Language of document : ECLI:EU:T:2023:661

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

18 octobre 2023 (*)

« Clause compromissoire – Accord de prêt relatif à un projet de réhabilitation des sols salins et d’empêchement de la poursuite de la salinisation des terres agricoles dans un pays tiers – Inexécution du contrat – Remboursement des sommes avancées – Intérêts de retard – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑467/22,

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. T. Gilliams, R. Stuart et F. Oxangoiti Briones, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Arts et E. Paredis, avocats,

partie requérante,

contre

République arabe syrienne,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme R. Frendo (rapporteure) et M. M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la Banque européenne d’investissement (BEI) demande la condamnation de la République arabe syrienne à verser à l’Union européenne, qu’elle représente, la somme de 1 959 745,31 euros, assortie d’intérêts, en application de l’accord de prêt no 80211 relatif au financement d’un projet de réhabilitation des sols salins et d’empêchement de la poursuite de la salinisation des terres agricoles dans la basse vallée de l’Euphrate (Syrie) (ci-après l’« accord de prêt »).

 Antécédents du litige

2        Faisant suite à l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne du 18 janvier 1977 (JO 1978, L 269, p. 2) et à ses protocoles, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu, le 20 avril 1986, l’accord de prêt avec la République arabe syrienne.

3        En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, des conditions générales de l’accord de prêt, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, de ses conditions spéciales, la Communauté économique européenne a accordé à la République arabe syrienne un prêt de 9 300 000 écus à décaisser sur demande. Ce prêt a été décaissé par tranches dans son intégralité entre le 14 novembre 1986 et le 12 janvier 1996.

4        Selon l’article 4, paragraphe 1, des conditions générales de l’accord de prêt, lu en combinaison avec son annexe C, la République arabe syrienne devait rembourser le prêt selon 60 échéances semi-annuelles, à compter du 1er septembre 1996, avec des intérêts :

–        sur le solde de l’avance, sur une base semestrielle à terme échu, au taux annuel bonifié de 1 % (article 3, paragraphe 1, des conditions générales) (ci-après les « intérêts contractuels ») ;

–        en cas de retard de remboursement, sur tous les montants échus à un taux annuel de 3,5 %, lequel se substitue au taux susmentionné de 1 % (article 3, paragraphe 2, des conditions générales) (ci-après les « intérêts de retard »).

5        Depuis le mois de mars 2012, la République arabe syrienne a cessé d’honorer les échéances dues en application de l’accord de prêt.

6        Par arrêt du 6 juin 2019, BEI/Syrie (T‑588/17, non publié, EU:T:2019:387), la République arabe syrienne a été condamnée à rembourser à l’Union, représentée par la BEI, d’une part, la somme de 2 184 271,58 euros au titre des échéances de paiement non honorées par elle entre le 1er mars 2012 et le 1er mars 2017 ainsi que des intérêts contractuels et de retard pour la période du 1er mars 2012 au 25 août 2017 et, d’autre part, les intérêts de retard à compter du 25 août 2017 et jusqu’à la date du paiement.

7        Entre le 25 août 2017 et le 30 juin 2022, dix tranches visées par l’accord de prêt sont venues à échéance et, la République arabe syrienne n’ayant pas effectué les paiements dus, la BEI a, à chaque reprise, émis des rappels de paiement, comme suit :

Échéance

Montant principal

Intérêts contractuels

Rappel

1er septembre 2017

164 609,99 EUR

15 442,65 EUR

11 septembre 2017

1er mars 2018

165 540,01 EUR

14 619,60 EUR

12 mars 2018

3 septembre 2018

165 540,01 EUR

13 791,89 EUR

13 septembre 2018

1er mars 2019

166 469,97 EUR

12 964,18 EUR

11 mars 2019

2 septembre 2019

167 400,02 EUR

12 131,84 EUR

12 septembre 2019

2 mars 2020

168 330,02 EUR

11 294,86 EUR

12 mars 2020

1er septembre 2020

169 260,02 EUR

10 453,23 EUR

11 septembre 2020

1er mars 2021

170 190 EUR

9 606,93 EUR

11 mars 2021

1er septembre 2021

171 120 EUR

8 755,94 EUR

13 septembre 2021

1er mars 2022

172 050 EUR

7 900,36 EUR

11 mars 2022


8        Toutefois, la République arabe syrienne est restée en défaut de paiement.

 Procédure et conclusions de la BEI

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2022, la BEI a introduit le présent recours.

10      Par lettre du 1er août 2022, la requête a été signifiée à la République arabe syrienne par envoi postal recommandé avec accusé de réception. Conformément à l’article 12, paragraphe 1, des conditions spéciales de l’accord de prêt, la signification a été faite à l’ambassade où sont situés les locaux de la mission de la République arabe syrienne auprès de l’Union à Bruxelles (Belgique).

11      La République arabe syrienne n’ayant pas produit de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal, la BEI a, par acte déposé le 26 novembre 2022, demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 123, paragraphe 1, dudit règlement.

12      La BEI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la République arabe syrienne a manqué à ses obligations contractuelles en vertu de l’accord de prêt en ce qui concerne le paiement des montants principaux, des intérêts contractuels et des intérêts de retard à réaliser sur chaque échéance due et impayée entre le 1er septembre 2017 et le 1er mars 2022, et, par conséquent, condamner la République arabe syrienne à payer à l’Union, qu’elle représente, premièrement, la somme de 1 959 745,31 euros à titre de montant principal, d’intérêts contractuels et d’intérêts de retard pour la période du 25 août 2017 au 30 juin 2022 et, deuxièmement, les intérêts de retard supplémentaires à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la réalisation du paiement ;

–        condamner la République arabe syrienne aux dépens.

 En droit

13      En vertu de l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque le Tribunal constate que la partie défenderesse, régulièrement mise en cause, n’a pas répondu à la requête dans le délai prescrit, la partie requérante peut demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

14      En l’espèce, il convient de constater que, conformément à l’article 12, paragraphe 1, des conditions spéciales de l’accord de prêt, la requête a été signifiée à l’ambassade où sont situés les locaux de la mission de la République arabe syrienne auprès de l’Union à Bruxelles.

15      Or, ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, bien que la requête de la BEI ait été régulièrement signifiée à la République arabe syrienne, cette dernière n’a pas produit de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure. 

16      Dès lors que la requérante a demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, il convient de faire application de l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, aux termes duquel le Tribunal adjuge à la partie requérante ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur la compétence du Tribunal

17      Conformément à l’article 272 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte.

18      Ainsi qu’il ressort du point 2 ci-dessus, l’accord de prêt a été conclu par la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne, à laquelle l’Union s’est substituée et a succédé, conformément à l’article 1er, troisième alinéa, dernière phrase, TUE.

19      Or, l’article 11, paragraphe 3, des conditions générales de l’accord de prêt contient une clause compromissoire en vertu de laquelle tous les litiges concernant cet accord seront soumis à la Cour de justice de l’Union européenne.

20      En outre, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal est compétent pour connaître en première instance des recours introduits sur la base d’une clause compromissoire, tels qu’ils sont visés à l’article 272 TFUE.

21      Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que le Tribunal n’est pas manifestement incompétent pour connaître du présent recours.

 Sur la recevabilité du recours 

22      Par le recours, la BEI vise à obtenir la condamnation de la République arabe syrienne à payer à l’Union, qu’elle représente, la somme de 1 959 745,31 euros, à titre de montant principal et d’intérêts contractuels et de retard, en application de l’accord de prêt, et une somme représentant les intérêts de retard supplémentaires à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la réalisation du paiement.

23      Il ressort des considérations liminaires de l’accord de prêt que, dès la conclusion de cet accord, la Commission a donné un mandat à la BEI afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le remboursement du prêt octroyé à la République arabe syrienne dans le cadre de cet accord.

24      À cet effet, le 8 août 2017, la BEI a été chargée par la Commission européenne d’engager la procédure de recouvrement au nom et pour le compte de l’Union en ce qui concernait les échéances dues au titre de l’accord de prêt et de représenter cette dernière dans les procédures judiciaires en l’espèce.

25      Ainsi, il n’apparaît pas que le présent recours, introduit par la BEI pour le compte de l’Union, sur le fondement de l’article 272 TFUE, soit manifestement irrecevable.

26      En outre, le présent recours ne soulève pas d’autres difficultés de nature à considérer qu’il serait manifestement irrecevable.

27      Par conséquent, il y a lieu de conclure que le présent recours n’est pas manifestement irrecevable.

 Sur le bien-fondé du recours

28      En premier lieu, il ressort du dossier que, sur la base de l’accord de prêt, la Communauté économique européenne a accordé à la République arabe syrienne un prêt remboursable selon les échéances mentionnées au point 7 ci-dessus.

29      En outre, il ressort des indications de la BEI que la République arabe syrienne n’a pas honoré ces échéances de remboursement, en violation de l’article 4, paragraphe 1, des conditions générales de l’accord de prêt.

30      Par conséquent, les conclusions tendant à la condamnation de la République arabe syrienne au remboursement de la somme de 1 680 510,04 euros, au titre du montant principal, empruntée par cette dernière et qui aurait dû être remboursée entre le 1er septembre 2017 et le 1er mars 2022 inclus ne sont pas manifestement dépourvues de fondement en droit.

31      En second lieu, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, des conditions générales de l’accord de prêt que les intérêts contractuels sont dus sur l’encours du prêt, semestriellement à terme échu, au taux annuel nominal de 1 %, et que, en application de l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales de l’accord de prêt, en cas de retard de remboursement du prêt, le taux annuel nominal des intérêts de retard est fixé à 3,5 %.

32      Par conséquent ne sont pas non plus manifestement dépourvues de tout fondement en droit les conclusions tendant à la condamnation de la République arabe syrienne au paiement de la somme de 279 235,27 euros au titre des intérêts contractuels et de retard pour la période du 25 août 2017 au 30 juin 2022, d’une part, et des intérêts de retard dus sur la somme de 1 680 510,04 euros au taux annuel de 3,5 % à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la date du paiement, d’autre part.

33      Partant, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la BEI tendant à lui adjuger ses conclusions et, ainsi, à condamner la République arabe syrienne par défaut, conformément à l’article 123 du règlement de procédure.

 Sur les dépens

34      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République arabe syrienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La République arabe syrienne est condamnée à rembourser à l’Union européenne, représentée par la Banque européenne d’investissement (BEI), la somme de 1 959 745,31 euros, représentant les montants principaux et les intérêts contractuels et de retard dus au 30 juin 2022.

2)      La somme de 1 680 510,04 euros comprenant les montants principaux porte intérêts de retard au taux annuel de 3,5 % à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la date du paiement.

3)      La République arabe syrienne est condamnée aux dépens.

Truchot

Frendo

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.