Language of document : ECLI:EU:T:2022:640

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 octobre 2022 (*)

« Marchés publics – Procédure d’appel d’offres – Acquisition, livraison, installation et maintenance du supercalculateur Leonardo pour l’entité hôte Cineca – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Égalité de traitement – Principe de bonne administration – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑717/20,

Lenovo Global Technology Belgium BV, établie à Machelen (Belgique), représentée par Mes S. Sakellariou, G. Forwood et F. Abou Zeid, avocats,

partie requérante,

contre

Entreprise commune pour le calcul à haute performance européen (EuroHPC), représentée par Mes P.-E. Partsch et F. Dewald, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par Mmes L. André, M. Ilkova, MM. P.-J. Loewenthal, C. Vollrath et T. Van Noyen, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin (rapporteur) et I. Nõmm, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Lenovo Global Technology Belgium BV, demande l’annulation de la décision Ares(2020)5103538 de l’Entreprise commune pour le calcul à haute performance européen (EuroHPC), du 29 septembre 2020, rejetant l’offre qu’elle a soumise concernant le troisième lot dans le cadre de l’appel d’offres SMART 2019/1084 relatif à l’acquisition, à la livraison, à l’installation et à la maintenance du supercalculateur Leonardo pour l’entité hôte Cineca et attribuant le marché à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        EuroHPC a été créée par le règlement (UE) 2018/1488 du Conseil, du 28 septembre 2018, établissant l’entreprise commune pour le calcul à haute performance européen (JO 2018, L 252, p. 1).

3        Conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2018/1488, la mission d’EuroHPC est de créer, de déployer, d’étendre et de conserver dans l’Union européenne une infrastructure intégrée de supercalcul et de données de classe mondiale ainsi que de mettre en place et de soutenir un écosystème hautement compétitif et innovant en matière de calcul à haute performance.

4        Par l’avis de marché du 28 novembre 2019, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2019/S 230-563382), la Commission européenne, agissant pour le compte d’EuroHPC, a lancé un appel d’offres, sous la référence « Luxembourg-Luxembourg : Acquisition, livraison, installation, maintenance matérielle et logicielle des précurseurs des supercalculateurs Exascale ‑ SMART 2019/1084 2019/S 230-563382 » (ci-après l’« avis de marché »). Le marché comportait trois lots, correspondant respectivement à la fourniture de trois supercalculateurs. Le troisième lot portait sur la fourniture du supercalculateur Leonardo, pour un montant estimé de 120 000 000 euros (ci-après le « lot no 3 »), destiné à être hébergé à Bologne (Italie) par le Cineca, un consortium italien d’universités et d’institutions publiques, qui soutient la recherche scientifique, publique et industrielle grâce au calcul à haute performance et à l’utilisation de systèmes de calcul intensif fondés sur des architectures et des technologies de pointe.

5        Dans le cadre de la procédure de passation du marché relative au lot no 3, qui a duré environ un an, EuroHPC a étudié six offres concurrentes distinctes. Conformément au point 1.3 intitulé « Procédure de passation des marchés publics » de l’avis de marché, le marché devait être attribué au soumissionnaire dont l’offre affichait le meilleur rapport qualité-prix sur la base d’une approche globale du « coût total de propriété » qui incluait, outre les dépenses d’investissement correspondant au prix d’achat ponctuelles, les charges d’exploitation liées à la consommation d’énergie du supercalculateur et de l’infrastructure nécessaire à son fonctionnement.

6        Lors de la troisième et dernière étape de la procédure de passation du marché, l’évaluation des offres par EuroHPC, en l’occurrence par un comité d’experts institué en son sein (ci-après le « comité d’évaluation »), ne portait plus que sur trois fournisseurs ayant présenté des offres financières et techniques contraignantes, à savoir la requérante, A et B.

7        Le 29 septembre 2020, EuroHPC a communiqué à la requérante la décision attaquée, qui rejetait son offre au motif que cette dernière n’avait pas été considérée comme l’offre économiquement la plus avantageuse, le marché ayant été attribué à A.

8        Par courriel du 30 septembre 2020, la requérante a demandé à EuroHPC des informations complémentaires sur l’évaluation du soumissionnaire retenu.

9        Par courriel du 6 octobre 2020, EuroHPC a fourni à la requérante quatre dossiers contenant le rapport d’évaluation de A, les notes d’évaluation maximales attribuées pour chaque critère, l’analyse détaillée de l’évaluation de la requérante et la ventilation du coût total de possession (CTP) évaluée pour la requérante et A.

10      Les notes finales obtenues par les participants à l’appel d’offres sont les suivantes :

Participant

Critère 1

(40 points)

« Valeur technique de la conception du système »

Critère 2

(45 points)

« Analyse de la rentabilité »

Critère 3

(20 points)

« Qualité des services »

Critère 4

(15 points)

« Valeur ajoutée pour l’Union »

Total

(120 points)

A

38,38

44,5

19,5

14

116,38

B

33,89

45

17,5

10,5

106,89

Requérante

35,65

36,09

19

10

100,74


11      Le 22 octobre 2020, EuroHPC et A ont conclu le marché. L’avis d’attribution du marché a été publié le 3 novembre 2020 au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020/S 214‑523180).

12      Par lettre du 6 novembre 2020, EuroHPC a rejeté la demande de la requérante tendant à la suspension de la signature du contrat avec A.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner EuroHPC aux dépens.

14      EuroHPC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme non fondé.

 En droit

16      La requérante soulève quatre moyens au soutien du recours. Premièrement, elle fait valoir que, lors de la passation du marché, EuroHPC a enfreint les principes d’égalité de traitement et de transparence en n’excluant pas A qui n’avait pas satisfait à plusieurs exigences impératives. Deuxièmement, la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de bonne administration en ce qui concerne le critère d’attribution no 2 intitulé « Analyse de la rentabilité ». Troisièmement, la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union ». Quatrièmement, la décision attaquée serait entachée d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’un défaut de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le sous-critère d’attribution no 1.3 intitulé « Sécurité de la chaîne logistique ».

17      Dans la réplique, la requérante insiste sur le fait que les moyens qu’elle soulève sont fondés et recevables et qu’elle dispose d’un intérêt à agir pour contester la décision attaquée. Premièrement, elle pourrait contester une décision d’attribution d’un marché afin d’éviter que l’illégalité alléguée ne se produise à nouveau, deuxièmement, une telle contestation pourrait aboutir à l’établissement d’une responsabilité pécuniaire de l’Union et, troisièmement, l’inclusion d’un critère illégal de sélection serait susceptible de rendre illégal l’ensemble de l’appel d’offres. Il ne saurait d’ailleurs être exclu que, si EuroHPC s’était abstenue d’insérer des critères illégaux de sélection, elle aurait inclus d’autres critères ou aurait procédé à une pondération différente des critères retenus.

18      EuroHPC conclut au rejet de tous les moyens soulevés par la requérante comme étant manifestement infondés et, également, inopérants. Elle fait valoir à cet égard que la marge avec laquelle les offres de A et de B surpassaient celle de la requérante était telle que, dans l’hypothèse où tous les sous-critères d’évaluation critiqués par la requérante seraient exclus, cela serait sans effet, à l’égard de cette dernière, sur l’attribution du marché. En outre, elle se déclare disposée, si le Tribunal venait à l’estimer nécessaire, à fournir tous les documents d’évaluation pertinents, voire d’autres documents, sous réserve d’un traitement confidentiel desdits documents.

19      Dans la duplique, sans avoir soulevé formellement une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, EuroHPC fait valoir que, si la requérante disposait de la qualité pour agir pour former le recours, elle ne disposerait cependant plus d’un intérêt à agir dans la mesure où, d’une part, il n’existerait pas un risque de réitération de l’illégalité alléguée, puisque le projet d’acquisition d’un autre supercalculateur prévu par le lot no 2 aurait été abandonné et où, d’autre part, le meilleur classement obtenu par B priverait en tout état de cause la requérante de la possibilité de se voir attribuer le marché si la décision attaquée était annulée. EuroHPC estime par conséquent qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

20      La Commission conclut au rejet des quatre moyens soulevés par la requérante. Elle fournit dans son mémoire en intervention une argumentation tendant à réfuter spécifiquement les deux derniers moyens. En ce qui concerne les deux premiers moyens, elle déclare soutenir les arguments avancés par EuroHPC.

 Sur le premier moyen, tiré dune violation des principes dégalité de traitement et de transparence, dans la mesure où A na pas été exclue de la procédure de passation du marché pour ne pas avoir satisfait à plusieurs exigences impératives

21      Le premier moyen du recours comporte deux branches.

22      Dans le cadre d’une première branche, la requérante fait valoir que les principes d’égalité de traitement et de transparence ont été violés dans la mesure où les soumissionnaires devaient remettre des offres pour chacun des lots en présentant une offre séparée avec un prix fixe, alors que A a inclus dans son offre une clause mutuelle de taux de change. Or, cette clause aurait été susceptible d’avoir un impact significatif sur le prix réel de l’offre de A, ce qui aurait dû entraîner son exclusion.

23      À supposer qu’EuroHPC ait finalement retranché du contrat la clause mutuelle de taux de change, cela aurait néanmoins eu pour conséquence de modifier le régime général de l’appel d’offres au profit d’un soumissionnaire. Dans la réplique, la requérante insiste sur le fait qu’EuroHPC ne peut se limiter à affirmer que l’offre financière de A était conforme au format prescrit. La présence d’une telle clause signifie que A n’aurait pas internalisé le risque de fluctuations monétaires, de sorte que l’offre financière de A n’aurait pas reposé sur une base économique solide. En écartant finalement le mécanisme d’ajustement du prix proposé par A, EuroHPC aurait autorisé illégalement une modification substantielle de cette offre.

24      Par ailleurs, A se serait abstenue de fournir un prix fixe pour les modules de mémoire (modules destinés au stockage rapide et à court terme des données pour une unité centrale) dont le prix serait très volatile, alors que ces modules auraient représenté plus de 10 % du prix total du marché, ce qui aurait également dû conduire à l’exclusion de l’offre de A.

25      Afin de clarifier la nature exacte de la clause de taux de change figurant dans l’offre de A, la requérante demande au Tribunal d’ordonner, par voie de mesures d’organisation de la procédure, qu’EuroHPC produise ladite offre, expurgée des informations confidentielles si nécessaire.

26      Dans le cadre d’une seconde branche, la requérante expose que, pour répondre à l’appel d’offres, il était nécessaire de répondre à 43 exigences, non mentionnées dans le modèle d’offre technique, mais qui devaient être copiées manuellement à partir du cahier des charges. La requérante nourrit des doutes quant à la conformité de l’offre remise par A à ce titre. Pour ce motif, elle sollicite du Tribunal qu’il ordonne, à titre de mesure d’organisation de la procédure, la production par EuroHPC de l’offre technique de A, expurgée des informations confidentielles si nécessaire. Elle relève, à cet égard, qu’EuroHPC ne serait pas opposée à la production de ladite offre.

27      EuroHPC, soutenue par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

28      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 160, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »), tous les marchés financés totalement ou partiellement par le budget de l’Union respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination. Selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur est tenu de veiller, lors de chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires (voir arrêt du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Parlement, T‑7/20, non publié, EU:T:2021:649, point 31 et jurisprudence citée).

29      Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires (arrêts du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 110 ; du 14 juillet 2016, Alesa/Commission, T‑99/14, non publié, EU:T:2016:413, point 62, et du 16 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑10/17, non publié, EU:T:2018:682, point 34).

30      Il ressort également de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (voir arrêt du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Parlement, T‑7/20, non publié, EU:T:2021:649, point 32 et jurisprudence citée).

31      Le principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et de comportement arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et les modalités de la procédure de passation de marché soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier si effectivement les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêts du 14 juillet 2016, Alesa/Commission, T‑99/14, non publié, EU:T:2016:413, point 64, et du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Parlement, T‑7/20, non publié, EU:T:2021:649, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, points 50 et 51).

32      Le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence ne sauraient, en principe, s’opposer à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation d’un marché public en raison du non-respect, par celui-ci, d’une obligation expressément imposée, sous peine d’exclusion, par les documents afférents à cette procédure. Une telle considération s’impose d’autant plus que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans l’hypothèse où des obligations auraient été clairement imposées dans les documents relatifs au marché public sous peine d’exclusion, le pouvoir adjudicateur ne pourrait admettre des rectifications quelconques à des omissions auxdites obligations (voir, par analogie, arrêt du 2 mai 2019, Lavorgna, C‑309/18, EU:C:2019:350, points 21 et 22 et jurisprudence citée).

33      En ce qui concerne la première branche, il convient de rappeler que, en vertu des documents descriptifs du marché, les soumissionnaires devaient présenter des offres fermes assorties de prix fixes en euros, ce qui interdisait toute clause atténuant le risque de change, sous peine d’exclusion du marché. À cet égard, il y a lieu de constater que l’exigence de soumettre une offre à prix fixe est expressément mentionnée à plusieurs reprises dans l’avis de marché, notamment au point 1.5 intitulé « Description du marché » et aux points 2.17.4 et 3.3.3 intitulés « Critères d’attribution ».

34      Or, ainsi que l’expose EuroHPC, l’offre financière de A, qui est reproduite dans une version non confidentielle au point 26 du mémoire en défense, ne comportait pas de clause de révision de prix l’autorisant à fixer un nouveau prix ou à renégocier son offre financière. Chacun des postes de prix figurant dans ladite offre, y compris le poste correspondant au prix des modules de mémoire, était libellé en euros et permettait une comparaison équitable et transparente avec les offres concurrentes. Il apparaît ainsi que les prix indiqués par A étaient fixes et constituaient des engagements contraignants pour cette dernière.

35      EuroHPC admet certes que, afin de répondre spécifiquement au sous-critère intitulé « Gestion à long terme du risque, y compris de l’indisponibilité technologique, des évolutions de tarif ou de la baisse de performance imprévues », qui relevait lui-même du sous-critère d’attribution no 1.3 intitulé « Sécurité de la chaîne d’approvisionnement », A a formulé, dans son offre technique du 29 juin 2020, la suggestion d’introduire dans le contrat final une clause mutuelle de taux de change, qui aurait pu autoriser la fixation d’un nouveau prix par elle et l’entité d’hébergement en cas de fluctuations significatives du taux de change. Cette suggestion était formulée dans les termes suivants :

« La préférence [de A] serait également d’inclure une clause mutuelle de taux de change dans le contrat qui stipulerait que, dans le cas où le taux de change $/€ tel qu’enregistré par la Banque centrale européenne varie de plus de +/- 3 %, nous nous réservions le droit de revoir le prix. Comme cette clause est mutuelle, Cineca pourrait bénéficier de réductions de prix (ou d’une augmentation de l’offre) si le taux de change évoluait dans cette direction. »

36      Cependant, il y a lieu de constater qu’il s’agissait d’une simple suggestion, qui concernait tout au plus, si elle avait été retenue, le sous-critère d’attribution no 1.3 intitulé « Sécurité de la chaîne d’approvisionnement », mais qui ne concernait en aucun cas l’offre financière de A, établie sur la base de prix fixes en euros conformément à l’avis de marché, sur laquelle elle n’a exercé aucune influence.

37      Au demeurant, ainsi que cela est mentionné à la page 6 du rapport d’évaluation de A, le comité d’évaluation a rejeté la suggestion en question dans les termes suivants :

« Le risque de révision du prix n’est pas traité comme il se doit du fait du recours à une clause mutuelle de taux de change dans le contrat, qui impliquerait le droit de modifier le prix. Cependant, cette clause n’est pas prévue dans le marché et ne peut y être intégrée. Les changements de prix de la mémoire sont atténués par l’intervention de fournisseurs multiples, mais aucun accord contractuel n’a été établi à l’avance pour garantir cela. »

38      La proposition de A d’introduire dans le contrat final une clause mutuelle de taux de change afin de répondre au sous-critère intitulé « Gestion à long terme du risque, y compris de l’indisponibilité technologique, des évolutions de tarif ou de la baisse de performance imprévues » ne saurait donc constituer un indice pertinent d’une irrégularité de son offre financière, dans la mesure où cette proposition ne présente pas de rapport direct avec ladite offre et où elle ne lui a procuré aucun avantage lorsque son offre a été évaluée.

39      Dans ces conditions, la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, de sorte que la première branche n’est pas fondée et qu’il y a lieu de la rejeter.

40      En ce qui concerne la seconde branche, il y a lieu de constater que la requérante allègue l’existence d’irrégularités formelles dans l’offre financière de A, à savoir l’absence alléguée de mentions manuscrites de 43 exigences qui auraient dû être copiées manuellement à partir du cahier des charges, en se fondant sur un échange de courriels avec EuroHPC dont elle travestit manifestement le sens et la portée et en prétendant que, faute pour EuroHPC d’avoir apporté des éléments de preuve concernant la présence de ces mentions, l’offre de A devrait être considérée comme irrégulière.

41      À ce titre, il y a lieu de constater que, par un courriel du 7 octobre 2020, la requérante a interrogé EuroHPC afin d’obtenir la confirmation que l’offre technique de A répondait à une liste de plusieurs exigences formelles, dans les termes suivants :

« Dans le cadre de l’appel d’offres, [EuroHPC] a explicitement demandé que les soumissionnaires s’assurent que les offres qu’ils déposaient contenaient toutes les informations requises par l’autorité contractante au moment [du dépôt de ces dernières]. Pouvez-vous s’il vous plaît vérifier et attester qu’il a effectivement été répondu par [A] (et par [B]) aux exigences suivantes dans les offres qu’ils ont déposées ainsi que cela est exigé dans la spécification technique 1.1 de l’annexe 11C du lot 3 ? [Exigences L 3-CCS 1, L 3-CCS 2, L 3-CCS 3, L 3-CCS 4, L 3-CCS 5, L 3-CCS 6, L 3-CCS 7, L 3-CCS 8, L 3-CCS 9, L 3-CCS 10, L 3-CCS 11, L 3-CCS 12, L 3-CCS 13 ; L 3-SA 3, L 3-SA 4, L 3-SA 7, L 3-MN1, L 5-L 1C2 ; L 4-SI1, L 4-SI2 ; L 4-TSC1, L 4-TSC2, L 4-TSC3, L 4-TSC4 ; L 5-MS 1, L 5-MS 2, L 5-MS 3, L 5-MS 4, L 5-MS 5, L 5-MS 6, L 5-MS 7, L 5-MS 8, L 5-MS 9, L 5-MS 10, L 5-MS 11, L 5-MS 12, L 5-MS 13, L 5-MS 14 ; L 6-D 0C1 ; L 6-TRA 1, L 6-TRA 2 ; L 7-C001, L 7-C002] »

42      Par un courriel du 8 octobre 2020, EuroHPC a répondu que toutes les offres étaient réputées éligibles dans la mesure où elles répondaient à toutes les exigences spécifiées dans l’appel d’offres.

43      En dépit de cette réponse, le 15 octobre 2020, la requérante a adressé un courriel de relance à EuroHPC, afin de s’enquérir de la suite réservée à sa demande de renseignements du 7 octobre 2020.

44      Le 16 octobre 2020, EuroHPC lui a adressé un nouveau courriel en réponse en indiquant, dans les termes suivants, que le précédent courriel du 8 octobre 2020 devait bien être compris comme confirmant la conformité de toutes les offres qui avaient été soumises :

« Nous considérons qu’il a déjà été répondu à cette question dans notre courriel du 8/10/2020, dans lequel nous avons spécifiquement déclaré [que] “[t]outes les offres [avaie]nt été jugées admissibles dans la mesure où elles étaient à même de répondre à toutes les exigences spécifiées dans l’appel”. »

45      Or, bien que la réponse d’EuroHPC ait été parfaitement claire, la requérante lui a adressé le 23 octobre 2020 un courriel dans lequel, en substance, elle prétendait, sous une forme sibylline et peu compréhensible, que la réponse qu’elle avait reçue manquait de clarté et devait encore faire l’objet de nouveaux éclaircissements. Elle prétendait donner un élément de contexte à sa demande de renseignements en rappelant que les soumissionnaires étaient tenus de fournir sous une forme manuscrite certaines de leurs réponses dans le cadre de l’appel d’offres.

46      Par un courriel en réponse du même jour, EuroHPC s’est limitée à indiquer qu’elle ne comprenait pas le sens de cette dernière demande d’éclaircissement.

47      Il ressort des développements qui précèdent que la requérante, qui a délibérément provoqué un échange de courriels avec EuroHPC, prétend désormais que cet échange, en dépit de son caractère artificiel, constitue, en substance, un indice de la non-conformité de l’offre technique de A.

48      Or, il y a lieu de constater que, sauf à en dénaturer la portée, le contenu de cet échange de courriels entre la requérante et EuroHPC ne comporte de la part de cette dernière aucun aveu relatif à la non-conformité des offres qui lui avaient été soumises et il ne peut être interprété comme un indice de la non-conformité de l’offre technique de A.

49      En s’abstenant de présenter des éléments concrets permettant de conclure à la non-conformité de l’offre technique de A, l’allégation de la requérante apparaît comme étant purement spéculative et non étayée et ne peut qu’être rejetée (voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2018, Amplexor Luxembourg/Commission, T‑211/17, non publié, EU:T:2018:392, point 66).

50      Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche et, partant, le premier moyen dans son ensemble, comme non fondés, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’éventuel caractère inopérant dudit moyen, ni qu’il soit nécessaire d’examiner la demande de la requérante tendant à ce qu’il soit ordonné à EuroHPC de produire l’offre de A.

 Sur le deuxième moyen, tiré dune erreur manifeste dappréciation et dune violation du principe de bonne administration en ce qui concerne le critère dattribution no 2 intitulé « Analyse de rentabilité »

51      La requérante expose que l’un des principaux critères d’évaluation des offres, avec une pondération de 45 sur un total de 120 points, était le critère d’attribution no 2 intitulé « Analyse de la rentabilité ». A aurait obtenu au titre de ce critère une note de 44,50 alors que la requérante n’aurait obtenu qu’une note de 36,09.

52      La requérante explique que, afin de procéder à l’examen du deuxième moyen, la solution du processeur graphique (GPU), composant destiné au calcul, proposée par A doit pouvoir être confirmée. Elle ne chercherait ainsi pas à obtenir des informations sensibles en termes de concurrence. Elle serait toutefois tenue par des obligations de confidentialité strictes qui lui interdiraient de divulguer directement les informations dont elle aurait déjà connaissance.

53      Dans le cadre d’une première branche, qui comporte trois griefs, la requérante expose qu’EuroHPC a commis des erreurs manifestes dans l’appréciation de la note de performance des offres.

54      À ce titre, la requérante explique que la rentabilité de chaque offre a été évaluée à l’issue d’une notation obtenue sur la base de plusieurs notes, à savoir la note de performance du système proposé, la note d’efficience fondée sur le CTP du système proposé et la note de qualité de l’analyse comparative. Ces trois notes auraient ensuite fait l’objet d’une pondération, puis auraient été additionnées pour donner une note, elle-même divisée par la valeur maximale des offres proposées (en l’occurrence 0,97, qui aurait été obtenue par le troisième soumissionnaire), pour parvenir finalement à une note normalisée sur 45.

55      Dans le cadre du premier grief, la requérante expose qu’EuroHPC a commis une erreur manifeste d’appréciation lors du calcul des notes de performance qui reflétaient la vitesse à laquelle un supercalculateur pouvait résoudre un ensemble d’équations complexes de références. EuroHPC aurait utilisé une valeur minimale erronée de la valeur d’étalonnage synthétique destinée à mesurer la performance de la communication d’une unité centrale (CPU) vers la mémoire [High Performance Conjugate Gradient, HPCG], à savoir une valeur de 2 500 téraflops/seconde (TF/s) au lieu de 2 700 TF/s, ce qui aurait eu pour effet de favoriser A qui offrait la valeur la plus faible pour le HPCG [le TF/s correspond à 1012 (téra) opérations en virgule flottante par seconde qu’une unité de calcul peut réaliser]. A aurait également eu recours à un mécanisme de compression qui n’aurait pas permis d’appréhender les capacités réelles du système proposé. Une telle approche aurait faussé la comparaison entre les solutions proposées par les autres soumissionnaires, y compris la requérante, qui n’auraient pas eu recours à un tel mécanisme.

56      L’impact précis de cette erreur ne pourrait être calculé qu’à condition de connaître les notes de B, dans la mesure où elles pourraient déterminer la valeur des notes maximales utilisées pour le calcul. Ainsi, la requérante demande, à titre de mesure d’organisation de la procédure, que le Tribunal ordonne à EuroHPC de produire le rapport d’évaluation (annexe 3) de B. EuroHPC devrait également confirmer que les valeurs présentées pour le HPCG par A ont été obtenues en utilisant le système de compression fourni par un certain concepteur nord-américain de processeurs, de cartes et de puces graphiques (ci-après le « fournisseur Y »).

57      Dans le cadre du deuxième grief, la requérante expose qu’EuroHPC a commis une erreur manifeste d’appréciation en utilisant les valeurs manifestement incorrectes fournies par A pour les performances de la valeur d’étalonnage synthétique destinée à mesurer la performance de communication de l’unité centrale vers la mémoire (HPCG) ou du benchmark synthétique destiné à mesurer la puissance de calcul du CPU (HPL). En effet, dans le rapport d’évaluation de A, la solution proposée par cette dernière aurait reposé sur une valeur de 249 509 TF/s pour le HPL et de 4 278 TF/s pour le HPCG. Or, il aurait dû paraître évident au comité d’évaluation et aux experts techniques d’EuroHPC que ces chiffres ne pouvaient pas être corrects, compte tenu des options techniques retenues par A.

58      Dans la mesure où, pour déterminer l’impact précis de cette erreur, il serait nécessaire de recalculer les notes sur la base d’informations correctes après avoir obtenu la confirmation de la solution GPU réelle proposée par A, à partir de laquelle les valeurs de performance correctes pourraient être déduites, et les notes pertinentes du troisième soumissionnaire, la requérante sollicite qu’il soit ordonné à EuroHPC, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, de fournir ces informations.

59      Dans le cadre du troisième grief, la requérante expose que, en s’abstenant de demander des précisions sur les chiffres fournis par A concernant les spécifications du GPU retenu dans son offre, alors qu’ils suscitaient des doutes, EuroHPC a violé le principe de bonne administration. À défaut d’avoir obtenu de telles spécifications qui lui auraient permis de lever rapidement et efficacement les incertitudes pesant sur l’offre de A, EuroHPC n’aurait eu d’autre choix que d’écarter cette offre.

60      Dans le cadre d’une seconde branche, la requérante expose qu’EuroHPC a également commis des erreurs dans le calcul de la note d’efficience, qui est le deuxième élément du critère de rentabilité et qui reflète le CTP du système proposé. Cette note refléterait le coût énergétique total lors de l’exécution de toutes les applications de référence pendant la durée de vie du système.

61      Les données se rapportant à la consommation d’électricité (ETS) fournies par A seraient manifestement irréalistes et présenteraient des divergences flagrantes avec celles de la requérante. Les deux offres utiliseraient pourtant la même technologie, à savoir un processeur identique (composant réalisant les calculs scientifiques), provenant du même fournisseur nord-américain de microprocesseurs et de semi-conducteurs (ci-après le « fournisseur X »), et les mêmes composants. Or, l’utilisation d’un processeur identique, provenant du même fabricant, ne permettrait pas de comprendre pourquoi les consommations d’énergie annoncées par A seraient systématiquement plus basses que celles annoncées par la requérante. Selon la requérante, il n’est pas plausible que l’utilisation d’un optimiseur de puissance par A soit à l’origine des différences constatées.

62      La requérante expose que tout expert normalement diligent aurait dû constater l’incohérence consistant en ce que l’offre de A proposait un supercalculateur très performant dont la consommation d’énergie était incroyablement faible. En s’abstenant de demander des précisions à ce sujet, EuroHPC aurait manqué à son « devoir de diligence raisonnable » et enfreint le principe de bonne administration. Si de telles précisions n’avaient pas permis à EuroHPC de lever rapidement et efficacement les incertitudes entourant l’offre de A, il lui aurait appartenu de l’écarter.

63      EuroHPC, soutenue par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

64      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de prendre la décision de passer un marché à la suite d’un appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu au pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection et d’attribution (voir arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 31 et jurisprudence citée, et du 4 juillet 2016, Orange Business Belgium/Commission, T‑349/13, non publié, EU:T:2016:385, point 45 et jurisprudence citée).

65      À ce titre, afin d’établir que, dans l’appréciation des faits, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu’elle est de nature à justifier l’annulation de la décision de rejet d’une offre de marché, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme vraie ou valable (voir arrêt du 7 juin 2017, Blaž Jamnik et Blaž/Parlement, T‑726/15, EU:T:2017:376, point 38 et jurisprudence citée).

66      En outre, en vertu de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. À cet égard, la jurisprudence a précisé qu’il appartenait à l’administration, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle mettait en œuvre (voir arrêt du 28 juin 2016, AF Steelcase/EUIPO, T‑652/14, non publié, EU:T:2016:370, point 57 et jurisprudence citée).

67      En ce qui concerne le premier grief de la première branche, tiré d’une erreur dans le calcul de la note de performance des offres, il y a lieu de constater, ainsi que l’admet EuroHPC, que, parmi les variables utilisées pour calculer ladite note, une valeur minimale erronée a été utilisée pour le HPCG.

68      En effet, une valeur de 2 500 TF/s a été utilisée pour le HPCG, alors que la valeur exacte était de 2 700 TF/s.

69      Toutefois, comme l’explique EuroHPC, outre que les trois offres finales présentaient des valeurs pour le HPCG qui étaient supérieures à la valeur minimale requise, telle que réévaluée à 2 700 TF/s, de sorte qu’aucune d’elles n’encourait à ce titre un rejet, la prise en compte de la donnée erronée ne pouvait avoir qu’une incidence extrêmement limitée sur l’évaluation des offres, dans la mesure où cette donnée n’intervenait que pour une part minime dans l’analyse globale du ratio coût/performance (à hauteur de 16 %).

70      Ainsi, un relèvement de 200 TF/s de la valeur minimale du HPCG n’était susceptible que de modifier à la marge les valeurs pour le HPCG de la requérante et de A.

71      En effet, l’offre de la requérante présentait certes la valeur la plus élevée pour le HPCG, à savoir 4 429 TF/s, mais l’offre de A présentait une valeur très proche, à savoir 4 278 TF/s, de sorte que, après analyse comparative des trois offres, sur une échelle allant de 0 à 1, l’offre de la requérante aurait été évaluée à 1, alors que l’offre de A aurait été évaluée à 0,913, au lieu de 0,922. En revanche, l’offre de B aurait été davantage affectée, en étant évaluée à 0,259 contre 0,335 précédemment, ce qui s’explique par le fait que son offre présentait une valeur du HPCG plus proche de la valeur minimale réévaluée.

72      La note de performance prend en compte à la fois les valeurs du HPCG, à hauteur de 40 %, et les valeurs du HPL, ces dernières n’étant pas spécifiquement contestées, à hauteur de 60 %. Or, l’offre de B, qui avait certes obtenu la meilleure valeur au titre du HPL, était également celle qui était la plus affectée négativement par la modification de la valeur du HPCG, à la différence des offres de la requérante et de A.

73      Dans ces conditions, les notes qui auraient été obtenues par les trois soumissionnaires finaux au titre du critère d’attribution no 2 intitulé « Analyse de la rentabilité » (comptant pour 45 points), avec une valeur minimale du HPCG réévaluée à 2 700 TF/s, auraient été de 45 points pour A, 44,84 points pour B et 36,71 points pour la requérante, soit une différence très faible par rapport aux notes effectivement attribuées, ce qui aurait finalement placé A légèrement en tête devant B.

74      En l’espèce, l’erreur invoquée par la requérante a des conséquences si faibles sur les notes attribuées au titre du critère d’attribution no 2 intitulé « Analyse de la rentabilité », en particulier pour la requérante qui aurait vu sa note sur 45 points être tout au plus réévaluée de 36,09 à 36,71, qu’elle est sans incidence sur l’appréciation effectuée par le comité d’évaluation et doit être considérée comme valable, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le premier grief comme non fondé.

75      En ce qui concerne le deuxième grief de la première branche, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’offre technique de A aurait été acceptée par EuroHPC alors que, compte tenu des options techniques retenues, elle aurait présenté une incohérence en reposant sur une valeur de 249 509 TF/s pour le HPL et de 4 278 TF/s pour le HPCG, il y a lieu de constater qu’il repose sur de simples conjectures.

76      En effet, la requérante n’a pas une connaissance détaillée des solutions mises en œuvre par A et elle fonde en particulier ses allégations sur un communiqué de presse du 15 octobre 2020 du fournisseur Y, dans lequel ce dernier annonce que le supercalculateur Leonardo livré par A comporte des composants qu’il fournit, notamment des GPU. Or, la requérante se borne à affirmer que le fait de recourir à des composants provenant du fournisseur Y dans l’offre technique de A rend nécessairement incohérentes, d’un point de vue technique, les performances annoncées par cette dernière en termes de consommation d’énergie et de vitesse de calcul.

77      Toutefois, EuroHPC, qui, pour des raisons de confidentialité, ne dévoile pas le détail de l’offre technique de la société A, affirme que celle-ci ne repose sur aucune des architectures de GPU du fournisseur Y telles qu’elles ont été imaginées par la requérante dans le cadre du recours.

78      Or, il apparaît, au regard des explications d’EuroHPC, que les performances d’un supercalculateur élaboré à partir d’une technologie donnée ne sont pas constantes, mais évolutives, ce que démontre, notamment, l’exemple du supercalculateur Selene qui est installé aux États-Unis et utilise une technologie provenant du fournisseur Y. En effet, ce dernier a vu ses performances s’améliorer très sensiblement en quelques mois, entre juin et novembre 2020, ce qui lui a permis, à la fin de cette période, de se hisser au cinquième rang du classement mondial des supercalculateurs les plus performants.

79      Ainsi, il s’avère très difficile d’évaluer les performances d’un supercalculateur à partir de l’extrapolation d’informations, nécessairement parcellaires et recueillies à un instant donné, comme celles provenant du fournisseur Y que la requérante prétend interpréter, dans la mesure où ces informations peuvent être erronées dès l’origine, voire cesser d’être pertinentes à l’issue de quelques mois.

80      Au regard des développements qui précèdent, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas apporté d’éléments de preuve susceptibles de priver de plausibilité l’évaluation effectuée par EuroHPC, de sorte que le deuxième grief doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire de faire droit à la demande de la requérante tendant à ce qu’il soit ordonné à EuroHPC de produire l’offre technique de A ou celle de B.

81      En ce qui concerne le troisième grief de la première branche, tiré de la violation alléguée du principe de bonne administration, dans la mesure où EuroHPC se serait abstenue de demander à A des précisions au sujet de son offre concernant les valeurs retenues pour le HPL et le HPCG, ou, si ces précisions ne permettaient pas de lever les incertitudes entourant ladite offre, de la rejeter, il y a lieu de considérer qu’il n’est pas fondé.

82      En effet, en l’absence du constat qu’au moins une des erreurs manifestes d’appréciation invoquées par la requérante avait faussé l’évaluation de l’offre technique de A en ce qui concernait le critère d’attribution no 2 intitulé « Analyse de la rentabilité », qui aurait permis de constater que l’appréciation effectuée par EuroHPC ne pouvait être admise comme valable, il ne saurait être reproché à cette dernière d’avoir commis une violation du principe de bonne administration en ayant admis cette offre en l’état, dans la mesure où, dès l’origine et contrairement à ce que soutient la requérante, il n’existait aucun motif permettant d’estimer qu’elle était ambiguë ou suscitait des doutes.

83      Il y a donc lieu de rejeter la première branche comme non fondée.

84      En ce qui concerne la seconde branche, tirée d’une erreur alléguée dans le calcul de la note d’efficience de l’offre de A, dans la mesure où le rendement énergétique supérieur de la solution proposée par A, pourtant fondée sur un composant technologique identique à celui retenu dans l’offre de la requérante, à savoir un processeur provenant du fournisseur X, ne pourrait s’expliquer que par une erreur de calcul, il y a lieu de relever qu’elle repose sur une prémisse erronée, à savoir que l’utilisation d’un même composant détermine à lui seul le rendement énergétique de la solution en question.

85      Or, à supposer que les deux offres techniques aient eu recours à un processeur identique, provenant du fournisseur X, EuroHPC explique à juste titre que le rendement énergétique desdites offres est également déterminé par plusieurs autres facteurs qui, pris ensemble, peuvent entraîner des consommations énergétiques fortement divergentes.

86      À cet égard, tout d’abord, EuroHPC fait valoir que les solutions GPU des deux offres sont différentes et que l’emploi de différentes architectures GPU se traduit par des rendements énergétiques eux-mêmes différents. À cet égard, des paramètres tels que l’architecture des nœuds de calcul (architecture des systèmes réalisant les calculs scientifiques), le choix de la mémoire, les options du compilateur, l’environnement du logiciel et l’expérience du personnel technique peuvent jouer un rôle important. Ensuite, l’approche de A a consisté à utiliser des architectures GPU déjà existantes qui lui ont permis d’atteindre un compromis convaincant entre performance du système et coût énergétique, alors que la requérante a opté pour une architecture GPU nouvelle et innovante, issue d’une technologie développée par le fournisseur X, qui a été jugée par le comité d’évaluation comme étant la moins fiable parmi les trois offres finales. Enfin, A a utilisé un optimiseur de puissance développé par ses soins, dont les données de référence ont été considérées comme convaincantes par le comité d’évaluation.

87      Au regard des explications qui précèdent, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve apportés par la requérante, qui se limitent, en substance, au constat de l’usage d’un processeur identique dans son offre et celle de A, sont insuffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par le comité d’évaluation qui ont abouti à l’adoption de la décision attaquée.

88      De même, il ne saurait y avoir de violation du principe de bonne administration par EuroHPC, dans la mesure où, n’ayant pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concernait le calcul de la note d’efficience, elle n’était, en tout état de cause, pas tenue de procéder à de quelconques vérifications au sujet d’une prétendue incohérence de l’offre de A.

89      Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche comme non fondée et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’éventuel caractère inopérant dudit moyen, ni d’ordonner la production de l’offre technique de A ou celle de B dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure.

 Sur le troisième moyen, tiré de lillégalité du critère dattribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour lUnion » et derreurs manifestes dappréciation ainsi que dune violation du principe dégalité de traitement en ce qui concerne lapplication de ce critère

90      Le troisième moyen comporte deux branches.

91      Dans le cadre d’une première branche, qui comporte elle-même trois griefs, premièrement, la requérante expose que, si les pouvoirs adjudicateurs disposent d’une certaine liberté en ce qui concerne le choix des critères économiques, ils sont néanmoins tenus de respecter les principes fondamentaux du droit de l’Union, notamment le principe de non-discrimination. Or, l’inclusion du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union », tel qu’il figurait dans le modèle d’offre technique, aurait été illégale, à cet égard. En effet, ce critère aurait été sans lien avec l’objet du marché, dès lors qu’il n’aurait pas eu d’incidence sur les caractéristiques du système de supercalculateur acheté et qu’il se serait rapporté aux caractéristiques générales du secteur de la technologie numérique au sein de l’Union. En outre, la requérante expose que, si l’intitulé du critère en question, tel qu’il figurait dans les documents publiés avec l’invitation à soumissionner, a été modifié au cours de la procédure d’appel d’offres pour devenir « Valeur ajoutée pour l’Union et collaboration », une telle modification ne pouvait entraîner une modification substantielle du critère en question sans violer les principes de base du droit des marchés publics.

92      Deuxièmement, la requérante fait valoir que le critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union » ne résultait pas directement des dispositions du règlement 2018/1488 et n’était pas conforme à l’objectif d’acquérir un supercalculateur de classe mondiale au meilleur rapport qualité-prix, ledit objectif n’exigeant pas l’utilisation d’un « contenu de l’Union ». Lors de l’évaluation finale, EuroHPC aurait d’ailleurs modifié deux des sous-critères les plus problématiques et discriminatoires, à savoir celui relatif à la chaîne d’approvisionnement et celui relatif à l’intégration des technologies de l’Union, pour exiger explicitement une « collaboration avec le consortium d’hébergement, ou le développement conjoint d’une technologie de calcul à haute performance pour l’ère du calcul exaflopique », ce qui aurait sensiblement restreint les possibilités d’approvisionnement.

93      La mise en œuvre du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union », outre qu’elle entraînerait une confusion entre les différents objectifs et les différentes activités dont EuroHPC s’acquitte au titre de sa mission, serait également contraire au principe de bonne gestion financière inscrit à l’article 310, paragraphe 5, TFUE et à l’article 3 du règlement financier. Cette approche serait également contraire à celle défendue par la Commission dans le guide intitulé « Acheter social — Un guide sur les appels d’offres publics avec clauses de responsabilité sociale — 2e édition » (JO 2021, C 237, p. 1).

94      Dans la réplique, la requérante explique qu’EuroHPC met en œuvre ses objectifs par le biais de trois piliers d’activités distincts, mais complémentaires. Or, dans le cadre de l’appel d’offres litigieux, l’acquisition et l’exploitation d’infrastructures de supercalcul de classe mondiale, qui relèveraient du deuxième pilier, seraient étrangères au troisième pilier, qui viserait à soutenir un agenda en matière de recherche et d’innovation dans l’Union afin de mettre en place un écosystème de supercalcul innovant. Certes, la jurisprudence accepterait les exigences liées à des critères de qualité consistant à mettre en œuvre des politiques de nature générale, mais uniquement lorsque ces dernières seraient suffisamment larges pour que les soumissionnaires puissent s’y conformer sans compromettre l’objet du marché, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, puisque l’application du critère en question irait au-delà de l’acquisition d’un supercalculateur.

95      Troisièmement, la requérante explique que le critère en question, tel que stipulé dans les documents du marché, est contraire au principe d’égalité de traitement et a entraîné une discrimination injustifiée à l’encontre des soumissionnaires ayant associé dans une moindre mesure des technologies ou des fournisseurs européens. À cet égard, il contreviendrait à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’accord sur les marchés publics 2012 et instruments juridiques connexes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui aurait été mentionné dans l’avis de marché et aurait été applicable en l’espèce. En outre, le critère en question aurait présenté un caractère déterminant, car, à défaut d’obtenir la note minimale, un soumissionnaire aurait encouru une exclusion du marché.

96      Dans le cadre d’une seconde branche, la requérante explique qu’EuroHPC a, en tout état de cause, commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et enfreint le principe d’égalité de traitement lors de la mise en œuvre du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union ».

97      Premièrement, en ce qui concerne le premier sous-critère intitulé « Renforcement de la chaîne d’approvisionnement en technologies numériques de l’Union, y compris les logiciels », EuroHPC aurait attribué la note maximale de six points à A, alors que la requérante n’en aurait obtenu que quatre, bien que les deux offres n’aient pas présenté de différences matérielles. En effet, les sources d’approvisionnement de A et de la requérante auraient été, en substance, comparables.

98      Deuxièmement, en ce qui concerne le deuxième sous-critère intitulé « Niveau d’intégration des technologies européennes, y compris le recours aux résultats de R & D issus de programmes de R & D financés par l’Union », A aurait obtenu cinq points sur un maximum possible de six, alors que la requérante n’en aurait obtenu que quatre. Or, les composants destinés à ce projet proviendraient principalement de l’extérieur de l’Union tant en ce qui concerne l’offre de A que celle de la requérante. EuroHPC aurait reproché à la requérante d’avoir présenté une offre floue à cet égard, mais sans réelle justification.

99      Troisièmement, en ce qui concerne le troisième sous-critère intitulé « Collaboration avec l’entité d’hébergement ou le développement conjoint d’une technologie de calcul à haute performance à l’ère du calcul exaflopique », EuroHPC a attribué le maximum de trois points à A et seulement deux points à la requérante. Or, cette dernière aurait explicitement inclus dans son offre la participation d’autres sites de partenaires industriels issus d’autres pays européens, de sorte qu’il n’était pas justifié de lui attribuer une note inférieure à celle de A.

100    EuroHPC et la Commission contestent les arguments de la requérante.

101    À titre liminaire, il convient de constater que les documents initiaux du marché, notamment le document descriptif de l’appel d’offres SMART 2019/1084, mentionnaient le critère d’attribution no 4 sous l’intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union », et non sous l’intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union et collaboration », ce dernier intitulé, utilisé ultérieurement, figurant notamment au paragraphe 7 du modèle d’offre technique élaboré par EuroHPC.

102    Toutefois, aucun élément ne permet de considérer que ce changement a entraîné une modification autre que formelle en ce qui concerne l’évaluation des offres au regard de la capacité des soumissionnaires à collaborer avec EuroHPC pour le développement à l’échelle européenne d’une technologie de calcul à haute performance à l’ère exaflopique (puissance de calcul de l’ordre de 1018 flops, les flops correspondant aux opérations en virgule flottante par seconde). Il ne s’agit donc pas d’une modification d’un critère d’attribution du marché tel que défini dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché. Au demeurant, il doit être rappelé qu’il y a lieu de s’attacher à la substance d’un acte plutôt qu’à sa forme (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9).

103    Il y a donc lieu de constater que cette modification est demeurée neutre en l’espèce, dans la mesure où il n’est pas démontré qu’elle aurait affecté la substance du critère en question.

104    En ce qui concerne l’examen au fond de la première branche, il convient de rappeler, ainsi que cela est mentionné dans tous les documents relatifs au marché litigieux, que ce dernier était régi par les dispositions du règlement financier.

105    Aux termes de l’article 166, paragraphe 2, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur précise, dans les documents de marché, les critères d’exclusion, de sélection et d’attribution applicables.

106    En outre, il y a lieu de rappeler que le pouvoir adjudicateur dispose, tout au long de la procédure de passation du marché, d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché à la suite d’un appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir point 64 ci-dessus).

107    La réglementation de l’Union en matière de marchés publics ne s’oppose pas à ce qu’un pouvoir adjudicateur prenne en considération des critères non exclusivement économiques, pour autant que ces critères soient liés à l’objet du marché, ne confèrent pas audit pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, soient expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et respectent tous les principes fondamentaux du droit de l’Union, notamment le principe de non-discrimination (voir, par analogie, arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C‑448/01, EU:C:2003:651, point 34).

108    Tout d’abord, il y a lieu en l’espèce de relever, ainsi que cela est mentionné dans le modèle d’offre technique élaboré par EuroHPC, que le critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union » visait notamment à évaluer, à l’égard des soumissionnaires, leur « contribution au développement d’un écosystème européen de calcul exaflopique, allant au-delà de l’objectif de permettre l’acquisition par [EuroHPC] de supercalculateurs de premier plan ».

109    Le critère en question se décomposait en trois sous-critères. Le premier sous-critère, comptant pour six points, visait à évaluer, lors de la mise en œuvre du marché, la contribution du soumissionnaire au renforcement de la chaîne d’approvisionnement en technologies numériques dans l’Union. Le deuxième sous-critère, comptant pour six points, visait à évaluer, dès l’origine du marché, l’intégration des technologies européennes, y compris l’exploitation des résultats de la recherche et du développement (R & D) découlant des programmes de R & D financés par l’Union. Le troisième critère, comptant pour trois points, visait à évaluer, dans le cadre du service d’après-vente ou de maintenance, la collaboration avec EuroHPC.

110    Or, il y a lieu de constater que l’objet de marché litigieux, tel qu’il était mentionné dans l’avis de marché, qui consistait en l’acquisition d’un supercalculateur pour le calcul exaflopique pour EuroHPC, était destiné à renforcer l’écosystème européen en matière de calcul exaflopique, ce qui correspondait précisément aux objectifs relevant du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union », et ce conformément aux objectifs fixés dans le règlement 2018/1488, qui découlaient eux-mêmes de l’article 179 TFUE qui dispose, notamment, que l’Union a pour objectif de renforcer ses bases scientifiques et technologiques.

111    Par conséquent, les soumissionnaires devaient décrire leur contribution au développement d’un écosystème européen de calcul exaflopique, allant au-delà de l’objectif consistant à permettre l’acquisition par EuroHPC d’un supercalculateur de classe mondiale. L’apport du critère en cause, par rapport à un critère se limitant à évaluer les caractéristiques techniques intrinsèques du supercalculateur objet du marché, était de permettre au pouvoir adjudicateur d’évaluer la manière dont le soumissionnaire entendait contribuer à l’écosystème européen de calcul exaflopique, sous tous ses aspects, dans le contexte du marché litigieux.

112    Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de constater que le critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union », au regard de sa description dans le dossier de l’appel d’offres et des objectifs qu’il poursuivait, était manifestement lié à l’objet du marché litigieux, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le premier grief de la première banche comme non fondé.

113    Ensuite, il convient de relever que le critère d’attribution no 4 ne comptait que pour 15 points sur un total de 120, de sorte que, au regard de sa pondération, il présentait les caractéristiques d’un critère accessoire non déterminant pour l’attribution du marché litigieux. Toutefois, en dépit d’une faible pondération, son objectif était atteint dès lors qu’il fournissait au pouvoir adjudicateur des indications sur la participation et la contribution envisagée du soumissionnaire aux objectifs d’EuroHPC.

114    En revanche, compte tenu de leur caractère déterminant, les autres critères cumulés, en particulier les critères d’attribution nos 1 et 2, permettaient de garantir que le supercalculateur objet du marché présenterait des caractéristiques intrinsèques le positionnant parmi les supercalculateurs de classe mondiale au regard de ses performances.

115    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter comme non fondé le deuxième grief de la première branche, tiré du fait que la prise en compte du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union » se serait opposée à la poursuite de l’objectif fixé par le règlement 2018/1488 et consistant en l’acquisition d’un supercalculateur de classe mondiale.

116    Enfin, il apparaît que le critère d’attribution no 4, en tant que critère non lié aux caractéristiques intrinsèques du supercalculateur objet du marché, n’a entraîné aucune discrimination injustifiée à l’encontre de l’un quelconque des soumissionnaires, dans la mesure où toutes les conditions dégagées par la jurisprudence pour la mise en œuvre d’un tel critère ont été respectées.

117    En premier lieu, le critère en cause, ainsi que cela résulte de l’examen du second grief de la première branche, était lié à l’objet du marché.

118    En second lieu, il ne conférait pas au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, puisque, comme le fait valoir EuroHPC, si les soumissionnaires disposaient de toute liberté afin que leurs offres contribuent à l’obtention d’une valeur ajoutée pour l’Union et encouragent la collaboration, le comité d’évaluation était tenu d’évaluer objectivement le critère d’attribution no 4 à l’aune de trois catégories de facteurs, énumérées, notamment, à la page 25 du modèle d’offre technique, à savoir :

–        périmètre, pertinence, efficacité, crédibilité des mesures proposées ;

–        solidité du concept, crédibilité et maturité de la méthodologie proposée et approche adoptée pour la mise en œuvre ;

–        impact sur le développement de l’écosystème de calcul à haute performance exaflopique européen et ses perspectives à long terme.

119    En troisième lieu, le critère était expressément mentionné dans les documents afférents au marché litigieux. Il figure notamment, sous une forme détaillée, dans le modèle d’offre technique. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le critère en cause n’a pas été ajusté ou substantiellement modifié au cours de la procédure, mais sa présentation a été clarifiée, en regroupant les facteurs à prendre en compte en trois catégories, ainsi qu’il est indiqué au point 118 ci-dessus.

120    En quatrième lieu, la prise en compte du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union » respectait le principe de non-discrimination, dans la mesure où, compte tenu de la nature de l’objet du marché, seules des entreprises de premier plan au niveau mondial étaient susceptibles de présenter une offre, lesdites entreprises ayant des capacités techniques et logistiques leur permettant de prendre en compte les contraintes liées au critère en question, qu’elles aient ou non leur siège dans l’Union. À cet égard, EuroHPC fait valoir, à juste titre, que le premier lot du marché global, relatif à la fourniture d’un supercalculateur en Finlande, a été remporté par B, qui est une entreprise basée aux États-Unis et qui a soumis une offre convaincante en ce qui concernait, notamment, le critère en question.

121    En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le critère d’attribution no 4, comptant pour 15 points sur un total de 120, ne présentait pas un caractère déterminant et, en tout état de cause, la requérante n’a pas obtenu une note éliminatoire l’exposant à l’exclusion du marché.

122    Par ailleurs, s’agissant de la violation alléguée de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’accord sur les marchés publics 2012 et instruments juridiques connexes de l’OMC, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC, à savoir l’accord instituant l’OMC ainsi que les accords figurant aux annexes 1 à 3 de cet accord, au nombre desquels figure l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 85 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, la requérante n’a fourni aucune explication au regard de laquelle il y aurait lieu de déroger à ce principe s’agissant de l’accord sur les marchés publics 2012 et instruments juridiques connexes de l’OMC.

123    Il y a donc lieu de rejeter comme non fondés le troisième grief de la première branche et, partant, la première branche du troisième moyen dans sa totalité.

124    En ce qui concerne l’examen au fond de la seconde branche, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, l’office du Tribunal s’inscrit dans le cadre d’un contrôle tendant à la sanction des erreurs manifestes d’appréciation et qu’il appartient à la partie qui invoque une telle erreur d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause (voir point 64 ci-dessus).

125    En ce qui concerne la comparaison des offres au titre du sous-critère intitulé « Renforcement de la chaîne d’approvisionnement en technologies numériques dans l’Union, y compris les logiciels », il y a lieu de constater que, si, comme le fait valoir la requérante, le matériel et les composants utilisés pour le projet de supercalculateur, tant par elle que par A, proviennent très majoritairement de pays tiers à l’Union, il n’en demeure pas moins que l’offre de la requérante a fait l’objet d’un certain nombre de réserves lors de son appréciation par le comité d’évaluation.

126    Le comité d’évaluation a notamment estimé que la requérante faisait état d’un certain nombre de collaborations dans le cadre de travaux antérieurs, mais sans indiquer comment elles étaient susceptibles de renforcer la chaîne d’approvisionnement dans l’Union. Il a également relevé que la requérante ne mentionnait pas de programmes de R & D financés par l’Union et qu’il n’était pas précisé comment l’activité des fournisseurs mentionnés par la requérante et participant à de tels programmes contribuerait au renforcement de la chaîne logistique dans l’Union.

127    À l’inverse, il a été relevé par le comité d’évaluation que l’offre de A renforçait clairement la chaîne d’approvisionnement numérique dans l’Union et que, notamment, A conservait des compétences clés de grande valeur en matière de conception, d’intégration et de développement de logiciels évolutifs dans ses installations européennes, tout en collaborant avec divers partenaires, dans l’objectif de mettre en place un écosystème européen complet de calcul à haute performance capable de mettre au point de nouvelles technologies européennes qui donneraient naissance à des supercalculateurs à l’échelle de l’Europe.

128    En ce qui concerne la comparaison des offres au titre du sous-critère intitulé « Niveau d’intégration des technologies européennes, y compris l’exploitation des résultats de la R & D découlant des programmes de R & D financés par l’Union », s’il peut être admis, ainsi que le fait valoir la requérante, que les composants pour le projet proviennent principalement de l’extérieur de l’Union, le comité d’évaluation a néanmoins relevé que les offres de A et celles de la requérante présentaient des différences. Si la requérante a prévu d’intégrer certains composants de logiciels issus de recherches menées dans le cadre de programmes financés par l’Union, de même que certaines applications, le comité d’évaluation a relevé que cette intégration ne faisait pas l’objet d’une description précise et que, en outre, il n’était pas prévu d’intégrer des composants matériels ou d’infrastructure financés par l’Union.

129    Pour sa part, A proposait d’intégrer dans le projet des technologies issues de programmes de R & D, notamment dans le domaine du calcul exaflopique, financés par l’Union et d’utiliser des connaissances déjà acquises ou en cours d’acquisition, provenant de projets financés par l’Union. Le comité d’évaluation, qui a relevé que l’intégration globale de technologies de l’Union était limitée compte tenu du nombre de composants et de la taille du système, n’a toutefois pas considéré que cette intégration était totalement exclue.

130    En ce qui concerne la comparaison des offres au titre du sous-critère intitulé « Collaboration avec le consortium d’hébergement, ou développement conjoint d’une technologie HPC pour l’ère du calcul exaflopique », il y a lieu de relever, en particulier, que les offres différaient sensiblement dans la mesure où A prévoyait d’affecter 7,75 équivalent temps plein (ETP) à la collaboration et à la coopération avec EuroHPC, alors que la requérante ne prévoyait que 2 ETP.

131    Au regard des développements qui précèdent, il apparaît que l’évaluation des trois sous-critères qui relevaient du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union » a donné lieu à des explications parfaitement plausibles de la part du comité d’évaluation, alors que la requérante n’a pas apporté d’éléments de preuve suffisants, au-delà de simples affirmations, pour priver de plausibilité les appréciations ayant abouti à l’attribution de notes différentes à chacune des offres au titre de chacun des sous-critères en question.

132    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à EuroHPC d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’elle a attribué des notes différentes à A et à la requérante au titre des trois sous-critères relevant du critère d’attribution no 4 intitulé « Valeur ajoutée pour l’Union ». De même, dans la mesure où l’évaluation sur laquelle EuroHPC s’est appuyée pour attribuer lesdites notes a mis en évidence de notables différences entre l’offre de la requérante et celle de A, il ne saurait être reproché à EuroHPC d’avoir enfreint le principe d’égalité de traitement en ayant traité lesdites offres différemment.

133    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche et, partant, le troisième moyen dans son ensemble, comme non fondés.

 Sur le quatrième moyen, tiré dune violation du principe dégalité de traitement, dun manquement à lobligation de motivation et dune erreur manifeste dappréciation en ce qui concerne le sous-critère d’attribution no 1.3 intitulé « Sécurité de la chaîne logistique »

134    Le quatrième moyen comporte trois branches.

135    La requérante expose que le critère d’attribution no 1 intitulé « Valeur technique de la conception du système » était divisé en trois sous-critères. Parmi ces derniers, le sous-critère d’attribution no 1.3 intitulé « Sécurité de la chaîne logistique » pouvait donner lieu à l’attribution de 10 points sur un total de 120. Ce sous-critère aurait en particulier porté sur la question de savoir si les soumissionnaires avaient assuré, pendant l’espérance de vie du supercalculateur, la disponibilité des composants essentiels et avaient atténué tout risque, à cet égard.

136    Dans le cadre d’une première branche, la requérante fait valoir qu’EuroHPC a violé le principe d’égalité de traitement dans l’évaluation du contexte international et de la disponibilité des composants sensibles. Alors que l’offre de la requérante et celle de A auraient été comparables, cette dernière se serait vu attribuer cinq points, contre trois points seulement à la requérante, sans raison objective, ce qui constituerait une violation du principe d’égalité de traitement. Tant A que la requérante auraient eu l’intention d’assembler le système au sein de l’Union, tout en s’approvisionnant en composants essentiels dans des pays tiers. Or, la requérante aurait été pénalisée pour ne pas avoir tenu compte du risque de contrôle potentiel à l’exportation des composants essentiels [unité centrale (UC) et GPU], alors qu’EuroHPC, dans son évaluation des offres, n’aurait pas mentionné le fait que A s’approvisionnait également pour ses composants en dehors de l’Union, en particulier à Taïwan (Chine) pour les cartes mères (composants qui connectent ensemble tous les composants) des CPU (qui réalisent les calculs scientifiques). En outre, il n’aurait pas été tenu compte du fait que l’offre de A nécessitait de doubler la production de son site français en 2020, afin de gérer des projets parallèles, ni été fait mention de l’expérience de la requérante en Europe et dans le reste du monde. La requérante aurait pourtant précisé dans son offre que le Cineca et le projet Léonardo étaient ses priorités, notamment en termes d’allocation de ses ressources, ce qui réduisait tout risque de voir le projet pénalisé faute de composants disponibles. En ce qui concerne les difficultés du fournisseur X, la requérante aurait également expliqué qu’un circuit virtuel permanent (CVP) était en cours de développement pour deux procédés de conducteurs et qu’elle disposait d’un plan d’atténuation des risques.

137    Dans le cadre d’une deuxième branche, la requérante se prévaut d’une erreur manifeste d’appréciation d’EuroHPC en ce qui concerne l’évaluation du contexte international et de la disponibilité des composants sensibles. D’une part, EuroHPC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, à tort, que le risque de manque potentiel de ressources pour mettre en œuvre plusieurs grandes installations en parallèle n’avait pas été pris en compte dans l’offre de la requérante. D’autre part, EuroHPC aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, également à tort, que l’offre de la requérante s’abstenait de prendre en compte de manière appropriée l’impact de l’indisponibilité éventuelle des technologies essentielles, de leurs performances et de leur prix, alors que tel était bien le cas s’agissant en particulier des UC et des GPU.

138    Dans le cadre d’une troisième branche, la requérante se prévaut d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’évaluation par EuroHPC des stratégies d’atténuation, y compris la fourniture de solutions par des fournisseurs de technologies alternatives. En particulier, le rapport d’évaluation ne permettrait pas de comprendre en quoi les alternatives proposées par la requérante pourraient « modifier de manière significative les performances finales et les chiffres de consommation d’énergie », alors que ces alternatives correspondaient également aux principaux fournisseurs de composants de A, qui auraient été validés par EuroHPC. À cet égard, la formulation par EuroHPC d’une remarque de nature purement générale ne permettrait pas à la requérante de comprendre pourquoi les solutions de remplacement proposées n’auraient pas été considérées comme convaincantes. En particulier, ces explications ne permettraient pas de comprendre pourquoi les solutions alternatives d’approvisionnement auprès du fournisseur Y ainsi qu’auprès d’un troisième fournisseur auraient été écartées, de même que l’existence d’un plan d’urgence qui aurait permis de respecter les délais de livraison en cas de difficultés, extrêmement improbables, rencontrées par le fournisseur X.

139    EuroHPC et la Commission contestent les arguments de la requérante.

140    Premièrement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Dans le domaine des marchés publics, le pouvoir adjudicateur est notamment tenu de veiller, à chaque phase de la procédure, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires. De même, le principe d’égalité de traitement signifie que les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir arrêt du 10 octobre 2017, Solelec e.a./Parlement, T‑281/16, non publié, EU:T:2017:711, point 26 et jurisprudence citée).

141    En outre, le respect du principe d’égalité de traitement doit être examiné à l’aune du large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur tout au long de la procédure de passation du marché (voir point 64 ci-dessus).

142    En l’espèce, en ce qui concerne l’évaluation, dans le cadre de l’offre de la requérante et de celle de A, du contexte international et de la disponibilité des composants sensibles, il apparaît qu’EuroHPC a identifié un certain nombre de différences entre lesdites offres.

143    Tout d’abord, si, dans chacune des offres, les composants proviennent effectivement pour une large part de l’extérieur de l’Union, le système proposé par A présente la caractéristique d’être intégralement assemblé au sein de l’Union, A ayant prévu de recourir uniquement à son usine située en France, dont la capacité devait être doublée au cours du milieu de l’année 2020. La requérante, pour sa part, envisageait de procéder à l’assemblage du système dans une usine située en Hongrie et également, si nécessaire, dans quatre autres installations situées dans différentes régions du monde. Il en résulte une différence notable entre les deux offres, dans la mesure où la chaîne d’approvisionnement de la requérante s’avère potentiellement plus dispersée, en s’appuyant, notamment, sur des ressources situées en dehors de l’Union. Son offre se différencie donc de celle de A, de sorte que le comité d’évaluation a pu considérer, à juste titre, qu’elle présentait un niveau de dispersion plus élevé auquel correspondait nécessairement un niveau de risque logistique supérieur.

144    Ensuite, si le comité d’évaluation a estimé que A avait fait ses preuves en matière de fourniture de systèmes de calcul à haute performance en Europe et que son offre reposait sur une approche à plusieurs niveaux pour garantir la disponibilité des composants, il a relevé que la requérante avait certes assuré la disponibilité de chaque composant essentiel soit par des développements internes, soit en choisissant des technologies généralement disponibles ou alignées sur les activités de calcul exaflopique aux États-Unis, mais sans tenir compte du risque de contrôles potentiels à l’exportation des composants essentiels.

145    Or, si le comité d’évaluation a considéré que la requérante ne tenait pas compte du risque de contrôles potentiels à l’exportation des composants essentiels, il convient de relever que ce risque peut porter, comme l’explique EuroHPC, non seulement sur les composants effectifs des supercalculateurs, mais également sur la technologie et les droits de propriété intellectuelle qui y sont afférents.

146    Enfin, le manque de ressources du côté du fournisseur de technologie concerné par les choix de la requérante pour la mise en œuvre de plusieurs grandes installations en parallèle, à savoir le fournisseur X, a également été signalé par le comité d’évaluation dans l’offre de la requérante. Or, il n’est pas contesté que la technologie provenant de ce fournisseur, sur laquelle la requérante s’appuyait dans le cadre de son offre, différait à certains égards de celle choisie par A.

147    Il résulte des considérations qui précèdent que, compte tenu des différences identifiées par le comité d’évaluation entre l’offre de la requérante et celle de A, lesdites offres reflétaient des situations qui n’étaient absolument pas comparables. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à EuroHPC de les avoir évaluées au regard de leurs mérites respectifs et de leur avoir attribué des notes différentes, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir violé le principe d’égalité de traitement.

148    Il y a donc lieu de rejeter la première branche comme non fondée.

149    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, lorsque la requérante allègue l’existence de deux erreurs manifestes d’appréciation, il lui appartient d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par EuroHPC lorsqu’elle a adopté la décision attaquée (voir point 64 ci-dessus).

150    En premier lieu, il ressort de l’évaluation de l’offre de la requérante, en ce qui concerne le contexte international et la disponibilité des composants sensibles, que le comité d’évaluation a estimé qu’elle ne tenait « pas compte […] d’un éventuel manque de ressources du côté du fournisseur de technologie concerné pour mettre en œuvre plusieurs grandes installations en parallèle ».

151    Or, comme le fait valoir EuroHPC, la requérante se limite dans son recours à contester l’appréciation opérée par le comité d’évaluation en se référant à ses propres ressources, qu’elle considère comme suffisantes dans le cadre du projet, mais non aux ressources du fournisseur X, qui ont été considérées comme potentiellement insuffisantes par ledit comité, ce qui pouvait avoir des conséquences sur l’offre de la requérante.

152    Ainsi, il apparaît que la requérante n’apporte aucun élément de preuve suffisant pour priver de plausibilité les appréciations retenues par EuroHPC en ce qui concerne les ressources qu’elle entend obtenir de la part du fournisseur X, en tant que fournisseur de technologie.

153    En second lieu, en ce qui concerne l’allégation d’une seconde erreur manifeste d’appréciation s’agissant de l’évaluation de la gestion du risque à long terme, y compris l’indisponibilité imprévue d’une technologie, des variations inattendues des tarifs ou une performance inférieure aux prévisions, il apparaît que, contrairement à ce que soutient la requérante, le comité d’évaluation a identifié un risque relatif à la chaîne d’approvisionnement en composants CPU et GPU dans l’offre technique de cette dernière.

154    Ce risque tient, en substance, à la dépendance de l’offre de la requérante à l’égard du fournisseur X comme fournisseur des composants en question, y compris dans le cadre de solutions de repli, dans l’hypothèse où lesdits composants feraient l’objet de difficultés d’approvisionnement.

155    Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être reproché à EuroHPC de ne pas avoir évalué les options présentées dans son offre, ni d’avoir estimé que ces options présentaient des faiblesses. À cet égard, si la requérante affirme qu’elle aurait la capacité de se tourner vers des fournisseurs de technologies alternatives, comme le fournisseur Y ou le troisième fournisseur évoqué au point 138 ci-dessus, cette option a été considérée par le comité d’évaluation comme hypothétique et peu développée.

156    Ainsi que l’expose EuroHPC, il ne pouvait en effet être exclu que les difficultés rencontrées par le fournisseur X dans la fourniture de composants destinés à un supercalculateur basé aux États-Unis soient un indice de difficultés potentielles en ce qui concernait le projet Leonardo.

157    Or, à nouveau, il apparaît que la requérante, si elle réfute l’appréciation du comité d’évaluation, n’a toutefois apporté aucun élément de preuve suffisant pour priver de plausibilité les appréciations retenues par EuroHPC.

158    Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche comme non fondée.

159    Troisièmement, en ce qui concerne le manquement allégué d’EuroHPC à son obligation de motivation en ce qui concerne l’évaluation de l’offre de la requérante au titre des stratégies d’atténuation, y compris la fourniture de solutions par des fournisseurs de technologies alternatives, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un organe ou une institution de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution ou l’organe compétent de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir arrêt du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, non publié, EU:T:2012:243, point 38 et jurisprudence citée).

160    Il importe également de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, non publié, EU:T:2012:243, point 39 et jurisprudence citée).

161    Par ailleurs, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, non publié, EU:T:2012:243, point 40 et jurisprudence citée).

162    Enfin, il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (voir arrêt du 10 février 2021, Sophia Group/Parlement, T‑578/19, non publié, EU:T:2021:77, point 166 et jurisprudence citée).

163    En l’espèce, le comité d’évaluation a estimé que, si, dans l’offre technique de la requérante, « [l]es stratégies d’atténuation pour la plupart des composants [étaient] bien définies et harmonisées pour fournir les performances convenues », il n’en demeurait pas moins que, « pour les composants essentiels comme [le CPU] et le GPU, les alternatives proposées n’[étaient] pas convaincantes étant donné que le soumissionnaire dépend[ait] fortement du calendrier de mise en vente des fournisseurs [et que] les solutions alternatives proposées [pouvaient] modifier de manière significative les performances finales et les chiffres de consommation d’énergie ».

164    Or, il apparaît que cette motivation est amplement suffisante pour permettre à la requérante de comprendre les éléments pris en considération par le comité d’évaluation lorsqu’il a attribué à son offre une note au titre de ce sous-critère. En effet, le comité d’évaluation a considéré que la forte dépendance de la requérante à l’égard de décisions prises par ses propres fournisseurs, sur lesquelles elle n’avait pas ou peu d’emprise, était susceptible de fragiliser son offre.

165    À supposer que la requérante ait été en désaccord avec cette conclusion, un tel désaccord correspond à une critique du bien-fondé de la décision attaquée et non à un défaut de motivation.

166    La troisième branche apparaît, par conséquent, non fondée, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’éventuel caractère inopérant dudit moyen.

167    L’appréciation des éléments du dossier qui ont été produits dans le cadre de la présente procédure ayant permis de rejeter comme non fondés les quatre moyens soulevés par la requérante au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande de la requérante tendant à la mise en œuvre d’une mesure d’organisation de la procédure et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par EuroHPC.

 Sur les dépens

168    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux d’EuroHPC, conformément aux conclusions de cette dernière.

169    Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lenovo Global Technology Belgium BV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Entreprise commune pour le calcul à haute performance européen (EuroHPC).

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.