (arrêt de la Cour du 18 décembre 1986, Commission/Zoubek, 426/85, Rec. p. 4057, point 11).

14      La jurisprudence a également reconnu que seules les parties à un contrat contenant une clause compromissoire peuvent être parties à l’action introduite sur le fondement de l’article 238 CE (ordonnance du Tribunal du 8 janvier 2008, Commission/Lior e.a., T-245/04, non encore publiée au Recueil, point 112 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 décembre 1976, Pellegrini/Commission, 23/76, Rec. p. 1807, point 31).

15      En l’espèce, le contrat de financement communautaire du projet de recherche en cause, conclu entre la Commission et l’ULB (contrat n° 038950), comporte une clause compromissoire attribuant compétence aux juridictions communautaires pour connaître des litiges relatifs à sa validité, à son interprétation ou à son exécution.

16      Cette clause compromissoire ne s’applique donc qu’aux relations contractuelles entre les parties à ce contrat, à savoir la Commission et l’ULB. En particulier, la circonstance que le contrat de financement n° 038950 conclu entre la Commission et l’ULB impose à cette dernière le respect d’un certain nombre d’obligations précises à l’égard de la requérante, en sa qualité de chercheur dans le cadre du projet en cause, ainsi que le relève la requérante, ne modifie rien au fait que la Commission est uniquement liée par un lien contractuel avec l’ULB.

17      Il en découle en premier lieu que la clause compromissoire contenue dans le contrat de financement n° 038950 ne peut pas être invoquée utilement par la partie requérante, dans le cadre d’une action en responsabilité contractuelle contre la Commission. Le Tribunal est dès lors manifestement incompétent pour connaître du présent recours en ce qu’il a été formé contre la Commission.

18      En second lieu, la requérante ne saurait davantage se fonder sur la clause compromissoire susmentionnée, dans un litige l’opposant à l’ULB, à laquelle elle est liée par un contrat de travail. En effet, ce contrat de travail conclu avec la requérante en exécution du contrat de financement susvisé n’a pas été passé par la Communauté ou pour son compte, mais par l’ULB. Il ne pouvait dès lors contenir de clause compromissoire attribuant compétence au Tribunal en application de l’article 238 CE, et ne contient d’ailleurs pas de telle clause.

19      Il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître du présent recours tant en ce qu’il a été formé contre la Commission que contre l’ULB. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

20      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la partie requérante visant à ce que le Tribunal statue selon la procédure accélérée et il n’est pas non plus besoin de statuer sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure.

21      Par ailleurs, le présent recours étant manifestement irrecevable, la demande d’aide judiciaire présentée par la partie requérante doit être rejetée, en application de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure.

 Sur les dépens

22      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête aux parties défenderesses et avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (Sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La demande d’aide judiciaire est rejetée.

3)      La partie requérante supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 5 novembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      A. W. H. Meij


* Langue de procédure : l’anglais.