Language of document : ECLI:EU:T:2022:629

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

12 octobre 2022 (*)

« Droit institutionnel – Commission des pétitions du Parlement – Pétition concernant la violation par les autorités espagnoles du droit de l’Union en matière de droits fondamentaux – Décision de classer sans suite la pétition – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑589/21,

María Teresa Serrano Velázquez, demeurant à Séville (Espagne), représentée par Me F. B. Vázquez Sánchez, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme P. López-Carceller et M. I. Liukkonen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme María Teresa Serrano Velázquez, demande l’annulation de la décision D 304048 de la commission des pétitions du Parlement européen, adoptée le 8 juin 2021 et notifiée le 13 juillet 2021, déclarant irrecevable sa pétition (no 242/2021) concernant la violation des mesures de protection et de garantie des droits fondamentaux des lanceurs d’alerte en matière de corruption dont elle estime avoir fait l’objet (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 8 février 2021, la requérante a présenté une pétition au Parlement en ce qui concerne la violation en Espagne des mesures de protection et de garantie des droits fondamentaux reconnus dans la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17), telle que modifiée (ci-après la « pétition »). La pétition a été enregistrée sous le numéro 242/2021.

3        Dans la pétition, la requérante évoquait des irrégularités commises dans le cadre d’un procès militaire lors duquel elle avait été accusée et qui auraient conduit, selon elle, à la violation des droits de la défense. Ce procès aurait été intenté contre elle à la suite d’une plainte pénale qu’elle avait déposée contre l’un de ses supérieurs, auquel elle reprochait d’avoir entravé une enquête à la suite d’un signalement pour corruption visant l’un de ses subordonnés.

4        Selon la requérante, il s’agirait de représailles au sens des articles 19 et 21 à 23 de la directive 2019/1937. Dans la pétition, la requérante demandait au Parlement de prendre position sur l’existence d’une violation de ces dispositions et, dans l’affirmative, de veiller à ce que les mesures de protection et de garanties de ses droits fondamentaux soient respectées.

5        Le 16 septembre 2021, la présidente de la commission des pétitions du Parlement a notifié la décision attaquée informant la requérante du classement de la pétition comme irrecevable. La décision attaquée comportait la motivation suivante :

« Je suis malheureusement au regret de vous informer que nous ne serons pas en mesure de poursuivre [l’examen de la pétition] plus avant, étant donné que le Parlement européen ne peut pas annuler les décisions prises par les autorités compétentes des États membres. N’étant pas une instance judiciaire, le Parlement européen ne peut ni procéder à des enquêtes judiciaires, ni rendre des décisions de justice, ni annuler des décisions rendues par les juridictions des États membres. Les pétitions demandant ce type d’intervention sont donc irrecevables.

Nous vous informons que le délai de transposition de la directive par les États membres est fixé au 17 décembre 2021. »

 Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        examiner les faits dénoncés dans la pétition.

7        Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le second chef de conclusions présenté par la requérante

8        Par son second chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’examiner les faits dénoncés dans la pétition.

9        À cet égard, il convient de constater que le contentieux de l’Union européenne ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (voir arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys/Commission, T‑125/16, EU:T:2017:884, point 44 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le second chef de conclusions doit être rejeté pour cause d’incompétence.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

10      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 296 TFUE.

11      Selon elle, la motivation de la décision attaquée est fondée sur des déclarations abstraites et des généralités. Elle ne satisferait donc pas aux exigences prévues en la matière à l’article 296 TFUE, tel qu’interprété par l’arrêt du 20 février 2002, Roman Parra/Commission (T‑117/01, EU:T:2002:35).

12      De par son caractère générique, la motivation figurant dans la décision attaquée serait stéréotypée. En effet, la commission des pétitions du Parlement n’aurait pas répondu spécifiquement aux griefs évoqués dans la pétition et la motivation employée pourrait servir à rejeter n’importe quelle pétition.

13      Or, selon la requérante, les questions soulevées dans la pétition auraient concerné la violation flagrante de droits fondamentaux liés à la dignité humaine et à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, auxquels la requérante prétend avoir été soumise. De tels droits seraient garantis aux articles 1er et 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aucune décision particulière n’aurait été adoptée sur des questions qui, en raison de leur importance et de leur gravité, devraient faire l’objet d’une enquête.

14      Le Parlement conteste cette argumentation.

15      Il convient d’observer d’emblée que l’arrêt du 20 février 2002, Roman Parra/Commission (T‑117/01, EU:T:2002:35), dont la requérante se prévaut, est intervenu en matière de fonction publique, dans le contexte d’un refus de promotion. Il ressort des motifs de cet arrêt que la partie requérante avait fait l’objet d’une décision implicite de rejet, née du silence gardé durant un délai de quatre mois sur sa réclamation contentieuse, à la suite d’un recours gracieux dont le rejet n’avait pas été motivé (arrêt du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, EU:T:2002:35, points 6 à 12). La décision contestée par la partie requérante dans cette affaire n’avait donc fait l’objet d’aucune motivation avant l’introduction du recours (arrêt du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, EU:T:2002:35, point 28). Ce précédent n’est donc pas comparable avec la décision attaquée, dans laquelle figure la motivation rappelée au point 5 ci-dessus.

16      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver les actes juridiques, posée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour déterminer si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision contestée (arrêts du 27 septembre 2012, J/Parlement, T‑160/10, non publié, EU:T:2012:503, point 20, et du 30 mai 2013, Morte Navarro/Parlement, T‑280/09, non publié, EU:T:2013:279, point 32).

17      L’exigence de motivation dépendant de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté, il n’est, de manière générale, pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents (voir, en ce sens, ordonnance du 14 novembre 2013, J/Parlement, C‑550/12 P, non publiée, EU:C:2013:760, point 19, et arrêt du 30 mai 2013, Morte Navarro/Parlement, T‑280/09, non publié, EU:T:2013:279, points 32 à 36).

18      En ce qui concerne spécifiquement les décisions déclarant les pétitions irrecevables, selon la jurisprudence, elles doivent être motivées de manière à permettre au pétitionnaire de comprendre les raisons pour lesquelles sa pétition a été déclarée irrecevable. À cet égard, une motivation sommaire peut être suffisante (arrêt du 9 décembre 2014, Schönberger/Parlement, C‑261/13 P, EU:C:2014:2423, point 23, et ordonnance du 4 mai 2016, Pannonhalmi Főapátság/Parlement, C‑607/15, non publiée, EU:C:2016:329, point 14).

19      Compte tenu de la teneur de la pétition, dans laquelle la requérante dénonçait des violations des droits fondamentaux la concernant par un tribunal militaire espagnol et laquelle constituait le contexte de l’adoption de la décision attaquée au sens de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, la motivation rappelée au point 5 ci-dessus ne présente pas le caractère stéréotypé qu’elle allègue. Au contraire, cette motivation suffisait pour lui permettre de comprendre les raisons du classement de la pétition.

20      Il s’ensuit que le moyen unique invoqué par la requérante doit être écarté et, par suite, que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme María Teresa Serrano Velázquez est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.