Language of document : ECLI:EU:T:2022:654

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

19 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative représentant un motif à damier – Cause de nullité absolue – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, et article 51, paragraphe 2, du règlement (CE) no 40/94 [devenus article 7, paragraphe 3, et article 59, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Appréciation globale des preuves du caractère distinctif acquis par l’usage – Portée géographique des preuves du caractère distinctif acquis par l’usage – Preuves concernant l’usage d’une marque sur Internet – Preuves concernant des procédures en contrefaçon »

Dans l’affaire T‑275/21,

Louis Vuitton Malletier, établi à Paris (France), représenté par Mes P. Roncaglia, N. Parrotta et P.-Y. Gautier, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Norbert Wisniewski, demeurant à Varsovie (Pologne),

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, E. Buttigieg et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, Louis Vuitton Malletier, demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 février 2021 (affaire R 1307/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 25 juin 2015, M. Norbert Wisniewski a présenté à l’EUIPO une demande en nullité des effets de l’enregistrement international no 986207 désignant notamment l’Union européenne, ayant été obtenu par le requérant auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) le 4 novembre 2008.

3        La marque faisant l’objet de l’enregistrement international est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 18 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient  à la description suivante : « boîtes en cuir ou en imitations du cuir, malles, valises, trousses de voyage (maroquinerie), sacs de voyage, bagages, sacs-housses de voyage pour vêtements, boîtes à chapeaux en cuir, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits “vanity cases”, trousses de toilette (vides), sacs à dos, sacoches, sacs à main, sacs de plage, sacs à provisions, sacs à bandoulière, cabas, sacs d’épaule, sacs à porter à la ceinture, bourses, mallettes, serviettes (maroquinerie), cartables, porte-documents, pochettes (sacs à main), portefeuilles, porte-monnaie, étuis pour clés, porte-cartes (portefeuilles), parapluies, ombrelles ».

5        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], plus particulièrement par son article 158, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), et l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et e), du même règlement [devenus, respectivement, article 198, paragraphe 2, article 59, paragraphe 1, sous a), et article 7, paragraphe 1, sous b), c) et e), du règlement 2017/1001].

6        Le 14 décembre 2016, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

7        Le 3 février 2017, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 22 novembre 2018 dans l’affaire R 274/2017-2, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque et que le requérant n’avait pas démontré que ladite marque avait acquis un caractère distinctif par son usage.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2019, le requérant a introduit un recours contre la décision de la deuxième chambre de recours, enregistré sous le numéro T‑105/19.

10      Par arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier) (T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258), le Tribunal a annulé la décision de la deuxième chambre de recours. Après avoir rejeté les arguments du requérant visant à contester l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée, le Tribunal a conclu que la chambre de recours avait enfreint l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, tel qu’interprété par le juge de l’Union, en ce qu’elle avait omis d’examiner l’ensemble des éléments de preuve pertinents présentés par le requérant pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée et d’effectuer une appréciation globale de ceux-ci.

11      À la suite de l’arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier (T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258), l’affaire a été renvoyée devant la cinquième chambre de recours, laquelle, dans la décision attaquée, après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve présentés par le requérant, a conclu que celui-ci n’avait pas démontré le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée et rejeté le recours.

 Conclusions des parties

12      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée, en constatant que la marque contestée a acquis un caractère distinctif par son usage ;

–        condamner l’EUIPO et le demandeur en nullité aux dépens qu’il a exposés au cours de la présente procédure.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens qu’il a exposés.

 En droit

14      À l’appui de son recours, le requérant invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

15      Le requérant ayant obtenu l’enregistrement international le 4 novembre 2008 avec acceptation de priorité au 27 mai 2008, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 3, et à l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 comme visant, respectivement, l’article 7, paragraphe 3, et l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, d’une teneur identique.

17      Cela étant précisé, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans son arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier (T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258), désormais revêtu de l’autorité de la chose jugée, le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait conclu, sans commettre d’erreur, à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée. Ainsi, le présent recours porte uniquement sur la question de savoir si la marque contestée a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94.

18      Selon l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lorsqu’une marque de l’Union a été enregistrée contrairement, notamment, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, lequel prévoit que sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif intrinsèque, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée. Selon l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, le paragraphe 1, sous b), de ce même article n’est pas applicable si la marque a acquis, pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

19      L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie, grâce à celle-ci, les produits ou les services visés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du 20 novembre 2019, Rezon/EUIPO (imot.bg), T‑101/19, non publié, EU:T:2019:793, point 46 et jurisprudence citée].

20      La charge de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, en application de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, et de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, repose sur le titulaire de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO (Représentation de deux arches opposées), T‑804/17, non publié, EU:T:2019:218, point 49 et jurisprudence citée].

21      Ainsi, dans le cadre d’une procédure de nullité d’une marque pour motifs absolus de refus, le titulaire de ladite marque est tenu de prouver soit que celle-ci avait acquis un caractère distinctif en raison de l’usage qui en avait été fait avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement, soit qu’elle avait acquis un tel caractère en raison de l’usage qui en avait été fait entre la date de son enregistrement et celle de la demande en nullité [voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 117 et jurisprudence citée].

22      Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit procéder à un examen concret et apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que ladite marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 40 et jurisprudence citée).

23      Pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinions [voir arrêt du 21 avril 2015, Louis Vuitton Malletier/OHMI – Nanu-Nana (Représentation d’un motif à damier gris), T‑360/12, non publié, EU:T:2015:214, point 90 et jurisprudence citée].

24      S’agissant de l’étendue géographique de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage, il convient de rappeler qu’un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, que si la preuve est rapportée qu’il a acquis, par l’usage qui en a été fait, un caractère distinctif dans la partie de l’Union dans laquelle il n’avait pas ab initio un tel caractère, au sens du paragraphe 1, sous b), du même article. Il s’ensuit que, s’agissant d’une marque dépourvue de caractère distinctif ab initio dans l’ensemble des États membres, une telle marque ne peut être enregistrée en vertu de cette disposition que s’il est démontré qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 75 et 76 et jurisprudence citée).

25      À cet égard, la Cour a précisé qu’il serait excessif d’exiger que la preuve d’une telle acquisition soit apportée pour chaque État membre pris individuellement (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, EU:C:2012:307, point 62).

26      Dans ce contexte, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, les faits qui doivent être prouvés, à savoir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage par un signe dépourvu d’un tel caractère intrinsèque, et, d’autre part, les moyens de preuve susceptibles de démontrer ces faits. En effet, aucune disposition du règlement no 40/94 n’impose d’établir par des preuves distinctes l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage dans chaque État membre pris individuellement (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 79 et 80).

27      Ainsi, il est possible que des éléments de preuve de l’acquisition, par un signe déterminé, d’un caractère distinctif par l’usage présentent une pertinence en ce qui concerne plusieurs États membres, voire l’ensemble de l’Union. Notamment, il est possible que, pour certains produits ou services, les opérateurs économiques aient regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et aient traité ces États membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché national. Dans cette hypothèse, les éléments de preuve de l’usage d’un signe sur un tel marché transfrontalier sont susceptibles de présenter une pertinence pour tous les États membres concernés. Il en ira de même lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre deux États membres, le public pertinent du premier possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national du second (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 80 à 82).

28      S’il n’est donc pas nécessaire, aux fins de l’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 40/94, d’une marque dépourvue ab initio de caractère distinctif dans l’ensemble des États membres de l’Union, que la preuve soit apportée, pour chaque État membre pris individuellement, de l’acquisition par cette marque d’un caractère distinctif par l’usage, les preuves apportées doivent néanmoins permettre de démontrer une telle acquisition dans l’ensemble des États membres de l’Union. En effet, dans le cas d’une marque qui ne possède pas un caractère distinctif intrinsèque dans l’ensemble de l’Union, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans l’ensemble de ce territoire, et non seulement dans une partie substantielle ou la majorité du territoire de l’Union, de sorte que, bien qu’une telle preuve puisse être rapportée de façon globale pour tous les États membres concernés ou bien de façon séparée pour différents États membres ou groupes d’États membres, il n’est en revanche pas suffisant que celui à qui en incombe la charge se borne à produire des éléments de preuve d’une telle acquisition qui ne couvriraient pas une partie de l’Union, même consistant en un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, points 83 et 87).

29      En outre, il convient de rappeler que, dans le droit des marques de l’Union s’applique le principe de la liberté de la preuve, qui confère aux parties la possibilité de produire devant le juge de l’Union tout élément de preuve obtenu de façon régulière qu’elles estiment pertinent pour étayer leurs positions. Cette liberté de la preuve contribue à garantir aux parties un droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir arrêt du 16 décembre 2020, H.R. Participations/EUIPO – Hottinger Investment Management (JCE HOTTINGUER), T‑535/19, non publié, EU:T:2020:614, point 65 et jurisprudence citée].

30      Par ailleurs,  selon une jurisprudence constante, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, dont il découle, notamment, que le seul critère pertinent pour apprécier la force probante des éléments régulièrement produits réside dans leur crédibilité. Ainsi, pour apprécier la valeur probante d’un élément de preuve, il faut tenir compte, notamment, de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 9 septembre 2020, Glaxo Group/EUIPO (Nuance de couleur pourpre), T‑187/19, non publié, EU:T:2020:405, point 92 et jurisprudence citée].

31      Enfin, il importe de souligner  que la charge de la preuve imposée au titulaire de la marque contestée de démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque ne doit pas être déraisonnable. Cette exigence fait partie des principes généraux de droit de l’Union et, notamment, du droit à une bonne administration, inscrit également à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 77).

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen unique soulevé par le requérant, lequel se divise, en substance, en deux branches, tirées, la première, d’erreurs dans l’approche suivie par la chambre de recours dans la décision attaquée pour l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée et, la seconde, d’erreurs dans l’appréciation individuelle et globale, effectuée par la chambre de recours, des éléments de preuve présentés par le requérant pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de ladite marque.

 Sur l’approche suivie par la chambre de recours pour l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée (première branche)

33      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a décidé d’examiner d’abord si la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait en Bulgarie, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Slovaquie et en Slovénie (ci-après, ensemble, les « États membres concernés »), en précisant qu’elle ne procéderait à un tel examen pour les autres États membres de l’Union que si le caractère distinctif acquis par l’usage était démontré pour les États membres concernés. Les États membres concernés étaient, conjointement avec Malte, les États membres où le requérant ne possédait pas de boutiques. À cette fin, premièrement, la chambre de recours a examiné les différents éléments de preuve présentés par le requérant individuellement, par pièces ou par groupes de pièces. Deuxièmement, elle a apprécié ces éléments de preuve, de manière globale, par rapport à chacun des États membres concernés. Troisièmement, elle a conclu, au regard de l’ensemble des éléments de preuve présentés par le requérant, que celui-ci n’avait pas démontré que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage dans les États membres concernés et que, partant, l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, n’était pas applicable en l’espèce, sans qu’il soit besoin d’examiner si la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage dans les autres États membres de l’Union.

34      Le requérant soutient, en substance, que la chambre de recours a fondé ses conclusions sur un nombre limité de preuves concernant spécifiquement les États membres concernés et a ainsi omis d’apprécier globalement l’ensemble des éléments de preuve présenté par lui. Ce faisant, la chambre de recours aurait ignoré les enseignements découlant de l’arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier (T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258).

35      L’EUIPO conteste les arguments du requérant.

36      Premièrement, il convient de relever que, comme le Tribunal l’a déjà jugé dans l’arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier (T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258), la chambre de recours pouvait, pour des raisons d’économie de procédure, limiter son analyse aux États membres concernés, en ce sens que, si elle devait considérer que les preuves présentées par le requérant, considérées globalement, ne suffisaient pas à démontrer l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage dans ces États membres, elle pouvait conclure au défaut de caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée sans qu’il soit nécessaire d’analyser si la marque contestée avait acquis un tel caractère dans les autres États membres de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 80).

37      Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument du requérant selon lequel la chambre de recours aurait fondé ses conclusions sur un nombre limité d’éléments de preuve. En effet, à la différence de la décision litigieuse ayant donné lieu à l’arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier (T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258), dans laquelle la chambre de recours s’était limitée à analyser seulement 8 des 68 pièces contenant des preuves présentées par le requérant devant l’EUIPO pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, en ne prenant en considération que les éléments de preuve mentionnant explicitement les États membres concernés, la chambre de recours a, en l’espèce, examiné l’ensemble des éléments de preuve présentés par le requérant, y compris ceux qui ne faisaient pas explicitement référence aux États membres concernés.

38      Troisièmement, contrairement à ce que fait valoir le requérant, aux points 74 à 131 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné si, pour chaque État membre concerné, les éléments de preuve pertinents présentés par le requérant, considérés ensemble, étaient susceptibles de démontrer que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage dans cet État membre. Ce faisant, la chambre de recours a effectué une appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve pertinents, comme l’exige la jurisprudence.

39      Il s’ensuit que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur l’appréciation par la chambre de recours des éléments de preuve présentés par le requérant (seconde branche)

40      Le requérant soutient, en substance, que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs dans l’appréciation des éléments de preuve qu’il avait présentés pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée. Selon lui, l’appréciation globale de l’ensemble de ces éléments de preuve, notamment des preuves concernant la valeur, les parts de marché et l’histoire de la marque contestée, des factures de ventes, des campagnes promotionnelles, des preuves de l’usage de ladite marque sur Internet, des déclarations d’experts, des sondages d’opinions et des preuves concernant des procédures en contrefaçon, démontrerait que ladite marque avait acquis un tel caractère dans l’ensemble de l’Union.

41      L’EUIPO conteste les arguments du requérant.

42      Il convient donc d’examiner si la chambre de recours a effectué une appréciation correcte des éléments de preuve présentés par le requérant.

 Sur la valeur et les parts de marché de la « brand » du requérant

43      Le requérant soutient, en substance, que les pièces nos 1 à 4 du dossier administratif démontrent qu’il était l’une des entreprises les plus connues dans le domaine des produits de luxe, ainsi que l’un des acteurs les plus importants de l’industrie des produits de maroquinerie, sur le marché européen.

44      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que ces preuves n’étayaient pas le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, au motif, premièrement, qu’elles ne faisaient pas référence spécifiquement à la marque contestée et, deuxièmement, qu’elles faisaient référence au marché des produits de marques de luxe, alors que les produits couverts par la marque contestée visaient le grand public.

45      À cet égard, il y a lieu de relever que les pièces nos 1 à 3 du dossier administratif contiennent des extraits des classements des « brands » ayant le plus de valeur au niveau mondial et au niveau européen pour la période entre 2008 et 2015, élaborés par des analystes de marché, tels que BrandZ, Interbrand et Eurobrand, ainsi que des classements des « brands » par secteur, y compris pour la catégorie « luxe ». Ces classements, dont l’exactitude n’est pas contestée, démontrent que, pendant cette période, la « brand » du requérant était l’une des « brands » ayant le plus de valeur à l’échelle mondiale et européenne, et que le requérant était l’une des entreprises du secteur des produits de luxe les plus connues dans le monde. La pièce no 4 du dossier administratif contient des données, non contestées, relatives aux parts de marché, recueillies par Euromonitor, dans le secteur des « sacs et bagages » (produits de la classe 18), entre 2008 et 2014, avec des données pour l’Europe de l’Ouest et pour l’Europe de l’Est. Cette information démontre que, pendant cette période, le requérant était le plus important vendeur de sacs et de bagages en Europe de l’Ouest et le deuxième le plus important en Europe de l’Est (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 86).

46      Premièrement, il y a lieu de noter, comme le soutient le requérant, que c’est à tort que la chambre de recours a écarté la pertinence de l’ensemble de ces classements et de ces données au motif qu’ils concernaient le marché des produits de marques de luxe. En effet, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours, la portée de ces classements et de ces données ne se limite pas au secteur du luxe. Comme il a été relevé au point 45 ci-dessus, les classements figurant dans les pièces no 1 à 3 du dossier administratif incluent tant des « brands » de luxe que des « brands » ne relevant pas de cette catégorie, alors que la pièce no 4 dudit dossier recense les parts de marché des vendeurs de sacs et bagages tant de luxe que de ceux qui ne relèvent pas de cette catégorie.

47      Par ailleurs, la circonstance que les produits couverts par la marque contestée visent le grand public n’ôte en rien la pertinence du fait que, conformément à la stratégie marketing du requérant, la marque contestée soit positionnée dans le segment du luxe. En effet, comme le soutient à juste titre le requérant, même les consommateurs du grand public qui ne peuvent pas se permettre d’acheter des produits de marques de luxe sont souvent exposés à celles-ci et familiarisés avec elles. Le fait qu’une marque figure parmi les marques de luxe les plus connues peut donc, en principe, être pertinent aux fins de l’appréciation de la perception de celle-ci par le grand public.

48      Deuxièmement, comme le fait valoir le requérant, ces preuves revêtent une certaine pertinence en ce qui concerne leur portée géographique, en ce qu’elles concernent le marché européen en général et celui de l’Europe de l’Est en particulier, région dans laquelle se trouvent les États membres concernés.

49      Toutefois, il importe de relever, troisièmement, à l’instar de la chambre de recours, que les pièces nos 1 à 4 du dossier administratif ne font pas référence spécifiquement à la marque contestée. En effet, ni les classements contenus dans les pièces nos 1 à 3 dudit dossier ni les données relatives aux parts de marché figurant dans la pièce no 4 de celui-ci ne distinguent entre les différentes marques du requérant.

50      Dans ces circonstances, si, certes, ces preuves peuvent, le cas échéant, constituer tout au plus un élément de contexte, dont il peut être tenu compte lors de l’appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve présentés, il n’en demeure pas moins qu’elles n’apportent pas d’information directe et concrète sur la marque contestée, qu’elle soit prise isolément ou en combinaison avec une autre marque du requérant, étant rappelé que la charge de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage repose sur ce dernier (voir point 20 ci-dessus).

 Sur les informations concernant l’histoire de la marque contestée

51      Le requérant fait valoir, en substance, que la pièce no 5 du dossier administratif, laquelle contient un document interne de l’entreprise du requérant et des extraits de magazines portant sur son histoire, ainsi que sur celle du motif à damier et de la marque contestée, conjointement avec les autres preuves qu’il a présentées, démontre que le public pertinent a été fortement exposé à la marque contestée.

52      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, en substance, que ces preuves ne fournissaient aucune information quant à la question de savoir si le public pertinent percevait la marque contestée comme une marque.

53      À cet égard, d’une part, il suffit de constater qu’un document interne, comme tel, ne renseigne en rien quant à la perception du public pertinent de la marque contestée. D’autre part, s’agissant des extraits de magazines, le requérant n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que ceux-ci ont été distribués ou diffusés auprès du public pertinent dans les États membres concernés ou que celui-ci en a pris connaissance par d’autres moyens. Partant, contrairement à ce que prétend le requérant, la chambre de recours a écarté, sans commettre d’erreur, la pertinence de ces documents.

 Sur les factures de ventes

54      Le requérant soutient, en substance, que la pièce no 7 du dossier administratif, laquelle contient une sélection de factures correspondant à des ventes de produits de la classe 18 portant la marque contestée réalisées à des personnes domiciliées dans les États membres concernés, conjointement avec les autres preuves qu’il a présentées, démontre que le public pertinent a été fortement exposé à la marque contestée.

55      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que cette pièce ne contenait qu’un « très faible » nombre de factures concernant des ventes à des personnes domiciliées dans les États membres concernés, plus concrètement, environ 200 pour la Slovaquie, 30 pour la Bulgarie et 20 pour l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovénie. Selon la chambre de recours, un tel nombre de factures ne suffit pas pour établir que le public pertinent dans les États membres concernés reconnaît, en raison d’un usage intensif et étendu de la marque contestée, l’origine commerciale des produits visés lorsqu’il est confronté à cette marque.

56      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les éléments de preuve relatifs au volume de ventes des produits ou des services portant une marque, y compris les factures de ventes, peuvent être pris en considération aux fins de démontrer qu’une marque a acquis un caractère distinctif par son usage, dans la mesure où ils peuvent corroborer d’autres éléments de preuve tels que des déclarations d’associations professionnelles ou des études de marché [voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2013, Germans Boada/OHMI (Carrelette manuelle), T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, points 74 et 75].

57      En l’espèce, si le requérant ne conteste pas la matérialité des constatations résumées au point 55 ci-dessus, il fait toutefois valoir qu’il s’agit d’une « sélection » de factures, de sorte que le volume réel des ventes de produits de la classe 18 portant la marque contestée à des personnes domiciliées dans les États membres concernés est, en réalité, plus élevé.

58      Un tel argument général ne saurait pourtant remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours de cet élément de preuve. En effet, il appartient au requérant de présenter les éléments de preuve suffisants pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, y compris en sélectionnant un échantillon de factures représentatif de ses activités dans l’ensemble de l’Union.

59      Cela étant, d’une part, il convient également de tenir compte du fait, soulevé à bon escient par le requérant, que le faible nombre de factures en ce qui concerne les États membres concernés pourrait s’expliquer, en partie, par la circonstance que le requérant ne possède pas de boutiques dans ces États membres. Ainsi, lesdites factures se rapportent, en réalité, à des ventes réalisées dans l’une de ses boutiques situées dans un autre État membre à des personnes ayant indiqué, lors de l’achat, être domiciliées dans un État membre concerné.

60      D’autre part, la connaissance, par le public pertinent, d’une marque de luxe n’est pas nécessairement proportionnelle au volume des ventes des produits revêtus de cette marque. En effet, dans la mesure où les marques de luxe poursuivent une stratégie marketing basée sur la rareté ou l’exclusivité, comme en l’espèce, le public pertinent est susceptible d’en avoir connaissance, alors même qu’il n’achète pas des produits portant ces marques.

61      Il s’ensuit que ces factures ne suffisaient pas, en soi, pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres concernés. Toutefois, il n’y a pas lieu d’écarter leur pertinence dans le cadre de l’appréciation globale des éléments de preuve présentés par le requérant.

 Sur les extraits de catalogues, les campagnes promotionnelles et la couverture médiatique de la marque contestée

62      Le requérant fait valoir, en substance, que les pièces nos 8 à 39 du dossier administratif, lesquelles contiennent notamment des extraits de catalogues et de brochures, des informations sur ses campagnes promotionnelles et ses plans médias dans des magazines de mode, ainsi que des coupures de presse montrant des images de produits de la classe 18 portant la marque contestée, conjointement avec les autres preuves qu’il a présentées, démontrent que le public pertinent a été fortement exposé à la marque contestée.

63      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a examiné ces preuves ensemble et a relevé, en substance, que celles-ci démontraient que la principale stratégie commerciale et promotionnelle du requérant visait des États membres autres que les États membres concernés. Selon la chambre de recours, cette conclusion était corroborée, notamment, par le contenu et la langue des magazines et des catalogues contenant des images de produits de la classe 18 portant la marque contestée.

64      À titre liminaire, il convient de rappeler que les éléments de preuve portant sur des campagnes promotionnelles d’une marque dans la presse, à la radio ou à la télévision, ainsi que des extraits de catalogues et de brochures contenant des images de produits portant ladite marque, sont susceptibles de constituer des indices allant dans le sens de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, bet365 Group/EUIPO – Hansen (BET 365), T‑304/16, EU:T:2017:912, point 71].

65      En outre, il y a lieu de préciser que, en fonction de la stratégie marketing de l’entreprise concernée ou de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre certains États membres, de telles campagnes promotionnelles peuvent cibler plusieurs États membres ou être diffusées simultanément dans l’aire médiatique de ces États membres. S’agissant de l’intensité de l’usage de la marque en cause dans de tels médias, le titulaire de celle-ci peut présenter des informations susceptibles de démontrer qu’une partie significative du public pertinent de ces États membres a été exposée auxdites campagnes promotionnelles, concernant par exemple le nombre de revues ou de magazines distribués dans lesdits États membres, la fréquence et les heures auxquelles ont été diffusées des annonces sur des chaînes de télévision ou de radio et des statistiques sur le volume de l’audience atteinte.

66      En l’espèce, il importe de souligner, à l’instar du requérant, que le fait que certains des éléments de preuve figurant dans les pièces nos 8 à 39 du dossier administratif contiennent des éléments de texte en langues autres que les langues officielles des États membres concernés ne signifie pas, en soi, qu’ils sont dépourvus de toute pertinence pour le public pertinent desdits États. En effet, d’une part, des publications promotionnelles de produits de mode, comme celles de l’espèce, se focalisent souvent sur des images plutôt que sur le texte. D’autre part, il ne saurait être exclu d’emblée que le public pertinent de ces États membres maîtrise à suffisance une langue autre que la langue officielle de ceux-ci.

67      Cela étant précisé, premièrement, il convient de relever que les fiches d’information contenues dans la pièce no 8 du dossier administratif sont marquées comme étant « Strictly confidential » ou « For internal use only » et que la déclaration contenue dans la pièce no 10 du dossier administratif est un document interne du requérant préparé dans le cadre de la présente procédure. Or, le requérant n’a pas démontré que ces documents ont été rendus publics ou que le public pertinent dans les États membres concernés a été exposé à ceux-ci.

68      Deuxièmement, le requérant n’a pas démontré que les catalogues et les brochures figurant dans les pièces no 9 et 11 à 13 du dossier administratif auraient été diffusés dans l’un ou l’autre des États membres concernés. Au contraire, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, leur contenu suggère que tel n’a pas été le cas. En particulier, le catalogue figurant dans la pièce no 11 du dossier administratif et un des catalogues figurant dans la pièce no 12 du dossier administratif contiennent des listes de prix applicables dans des États membres autres que les États membres concernés.

69      Troisièmement, tant les campagnes promotionnelles et les plans médias dans des magazines décrits dans les pièces no 14 à 22 du dossier administratif que les coupures de presse contenues dans les pièces no 23 à 39 dudit dossier visent spécifiquement le public pertinent de certains États membres autres que les États membres concernés. Or, le requérant n’a avancé aucun élément concret susceptible de démontrer, notamment, que ces campagnes promotionnelles ou ces magazines ont été également diffusés dans l’un ou l’autre des États membres concernés, ou que le public pertinent dans ces États membres y a été exposé par d’autres moyens (voir point 65 ci-dessus).

70      Par ailleurs, la simple possibilité, soulevée par le requérant, que le public pertinent dans les États membres concernés ait pu être exposé à ces campagnes promotionnelles ou à ces magazines, par exemple, lors de voyages dans les États membres ayant connu une diffusion de ceux-ci, ne saurait suffire pour démontrer la pertinence de ces éléments de preuve pour l’appréciation de la perception du public pertinent dans les États membres concernés.

71      Il s’ensuit que les éléments de preuve figurant dans les pièces nos 8 à 39 du dossier administratif ne sauraient être considérés comme étant pertinents pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres concernés.

 Sur les déclarations concernant la distribution de magazines contenant des annonces de produits de la classe 18 revêtus de la marque contestée dans les États membres concernés

72      Le requérant soutient, en substance, que la pièce no 41 du dossier administratif, laquelle contient des informations concernant la distribution de magazines contenant des annonces de produits de la classe 18 portant la marque contestée dans les États membres concernés, conjointement avec les autres preuves qu’il a présentées, démontre que le public pertinent de ces États membres a été fortement exposé à la marque contestée.

73      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, d’une part, que le nombre d’exemplaires de tels magazines distribués dans les États membres concernés était « faible » et, d’autre part, que, selon les dires de ces déclarations, lesdits exemplaires auraient été « distribués » dans les États membres concernés, mais n’auraient que rarement été vendus aux consommateurs finals, ce qui donnerait l’impression que, souvent, ces exemplaires n’auraient pas atteint ces derniers, mais auraient davantage été distribués aux consommateurs professionnels.

74      Il convient de relever que cette pièce contient plusieurs déclarations de représentants légaux de magazines spécialisés dans le secteur de la mode tels que Marie-Claire, Elle, Glamour, GQ, Madame Figaro, Vanity Fair et Vogue, selon lesquelles des exemplaires de ces magazines contenant des annonces de produits de la classe 18 portant la marque contestée ont été distribués dans les États membres concernés au cours des années 2008 à 2010, comme suit : au moins 14 010 exemplaires en Estonie, 1 613 en Slovénie, 1 250 en Bulgarie, 780 en Slovaquie, 650 en Lettonie et 200 en Lituanie.

75      À cet égard, il y a lieu de faire observer, à l’instar du requérant, que les magazines mentionnés sont des magazines spécialisés dans le secteur de la mode et que les déclarations de leurs représentants légaux, dont la valeur probante n’est pas contestée, fournissent des informations en ce qui concerne la distribution de ceux-ci dans les États membres concernés.

76      En outre, la distinction que la chambre de recours semble opérer entre des exemplaires de magazines « distribués » et « vendus aux consommateurs finals » n’est pas claire. En tout état de cause, l’affirmation de la chambre de recours d’après laquelle lesdits exemplaires de magazines auraient été vendus à des consommateurs professionnels, et non directement aux consommateurs finals, ne ressort pas de la teneur de ces déclarations.

77      Cela étant, comme la chambre de recours l’a, en substance, relevé, le faible nombre d’exemplaires de tels magazines distribués dans ces États membres suggère que les campagnes promotionnelles menées par le requérant dans les pages desdits magazines n’ont pas atteint une partie significative du public pertinent des États membres concernés. Cette appréciation doit néanmoins être nuancée en ce qui concerne l’Estonie, où au moins 14 010 exemplaires de tels magazines ont été distribués, ce qui n’est pas négligeable, compte tenu de la petite taille du marché estonien. En outre, il convient de relever que, parmi ces exemplaires, 13 000 correspondaient à des exemplaires de la version estonienne du magazine Marie-Claire.

 Sur les éléments de preuve concernant l’usage de la marque contestée sur Internet

78      Le requérant fait valoir, en substance, que les pièces no 40 et 42 à 46 du dossier administratif, lesquelles contiennent plusieurs éléments de preuve concernant l’usage de la marque contestée en ligne, démontrent que le public pertinent a été fortement exposé à ladite marque sur Internet.

79      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, en substance, que ces éléments de preuve soit n’étaient pas pertinents soit étaient insuffisants pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres concernés.

80      À titre liminaire, il convient de souligner que, avec l’essor du commerce électronique et, plus généralement, l’importance croissante de l’Internet dans la vie des affaires, la perception du public pertinent peut, de nos jours, être largement influencée par la présence et la promotion d’une marque dans l’espace virtuel. De tels éléments de preuve sont ainsi susceptibles de jouer un rôle de plus en plus important dans l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque. Pour que ce type d’éléments de preuve soit toutefois pertinent à cette fin, le titulaire de la marque en cause doit démontrer que les sites Internet en cause et, en particulier, les pages Internet sur lesquelles ladite marque a été affichée, promue ou commercialisée, ciblent ou sont consultés par une partie significative du public pertinent des États membres dans lesquels la marque est dépourvue ab initio de caractère distinctif intrinsèque.

81      À cette fin, il convient de prendre en compte notamment les domaines de premier niveau des sites Internet en cause, leur langue et leur contenu.

82      Ainsi, par exemple, le fait que le domaine de premier niveau et la langue d’un site Internet soient associés à un État membre déterminé est un indice du fait que ce site vise spécifiquement le public pertinent de cet État membre. Lorsque le domaine de premier niveau n’est pas associé à un État membre déterminé, par exemple « .com », « .eu », «.net », ou lorsque ce site s’affiche en plusieurs langues dont la langue officielle de l’État membre concerné, ou encore lorsque la langue dudit site est comprise par une partie significative de cet État membre, les éléments de preuve figurant sur celui-ci peuvent être pertinents pour apprécier la perception du public pertinent dudit État membre. Il en va de même en ce qui concerne certains réseaux ou médias sociaux répandus sur l’ensemble du territoire de l’Union. En outre, pour prouver l’intensité de l’utilisation de la marque sur de tels sites, le titulaire de celle-ci doit démontrer, par exemple par la présentation d’un rapport d’analyse du trafic sur ce site pendant la période pertinente, qu’un nombre important d’internautes de l’État membre concerné a consulté ou interagi avec le contenu du site Internet en cause. Peuvent ainsi être prises en considération, à titre d’exemples, les données relatives au nombre de visites sur ledit site Internet, de commentaires ou d’autres formes d’interactions des internautes de l’État membre concerné.

83      En outre, des preuves montrant que les algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux affichent des résultats de recherche non-sponsorisés renvoyant systématiquement, pour des termes de recherches décrivant la marque en cause, aux produits du titulaire de celle-ci, peuvent aussi revêtir une pertinence.

84      En revanche, le simple fait qu’un site Internet sur lequel la marque en cause a été promue soit accessible dans certains États membres ne suffit pas pour démontrer qu’une partie significative du public pertinent de ces États membres a été exposée à ladite marque. En effet, la simple existence d’un site Internet n’est pas susceptible d’établir l’intensité de l’utilisation d’une marque ou de l’exposition du public pertinent à celle-ci [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 novembre 2014, Out of the blue/OHMI – Dubois et autre (FUNNY BANDS), T‑344/13, non publié, EU:T:2014:974, point 29].

85      En l’espèce, s’agissant, premièrement, de la pièce no 40 du dossier administratif, celle-ci contient des impressions de deux sites Internet slovaques en langue slovaque, à savoir les sites « www.moda.sk » et « www.modneinspiracie.sk », contenant des images de produits de la classe 18 portant la marque contestée.

86      S’il est vrai, comme le soutient le requérant, que les sites Internet précités ciblaient le public pertinent slovaque, comme en témoignent les domaines de premier niveau et la langue utilisée, il n’en reste pas moins que le requérant n’a présenté aucune information concernant l’intensité de l’usage de la marque sur ces sites, telle que le nombre de visites ou d’interactions avec leur contenu pendant la période concernée (voir points 80 à 82 ci-dessus). Ces éléments de preuve ne permettent donc pas, en tant que tels, d’établir si une partie significative du public pertinent slovaque a été exposée à la marque contestée.

87      Deuxièmement, la pièce no 42 du dossier administratif contient des statistiques relatives à la part de la population utilisant Internet pendant la période de 2000 à 2014, au niveau mondial et par pays. Or, ces données ne fournissent aucune information quant à la perception du public pertinent de la marque contestée et sont donc dépourvues de pertinence.

88      Troisièmement, la pièce no 43 du dossier administratif contient des résultats d’une recherche sur la section d’images du site Internet « www.google.it » utilisant les mots-clés « Damier Azur ». Or, cet élément de preuve se rapporte à un site Internet dont le domaine de premier niveau est associé à l’Italie, les résultats de la recherche étant également affichés en italien. Le requérant reste en défaut d’expliquer en quoi cet élément de preuve serait pertinent pour le public pertinent des États membres concernés (voir points 80 à 82 ci-dessus).

89      Quatrièmement, la pièce no 44 du dossier administratif contient un rapport élaboré par LexisNexis sur l’utilisation des mots-clés « Damier Azur » sur les réseaux sociaux pendant la période relevant du 1er avril au 30 juin 2015. Ce rapport montre que ces mots avaient été utilisés à 1 745 reprises notamment sur Twitter, et que, dans 99 % des cas, ils étaient associés aux produits du requérant. En outre, ledit rapport montre qu’environ 1 % du nombre total de références à ces mots sur les réseaux sociaux en général provenaient d’internautes bulgares, alors qu’environ 1 % du nombre total de références à ces mots sur Twitter en particulier provenaient d’internautes slovaques. Les autres références à ces mots examinées dans ce rapport provenaient d’internautes d’États membres autres que les États membres concernés.

90      À cet égard, il importe de relever que si, en principe, le fait qu’un algorithme d’un moteur de recherche ou d’un réseau social associe la dénomination de la marque contestée et les produits fabriqués par le titulaire de celle-ci peut être un indice pertinent aux fins de l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque (voir point 83 ci-dessus), il n’en reste pas moins que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, au vu des faibles pourcentages des données concernant le public pertinent bulgare et slovaque, et compte tenu du faible nombre de reprises des mots-clés en cause, ledit élément de preuve ne démontrait pas une exposition d’une partie significative de ce public à la marque contestée.

91      Cinquièmement, la pièce no 45 du dossier administratif contient un rapport élaboré par Sprinklr sur l’utilisation des mots-clés « Damier Azur » sur les réseaux sociaux pendant la période relevant du 22 septembre 2015 au 19 janvier 2016. Ce rapport montre, notamment, que les images qui accompagnaient le plus souvent l’expression « Damier Azur » sur Instagram étaient des images des produits du requérant et que ces mots étaient utilisés le plus souvent par des vendeurs de faux produits du requérant ou de produits d’occasion de celui-ci.

92      Pourtant, comme l’a relevé la chambre de recours, ce rapport ne contient que des données au niveau mondial et ne fait pas de distinction entre les pays d’origine des internautes ayant utilisé les mots-clés « Damier Azur ». S’il n’est certes pas exclu que de telles données, de par leur échelle internationale, englobent également les États membres concernés, il n’en reste pas moins qu’elles ne renseignent pas concrètement sur la perception de la marque contestée par le public pertinent dans ces États membres.

93      Sixièmement, la pièce no 46 du dossier administratif contient des coupures de presse et des captures d’écran de sites Internet contenant des photographies de célébrités, portant des produits de la classe 18 revêtus de la marque contestée.

94      À cet égard, il convient de relever que les coupures de presse proviennent de plusieurs magazines en version papier originaires de l’Autriche, de l’Espagne, de la France, de la Hongrie, de l’Italie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède. Or, en l’absence d’arguments ou d’éléments étayés montrant que ces magazines ou ces images auraient été diffusés auprès du public pertinent dans les États membres concernés, ou que celui-ci en aurait pris connaissance par d’autres moyens, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré qu’ils ne visaient pas principalement ces États membres.

95      Quant aux captures d’écran de sites Internet, il y a lieu de constater, tout d’abord, que certains, tels que les sites « www.cas.sk » et « www.lesk.sk » visent spécifiquement le public pertinent slovaque. Pourtant, le requérant reste en défaut de présenter des données relatives à l’intensité de l’usage de la marque contestée sur ces sites Internet.

96      Ensuite, certains sites, à savoir « www.google.fr », « www.dailymail.co.uk », « www.sina.com.cn », « www.herald.ie » et « www.stylosophy.it », sont associés à des pays autres que les États membres concernés. Comme il ressort du point 82 ci-dessus, ceci constitue un indice du fait que ces sites ne visaient pas le public pertinent dans les États membres concernés.

97      Enfin, en ce qui concerne les sites dont le domaine de premier niveau est général, à savoir « www.upscalehype.com », « www.coolspotters.com », « www.bloguez.com », « www.bagbliss.com » et « www.styleestate.com », il suffit de constater que le requérant n’a présenté aucun élément étayé démontrant qu’une partie du public pertinent des États membres concernés les aurait consultés. Partant, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir considéré qu’ils ne visaient pas principalement ces derniers États membres (voir point 82 ci-dessus).

 Sur les déclarations d’experts

98      Le requérant soutient, en substance, que les déclarations d’experts figurant dans les pièces nos 47 à 57 du dossier administratif confirment qu’une partie importante des consommateurs de l’Union associe la marque contestée au requérant.

99      À cet égard, il convient de rappeler que les déclarations sous serment notamment de chambres de commerce et d’industrie, d’autres associations professionnelles ou organismes indépendants, ou d’autorités publiques, portant sur la perception d’une marque par le public pertinent, constituent des preuves « directes » de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, en particulier lorsqu’elles émanent de sources indépendantes et leur contenu est sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42 ; du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, EU:T:2009:417, points 54 à 56, et du 29 janvier 2013, Carrelette manuelle, T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, points 74 et 75].

100    En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que les pièces nos 47 à 49 et 51 à 57 du dossier administratif contiennent des déclarations d’experts en propriété intellectuelle et en mode provenant de la France, du Danemark, de l’Italie, de l’Espagne, de la Finlande, du Portugal, du Royaume-Uni, de la Pologne et de l’Allemagne. Or, il convient de relever, contrairement à ce que soutient le requérant, que, dans la mesure où ces déclarations portaient spécifiquement sur la perception du public pertinent dans les États membres susmentionnés, la chambre de recours pouvait à juste titre les écarter comme non pertinentes.

101    Deuxièmement, la pièce no 50 du dossier administratif contient deux déclarations rédigées en des termes identiques, datées de novembre 2015, l’une d’un représentant d’un organisme indépendant estonien d’experts en propriété intellectuelle (à savoir l’Estonian Intellectual Property and Technology Transfer Centre) et l’autre d’un représentant d’un magazine estonien (à savoir Cosmopolitan Estonia). Ces déclarations affirment, en substance, que le requérant avait fait un usage intensif de la marque contestée en Estonie en lien avec des produits de la classe 18 depuis l’année 2008, et que les consommateurs estoniens percevaient celle-ci comme étant une marque et l’associaient au requérant.

102    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que cet élément de preuve n’avait qu’une valeur probante limitée en raison des contradictions contenues dans ces déclarations. En outre, selon elle, les pièces no 7 et 41 du dossier administratif montraient tout au plus un usage ponctuel et non de longue durée de la marque contestée en Estonie.

103    À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que ni la chambre de recours ni l’EUIPO n’ont contesté l’indépendance des auteurs de ces déclarations à l’égard du requérant, leur expertise ou leur réputation.

104    Ensuite, il y a lieu de relever, à l’instar du requérant, que le contenu de ces déclarations est clair, et que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, il n’existe aucune contradiction dans celles-ci. En effet, celles-ci sont rédigées comme suit : « [J]e crois qu[e] [les consommateurs] considéreront le motif “Damier” de Louis Vuitton Malletier représenté ci-dessous comme une marque » et « [J]e suis certain qu’en voyant des produits de maroquinerie arborant ce motif, les consommateurs estoniens n’hésiteraient pas à les associer à Louis Vuitton Malletier ».

105    La lecture globale de ces déclarations démontre que l’utilisation des mots « croire » et « être certain » n’est aucunement contradictoire, comme l’a constaté la chambre de recours. En effet, les signataires de celles-ci ont clairement exprimé leur conviction que la marque contestée serait perçue par le public pertinent estonien comme une marque, en particulier, comme une indication que les produits en cause étaient des produits du requérant. Il ressort ainsi, sans doute possible, de la teneur de ces déclarations que le requérant avait fait un usage de la marque contestée en Estonie en lien avec des produits de la classe 18 depuis l’année 2008 de nature à créer auprès du public pertinent de cet État Membre, d’une part, une perception de la marque contestée en tant que marque et, d’autre part, un lien entre cette marque et l’origine commerciale des produits visés comme provenant du requérant.

106    C’est également à juste titre que le requérant fait valoir que le fait que ces déclarations ont un contenu identique n’est pas de nature à amoindrir leur valeur probante. En effet, selon la jurisprudence, le fait qu’une déclaration sous serment ait été formulée à la suite de la demande d’une partie et que celle-ci ait éventuellement coordonné sa préparation n’infirme pas, en soi, son contenu et sa valeur probante, étant donné que, en l’absence de preuve contraire, il y lieu de présumer que le signataire de la déclaration l’a signée de son plein gré et en assume le contenu (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune, T‑137/08, EU:T:2009:417, points 50 et 51).

107    Enfin, conformément à la jurisprudence rappelée au point 99 ci-dessus, des déclarations sous serment constituent des preuves « directes » de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage,  en particulier lorsqu’elles émanent de sources indépendantes et leur contenu est sensé et fiable. Tel est le cas des déclarations d’experts en cause.

108    Cette conclusion n’est aucunement remise en cause par le renvoi opéré par la chambre de recours aux pièces no 7 et 41 du dossier administratif. En effet, l’articulation entre les différents éléments de preuve n’est pertinente que dans le cadre de l’appréciation globale de ceux-ci.

109    Partant, c’est à tort que la chambre de recours a nié la valeur probante élevée des déclarations figurant dans la pièce no 50 du dossier administratif.

 Sur les sondages d’opinions

110    Le requérant fait valoir, en substance, que les sondages figurant dans les pièces no 58 et 59 du dossier administratif confirment qu’une partie importante des consommateurs de l’Union associe la marque contestée au requérant.

111    À cet égard, il convient de rappeler que les sondages d’opinions ou les études de marché visant à déterminer quelle partie du public pertinent associe la marque en cause à l’entreprise concernée constituent des preuves « directes » pour prouver l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, en particulier lorsqu’ils contiennent des questions non orientées et sont basés sur un échantillon représentatif [voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2013, Carrelette manuelle, T‑25/11, non publié, EU:T:2013:40, points 74, 75 et 88, et du 19 juin 2019, adidas/EUIPO – Shoe Branding Europe (Représentation de trois bandes parallèles), T‑307/17, EU:T:2019:427, point 131].

112    De tels sondages d’opinions ou études de marché peuvent porter, selon le cas, sur la perception du public pertinent d’un seul État membre ou de plusieurs États membres pris conjointement, ou encore d’une région de l’Union, lorsque notamment les opérateurs économiques ont regroupé plusieurs États membres au sein du même réseau de distribution et ont traité ces États membres, en particulier du point de vue de leurs stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché ou lorsque, en raison de la proximité géographique, culturelle ou linguistique entre certains États membres, le public pertinent desdits États membres possède une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur le marché national des autres (voir la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus).

113    En l’espèce, les sondages figurant dans les pièces no 58 et 59 du dossier administratif, réalisés par IPSOS, avaient pour objet de déterminer si le public pertinent en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Suède et aux Pays-Bas associait la marque contestée au requérant. Partant, contrairement à ce que soutient le requérant, dans la mesure où ces sondages portaient spécifiquement sur la perception du public pertinent dans les États membres susmentionnés, et où le requérant n’a présenté aucun argument ou élément étayé montrant que ceux-ci étaient aussi pertinents aux fins de l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres concernés, la chambre de recours pouvait à juste titre les écarter comme non pertinents.

 Sur les éléments de preuve concernant des procédures en contrefaçon

114    Le requérant soutient, en substance, que les éléments de preuve relatifs aux procédures en contrefaçon concernant la marque contestée figurant dans les pièces no 61 à 65 et 67 à 69 du dossier administratif confirment qu’une partie importante des consommateurs de l’Union associe la marque contestée au requérant.

115    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, en substance, que ces éléments de preuve soit n’étaient pas pertinents soit étaient insuffisants pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres concernés.

116    À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, et ainsi qu’en conviennent les parties, que les éléments de preuve relatifs aux procédures en contrefaçon concernant la marque en cause peuvent être pertinents aux fins de l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de celle-ci.

117    En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que la pièce no 61 du dossier administratif contient une déclaration délivrée par le juriste en propriété intellectuelle du requérant portant sur des produits de la classe 18 portant la marque contestée saisis dans le cadre de procédures en contrefaçon en Slovénie, en Hongrie, en France, au Danemark, en République tchèque et en Bulgarie. En particulier, selon cette déclaration, de tels produits auraient été saisis en Slovénie entre 2009 et 2015, et en Bulgarie en 2015, les annexes A et F de ladite déclaration contenant plusieurs images de tels produits saisis dans ces États membres.

118    Or, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que cette déclaration ne contient aucune indication en ce qui concerne le volume et la fréquence desdites saisies dans les États membres susmentionnés. En l’absence de telles indications, et à supposer même que de tels produits mis sur le marché d’un État membre puissent se retrouver sur le marché d’un autre, comme le fait valoir le requérant, ces éléments de preuve et arguments demeurent trop généraux et peu étayés.

119    Deuxièmement, les pièces no 62 à 65 du dossier administratif contiennent des déclarations d’autorités publiques indépendantes du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Italie portant notamment sur des procédures pénales pour contrefaçon de la marque contestée, sur des saisies de produits portant cette marque, ainsi que sur le caractère distinctif de la marque contestée et la perception de celle-ci par le public pertinent dans ces pays, notamment en ce qui concerne le lien que ce public établissait entre cette marque et le requérant, alors que la pièce no 68 dudit dossier contient une comparaison entre des produits originaux de la classe 18 portant la marque contestée et des produits saisis dans le tunnel sous la Manche. Les pièces no 67 et 70 du même dossier contiennent, respectivement, des décisions du Sąd Rejonowy w Pruszkowie, II Wydział Karny (tribunal d’arrondissement de Pruszków, division pénale II, Pologne) et du Sąd Okręgowy w Warszawie, X Wydział Karny Odwoławczy (tribunal régional de Varsovie, division pénale de recours X, Pologne) dans le cadre d’une procédure pénale de contrefaçon à l’encontre du demandeur en nullité, accompagnées de leur traduction en anglais, et des images de sacs à rabat, de portefeuilles et de sacs avec fermeture éclair disponibles sur le marché. Or, le requérant reste en défaut de préciser en quoi ces éléments de preuve seraient pertinents pour apprécier la perception de la marque contestée par le public pertinent des États membres concernés.

120    Troisièmement, la pièce no 69 du dossier administratif contient des images de produits portant la marque contestée qui, selon le requérant, sont des produits de contrefaçon, figurant sur plusieurs sites Internet, à savoir, d’une part, « www.amazon.fr », « www.marktplaats.nl », « www.olx.pt » et « www.olx.ro », et, d’autre part, « www.milanuncios.com », « www.amazon.com », « www.instagram.com », « www.gumtree.com » et « www.etsy.com ». À cet égard, les mêmes considérations que celles exposées aux points 96 et 97 ci-dessus s’appliquent mutatis mutandis.

 Sur l’appréciation globale des éléments de preuve présentés par le requérant

–       Sur l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée en Estonie

121    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que le requérant n’avait pas démontré que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage en Estonie.

122    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever que, pour les raisons exposées aux points 101 à 109 ci-dessus, les déclarations sous serment figurant dans la pièce no 50 du dossier administratif ont une valeur probante élevée susceptible de démontrer que la marque contestée a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait en Estonie. En effet, ces déclarations sont des preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée en Estonie, dès lors qu’elles émanent, comme en l’espèce, de sources indépendantes et que leur contenu est sensé et fiable.

123    En second lieu, quant aux autres éléments de preuves pertinents à l’égard du public pertinent dans cet État membre, il convient d’observer que, s’ils ne sont pas, en tant que tels, concluants, ils sont tout de même de nature à corroborer les déclarations sous serment visées au point 122 ci-dessus et, dans l’appréciation globale des éléments de preuve, à contribuer à démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée auprès de ce public.

124    En effet, premièrement, comme il a été relevé aux points 72 à 77 ci-dessus, il ressort de la pièce no 41 du dossier administratif qu’au moins 14 010 exemplaires de magazines renommés dans le secteur de la mode contenant des annonces de produits de la classe 18 portant la marque contestée ont été distribués en Estonie entre 2008 et 2010. Si ce nombre d’exemplaires n’est, certes, pas très élevé, il n’est pas non plus négligeable, compte tenu de la petite taille du marché estonien. Ces éléments de preuve, y compris l’inclusion d’annonces de la marque contestée dans la version estonienne du magazine Marie-Claire, démontrent que le public pertinent estonien a eu une certaine exposition à la marque contestée, par le biais de campagnes publicitaires, et que ces dernières ont, au moins en partie, visé spécifiquement le public pertinent de cet État membre.

125    Deuxièmement, ainsi qu’il a été exposé aux points 43 à 50 ci-dessus, il ressort des pièces no 1 à 4 du dossier administratif que les marques du requérant, prises ensemble, y compris donc la marque contestée, figurent parmi les marques les plus importantes du marché, en particulier en Europe de l’Est. Si, certes, comme il a été souligné au point 50 ci-dessus, ces preuves n’apportent pas d’information directe et concrète sur la perception de la marque contestée en tant que telle par le public pertinent estonien, elles sont tout de même susceptibles de fournir un indice plus général et contextuel du positionnement des marques du requérant dans cette région de l’Union.

126    Troisièmement, le nombre de factures présentées par le requérant dans la pièce no 7 du dossier administratif et correspondant à des ventes de produits de la classe 18 portant la marque contestée à des personnes domiciliées en Estonie est faible. Pourtant, comme il a été relevé au point 59 ci-dessus, ce fait pourrait s’expliquer, en partie, par la circonstance que le requérant ne possède pas de boutiques en Estonie. En outre, lorsqu’il s’agit de marques de luxe, le volume des ventes peut revêtir, en tant que tel, une moindre importance, dans la mesure où ce volume doit être mis en rapport avec le prix desdits produits et l’image d’exclusivité projetée par la marque. En effet, s’agissant de telles marques, il est notoire qu’une partie significative du public pertinent peut être à même d’associer celles-ci à une entreprise donnée, alors même qu’elle ne soit pas en mesure d’acheter ce type de produits.

127    Quatrièmement, la chambre de recours a tort de tirer argument du fait que la plupart des éléments de preuve figurant dans le dossier ne mentionnaient pas explicitement l’Estonie ou, en tout état de cause, ne permettaient pas de tirer de conclusion en ce qui concerne la perception du public pertinent estonien. En effet, le simple fait que le requérant ait présenté d’autres preuves qui ne font pas référence à l’Estonie ne saurait remettre en cause les preuves pertinentes pour cet État membre, d’autant plus que, selon la jurisprudence, le requérant n’est pas obligé d’apporter les mêmes types d’éléments de preuve en ce qui concerne les différents États membres (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2009, Combinaison des couleurs verte et jaune, T‑137/08, EU:T:2009:417, point 39 et jurisprudence citée).

128    L’appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve telle qu’elle résulte des points 121 à 127 ci-dessus amène le Tribunal à conclure que le requérant a démontré à suffisance de droit que la marque contestée a acquis un caractère distinctif par son usage en Estonie.

–       Sur l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les autres États membres concernés

129    Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que le requérant n’avait pas démontré que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage en Lituanie, en Lettonie, en Slovaquie, en Slovénie ou en Bulgarie.

130    En premier lieu, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que les pièces no 7, 40, 41, 44, 46 et 61 du dossier administratif, lesquelles mentionnent spécifiquement la Lituanie, la Lettonie, la Slovaquie, la Slovénie ou la Bulgarie, ne sauraient, prises isolément ou dans leur ensemble, démontrer qu’une partie significative du public pertinent dans ces États membres aurait été exposée à la marque contestée et l’associerait au requérant. En effet, si ces éléments de preuve montrent que des consommateurs provenant de ces États membres ont pu être exposés à la marque contestée, soit ils ne contiennent pas d’informations en ce qui concerne l’intensité de cet usage soit ils attestent d’un usage insuffisant (voir points 54 à 61, 72 à 77, 85, 86, 89, 90, 95, 117 et 118 ci-dessus).

131    En deuxième lieu, s’agissant de tous les autres éléments de preuve qui ne mentionnent pas spécifiquement ces États membres, et notamment des preuves concernant l’usage de la marque contestée sur Internet et les procédures en contrefaçon, ceux-ci ne fournissent aucune information en ce qui concerne l’intensité de l’exposition du public pertinent de ces États membres à la marque contestée.

132    En troisième lieu, si les pièces no 1 à 4 du dossier administratif présentent, certes, des informations de contexte pertinentes notamment pour les États membres de l’Europe de l’Est, elles ne se trouvent pas, en l’espèce, corroborés par les autres éléments de preuve.

133    Partant, c’est sans erreur que la chambre de recours a considéré que le requérant n’avait pas démontré que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage en Lituanie, en Lettonie, en Slovaquie, en Slovénie ou en Bulgarie.

134    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments du requérant.

135    Premièrement, le requérant soutient que l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée effectué dans la décision attaquée est déconnecté de la réalité sociale, car il ignorerait le fait que, dans l’ensemble de l’Union, les consommateurs auraient des comportements homogènes en ce qui concerne les marques de luxe en raison notamment du fait qu’ils voyagent et utilisent Internet régulièrement. Cet argument reste pourtant de nature trop générale. En effet, étant donné que la charge de la preuve de l’acquisition de caractère distinctif par l’usage pèse sur le titulaire de la marque, il lui incombe d’apporter des éléments de preuve concrets et étayés à cette fin (voir point 20 ci-dessus).

136    Deuxièmement, le requérant fait valoir, en substance, que le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée dans les États membres concernés serait corroboré par la proximité géographique et culturelle de la Lettonie et de la Lituanie avec la Pologne et la Suède, d’une part, et de la Bulgarie, de la Slovaquie et de la Slovénie avec la Roumanie, d’autre part, étant précisé que, selon le requérant, la marque avait acquis un tel caractère distinctif auprès des consommateurs en Pologne, en Suède et en Roumanie.

137    Cet argument n’est cependant aucunement étayé. Le requérant n’a présenté aucun élément pour démontrer que, en raison de leur proximité géographique et culturelle, le public pertinent letton et lituanien avait une connaissance suffisante des produits ou des services présents sur les marchés polonais et suédois, ou que le public pertinent bulgare, slovène ou slovaque en avait une telle connaissance du marché roumain, au sens de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus. Le requérant n’a pas non plus démontré, ni même allégué, qu’il avait regroupé ces États membres au sein du même réseau de distribution ou qu’il les avait traités, en particulier du point de vue de ses stratégies marketing, comme s’ils constituaient un seul et même marché.

138    Troisièmement, l’argument du requérant selon lequel le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée en Bulgarie, en Slovaquie et en Slovénie serait corroboré par le fait que ces États membres se trouveraient « dans une zone stratégique pour la circulation de produits de contrefaçon en Europe de l’Est » ne peut prospérer non plus en raison de sa nature trop générale.

139    Quatrièmement, si, certes, le requérant a raison de soutenir que la charge de la preuve qui pèse sur lui pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée ne doit pas être déraisonnable (voir point 31 ci-dessus), les considérations figurant notamment aux points 56, 64, 65, 80 à 84, 99, 111, 112 et 116 ci-dessus démontrent qu’il lui était tout à fait loisible d’apporter différents types et moyens de preuve accessibles concernant soit un seul État membre soit plusieurs États membres, pris conjointement, soit l’ensemble de l’Union, pour autant que ceux-ci soient suffisamment concrets, étayés et crédibles.

140    Il ressort de ce qui précède que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu, à juste titre, que le requérant n’avait pas démontré que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage dans les États membres concernés, sauf en ce qui concerne l’Estonie.

141    Partant, le requérant n’ayant pas démontré, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence citée aux points 24 à 28 ci-dessus, que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par son usage dans l’ensemble des États membres de l’Union, il convient de rejeter la seconde branche du moyen unique soulevé par celui-ci au soutien de ses conclusions en annulation et en réformation, le moyen unique dans son ensemble et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

142    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

143    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Louis Vuitton Malletier est condamné aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.