Language of document : ECLI:EU:T:2022:642

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Swisse – Causes de nullité absolue – Article 51, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence de caractère distinctif – Marque de nature à tromper le public – Emblème d’un État – Marque comportant des badges, emblèmes ou écussons – Article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), du règlement no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), du règlement 2017/1001] – Mauvaise foi – Motivation de la demande en nullité – Article 63, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Étendue de l’examen devant être opéré par l’EUIPO – Article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Droit d’être entendu – Article 41 de la charte des droits fondamentaux »

Dans l’affaire T‑486/20,

Health and Happiness (H&H) Hong Kong Ltd, établie à Hong Kong (Chine), représentée par M. D. Rose, Mme L. Flascher, solicitors, et M. N. Saunders, KC,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Giuliani SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Me S. de Bosio, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme G. Steinfatt (rapporteure), faisant fonction de présidente, M. K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’ordonnance du 16 septembre 2021, H&H/EUIPO – Giuliani (Swisse) (T‑486/20, non publiée, EU:T:2021:619), par laquelle le Tribunal (troisième chambre) a rejeté le recours incident de l’intervenante comme irrecevable,

à la suite de l’audience du 28 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Health and Happiness (H&H) Hong Kong Ltd, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 mai 2020 (affaire R 2185/2019‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 9 mars 2018, l’intervenante, Giuliani SpA, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 2 juillet 2003 par Swisse Vitamins Pty Ltd, prédécesseur en droit de la requérante, pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Vitamines, préparations de vitamines, formules à base d’herbes, compléments minéraux et éléments nutritifs comprenant des vitamines, minéraux, éléments nutritifs et formules à base d’herbes en capsules, tablettes et en forme liquide ».

4        En tant que motifs de nullité, l’intervenante a sélectionné dans le menu déroulant du formulaire type de l’EUIPO pour la demande en nullité (ci‑après le « formulaire ») l’article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). De plus, elle a mentionné, dans l’explication des motifs figurant sur ce formulaire, l’article 59, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

5        Le 26 juillet 2019, la division d’annulation a annulé la marque contestée. Elle a considéré, en substance, que cette marque était dépourvue de caractère distinctif sans qu’il fût nécessaire d’examiner les autres causes de nullité invoquées.

6        Le 26 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Elle a examiné la cause de nullité prévue à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), lu conjointement avec son article 7, paragraphe 1, sous b). Elle a estimé que c’était à juste titre que la division d’annulation avait accueilli la demande en nullité sur la base de cette dernière disposition, dans la mesure où il ressortait des arguments et des éléments de preuve dont elle disposait que la marque contestée ne serait pas considérée comme indicative d’une origine commerciale, mais plutôt comme une indication de ce que les produits provenaient de Suisse. Ces informations seraient dépourvues de caractère distinctif. Par ailleurs, la division d’annulation aurait estimé à juste titre qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer le caractère prétendument trompeur de la marque contestée. Enfin, la chambre de recours a indiqué qu’elle partageait la position de la requérante selon laquelle les autres causes de nullité n’étaient invoquées que de manière fragmentaire par l’intervenante. Toutefois, ce constat n’aurait eu aucune incidence en l’espèce, étant donné qu’elle approuve la décision de la division d’annulation rendue sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la procédure principale.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours principal ;

–        condamner la requérante aux dépens de la procédure principale.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours principal comme irrecevable et en tout état de cause comme non fondé ;

–        confirmer la déclaration de nullité de la marque contestée soit sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94, soit sur le fondement de l’une des autres causes de nullité invoquées.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du recours principal

11      L’intervenante soutient que, dans la mesure où les avocats de la requérante sont habilités à exercer devant les juridictions de l’Angleterre et du pays de Galles, parties du Royaume-Uni, et non devant les juridictions d’un État membre de l’Union européenne, ils ne peuvent pas la représenter dans le cadre du présent recours, de sorte que ce dernier est irrecevable.

12      Ainsi qu’il a été jugé au point 16 de l’ordonnance du 16 septembre 2021, H&H/EUIPO – Giuliani (Swisse) (T‑486/20, non publiée, EU:T:2021:619), dans la mesure où le recours a été introduit le 3 août 2020, soit avant la fin de la période de transition fixée, en vertu de l’article 126 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7), au 31 décembre 2020, les avocats de la requérante, habilités à exercer devant les juridictions de l’Angleterre et du pays de Galles, parties du Royaume-Uni, peuvent, en application de l’article 91, paragraphes 1 et 3, de cet accord, continuer à la représenter dans le cadre du présent recours et doivent être traités à tous égards comme les avocats habilités à exercer devant les juridictions des États membres qui représentent ou assistent une partie devant la Cour de justice de l’Union européenne.

13      L’exception d’irrecevabilité du recours soulevée par l’intervenante doit donc être rejetée.

 Sur la recevabilité du second chef de conclusions de l’intervenante

14      Par son second chef de conclusions, l’intervenante demande de confirmer la déclaration de nullité de la marque contestée soit sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94, soit sur le fondement de l’une des autres causes de nullité invoquées.

15      Il y a lieu de constater que, par ce chef de conclusions, l’intervenante tend à obtenir du Tribunal un arrêt déclaratoire. Il résulte cependant de l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci, de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des arrêts confirmatifs ou déclaratoires [voir arrêt du 10 juin 2008, Gabel Industria Tessile/OHMI – Creaciones Garel (GABEL), T‑85/07, EU:T:2008:186, point 17 et jurisprudence citée].

16      Par ailleurs, dès lors que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur les autres motifs de refus que celui prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 (ordonnance du 16 septembre 2021, Swisse, T‑486/20, non publiée, EU:T:2021:619, point 40), il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, de statuer sur une question qui n’a pas été examinée par ladite chambre [voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, You-Q/OHMI – Apple Corps (BEATLE), T‑369/10, non publié, EU:T:2012:177, point 75 et jurisprudence citée].

17      En tout état de cause, pour autant qu’il convient d’interpréter le second chef de conclusions de l’intervenante comme tendant à la réformation de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et pas davantage de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72). Or, la chambre de recours n’a pas apprécié d’autres motifs de nullité que celui tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

18      Par conséquent, il convient de rejeter comme irrecevable le second chef de conclusions de l’intervenante.

 Sur la recevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal

19      L’EUIPO fait valoir que l’annexe A 14 de la requête a été produite pour la première fois devant le Tribunal, de sorte que les documents qu’elle contient sont irrecevables.

20      À l’audience, la requérante a admis que lesdits documents n’avaient pas été produits dans la procédure devant l’EUIPO.

21      Ces pièces ont donc été produites pour la première fois devant le Tribunal. Or, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter ces pièces sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

 Sur le fond

22      À titre liminaire, il convient de préciser que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 2 juillet 2003, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) 2018/626 de la Commission, du 5 mars 2018, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 (JO 2018, L 104, p. 37).

23      En ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties au présent litige à l’article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), du règlement 2017/1001 ou du « règlement sur la marque de l’Union européenne », voire du « RMUE », et à l’article 59, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001 comme visant respectivement l’article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), du règlement no 40/94 et l’article 51, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 40/94, d’une teneur identique.

24      La requérante soulève trois moyens, tirés de la violation, premièrement, de l’article 63, paragraphe 2, et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, deuxièmement, de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et, troisièmement, de formes substantielles en raison de l’absence de traduction d’arguments soulevés dans le mémoire déposé devant l’EUIPO et d’annexes et du fait que les preuves présentées à l’appui de la demande de nullité sont postérieures à la date de dépôt de la marque contestée. Dans le cadre des deux premiers moyens, elle soutient également que la chambre de recours aurait dû décider que la division d’annulation et elle-même n’étaient pas compétentes pour annuler la marque contestée sur le fondement de l’absence du caractère distinctif.

25      Étant donné que les deux premiers moyens ainsi que l’argumentation contestant la compétence de la chambre de recours pour annuler la marque contestée sur le fondement de l’absence de son caractère distinctif concernent, en substance, la thèse de la requérante selon laquelle l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 ne pouvait pas servir de motif pour déclarer la nullité de la marque contestée, il convient de les examiner conjointement.

26      En premier lieu, la requérante soutient que, aux fins de l’introduction de la demande en nullité de la marque contestée, l’intervenante a utilisé le formulaire et a déposé un mémoire accompagné de plusieurs éléments de preuve à l’appui. Si l’intervenante aurait indiqué, sous l’intitulé « motif sélectionné numéro 1 » du formulaire, l’article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), du règlement no 40/94, l’explication des motifs figurant sur ledit formulaire de même que l’exposé détaillé de la demande en nullité se borneraient à demander et à motiver la nullité de la marque contestée sur le fondement de son caractère trompeur [article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94] ou de son enregistrement de mauvaise foi [article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94] ou de l’exploitation illégale du nom d’un État [article 7, paragraphe 1, sous h) et i), du règlement no 40/94]. Ainsi, si l’intervenante aurait recensé quatre motifs figurant à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94, elle n’aurait présenté de motivation qu’au regard de trois d’entre eux, à savoir ceux indiqués sous g), h) et i), de même qu’au regard de la mauvaise foi. Aucune motivation n’aurait été fournie quant au motif de nullité figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

27      Dans son mémoire en réplique devant la division d’annulation, l’intervenante n’aurait abordé que le caractère trompeur de la marque contestée et la mauvaise foi.

28      En conséquence, l’argumentation de l’intervenante aurait porté sur le fait que la marque contestée était trompeuse et induisait le public en erreur, en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94. En témoigneraient, par exemple, le point II et la conclusion de la demande en nullité.

29      La division d’annulation aurait également constaté que l’intervenante affirme que la marque contestée est trompeuse quant à la provenance géographique des produits concernés, et qu’elle a été enregistrée de mauvaise foi par la requérante. Rien ne suggérerait que la demanderesse en nullité a fait valoir un argument tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 ni que l’enregistrement est dépourvu de caractère distinctif.

30      Bien que la requérante ait soutenu que la division d’annulation n’était pas compétente pour examiner la validité de l’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, étant donné que l’intervenante n’a jamais invoqué ce motif de nullité, la chambre de recours aurait considéré à tort que l’intervenante avait invoqué cette disposition.

31      En deuxième lieu, la requérante soutient que, faute d’avoir été motivée au regard de la prétendue absence de caractère distinctif de la marque contestée, la demande en nullité, sur laquelle se sont fondées les instances de l’EUIPO, n’est pas conforme à l’article 63, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

32      En outre, en déclarant cette marque nulle du fait de son absence de caractère distinctif, et en soulevant de leur propre chef des arguments sur lesquels la requérante n’aurait d’ailleurs jamais été en mesure de prendre position, les deux instances de l’EUIPO auraient violé l’article 94, paragraphe 1, et l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ainsi que l’article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la Charte.

33      La requérante assimile l’omission de l’intervenante de soumettre quelque argument tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 à une renonciation. Or, l’EUIPO ne serait pas compétent pour statuer sur les moyens auxquels les parties auraient renoncé parce qu’il serait tenu de limiter son examen aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

34      En troisième lieu, la requérante fait valoir que ces violations ont eu pour conséquence de la priver du droit, d’une part, de démontrer que l’enregistrement avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en aurait été fait avant le début de la présente procédure de nullité et, d’autre part, de présenter des arguments à l’appui de la position selon laquelle l’enregistrement n’était pas dépourvu de caractère distinctif.

35      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

36      En premier lieu, l’intervenante fait valoir que les moyens tirés de la violation de l’article 63, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de son article 95, paragraphe 1, ainsi que celui tiré de la violation de l’article 41 de la Charte ont été invoqués pour la première fois devant le Tribunal, de sorte qu’ils sont irrecevables.

37      En second lieu, selon l’EUIPO, le remplissage en ligne du formulaire par l’intervenante satisfait aux exigences prévues tant à l’article 63, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 qu’à l’article 12, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, dès lors que cette partie y aurait indiqué que l’un des motifs invoqués était celui visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. La demande en nullité aurait donc été dûment déposée et serait recevable dans la mesure où elle était fondée sur ce motif.

38      L’intervenante soutient, en substance, que, eu égard à la date d’enregistrement de la marque contestée, ce n’est pas l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qui s’applique, mais plutôt l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94, qui autoriserait l’EUIPO, dans ce type de procédures, à aller au-delà non seulement des demandes mais également des motifs et, a fortiori, des moyens invoqués par les parties. En tout état de cause, le motif de nullité tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 aurait bien été invoqué dans la demande de nullité et il découlerait de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans ses versions française et italienne, que la division d’annulation peut rattacher d’office les arguments factuels et les preuves présentées par une demanderesse en nullité à tout motif invoqué par celle‑ci, peu importe que ce motif ait été réitéré spécifiquement dans les mémoires, et peu importe que la demanderesse en nullité ait présenté une demande visant à examiner spécifiquement les faits et arguments à la lumière d’un motif absolu de nullité.

39      Selon l’EUIPO et l’intervenante, bien que, dans le présent cas, l’intervenante n’ait pas présenté séparément d’arguments relatifs au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, les arguments et éléments de preuve qu’elle aurait présentés dans le cadre des autres motifs invoqués, en particulier l’article 7, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement, auraient également été pertinents pour apprécier la demande au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, ces deux motifs étant étroitement liés. En effet, il pourrait exister un chevauchement entre les champs d’application respectifs de certains des motifs absolus de refus, dont ceux énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et g), du règlement no 40/94.

40      Le fait que l’absence de caractère distinctif puisse être surmontée, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, alors qu’un caractère trompeur ne saurait être surmonté, ne signifierait pas que ces deux motifs ne se chevauchent pas.

41      Par conséquent, il n’y aurait pas eu de violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, étant donné que l’examen de la demande en nullité de la marque contestée se serait limité aux motifs invoqués et aux arguments présentés par les parties. À l’audience, l’EUIPO a, en substance, encore soutenu qu’il appartenait au propriétaire d’une marque faisant l’objet d’une demande en nullité de défendre son enregistrement au regard de tous les motifs invoqués, bien qu’il en reconnaisse la difficulté dans une situation telle que celle de l’espèce où le demandeur en nullité ne développe pas chacun des motifs.

42      Pour essentiellement les mêmes raisons que celles avancées au regard de la prétendue violation de l’article 63, paragraphe 2, et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il n’y aurait pas eu de violation de l’article 41 de la Charte. En outre, eu égard au chevauchement des motifs absolus de nullité figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et g), du règlement no 40/94, la requérante, contrairement à ce qu’elle ferait valoir, n’aurait pas été contrainte de deviner les développements afférents au motif retenu par les instances de l’EUIPO.

43      D’une part, selon l’intervenante, l’argument de la requérante selon lequel l’absence de développement d’un motif, pourtant présenté dans la demande de nullité de la marque contestée, équivaut au retrait de ce motif serait irrecevable, puisqu’il n’aurait pas été invoqué devant la chambre de recours. D’autre part, tant l’EUIPO que l’intervenante s’y opposent sur le fond. Premièrement, selon l’EUIPO, l’intervenante n’a pas renoncé au motif tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque contestée. L’absence de développement spécifique de ce motif ne saurait donner lieu à pareille présomption de retrait. Deuxièmement, l’intervenante soutient que ce motif a été étayé par les arguments qu’elle a présentés, l’argumentation relative à l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94 englobant l’absence de caractère distinctif. Troisièmement, la notion de renonciation ne saurait s’appliquer aux motifs absolus de nullité, qui, de l’avis de l’intervenante, relèvent de l’ordre public, sachant que, en tout cas, l’EUIPO serait autorisé à aller au-delà des demandes et à examiner d’office les faits.

44      À cet égard, en ce qui concerne les exceptions d’irrecevabilité que l’intervenante soulève à l’encontre, premièrement, du moyen tiré de la violation de l’article 63, paragraphe 2, et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, deuxièmement, du moyen tiré de la violation de l’article 41 de la Charte et, troisièmement, de l’argument relatif à l’assimilation de l’absence de développement d’un motif de refus d’enregistrement au retrait d’un tel motif, il y a lieu de rappeler que le recours formé devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001 et que l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [arrêt du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT), T‑449/13, non publié, EU:T:2015:839, point 26].

45      Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, EU:T:2004:190, point 45]. De même, un requérant n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenant (arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 43, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 122).

46      En l’espèce, force est de constater que la requérante a, devant la chambre de recours, clairement invoqué et motivé la violation par la division d’annulation de l’article 63, paragraphe 2, et de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 41 de la Charte.

47      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, en substance, le défaut de développement d’un motif de refus devrait s’analyser comme un retrait de ce même motif (voir point 33 ci‑dessus), il s’inscrit dans le prolongement de l’argumentation de la requérante, figurant tant dans son recours devant la chambre de recours que devant le Tribunal, par laquelle elle entendait démontrer que la chambre de recours n’était pas habilitée à examiner la validité de la marque contestée à l’aune de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, et il constitue son amplification [arrêts du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑133/09, EU:T:2012:327, point 17, et du 3 mai 2018, Laboratoires Majorelle/EUIPO – Jardin Majorelle (LABORATOIRES MAJORELLE), T‑429/17, non publié, EU:T:2018:250, point 27].

48      Les moyens et les arguments en question ne vont donc pas au-delà du cadre factuel et juridique du litige, tel qu’il a été porté devant la chambre de recours. Ils n’en modifient pas non plus les termes.

49      Les exceptions d’irrecevabilité doivent donc être rejetées.

50      Quant au fond, il est vrai que l’intervenante a sélectionné dans le menu déroulant du formulaire le motif tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. Cependant, ainsi que le fait valoir la requérante et comme en conviennent d’ailleurs les autres parties, l’intervenante n’a avancé aucune motivation tendant spécifiquement à démontrer l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

51      En effet, premièrement, l’explication des motifs de nullité figurant sur le formulaire est formulée comme suit : « Giuliani spa requests EUIPO to declare EU figurative trade mark 003252152 null and void on grounds of its misleading character (article 7, paragraph 1, letter g RMUE), and/or registration in bad faith (article 59, paragraph 1, letter b, RMUE) and/or illegal exploitation of the name of State (article 7, paragraph 1, letter h) and i) RMUE) […] ».

52      Deuxièmement, l’intervenante ne s’est pas référée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, et n’a pas non plus soutenu et encore moins motivé que ladite marque n’était pas susceptible de remplir la fonction essentielle de la marque selon ce règlement, à savoir désigner l’origine commerciale des produits en question.

53      L’exposé détaillé est exclusivement axé sur les motifs de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous g), h) et i), du règlement no 40/94 ainsi que sur la mauvaise foi. Le rappel des dispositions applicables pour les motifs de refus invoqués par l’intervenante, mentionnées au point III de cet exposé, ne contient pas l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), ou du règlement 2017/1001.

54      Troisièmement, dans la conclusion de son exposé détaillé, l’intervenante demande à l’EUIPO de déclarer la marque contestée nulle et invalide en raison de son caractère trompeur [article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94] et/ou de son enregistrement de mauvaise foi [article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94] et/ou de son exploitation illégale du nom de l’État [article 7, paragraphe 1, sous h) et i), du règlement no 40/94].

55      Quatrièmement, l’intervenante ne tire, dans sa demande en nullité, aucune conclusion de la prétendue violation des autres dispositions qu’elle a invoquées sur l’absence de caractère distinctif de cette marque.

56      Cinquièmement, dans la réplique devant la division d’annulation, l’intervenante ne mentionne pas non plus l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, ni la disposition correspondante, mais conclut uniquement au caractère trompeur de la marque contestée et à son enregistrement de mauvaise foi.

57      Dans ces circonstances, la chambre de recours a violé l’article 63, paragraphe 2, et l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ainsi que l’article 41 de la Charte.

58      En effet, premièrement, il est de jurisprudence constante qu’il existe un certain chevauchement entre les champs d’application respectifs des motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement no 40/94 [arrêts du 30 novembre 2011, Hartmann/OHMI (Complete), T‑123/10, non publié, EU:T:2011:706, point 39, et du 16 mai 2013, Restoin/OHMI (EQUIPMENT), T‑356/11, non publié, EU:T:2013:253, point 53].

59      Quant aux motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et g), du règlement no 40/94, un certain chevauchement entre leurs champs d’application respectifs pourrait être déduit des arrêts du 5 mai 2011, SIMS – École de ski internationale/OHMI – SNMSF (esf école du ski français) (T‑41/10, non publié, EU:T:2011:200, points 49 et 50 et jurisprudence citée), et du 27 octobre 2016, Caffè Nero Group/EUIPO (CAFFÈ NERO) (T‑37/16, non publié, EU:T:2016:634, point 52), dans la mesure où il a été jugé qu’une marque est inapte à remplir sa fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par elle en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance, si l’information qu’elle comporte est de nature à tromper le public.

60      Néanmoins, il ressort d’une jurisprudence également constante que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94, est indépendant des autres et exige un examen séparé [arrêts du 16 janvier 2013, Spectrum Brands (UK)/OHMI – Philips (STEAM GLIDE), T‑544/11, non publié, EU:T:2013:20, point 45 ; du 16 mai 2013, EQUIPMENT, T‑356/11, non publié, EU:T:2013:253, point 53, et ordonnance du 12 février 2021, sprd.net/EUIPO – Shirtlabor (I love), T‑19/20, non publiée, EU:T:2021:89, point 80].

61      En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 64 et jurisprudence citée]. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de ces motifs peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause [arrêts du 20 octobre 2021, Square/EUIPO ($ Cash App), T‑210/20, non publié, EU:T:2021:711, point 20, et du 20 octobre 2021, Square/EUIPO ($ Cash App), T‑211/20, non publié, EU:T:2021:712, point 21].

62      Il a également été jugé que la déduction du caractère non distinctif d’une marque de la seule circonstance qu’elle présente un caractère descriptif constitue une erreur de droit [arrêts du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, points 58 à 63 ; du 18 mars 2016, Grupo Bimbo/OHMI (BIMBO), T‑33/15, non publié, EU:T:2016:159, points 63 et 64, et du 20 octobre 2021, $ Cash App, T‑210/20, non publié, EU:T:2021:711, points 22 et 26]. Par analogie, la déduction du caractère non distinctif d’une marque de la seule circonstance que son enregistrement se heurte aux motifs absolus de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous g), h) ou i), du règlement no 40/94 constitue également une erreur de droit. Il en est d’autant plus ainsi que la possibilité, prévue par l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, de surmonter un motif de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), dudit règlement, par l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque en question pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement, ne s’étend pas aux autres motifs absolus de refus.

63      Ainsi, le chevauchement des motifs absolus de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94, ne saurait pallier l’absence totale de développements par rapport à l’un des motifs de refus de la part du demandeur en nullité.

64      En l’espèce, il a déjà été constaté que la demande de nullité a été motivée exclusivement à l’égard des motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous g), h) et i), du règlement no 40/94, ainsi que de la mauvaise foi et ne contient aucun développement spécifique relatif à la prétendue absence de caractère distinctif de la marque contestée. L’intervenante ne s’est pas non plus référée à l’objectif d’intérêt général qui sous‑tend le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, à savoir garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance [voir arrêt du 30 juin 2011, Imagion/OHMI (DYNAMIC HD), T‑463/08, non publié, EU:T:2011:318, point 18 et jurisprudence citée].

65      De surcroît, d’une part, ainsi qu’il a été constaté aux points 55 et 56 ci‑dessus, l’intervenante ne tire pas, que ce soit dans sa demande de nullité ou sa réplique devant la division d’annulation, de conclusion quant à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée sur le fondement de la prétendue violation des autres motifs de refus qu’elle a invoqués. D’autre part, la chambre de recours n’a pas constaté une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 40/94.

66      Ainsi, l’argument de l’EUIPO et de l’intervenante tiré du chevauchement entre l’article 7, paragraphe 1, sous b), et sous g), du règlement no 40/94 ne saurait prospérer.

67      Deuxièmement, il ressort de l’article 63, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, que la demande en nullité doit être présentée par écrit et doit être motivée. L’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué 2018/625, auquel se réfère également l’EUIPO dans son mémoire en réponse, précise que le demandeur en nullité présente les faits, preuves et arguments à l’appui de la demande jusqu’à la clôture de la phase contradictoire de la procédure de nullité. Il produit notamment les faits, arguments et éléments de preuve étayant les motifs sur lesquels la demande en nullité se fonde. La demanderesse en nullité doit donc expliquer, en présentant des arguments dans sa demande ou dans sa réplique devant la division d’annulation, en quoi les motifs sur lesquels elle fonde sa demande s’appliquent en l’espèce. Aux termes de l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, lorsque le demandeur n’a pas présenté les faits, arguments ou preuves requis à l’appui de la demande, celle-ci est rejetée comme étant non fondée.

68      En l’absence d’arguments, dans la demande en nullité, tendant à démontrer l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, c’est à bon droit que la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 63, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, étant donné que, bien que la demande ne fût pas motivée à cet égard, les instances de l’EUIPO se sont néanmoins appuyées sur ce motif.

69      Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que les moyens doivent être interprétés par leur substance, plutôt que par leur qualification [voir arrêt du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (BATTISTINO), T‑221/18, non publié, EU:T:2019:382, point 23 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 mai 2020, Workspace Group/EUIPO – Technopolis Holding (UMA WORKSPACE), T‑506/19, non publié, EU:T:2020:220, point 64]. Cette règle est d’application générale et s’applique donc aussi aux demandes en nullité présentées devant l’EUIPO. Or, malgré la sélection de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 dans le menu déroulant du formulaire, la substance des développements présentés par l’intervenante révèle qu’elle ne s’est pas fondée sur la prétendue absence de caractère distinctif de la marque contestée, car l’absence de caractère distinctif de la marque contestée ne figure pas parmi ces développements.

70      En effet, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, afin de déterminer sur quels motifs est fondée une demande en nullité, il y a lieu d’examiner l’ensemble de la demande, en particulier au regard de l’exposé détaillé des motifs étayant celle‑ci [arrêts du 24 mars 2011, Cybergun/OHMI – Umarex Sportwaffen (AK 47), T‑419/09, non publié, EU:T:2011:121, point 21 ; du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 26, et du 9 décembre 2020, Promed/EUIPO – Centrumelektroniki (Promed), T‑30/20, non publié, EU:T:2020:599, point 27].

71      Or, la sélection par l’intervenante du motif tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, dans le menu déroulant du formulaire, est contredite par l’explication des motifs figurant sur le même formulaire (voir points 50 à 56 ci-dessus), l’exposé détaillé des motifs étayant la demande et la conclusion de celle-ci.

72      Il convient d’ailleurs de relever que la cause de nullité tirée de la mauvaise foi ne figure pas parmi celles sélectionnées dans le menu déroulant, ce qui n’a cependant pas empêché la division d’annulation, en conformité avec la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, d’en tenir compte, puisqu’elle a été mentionnée dans l’explication des motifs et étayée tant dans l’exposé détaillé des motifs que dans la conclusion.

73      Troisièmement, contrairement à ce que soutient l’intervenante (voir point 38 ci-dessus), c’est l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et non l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94, qui s’applique au présent litige. En effet, d’une part, ainsi qu’il découle du point 22 ci-dessus, les règles de procédure étant généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001. D’autre part, il a déjà été jugé que l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est une disposition de procédure [arrêt du 15 octobre 2020, smart things solutions/EUIPO – Samsung Electronics (smart:)things), T‑48/19, non publié, EU:T:2020:483, point 64]. Or, l’article 212 du règlement 2017/1001 indique que ce dernier s’applique à compter du 1er octobre 2017, date qui est même antérieure à l’introduction de la demande en nullité.

74      Selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lors de l’examen des motifs absolus de refus, à la suite d’une demande d’enregistrement, les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement est demandé relève ou non d’un des motifs absolus de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 de ce règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’EUIPO peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur [voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2019, All Star/EUIPO – Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure), T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 43, et du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 21].

75      En revanche, dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus, la chambre de recours ne saurait être contrainte d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené au moment de l’enregistrement par les instances compétentes de l’EUIPO. Il ressort en effet des dispositions des articles 51 et 54 du règlement no 40/94, devenus articles 59 et 62 du règlement 2017/1001, que la marque de l’Union européenne est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2019, Forme d’une semelle de chaussure, T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 44, et du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 22).

76      Par conséquent, dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité. Ainsi, aux termes de la seconde phrase de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, phrase qui consolide la jurisprudence antérieure du Tribunal [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28], dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 51 du règlement no 40/94, devenu article 59 du règlement 2017/1001, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 23 et jurisprudence citée).

77      L’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, est une expression du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 14 février 2019, Torro Entertainment/EUIPO – Grupo Osborne (TORRO Grande MEAT IN STYLE), T‑63/18, non publié, EU:T:2019:89, point 72 et jurisprudence citée]. Ainsi, il est une expression particulière de l’obligation figurant à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, c’est-à-dire du droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement.

78      Le présent litige s’inscrivant dans une procédure de nullité fondée sur des causes de nullité absolue, tant la division d’annulation que la chambre de recours étaient tenues à un examen limité aux moyens et arguments des parties, sans préjudice de la possibilité de prendre en compte des faits notoires.

79      Or, en déclarant la nullité de la marque contestée sur le fondement de sa prétendue absence de caractère distinctif, la chambre de recours a statué au-delà des moyens et des arguments avancés par l’intervenante.

80      En particulier, ce n’est pas l’intervenante mais les instances de l’EUIPO qui ont établi le lien entre la prétendue absence de caractère distinctif de la marque contestée, aucunement motivée par l’intervenante, et les moyens, arguments et faits que cette partie a avancés aux fins de prouver spécifiquement les causes de nullité de l’article 7, paragraphe 1, sous g), h) et i), du règlement no 40/94 et de son article 51, paragraphe 1, sous b).

81      Il s’ensuit que la requérante a raison de soutenir que la chambre de recours est sortie de sa position impartiale, qui s’impose à elle dans le cadre des procédures de nullité fondées sur des motifs absolus de refus. C’est également à bon droit que la requérante fait valoir qu’elle n’a pu répondre qu’aux arguments effectivement présentés par l’autre partie au cours de la procédure de nullité. En effet, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, il ne saurait être attendu du propriétaire d’une marque contestée qu’il réponde par avance aux arguments venant potentiellement à l’appui d’une cause de nullité qui, malgré sa simple mention dans le formulaire, n’a pas été dûment motivée par le demandeur en nullité.

82      Par ailleurs, si l’intervenante avait motivé sa demande en nullité au regard de l’absence du caractère distinctif de la marque contestée, la requérante aurait pu y répondre convenablement et il ne saurait être exclu que la procédure aurait abouti à un résultat différent.

83      Quatrièmement, s’il en était autrement, il suffirait pour un demandeur en nullité de sélectionner dans le menu déroulant du formulaire l’ensemble des causes de nullité, y compris l’ensemble des motifs de refus figurant à l’actuel article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, pour qu’il soit loisible à l’EUIPO de se fonder sur l’exposé détaillé des motifs présentés au soutien de la demande en nullité, afin de conclure à l’application de l’une de ces causes de nullité, bien que ledit exposé ne contienne aucune motivation spécifique à l’égard de cette cause retenue par l’EUIPO. Ledit exposé détaillé des motifs pourrait même être totalement général.

84      Toutefois, une telle possibilité aurait pour conséquence de rapprocher la procédure en nullité fondée sur des causes de nullité absolue de celle de l’examen des signes au stade de la demande de leur enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, ce qui irait à l’encontre de la volonté claire du législateur de l’Union.

85      Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le troisième moyen.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante succombent. La requérante n’ayant conclu qu’à la condamnation de l’EUIPO aux dépens de la présente instance, il y a lieu de condamner ce dernier à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la requérante dans la procédure devant le Tribunal.

87      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 mai 2020 (affaire R 2185/20195) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux de Health and Happiness (H&H) Hong Kong Ltd.

3)      Giuliani SpA supportera ses propres dépens.

Steinfatt

Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.