Language of document : ECLI:EU:T:2014:957

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 novembre 2014 (*)

« Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Contrat concernant le projet Pocemon – Remboursement des sommes avancées – Lettre annonçant l’émission d’une note de débit – Lettre de rappel – Défaut d’intérêt à agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑17/13,

ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me V. Christianos, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et A. Cordewener, en qualité d’agents, assistés de Me S. Drakakakis, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé au titre de l’article 272 TFUE, visant à obtenir du Tribunal qu’il constate, premièrement, que la requérante n’est pas tenue de rembourser l’intégralité de la somme que la Commission lui a versée au titre du projet Pocemon, conclu dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), deuxièmement, que la requérante n’est pas tenue de verser une indemnité forfaitaire au titre dudit projet, troisièmement, que la Commission n’est pas en droit de procéder à la compensation des sommes qu’elle doit à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias, est une société de droit grec, ayant pour objet la commercialisation et la production de produits métalliques, ainsi que de produits, de dispositifs et d’appareils électroniques et de télécommunications. Depuis plusieurs années, la requérante a participé à l’exécution de plusieurs projets subventionnés par la Communauté européenne ou par l’Union européenne.

2        Conformément au règlement (CE) n° 1906/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013) (JO L 391, p. 1) et dans le cadre défini par la décision 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO L 412, p. 1), la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté, a conclu, le 19 décembre 2007, avec le coordinateur du consortium dont a fait partie la requérante, la convention de subvention n° 216088 pour le financement du projet intitulé « plate-forme de suivi et de diagnostic pour les maladies auto-immunes » (ci-après « Pocemon »).

3        Les conditions générales figurent à l’annexe II de ladite convention. Ces conditions incluent une première partie concernant notamment l’exécution du projet en cause (points II.2 à II.13), une deuxième partie concernant les dispositions financières (points II.14 à II.25) et une troisième partie concernant les droits de propriété intellectuelle (points II.26 à II.34).

 Gestion et exécution technique du projet Pocemon

4        Conformément à l’article 3 et à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de subvention relative au projet Pocemon, ce dernier a été conclu pour une durée de 42 mois, à compter du 1er janvier 2008, et la contribution financière maximale de la Commission s’élevait à 8 399 997 euros. Selon l’article 4 de ladite convention, le projet était divisé en trois périodes de rapport : la période P 1, s’étendant du 1er janvier au 31 décembre 2008, la période P 2, s’étendant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009, et la période finale, s’étendant du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011.

5        Par lettre du 6 octobre 2008, la Commission a informé le coordinateur du projet Pocemon que, d’après des experts qui ont contrôlé ledit projet à un stade précoce, la gestion du projet et la coordination devaient être améliorées.

6        Par lettre du 8 avril 2009, la Commission a informé le coordinateur du projet des résultats du contrôle technique annuel pour le projet et a suspendu ce dernier au titre du point II.8, paragraphe 3, des conditions générales, puisque le consortium ne remplissait pas ses obligations découlant de la convention de subvention.

7        Par lettre du 29 mars 2010, la Commission a levé cette suspension et a apporté des modifications à la convention de subvention, à savoir, en premier lieu, le rôle de coordinateur du projet a été confié à une autre société faisant partie du consortium, en deuxième lieu, la durée du projet a été portée à 48 mois et les périodes de rapport ont été réadaptées en ajoutant une quatrième période (P 4) s’étendant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011 et, en troisième lieu, la contribution financière maximale de l’Union a été ramenée à 7 490 000 euros.

8        Par lettre du 28 octobre 2010, la Commission a informé le coordinateur du projet que le contrôle technique de l’année suivante avait de nouveau donné des résultats négatifs et que le rapport indiquait que le projet ne pourrait se poursuivre qu’à la condition que d’importants changements aient lieu.

9        Par lettre du 21 mars 2011, la Commission a informé le coordinateur du projet qu’un nouveau contrôle technique proposait la résiliation du projet. La Commission a demandé au consortium de corriger la situation de faible performance dans les 30 jours à compter de la date de la réception de la lettre, conformément au point II.38, paragraphe 1, sous b), des conditions générales, faute de quoi la Commission aurait le droit de procéder à la résiliation du contrat.

10      Par lettre du 26 avril 2011, le coordinateur, agissant au nom de tout le consortium, a accepté la résiliation de la convention de subvention.

11      Par lettre du 29 juin 2011, la Commission a confirmé la résiliation du projet Pocemon au titre du point II.38, paragraphe 1, sous b), des conditions générales.

 Préfinancement et paiement intermédiaires concernant le projet Pocemon

12      Le 21 janvier 2008, la Commission a versé un montant total de 4 059 000 euros, soit 4 479 998 euros moins 419 999 euros correspondant à la contribution des bénéficiaires au fond de garantie, à titre de préfinancement au coordinateur du projet Pocemon, conformément à l’article 6 de la convention de subvention.

13      Le 5 mars 2008, le coordinateur a attribué la somme de 314 163,93 euros à la requérante au titre de sa participation audit projet.

14      Le 25 février 2010, le coordinateur a soumis à la Commission les rapports périodiques relatifs à la période P 1, comprenant l’état financier présenté par la requérante dans lequel elle réclamait la somme de 68 369 euros.

15      Par lettre du 30 août 2010, la Commission a informé la requérante que le paiement pour la période P 1 avait été compensé avec d’autres créances relatives à d’autres projets auxquels la requérante avait participé dans le cadre du sixième programme-cadre. Ces créances, pour lesquelles la Commission avait émis le 10 juin 2010 des notes de débit à l’encontre de la requérante, concernaient les projets Doc@Hand et Aubade.

16      Par lettre du 9 août 2011, la Commission a informé la requérante que, conformément au point II.5, paragraphe 3, sous d), des conditions générales, à titre de mesure préventive provisoire, tout versement à son profit avait été suspendu et que le coordinateur serait informé du fait que les versements au consortium ne comprendraient pas les sommes destinées à la requérante.

17      Par courriel du 7 février 2012, le coordinateur du projet a soumis à la Commission les rapports périodiques relatifs à la période P 2, comprenant l’état financier présenté par la requérante dans lequel elle réclamait la somme de 156 536 euros.

18      Par courriel du 14 février 2013, soit après l’introduction du présent recours, le coordinateur du projet a soumis à la Commission les rapports périodiques relatifs à la période P 3 (du 1er décembre 2010 au 31 août 2011, date d’effet de la résiliation de la convention), comprenant l’état financier présenté par la requérante dans lequel elle réclamait la somme de 157 630 euros.

 Audit financier

19      Entre le 31 octobre et le 3 novembre 2011, les services de la Commission ont effectué un contrôle financier, notamment du projet Pocemon, conformément au point II.22 des conditions générales.

20      Par lettre du 9 octobre 2012, la Commission a transmis à la requérante le rapport d’audit final. Dans cette lettre, la Commission a confirmé les conclusions de l’audit financier et a informé la requérante des prochaines étapes du processus, à savoir la mise en œuvre des résultats de l’audit. La Commission a considéré que les résultats de l’audit tels qu’ils étaient présentés dans le rapport d’audit final, annexé à la lettre, étaient appropriés, et elle a considéré ce dernier comme clôturé. Il ressort du rapport d’audit que les auditeurs sont parvenus à la conclusion générale « que la gestion financière du projet n’a pas été effectuée d’une manière acceptable et conformément aux termes des conventions de subvention ». Ils ont été également d’avis que « le bénéficiaire [avait] manqué à des obligations contractuelles importantes et essentielles et, en particulier, celles prévues à l’article II.22 [des conditions générales] des conventions de subvention signées ».

21      Par lettre du 25 octobre 2012 (ci-après la « lettre de pré-information »), la Commission a informé la requérante de son intention de réclamer le remboursement de la somme de 377 733,93 euros et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre, faute de quoi la procédure de recouvrement continuerait. Selon la Commission, ce montant représentait la différence entre le montant de 382 802,93 euros, qui constituait le total des paiements, et le financement de l’Union, qui s’élevait à 5 069 euros à titre des coûts éligibles. La Commission a indiqué que l’indemnité forfaitaire serait calculée sur le montant dû, conformément au point II.24 des conditions générales et qu’une lettre séparée serait envoyée à ce sujet.

22      Par lettre du 23 novembre 2012, la requérante a répondu en refusant les conclusions de l’audit et le remboursement des sommes en question et a demandé la suspension de la procédure de recouvrement engagée par la Commission pour les coûts encourus au titre du projet Pocemon.

23      Par lettre du 29 novembre 2012 (ci-après la « lettre de rappel »), la Commission a déclaré que la requérante n’avait pas produit d’éléments ou d’indices nouveaux ou supplémentaires susceptibles de remettre en cause les conclusions de l’audit. Par conséquent, elle a confirmé son intention de mettre en œuvre les résultats de l’audit et d’émettre une note de débit pour un montant de 377 733,93 euros. Elle a également rappelé que l’indemnité forfaitaire serait calculée sur le montant dû, conformément au point II.24 des conditions générales, et qu’une lettre séparée serait envoyée à cet égard.

 Clause compromissoire et droit applicable

24      En vertu de l’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention, celle-ci est régie, à titre principal, par les dispositions qu’elle contient, par les actes de la Communauté relatifs au septième programme-cadre, par le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »), par le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1) (ci‑après les « modalités d’exécution »), ainsi que par d’autres règles du droit de l’Union et, à titre subsidiaire, par le droit belge.

25      Le troisième alinéa de cette disposition contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, attribuant au Tribunal de l’Union européenne, et en cas de pourvoi, à la Cour de justice de l’Union européenne, une compétence exclusive pour connaître des litiges entre la Communauté, d’une part, et les bénéficiaires des subventions, d’autre part, quant à la validité, l’application et l’interprétation de la convention de subvention en cause.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal sur le fondement de l’article 272 TFUE, le 11 janvier 2013, la requérante a introduit le présent recours.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’elle n’est pas tenue de rembourser l’intégralité de la somme que la Commission lui a versée au titre du projet Pocemon ;

–        constater qu’elle n’est pas tenue de verser une indemnité forfaitaire au titre dudit projet,

–        constater que la Commission n’est pas en droit de procéder à la compensation de sommes qu’elle lui doit,

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable en ce qui concerne les deuxième et troisième chefs de conclusions,

–        rejeter le recours dans son ensemble,

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la Commission n’a pas soulevé d’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

30      En tout état de cause, le Tribunal peut à tout moment, en vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, examiner d’office les fins de non-recevoir d’ordre public, tel le défaut d’intérêt à agir (ordonnance du 27 mars 2003, Linea GIG/Commission, T‑398/02 R, Rec, EU:T:2003:86, point 45). Cette décision est prise dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, de ce même règlement.

31      Conformément au principe de droit généralement admis selon lequel toute juridiction fait application de ses propres règles de procédure, la compétence juridictionnelle de même que la recevabilité des conclusions – que celles-ci soient présentées par la partie requérante ou défenderesse – s’apprécient sur le seul fondement du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 1986, Commission/Zoubek, 426/85, Rec, EU:C:1986:501, point 10, et du 8 avril 1992, Commission/Feilhauer, C‑209/90, Rec, EU:C:1992:172, point 13).

32      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Sur la demande de la requérante visant à constater qu’elle n’est pas tenue de rembourser l’intégralité de la somme que la Commission lui a versée au titre du projet Pocemon

33      La requérante demande au Tribunal de constater que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, elle n’est pas tenue, en vertu du contrat Pocemon, de rembourser les sommes réclamées par la Commission.

34      La demande de la requérante a été introduite postérieurement à la lettre de pré-information ainsi qu’à la lettre de rappel (voir points 21 et 23 ci-dessus) – par lesquelles la Commission a confirmé les conclusions du rapport d’audit financier et a indiqué à la requérante son intention de demander le remboursement d’une grande partie des avances mises à sa disposition au titre du contrat en cause –, mais antérieurement à l’émission d’un ordre de recouvrement ou d’une note de débit.

35      La Commission fait valoir qu’elle n’est pas certaine que la requérante ait un intérêt né et actuel. Au soutien de cette affirmation, la Commission invoque une application par analogie au recours formé par la requérante de la jurisprudence concernant les recours en annulation formés conformément à l’article 263 TFUE. Elle rappelle que, en l’espèce, aucun ordre de recouvrement ou aucune note de débit fixant et demandant le montant dû en question n’ont encore été émis. Toutefois, puisque le service compétent de gestion financière s’est déjà prononcé sur cette question en envoyant la lettre de rappel (voir point 23 ci-dessus) qui confirme la mise en œuvre des résultats de l’audit et l’émission d’une note de débit, il serait suffisamment clair qu’il existe un différend entre les parties.

36      La requérante rétorque que sa demande constitue en substance une « demande en constatation négative » qui serait admise par le droit de l’Union. Pour étayer son argument, elle s’appuie sur les arrêts du 15 mars 2005, GEF/Commission (T‑29/02, Rec, EU:T:2005:99, point 70), et du 8 mai 2007, Citymo/Commission (T‑271/04, Rec, EU:T:2007:128, points 44 et 45). Il ne serait pas nécessaire, dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 272 TFUE, d’attendre l’émission d’un ordre de recouvrement ou d’une note de débit afin de pouvoir contester les conclusions de la Commission, contrairement à ce que prétend cette dernière. La jurisprudence relative aux recours en annulation (sur la base de l’article 263 TFUE) ne serait d’ailleurs pas applicable en l’espèce.

37      S’il est vrai que l’article 272 TFUE, lu conjointement avec la clause compromissoire que prévoient les contrats du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), rend le Tribunal compétent pour trancher des différends entre les parties, il n’en demeure pas moins que, pour être recevable, la requérante doit avoir un intérêt à agir. Il s’ensuit que, comme pour les recours formés en vertu de l’article 263 TFUE, la requérante doit, en l’espèce, démontrer un intérêt né et actuel.

38      À cet égard, selon une jurisprudence constante, afin de garantir la bonne administration de la justice, toute personne introduisant une action en justice doit avoir un intérêt à agir né et actuel (arrêt du 30 septembre 2009, Lior/Commission et Commission/Lior, T‑192/01 et T‑245/04, EU:T:2009:365, point 247 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, Rec, EU:T:2005:357, point 42). Cet intérêt s’apprécie, en principe, au jour où le recours est formé (voir arrêt du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, Rec, EU:T:2007:295, point 34 et jurisprudence citée).

39      Il y a lieu de rappeler, en outre, que si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, il doit être établi que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine (arrêts du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec, EU:T:1992:95, point 33 ; du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec, EU:T:2005:129, point 26, et ordonnance First Data e.a./Commission, point 38 supra, EU:T:2005:357, point 43). Dès lors, un requérant ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à introduire une action en justice (voir, en ce sens, arrêt NBV et NVB/Commission, précité, EU:T:1992:95, point 33).

40      Il y a lieu d’examiner, eu égard aux considérations qui précèdent, si la requérante a établi que, au jour de l’introduction du présent recours, celui-ci était fondé sur un intérêt né et actuel nécessitant une protection juridique.

41      En l’espèce, les parties s’opposent sur la question de savoir si l’existence d’un ordre de recouvrement ou d’une note de débit est une condition préalable de la recevabilité d’un recours introduit sur le fondement de l’article 272 TFUE.

42      Il convient de relever, à cet égard, que le point II.21 des conditions générales, intitulé « Remboursement et recouvrements », dispose, dans son paragraphe 1, second alinéa, que, lorsqu’un montant dû à l’Union par un bénéficiaire doit être récupéré après la résiliation ou l’achèvement d’une convention de subvention au titre du septième programme-cadre, la Commission émet un ordre de recouvrement à l’encontre dudit bénéficiaire. Si le paiement n’a pas été effectué à la date prévue, la Commission peut récupérer les sommes dues à l’Union par compensation avec les sommes qu’elle doit au bénéficiaire concerné, après en avoir informé celui-ci. Le point II.21, paragraphe 5, des conditions générales dispose que si l’obligation de payer le montant dû n’est pas honorée à la date fixée par la Commission, la somme due porte intérêt au taux mentionné au point II.5 des conditions générales.

43      En vertu du point II.22, paragraphe 6, des conditions générales, sur la base des conclusions de l’audit, la Commission prend les mesures appropriées qu’elle estime nécessaires, y compris l’émission d’ordres de recouvrement portant sur tout ou partie des paiements qu’elle a effectués et l’imposition de toutes sanctions applicables.

44      Il convient de constater que, en l’espèce, il résulte de la lettre de pré-information et de la lettre de rappel que la Commission s’est, en substance, bornée, sur la base des faits et des stipulations pertinentes du contrat Pocemon, à informer la requérante de son intention de demander le remboursement d’une grande partie des avances mises à sa disposition dans le cadre du projet en cause, à savoir 377 733, 93 euros, au motif que les coûts déclarés par la requérante ne pouvaient pas être considérés comme éligibles.

45      La requérante a, sans attendre la suite de la procédure de recouvrement, introduit, le 11 janvier 2013, le présent recours.

46      Toutefois, selon l’article 71, paragraphe 2, du règlement financier, toute créance identifiée comme certaine, liquide et exigible doit être constatée par un ordre de recouvrement donné au comptable, suivi d’une note de débit adressée au débiteur, tous deux établis par l’ordonnateur compétent.

47      Conformément à l’article 78 des modalités d’exécution, la constatation d’une créance par l’ordonnateur est la reconnaissance du droit des Communautés sur un débiteur et l’établissement du titre permettant d’exiger de ce débiteur le paiement de sa dette. Par ailleurs, l’ordre de recouvrement est l’opération par laquelle l’ordonnateur compétent donne instruction au comptable de recouvrer la créance constatée. Enfin, la note de débit, qui est envoyée par l’ordonnateur au débiteur, informe celui-ci que l’Union a constaté la créance, que des intérêts de retard ne sont pas exigibles si le paiement de la dette intervient avant la date limite indiquée et que, à défaut de paiement à cette même date limite, l’institution procède au recouvrement par compensation ou par exécution de toute garantie préalable.

48      Aux termes de l’article 79 des modalités d’exécution, pour constater une créance, l’ordonnateur compétent s’assure notamment du caractère certain de la créance, qui ne doit pas être affectée d’une condition, du caractère liquide de la créance, dont le montant doit être déterminé en argent et avec exactitude, et du caractère exigible de la créance, qui ne doit pas être soumise à un terme.

49      En d’autres termes, le recouvrement d’une créance identifiée comme certaine, liquide et exigible, après que celle-ci ait été constatée par l’ordonnateur compétent, suppose donc, d’une part, un ordre de recouvrement établi par celui-ci et adressé au comptable et, d’autre part, une note de débit adressée au débiteur.

50      Or, en l’espèce, il ressort de la lettre de pré-information ainsi que de la lettre de rappel (voir point 44 ci-dessus) que la Commission avait prévenu la requérante, d’une part, de son intention d’émettre une note de débit et, d’autre part, qu’elle n’avait pas encore fixé les conditions de paiement de la créance ainsi que la date d’échéance au-delà de laquelle des intérêts seraient dus.

51      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater, en l’espèce, que la Commission n’a pas exigé clairement et définitivement de la requérante le paiement d’une créance qu’elle aurait constatée et dont elle s’estime titulaire, constituée par des sommes versées correspondant à des coûts qu’elle a considérés comme étant non éligibles en vertu du contrat en cause, assorti de conditions de paiement et d’une date d’échéance au-delà de laquelle des intérêts seraient dus. Une telle constatation est seulement communiquée d’une manière certaine et définitive au débiteur par une note de débit.

52      Par ailleurs, les parties ne font pas état de l’émission d’une note de débit intervenue postérieurement à l’introduction du présent recours (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2003, IDATE/Commission, T‑171/01, Rec, EU:T:2003:8, point 28).

53      Dans ces conditions, la demande de la requérante est prématurée. En effet, la requérante n’a pas un intérêt né et actuel à agir, la demande de remboursement des coûts litigieux par la Commission n’étant qu’un événement éventuel et hypothétique.

54      Dès lors, le premier chef de conclusions doit être déclaré irrecevable.

 Sur la demande visant à constater que la requérante n’est pas tenue de verser une indemnité forfaitaire au titre du projet Pocemon

55      La Commission excipe de l’irrecevabilité manifeste du deuxième chef de conclusions en considérant que la requérante ne justifie d’aucun intérêt né et actuel nécessitant une protection juridique, puisqu’elle n’a pas encore fait une demande de dommages-intérêts forfaitaires en l’espèce. Elle indique, à cet égard, que la lettre de pré-information et la lettre de rappel expriment seulement son intention de traiter la question des dommages-intérêts forfaitaires à un stade ultérieur.

56      En outre, la requête serait particulièrement lapidaire, voire silencieuse, quant à ce deuxième chef de conclusions, en violation de l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal.

57      Il y a lieu de rappeler que, en vertu du point II.24, paragraphe 1, des conditions générales, lorsque la Commission considère qu’un bénéficiaire a reçu de manière injustifiée une contribution financière, elle peut demander le versement par celui-ci d’une indemnité forfaitaire. Dans son paragraphe 3, le même point prévoit que la Commission devra envoyer une lettre à ce sujet au bénéficiaire concerné, permettant à ce dernier de faire valoir ses arguments dans un délai de 30 jours.

58      Il convient de relever, à cet égard, que la Commission a indiqué tant dans la lettre de pré-information que dans la lettre de rappel (voir points 21 et 23 ci-dessus) que l’indemnité forfaitaire serait calculée sur le montant dû, conformément au point II.24 des conditions générales et qu’une lettre séparée serait envoyée à ce sujet.

59      Il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces deux lettres ne contiennent pas une demande d’indemnité forfaitaire et qu’elles ne font qu’annoncer qu’elle pourrait être présentée à l’avenir par lettre séparée.

60      En outre, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a pas encore exigé clairement et définitivement de la requérante le paiement d’une créance qu’elle aurait constatée et dont elle s’estime titulaire (voir point 51 ci-dessus). L’indemnité forfaitaire due, le cas échéant, au titre du point II.24 des conditions générales, doit être calculée sur la base des sommes versées par la Commission qui correspondent aux dépenses jugées non éligibles dans le cadre du projet Pocemon.

61      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas un intérêt né et actuel à agir. En effet, la demande d’indemnité forfaitaire de la Commission n’est qu’un événement éventuel et hypothétique.

62      Partant, il convient de rejeter ce deuxième chef de conclusions comme irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité formelle de la requête.

 Sur la demande visant à constater que la Commission n’est pas en droit de procéder à la compensation de sommes qu’elle doit à la requérante

63      La Commission excipe de l’irrecevabilité manifeste du troisième chef de conclusions en considérant que l’argument invoqué par la requérante à l’appui de ce chef de conclusions, selon lequel le montant de 68 369 euros concernant la période de rapport P 1 a été compensé avec d’autres montants dus par la requérante à la Commission au titre d’autres projets, ne relève pas de l’objet de la présente affaire, puisqu’il ne concerne pas la procédure de recouvrement dans le cadre du projet Pocemon.

64      En outre, la requête serait particulièrement lapidaire, voire silencieuse, quant à ce troisième chef de conclusions, en violation de l’article 44 du règlement de procédure.

65      Or, il y a lieu de constater, à cet égard, qu’il ressort clairement du dossier que la requérante affirme, dans la requête, que la Commission n’est pas fondée à lui réclamer des sommes que celle-ci ne lui a jamais versées au titre du projet Pocemon. La requérante considère que la Commission a procédé de manière illégale et arbitraire à la compensation de ces sommes, qui n’ont jamais été versées, avec de prétendues créances à son égard, qui ne sont ni certaines ni liquides.

66      La requérante fait valoir, dans la réplique, que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission est non fondée, dès lors que la Commission a procédé elle-même à la compensation de sommes avec de prétendues créances résultant d’autres projets. Selon la requérante, ladite compensation est directement liée à la question du calcul de la somme réclamée en l’espèce et donc intrinsèquement liée aux autres chefs de conclusions.

67      Au demeurant, les arguments détaillés formulés par la Commission, en réponse au grief soulevé par la requérante à l’appui de son troisième chef de conclusions, confirmeraient que la requête présente un degré suffisant de clarté et de précision et répond ainsi aux exigences tenant au respect des droits de la défense.

68      Il y a lieu de constater, quant à la somme de 68 639 euros dont la requérante avait réclamé le remboursement pour les dépenses engagées au titre de la période P 1, ainsi qu’il ressort d’une lettre du 30 août 2010, annexée à la requête, qu’elle a été déduite de la somme versée au coordinateur et a fait l’objet d’une compensation sur le fondement de l’article 73, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement financier avec d’autres créances exigibles auprès de la requérante relatives à d’autres projets relevant du sixième programme-cadre, pour lesquels la Commission avait déjà émis des notes de débit à l’encontre de la requérante le 10 juin 2010 (voir point 15 ci-dessus).

69      Il ressort de tout ce qui précède que, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer, dans le cadre du présent recours, sur la question de savoir si cette compensation, qui est effectuée au titre des créances de la Commission découlant d’autres contrats, était régulière ou pas (arrêt du 12 décembre 2013, ANKO/Commission, T‑117/12, sous pourvoi, EU:T:2013:643, point 85).

70      Par conséquent, il convient de rejeter le troisième chef de conclusions de la requérante comme irrecevable.

71      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le recours doit être déclaré irrecevable dans son intégralité.

 Sur les dépens

72      Conformément à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      ANKO AE Antiprosopeion, Emporiou kai Viomichanias est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 novembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Prek


* Langue de procédure : le grec.