Language of document : ECLI:EU:T:2010:175

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

5 mai 2010 (*)

« Aides d’État – Subventions octroyées par les autorités belges aux hôpitaux publics – Service d’intérêt économique général – Plainte – Prétendue décision de classer la plainte – Adoption ultérieure d’une décision déclarant l’aide compatible avec le marché commun – Non-lieu à statuer »

Dans les affaires T‑128/08 et T‑241/08,

Coordination bruxelloise d’institutions sociales et de santé (CBI), établie à Bruxelles (Belgique),

Association bruxelloise des institutions de soins privées (ABISP), établie à Bruxelles,

représentées par Me D. Waelbroeck, avocat, et M. D. Slater, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito, J.‑P. Keppenne et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation d’une prétendue décision de la Commission, résultant de ses lettres des 10 janvier et 10 avril 2008, de ne pas engager la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, et de classer la plainte des requérantes concernant les prétendues aides d’État octroyées par les autorités belges dans le cadre du financement des hôpitaux publics du réseau IRIS (Interhospitalière régionale des infrastructures de soins) de la Région de Bruxelles-Capitale (Belgique),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas (rapporteur) et L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par lettre du 7 septembre 2005, les requérantes, la Coordination bruxelloise d’institutions sociales et de santé (CBI) et l’Association bruxelloise des institutions de soins privées (ABISP), ont introduit auprès de la Commission des Communautés européennes une plainte concernant les prétendues aides d’État octroyées par les autorités belges dans le cadre du financement des hôpitaux publics du réseau IRIS (Interhospitalière régionale des infrastructures de soins) de la Région de Bruxelles-Capitale (Belgique).

2        Des informations supplémentaires ont été communiquées par les plaignants à la Commission les 21 décembre 2006, 4 juin, 18 juillet et 16 novembre 2007.

3        Par lettre du 10 janvier 2008, émanant de la direction générale « Concurrence » de la Commission , les services de la Commission ont communiqué aux requérantes leur analyse des mesures dénoncées dans la plainte, indiquant notamment que celles-ci étaient conformes aux dispositions de l’article 86, paragraphe 2, CE, que, « en l’absence d’autres informations circonstanciées démontrant le contraire, [les] points [avancés par les requérantes] ne soul[evaient] pas de problèmes au regard des dispositions concernant les aides d’États » et que, « sur ces points, le dossier [était] clos ».

4        L’analyse figurant dans ladite lettre se conclut comme suit :

« Conformément à [l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1)], sur la base des informations disponibles, les services de la [Commission] ont conclu qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour poursuivre l’examen.

Au cas où vous auriez connaissance d’éléments substantiels nouveaux susceptibles de démontrer l’existence d’une infraction aux règles en matière d’aides d’État, je vous saurais gré de les faire connaître à mes services dans le meilleur délai. Sauf indication contraire de votre part dans un délai de quinze jours ouvrables, les services de la Commission considéreront la plainte comme retirée. »

5        Par lettre du 7 février 2008, les requérantes ont répondu à ladite lettre en explicitant certains éléments de leur plainte.

6        Par lettre du 10 avril 2008, les services de la Commission ont répondu ce qui suit :

« [Les] éléments mentionnés dans votre courrier du 7 février 2008 ne sont aucunement nouveaux et ne modifient pas l’appréciation du dossier par mes services. Ces points ne soulèvent pas de problèmes au regard des dispositions concernant les aides d’État du traité CE. Les services concluent donc que sur ces points le dossier doit être considéré comme clos.

Partant, conformément à [l’article 20, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999], sur [la] base des informations disponibles, les services de la [Commission] ont conclu qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour poursuivre l’examen.

Au cas où vous auriez connaissance d’éléments véritablement substantiels et nouveaux susceptibles de démontrer l’existence d’une infraction aux règles en matière d’aides d’État, je vous saurais gré de les faire connaître à mes services dans le meilleur délai. Sauf indication contraire de votre part dans un délai de quinze jours, les services de la Commission considéreront la plainte comme clôturée. »

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement le 25 mars 2008 (affaire T‑128/08) et le 20 juin 2008 (affaire T‑241/08), les requérantes ont introduit les présents recours.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 juillet 2008, la commune de Saint-Gilles (Belgique) a demandé à intervenir dans l’affaire T‑128/08, au soutien des conclusions de la Commission.

9        Par actes déposés au greffe du Tribunal les 18 juillet et 1er août 2008 (affaire T‑128/08) ainsi que les 9, 10 octobre et 10 septembre 2008 (affaire T‑241/08), la Région de Bruxelles-Capitale, la ville de Bruxelles (Belgique) et la République de Finlande ont demandé à intervenir dans les présentes affaires au soutien des conclusions de la Commission.

10      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 10 octobre 2008, la commune d’Etterbeek (Belgique), la commune d’Ixelles (Belgique) et la commune d’Anderlecht (Belgique) ont demandé à intervenir dans l’affaire T‑241/08 au soutien des conclusions de la Commission.

11      Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal le 1er juillet 2008 (affaire T‑128/08) et le 2 octobre 2008 (affaire T‑241/08), la Commission a soulevé, dans chacune des présentes affaires, une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

12      Les requérantes ont présenté leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité, les 2 septembre et 4 décembre 2008, sollicitant notamment la jonction des affaires. Par lettre du 27 février 2009, la Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à la jonction.

13      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu par lettres des 27 février, 23 et 29 juin 2009.

14      Les parties entendues, la procédure dans les présentes affaires a été suspendue jusqu’au 30 octobre 2009, par ordonnances du président de la sixième chambre du Tribunal du 9 juillet 2009.

15      À la suite de la reprise de la procédure, par lettre du 4 novembre 2009, la Commission a informé le Tribunal de l’adoption de sa décision C (2009) 8120, du 28 octobre 2009, relative au financement des hôpitaux publics du réseau IRIS de la Région de Bruxelles-Capitale (Aide d’État NN 54/2009 – Belgique). Le 7 janvier 2010, elle a transmis le texte de cette décision. Les requérantes ont présenté leurs observations sur ces communications le 22 février 2010.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme irrecevables ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les exceptions d’irrecevabilité ;

–        annuler la décision de la Commission communiquée par la lettre du 10 janvier 2008 (affaire T‑128/08) ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision de la Commission communiquée par la lettre du 10 avril 2008 (affaire T‑241/08) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Par lettres du 22 février 2010, les parties ont soumis leurs observations, conformément à l’article 113 du règlement de procédure, sur la question de savoir si, eu égard à l’adoption de la décision C (2009) 8120, il y avait encore lieu de statuer dans les présentes affaires.

19      Dans leurs observations du 22 février 2010, les requérantes estiment, notamment, que la décision C (2009) 8120 « retire et remplace » les actes attaqués. Elles indiquent qu’elles entendent introduire un recours distinct contre ladite décision et ne pas adapter leurs conclusions formulées dans le cadre des présentes affaires. Quant à la suite des présentes procédures, elles s’en remettent à la sagesse du Tribunal, tout en réitérant leur demande visant à la condamnation de la Commission aux dépens.

20      Dans ses observations du 22 février 2010, la Commission fait valoir que l’adoption de la décision C (2009) 8120 crée une situation analogue au retrait formel des actes attaqués. Elle considère que les recours sont devenus sans objet et propose que chaque partie soit condamnée à supporter ses propres dépens.

 En droit

21      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

22      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

23      Les présents recours ont pour objet une demande d’annulation de la prétendue décision de classement de la plainte des requérantes concernant les prétendues aides d’État octroyées dans le cadre du financement des hôpitaux publics du réseau IRIS de la Région de Bruxelles-Capitale, résultant de la lettre de la Commission du 10 janvier 2008 ou, à titre subsidiaire, de sa lettre du 10 avril 2008.

24      Ainsi qu’il ressort du contenu de ces deux lettres (voir points 3 à 6 ci-dessus), la Commission a indiqué aux requérantes que les mesures dénoncées dans leur plainte étaient conformes aux dispositions de l’article 86, paragraphe 2, CE, qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour poursuivre l’examen et que le dossier devait être considéré comme clos.

25      Néanmoins, après l’introduction des présents recours, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué au Tribunal qu’elle poursuivait l’instruction du dossier en cause.

26      Cette instruction a abouti à l’adoption de la décision C (2009) 8120, déclarant les mesures en question compatibles avec le marché commun, au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE et de l’article 88, paragraphe 3, CE.

27      Il y a lieu de constater que, même à supposer que les lettres des 10 janvier et 10 avril 2008 puissent être considérées comme communiquant aux requérantes une décision de la Commission de classement de leur plainte, l’adoption de la décision C (2009) 8120 équivaut au retrait d’une telle décision, en ce qui concerne l’appréciation tant de la compatibilité des mesures concernées que de la suite à donner à la plainte introduite par les requérantes. Cette interprétation est d’ailleurs confirmée par les requérantes et par la Commission, dans leurs observations respectives du 22 février 2010.

28      Par conséquent, les présents recours, dirigés contre la prétendue décision résultant des lettres litigieuses, doivent être considérés comme devenus sans objet.

29      En effet, dans le cas d’un recours dirigé contre une décision de classer administrativement une plainte relative à une prétendue aide d’État, le retrait de ladite décision prive le recours de son objet (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 18 novembre 1992, SFEI e.a./Commission, C‑222/92, non publiée au Recueil, points 5 et 7).

30      Dans ces conditions, il convient de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les présents recours.

31      Les recours étant devenus sans objet, il n’y a pas lieu de statuer sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission, ni sur les demandes en intervention présentées par la commune de Saint-Gilles, la commune d’Etterbeek, la commune d’Ixelles, la commune d’Anderlecht, la Région de Bruxelles-Capitale, la ville de Bruxelles et la République de Finlande.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

33      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime que les termes des lettres litigieuses (voir points 3 à 6 ci-dessus) ont laissé entendre que la Commission avait mis fin à l’instruction du dossier ouvert à la suite de la plainte des requérantes. Par ailleurs, le non‑lieu à statuer résulte de l’adoption par la Commission de la décision C (2009) 8120. Par conséquent, tant l’introduction des présents recours que la cause du non‑lieu peuvent être considérées comme ayant été occasionnées par le comportement de la Commission.

34      Dans ces conditions, il convient de condamner la Commission à l’ensemble des dépens exposés par les requérantes dans le cadre des présents recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Les affaires T‑128/08 et T‑241/08 sont jointes aux fins de l’ordonnance.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les recours.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention présentées par la commune de Saint-Gilles (Belgique), la commune d’Etterbeek (Belgique), la commune d’Ixelles (Belgique), la commune d’Anderlecht (Belgique), la Région de Bruxelles-Capitale (Belgique), la ville de Bruxelles (Belgique), ainsi que la République de Finlande.

4)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 5 mai 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langue de procédure : le français.