Language of document : ECLI:EU:T:2022:641

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 octobre 2022 (*)

« Règlement (UE, Euratom) no 883/2013 – Enquête sur une fraude aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping institués sur les importations de biodiesel dans l’Union – Communication de l’OLAF aux autorités douanières nationales – Rapport d’enquête de l’OLAF – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Recours en indemnité – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑81/21,

« Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac, établie à Srbac (Bosnie-Herzégovine), représentée par Mes D. Diris, D. Rjabynina, C. Kocks et C. Verheyen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Baquero Cruz et T. Materne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin et I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur les articles 263 TFUE et 268 TFUE, la requérante, « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac, demande, d’une part, l’annulation du rapport final d’enquête adopté par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) le 8 décembre 2020 (ci-après le « rapport final ») ainsi que de décisions de l’OLAF qui figureraient dans une communication adressée le 9 juin 2020 aux États membres (ci-après la « communication du 9 juin 2020 »), dans des lettres du 25 et du 27 novembre 2020 ainsi que dans des lettres du 8 et du 21 décembre 2020 (ci-après, prises ensemble, les « actes contestés ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi.

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société établie en Bosnie-Herzégovine.

3        Une analyse de l’évolution des importations de biodiésel dans l’Union européenne depuis 2015 a conduit l’OLAF à soupçonner l’existence de fraudes. Celles-ci concerneraient, notamment, les importations de biodiésel dans l’Union présentées comme relatives à du biodiésel produit à base d’huiles de cuisson usagées en provenance de la Bosnie-Herzégovine, lesquelles étaient susceptibles de bénéficier de droits de douane préférentiels de 0 %, alors qu’elles proviendraient, en réalité, des États-Unis et auraient dû être soumises à des droits conventionnels, antidumping et compensateurs. Les soupçons de l’OLAF portaient, également, sur des importations aux Pays-Bas en provenance des États-Unis.

4        Sur la base de ces soupçons, l’OLAF et les autorités douanières croates ont procédé à un contrôle aléatoire du contenu de certains conteneurs en provenance des États-Unis et à destination de la Bosnie-Herzégovine, présentés comme transportant des « huiles de cuisson usagées ». Ces contrôles auraient démontré qu’il s’agissait, en réalité, de biodiésel dans des proportions allant de 93,5 à 97,4 %.

5        Le 23 août 2019, l’OLAF a ouvert une enquête, enregistrée sous la référence OC/2019/0749/B3. Cette enquête portait, notamment, sur une éventuelle fraude aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping institués sur les importations de biodiésel dans l’Union.

6        Le 4 septembre 2019, l’OLAF a :

–        au titre du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1), envoyé aux États membres la communication AM 2019/037, par laquelle il informait ces derniers de ses soupçons de fraude et demandait leur assistance ;

–        au titre de l’accord de coopération douanière et d’assistance mutuelle en matière douanière entre la Communauté européenne et les États-Unis d’Amérique (JO 1997, L 222, p. 17), demandé l’assistance des autorités états-uniennes.

7        Le 18 septembre 2019, l’OLAF a également sollicité la coopération des autorités de la Bosnie-Herzégovine en application du protocole no 5 relatif à l’assistance administrative mutuelle en matière douanière de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part (JO 2015, L 164, p. 2).

8        Du 2 au 6 décembre 2019, l’OLAF ainsi que des représentants de certains États membres ont participé à une mission d’enquête en Bosnie-Herzégovine et, à ce titre, ont pris part à un contrôle sur place conduit par l’autorité de Bosnie-Herzégovine chargée de la fiscalité indirecte (ci-après l’« ABFI »), dans les locaux de la requérante, le 4 décembre 2019 (ci-après le « contrôle du 4 décembre 2019 »).

9        Au titre du règlement no 515/97, l’OLAF a adressé aux États membres la communication du 9 juin 2020 par laquelle il leur transmettait les résultats préliminaires de l’enquête. Dans cette communication, l’OLAF :

–        mentionnait que la requérante constituait la société exportatrice de biodiésel présente en Bosnie-Herzégovine ;

–        concluait qu’aucune production de biodiésel n’avait lieu en Bosnie-Herzégovine et que le biodiésel importé avait pour origine réelle les États-Unis ;

–        demandait aux États membres concernés, au vu des délais de prescription, de prendre de manière urgente toutes les mesures conservatoires appropriées pour protéger les intérêts financiers de l’Union, en appliquant les dispositions pertinentes du code des douanes de l’Union et de ses règlements d’exécution.

10      À la suite de la communication du 9 juin 2020, les autorités douanières belges ont imposé à un importateur de biodiésel, à titre de mesures conservatoires, le paiement d’un montant de 3 026 388,74 euros, correspondant aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping qui étaient applicables à une importation de biodiésel en provenance des États-Unis. Celui-ci a introduit des poursuites judiciaires à l’encontre de la requérante devant les juridictions néerlandaises et du Royaume-Uni.

11      Par lettre du 7 octobre 2020, l’OLAF a, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), invité la requérante à présenter, par écrit et dans un délai de dix jours ouvrables, ses observations sur les faits la concernant, tels qu’exposés dans un résumé joint à cette lettre.

12      Le 16 octobre 2020, la requérante a présenté ses observations, dans lesquelles elle réfutait le bien-fondé des allégations de l’OLAF. Elle a également soutenu que les garanties de procédure prévues par le règlement no 883/2013 n’avaient pas été respectées. À ce titre, elle a, notamment, fait valoir que l’OLAF aurait dû lui permettre de présenter ses observations avant d’adopter ses conclusions et de les communiquer aux autorités nationales.

13      Le 27 octobre 2020, la requérante a demandé à l’OLAF la communication de certains documents figurant dans son dossier ainsi que la tenue d’une réunion.

14      Le 25 novembre 2020, l’OLAF a refusé d’accéder aux demandes de la requérante, aux motifs que le règlement no 883/2013 n’accordait pas à la personne concernée un droit d’accès au dossier et qu’il avait été estimé approprié de lui donner la possibilité de présenter ses observations par écrit. Il a, en outre, offert à la requérante une possibilité additionnelle de présenter des observations écrites, jusqu’au 30 novembre 2020.

15      Le 27 novembre 2020, le directeur général de l’OLAF a répondu à la réclamation de la requérante qui aurait figuré dans ses observations du 16 octobre 2020. Il a, notamment, fait valoir que la Commission européenne ou l’OLAF n’étaient pas tenus de permettre à la personne concernée de faire valoir son point de vue avant qu’une communication aux autorités nationales compétentes ne soit effectuée au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

16      Le 8 décembre 2020, l’OLAF a adopté le rapport final, lequel a retenu, d’une part, que les exportations « d’huiles de cuisson usagées » des États-Unis vers les Pays-Bas étaient constituées, en réalité, de biodiésel et, d’autre part, que le biodiésel exporté par la requérante, bien qu’il ait été déclaré comme ayant comme origine la Bosnie-Herzégovine, provenait, en réalité, des États-Unis, ce qui était constitutif d’une fraude aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping applicables. Au soutien de cette conclusion, l’OLAF s’est, notamment, appuyé sur les éléments suivants, avec l’assistance d’un expert du secteur :

–        l’état de l’usine de la requérante lors du contrôle du 4 décembre 2019, laquelle n’était pas opérationnelle ;

–        une consommation d’énergie de l’usine sans commune mesure avec celle qui aurait été nécessaire pour produire les volumes de biodiésel déclarés ;

–        une utilisation alléguée de méthanol – un intrant dans la fabrication de biodiésel – très inférieure à ce qui serait nécessaire pour produire les volumes de biodiésel déclarés ;

–        un ratio allégué de production de glycérine – un sous-produit de la fabrication de biodiésel – trop faible, rendant l’hypothèse de production de biodiésel issu d’huiles de cuisson usagées invraisemblable ;

–        une absence de contrôle par l’usine de la qualité des huiles de cuisson usagées, alors qu’un tel contrôle est nécessaire sur une base quotidienne ;

–        le caractère fictif des achats de méthanol et des ventes de glycérine à une même société, laquelle ne disposait d’aucune activité réelle ;

–        le transport des prétendues huiles de cuisson usagées vers l’usine, puis du biodiésel depuis celle-ci, dans les mêmes réservoirs flexibles alors qu’il n’est pas recommandé de procéder de la sorte en raison des risques de contamination croisée.

17      L’OLAF s’est également référé aux résultats de l’enquête diligentée par les autorités états-uniennes, dont il résultait que le fournisseur états-unien de la requérante achetait du biodiésel, mais le présentait dans le connaissement des matières exportées comme des « huiles de cuisson usagées ».

18      Dans le rapport final, l’OLAF a, en outre, répondu aux observations présentées par la requérante. Il a notamment :

–        souligné que le rappel de l’itinéraire suivi par les prétendues « huiles de cuisson usagées » jusqu’en Bosnie-Herzégovine était dénué de pertinence, dès lors que n’était pas en cause l’existence d’un transport de matières en provenance des États-Unis, mais leur nature réelle ;

–        rappelé ne pas contester que l’usine de la requérante puisse être capable de produire du biodiésel, mais souligner que, lors du contrôle du 4 décembre 2019, les machines étaient démontées ;

–        retenu que l’étude sur le processus technologique de la production de biodiésel par la requérante, réalisée en août 2020, n’était pas convaincante, dès lors, notamment, premièrement, qu’elle n’expliquait pas l’absence d’utilisation de méthanol, deuxièmement, qu’elle mentionnait une consommation énergétique beaucoup trop faible et se référait aux conclusions d’un audit qui avait été effectué sur le seul fondement d’un examen de la documentation comptable et financière, troisièmement, qu’elle se référait à la prise d’échantillon dans les réservoirs flexibles par les autorités douanières bosniaques dont la force probante serait discutable et, quatrièmement, qu’elle fournissait une présentation tronquée des analyses effectuées par les autorités douanières croates, contredite par le comportement de la requérante elle-même.

19      Le même jour, l’OLAF a clôturé son enquête et adressé des recommandations de suivi.

20      Le 14 décembre 2020, la requérante a adressé à l’OLAF une réclamation portant sur la violation de ses garanties procédurales au cours de l’enquête.

21      Le 21 décembre 2020, le directeur de l’OLAF a répondu que cette demande ne serait pas instruite, la présentation d’une réclamation n’étant plus possible une fois l’enquête clôturée. Il a ajouté que la requérante avait eu la possibilité de s’exprimer au cours de la procédure et qu’une réclamation précédente avait fait l’objet d’une instruction.

 Conclusions des parties

22      Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision figurant dans la communication du 9 juin 2020 ;

–        déclarer illégal le fait que l’OLAF n’a pas pris à son égard les mesures prévues par la réglementation pertinente, à savoir lui notifier la décision d’ouvrir des enquêtes ou des investigations la concernant individuellement, l’informer des enquêtes ou des investigations susceptibles de l’impliquer personnellement et lui permettre de s’exprimer sur l’ensemble des faits la concernant avant que des conclusions la concernant individuellement ne soient tirées de ces enquêtes ou de ces investigations ;

–        annuler la décision prise par l’OLAF le 25 novembre 2020 de rejeter sa demande d’accéder à son dossier d’enquête ;

–        annuler la décision prise par l’OLAF le 25 novembre 2020 de considérer ses observations du 16 octobre 2020 comme une réclamation ;

–        annuler la décision prise par l’OLAF le 27 novembre 2020 de rejeter la prétendue réclamation du 16 octobre 2020 ;

–        annuler la décision prise par l’OLAF le 8 décembre 2020 de clore l’enquête la concernant ;

–        annuler la décision prise par l’OLAF le 21 décembre 2020 de ne pas considérer ses « plaintes » du 14 décembre 2020 comme des « plaintes » ;

–        déclarer que les informations et les données la concernant et tout élément de preuve pertinent transmis aux autorités nationales constituent des preuves irrecevables, parmi lesquelles le « rapport de mission de l’OLAF du 16 janvier 2020 », la communication du 9 juin 2020 et le rapport final ;

–        déclarer illégales toutes les procédures d’investigation menées dans le cadre de l’enquête à la suite des décisions susmentionnées ;

–        déclarer illégales les conclusions tirées de ces enquêtes ;

–        déclarer illégales toutes les informations transmises aux autorités nationales, notamment la communication du 9 juin 2020 et le rapport final ;

–        ordonner des mesures d’instruction et des mesures d’organisation de la procédure, sous forme de production de documents et de témoignages oraux ;

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 3 026 388,74 euros en réparation du préjudice dû au comportement illégal de l’OLAF, évalué provisoirement, majoré d’intérêts au taux de 8 % par an à partir du 15 juin 2020 et jusqu’au paiement intégral et du préjudice causé à ses activités professionnelles et à sa réputation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      Dans sa réplique, la requérante ajoute qu’il plaise au Tribunal d’ordonner à la Commission de lui verser, à titre subsidiaire, la somme de 1 000 000 euros au titre des frais de justice provisoirement évalués et une indemnisation pour le préjudice subi, établie par le Tribunal ex æquo et bono.

24      Dans son mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les conclusions en carence éventuelles, les conclusions en annulation et les demandes de jugements déclaratoires comme étant manifestement irrecevables ou, en tout état de cause, comme étant non fondées ;

–        déclarer le recours en indemnité non fondé et le rejeter dans son intégralité ;

–        rejeter la demande de mesures d’instruction et de mesures d’organisation de la procédure ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Dans sa duplique, la Commission ajoute qu’il plaise au Tribunal de rejeter les demandes d’indemnisation supplémentaires formulées pour la première fois dans la réplique.

26      En outre, dans ses observations en date du 9 février 2022, la Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter comme étant irrecevables les nouveaux éléments de preuve présentés par la requérante le 20 janvier 2022.

 En droit

 Sur le recours en ce qu’il est fondé sur l’article 263 TFUE

27      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en application d’une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi de conclusions en annulation, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir ordonnance du 25 juin 2014, dos Santos Patrício/Commission, T‑170/14, non publiée, EU:T:2014:609, point 5 et jurisprudence citée).

28      Force est de constater que, par cinq des chefs de conclusions figurant dans sa requête, la requérante sollicite du Tribunal qu’il prononce un arrêt déclaratoire, en ce qu’il lui est demandé de constater, d’une part, l’illégalité du comportement de l’OLAF (voir point 22 ci-dessus, deuxième chef de conclusions), des procédures d’investigation qu’il a menées (neuvième chef de conclusions), de leurs conclusions (dixième chef de conclusions) et des informations transmises aux autorités nationales (onzième chef de conclusions) et, d’autre part, le caractère prétendument irrecevable en tant qu’éléments de preuve des informations transmises par l’OLAF aux États membres (huitième chef de conclusions).

29      Il en découle que le Tribunal n’est pas compétent pour connaître des deuxième, huitième, neuvième, dixième et onzième chefs de conclusions.

30      Par ailleurs, la requérante avance douze moyens aux fins de demander l’annulation de plusieurs actes adoptés par l’OLAF dans le cadre de l’enquête. Sont, en substance, contestés :

–        la communication du 9 juin 2020, par laquelle l’OLAF a informé les autorités nationales des résultats préliminaires de l’enquête et a demandé la prise de mesures conservatoires ;

–        la lettre du 25 novembre 2020, refusant à la requérante la tenue d’une réunion ainsi que l’accès à certains éléments du dossier la concernant et qualifiant une partie de ses observations de réclamation ;

–        la lettre du directeur de l’OLAF du 27 novembre 2020, rejetant la réclamation de la requérante ;

–        le rapport final et la décision de l’OLAF de clôturer l’enquête la concernant ;

–        la lettre du 21 décembre 2020 du directeur de l’OLAF, refusant d’instruire la réclamation de la requérante du 14 décembre 2020.

31      La Commission conteste la recevabilité des présentes conclusions, au motif que les actes contestés seraient insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

32      La requérante estime que les actes contestés sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

33      Premièrement, la requérante met en exergue l’importance du rôle de l’OLAF et souligne que les États membres agiront en conformité avec ses conclusions.

34      Deuxièmement, la requérante estime que les actes contestés avaient pour objet de produire, et ont produit, des effets juridiques définitifs et rappelle qu’il a été jugé que des actes de l’OLAF pouvaient avoir de tels effets et faire l’objet d’un recours en annulation. À cet égard, elle fait valoir que la communication du 9 juin 2020 est comparable aux actes à l’égard desquels l’exception d’irrecevabilité a été rejetée dans l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172), dès lors que les effets d’une communication effectuée par l’OLAF ne se limitent pas à la sphère interne des institutions, des organes et des organismes de l’Union. Le même raisonnement serait applicable aux actes subséquents de l’OLAF et, en particulier, au rapport final.

35      Troisièmement, la requérante considère que les actes contestés l’ont privée de l’exercice effectif de certains de ses droits fondamentaux et procéduraux et que déclarer irrecevables ses conclusions en annulation serait contraire l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et aux articles 6 à 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

36      Quatrièmement, la requérante soutient, en substance, qu’il n’existe pas de voie alternative au niveau de l’Union à l’introduction d’un recours en annulation et que d’éventuelles voies de recours devant les juridictions nationales ne permettraient pas d’examiner la légalité de l’enquête de l’OLAF et seraient, en toute hypothèse, insuffisantes.

37      En application d’une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 16 juillet 1998, RegioneToscana/Commission, T‑81/97, EU:T:1998:180, point 21).

 Sur la recevabilité du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre le rapport final et la décision de clôture de l’enquête de l’OLAF

38      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne demande pas formellement l’annulation, dans ses chefs de conclusions, du rapport final, mais seulement de la décision de l’OLAF prise le même jour de clôturer l’enquête. Il ressort, cependant, de la requête, dans son ensemble, que la requérante y conteste la légalité de l’enquête diligentée par l’OLAF, laquelle aboutit à l’adoption du rapport final. Le présent recours doit donc être compris comme étant également dirigé contre le rapport final.

39      Certes, il découle des caractéristiques du rapport final, telles qu’explicitées à l’article 11, paragraphes 1, 2 et 6, du règlement no 883/2013, que celui-ci, ainsi que les recommandations qui lui sont associées, sont susceptibles d’avoir une incidence pratique considérable sur les procédures administratives et judiciaires qui pourraient être diligentées par les autorités des États membres à l’encontre de la requérante.

40      Il n’en demeure pas moins que le rapport final et les recommandations qui lui sont associées ne lient pas leurs destinataires, dès lors qu’il appartient aux autorités compétentes des États membres ou aux institutions, aux organes ou aux organismes, selon le cas, de décider des suites à donner aux enquêtes terminées, sur le fondement des rapports d’enquête finals établis par l’OLAF, ainsi que le rappelle le considérant 31 du règlement no 883/2013.

41      Or, force est de constater que la notion d’acte attaquable par la voie du recours en annulation ne dépend pas de l’importance que l’acte contesté peut revêtir en pratique, en raison de la probabilité qu’il soit suivi d’effet, mais seulement de la question de savoir s’il produit ou non des effets juridiques obligatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, FBF, C‑911/19, EU:C:2021:599, points 39 à 45).

42      Il doit, partant, en être déduit que le rapport final ne constitue pas un acte attaquable par la voie du recours en annulation.

43      Il convient, en outre, de constater que cette conclusion ne prive pas la requérante de voies de droit lui permettant de contester la validité du rapport final.

44      D’une part, la requérante dispose de la possibilité d’inviter les juridictions nationales à interroger la Cour sur la validité du rapport de l’OLAF par le biais d’une question préjudicielle, dès lors qu’un acte juridiquement non contraignant de l’Union est susceptible de faire l’objet d’une question préjudicielle en appréciation de validité (voir arrêt du 15 juillet 2021, FBF, C‑911/19, EU:C:2021:599, point 54 et jurisprudence citée).

45      D’autre part, conformément au système de voies de recours prévu par les traités, même si la requérante ne peut pas introduire un recours en annulation contre les mesures ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires, elle n’est pas privée d’un accès au juge, puisque le recours en indemnité reste ouvert si le comportement en cause est de nature à engager la responsabilité de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, points 97 et 99 ; du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, point 69, et ordonnance du 12 novembre 2018, Stichting Against Child Trafficking/Commission, T‑658/17, non publiée, EU:T:2018:799, point 29).

46      Au vu de ce qui précède, le recours en annulation de la requérante est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le rapport final.

47      Cette conclusion doit être étendue à la clôture de l’enquête de l’OLAF le 8 décembre 2020, dont la requérante demande l’annulation. En effet, il ressort de la lecture combinée des paragraphes 1 et 7 de l’article 11 du règlement no 883/2013 que l’adoption du rapport final constitue l’une des causes de clôture de l’enquête, de sorte que celle-ci ne dispose pas d’une portée autonome par rapport audit rapport. Les conclusions présentées à son égard sont donc également irrecevables.

 Sur la recevabilité du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre les autres actes adoptés par l’OLAF au titre de son enquête

48      Pour des raisons analogues, il doit être considéré que l’ensemble des actes adoptés par l’OLAF au titre de son enquête sont, également, insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

49      En premier lieu, cette conclusion vaut, notamment, à l’égard de la communication du 9 juin 2020, par laquelle l’OLAF a informé les autorités nationales des résultats préliminaires de l’enquête et leur a recommandé la prise de mesures conservatoires, dans la mesure où cette communication ne produit aucun effet obligatoire pour les autorités des États membres.

50      À cet égard, il convient de relever que le parallèle effectué par la requérante avec l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172), n’est pas pertinent. Dans le cadre de cette affaire, était en cause le caractère attaquable de décisions d’activation des signalements effectués par l’OLAF lors d’une enquête, dans le système d’alerte précoce (SAP) organisé par la décision 2008/969/CE, Euratom de la Commission, du 16 décembre 2008, relative au SAP à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives (JO 2008, L 344, p. 125), lequel avait pour objectif d’assurer, au sein de la Commission et de ses agences exécutives, la circulation d’informations de diffusion restreinte concernant les tiers qui pourraient représenter une menace pour les intérêts financiers et pour la réputation des Communautés européennes ou pour tout autre fonds géré par elles. Le SAP reposait sur des signalements permettant d’identifier le niveau de risque associé à une entité en fonction de catégories s’échelonnant de W1, catégorie correspondant au niveau de risque le plus faible, à W5, catégorie correspondant au niveau de risque le plus élevé. Dans l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172, points 27 et 45), le Tribunal a relevé que le caractère attaquable des décisions d’activation des signalements découlait de l’existence « d’un devoir » pour l’ordonnateur concerné de prendre des mesures de vigilance renforcées.

51      La Communication du 9 juin 2020 s’inscrit dans la mise en œuvre par l’OLAF de son obligation au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 515/97, de communiquer « aux autorités compétentes de chaque État membre, dès qu’elle en dispose, toutes informations de nature à leur permettre d’assurer le respect des réglementations douanière et agricole ». Elle est également rattachable à l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, selon lequel « [l’OLAF] peut transmettre aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours d’enquêtes externes, en temps opportun pour leur permettre d’y réserver les suites appropriées conformément à leur droit national ».

52      Force est de constater que l’existence d’un « devoir » pour les autorités nationales de prendre les mesures conservatoires éventuellement sollicitées par l’OLAF ne ressort ni du règlement no 515/97 ni du règlement no 883/2013 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 mai 2019, Remag Metallhandel et Jaschinsky/Commission, T‑631/16, non publié, EU:T:2019:352, points 48 à 53).

53      En deuxième lieu, c’est, également, à tort que la requérante soutient, en substance, qu’un recours en annulation contre les lettres du 25 et du 27 novembre 2020 ainsi que du 21 décembre 2020 constitue le seul moyen de préserver les droits dont elle dispose au cours de l’enquête devant l’OLAF.

54      En effet, si l’approche dont se prévaut la requérante avait, en substance, été retenue par le Tribunal de la fonction publique (arrêt du 28 avril 2009, Violetti e.a./Commission, F‑5/05 et F‑7/05, EU:F:2009:39, point 77), elle a été écartée, sur pourvoi, par le Tribunal, lequel a souligné, d’une part, que le principe d’une protection juridictionnelle effective ne permettait pas, à lui seul, de fonder la recevabilité d’un recours et, d’autre part, qu’un requérant avait à sa disposition d’autres voies pour assurer le contrôle de la légalité des actes de l’OLAF (arrêt du 20 mai 2010, Commission/Violetti e.a., T‑261/09 P, EU:T:2010:215, points 48 à 73). La Cour a également rappelé que, bien que la condition relative aux effets de droit obligatoires doive être interprétée à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective tel que garanti à l’article 47, premier alinéa, de la Charte, ce droit n’avait pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant les juridictions de l’Union, et que, partant, l’interprétation de la notion d’« acte attaquable » à la lumière de cet article 47 ne saurait aboutir à écarter cette condition sans excéder les compétences attribuées par le traité FUE aux juridictions de l’Union (voir arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission, C‑575/18 P, EU:C:2020:530, point 52 et jurisprudence citée).

55      Par ailleurs, il convient de relever que la question d’une éventuelle violation des droits de la requérante au cours de l’enquête pourrait être pertinente au titre de l’appréciation de la validité du rapport final de l’OLAF, dont la Cour pourrait être saisie par le biais d’une question préjudicielle (voir point 44 ci-dessus).

56      En troisième lieu, s’agissant plus particulièrement de la lettre du 25 novembre 2020, il convient de relever que le recours introduit contre cette dernière ne saurait, non plus, être déclaré recevable au motif que ladite lettre s’apparenterait à un refus de faire droit à une demande effectuée au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

57      Certes, il ressort de la jurisprudence que, si une demande d’accès aux documents au titre de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, doit être formulée sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article 55 TUE et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution concernée d’identifier le document, aucune disposition du règlement no 1049/2001 n’oblige le demandeur à préciser le fondement juridique de sa demande ou à le justifier (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission, C‑351/20 P, EU:C:2022:8, points 67 à 72).

58      De même, il a été retenu que la circonstance selon laquelle une lettre concernait une demande d’accès à des documents relatifs à des enquêtes de l’OLAF, à savoir un domaine régi par le règlement no 883/2013, n’empêchait pas que cette demande ait été d’emblée fondée sur le règlement no 1049/2001, dès lors qu’il était constant que ce dernier pouvait servir de fondement juridique à une demande d’accès à des documents relevant d’une procédure administrative régie par un autre acte de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission, C‑351/20 P, EU:C:2022:8, point 75).

59      Il en découle que, en principe, dans une telle configuration, l’OLAF est tenu d’examiner la demande dont il est saisi également à l’aune du règlement no 1049/2001 et, partant, d’informer le demandeur de son droit de présenter une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, de ce dernier règlement. Dans la mesure où, en l’absence d’une telle information, l’OLAF est réputé donner un caractère définitif à sa réponse, celle-ci est, dès lors, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission, C‑351/20 P, EU:C:2022:8, points 63, 64, 73 et 76).

60      Toutefois, force est de constater qu’un tel raisonnement, reposant sur l’obligation pour l’OLAF d’examiner d’office la demande d’accès au dossier au titre du règlement no 883/2013 qui lui a été adressée également sous la qualification de demande d’accès aux documents au titre du règlement no 1049/2001, ne saurait être étendu à une situation dans laquelle cette seconde qualification ne pourrait, en toute hypothèse, aboutir à la divulgation des documents sollicités.

61      Il en est ainsi lorsque la demande est présentée au cours de l’enquête par une « personne concernée » au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 883/2013, comme c’est le cas en l’espèce, à la différence de celle en cause dans l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8).

62      Premièrement, il convient de souligner que l’article 9 du règlement no 883/2013, intitulé « Garanties de procédure », prévoit un certain nombre de droits au profit des personnes concernées par une enquête de l’OLAF, sans consacrer, en tant que tel, l’ensemble des droits inhérents à la protection des droits de la défense. Sont, notamment, protégés le droit de ne pas s’incriminer (paragraphe 2) et le droit d’être entendu (paragraphe 4). En revanche, aucun droit d’accès au dossier n’est envisagé.

63      Deuxièmement, il convient de rappeler que cette absence d’accès au dossier de l’OLAF a été avalisée par la jurisprudence, laquelle a retenu que l’OLAF n’était pas obligé d’accorder à une personne concernée par une enquête externe l’accès aux documents faisant l’objet d’une telle enquête ou à ceux établis par lui-même à cette occasion, l’efficacité et la confidentialité de la mission confiée à l’OLAF ainsi que l’indépendance de celui-ci pouvant être entravées. En effet, il a été retenu que le respect des droits de la défense était suffisamment garanti par l’information dont la personne concernée avait bénéficié et par le fait qu’elle avait été entendue (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos/Commission, T‑483/13, EU:T:2016:421, points 238 à 240 et jurisprudence citée).

64      Troisièmement, il en découle logiquement que, lorsque l’OLAF a refusé de faire droit à une demande d’accès au dossier, présentée par une personne concernée au cours de l’enquête, une demande d’accès aux documents fondée sur le règlement no 1049/2001 serait, nécessairement, vouée à l’échec, l’exception de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, visant la protection des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, ayant, alors, vocation à s’appliquer.

65      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le recours de la requérante, en ce qu’il est fondé sur l’article 263 TFUE, doit être rejeté comme étant irrecevable, dès lors qu’il est dirigé contre des actes insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

 Sur le recours en ce qu’il est fondé sur l’article 268 TFUE

66      La requérante fait valoir, en substance, que les douze moyens qu’elle a avancés au soutien de sa demande d’annulation des actes de l’OLAF démontrent l’existence d’un comportement illégal de celui-ci, lui ayant occasionné un préjudice dont elle demande la réparation sur le fondement de l’article 268 TFUE.

67      La compétence du Tribunal en matière de responsabilité non contractuelle est prévue par l’article 268 et l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE. Il ressort de cette dernière disposition que l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

68      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée).

69      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 65 et jurisprudence citée).

70      Le Tribunal estime suffisant, en l’espèce, d’examiner la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’OLAF.

71      Pour que la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché soit satisfaite, une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers doit être établie (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution de l’Union concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54).

72      La requérante soutient que les douze moyens qu’elle a avancés à l’appui de ses conclusions en annulation démontrent l’existence de violations suffisamment caractérisées de règles de droit conférant des droits aux particuliers.

73      Le Tribunal estime approprié d’examiner, à titre liminaire et conjointement, les troisième, quatrième et douzième moyens dans la mesure où ils portent sur la légalité du contrôle du 4 décembre 2019, puis les moyens concernant les autres illégalités qui auraient entaché l’enquête et qui sont tirés de la violation des droits de la défense (cinquième, huitième et douzième moyens), du règlement no 1049/2001 (neuvième moyen), des principes de transparence, d’indépendance et de diligence (premier et dixième moyens) ainsi que les moyens concernant la prétendue partialité du directeur général de l’OLAF (deuxième moyen), la divulgation d’informations dans la presse (sixième et septième moyens) et l’insuffisance de motivation (onzième moyen).

 Sur les illégalités alléguées entachant le contrôle du 4 décembre 2019 (troisième, quatrième et douzième moyens)

74      La requérante, dans le cadre de ses troisième et douzième moyens, rappelle que, en application de l’article 9 du règlement no 883/2013, de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 6 de la CEDH, l’OLAF devait veiller au respect de son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

75      La requérante soutient que l’OLAF a, le 4 décembre 2019, effectué un contrôle sur place et tenu un entretien dans ses locaux, au sens de l’article 9 du règlement no 883/2013. Ce contrôle aurait été effectué sous la direction de l’OLAF et, partant, les illégalités l’affectant lui seraient imputables.

76      La requérante considère que les règles pertinentes du droit de l’Union n’ont pas été respectées, dès lors qu’elle n’a pas été informée de l’objet de ce contrôle et de son droit de garder le silence, qu’elle n’a pas eu la possibilité de présenter des observations sur les déclarations recueillies et qu’elle n’a pas reçu de compte-rendu desdites déclarations. En outre, le refus de lui accorder les droits découlant de l’article 9 du règlement no 883/2013, au motif que le contrôle du 4 décembre 2019 a eu lieu en dehors du territoire de l’Union, constituerait une violation du principe de non-discrimination. Elle ajoute que le droit de la Bosnie-Herzégovine impose la production d’un ordre d’inspection et une obligation d’information des conséquences juridiques d’une enquête et que ceux-ci n’ont pas non plus été respectés.

77      En outre, la requérante, dans le cadre de ses troisième et quatrième moyens, reproche à l’OLAF d’avoir méconnu l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 883/2013, dès lors que ses représentants n’ont pas produit d’habilitation lors du contrôle sur place dans ses locaux. Elle fait valoir qu’il existe un doute quant à la légitimité de la présence de l’OLAF dans ses locaux et demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire la requête que l’OLAF a adressée à l’ABFI le 18 septembre 2019 ainsi que l’accord de cette dernière quant à la présence de l’OLAF lors dudit contrôle.

78      La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

79      Ainsi que cela a été rappelé au point 8 ci-dessus, le 4 décembre 2019, l’OLAF et des représentants de certains États membres ont participé à un contrôle dans les locaux de la requérante conduit par l’ABFI.

80      Essentiellement, la requérante soutient que les garanties découlant du droit de l’Union s’appliquaient et en déduit que ledit contrôle est entaché d’illégalité.

81      Une telle argumentation ne peut être suivie.

82      En effet, il découle du libellé du protocole no 5 relatif à l’assistance administrative mutuelle en matière douanière de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part, que, d’une part, la conduite du contrôle relevait de la responsabilité de l’ABFI, en dépit de la présence de fonctionnaires de l’OLAF, et que, d’autre part, sa légalité n’est pas gouvernée par le droit de l’Union, mais par le droit de la Bosnie-Herzégovine.

83      En application de l’article 7, paragraphe 2, dudit protocole, « les demandes d’assistance sont satisfaites conformément aux dispositions légales ou réglementaires de la partie requise ». Selon le paragraphe 4 de ce même article, « [d]es fonctionnaires d’une partie dûment habilités à cette fin peuvent, avec l’accord de l’autre partie et dans les conditions fixées par cette dernière, participer aux enquêtes menées sur le territoire de l’autre partie ».

84      Partant, la légalité du contrôle est une question qui relève du droit national de la Bosnie-Herzégovine, que le juge de l’Union n’est pas compétent pour contrôler (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C‑469/15 P, EU:C:2017:308, point 32).

85      Il en découle qu’il appartenait à la requérante de contester devant les juridictions nationales la légalité de ce contrôle. En l’absence de déclaration d’illégalité par lesdites juridictions dudit contrôle, l’OLAF était en droit de s’y référer dans son rapport final.

86      Enfin, dès lors que des contrôles sur place – selon qu’ils sont conduits dans un État membre ou dans un État tiers – ne relèvent pas de situations comparables, tant au regard du rôle joué par l’OLAF qu’au regard des règles juridiques gouvernant leur légalité, l’argument de la requérante tiré d’une violation du principe de non-discrimination ne saurait être suivi.

87      Il en résulte que le contrôle du 4 décembre 2019 ne peut être à l’origine d’illégalités imputables à l’OLAF.

88      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la requérante que soient produits la requête que l’OLAF a adressée à l’ABFI le 18 septembre 2019 ainsi que l’accord de cette dernière quant à la présence de l’OLAF lors dudit contrôle.

 Sur les illégalités alléguées tenant dans la violation des droits de la défense de la requérante (cinquième, huitième et douzième moyens)

89      Tout d’abord, la requérante, par son cinquième moyen, reproche à l’OLAF de ne pas lui avoir donné la possibilité de présenter ses observations avant d’adopter ses conclusions, mais seulement après la communication du 9 juin 2020, alors que des procédures avaient été enclenchées sur la base de ladite communication. Il s’agirait là d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 et de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte. Elle ajoute que l’obligation de l’OLAF de transférer les informations aux États membres, au titre du règlement no 515/97, n’empêche pas l’application des garanties procédurales de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 et de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

90      Ensuite, dans le cadre de son huitième moyen, en premier lieu, la requérante rappelle que l’OLAF a rejeté, le 25 novembre 2020, sa demande d’accès aux annexes de la communication du 9 juin 2020 pour des motifs de confidentialité et de préservation de son enquête. En second lieu, elle ajoute qu’aucune explication précise n’a été fournie sur ces motifs et estime que cela constitue une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, lequel implique le droit d’accès d’une personne au dossier qui la concerne.

91      Enfin, au titre de son douzième moyen, la requérante fait valoir que ses droits de la défense ont également été violés, dès lors que ses observations du 16 octobre 2020 ont été, à tort, qualifiées de réclamation, que sa réclamation réelle n’a pas été examinée et qu’elle n’a pas eu la possibilité de présenter des observations à la suite de la clôture de la procédure le 8 décembre 2020.

92      La Commission soutient que l’OLAF n’a pas méconnu les droits de la défense de la requérante.

93      Essentiellement, la requérante se réfère à trois violations de ses droits de la défense au cours de l’enquête, tirées, d’une part, de l’absence de possibilité d’exercer son droit d’être entendue préalablement à la communication du 9 juin 2020, puis devant le directeur de l’OLAF et, d’autre part, du refus d’accès au dossier qui lui a été opposé le 25 novembre 2020.

–       Sur les violations alléguées du droit d’être entendue de la requérante

94      En premier lieu, s’agissant de l’absence de possibilité pour la requérante de faire valoir son point de vue préalablement à la communication du 9 juin 2020, il convient de rappeler que l’exercice par une personne concernée par une enquête de l’OLAF de son droit d’être entendue est envisagé à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2003. Selon cette disposition :

« Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 6, et de l’article 7, paragraphe 6, une fois que l’enquête a été achevée et avant que les conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, cette dernière se voit accorder la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant.

À cette fin, l’[OLAF] envoie à la personne concernée une invitation à présenter ses observations par écrit ou lors d’un entretien avec le personnel désigné par l’[OLAF]. Cette invitation comprend un résumé des faits concernant la personne concernée et les informations prescrites par les articles 11 et 12 du règlement (CE) no 45/2001, et précise le délai fixé pour envoyer des observations, lequel ne peut être inférieur à dix jours ouvrables à compter de la date de réception de l’invitation à s’exprimer. Ce délai de préavis peut être réduit avec le consentement exprès de la personne concernée ou pour des raisons dûment motivées par l’urgence de l’enquête. Le rapport d’enquête final fait état de telles observations.

Dans les cas dûment justifiés où il est nécessaire de préserver la confidentialité de l’enquête et/ou qui impliquent le recours à des procédures d’enquête relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale, le directeur général peut décider de différer l’exécution de l’obligation d’inviter la personne concernée à présenter ses observations […] »

95      Il découle clairement du libellé de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 que ce n’est qu’au terme de son enquête que l’OLAF est tenu d’entendre la personne concernée, et non au cours de ladite enquête.

96      Cette interprétation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 est également conforme à l’intention du législateur de concilier l’exercice du droit d’être entendu avec la préservation de l’efficacité et de la confidentialité de la mission confiée à l’OLAF. D’une part, cette intention se manifeste par la mise en exergue, à l’article 9, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement no 883/2013, de ce que l’exercice de ce droit est « sans préjudice […] de l’article 7, paragraphe 6 » de ce même règlement. Cette disposition précise que, lorsque « les enquêtes montrent qu’il pourrait être opportun de prendre des mesures administratives conservatoires afin de protéger les intérêts financiers de l’Union, l’[OLAF] informe sans délai l’institution, l’organe ou l’organisme concerné de l’enquête en cours ». D’autre part, ladite intention découle de la possibilité offerte au directeur de l’OLAF par l’article 9, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement no 883/2013 de différer l’exécution de l’obligation d’inviter la personne concernée à présenter ses observations, notamment si cela est nécessaire pour préserver la confidentialité de l’enquête.

97      En l’espèce, la requérante a été invitée à présenter ses observations le 7 octobre 2020, ce qu’elle a fait le 16 octobre 2020.

98      À cet égard, il convient de souligner que, en annexe à son courrier du 7 octobre 2020, l’OLAF a mis en avant un résumé des faits suffisant pour que la requérante soit en mesure d’exercer son droit d’être entendue. En effet, y étaient explicités les éléments essentiels de l’enquête, à savoir les importations dans l’Union concernées, les soupçons que ces dernières provenaient, en réalité, des États-Unis et la raison pour laquelle cela constituerait une fraude aux droits conventionnels, antidumping et compensateurs.

99      Il découle de ce qui précède que l’OLAF a entendu la requérante conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013. Par ailleurs, ainsi qu’il a été souligné au point 14 ci-dessus, la possibilité additionnelle de présenter des observations écrites jusqu’au 30 novembre 2020 lui a même été donnée.

100    La circonstance selon laquelle l’OLAF a adressé la communication du 9 juin 2020 aux États membres, avant que la requérante n’ait présenté ses observations, ne saurait infirmer cette conclusion. À cet égard, dans la mesure où la requérante allègue une violation de son droit d’être entendue au titre de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, il y a lieu de vérifier si elle disposait d’une protection plus étendue au titre de cette disposition que celle qui lui était accordée par l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, ce qui aurait impliqué que, nonobstant les termes de cette disposition, l’OLAF entende la requérante avant la communication du 9 juin 2020 adressée aux États membres.

101    L’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte dispose que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

102    Le droit d’être entendu garantit ainsi à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker, C‑187/19 P, EU:C:2020:444, point 68 et jurisprudence citée).

103    Il importe également de rappeler que le droit d’être entendu fait partie des droits de la défense et que le principe du respect de ces derniers constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer, même en l’absence d’une réglementation spécifique à ce sujet. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible les intérêts de ceux-ci soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder ces décisions (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 51 et jurisprudence citée).

104    Une violation des droits de la défense, dont fait partie le droit d’être entendu, doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑110/10 P, EU:C:2011:687, point 63).

105    Certes, il y a lieu de relever que, même préalablement à l’adoption d’un acte qui n’affecte pas directement les droits d’une partie, il peut être nécessaire de mettre celle-ci en mesure de présenter ses observations au vu de l’ampleur des conséquences que peut avoir ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, EU:C:2001:391, points 25 à 35).

106    Toutefois, il ne saurait être retenu que l’absence de possibilité pour la requérante de faire valoir son point de vue préalablement à la communication du 9 juin 2020 constitue une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, au regard des circonstances de l’espèce.

107    Tout d’abord, la possibilité lui demeurait ouverte de faire valoir son point de vue devant les autorités nationales, à l’occasion de la contestation des mesures conservatoires que celles-ci pouvaient prendre.

108    Ensuite, il convient de prendre en compte la nécessité pour l’OLAF de préserver l’efficacité et la confidentialité de son enquête. Or, au vu des éléments en sa possession, l’OLAF pouvait raisonnablement estimer qu’il existait une fraude quant à l’origine du biodiésel importé ainsi qu’un risque en ce qui concernait les intérêts financiers de l’Union justifiant la prise de mesures conservatoires par les autorités nationales sans alerter au préalable la requérante.

109    Enfin, est également pertinente l’importance, rappelée dans les premier et deuxième considérants du règlement no 515/97, de la coopération entre la Commission et les autorités administratives des États membres en matière douanière. Au titre de cette coopération, l’OLAF – en tant que partie intégrante de la Commission –, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 515/97, était tenu de communiquer « aux autorités compétentes de chaque État membre, dès qu’[il] en dispos[ait], toutes informations de nature à leur permettre d’assurer le respect des réglementations douanières ».

110    Il découle de ce qui précède que l’OLAF n’a méconnu ni le règlement no 883/2013 ni l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, en n’entendant pas la requérante préalablement à la communication du 9 juin 2020.

111    En second lieu, en ce qui concerne la violation alléguée du droit de la requérante d’être entendue en raison du refus du directeur général de l’OLAF d’instruire sa réclamation du 14 décembre 2020, il convient de souligner que le règlement no 883/2013, dans sa version applicable à la présente affaire, ne prévoyait pas qu’une personne intéressée puisse introduire une réclamation quant à la manière dont les garanties de procédure visées à l’article 9 de ce règlement avaient été appliquées. Ce mécanisme avait été instauré par l’OLAF lui-même, reposait sur un examen des réclamations par l’unité de conseil juridique et prévoyait que le directeur de l’OLAF prenait une décision au regard des conclusions de cet examen.

112    Force est de constater que l’OLAF n’a pas méconnu les règles qu’il s’était fixées, en refusant, le 21 décembre 2020, d’instruire la réclamation, dès lors que lesdites règles excluaient toute possibilité d’introduire une réclamation une fois l’enquête clôturée.

113    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que l’OLAF n’a pas méconnu le droit de la requérante d’être entendue.

–       Sur la violation alléguée du droit d’accès au dossier

114    La requérante soutient que le refus d’accès au dossier que lui a opposé l’OLAF le 25 novembre 2020 revêt un caractère illégal.

115    Il suffit, à cet égard, de rappeler, ainsi que cela a été exposé aux points 62 et 63 ci-dessus, qu’aucun accès au dossier n’est envisagé par l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 et que cette absence n’est pas constitutive d’une violation des droits de la défense de la personne concernée, dans la mesure où ceux-ci sont suffisamment garantis par l’information dont elle a bénéficié et par le fait qu’elle a été entendue.

116    Le refus de l’OLAF d’accorder à la requérante l’accès à son dossier ne revêt donc pas un caractère illégal. Il en résulte que les allégations de la requérante relatives à des violations de ses droits de la défense, figurant dans ses cinquième, huitième et douzième moyens, ne sont pas fondées.

 Sur l’illégalité alléguée tenant dans une violation du règlement no 1049/2001 (neuvième moyen)

117    Par son neuvième moyen, la requérante fait valoir que, dans la mesure où la demande d’accès au dossier a été effectuée par son avocat, personne physique résidant aux Pays-Bas, le droit d’accès aux documents impliqué par le règlement no 1049/2001 trouvait à s’appliquer sans que l’OLAF puisse invoquer l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, de ce règlement. Elle estime, en substance, que l’absence d’interprétation de sa réclamation comme constituant une demande au titre de ce règlement revêt un caractère arbitraire et contradictoire.

118    La Commission soutient que l’OLAF n’a pas méconnu le règlement no 1049/2001.

119    Il suffit, à cet égard, de souligner que, pour les raisons exposées aux points 56 à 65 ci-dessus, l’OLAF n’a, dans les circonstances de l’espèce, commis aucune illégalité en ne qualifiant pas d’office la lettre de la requérante du 27 octobre 2020 de demande d’accès aux documents présentée au titre du règlement no 1049/2001.

120    En toute hypothèse, dans l’éventualité même où ce serait à tort que l’OLAF n’aurait pas procédé à cette qualification, une telle erreur ne saurait être constitutive d’une « violation suffisamment caractérisée » au sens de la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus.

121    À cet égard, il convient de rappeler qu’il découle d’une jurisprudence constante que le régime dégagé par la Cour au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise (voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 40 et jurisprudence citée, et du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30 et jurisprudence citée).

122    Or, à supposer même que les motifs explicités aux points 60 à 64 ci-dessus soient erronés, ils attesteraient néanmoins de l’existence de difficultés dans l’interprétation et dans l’application des règlements nos 1049/2001 et 883/2013 au sens de la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus, s’agissant de la question de savoir si une demande d’accès au dossier effectuée par une personne concernée, au titre du règlement n° 883/2013, alors même que l’enquête la concernant est encore pendante, doit être d’office examinée au regard du règlement n° 1049/2001.

123    L’argumentation présentée par la requérante au titre de son neuvième moyen n’est, partant, pas de nature à démontrer l’existence d’une illégalité susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union.

 Sur l’illégalité alléguée tenant dans la violation des principes de transparence, d’indépendance et de diligence (premier et dixième moyens)

124    La requérante, dans le cadre de son premier moyen, soutient que l’enquête a été conduite en violation de l’obligation d’indépendance de l’OLAF découlant de l’article 3 de la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 28 avril 1999, instituant l’OLAF (JO 1999, L 136, p. 20), et du principe général de transparence. En substance, elle soutient que ce défaut de transparence et d’indépendance s’est matérialisé à quatre stades de l’enquête.

125    Premièrement, l’OLAF aurait fait application de critères trop souples à l’occasion de l’ouverture de l’enquête. La requérante ajoute, en substance, que le refus de la Commission de verser au débat la décision du 23 août 2019 constituant l’ouverture de l’enquête ainsi qu’un avis émis par l’unité « Enquête – sélection et révision » empêche de vérifier si l’ouverture de ladite enquête était conforme à l’article 5 du règlement no 883/2013 et demande au Tribunal que la production de ces documents soit ordonnée. Elle reproche également à l’OLAF d’avoir élargi le champ d’application de son enquête tout en la privant de l’exercice de ses droits procéduraux.

126    Deuxièmement, la requérante reproche à l’OLAF la manière dont le contrôle sur place du 4 décembre 2019 s’est déroulé.

127    Troisièmement, la requérante reproche à l’OLAF de ne pas lui avoir communiqué les résultats de l’enquête, de ne pas lui avoir accordé la possibilité de faire valoir son point de vue avant l’information des États membres et de ne pas lui avoir donné accès au dossier.

128    Quatrièmement, la requérante soutient, en substance, que l’OLAF n’a pas tenu compte, dans son rapport final clôturant l’enquête, de ses observations du 16 octobre 2020.

129    Par son dixième moyen, la requérante reproche à l’OLAF de ne pas avoir exercé ses fonctions avec la diligence requise.

130    La Commission soutient que l’OLAF n’a pas commis les illégalités alléguées par la requérante.

131    Selon l’article 3 de la décision 1999/352, intitulé « Indépendance dans la fonction d’enquête », l’OLAF « exerce les compétences d’enquête, visées à l’article 2, paragraphe 1, en toute indépendance » et, « [d]ans l’exercice de ces compétences, le directeur de l’[OLAF] ne sollicite ni n’accepte d’instructions de la Commission, d’aucun gouvernement ni d’aucune autre institution, organe ou organisme ».

132    Il convient de relever que, sous couvert d’une vague référence à une violation de l’article 3 de la décision 1999/352 ainsi que des principes de transparence et de diligence, la requérante conteste, en réalité, la manière dont l’OLAF a conduit les différentes étapes de son enquête, à savoir l’ouverture de l’enquête, le contrôle du 4 décembre 2019, auquel ont participé des représentants de l’OLAF, la communication du 9 juin 2020, le refus du 25 novembre 2020 de lui donner accès à certains éléments du dossier et la prétendue absence de prise en compte de ses observations dans le rapport final.

133    Premièrement, s’agissant du contrôle du 4 décembre 2019, pour les raisons exposées aux points 82 à 87 ci-dessus, il suffit de rappeler que celui-ci ne peut être à l’origine d’illégalités imputables à l’OLAF.

134    Deuxièmement, il découle des points 95 à 99 ci-dessus que l’OLAF était en droit de procéder à la communication du 9 juin 2020 sans entendre au préalable la requérante.

135    Troisièmement, pour les motifs explicités aux points 114 à 116 ci-dessus, c’est à bon droit que l’OLAF a refusé de faire droit à la demande d’accès au dossier présentée par la requérante.

136    Les autres critiques avancés par la requérante dans le cadre de ces deux moyens ne peuvent prospérer.

137    En premier lieu, la requérante soutient que l’OLAF aurait dû lui communiquer une synthèse des entretiens menés lors du contrôle sur place ainsi que les résultats de son enquête avant de les communiquer aux États membres.

138    Il suffit, à cet égard, de réitérer que l’OLAF n’a pas méconnu le droit de la requérante d’être entendue, tel qu’il est envisagé par l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013. En effet, au titre de cette disposition, l’OLAF est seulement tenu de fournir « un résumé des faits concernant la personne concernée », et non l’ensemble des documents en sa possession, la requérante ne disposant pas d’un droit d’accès au dossier.

139    En deuxième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que ses observations n’ont pas été prises en compte par l’OLAF à l’occasion de l’établissement de son rapport final. Force est de constater que cette critique manque en fait, dès lors que le rapport final inclut un résumé des observations présentées par la requérante et une réponse auxdites observations.

140    En troisième lieu, la requérante estime que l’OLAF a manqué à son obligation d’indépendance à l’occasion de l’ouverture de l’enquête et fait valoir que cela s’est traduit par l’utilisation de critères trop « souples ». Elle demande que le Tribunal ordonne la communication de deux documents aux fins d’être en mesure de vérifier si des « soupçons suffisants » existaient, de nature à justifier l’ouverture d’une enquête.

141    En application de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, « [l]e directeur général peut ouvrir une enquête lorsqu’il existe des soupçons suffisants, pouvant aussi être fondés sur des informations fournies par un tiers ou sur des informations anonymes, qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union », « [l]a décision du directeur général d’ouvrir ou non une enquête tient compte des priorités de la politique en matière d’enquêtes et du plan annuel de gestion de l’[OLAF], fixés conformément à l’article 17, paragraphe 5 » et « [c]ette décision tient également compte de la nécessité d’une utilisation efficace des ressources de l’[OLAF] et de la proportionnalité des moyens employés ».

142    L’existence de soupçons de nature à justifier l’ouverture d’une enquête envisagée à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 constitue une condition importante dont ne peut s’affranchir le directeur de l’OLAF. À cet égard, la Cour a eu l’occasion de souligner, avant même l’entrée en vigueur du règlement no 883/2013, que la décision du directeur de l’OLAF d’ouvrir une enquête, comme du reste celle d’une institution, d’un organe ou d’un organisme institué par les traités ou sur la base de ceux-ci de demander une telle ouverture, ne saurait intervenir en l’absence de soupçons suffisamment sérieux relatifs à des faits de fraude ou de corruption ou à d’autres activités illégales susceptibles de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2003, Commission/BCE, C‑11/00, EU:C:2003:395, point 141 ; du 25 février 2021, Dalli/Commission, C‑615/19 P, EU:C:2021:133, point 59, et du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos/Commission, T‑483/13, EU:T:2016:421, point 174 (non publié)].

143    Aux fins de vérifier l’existence de tels soupçons sérieux lors de l’ouverture de l’enquête, le Tribunal peut ordonner à la Commission de lui communiquer les indices ayant conduit à l’ouverture de l’enquête [voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos/Commission, T‑483/13, EU:T:2016:421, points 13 (non publié) et 179].

144    À cet égard, la requérante sollicite du Tribunal qu’il ordonne à la Commission de verser aux débats les actes susceptibles d’inclure les indices sur lesquels le directeur de l’OLAF s’est fondé pour déclencher l’enquête. Seraient pertinents la décision du 23 août 2019 portant ouverture de l’enquête ainsi qu’un avis émis par l’unité « Enquête – sélection et révision ».

145    Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, l’examen par le Tribunal de la matérialité des soupçons sur le fondement desquels le directeur de l’OLAF a décidé de l’ouverture de l’enquête n’est pas nécessaire aux fins de s’assurer du respect de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, dès lors que l’existence à suffisance de droit de tels soupçons peut être déduite d’autres éléments figurant déjà au dossier.

146    À cet égard, il convient de relever que la partie liminaire du rapport final met en exergue qu’existaient antérieurement à l’ouverture de l’enquête certains soupçons dont la matérialité n’est pas contestée par la requérante.

147    Ainsi que cela a été mentionné au point 16 ci-dessus, l’OLAF s’est référé à une augmentation, à partir de 2015, des importations dans l’Union, en provenance de la Bosnie-Herzégovine, de biodiésel issu de la transformation de graisses animales ou végétales importées des États-Unis, susceptible de présenter un caractère frauduleux au regard de plusieurs indices. À cet égard, l’OLAF a, notamment, mis en exergue la différence de prix de ces matières premières lors de leur exportation aux États-Unis et de leur importation en Bosnie-Herzégovine. Il a également souligné le caractère douteux de la technologie décrite par la requérante sur son site Internet, à savoir la production de biodiésel à base d’huiles de cuisson usagées en provenance des États-Unis, alors que ce pays est lui-même un producteur important de biodiésel.

148    À l’encontre de ces appréciations, la requérante se borne à souligner que, si 115 530 920 kilogrammes (kg) de biodiésel ont été importés dans l’Union de 2015 à octobre 2019, seuls 116 597 536 kg de matières premières ont été exportés des États-Unis, qu’il existe, dès lors, une différence significative de 1 066 616 kg et, en substance, que cet élément est trop vague pour justifier l’ouverture d’une enquête.

149    De telles critiques ne peuvent prospérer.

150    Tant l’usage du terme « soupçons » à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 et dans la jurisprudence citée au point 142 ci-dessus que la mention audit article 5 de ce que les soupçons « laissent supposer » l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union impliquent qu’il n’est pas nécessaire que les éléments en la possession de l’OLAF démontrent nécessairement l’existence d’une fraude, de corruption ou d’autres activités illégales pour que celui-ci ouvre une enquête, mais qu’il suffit que ces éléments puissent faire naître un doute raisonnable quant à leur existence.

151    En l’espèce, force est de constater que les éléments décrits au point 147 ci-dessus étaient à même de faire naître un doute raisonnable quant à l’existence d’actes de fraude commis par la requérante, justifiant l’ouverture d’une enquête.

152    Dans ces conditions, il peut être conclu que les premier et dixième moyens de la requérante n’établissent pas l’existence d’illégalités imputables à l’OLAF, sans qu’il soit nécessaire de procéder aux mesures d’instruction sollicitées par cette dernière.

 Sur l’illégalité alléguée tenant dans la partialité du directeur général de l’OLAF (deuxième moyen)

153    La requérante fait valoir que le comportement de l’OLAF a méconnu le principe d’impartialité. Plus particulièrement, elle estime que le directeur général de l’OLAF ne peut être considéré comme impartial à l’occasion de l’examen des réclamations qu’il a effectué, dès lors qu’il est impliqué dans les enquêtes la concernant.

154    La Commission soutient que la requérante n’avance aucun élément permettant d’établir son allégation et fait valoir que le directeur général n’a pas participé directement à la conduite de l’enquête.

155    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un désaccord existe entre les parties s’agissant de la ou des réclamations soulevées par la requérante au cours de l’enquête. D’un côté, l’OLAF a interprété la mention dans les observations présentées par la requérante le 16 octobre 2020 de ce que ses garanties de procédures prévues par le règlement no 883/2013 n’avaient pas été respectées comme constituant une réclamation à laquelle le directeur général de l’OLAF a répondu le 27 novembre 2020. D’un autre côté, la requérante soutient que le courrier du 16 octobre 2020 ne comportait aucune réclamation, sa seule réclamation ayant été présentée le 14 décembre 2020 et ayant fait l’objet d’un refus d’instruction par le directeur de l’OLAF le 21 décembre 2020.

156    Pour les raisons exposées aux points 111 et 112 ci-dessus, il convient de souligner que c’est à bon droit que le directeur de l’OLAF a refusé d’instruire la réclamation de la requérante du 14 décembre 2020, dès lors que l’enquête était close à cette date. La critique tirée d’une prétendue partialité du directeur de l’OLAF est donc, en toute hypothèse, inopérante en ce qui concerne le refus du 21 décembre 2020.

157    La question d’une éventuelle partialité du directeur de l’OLAF n’est donc pertinente qu’en ce qui concerne l’examen de la réclamation qui aurait figuré dans les observations de la requérante du 16 octobre 2020 et à laquelle le directeur général de l’OLAF a répondu le 27 novembre 2020.

158    L’article 41 de la Charte précise à son paragraphe 1 que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, […] par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

159    Certes, la règle d’impartialité, qui s’impose aux institutions, aux organes et aux organismes dans l’accomplissement de missions d’enquête de la nature de celles qui sont confiées à l’OLAF, vise, outre l’intérêt général, la protection des personnes concernées et leur confère un droit subjectif au respect des garanties correspondantes (voir arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 102 et jurisprudence citée). La requérante invoque donc la violation d’une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

160    Plus particulièrement, la requérante se réfère à une violation de l’exigence d’impartialité dans sa composante objective, conformément à laquelle l’institution, l’organe ou l’organisme concerné doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé. Selon la jurisprudence, afin de démontrer que l’organisation de la procédure administrative n’offre pas des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé, il n’est pas requis d’établir l’existence d’un manque d’impartialité. Il suffit qu’un doute légitime à cet égard existe et ne puisse pas être dissipé (voir arrêt du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, point 54 et jurisprudence citée).

161    En l’espèce, il convient de relever que la requérante se réfère exclusivement à l’implication du directeur de l’OLAF dans l’enquête. Or, force est de constater que l’exigence d’impartialité n’impose pas que l’exercice du droit d’être entendu se fasse devant une autorité différente, ou entièrement autonome, de celle ayant conduit l’enquête.

162    En outre, la requérante n’apporte aucun élément de preuve susceptible de démontrer, dans son cas particulier, un élément objectif, tel un conflit d’intérêts, de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l’impartialité du directeur de l’OLAF.

163    Le deuxième moyen de la requérante ne permet donc pas d’établir une illégalité de l’OLAF.

 Sur l’illégalité alléguée tenant dans la divulgation d’informations dans la presse (sixième et septième moyens)

164    La requérante considère qu’un fonctionnaire de l’OLAF a divulgué à la presse des informations confidentielles à la suite du contrôle du 4 décembre 2019 et avance comme éléments de preuve certains articles de presse et extraits de sites Internet.

165    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante soutient qu’une telle divulgation a abouti à la présenter comme étant coupable d’infractions pénales et à préjuger de l’appréciation de son comportement par les autorités douanières et les juridictions des États membres et est constitutive d’une violation de sa présomption d’innocence visée à l’article 48 de la Charte et à l’article 6 de la CEDH.

166    Par son septième moyen, la requérante fait valoir que cette divulgation constitue également une violation des principes de confidentialité et de protection des données en vertu de l’article 10 du règlement no 883/2013.

167    La Commission estime que l’OLAF n’a pas commis les illégalités mises en exergue par la requérante.

168    Par ces deux moyens, la requérante estime que des divulgations dans la presse seraient imputables à des agents de l’OLAF, ce qui serait constitutif d’une violation à la fois de sa présomption d’innocence et des obligations de confidentialité de l’OLAF au titre de l’article 10 du règlement no 883/2013.

169    Le principe de la présomption d’innocence, qui constitue un droit fondamental, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH et à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect. Ce principe trouve son corollaire dans l’obligation de confidentialité qui s’impose à l’OLAF, conformément à l’article 10 du règlement no 883/2013, et qui confère également des droits aux particuliers qui sont affectés par une enquête de l’OLAF dans la mesure où ils sont en droit d’attendre que les enquêtes les concernant soient traitées en respectant leurs droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Dalli/Commission, T‑399/17, non publié, EU:T:2019:384, points 168 et 169).

170    En l’espèce, force est de constater que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve ni indice permettant d’attribuer à l’OLAF la divulgation en question.

171    Certes, la lecture des articles avancés à titre d’éléments de preuve par la requérante tend à démontrer que les informations dont disposait la presse n’incluaient pas uniquement des faits susceptibles de relever du domaine public, telle l’existence d’un contrôle dans les locaux de la requérante le 4 décembre 2019, mais également des informations relevant de la mission d’enquête en Bosnie-Herzégovine.

172    Toutefois, la diversité des participants à cette mission d’enquête – représentants des autorités de certains États membres, de l’ABFI et de l’OLAF – empêche que soit établie à suffisance de droit une violation de la présomption d’innocence de la requérante par l’OLAF ainsi qu’un manquement par ce dernier à ses obligations au titre de l’article 10 du règlement no 883/2013.

173    Il en découle que la requérante, par ces deux moyens, ne démontre pas l’existence d’une illégalité imputable à l’OLAF.

 Sur l’illégalité alléguée tenant dans une insuffisance de motivation (onzième moyen)

174    Dans le cadre de son onzième moyen, la requérante estime que l’OLAF a manqué à son obligation de motivation en ne procédant pas à un examen approfondi, en ne recueillant pas suffisamment d’informations, en n’explicitant pas suffisamment les raisons de son refus d’accès au dossier et en n’indiquant par les raisons pour lesquelles l’enquête a été clôturée le 8 décembre 2020. Elle réitère ne pas avoir eu accès à son dossier devant l’OLAF, ce qui l’a empêchée d’exercer ses droits devant les autorités nationales ou à l’encontre de ses clients qui se sont retournés contre elle.

175    La Commission soutient que la lettre du 25 novembre 2020 était motivée à suffisance de droit. Elle ajoute que l’OLAF n’était pas tenu d’informer la requérante de la clôture de son enquête.

176    Force est de constater que, sous couvert d’une critique tirée d’une prétendue violation de l’obligation de motivation, la requérante se contente, en réalité, de réitérer les critiques qu’elle a présentées s’agissant de la manière dont l’enquête a été conduite et auxquelles il a déjà été répondu.

177    Les seuls aspects de l’argumentation de la requérante éventuellement rattachables à la critique d’une insuffisance de motivation tiennent dans la mention de ce que les raisons du refus d’un accès au dossier auraient été insuffisamment explicitées et celles de la clôture de l’enquête pas du tout.

178    S’agissant de la première critique, il suffit de souligner qu’elle manque en fait, dès lors que l’OLAF a explicité de manière détaillée, dans sa lettre du 25 novembre 2020, les raisons pour lesquelles il était refusé de faire droit à la demande d’accès au dossier présentée par la requérante.

179    S’agissant de la seconde critique, il suffit de souligner que, dans la mesure où l’OLAF a adopté un rapport final, ce dont la requérante a été informée le 21 décembre 2021, celle-ci était en mesure de comprendre la raison de la clôture de l’enquête, dès lors que, pour les raisons exposées point 47 ci-dessus, l’adoption d’un tel rapport constituait l’une des causes de clôture de l’enquête.

180    Le onzième moyen ne fait donc ressortir aucune illégalité imputable à l’OLAF.

181    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré la présence de l’une des conditions cumulatives dont dépend l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union.

182    Cette conclusion n’est pas infirmée par la prise en compte des nouveaux éléments de preuve présentés par la requérante le 20 janvier 2022, lesquels portent sur les prélèvements réalisés par les autorités croates à la demande de l’OLAF sur certains conteneurs en provenance des États-Unis et à destination de la Bosnie-Herzégovine (voir point 4 ci-dessus). Il ressort de ces éléments de preuve que, contrairement à ce qu’a retenu l’OLAF, neuf conteneurs – et non huit – ont fait l’objet de vérifications par les autorités douanières croates.

183    Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la recevabilité de ces éléments de preuve au regard de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal, il suffit de souligner que l’imprécision quant au nombre de conteneurs vérifiés est dépourvue d’incidence, l’ensemble des vérifications ayant abouti à la même conclusion, à savoir la présence de biodiésel en lieu et place des « huiles de cuisson usagées » déclarées.

184    En application de la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus, il convient, partant, de rejeter les conclusions en indemnité et, par voie de conséquence, le recours dans son entièreté, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des conclusions additionnelles en indemnité présentées au stade de la réplique par la requérante, contestée par la Commission.

 Sur les dépens

185    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

186    La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.