Language of document : ECLI:EU:T:2024:379

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

12 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative CRISTIANI – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Échéance du terme de la période de cinq ans – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑149/23,

Georgi Kirov, demeurant à Prague (République tchèque), représenté par Me J. Matzner, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. P. Villani et E. Markakis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Pasticceria Cristiani Sas di Sergio Cristiani & C., établie à Livourne (Italie), représentée par Me L. Turini, avocate,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Georgi Kirov, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 janvier 2023 (affaire R 835/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 novembre 2014, le requérant a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque figurative a été enregistrée le 28 mai 2015 sous le numéro 013498381 pour les produits et les services relevant des classes 14, 16, 21, 35 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Le 3 juin 2020, l’intervenante, Pasticceria Cristiani Sas di Sergio Cristiani & C., a déposé une demande en déchéance de cette marque pour une partie de ces produits et de ces services, à savoir :

–        classe 16 : « Papier ; carton ; papier et carton industriels ; boîtes en papier ; mouchoirs et serviettes de toilette en papier ; guirlandes, serpentins et statuettes en papier ; papier décoré; objets d’art en papier et en carton » ;

–        classe 43 : « Cafétérias ; restauration [repas] ; services de traiteur ».

5        Le motif invoqué à l’appui de la demande en déchéance était celui visé à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6        Par un courrier du 19 octobre 2020, le requérant a fourni des éléments de preuve en vue d’établir l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente de cinq ans et, le 5 mars 2021, des traductions additionnelles des parties pertinentes de ces éléments de preuve.

7        Le 25 mars 2022, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance et prononcé partiellement la déchéance de la marque contestée pour les produits et les services visés au point 4 ci-dessus.

8        Le 15 mai 2022, le requérant a formé un recours auprès de la chambre de recours contre la décision de la division d’annulation en demandant que ladite décision, en tant qu’elle a prononcé la déchéance de la marque contestée pour les services compris dans la classe 43, à savoir « cafétérias ; restauration [repas] ; services de traiteur » (ci-après les « services en cause »), soit annulée.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que le requérant n’avait pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée pour les services en cause, ni qu’il pouvait se prévaloir d’un juste motif pour le non-usage. S’agissant, plus particulièrement, de la preuve de l’usage sérieux, premièrement, elle a constaté que les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] » avaient été fournis comme des services accessoires à des services hôteliers et non de manière indépendante à ceux-ci. Deuxièmement, elle a ajouté que les éléments de preuve ne faisaient pas référence à l’usage du signe contesté sous sa forme enregistrée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] », qu’ils soient regardés comme étant accessoires aux services hôteliers ou non. Troisièmement, elle a indiqué que, indépendamment des deux éléments précédents, les rapports financiers quotidiens du restaurant font état d’un chiffre d’affaires quotidien très faible et que, compte tenu de la taille du secteur des services de restauration et de boissons au sein de l’Union européenne, cette intensité très limitée de l’usage aurait dû être compensée par d’autres facteurs, tels qu’une fréquence élevée et une large étendue géographique de l’usage, ce qui n’a pas été le cas. Quatrièmement, elle a relevé que le requérant n’avait produit aucune preuve de l’usage pour les « services de traiteurs », qu’ils aient ou non été fournis indépendamment des services hôteliers.

  Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.      

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens en cas de convocation à une audience.

12      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

  En droit

13      À l’appui de son recours, le requérant invoque, en substance, deux moyens. Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, ainsi que de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte »). Le second moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et du droit à un recours effectif et à un procès équitable.

 Sur le premier moyen tiré, en substance, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, ainsi que de l’article 16 de la Charte

14      Le requérant soutient, en substance, que la chambre de recours a méconnu l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 en ce que celle-ci a considéré que les éléments de preuve qu’il avait produits ne permettaient pas de prouver l’usage sérieux de la marque contestée pour les services en cause et qu’il ne pouvait se prévaloir d’un juste motif pour le non-usage.

 Observations liminaires

15      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

16      En vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission du 5 mars 2018 complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et se limite à la production de pièces justificatives, comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

17      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 83 et jurisprudence citée). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée, et du 4 juillet 2014, Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 21 et jurisprudence citée].

18      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale d’une entreprise, ni à contrôler sa stratégie économique, ni à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d’un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 23 et jurisprudence citée].

19      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée].

20      À cet égard, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque contestée soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 39, et ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 21].

21      Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le propriétaire de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée [arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 31].

22      En outre, il n’est pas nécessaire que l’usage soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant. Il n’est en effet pas exclu que, dans certaines circonstances, le marché des produits ou des services pour lesquels une marque de l’Union européenne a été enregistrée soit, de fait, cantonné au territoire d’un seul État membre. Dans un tel cas, un usage de la marque de l’Union européenne sur ce territoire pourrait répondre à la condition de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 50 et 54). Même une utilisation purement locale est susceptible de constituer un usage sérieux [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2020, Leinfelder Uhren München/EUIPO – Schafft (Leinfelder), T‑577/19, non publié, EU:T:2020:259, point 44 et jurisprudence citée].

23      Par ailleurs, même si l’usage d’une marque de l’Union européenne dans un seul État membre ou seulement une partie du territoire d’un État membre n’exclut pas en soi le sérieux de cet usage au sein de l’Union, l’importance territoriale de l’usage de la marque n’est qu’un facteur, parmi d’autres, qu’il convient de prendre en considération, lors de l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque (voir arrêt du 10 juin 2020, Leinfelder, T‑577/19, non publié, EU:T:2020:259, point 45 et jurisprudence citée).

24      Par conséquent, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif ou quelle étendue territoriale devraient être retenus pour déterminer si l’usage de la marque avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne pourrait être fixée (voir, par analogie, arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72, et du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55).

25      Par ailleurs, s’agissant de la durée de l’usage, il ressort de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001, que tombent sous le coup des sanctions prévues par ce règlement les seules marques dont l’usage sérieux a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans. Partant, il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente pour échapper auxdites sanctions [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 40, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 45].

26      En ce qui concerne la charge de la preuve, le juge de l’Union a confirmé que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’était au titulaire de cette dernière, et non à l’EUIPO agissant d’office, qu’il incombait, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 63). En outre, selon l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, dans le cadre d’une telle procédure, l’EUIPO invite le titulaire de la marque de l’Union européenne à apporter la preuve de l’usage sérieux de ladite marque ou de l’existence de justes motifs pour le non-usage, dans un délai qu’il fixe. Lorsque le titulaire ne produit aucune preuve de l’usage sérieux ni aucun motif pour le non-usage dans le délai imparti ou que les preuves ou les motifs fournis sont manifestement dénués de pertinence ou manifestement insuffisants, la déchéance de la marque de l’Union européenne est prononcée.

27      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée]. Il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte (voir arrêt du 18 janvier 2011, VOGUE, T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 30 et jurisprudence citée).

28      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que le requérant n’avait pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée pour les services en cause et qu’il ne pouvait pas se prévaloir d’un juste motif pour le non-usage.

–       Sur la période pertinente et le juste motif pour le non-usage

29      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, la demande en déchéance ayant été déposée le 3 juin 2020, le requérant devait établir l’usage sérieux de la marque contestée entre le 3 juin 2015 et le 2 juin 2020.

30      À cet égard, le requérant soutient que la période de grâce de cinq ans, visée par l’article 47, paragraphe 2, et l’article 58, du règlement 2017/1001, avait pris fin le 15 août 2020 et non le 28 mai 2020, bien que la marque contestée fût enregistrée le 28 mai 2015. En effet, il relève que cette période de cinq ans aurait été suspendue pour une durée de 79 jours, entre le 13 mars 2020 et le 1er juin 2020, au cours de laquelle il pouvait justifier d’un juste motif pour le non-usage de la marque contestée pour les services en cause en raison de restrictions dues à la pandémie de Covid-19 en Bulgarie et dans le reste de l’Union, notamment la fermeture des restaurants et des cafétérias décidée par la Bulgarie. Il en déduit que la demande en déchéance aurait dû être rejetée, comme irrecevable ou non fondée, dès lors que cette demande avait été introduite le 3 juin 2020, soit avant l’expiration de ladite période de cinq ans. À cet égard, le requérant se réfère aux directives relatives à l’examen des marques de l’Union européenne adoptées par l’EUIPO (ci-après les « directives de l’EUIPO »).

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

32      Au point 38 de la décision attaquée, la question de savoir si l’incapacité de fournir les services en cause pendant 79 jours constituait un juste motif pour le non-usage au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 a été examinée. Selon la décision attaquée, s’il ne fait aucun doute que, au cours des 79 jours, lesdits services n’auraient pas pu être fournis, cette raison ne semblerait pas constituer un « juste motif ». Tout d’abord, ces 79 jours constitueraient une période relativement courte. Deuxièmement, aucun des éléments de preuve n’indiquerait que le requérant avait l’intention de commencer à utiliser la marque contestée pour des services de « restauration [repas] » indépendamment des services hôteliers. En outre, la majeure partie de la période concernée par les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 aurait eu lieu, en tout état de cause, en basse saison, c’est-à-dire en dehors des mois de mai à septembre. Ainsi, l’importance de la fourniture d’aliments et de boissons étant négligeable, la capacité limitée du restaurant n’aurait pas permis de compenser, au cours du dernier mois de la période de cinq ans, l’importance insuffisante de l’usage au cours des années précédentes.

33      À cet égard, il convient de constater que, s’agissant de la date à partir de laquelle l’usage sérieux de la marque contestée doit être démontré, il ressort du libellé et de la finalité de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001 et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du même règlement que, jusqu’à l’expiration du délai de cinq ans après l’enregistrement de la marque de l’Union européenne, le titulaire ne saurait être déclaré déchu de ses droits. Ces dispositions confèrent ainsi au titulaire un délai de grâce pour entamer un usage sérieux de sa marque, au cours duquel il peut se prévaloir du droit exclusif conféré par celle-ci, au titre de l’article 9 de ce règlement, pour l’ensemble des produits et des services couverts par cette marque, sans devoir démontrer un tel usage (arrêt du 21 décembre 2016, Länsförsäkringar, C‑654/15, EU:C:2016:998, point 26). Toutefois, dès la fin de ce délai, le titulaire d’une marque de l’Union européenne peut se voir déchu de ses droits si, sur demande de toute personne, il ne rapporte pas la preuve de l’usage sérieux de sa marque pendant une période ininterrompue de cinq ans pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage [arrêt du 14 février 2019, Beko/EUIPO – Acer (ALTUS), T‑162/18, non publié, EU:T:2019:87, point 48].

34      Concernant la prise en compte du juste motif pour le non-usage, il convient de relever que seuls les obstacles présentant une relation suffisamment directe avec une marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de celle-ci et qui sont indépendantes de la volonté du titulaire de cette marque peuvent être qualifiés de « justes motifs » pour le non-usage de celle-ci au sens de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 [arrêts du 14 juin 2007, Häupl C‑246/05, EU:C:2007:340, point 54 ; du 17 mars 2016, Naazneen Investments/OHMI, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178, point 96, et du 7 septembre 2022, KTM Fahrrad /EUIPO – KTM (R2R), T‑353/21, non publié, EU:T:2022:527, point 57].

35      Premièrement, dans la mesure où le requérant soutient qu’il pouvait justifier d’un juste motif pour le non-usage de la marque contestée pour les services en cause en raison de restrictions dues à la pandémie de Covid-19 dans les États membres de l’Union autres que la Bulgarie, il convient de relever que ce dernier n’apporte, dans sa requête, aucune information particulière concernant celles-ci, notamment quant à leur caractère ou à leur durée. Il s’ensuit que le requérant n’a pas prouvé que lesdites restrictions pouvaient être qualifiées de « justes motifs » pour le non-usage.

36      Deuxièmement, il ne fait aucun doute que les restrictions imposées pour la durée de 79 jours par les autorités bulgares en raison de la pandémie de Covid-19 ont fait directement obstacle à la prestation de services de « cafétérias » et de « restauration [repas] » et, par conséquent, à l’usage de la marque contestée, indépendamment de la volonté de son titulaire. Néanmoins, pour que ces faits soient qualifiés de « justes motifs » exonérant le requérant de la charge de la preuve quant à l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union, il y a lieu de prendre en compte le contexte dans lequel ils s’inscrivent.

37      À cet égard, la chambre de recours a, entre autres, constaté, au point 38 de la décision attaquée, que les 79 jours constituaient une période relativement courte, que la majeure partie de cette période de 79 jours avait eu lieu en basse saison et que l’importance négligeable des services concernés et la capacité limitée du restaurant n’aurait pas permis de compenser l’importance insuffisante de l’usage au cours des années précédentes.

38      Le requérant ne conteste pas, dans sa requête, ces constatations de la chambre de recours.

39      Il s’ensuit que le requérant n’a pas prouvé qu’il pouvait se prévaloir d’un juste motif pour le non-usage de la marque contestée. Dans ces circonstances, il y a lieu d’écarter ses arguments, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si un juste motif pour le non-usage pouvait suspendre la période de grâce de cinq ans ou sur la prétendue méconnaissance de la chambre de recours des directives de l’EUIPO.

40      Par conséquent, il convient de considérer que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la chambre de recours aurait dû rejeter, comme irrecevable ou comme non-fondée, la demande en déchéance au motif que cette demande avait été introduite avant l’expiration de la période de grâce visée au point 33 ci-dessus. Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a vérifié si la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux entre le 3 juin 2015 et le 2 juin 2020.

–       Sur l’usage de la marque contestée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] »

41      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le requérant n’avait pas établi l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] ». Plus particulièrement, elle a relevé, premièrement, que ces services avaient été fournis comme des services accessoires à des services hôteliers et non de manière indépendante à ceux-ci. Deuxièmement, elle a relevé que les éléments de preuve fournis, tels que des captures d’écran de sites Internet principalement destinés à des services hôteliers, ne faisaient pas référence à l’usage du signe sous sa forme enregistrée pour lesdits services, qu’ils soient regardés comme étant accessoires aux services hôteliers ou non. Troisièmement, indépendamment des deux éléments précédents, la chambre de recours a relevé que les rapports financiers quotidiens du restaurant faisaient état d’un chiffre d’affaires quotidien très faible allant de 35 à 286 euros environ et que, compte tenu de la taille du secteur des services de restauration et de boissons au sein de l’Union, cette intensité très limitée de l’usage aurait dû être compensée par d’autres facteurs, tels qu’une fréquence élevée et une large étendue géographique de l’usage, ce qui n’aurait pas été le cas. En particulier, un contrat de licence d’une marque, sans preuve que le licencié a utilisé la marque contestée, n’élargirait pas l’appréciation de l’usage en ce qui concerne le territoire.

42      Le requérant soutient qu’il a établi l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] ». À cet égard, il fait valoir qu’il a prouvé l’usage de cette marque au cours de la période pertinente dans une mesure suffisante pour lesdits services. Il soutient que la chambre de recours n’a pas évalué les autres critères pertinents, ni examiné l’ensemble des preuves qu’il avait produites. Le requérant fait également valoir que la circonstance que ces services aient été fournis conjointement avec des services hôteliers ou non est dénuée de pertinence. En outre, il aurait prouvé que des repas individuels dans son restaurant auraient également été proposés aux visiteurs de son hôtel et qu’il serait manifeste que ce restaurant avait fourni ses services non seulement aux clients de l’hôtel, mais aussi à d’autres clients, y compris locaux. Enfin, le requérant conteste l’appréciation de l’étendue géographique et de la publicité faite par la chambre des recours.

43      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

44      Eu égard au raisonnement de la décision attaquée, il convient d’emblée de vérifier si, comme l’a constaté, en substance, la chambre de recours, les preuves produites par le requérant ne permettaient pas d’établir l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] », indépendamment de la question de savoir si ces services avaient été fournis en tant qu’accessoires de services hôteliers ou si ladite marque avait été utilisée sous sa forme enregistrée pour ceux-ci. 

45      En premier lieu, le requérant ne conteste pas la constatation figurant au point 30 de la décision attaquée, selon laquelle il ressort des éléments de preuve produits que le chiffre d’affaires quotidien des services de « cafétérias » et de « restauration [repas] » était compris entre 35 et 286 euros environ. Certes, conformément à la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus, un usage même minime peut être suffisant pour être qualifié de sérieux si, dans le secteur économique concerné, il est considéré comme justifié pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Or, force est de constater que, en l’espèce, le chiffre d’affaires quotidien est très faible compte tenu de la taille du secteur concerné au sein de l’Union et du fait que ce chiffre d’affaires concerne la période d’activité principale du requérant.

46      À cet égard, concernant les décisions des chambres de recours invoquées par le requérant afin de démontrer qu’un faible volume commercial ne fait pas nécessairement obstacle à la qualification d’usage sérieux, il y a lieu de rappeler que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

47      Par ailleurs, concernant les arrêts de la Cour et du Tribunal dont se prévaut le requérant, celui-ci invoque les faibles montants en cause dans d’autres affaires où l’usage sérieux a été reconnu. Toutefois, il n’apporte aucune explication quant aux similitudes entre les circonstances de la présente affaire et celles des autres affaires invoquées. Or, il y a lieu de rappeler qu’il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, un seuil quantitatif pour déterminer l’usage sérieux et que celui-ci s’apprécie selon l’ensemble des circonstances du litige, comme indiqué au point 24 ci-dessus. Dès lors, le requérant ne saurait simplement invoquer une proximité entre les montants en cause dans la présente affaire et ceux dans d’autres affaires, afin de démontrer que, en l’espèce, le volume commercial suffit pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée.

48      En second lieu, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 21 ci-dessus, que le propriétaire de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée. Ainsi, il y a lieu de déterminer si d’autres facteurs seraient de nature à compenser le très faible chiffre d’affaires pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] ».

49      Premièrement, en ce qui concerne l’étendue géographique, s’il est constant que le restaurant se trouve à Sozopol (Bulgarie) et si le requérant indique, dans sa requête, que cette ville est « la plus ancienne ville de Bulgarie » ainsi qu’« une destination touristique très connue, accueillant des centaines de milliers de visiteurs chaque année », cette circonstance, même si elle était prouvée, ne saurait permettre, à elle seule, de déterminer l’étendue géographique de l’usage de la marque contestée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] ».

50      Par ailleurs, pour autant que le requérant invoque un contrat de licence portant sur l’usage de la marque contestée en Italie, il convient de constater que la seule production de ce contrat ne suffit pas pour démontrer le caractère sérieux de cet usage, dans la mesure où l’existence dudit contrat n’atteste pas, par lui-même, d’un usage effectif de la marque en question sur le marché [voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 48, et du 14 mars 2017, IR/EUIPO – Pirelli Tyre (popchrono), T‑132/15, non publié, EU:T:2017:162, point 84]. Or, comme l’a relevé la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, le requérant n’a apporté aucun élément de preuve concernant l’usage de la marque contestée par le titulaire de la licence en Italie. Par conséquent, ce contrat de licence ne saurait être pris en compte dans l’analyse de l’étendue géographique de l’usage de la marque contestée.

51      Enfin, si les commentaires sur le restaurant, issus des captures d’écran de sites Internet principalement destinés à des services hôteliers, proviennent de clients venus de Bulgarie ainsi que d’autres pays de l’Union, il y a lieu de constater que certains d’entre eux ne sont pas datés et que pour ceux comportant une date - même en tenant compte de ceux qui ne relèvent pas de la période pertinente - ils ne couvrent qu’une période relativement courte, à savoir, pour la quasi-totalité d’entre eux, les hautes saisons 2019 et 2020. Par conséquent, ils ne sauraient suffire pour considérer que la marque contestée avait valablement été utilisée pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] », au-delà de la ville de Sozopol.

52      Deuxièmement, en ce qui concerne la publicité des services de « cafétérias » et de « restauration [repas] », le requérant n’a pas fourni d’autres éléments de preuves que la page dédiée à son restaurant sur son site Internet et le référencement de ces services sur des sites Internet principalement destinés à des services hôteliers. Il ne ressort pas de ces éléments de preuve que le requérant a réellement cherché à accroître, par la publicité, son très faible chiffre d’affaires pour ses services de « cafétérias » et de « restauration [repas] ».

53      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les arguments du requérant ne sont pas de nature à invalider la conclusion, tirée par la chambre de recours au terme d’une appréciation globale des éléments de preuve, selon laquelle l’intensité très limitée de l’usage de la marque contestée, au regard du chiffre d’affaires quotidien pour les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] » et de la taille du secteur concerné au sein de l’Union, n’avait pas été compensée par d’autres facteurs afin d’établir un usage sérieux de ladite marque.

54      Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner les autres arguments du requérant concernant les questions de savoir si les services de « cafétérias » et de « restauration [repas] » avaient été fournis comme des services accessoires à des services hôteliers et non de manière indépendante à ceux-ci ou si la marque contestée avait été utilisée dans sa forme enregistrée pour ces services. Il n’y a pas non plus lieu de répondre à l’argument du requérant selon lequel la chambre de recours, en exigeant que lesdits services soient fournis indépendamment des services hôteliers, aurait porté une atteinte déraisonnable à son droit d’exercer une activité commerciale, tel que reconnu à l’article 16 de la Charte.

–       Sur l’usage de la marque contestée pour les « services de traiteurs »

55      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le requérant n’avait produit aucune preuve de l’usage de la marque contestée pour les « services de traiteurs », qu’ils aient ou non été fournis indépendamment des services hôteliers.

56      Le requérant soutient, d’une part, que les « services de traiteurs » constituent une sous-catégorie des services de « restauration [repas] ». Il en déduit que, dès lors qu’il a établi l’usage sérieux de la marque contestée s’agissant des services de « restauration [repas] », il a également établi un tel usage pour les « services de traiteurs ». D’autre part, il fait valoir que, en tout état de cause, il a produit un contrat de licence permettant d’établir l’usage sérieux de ladite marque pour ces services.

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

58      Premièrement, à supposer même que les « services de traiteurs » soient inclus dans les services de « restauration [repas] », comme le prétend le requérant, il résulte du point 53 ci-dessus que celui-ci n’a pas réussi à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée pour les services de « restauration [repas] » n’a pas été établi. Par conséquent, il ne peut prétendre qu’il aurait établi l’existence d’un tel usage pour les « services de traiteurs ».

59      Deuxièmement, il ressort de l’article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que l’usage d’une marque avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire. Toutefois, comme indiqué au point 50 ci-dessus, l’existence d’un contrat de licence n’atteste pas, par lui-même, d’un usage effectif de la marque en question sur le marché. Or, comme indiqué précédemment, le requérant n’a fourni aucun élément de preuve de l’usage de la marque contestée par le titulaire de la licence.

60      Par conséquent, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été établi pour les « services de traiteurs ».

61      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

62      Selon le requérant, la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation. D’une part, la chambre de recours n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle elle s’était écartée des directives de l’EUIPO, dont il ressortirait que la période de grâce de cinq ans aurait dû être suspendue pour une durée de 79 jours en raison d’un juste motif pour le non-usage. Le requérant déduit, en outre, de ce défaut de motivation que la chambre de recours a également violé son droit à un recours effectif et à un procès équitable, prévu à l’article 47 de la Charte. D’autre part, il fait valoir que la chambre de recours n’aurait pas suffisamment expliqué la raison pour laquelle le contrat de licence mentionné au point 50 ci-dessus ne permettait pas de démontrer l’usage de la marque contestée.

63      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant.

64      En ce qui concerne l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation, qui découle également du droit à une bonne administration prévu à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, a pour double objectif de permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision concernée. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, qui exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. La question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du 2 mars 2022, Distintiva Solutions/EUIPO – Makeblock (Makeblock), T‑86/21, non publié, EU:T:2022:107, point 97 et jurisprudence citée].

65      Il y a lieu de constater que, en l’espèce, la motivation avancée dans la décision attaquée est claire en ce sens qu’elle permet, d’une part, au requérant de connaître les motifs de ladite décision afin de défendre ses droits et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle de la légalité. En témoignent les arguments que le requérant a été en mesure de formuler dans le cadre de la présente procédure.

66      À cet égard, premièrement, s’agissant de la période de grâce de cinq ans, il résulte des points 32 et 37 ci-dessus que la chambre de recours a suffisamment expliqué, au point 38 de la décision attaquée, la raison pour laquelle elle considérait que le juste motif invoqué par le requérant n’était pas établi. De plus, les points 15 et 37 de ladite décision constituent une explication suffisante permettant au requérant de comprendre la raison pour laquelle ses autres arguments concernant la période de grâce avaient été rejetés par la chambre de recours.

67      Deuxièmement, s’agissant du contrat de licence mentionné au point 50 ci-dessus, il résulte de ce point, du point 59 ci-dessus et du point 35 de la décision attaquée que la chambre de recours a suffisamment expliqué que le requérant n’avait apporté aucun élément de preuve concernant l’usage de la marque contestée par le titulaire de la licence et que, par lui-même, un contrat de licence d’une marque, sans preuve que le licencié avait utilisé la marque contestée, « n’élargi[ssai]t pas l’appréciation de l’usage en ce qui concerne le territoire ».

68      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas violé l’obligation de motivation et n’a donc pas non plus violé le droit à un recours effectif et un procès équitable, au sens de l’article 47 de la Charte.

69      Au regard de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé. Par voie de conséquence, il convient de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, qui est contestée par l’intervenante.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés devant le Tribunal par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Georgi Kirov est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Pasticceria Cristiani Sas di Sergio Cristiani & C.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.