Language of document : ECLI:EU:T:2021:78

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

10 février 2021 (*)

« Droit institutionnel – Statut unique du député européen – Députés européens élus dans des circonscriptions italiennes – Adoption par l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) de la décision no 14/2018, en matière de pensions ‐ Modification du montant des pensions des députés nationaux italiens – Modification corrélative, par le Parlement européen, du montant des pensions de certains anciens députés européens élus en Italie – Compétence de l’auteur de l’acte – Obligation de motivation – Droits acquis – Sécurité juridique – Confiance légitime – Droit de propriété – Proportionnalité – Égalité de traitement – Responsabilité non contractuelle – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans les affaires jointes T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19 à T‑366/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19,

Giacomo Santini, demeurant à Trente (Italie), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me M. Paniz, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes S. Seyr et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des notes du 11 avril 2019, ainsi que, s’agissant du requérant dans l’affaire T‑375/19, de celle du 8 mai 2019, établies, dans le cas de chacun des requérants, par le Parlement et concernant l’adaptation du montant des pensions dont les requérants bénéficient à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision no 14/2018 de l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi à la suite de ces actes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents, C. Mac Eochaidh (rapporteur), Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours, les requérants, anciens membres du Parlement européen, élus en Italie, ou leurs survivants sollicitent notamment du Tribunal qu’il annule les décisions du Parlement adaptant le calcul de leur pension de retraite ou de survie au calcul du niveau des pensions que perçoivent les membres de la Camera dei deputati (Chambre des députés, Italie), et réduisant le montant de leur pension de retraite ou de survie.

I.      Cadre juridique

A.      Le droit de l’Union européenne

2        La réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen (ci-après la « réglementation FID ») dans sa version en vigueur jusqu’au 14 juillet 2009 prévoyait à son annexe III (ci-après l’« annexe III »), notamment :

« Article premier

1. Tous les membres du Parlement européen ont le droit de bénéficier d’une pension de retraite.

2. En attendant l’instauration d’un régime communautaire de pension définitif pour tous les membres du Parlement européen, et au cas où le régime national ne prévoit pas de pension, ou au cas où le niveau et/ou les modalités de la pension prévue ne sont pas identiques à ceux applicables pour les membres du parlement national de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu, une pension de retraite provisoire est payée, sur demande du membre concerné, sur le budget de l’Union européenne, section Parlement.

Article 2

1. Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu.

2. Tout membre bénéficiant des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2, est tenu, en adhérant à ce régime, de verser au budget de l’Union européenne une cotisation qui est calculée d’une manière telle qu’il paie au total la même contribution que paie un membre de la Chambre basse de l’État membre où il a été élu, en vertu des dispositions nationales.

Article 3

1. La demande d’adhésion au présent régime de pension provisoire doit être introduite dans un délai de douze mois à compter du début du mandat de l’intéressé.

Passé ce délai, la date d’effet de l’adhésion au régime de pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

2. La demande de liquidation de la pension doit être introduite dans un délai de six mois suivant la naissance du droit.

Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension est fixée au premier du mois de la réception de la demande.

[…] »

3        Le statut des députés au Parlement européen a été adopté par la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement (JO 2005, L 262, p. 1, ci-après le « statut des députés »), et est entré en vigueur le 14 juillet 2009, premier jour de la septième législature.

4        L’article 25 du statut des députés dispose :

« 1. Les députés qui faisaient déjà partie du Parlement avant l’entrée en vigueur du statut et ont été réélus peuvent opter, s’agissant de l’indemnité, de l’indemnité transitoire et des diverses pensions, pour toute la durée de leur activité, en faveur du régime national actuel.

2. Ces versements sont à la charge du budget de l’État membre.

[…] »

5        L’article 28 du statut des députés prévoit :

« 1. Tout droit à pension qu’un député a acquis en vertu des régimes nationaux au jour de l’application du présent statut est entièrement maintenu.

[…] »

6        Par décision des 19 mai et 9 juillet 2008, le bureau du Parlement a adopté les mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application »).

7        L’article 49 des mesures d’application, relatif aux droits de pension d’ancienneté, prévoit :

« 1. Les députés qui ont exercé leur mandat pendant au moins une année complète ont droit, après la cessation du mandat, à une pension d’ancienneté à vie payable à partir du premier jour du mois suivant celui où ils atteignent l’âge de 63 ans.

L’ancien député ou son représentant légal introduit, sauf en cas de force majeure, la demande de paiement de la pension d’ancienneté dans un délai de six mois suivant la naissance du droit. Passé ce délai, la date d’effet du bénéfice de la pension d’ancienneté est fixée au premier jour du mois de réception de la demande.

[…] »

8        En vertu de leur article 73, les mesures d’application sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009.

9        L’article 74 des mesures d’application précise que, sous réserve des dispositions transitoires prévues à leur titre IV, et notamment de l’article 75 de ces mêmes mesures d’application (ci-après l’« article 75 »), la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés.

10      L’article 75, relatif notamment aux pensions de retraite, dispose :

« 1. La pension de survie, la pension d’invalidité, la pension d’invalidité supplémentaire accordée pour les enfants à charge et la pension de retraite attribuées en vertu des annexes I, II et III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de ces annexes aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut.

Au cas où un ancien député bénéficiant de la pension d’invalidité décède après le 14 juillet 2009, la pension de survie est versée à son conjoint, son partenaire stable non matrimonial ou son enfant à charge, dans les conditions fixées à l’annexe I de la réglementation FID.

2. Les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe III précitée restent acquis. Les personnes qui ont acquis des droits dans ce régime de pension bénéficient d’une pension calculée sur la base de leurs droits acquis en application de l’annexe III précitée, dès lors qu’elles remplissent les conditions prévues à cet effet par la législation nationale de l’État membre concerné et qu’elles ont déposé la demande visée à l’article 3, paragraphe 2, de l’annexe III précitée. »

11      Enfin, l’article 75 doit être lu en combinaison avec le considérant 7 de ces mêmes mesures d’application, lequel expose :

« Il importe par ailleurs d’assurer, dans les dispositions transitoires, que les personnes jouissant de certaines prestations accordées sur la base de la réglementation FID puissent continuer à en bénéficier après l’abrogation de cette réglementation, conformément au principe de [protection de la] confiance légitime. Il convient également de garantir le respect des droits à pension acquis sur la base de la réglementation FID avant l’entrée en vigueur du statut. En outre, il est nécessaire de tenir compte du régime spécifique applicable aux députés qui relèveront, pendant une période transitoire et pour ce qui concerne les conditions financières d’exercice du mandat, des systèmes nationaux de leur État membre d’élection, en vertu de l’article 25 ou de l’article 29 du statut. »

B.      Le droit italien

12      Le 12 juillet 2018, l’Ufficio di Presidenza della Camera dei deputati (office de la présidence de la Chambre des députés, Italie) a adopté la décision no 14/2018, ayant pour objet une nouvelle fixation du montant des allocations viagères et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, ainsi que des prestations de réversion, relatives aux années de mandat effectuées jusqu’au 31 décembre 2011 (ci-après la « décision no 14/2018 »).

13      L’article 1er de la décision no 14/2018 prévoit :

« 1. À compter du 1er janvier 2019, les montants des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011, sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision.

2. Le nouveau calcul visé au paragraphe précédent est effectué en multipliant le montant de la contribution individuelle par le coefficient de transformation relatif à l’âge du député à la date à laquelle le député a acquis le droit à l’allocation viagère ou à la prestation de prévoyance pro rata.

3. Les coefficients de transformation figurant dans le tableau 1, annexé à la présente décision, sont appliqués.

4. Le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculées conformément à la présente décision, ne peut en aucun cas dépasser le montant de l’allocation viagère, directe ou de réversion, ou de la part d’allocation viagère de la prestation de prévoyance pro rata, directe ou de réversion, prévu pour chaque député par le Règlement en vigueur à la date du début du mandat parlementaire.

5. Le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculés conformément à la présente décision, ne peut en aucun cas être inférieur au montant calculé en multipliant le montant des contributions individuelles versées par un député ayant exercé le mandat parlementaire durant la seule XVIIe législature, réévalué conformément à l’article 2 ci-dessous, par le coefficient de transformation correspondant à l’âge de 65 ans en vigueur au 31 décembre 2018.

6. Dans le cas où, à la suite du nouveau calcul opéré au sens de la présente décision, le nouveau montant des allocations viagères, directes et de réversion, et de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, est réduit de plus de 50 %, par rapport au montant de l’allocation viagère, directe ou de réversion, ou de la part d’allocation viagère de la prestation de prévoyance pro rata, directe ou de réversion, prévus pour chaque député par le Règlement en vigueur à la date de début du mandat parlementaire, le montant minimum déterminé en vertu du paragraphe 5 est augmenté de moitié.

7. L’Office de la Présidence, sur proposition du Collège des députés Questeurs, peut augmenter jusqu’à un maximum de 50 % le montant des allocations viagères, directes et de réversion, et la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata, directes et de réversion, recalculés en vertu de la présente décision, en faveur des personnes qui en font la demande et pour lesquelles les conditions suivantes sont réunies :

a)      elles ne perçoivent pas d’autres revenus annuels d’un montant supérieur au montant annuel de l’aide sociale, à l’exclusion de ceux éventuellement tirés, à quelque titre que ce soit, de l’immeuble destiné à l’habitation principale ;

b)      elles sont atteintes de maladies graves exigeant l’administration de thérapies vitales, étayées par des documents appropriés produits par des établissements de soins publics, ou bien, souffrent de pathologies donnant lieu à des situations d’invalidité à 100 % reconnues par les autorités compétentes.

8. La documentation étayant la réunion des conditions visées au paragraphe 7 doit être produite par le demandeur au moment de la demande et, ultérieurement, au plus tard le 31 décembre de chaque année. »

II.    Antécédents du litige

14      Les requérants, M. Giacomo Santini et les autres personnes physiques dont les noms figurent en annexe, sont soit d’anciens membres du Parlement européen, élus en Italie, soit, s’agissant de Mmes Patrizia Capraro et Lina Wuhrer, dans les affaires T‑365/19 et T‑374/19, des conjointes survivantes d’anciens députés européens, élus dans ce même État membre. Chacun d’eux bénéficie respectivement d’une pension de retraite ou d’une pension de survie.

15      En application des règles de la décision no 14/2018, le montant de la pension d’un certain nombre d’anciens députés italiens (ou de celle de leurs conjointes survivantes) a été réduit à partir du 1er janvier 2019.

16      À la suite de l’introduction de recours contre la décision no 14/2018 par des députés nationaux italiens concernés par lesdites réductions, la légalité de cette décision nationale est actuellement examinée par le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés, Italie).

17      Par l’ajout d’un commentaire sur les bulletins de pension du mois de janvier 2019, le Parlement a averti les requérants du fait que le montant de leur pension pourrait être révisé en exécution de la décision no 14/2018 et que ce nouveau calcul pourrait éventuellement donner lieu à un recouvrement des sommes indûment versées.

18      En effet, selon le Parlement, celui-ci aurait été tenu d’appliquer la décision no 14/2018 et, partant, de recalculer le montant des pensions des requérants, eu égard à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel prévoit que « [l]e niveau et les modalités de la pension [de retraite] provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse du Parlement de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu » (ci-après la « règle de pension identique »).

19      Par une note non datée du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la direction générale (DG) des finances du Parlement, annexée aux bulletins de pension des requérants du mois de février 2019, le Parlement a averti ces derniers que, par son avis no SJ-0836/18 du 11 janvier 2019, son service juridique avait confirmé l’applicabilité automatique de la décision no 14/2018 à leur situation (ci-après l’« avis du service juridique »). Cette note ajoutait que, dès qu’il aurait reçu les informations nécessaires de la part de la Chambre des députés, le Parlement notifierait aux requérants la nouvelle fixation du montant de leur pension et procéderait au recouvrement de l’éventuelle différence sur les douze mois suivants. Enfin, cette note informait les requérants que la fixation définitive du montant de leur pension serait arrêtée par un acte formel contre lequel il serait possible d’introduire une réclamation sur le fondement de l’article 72 des mesures d’application ou un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE.

20      Par notes du 11 avril (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19 à T‑366/19, T‑372 à T‑374/19 et T‑385/19) et du 8 mai 2019 (affaire T‑375/19) (ci-après les « décisions attaquées »), le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement a informé les requérants que, comme il l’avait annoncé dans sa note de février 2019, le montant de leur pension serait adapté, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, à concurrence de la réduction des pensions analogues versées en Italie aux anciens députés nationaux par la Chambre des députés en application de la décision no 14/2018. Lesdites décisions attaquées précisaient également que le montant des pensions des requérants serait adapté dès le mois d’avril 2019 (et avec effet rétroactif au 1er janvier 2019) en application des projets de fixation des nouveaux montants des pensions transmis en annexe de ces courriers. Enfin, ces mêmes décisions attaquées accordaient aux requérants un délai de 30 jours, à compter de leur réception, pour faire valoir leurs observations. À défaut de telles observations, les effets de ces décisions attaquées seraient considérés comme définitifs et impliqueraient, notamment, la répétition des montants indûment perçus pour les mois de janvier à mars 2019.

21      Aucun requérant n’a formulé de telles observations, si bien que les effets des décisions attaquées sont devenus définitifs à leur égard.

III. Procédure et conclusions des parties

22      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 10 juin (affaires T‑345/19 et T‑346/19), le 17 juin (affaires T‑364/19 et T‑365/19), le 18 juin (affaire T‑366/19), le 20 juin (affaires T‑372/19 à T 375/19) et le 25 juin 2019 (affaire T‑385/19), les requérants ont introduit les présents recours.

23      Le 10 juillet 2019, le Parlement a, au titre de l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, sollicité la jonction des affaires.

24      Le 19 juillet 2019, le Parlement a, au titre de l’article 69, sous c), du règlement de procédure, sollicité la suspension des procédures dans l’attente de la décision du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) statuant sur la validité de la décision no 14/2018.

25      Le 29 août 2019, le Parlement a déposé les mémoires en défense.

26      Le 27 septembre (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19) et le 30 septembre 2019 (affaires T‑365/19 et T‑366/19), le Tribunal a interrogé les parties quant à la possibilité, d’une part, d’identifier un nombre réduit d’affaires pilotes parmi les 84 affaires similaires dont il était à cette époque saisi et, d’autre part, de suspendre en conséquence les autres affaires jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans les affaires identifiées comme affaires pilotes passe en force de chose jugée. Par ailleurs, le Tribunal a prié le Parlement de produire, dans son intégralité, la réglementation FID.

27      Le 7 octobre 2019, les requérants ont répondu à la question du Tribunal.

28      Le 18 octobre (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19) et le 22 octobre 2019 (affaires T‑365/19 et T‑366/19), le Parlement a répondu à la question du Tribunal et a transmis une version intégrale de la réglementation FID.

29      Par décisions du 22 octobre (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19, T‑372/19 et T‑373/19) et du 23 octobre 2019 (affaires T‑365/19, T‑366/19, T‑374/19, T‑375/19 et T‑385/19), et à la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal, les affaires ont été réattribuées à la huitième chambre.

30      Le 28 novembre (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19, T‑365/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19) et le 4 décembre 2019 (affaire T‑366/19), le Tribunal a décidé qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire.

31      Le 28 novembre (affaire T‑364/19), le 3 décembre (affaires T‑345/19 et T‑346/19), le 4 décembre (affaires T‑365/19, T‑366/19, T‑372/19 et T‑373/19) et le 5 décembre 2019 (affaires T‑374/19, T‑375/19 et T‑385/19), le Tribunal a demandé aux requérants de prendre position sur la demande de suspension déposée par le Parlement.

32      Le 3 décembre (affaires T‑345/19, T‑346/19 et T‑364/19), le 4 décembre (affaires T‑365/19, T‑366/19, T‑372/19 et T‑373/19) et le 5 décembre 2019 (affaires T‑374/19, T‑375/19 et T‑385/19), le Tribunal a demandé aux parties de prendre position sur la possibilité de joindre les affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19 à T‑366/19, T‑372/19 à T‑375/19 et T‑385/19.

33      Le 12 décembre 2019, le Parlement a déposé ses observations sur la proposition de jonction.

34      Le 7 janvier (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑364/19 à T‑366/19 et T‑373/19) et le 8 janvier 2020 (affaires T‑372/19, T‑374/19, T‑375/19 et T‑385/19), les requérants ont déposé leurs observations sur la proposition de jonction ainsi que sur la demande de suspension introduite par le Parlement.

35      Le 14 janvier 2020, le président de la huitième chambre a décidé de ne pas suspendre la procédure.

36      Par décision du président de la huitième chambre du Tribunal du 15 janvier 2020, les présentes affaires ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

37      Le 23 janvier 2020, le Tribunal a demandé au Parlement de produire tous les documents préparatoires à l’adoption de l’article 75 et de l’annexe III. Par ailleurs, le Tribunal a interrogé le Parlement sur sa pratique administrative dans le domaine des salaires et des pensions. Le Parlement a répondu à la question et transmis les documents préparatoires demandés le 11 février 2020.

38      Le 26 février 2020, les requérants ont, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, sollicité la tenue d’une audience.

39      Le 20 avril 2020, le président de la huitième chambre a décidé de faire juger les présentes affaires en priorité, conformément à l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure.

40      Le 30 avril 2020, le Tribunal a demandé aux parties de prendre position sur la possibilité de joindre les présents recours aux affaires jointes T‑389/19, Coppo Gavazzi/Parlement, T‑390/19, Muscardini/Parlement, T‑391/19, Vinci/Parlement, T‑392/19, Mantovani/Parlement, T‑393/19, Catasta/Parlement, T‑394/19, Zecchino/Parlement, T‑397/19, Novati/Parlement, T‑398/19, Paciotti/Parlement, T‑403/19, Fantuzzi/Parlement, T‑404/19, Lavarra/Parlement, T‑406/19, Cocilovo/Parlement, T‑407/19, Speroni/Parlement, T‑409/19, Di Meo/Parlement, T‑410/19, Di Lello Finuoli/Parlement, T‑411/19, Lombardo/Parlement, T‑412/19, Contu/Parlement, T‑413/19, Dupuis/Parlement, T‑414/19, Frittelli/Parlement, T‑415/19, Laroni/Parlement, T‑416/19, Filippi/Parlement, T‑417/19, Viola/Parlement, T‑418/19, Mussa/Parlement, T‑420/19, Nobilia/Parlement, T‑421/19, Segre/Parlement, T‑422/19, De Luca/Parlement, T‑425/19, Ventre/Parlement, T‑426/19, Musoni/Parlement, T‑427/19, Concarella/Parlement, T‑429/19, Iacono/Parlement, T‑430/19, Bonsignore/Parlement, T‑431/19, Azzolini/Parlement, T‑432/19, Gawronski/Parlement, T‑435/19, Caligaris/Parlement, T‑436/19, Aita/Parlement, T‑438/19, Novelli/Parlement, T‑439/19, Mantovani/Parlement, T‑440/19, Mattina/Parlement, T‑441/19, La Russa/Parlement, T‑442/19, Carollo/Parlement, T‑444/19, Locatelli/Parlement, T‑445/19, Chiesa/Parlement, T‑446/19, Castellina/Parlement, T‑448/19, Costanzo/Parlement, T‑450/19, Gallenzi/Parlement, T‑451/19, Gemelli/Parlement, T‑452/19, Napoletano/Parlement, T‑453/19, Panusa/Parlement, T‑454/19, Musotto/Parlement, T‑463/19, Cervetti/Parlement et T‑465/19, Florio/Parlement, ainsi qu’aux affaires T‑519/19, Forte/Parlement et T‑695/19, Falqui/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure.

41      Sur proposition de la huitième chambre, le Tribunal a, le 15 mai 2020, décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer les affaires devant une formation élargie.

42      Le 19 mai 2020, le Tribunal a interrogé les parties sur différents aspects des présentes affaires.

43      Le 29 mai et le 2 juin 2020 respectivement, les requérants et le Parlement ont déposé leurs observations sur la proposition de jonction aux fins de la phase orale de la procédure, telle que mentionnée au point 40 ci-dessus.

44      Le 5 juin 2020, le président de la huitième chambre a décidé de joindre les présentes affaires aux affaires jointes T‑389/19, Coppo Gavazzi/Parlement, T‑390/19, Muscardini/Parlement, T‑391/19, Vinci/Parlement, T‑392/19, Mantovani/Parlement, T‑393/19, Catasta/Parlement, T‑394/19, Zecchino/Parlement, T‑397/19, Novati/Parlement, T‑398/19, Paciotti/Parlement, T‑403/19, Fantuzzi/Parlement, T‑404/19, Lavarra/Parlement, T‑406/19, Cocilovo/Parlement, T‑407/19, Speroni/Parlement, T‑409/19, Di Meo/Parlement, T‑410/19, Di Lello Finuoli/Parlement, T‑411/19, Lombardo/Parlement, T‑412/19, Contu/Parlement, T‑413/19, Dupuis/Parlement, T‑414/19, Frittelli/Parlement, T‑415/19, Laroni/Parlement, T‑416/19, Filippi/Parlement, T‑417/19, Viola/Parlement, T‑418/19, Mussa/Parlement, T‑420/19, Nobilia/Parlement, T‑421/19, Segre/Parlement, T‑422/19, De Luca/Parlement, T‑425/19, Ventre/Parlement, T‑426/19, Musoni/Parlement, T‑427/19, Concarella/Parlement, T‑429/19, Iacono/Parlement, T‑430/19, Bonsignore/Parlement, T‑431/19, Azzolini/Parlement, T‑432/19, Gawronski/Parlement, T‑435/19, Caligaris/Parlement, T‑436/19, Aita/Parlement, T‑438/19, Novelli/Parlement, T‑439/19, Mantovani/Parlement, T‑440/19, Mattina/Parlement, T‑441/19, La Russa/Parlement, T‑442/19, Carollo/Parlement, T‑444/19, Locatelli/Parlement, T‑445/19, Chiesa/Parlement, T‑446/19, Castellina/Parlement, T‑448/19, Costanzo/Parlement, T‑450/19, Gallenzi/Parlement, T‑451/19, Gemelli/Parlement, T‑452/19, Napoletano/Parlement, T‑453/19, Panusa/Parlement, T‑454/19, Musotto/Parlement, T‑463/19, Cervetti/Parlement et T‑465/19, Florio/Parlement, ainsi qu’aux affaires T‑519/19, Forte/Parlement et T‑695/19, Falqui/Parlement, aux fins de la phase orale de la procédure.

45      Le 16 et le 17 juin 2020 respectivement, les requérants et le Parlement ont répondu aux questions que le Tribunal leur avait adressées le 19 mai 2020. Par ailleurs, en annexe à leurs réponses, les requérants ont notamment soumis une copie de la décision no 2/2020 du 22 avril 2020 du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés).

46      Le 29 juin 2020, les requérants ont soumis une copie du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2020 de la Commissione contenziosa del Senato (Commission du contentieux du Sénat, Italie).

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales du Tribunal lors de l’audience du 7 juillet 2020.

48      Par acte déposé au greffe le 23 décembre 2020, les requérants ont présenté un mémoire complémentaire. Eu égard à l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure, le président de la huitième chambre élargie du Tribunal a décidé de ne pas rouvrir la phase orale de la procédure et de ne pas verser ce mémoire au dossier, dès lors que les éléments avancés par les requérants n’incluaient pas des faits et des arguments qu’ils n’avaient pas pu faire valoir avant la clôture de la phase orale de la procédure.

49      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ainsi que la nouvelle détermination et le nouveau calcul des pensions versées par le Parlement ;

–        dire et juger qu’ils ont droit au maintien des montants des pensions tels qu’ils étaient fixés avant l’adoption des décisions attaquées ;

–        condamner le Parlement à leur verser toutes les sommes indûment retenues majorées des intérêts légaux et à exécuter les arrêts à venir ;

–        condamner le Parlement à réparer tous les préjudices éventuels ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

50      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés ;

–        condamner les requérants aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation des décisions attaquées

1.      Sur l’objet du premier chef de conclusions et sur la compétence du Tribunal

51      À titre liminaire, il convient de relever que, certes, les requérants ont expressément indiqué, au début des requêtes, qu’ils sollicitaient l’annulation des décisions attaquées.

52      Toutefois, le Tribunal constate que, malgré cette affirmation, la définition de l’objet du premier chef de conclusions n’est pas dénuée d’ambiguïté. En effet, les écritures des requérants contiennent de nombreux arguments pris de la prétendue violation du droit italien, et en particulier de la Constitution italienne. Par ailleurs, une part conséquente de l’argumentation des requérants se fonde exclusivement sur la jurisprudence de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie), de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) et du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie). Du reste, plusieurs passages des requêtes indiquent, explicitement ou implicitement, que les requérants entendent contester la légalité de la décision no 14/2018.

53      De plus, en réponse à une question écrite du Tribunal visant, précisément, à clarifier l’objet du premier chef de conclusions, les requérants ont affirmé qu’ils contestaient la légalité des décisions attaquées ainsi que « les vices d’illégalité qui découlent de l’application de la décision no 14/2018 ». Plus clairement encore, en réponse à une autre question écrite du Tribunal, les requérants ont indiqué que, « [à] l’appui du caractère fondé des moyens d’illégalité invoqués à l’encontre de la décision no 14/2018 », ils déposaient une copie de la décision no 2/2020 du Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés), mentionnée au point 45 ci-dessus. Enfin, les requérants ont expressément contesté, lors de l’audience, la validité de la décision no 14/2018.

54      Dans ces circonstances, il y a lieu de rappeler les limites qui s’imposent à la compétence du Tribunal dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE.

55      À cet égard, conformément à l’article 263 TFUE, le juge de l’Union européenne n’est pas compétent pour statuer sur la légalité d’un acte adopté par une autorité nationale (voir, en ce sens, ordonnance du 28 février 2017, NF/Conseil européen, T‑192/16, EU:T:2017:128, point 44 et jurisprudence citée).

56      Compte tenu de cette jurisprudence, l’appréciation de la légalité de la décision no 14/2018 échappe à la compétence du Tribunal.

57      Au surplus, le Tribunal relève que les éléments de preuve soumis par les requérants, tels que visés aux points 45 et 46 ci-dessus, et auxquels ils se sont référés lors de l’audience sont sans incidence sur l’issue des présents recours. D’une part, les requérants ont communiqué une copie de la décision no 2/2020 du 22 avril 2020 par laquelle le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés) a partiellement annulé l’article 1, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. Toutefois, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37 et jurisprudence citée). L’annulation partielle de la décision no 14/2018 n’emporte donc aucune conséquence en l’espèce, puisque celle-ci est postérieure à la date d’adoption des décisions attaquées. Cette conclusion s’impose d’autant plus que, en tout état de cause, le Parlement n’a pas reçu de demande d’appliquer, et par conséquent n’a pas appliqué, aux requérants des règles identiques à celles figurant à l’article 1, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. D’autre part, les requérants ont également déposé une copie du dispositif de l’arrêt du 25 juin 2020 de la Commissione contenziosa del Senato (Commission du contentieux du Sénat). Cependant, cet arrêt, prononcé, lui aussi, postérieurement à la date d’adoption des décisions attaquées, a pour objet la décision no 6/2018 de l’Ufficio di Presidenza del Senato (office de la présidence du Sénat, Italie), et non la décision no 14/2018. Or, il est constant que, conformément à ce qui est prescrit à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le Parlement a uniquement appliqué des règles identiques à celles de la décision no 14/2018. Enfin, le Tribunal constate que le Parlement a confirmé lors de l’audience qu’il appliquerait, à l’avenir, toute modification du droit italien, et notamment de la décision no 14/2008, qui pourrait résulter des procédures en cours devant le Consiglio di giurisdizione della Camera dei deputati (Conseil de juridiction de la Chambre des députés), conformément à la règle de pension identique.

58      Si, sur le fondement de l’article 263 TFUE, le Tribunal ne peut donc pas contrôler la validité de la décision no 14/2018, il est, en revanche, compétent pour examiner la légalité des actes du Parlement. Ainsi, dans le cadre du premier chef de conclusions, le Tribunal peut vérifier si l’article 75 et l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, instituant la règle de pension identique, ne méconnaissent pas les normes de rang supérieur du droit de l’Union. De même, le Tribunal peut examiner si l’application par le Parlement, au titre de la règle de pension identique, des dispositions de la décision no 14/2018 est conforme au droit de l’Union. Enfin, le Tribunal est également compétent pour s’assurer que les décisions attaquées respectent le droit de l’Union.

2.      Sur le fond

59      À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants soulèvent huit moyens. Le premier moyen est pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées et de l’illégalité de l’application automatique de la décision no 14/2018. Le deuxième moyen est pris de la violation des règles internes du Parlement. Le troisième moyen est pris de la violation de l’article 28 du statut des députés ainsi que des articles 75 et 76 des mesures d’application. Le quatrième moyen est pris de la violation de l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du principe de légalité des peines ainsi que de la violation des principes de non-rétroactivité et d’égalité. Le cinquième moyen est pris de la violation du droit de propriété. Le sixième moyen est pris de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de protection des droits acquis. Le septième moyen est pris de la violation des principes de raison, de proportionnalité et d’égalité de traitement. Le huitième moyen est pris d’autres motifs de violation des principes de raison, de proportionnalité, d’égalité et de solidarité.

60      À cet égard, le Tribunal juge opportun d’apprécier chacun des six premiers moyens séparément et d’examiner ensuite, conjointement, les septième et huitième moyens.

a)      Sur le premier moyen, pris de l’incompétence de l’auteur des décisions attaquées et de l’illégalité de l’application automatique de la décision no 14/2018

61      À l’appui du premier moyen, les requérants soutiennent, en substance, que le bureau du Parlement dispose, en vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement, tel qu’il était applicable au moment des faits, à savoir durant la huitième législature (ci-après le « règlement intérieur »), d’une réserve de compétence en ce qui concerne les droits financiers des députés. Or, le bureau du Parlement n’aurait adopté aucune décision arrêtant les nouvelles modalités de calcul applicables aux pensions des requérants. D’après les requérants, les décisions attaquées ont uniquement été adoptées en raison d’une prétendue applicabilité automatique de la décision no 14/2018 à leur égard.

62      Le Parlement conclut au rejet du premier moyen comme étant non fondé.

63      À cet égard, les parties s’accordent sur le fait que, aux termes de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur, le bureau du Parlement règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés sur proposition du secrétaire général du Parlement ou d’un groupe politique. Toutefois, le Parlement considère que cette disposition limite l’action du bureau à l’adoption de règles générales et abstraites, et non à celle de décisions individuelles. En revanche, les requérants considèrent que les décisions attaquées, même si elles constituent des actes de portée individuelle, auraient dû être adoptées sur le fondement dudit article 25, paragraphe 3.

64      Sur ce point, il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur attribue une compétence générale au bureau du Parlement, notamment en matière de questions financières concernant les députés. Cette disposition constitue ainsi la base sur laquelle celui-ci peut se fonder pour adopter, sur proposition du secrétaire général du Parlement ou d’un groupe politique, la réglementation concernant lesdites questions (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, point 64 et jurisprudence citée).

65      Par ailleurs, il a déjà également été jugé que les mesures d’application, qui ont été adoptées par le bureau du Parlement, ont en particulier pour objet, ainsi qu’il ressort de leur considérant 3, de remplacer la réglementation FID concernant les frais et les indemnités des députés au Parlement. En ce sens, les mesures d’application règlent les questions financières concernant les députés au sens de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur (arrêt du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, points 50 et 51).

66      Si le bureau du Parlement dispose donc de la compétence pour arrêter des normes générales et abstraites au titre de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur, cela n’implique pas pour autant qu’il soit également compétent pour adopter des décisions individuelles dans le domaine des questions financières concernant les députés.

67      Au contraire, l’administration du Parlement peut, sans violation de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur, se voir confier une telle compétence, dès lors que c’est le bureau de cette institution qui en a fixé les limites et modalités d’exercice (voir, en ce sens, ordonnance du 6 septembre 2018, Bilde/Parlement, C‑67/18 P, non publiée, EU:C:2018:692, points 36 et 37).

68      En outre, eu égard à cette répartition des compétences entre le bureau du Parlement et l’administration de cette institution, il a déjà été jugé, en particulier, qu’une décision individuelle fixant les droits à pension des députés n’est pas seulement une décision exercée dans le cadre d’une compétence liée, en ce sens que cette administration n’a aucun pouvoir discrétionnaire lors de la détermination des droits à pension, mais qu’elle revêt même un caractère exclusivement déclaratoire s’agissant du contenu de ces droits (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, point 38).

69      Par conséquent, rien n’interdit au Parlement d’attribuer à son administration la compétence d’adopter des décisions individuelles, notamment dans le domaine des droits à pension et dans celui de la fixation du montant des pensions. Il reste néanmoins à vérifier si, en l’espèce, le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement disposait d’une telle compétence.

70      À cet égard, l’article 73, paragraphe 3, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), prévoit que chaque institution de l’Union délègue, dans le respect des conditions prévues dans son règlement intérieur, des fonctions d’ordonnateur aux agents de niveau approprié. Elle indique, dans ses règles administratives internes, les agents auxquels elle délègue ces tâches, l’étendue des pouvoirs délégués et si les bénéficiaires de cette délégation peuvent subdéléguer leurs pouvoirs.

71      Or, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a indiqué, preuves à l’appui, que le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances de cette institution avait été désigné ordonnateur subdélégué pour la ligne budgétaire 1030, relative aux pensions d’ancienneté visées par l’annexe III de la réglementation FID, par la décision FINS/2019-01 du directeur général des finances du Parlement du 23 novembre 2018. Par ailleurs, conformément à l’article 73, paragraphe 3, du règlement 2018/1046, la décision FINS/2019-01 indique expressément que cette subdélégation de compétence autorise le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement à procéder, notamment, à l’établissement des engagements juridiques et des engagements budgétaires, à la liquidation des dépenses et à l’ordonnancement des paiements, mais aussi à l’établissement des prévisions de créances, à la constatation des droits à recouvrer et à l’émission des ordres de recouvrement.

72      Au surplus, il est constant que les règles fixées par les mesures d’application et par la réglementation FID, telles qu’elles ont été adoptées par le bureau du Parlement, n’ont pas été modifiées par le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances de cette institution, mais qu’elles ont seulement été mises en œuvre par lui. Par ailleurs, la question du respect, en l’espèce, des dispositions de ces deux réglementations par ce dernier sera appréciée, ci-après, dans le cadre de l’examen des autres moyens.

73      Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement était donc compétent pour adopter les décisions attaquées, si bien qu’aucune décision du bureau n’était requise avant leur adoption.

74      Enfin, quant à la prétendue illégalité de l’application par le Parlement des règles de la décision no 14/2018, le Tribunal relève que les requérants ne développent aucune argumentation spécifique à cet égard dans le cadre du premier moyen. Toutefois, ce grief est réitéré, avec une argumentation plus conséquente, dans le cadre du deuxième moyen. Il est, dès lors, renvoyé aux points 76 à 108 ci-dessous.

75      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.

b)      Sur le deuxième moyen, pris de la violation des règles internes du Parlement

76      Le deuxième moyen comprend deux branches. La première branche porte sur la violation de l’article 27 du statut des députés, de la règle de pension identique ainsi que des articles 75 et 76 des mesures d’application. La deuxième branche est relative à une violation de la « réserve de loi » qui serait garantie par les règles internes du Parlement.

77      Le Parlement conclut au rejet du deuxième moyen comme étant en partie irrecevable, dans la mesure où l’intitulé de ce moyen manquerait de clarté et de précision, et en partie non fondé.

1)      Sur la première branche du deuxième moyen, portant sur la violation de l’article 27 du statut des députés, de la règle de pension identique ainsi que des articles 75 et 76 des mesures d’application

78      Dans le cadre de la première branche, les requérants soutiennent que l’article 27 du statut des députés, la règle de pension identique ainsi que les articles 75 et 76 des mesures d’application prévoient que les pensions des requérants sont à la charge du Parlement dans les conditions prévues par le droit italien, tel qu’il existait au moment où ils ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III. Partant, les pensions des requérants seraient immuables et ne pourraient plus faire l’objet de modifications ultérieures.

79      Le Parlement conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

80      À titre liminaire, il convient de rejeter comme inopérants les arguments des requérants par lesquels ils entendent contester la légalité des décisions attaquées au regard de l’article 27 du statut des députés et de l’article 76 des mesures d’application. Ces dispositions ont pour objet non, comme en l’espèce, le régime de pension de retraite, organisé par l’annexe III, mais le régime de pension complémentaire volontaire, visé à l’annexe VII de la réglementation FID (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, points 8 et 11, et du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement, T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127, points 8 et 11). Du reste, selon son propre intitulé, l’article 76 des mesures d’application ne s’applique qu’aux pensions complémentaires. Partant, une éventuelle méconnaissance par le Parlement de ces deux dispositions ne saurait, en tout état de cause, emporter l’annulation des décisions attaquées.

81      Il convient également de relever que, aux termes de l’article 74 des mesures d’application, la réglementation FID a expiré le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009. Toutefois, par dérogation à cette règle, l’article 74 des mesures d’application, tel que lu en combinaison avec l’article 75 de celles-ci, maintient en vigueur, à titre transitoire, notamment la règle de pension identique prévue à l’annexe III. Partant, il convient de constater que les dispositions de cette annexe n’ont pas été abrogées et sont toujours applicables, en l’occurrence dans le cas des requérants.

i)      Sur la situation des requérants

82      En l’espèce, tous les requérants bénéficiant d’une pension de retraite ont commencé à la percevoir avant le 14 juillet 2009. L’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, est donc applicable à leur situation.

83      En outre, dans la mesure où les parties s’accordent sur le fait que le droit à la pension de survie en cause constitue un droit dépendant et dérivé du droit à la pension de retraite de l’ancien député décédé, il y a lieu de se référer, afin de déterminer quel paragraphe de l’article 75 est applicable, à la date à partir de laquelle cet ancien député avait commencé à percevoir sa pension de retraite sur la base de l’annexe III. Par suite, l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, est également applicable aux requérantes dans les affaires T‑365/19 et T‑374/19, lesquelles bénéficient d’une pension de survie. En effet, les conjoints décédés avaient tous commencé à percevoir leur pension de retraite avant le 14 juillet 2009.

84      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, prévoit que « [les] pension[s] de retraite attribuées en vertu [de l’]annex[e] III de la réglementation FID continuent d’être versées en application de [cette] annex[e] aux personnes qui ont bénéficié de ces prestations avant la date d’entrée en vigueur du statut ».

85      Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III énonce, quant à lui, la règle de pension identique, au cœur des présentes affaires, dans les termes suivants :

« Le niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre basse de l’État membre pour lequel le membre considéré du Parlement a été élu. »

86      La formulation impérative de cette disposition – « [l]e niveau et les modalités de la pension provisoire sont identiques » – ne laisse aucune marge au Parlement pour un mode de calcul autonome. Sous réserve du respect des normes de rang supérieur du droit de l’Union, en ce compris les principes généraux du droit et la Charte, le Parlement est tenu de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen relevant du champ d’application de l’annexe III sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, à savoir, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision no 14/2018.

87      De même, l’usage du présent de l’indicatif – « sont identiques » – implique que cette obligation d’appliquer les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités que celles fixées par le droit de l’État membre concerné ne se limite pas à régir la situation passée des anciens députés, c’est-à-dire avant l’adoption du statut des députés, mais continue de déployer ses effets tant que les pensions de retraite sont versées.

88      Cette double interprétation est renforcée par l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, lequel indique expressément que les pensions de retraite « continuent d’être versées » en application de l’annexe III. Le recours, ici aussi, à une formulation impérative et au présent de l’indicatif confirme, d’une part, la permanence des règles contenues à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, même après l’entrée en vigueur du statut des députés, et, d’autre part, l’absence de marge de manœuvre du Parlement quant à leur application.

89      Il se déduit de ce qui précède que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lus conjointement, exigent, de manière expresse, que le Parlement applique, en tout temps, les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités des pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné. Le Parlement ne saurait, comme cela est déjà indiqué au point 86 ci-dessus, s’affranchir de cette obligation que dans la seule hypothèse où, eu égard au principe de la hiérarchie des normes, la mise en œuvre de ces règles conduirait à violer une norme de rang supérieur du droit de l’Union.

90      Par ailleurs, même si l’application de ces règles implique, comme en l’espèce, une réduction du montant des pensions, cela ne saurait pour autant être considéré comme portant atteinte aux droits à pension de retraite acquis de leurs bénéficiaires.

91      En effet, la lecture combinée de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’annexe III indique que les droits à pension de retraite acquis, issus des cotisations payées par les anciens députés, ne constituent que la base de calcul desdites pensions de retraite. En revanche, aucune disposition de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’annexe III ne garantit l’immuabilité du montant de ces pensions. Les droits à pension acquis dont ledit article 75 fait mention ne doivent pas être confondus avec un prétendu droit de percevoir un montant fixe de pension.

92      Cette interprétation de la règle de pension identique n’est pas infirmée par l’article 75, paragraphe 2, première phrase, à laquelle les requérants se réfèrent implicitement. Certes, cette disposition prévoit que « les droits à pension de retraite acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe III précitée restent acquis ». Toutefois, ledit article 75, paragraphe 2, première phrase, n’indique pas que le montant des pensions de retraite ne peut pas être modifié, que ce soit en faveur ou en défaveur de leurs bénéficiaires. En outre, une interprétation systémique de cet article 75 emporte, en tout état de cause, l’inapplicabilité de son paragraphe 2 aux anciens députés, tels les requérants, qui ont commencé à percevoir leur pension de retraite avant le 14 juillet 2009.

93      Cette interprétation ne conduit pas davantage, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à méconnaître l’article 28 du statut des députés. En effet, ainsi que l’a relevé à bon droit le Parlement, il suffit de constater que l’article 28 du statut des députés ne s’applique, selon sa propre lettre, qu’aux droits à pension que les députés ont acquis « en vertu des régimes nationaux ». Or, en l’espèce, les pensions de retraite des requérants n’ont pas été acquises en vertu d’un régime national, mais sur le fondement des dispositions de l’annexe III. De plus, les requérants reconnaissent eux-mêmes, dans leurs écritures, que leurs pensions ne sont pas à la charge de la République italienne, mais à celle du Parlement. L’article 28 du statut des députés est donc inapplicable aux pensions des requérants, dès lors que celles-ci relèvent d’un régime de pension de l’Union, et non d’un régime de pension national.

94      Enfin, le Tribunal constate que l’absence d’immuabilité du montant des pensions versées au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III est confirmée par la pratique. En effet, en réponse aux questions écrites du Tribunal, le Parlement a indiqué, preuves à l’appui, que, avant l’adoption de la décision no 14/2018, le montant des pensions de retraite d’une dizaine d’anciens députés européens, élus en Italie, avait déjà été diminué pour tenir compte de la décision no 210/2017 de l’office de la présidence de la Chambre des députés. En sens inverse, le Parlement a précisé, également preuves à l’appui, que le niveau des pensions de retraite de certains anciens députés européens, élus en Italie, avait augmenté, entre 2002 et 2005, en application de la hausse du montant de l’indemnité parlementaire décidée par l’office de la présidence de la Chambre des députés.

ii)    Conclusion

95      En l’espèce, le Parlement n’a modifié ni l’article 75 ni l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. Ces dispositions sont restées inchangées. De même, le Parlement n’a pas remis en cause les droits à pension de retraite acquis par les requérants avant le 14 juillet 2009.

96      Concrètement, en application de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, le Parlement s’est limité à adapter le niveau et les modalités des pensions de retraite ou de survie des requérants pour tenir compte des nouvelles règles de calcul fixées par la décision no 14/2018. Ainsi, seules les règles de calcul du montant de ces pensions de retraite ou de survie ont été modifiées, en application des nouvelles prescriptions de la décision no 14/2018. Les requérants n’ont d’ailleurs pas soutenu que le Parlement avait mal appliqué les règles de la décision no 14/2018.

97      Du reste, et à titre de comparaison, le Tribunal constate que la possibilité d’une révision du montant des pensions a déjà été admise par la jurisprudence dans le cadre du contentieux de la fonction publique de l’Union. Suivant celle-ci, il y a lieu d’établir une distinction nette entre la fixation du droit à pension et le paiement des prestations qui en résultent. Ainsi, selon la jurisprudence, les droits acquis en termes de fixation d’une pension ne sont pas violés lorsque les changements intervenus dans les montants effectivement payés résultent d’évolutions législatives ou réglementaires qui ne portent pas atteinte au droit à pension proprement dit (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, points 79 et 80 et jurisprudence citée).

98      Eu égard aux considérations qui précèdent, le Parlement a satisfait à l’obligation qui pèse sur lui au titre de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III en appliquant les règles de la décision no 14/2018 et, en conséquence, en adoptant les décisions attaquées. Quant à la question de savoir si cette application par le Parlement des règles de la décision no 14/2018 viole, ou non, d’autres normes de rang supérieur du droit de l’Union que ledit article 75 ou l’annexe III, elle sera examinée dans le cadre des quatrième à huitième moyens, aux points 116 à 223 ci-dessous.

99      Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le Parlement pouvait valablement se fonder sur l’article 75 et sur les règles de l’annexe III, sans en méconnaître les dispositions, pour adopter les décisions attaquées.

100    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.

2)      Sur la seconde branche du deuxième moyen, portant sur une violation de la « réserve de loi »

101    Dans le cadre de la seconde branche, les requérants soutiennent que la décision no 14/2018 ne serait pas un acte législatif. Or, le bureau du Parlement aurait assuré, dans une décision adoptée lors d’une réunion qui s’est tenue entre les 8 et 10 février 1999, que les pensions à la charge de cette institution seraient définies dans les conditions prévues par la « législation nationale » pertinente. Cette « réserve de loi » à l’égard des régimes de pension des parlementaires serait également garantie par l’article 69 de la Constitution italienne. En conséquence, les dispositions de la décision no 14/2018 n’auraient pas pu modifier dans un sens défavorable le montant des pensions des requérants.

102    Le Parlement conclut au rejet de la seconde branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

103    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans les décisions attaquées, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 55 à 58 ci-dessus). Partant, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour examiner les arguments des requérants tirés d’une éventuelle méconnaissance de l’article 69 de la Constitution italienne par la décision no 14/2018.

104    Ensuite, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé aux points 82 et 83 ci-dessus, la situation juridique des requérants ne relève que de l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa. Aux termes de cette disposition, les pensions de retraite continuent d’être versées à leurs bénéficiaires en application de l’annexe III.

105    Or, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, qui régit précisément le calcul du montant desdites pensions en renvoyant au droit de l’État membre concerné, ne précise pas que ce droit national doit prendre la forme d’une « loi ». Plus largement encore, aucune disposition de l’annexe III ne fait référence à la « législation » de l’État membre concerné.

106    Partant, l’article 75, paragraphe 1, n’exige pas que les modalités de calcul des pensions soient fixées, dans le droit de l’État membre concerné, par une « loi ». Il est donc sans incidence que la décision no 14/2018 n’ait pas été adoptée sous la forme d’une loi.

107    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que le document cité par les requérants, et joint en tant qu’annexe, respectivement, A.2. (affaire T‑365/19), A.3. (affaire T‑364/19), A.5. (affaires T‑345/19, T‑346/19, T‑366/19 et T‑372/19 à T‑375/19) et A.6. (affaire T‑385/19), fait référence à la « législation nationale » en cause. D’une part, contrairement à ce qu’affirment les requérants dans le corps de leur requête, ce document ne constitue pas une décision que le bureau du Parlement aurait adoptée lors de sa réunion tenue entre les 8 et 10 février 1999, mais une communication du collège des questeurs datée du 18 mars 1999. Cette constatation est d’ailleurs corroborée par la lecture du bordereau des annexes jointes aux requêtes. Cependant, ladite communication du collège des questeurs n’a aucune portée normative, en ce qu’elle se limite à décrire les règles en vigueur en 1999. D’autre part, indépendamment même de la question de savoir si cette communication transcrit fidèlement ou non la décision adoptée par le bureau du Parlement lors de sa réunion des 8 à 10 février 1999 et si celle-ci est encore en vigueur, il suffit de constater, en tout état de cause, que l’article 75, paragraphe 1, premier alinéa, ne mentionne ni cette communication ni cette décision dans le cadre réglementaire régissant les pensions de retraite. Le Parlement ne devait donc pas prendre en considération cette communication et cette décision, à les supposer encore existantes, lorsqu’il a adopté les décisions attaquées.

108    Par conséquent, il convient de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, celui-ci dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement relative au prétendu manque de clarté de l’intitulé dudit moyen.

c)      Sur le troisième moyen, pris de la violation de l’article 28 du statut des députés ainsi que des articles 75 et 76 des mesures d’application

109    À l’appui du troisième moyen, les requérants soutiennent, en substance, que l’article 28 du statut des députés ainsi que les articles 75 et 76 des mesures d’application consacrent une « clause de sauvegarde », laquelle garantirait que les droits à pension acquis avant le 14 juillet 2009 et le montant desdites pensions resteraient inchangés. Ni la décision no 14/2018 ni les décisions attaquées ne pourraient valablement modifier l’article 28 du statut des députés et les articles 75 et 76 des mesures d’application. De plus, la décision no 14/2018 ne prévoirait pas son applicabilité aux anciens députés européens élus en Italie. Partant, la prétendue applicabilité automatique de la décision no 14/2018 par le Parlement aurait méconnu la confiance légitime que les requérants auraient tiré de ladite « clause de sauvegarde ».

110    Le Parlement conclut au rejet du troisième moyen comme étant non fondé.

111    À titre liminaire, il convient de rejeter comme inopérants, et pour les mêmes motifs que ceux visés aux points 80 et 93 ci-dessus, les arguments des requérants par lesquels ils entendent contester la légalité des décisions attaquées au regard de l’article 28 du statut des députés et de l’article 76 des mesures d’application. En effet, ces dispositions sont inapplicables en l’espèce.

112    Est également sans pertinence l’argument des requérants aux termes duquel la décision no 14/2018 ne prévoirait pas son application aux anciens députés européens élus en Italie. Ainsi que le Tribunal l’a relevé dans le cadre du deuxième moyen, en particulier aux points 85 à 89 ci-dessus, c’est la règle de pension identique, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, qui impose au Parlement de déterminer le niveau et les modalités de la pension de retraite d’un ancien député européen relevant du champ d’application de ladite annexe sur la base de ceux définis dans le droit national applicable, à savoir, en l’occurrence, sur le fondement des règles définies dans la décision no 14/2018. L’applicabilité aux requérants des dispositions contenues dans la décision no 14/2018 découle donc non de cette décision, mais de la règle de pension identique.

113    Quant à la prétendue violation de l’article 75 en ce sens que celui-ci contiendrait une « clause de sauvegarde » garantissant l’immuabilité du montant des pensions des requérants, il suffit de constater que cet argument a été rejeté aux points 90 à 92 ainsi que 94 ci-dessus. Par ailleurs, le Tribunal a conclu, aux points 95 à 99 ci-dessus, que les décisions attaquées n’avaient pas modifié l’article 75 et qu’elles étaient conformes à celui-ci.

114    Enfin, en ce que les requérants reprochent au Parlement d’avoir violé le principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu de constater que cet argument se confond avec l’argumentation développée dans le cadre du sixième moyen. Il est, dès lors, renvoyé aux points 209 à 214 ci-dessous.

115    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen.

d)      Sur le quatrième moyen, pris de la violation de l’article 49 de la Charte et du principe de légalité des peines ainsi que de la violation des principes de non-rétroactivité et d’égalité

116    Le quatrième moyen comprend, en substance, deux branches. La première branche porte sur la violation de l’article 49 de la Charte et du principe de légalité des peines. La seconde branche est relative à la violation du principe d’égalité.

117    Le Parlement conclut au rejet du quatrième moyen comme en partie irrecevable, dans la mesure où, malgré l’intitulé de ce moyen, les requérants n’avancent aucun argument relatif à la prétendue violation du principe de non-rétroactivité, et en partie non fondé.

118    À cet égard, et conformément à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme irrecevable en ce qu’il est pris de la violation du principe de non-rétroactivité. Ainsi que l’a relevé le Parlement, les requérants n’ont avancé aucun argument au soutien de ce grief. En tout état de cause, ce grief est réitéré, avec une argumentation plus conséquente, dans le cadre du sixième moyen. Il est, dès lors, renvoyé aux points 194 à 208 ci-dessous.

119    Ces précisions étant faites, il convient d’examiner les autres arguments des requérants.

1)      Sur la première branche du quatrième moyen, portant sur la violation de l’article 49 de la Charte et du principe de légalité des peines

120    Dans le cadre de la première branche, les requérants soutiennent, en substance, que les décisions attaquées méconnaissent l’article 49 de la Charte et le principe de légalité des peines, en ce sens que les anciens députés européens élus en Italie seraient pénalisés par les nouvelles règles de calcul prévues par la décision no 14/2018. Or, les raisons ayant présidé à l’adoption de cette décision seraient de sanctionner, de manière arbitraire, les anciens députés de la Chambre des députés. De plus, la décision no 14/2018 méconnaîtrait le principe de légalité des peines consacré par l’article 25 de la Constitution italienne et l’article 49 de la Charte, dès lors que cette décision aurait été adoptée en l’absence de toute loi préalable. Enfin, le caractère punitif des décisions attaquées serait d’autant plus évident que les requérants subiraient une réduction du montant de leur pension comprise entre 60 et 80 %.

121    Le Parlement conclut au rejet de la première branche du quatrième moyen comme étant non fondée.

122    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans les décisions attaquées, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 55 à 58 ainsi que 103 ci-dessus). Partant, le Tribunal n’est pas compétent pour examiner les arguments des requérants tirés d’une éventuelle méconnaissance de l’article 25 de la Constitution italienne par la décision no 14/2018. De même, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour apprécier les allégations des requérants, au demeurant non étayées, relatives à la prétendue volonté « démagogique », « moralisatrice » et « punitive » de la République italienne à l’égard des anciens membres de la Chambre des députés.

123    Ensuite, il convient de rappeler que l’article 49 de la Charte prévoit notamment que « [n]ul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international » et que « [l’]intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction ». Cet article, qui consacre ainsi les principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines, n’est toutefois applicable que si la mesure en cause constitue une sanction pénale (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, BB construct, C‑534/16, EU:C:2017:820, points 31 à 33 et jurisprudence citée).

124    À cet égard, les requérants n’ont avancé aucun argument précis et concret visant à démontrer que les décisions attaquées auraient un caractère pénal. Leur argumentation se borne à développer des considérations relativement vagues quant aux intentions politiques présumées des autorités italiennes lors de l’adoption de la décision no 14/2018.

125    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 96 ci-dessus, lorsque le Parlement a adopté les décisions attaquées, qui sont seules en cause dans le cadre des présents recours, il s’est limité à satisfaire à l’obligation qui pèse sur lui au titre de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. En revanche, le Tribunal constate que l’adoption des décisions attaquées ne poursuit aucune finalité répressive. Les requérants n’ont d’ailleurs pas soutenu que les décisions attaquées auraient été adoptées dans le but de les sanctionner.

126    Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirment les requérants dans le cadre de la présente branche et dans le cadre du septième moyen, la réduction du montant de leur pension n’est pas comprise entre 60 et 80 %. D’une part, ces chiffres, pour le moins imprécis s’agissant de décisions individuelles, sont en contradiction avec ceux avancés par les requérants eux-mêmes dans la partie introductive de leur requête (selon laquelle « le montant de [leur] allocation [a été] réduit de 50 % »), dans la partie de leur requête consacrée au cadre juridique (qui mentionne « des pourcentages de 40, 50 et 80 % »), dans le cinquième moyen (qui se réfère à « une réduction […] de 40 à 50 % »), dans le sixième moyen (qui évoque « en l’espèce 50 % en moins », mais aussi « [des] variations […] comprises entre 50 et 70 %) ainsi que dans leurs réponses écrites du 16 juin 2020 (qui indiquent « [une réduction] d’environ 50 % » ou, pour certains requérants, « une baisse de 40 % »). D’autre part, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a fourni un tableau précisant, pour chaque requérant, l’ampleur de cette réduction. Selon les données transmises par le Parlement, les pourcentages de réduction oscillent, suivant la situation personnelle de chaque requérant, entre 24 et 61 %. Neuf requérants sur dix se sont vu appliquer une réduction inférieure à 50 %. S’agissant du dixième requérant, il a subi une réduction de 61 % et le nouveau montant de sa pension se situe à 735,65 euros. Il convient de constater que les pensions des requérants sont liées à des mandats de l’ancien député concerné d’une durée respective de cinq, dix ou quinze ans, et que le nouveau mode de calcul s’effectue sur la base des contributions individuelles, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision no 14/2008.

127    Compte tenu de ces considérations, même s’il n’est pas exclu que la réduction du montant des pensions puisse représenter une certaine charge financière pour les requérants, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que cette réduction constitue une sanction pénale au sens de l’article 49 de la Charte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 octobre 2017, BB construct, C‑534/16, EU:C:2017:820, point 32). Partant, l’article 49 de la Charte est inapplicable en l’espèce.

128    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du quatrième moyen.

2)      Sur la seconde branche du quatrième moyen, portant sur une violation du principe d’égalité

129    Dans le cadre de la seconde branche, les requérants soutiennent que la décision no 14/2018 et les décisions attaquées violent le principe d’égalité, tel que consacré notamment par les articles 20 et 21 de la Charte ainsi que par l’article 3 de la Constitution italienne. Les décisions attaquées traiteraient différemment les anciens députés européens élus en Italie par rapport aux anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, relevant pourtant tous de la même annexe III. Les décisions attaquées traiteraient également différemment les anciens députés européens élus en Italie qui ont exercé leur mandat avant le 14 juillet 2009 par rapport aux députés européens, élus dans ce même État membre, qui ont commencé à exercer leur mandat à partir de cette date. Enfin, elles traiteraient différemment les anciens députés européens élus en Italie qui ont exercé leur mandat avant le 14 juillet 2009 par rapport aux autres citoyens.

130    Par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérants ont également soulevé une exception d’illégalité de l’article 7 de l’annexe I de la réglementation FID, de la règle de pension identique, de l’article 75 ainsi que de l’article 27 du règlement 2018/1046.

131    Le Parlement conclut au rejet de la seconde branche du quatrième moyen comme étant non fondée.

132    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans les décisions attaquées, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 55 à 58 ainsi que 103 ci-dessus). Partant, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour examiner les arguments des requérants tirés d’une éventuelle méconnaissance de l’article 3 de la Constitution italienne par la décision no 14/2018.

133    Il convient également de rejeter l’exception d’illégalité de l’article 7 de l’annexe I de la réglementation FID et celle de l’article 27 du règlement 2018/1046. En effet, le Parlement ne s’est pas fondé sur ces dispositions pour adopter les décisions attaquées. De plus, l’annexe I de la réglementation FID ne contient aucun article 7. En tout état de cause, ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 82 et 83 ci-dessus, la situation des requérants relève de l’annexe III, et non de l’annexe I de la réglementation FID. Par ailleurs, l’article 27 du règlement 2018/1046 a trait aux règles en matière de déductions et de compensations liées aux taux de change. Il est manifeste que cette dernière disposition est totalement étrangère à l’objet des présents litiges. Du reste, les requérants n’ont pas expliqué en quoi l’éventuel constat d’illégalité de cette dernière disposition pourrait emporter l’annulation des décisions attaquées.

134    Ensuite, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 62 et jurisprudence citée).

135    À cet égard, les trois griefs mentionnés au point 129 ci-dessus sont dirigés dans les requêtes à l’encontre des décisions attaquées. Cependant, ces griefs ne découlent pas des décisions attaquées, mais des règles fixées par l’article 75 et par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. C’est donc uniquement à l’égard de ces deux articles, qui, au demeurant, font l’objet de l’exception d’illégalité des requérants, que leurs arguments doivent être appréciés.

136    Toutefois, aucun des arguments soulevés par les requérants n’est à même d’établir l’illégalité de l’article 75 ou de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

137    Premièrement, les requérants font grief au Parlement de ne pas les traiter de la même manière que les anciens députés européens, élus en France ou au Luxembourg, qui ont également choisi d’adhérer au régime de pension de l’annexe III. Les requérants auraient ainsi fait l’objet d’un traitement différencié, alors qu’ils se trouveraient dans la même situation que ces autres anciens députés, puisque tous auraient assumé les mêmes fonctions durant la même période.

138    Selon une jurisprudence constante, les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, points 26 et jurisprudence citée).

139    À cet égard, il est constant que le régime de pension de l’annexe III a été conçu pour garantir une identité de traitement, notamment, entre les anciens députés européens élus en Italie et les membres de la Chambre des députés. Cet objectif est explicitement affirmé à l’article 1, paragraphe 2, et à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. L’identité de traitement constitue ainsi la caractéristique centrale du régime organisé par l’annexe III.

140    Le but et l’objet de l’annexe III consistent donc, en l’espèce, à garantir une identité de traitement entre les anciens députés européens élus en Italie et les membres de la Chambre des députés.

141    Partant, les requérants ne se trouvent pas dans la même situation que les anciens députés européens élus en France ou au Luxembourg qui ont également fait le choix d’adhérer à ce régime de pension. En effet, les pensions des anciens députés européens élus dans ces deux États membres n’ont pas vocation à être régies par les règles fixées par le droit italien, mais par d’autres règles nationales qui leur sont spécifiquement applicables.

142    Deuxièmement, les requérants affirment que le Parlement les a traités différemment par rapport aux députés européens élus en Italie qui ont commencé à exercer leur mandat à partir du 14 juillet 2009.

143    Cet argument doit être rejeté, dès lors que les requérants ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle desdits députés européens.

144    Il ressort expressément de l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe III que le régime de pension de retraite organisé par cette annexe avait été établi pour pallier, « [e]n attendant l’instauration d’un régime [de l’Union] de pension définitif », l’absence d’un tel régime de pension en France, en Italie et au Luxembourg. L’adhésion à ce régime de retraite était volontaire, et celui-ci était financé par les cotisations payées par les députés européens concernés.

145    En revanche, depuis l’entrée en vigueur du statut des députés et précisément l’instauration dudit régime de pension définitif, l’ensemble des députés européens, quel que soit l’État membre dans lequel ils ont été élus, ont droit à une pension d’ancienneté au titre de l’article 14 dudit statut et de l’article 49 des mesures d’application.

146    Il en résulte deux régimes de pension successifs qui impliquent deux types de droits à pension : les droits à pension de retraite acquis jusqu’au 14 juillet 2009, sur la base de l’article 75 et de l’annexe III, et les droits à pension d’ancienneté acquis depuis le 14 juillet 2009, sur le fondement de l’article 49 des mesures d’application.

147    Or, ces deux régimes sont distincts à plusieurs égards.

148    Contrairement au régime de pension organisé par l’annexe III, l’adhésion au régime de pension définitif est obligatoire et ne repose donc pas sur un choix volontaire des députés européens. De même, contrairement au régime de pension organisé par l’annexe III, le régime de pension définitif est financé, ainsi qu’il ressort du considérant 10 et de l’article 12, paragraphe 5, du statut des députés, par un impôt payé par les députés européens au profit de l’Union, et non par des cotisations. Sur ce dernier point, il convient de relever que les cotisations payées dans le cadre de l’annexe III étaient calculées, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de cette annexe, d’une manière telle que les députés européens concernés payaient au total la même contribution que celle qui était payée par les membres de la Chambre basse de l’État membre dans lequel ils avaient été élus. En revanche, ledit impôt, visé à l’article 12, paragraphe 5, du statut des députés, est, eu égard à l’article 70 des mesures d’application, calculé de manière uniforme en application des dispositions contenues dans le règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes (JO 1968, L 56, p. 8).

149    Il suffit ainsi de constater que, contrairement aux députés européens entrés en fonction depuis le 14 juillet 2009, les requérants n’ont jamais relevé du régime de pension d’ancienneté organisé par l’article 14 du statut des députés et l’article 49 des mesures d’application et qu’ils n’ont jamais participé à son financement en payant l’impôt dû au titre de l’article 12, paragraphe 5, de ce même statut. Du reste, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérants ont reconnu que le montant de leur pension était calculé sur la base des cotisations qu’ils avaient versées au Parlement au titre de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe III. Au surplus, il ne ressort nullement des dossiers soumis au Tribunal que, pendant les presque dix années qui ont séparé l’entrée en vigueur du statut des députés et l’introduction des présents recours, les requérants aient manifesté une quelconque intention de relever du régime de pension d’ancienneté organisé par ledit statut en lieu et place du régime de retraite institué par l’annexe III.

150    Troisièmement, les requérants soutiennent qu’ils auraient été traités différemment par rapport aux autres citoyens.

151    Cet argument doit également être rejeté, dès lors que les requérants ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des citoyens européens qui n’ont jamais exercé un mandat de député européen au sein du Parlement. En effet, ces citoyens ne relèvent d’aucun des régimes de pension avantageux organisés par la réglementation FID ou le statut des députés.

152    Par conséquent, il convient de rejeter la seconde branche du quatrième moyen et, partant, celui-ci dans son intégralité.

e)      Sur le cinquième moyen, pris de la violation du droit de propriété

153    À l’appui du cinquième moyen, les requérants soutiennent, en substance, que leur droit de propriété, tel que garanti par l’article 17 de la Charte et l’article 23 de la Constitution italienne, aurait été violé. En effet, d’une part, l’atteinte à leur droit de propriété ne découlerait pas d’une loi et aucun intérêt général n’aurait été invoqué pour la justifier. D’autre part, les décisions attaquées seraient disproportionnées dans la mesure où elles feraient supporter une charge financière exorbitante aux requérants. En outre, les requérants contestent les avantages économiques supposés que la décision no 14/2018 entraînerait pour les finances de la République italienne. Enfin, ni la décision no 14/2018 ni les décisions attaquées n’expliqueraient la réduction du montant des pensions. Par conséquent, elles ne seraient pas motivées.

154    Le Parlement conclut au rejet du cinquième moyen comme étant non fondé.

155    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans les décisions attaquées, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 55 à 58 ainsi que 103 ci-dessus). Partant, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour examiner les arguments des requérants tirés d’une éventuelle méconnaissance de l’article 23 de la Constitution italienne par la décision no 14/2018 ou d’un défaut de motivation dont cette dernière serait affectée.

156    Selon la jurisprudence, le droit de propriété, tel que garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental du droit de l’Union, dont le respect est une condition de la légalité des actes de l’Union. En outre, cette disposition, qui énonce le droit de toute personne de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, énonce une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 96 et jurisprudence citée).

157    Cependant, il importe de rappeler que le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’est pas absolu et que son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à la condition que ces restrictions soient prévues par la loi, qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et qu’elles ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, points 51 et 53 et jurisprudence citée).

158    Enfin, afin de déterminer la portée du droit fondamental au respect de la propriété, il y a lieu, eu égard à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, de tenir compte de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacre ce droit (voir arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 49 et jurisprudence citée).

159    En l’espèce, il convient de rappeler que les décisions attaquées appliquent, conformément à la règle de pension identique, le nouveau mode de calcul tel qu’établi par la décision no 14/2008 aux pensions de retraite ou de survie des requérants. En ce qui concerne plus particulièrement le présent moyen, tiré d’une violation du droit de propriété, tel que garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, force est de constater que les requérants n’avancent aucun élément concret selon lequel ce droit garantit un niveau de protection différent, voire supérieur, aux garanties assurées par le droit italien.

160    En l’occurrence, il est constant que le Parlement n’a pas privé les requérants d’une partie de leurs droits à pension, mais qu’il s’est borné à appliquer la réduction du montant de ces pensions prévue par les dispositions applicables en la matière. De plus, comme cela est déjà indiqué au point 126 ci-dessus, les pourcentages de réduction des pensions en cause oscillent, suivant la situation personnelle de chaque requérant, entre 24 et 61 %. Neuf requérants sur dix se sont vu appliquer une réduction inférieure à 50 %. S’agissant du dixième requérant, il a subi une réduction de 61 % et le nouveau montant de sa pension se situe à 735,65 euros. Les pensions des requérants sont liées à des mandats de l’ancien député concerné d’une durée respective de cinq, dix ou quinze ans, et le nouveau mode de calcul s’effectue sur la base des contributions individuelles, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision no 14/2008. En tout état de cause, les requérants ne développent pas d’argumentation circonstanciée et individuelle tirée de l’ampleur de la réduction du montant de la pension dans leur cas spécifique. Sur ce point, comme le Tribunal l’a déjà relevé au point 126 ci-dessus, les chiffres avancés par les requérants sont imprécis, variables et contradictoires. Ainsi, tout au plus, les requérants se limitent à soulever des arguments de nature plus générale selon lesquels le droit de propriété exclurait les réductions du montant des pensions en l’espèce en raison de leur prétendue rétroactivité et de la prétendue absence d’intérêt public supérieur. Au surplus, il convient de rappeler que l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans un cas particulier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 153 et jurisprudence citée).

161    À cet égard, il y a lieu d’ajouter ce qui suit.

162    Il a déjà été jugé que, lorsqu’une législation prévoit le versement automatique d’une prestation sociale, telle une pension de retraite ou de survie, elle engendre un intérêt patrimonial relevant, pour les personnes remplissant ses conditions, du champ d’application de l’article 17 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 50 et jurisprudence citée). Les pensions des requérants entrent donc dans le champ d’application matériel de l’article 17 de la Charte.

163    Par ailleurs, même si les décisions attaquées n’emportent pas une privation pure et simple des pensions des requérants, il n’en demeure pas moins qu’elles en réduisent le montant. En ce sens, les décisions attaquées restreignent le droit de propriété des requérants (voir, en ce sens, Cour EDH, 1er septembre 2015, Da Silva Carvalho Rico c. Portugal, CE :ECHR :2015 :0901DEC001334114, points 31 à 33 et jurisprudence citée). Du reste, le Parlement a admis l’existence d’une telle restriction durant l’audience.

164    Il convient donc de vérifier si cette restriction respecte le contenu essentiel du droit de propriété des requérants, si elle est prévue par la loi, si elle répond à un objectif d’intérêt général et si elle est nécessaire à cette fin.

165    À cet égard, le fait que le Parlement n’a pas procédé à cette vérification n’a aucune incidence pour les affaires en l’espèce. En effet, une telle vérification ne constitue pas une formalité procédurale obligatoire à laquelle le Parlement aurait été astreint avant d’adopter les décisions attaquées. Seul importe que les effets concrets de ces décisions ne portent pas atteinte au contenu essentiel du droit de propriété des requérants.

166    Premièrement, le droit de propriété, tel que consacré par l’article 17 de la Charte, ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 50 et jurisprudence citée).

167    Deuxièmement, la restriction au droit de propriété des requérants en cause en l’espèce est prévue par la loi.

168    D’une part, les décisions attaquées se fondent sur l’article 75 et sur l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. À cet égard, il a été relevé au point 95 ci-dessus que les règles de l’annexe III n’avaient pas été modifiées depuis l’entrée en vigueur du statut des députés. De plus, l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III exige que le montant des pensions soit adapté, à la baisse ou à la hausse, pour tenir compte des évolutions législatives ou réglementaires pertinentes dans l’État membre concerné. Ainsi, les décisions attaquées, tout en adaptant le montant des pensions des requérants, n’ont pas modifié le contenu du droit à pension tel que défini par le droit de l’Union.

169    D’autre part, le Tribunal constate que les nouvelles règles de calcul de ces pensions sont fixées, avec suffisamment de clarté et de précision, par les dispositions de la décision no 14/2018. En outre, la circonstance, mise en avant par les requérants, que la décision n’ait pas la forme d’une « loi » en droit italien n’a aucune incidence. Selon une jurisprudence constante, la notion de « loi » doit être entendue dans son acception « matérielle », et non « formelle ». En conséquence, elle inclut l’ensemble constitué par le droit écrit, y compris les textes de rang infra législatif, ainsi que la jurisprudence qui l’interprète [voir Cour EDH, 18 janvier 2018, Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS) et autres c. France, CE :ECHR :2018 :0118JUD 004815111, point 160 et jurisprudence citée].

170    Troisièmement, le Parlement affirme que la justification de la restriction au droit de propriété des requérants figure dans la décision no 14/2018, dès lors que c’est l’office de la présidence de la Chambre des députés qui a fait le choix d’adapter le mode de calcul des pensions versées aux membres de cette chambre. Plus précisément, la décision no 14/2018 serait justifiée par l’objectif d’adapter le montant des pensions versées à tous les députés au système de calcul sur contribution. Par ailleurs, selon le Parlement, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les États disposent d’une marge d’appréciation étendue, en particulier en ce qui concerne l’adoption de politiques d’économie des deniers publics ou de lois introduisant des mesures d’austérité imposées par une grave crise économique.

171    À cet égard, le Tribunal relève que, compte tenu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, l’adoption des décisions attaquées est nécessairement tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes. Aussi, l’appréciation de l’objectif d’intérêt général poursuivi ne peut faire abstraction des buts ayant présidé à l’adoption de la décision no 14/2018.

172    Sur ce point, il y a lieu de constater que l’objectif invoqué par le Parlement est explicitement mentionné dans le préambule de la décision no 14/2018. En effet, il y est précisé que cette décision vise à « procéder à un nouveau calcul selon la méthode contributive du montant des allocations viagères, de la part d’allocation viagère des prestations de prévoyance pro rata et des prestations de réversion dont les droits ont été acquis sur la base de la réglementation en vigueur au 31 décembre 2011 » et que « le nouveau calcul de la prestation en vigueur [ne peut pas] donner lieu à un montant plus élevé que celui actuellement versé ».

173    De plus, même si les requérants affirment qu’aucun intérêt général spécifique n’a été invoqué pour justifier cette atteinte à leur droit de propriété, ils reconnaissent pourtant eux-mêmes que l’adoption de la décision no 14/2018 vise à réduire les dépenses à la charge de l’État italien. En effet, en considérant que la nouvelle méthode de calcul « n’entraînera aucune économie concrète » et que « les économies résultant de cette réforme sont presque négligeables par rapport à la très lourde dette publique italienne », les requérants admettent, implicitement, mais nécessairement, que la raison d’être de la réduction opérée par la décision no 14/2018 est de générer une économie de dépenses en faveur des caisses de l’État italien. Cette conclusion s’impose d’autant plus que les requérants déclarent également, dans le cadre du quatrième moyen, que la décision no 14/2018 a pour conséquence que « des sommes considérables […] seront versées dans les caisses de l’État [italien] ».

174    Il se déduit de ces éléments que la décision no 14/2018 a pour objectif de rationaliser les dépenses publiques dans un contexte de rigueur budgétaire. Or, le juge de l’Union a déjà reconnu qu’un tel objectif constitue un objectif d’intérêt général susceptible de justifier une atteinte aux droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 56 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2018, FV/Conseil, T‑750/16, EU:T:2018:972, point 108).

175    Cet objectif légitime doit également être retenu pour les décisions attaquées, dès lors que l’adoption de ces dernières ne présente aucune raison d’être autonome, mais qu’elle est, au contraire, comme il est précisé au point 171 ci-dessus, tributaire des choix posés par les autorités italiennes compétentes. De plus, les décisions attaquées poursuivent en même temps l’objectif légitime, explicitement affirmé par l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, d’accorder aux requérants des pensions dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la Chambre des députés.

176    Quatrièmement, en ce qui concerne la nécessité de la décision no 14/2018, et par conséquent celle des décisions attaquées, la Cour a déjà jugé que, compte tenu du contexte économique particulier sévissant depuis plusieurs années, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent des décisions en matière économique et qu’ils sont les mieux placés pour définir les mesures susceptibles de réaliser l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, point 57). De même, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà considéré que la décision de légiférer en matière de prestations sociales implique d’ordinaire un examen de questions d’ordres politique, économique et social. Il en découle qu’une marge d’appréciation étendue est laissée aux États, en particulier pour l’adoption de politiques d’économie des deniers publics ou de lois introduisant des mesures d’austérité imposées par une grave crise économique (voir, en ce sens, Cour EDH, 10 juillet 2018, Achille Claudio Aielli et autres c. Italie et Giovanni Arboit et autres c. Italie, CE :ECHR :2018 :0710DEC002716618, point 26 et jurisprudence citée).

177    Or, les requérants n’ont pas démontré que les règles fixées par la décision no 14/2018 n’étaient pas nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis, tels que décrits aux points 174 et 175 ci-dessus. Les requérants n’ont pas non plus évoqué l’existence d’autres mesures moins contraignantes qui auraient permis d’atteindre lesdits objectifs.

178    Par ailleurs, il ressort des points 13 et 16 de l’avis du service juridique que la décision no 14/2018 contient un certain nombre de dispositions garantissant sa proportionnalité, et en particulier l’article 1er, paragraphes 6 et 7, de cette décision. À cet égard, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a fourni un tableau dans lequel il apparaît qu’il a fait application des règles de l’article 1er, paragraphe 6, de la décision no 14/2018 au bénéfice de quatre des requérants. Conformément auxdites règles, le nouveau montant de leur pension, tel qu’il avait été recalculé, a été augmenté de moitié. De même, lors de l’audience, le Parlement a soutenu, sans être contredit par les requérants, qu’aucun d’entre eux n’avait sollicité de sa part l’application des règles de l’article 1er, paragraphe 7, de la décision no 14/2018. Or, ces règles permettent d’augmenter le montant de la pension de personnes qui ne perçoivent pas d’autres revenus annuels d’un montant supérieur au montant annuel de l’aide sociale, qui sont atteintes d’une maladie grave exigeant l’administration de thérapies vitales ou qui souffrent de pathologies donnant lieu à des situations d’invalidité à 100 %.

179    Quant aux conséquences des décisions attaquées pour les requérants, le Tribunal n’exclut, certes, pas qu’elles puissent atteindre un certain seuil de gravité. Cependant, en soi, ce seuil de gravité ne permet pas de conclure que les décisions attaquées engendrent des inconvénients démesurés eu égard aux buts poursuivis, notamment considérant l’ampleur des réductions du montant des pensions en cause, les nouveaux montants absolus des pensions appréciés en relation avec la durée de mandat de l’ancien député européen concerné ainsi que le fait que le nouveau mode de calcul prend en compte la contribution individuelle de celui-ci. Par ailleurs, mis à part la mention très générale d’une perte financière, les requérants n’ont pas précisé quelles seraient les conséquences négatives qui résulteraient des décisions attaquées. De surcroît, comme il est indiqué aux points 126 et 160 ci-dessus, la quantification de cette perte, sous forme de pourcentages, est imprécise, variable et contradictoire dans les écritures des requérants. À défaut d’éléments concrets, il ne peut donc pas être constaté que les requérants supporteraient, chacun, une charge individuelle excessive au regard des objectifs poursuivis. En tout état de cause, l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans un cas particulier (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 153 et jurisprudence citée).

180    Il ressort de ces éléments que les requérants n’ont pas démontré que les décisions attaquées avaient méconnu leur droit de propriété de manière injustifiée ou disproportionnée.

181    Enfin, il y a lieu de rejeter l’affirmation des requérants, qui n’est ni présentée en tant que grief autonome ni étayée par aucun argument, selon laquelle la réduction du montant de leur pension ne serait pas motivée dans les décisions attaquées.

182    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 58 et jurisprudence citée). S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 287 et jurisprudence citée).

183    Il convient également de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Cette motivation peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 31 mai 2018, Korwin-Mikke/Parlement, T‑352/17, EU:T:2018:319, point 20 et jurisprudence citée). Les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont, dès lors, dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 120 et jurisprudence citée).

184    En l’espèce, le Tribunal relève que, au premier paragraphe, les décisions attaquées rappellent que l’office de la présidence de la Chambre des députés a adopté la décision no 14/2018, laquelle prévoit de réduire, à compter du 1er janvier 2019, le montant des pensions relatives aux années de mandat accomplies jusqu’au 31 décembre 2011.

185    Au deuxième paragraphe, les décisions attaquées se réfèrent à l’article 75, mais aussi à l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel prévoit que le niveau et les modalités de la pension provisoire doivent être identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre dans lequel ils ont été élus. Les décisions attaquées mentionnent donc explicitement leur base juridique.

186    Au troisième paragraphe, les décisions attaquées précisent que, compte tenu de l’adoption de la décision no 14/2018 et des dispositions visées au point 185 ci-dessus, le montant des pensions des requérants devra être corrélativement adapté pour correspondre au montant des pensions payées à ses membres par la Chambre des députés. À cet égard, les décisions attaquées renvoient à la note du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement, telle qu’annexée aux bulletins de pension des requérants du mois de février 2019, dans laquelle celui-ci annonçait qu’il notifierait aux requérants la nouvelle fixation du montant de leur pension et procéderait au recouvrement de l’éventuelle différence sur les douze prochains mois.

187    Aux quatrième et cinquième paragraphes des décisions attaquées, les requérants sont informés que le montant de leur pension sera calculé, dès le mois d’avril 2019, conformément aux projets de fixation des nouveaux montants des pensions annexés à ces décisions. Par ailleurs, les montants indûment perçus pour les mois de janvier à mars 2019 sont indiqués et il est précisé comment le Parlement envisage de les recouvrer.

188    Par ailleurs, il est vrai que les raisons ayant conduit le Parlement à considérer que les règles de la décision no 14/2018 s’appliquent également aux requérants ne sont véritablement exposées que dans l’avis du service juridique. Ainsi, aux points 9 à 14 et 16 de cet avis, le Parlement explique, en substance, que l’annexe III ne crée pas un régime de pension autonome, en ce sens que cette institution est tenue, par la règle de pension identique, d’appliquer les règles de la décision no 14/2018. Toutefois, l’existence de l’avis du service juridique était mentionnée dans la note du chef de l’unité « Rémunération et droits sociaux des députés » de la DG des finances du Parlement annexée aux bulletins de pension du mois de février 2019. Or, d’une part, les requérants étaient tous destinataires de ladite note et, d’autre part, les décisions attaquées y renvoient explicitement. Dans ces conditions, il était loisible aux requérants de demander l’accès à l’avis du service juridique.

189    Il ressort de l’ensemble de ces considérations que le Parlement a exposé, de façon claire et univoque, les raisons qui l’ont conduit à appliquer les règles de la décision no 14/2018 et à adopter les décisions attaquées, lesquelles ont réduit le montant de leur pension. En outre, les requérants ont pu faire valoir leurs droits devant le Tribunal, comme le démontre notamment la teneur de leurs arguments en fait et en droit exposés dans le cadre des présents recours. Ainsi, il y a lieu de considérer que les décisions attaquées sont motivées à suffisance de droit.

190    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième moyen.

f)      Sur le sixième moyen, pris de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de protection des droits acquis

191    À l’appui du sixième moyen, les requérants soutiennent, en substance, que les décisions attaquées et la décision no 14/2018 méconnaissent les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, en violation du droit de l’Union ainsi que des articles 2, 3, 23, 51, 97 et 117 de la Constitution italienne. En effet, ces décisions remettraient en cause, avec effet rétroactif, leurs droits acquis, sans même qu’un motif légitime n’ait été invoqué pour le justifier.

192    Le Parlement conclut au rejet du sixième moyen comme étant en partie irrecevable, dans la mesure où il est pris de la violation de diverses dispositions de la Constitution italienne et où il est pris, sans le moindre argument, de la violation du principe de protection des droits acquis, et en partie non fondé.

193    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans les décisions attaquées, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 55 à 58 ainsi que 103 ci-dessus). Partant, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour examiner les arguments des requérants tirés d’une éventuelle méconnaissance des articles 2, 3, 23, 51, 97 et 117 de la Constitution italienne par la décision no 14/2018.

1)      Sur le grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique

194    Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, point 65 et jurisprudence citée).

195    À cet égard, le Tribunal estime opportun de relever que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Ni l’article 75 ni l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III ne lui confèrent un tel pouvoir. Au contraire, ces dispositions exigent le respect de ces droits à pension de retraite acquis. Toutefois, cela n’implique pas que le montant desdites pensions ait été définitivement arrêté avant l’entrée en vigueur du statut des députés et qu’il soit immuable.

196    En effet, et ainsi qu’il ressort des considérations exposées dans le cadre de l’examen de la première branche du deuxième moyen, aux points 81 à 97 ci-dessus, il convient de distinguer les « droits à pension acquis » et les « pensions » du « montant des pensions ». Si les « droits à pension » sont définitivement acquis et ne peuvent être modifiés, et si les pensions continuent d’être versées, rien ne s’oppose à ce que le montant des pensions soit adapté à la hausse ou à la baisse. Au contraire, eu égard aux dispositions de l’article 75 et de la règle de pension identique, le Parlement est dans l’obligation de calculer le montant desdites pensions de retraite en appliquant les mêmes règles relatives au niveau et aux modalités des pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné.

197    Ces observations étant faites, il convient de vérifier si l’adoption des décisions attaquées, sur le fondement de ces dispositions, a enfreint le principe de sécurité juridique.

198    Il ressort de l’examen de la première branche du deuxième moyen que l’article 75 prévoit, de manière claire et précise, que le montant des pensions de retraite est calculé suivant les prescriptions de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, lequel instaure la règle de pension identique et dispose que le « niveau et les modalités [des pensions de retraite] sont identiques » à celles que reçoivent, en l’espèce, les membres de la Chambre des députés.

199    Ces règles, qui n’ont pas été modifiées depuis l’entrée en vigueur du statut des députés, envisagent donc explicitement l’hypothèse d’une révision, à la hausse ou à la baisse, du montant des pensions de retraite pour tenir compte des évolutions pertinentes du droit de l’État membre concerné. De plus, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’examen de la première branche du deuxième moyen, il a été conclu que l’adoption des décisions attaquées était conforme aux dispositions de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

200    L’application rétroactive d’un acte sans que soit méconnu le principe de sécurité juridique suppose qu’une indication suffisamment claire soit dans ses termes, soit dans ses objectifs, permette de conclure que cet acte dispose autrement que pour l’avenir seul (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Panasonic Italia e.a., C‑472/12, EU:C:2014:2082, point 57 et jurisprudence citée).

201    Il est vrai que les décisions attaquées ont été adoptées le 11 avril 2019 et, s’agissant de M. Pisoni, dans l’affaire T‑375/19, le 8 mai 2019, et qu’elles déploient leurs effets antérieurement à ces dates, à savoir au 1er janvier 2019. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas, à eux seuls, à établir que le Parlement aurait méconnu le principe de sécurité juridique en appliquant les nouveaux montants des pensions à partir de cette date.

202    Le fait que les montants des pensions des requérants aient été modifiés depuis le 1er janvier 2019 s’explique par l’obligation, pesant sur le Parlement au titre de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, d’appliquer les mêmes modalités aux pensions que celles fixées par le droit de l’État membre concerné. Or, la détermination du point de départ de l’application des nouvelles règles de calcul desdites pensions fait incontestablement partie de ces « modalités ».

203    À cet égard, il ressort explicitement de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision no 14/2018 que, « [à] compter du 1er janvier 2019, les montants des [pensions] […] sont calculés suivant les nouvelles modalités prévues par la présente décision ».

204    En conséquence, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, les requérants n’étaient plus en droit de prétendre, à partir du 1er janvier 2019, au bénéfice de leur pension, telle que celle-ci était calculée avant cette date. Au contraire, depuis le 1er janvier 2019, seules des pensions dont le montant avait été adapté dans le respect des règles fixées par la décision no 14/2018 étaient exigibles et payables.

205    Certes, il aurait été préférable que les décisions attaquées soient adoptées avant le 1er janvier 2019, et non après cette date. Toutefois, cette circonstance est sans importance en l’espèce. L’obligation d’appliquer, avec effet à cette date, les nouvelles règles de calcul aux pensions des requérants ne provient pas des décisions attaquées, mais de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. En ce sens, les décisions attaquées ne font que tirer les conséquences découlant directement de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III, et impliquant, partant, que les sommes indûment versées entre le 1er janvier 2019 et leur date d’adoption, respectivement le 11 avril 2019 et le 8 mai 2019, doivent être remboursées.

206    Il ressort de ces éléments que les requérants n’ont pas démontré que le principe de sécurité juridique avait été méconnu en l’espèce. En effet, les règles de l’annexe III impliquaient que les nouveaux montants des pensions des requérants entrent en vigueur au 1er janvier 2019. Or, les règles de l’annexe III sont largement antérieures au 1er janvier 2019, et non postérieures à cette date. De plus, les requérants n’ont pas soutenu, et aucun élément du dossier n’en atteste, que le Parlement aurait appliqué ces nouveaux montants avant le 1er janvier 2019, c’est-à-dire avant la date retenue à cet effet par la décision no 14/2018. Enfin, comme il est indiqué au point 17 ci-dessus, le Parlement avait, en janvier 2019, informé les requérants d’une possible application des règles de la décision no 14/2018 à leur égard. De même, comme il est indiqué au point 19 ci-dessus, le Parlement avait, en février 2019, confirmé aux requérants l’applicabilité automatique de cette même décision à leur situation. Ce faisant, les requérants avaient été mis au courant de la modification des règles applicables au calcul du montant de leur pension avant que les décisions attaquées ne soient adoptées.

207    Cette conclusion n’est pas infirmée par les arrêts du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement (T‑439/09, EU:T:2011:600), et du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127), auxquels se réfèrent les requérants. À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater que les parties requérantes de ces affaires n’avaient pas encore acquis leur droit à une pension. D’autre part, lesdites parties requérantes ne se plaignaient pas d’une quelconque réduction du montant de leur pension. Ainsi, les circonstances des arrêts du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement (T‑439/09, EU:T:2011:600), et du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127), sont sans rapport avec la situation des requérants dans les présents recours. De plus, dans la mesure où ces derniers déduisent de ces arrêts qu’il ne peut être porté atteinte aux droits à pension acquis, il suffit de rappeler que, comme cela a été mentionné notamment au point 196 ci-dessus, leurs droits à pension acquis ont été respectés par le Parlement et que seul le montant de leur pension a été modifié.

208    Le premier grief, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, doit donc être rejeté.

2)      Sur le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

209    Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. Enfin, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 153 et jurisprudence citée).

210    D’emblée, il convient de rappeler, pour des raisons similaires à celles exposées aux points 195 et 196 ci-dessus, que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Seule la modification du montant desdites pensions est permise sur le fondement de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

211    Par ailleurs, les requérants n’ont ni démontré ni soutenu que le Parlement leur aurait fourni des assurances autres que celle contenue dans l’article 75 et dans l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III. Or, il est manifeste que ces deux articles ne prévoient pas l’immuabilité du montant des pensions des requérants.

212    En effet, l’examen de la première branche du deuxième moyen, notamment aux points 86 à 89 ci-dessus, a mis en lumière que la seule assurance précise et inconditionnelle donnée aux requérants par le Parlement consistait à leur garantir le bénéfice d’une pension dont le niveau et les modalités sont identiques à ceux de la pension que perçoivent les membres de la chambre basse de l’État membre dans lequel ils ont été élus, en l’espèce les membres de la Chambre des députés.

213    En appliquant fidèlement les règles de la décision no 14/2018 en vue de l’adoption des décisions attaquées, le Parlement ne s’est donc pas écarté de l’assurance qu’il avait fournie aux requérants lorsque ceux-ci ont adhéré au régime de pension organisé par l’annexe III.

214    Le deuxième grief, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, doit donc être rejeté.

3)      Sur le grief tiré de la violation du principe de protection des droits acquis

215    Il convient de rappeler, ainsi que cela a déjà été relevé aux points 195, 196 et 210 ci-dessus, que le Parlement n’est pas autorisé à modifier les droits à pension de retraite acquis. Seule la modification du montant desdites pensions est permise sur le fondement de l’article 75 et de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe III.

216    De plus, le Tribunal a conclu, lors de l’examen de la première branche du deuxième moyen (points 95 à 98 ci-dessus), que les décisions attaquées n’ont pas remis en cause les droits à pension de retraite acquis par les requérants avant le 14 juillet 2009. En effet, le Parlement s’est limité à adapter le niveau et les modalités des pensions de retraite ou de survie des requérants pour tenir compte des nouvelles règles de calcul fixées par la décision no 14/2018. Ainsi, seules les règles de calcul du montant de ces pensions de retraite ou de survie ont été modifiées, en application des nouvelles prescriptions de la décision no 14/2018.

217    Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’exception d’irrecevabilité du Parlement soulevée à son égard, le troisième grief du sixième moyen, tiré de la violation du principe de protection des droits acquis, doit être rejeté et, partant, le sixième moyen dans son intégralité.

g)      Sur les septième et huitième moyens, pris de la violation des principes de raison, de proportionnalité, d’égalité et de solidarité

218    À l’appui des septième et huitième moyens, les requérants soutiennent, en substance, que le Parlement a adopté les décisions attaquées en se fondant sur les règles de la décision no 14/2018, alors que celle-ci serait illégale au regard de plusieurs principes du droit italien.

219    Le Parlement conclut au rejet des septième et huitième moyens comme irrecevables, dans la mesure où toute l’argumentation des requérants vise à contester la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien.

220    À cet égard, il convient de rappeler que l’examen de la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien est réservé aux autorités italiennes compétentes, alors qu’il incombe au juge de l’Union d’examiner si, en appliquant les règles de cette décision dans les décisions attaquées, le Parlement a méconnu le droit de l’Union (voir points 55 à 58 ainsi que 103 ci-dessus).

221    Partant, le Tribunal est incompétent, dans le cadre de recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, pour examiner les arguments présentés par les requérants dans le cadre des septième et huitième moyens. En effet, ainsi que le soutient à raison le Parlement, ces arguments visent à contester la légalité de la décision no 14/2018 au regard du droit italien.

222    Au surplus, à supposer même que lesdits arguments aient également pour objet les décisions attaquées et soient pris d’une violation du droit de l’Union, il convient en tout état de cause de les rejeter. En effet, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité ont été écartés aux points 129 à 151 ci-dessus. Les griefs tenant à l’absence d’objectif d’intérêt général justifiant l’adoption des décisions attaquées et au caractère disproportionné de celles-ci ont été rejetés aux points 170 à 179 ci-dessus. Les griefs relatifs à un défaut de motivation des décisions attaquées ont été écartés aux points 181 à 189 ci-dessus. Le grief tiré de la violation du principe de non-rétroactivité a été rejeté aux points 201 à 206 ci-dessus. S’agissant par ailleurs de la prétendue violation du principe de solidarité évoquée dans l’intitulé du huitième moyen, il suffit de constater que les requérants n’ont avancé, dans le cadre dudit moyen, aucun argument au soutien de ce grief. Enfin, quant à la violation du principe de raison, les requérants n’ont pas indiqué en quoi ce principe consistait, ni s’il était distinct de l’obligation de motivation. En tout état de cause, il suffit de relever que ledit principe de raison n’existe pas en l’état actuel du droit de l’Union.

223    Par conséquent, il convient de rejeter les septième et huitième moyens et, partant, le premier chef de conclusions.

B.      Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions

224    Par leur deuxième chef de conclusions, les requérants demandent au Tribunal de déclarer qu’ils ont droit au maintien des montants des pensions tels qu’ils étaient fixés avant l’adoption des décisions attaquées.

225    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir arrêt du 13 septembre 2018, DenizBank/Conseil, T‑798/14, EU:T:2018:546, point 135 et jurisprudence citée).

226    Par leur troisième chef de conclusions, les requérants sollicitent, en substance, du Tribunal qu’il enjoigne au Parlement de rembourser toutes les sommes qu’il aurait prétendument retenues indûment, majorées des intérêts légaux, et d’exécuter le présent arrêt.

227    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, la compétence du juge de l’Union est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et que, en vertu d’une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union (voir arrêt du 24 octobre 2019, CdT/EUIPO, T‑417/18, EU:T:2019:766, point 76 et jurisprudence citée).

228    Par conséquent, les deuxième et troisième chefs de conclusions doivent être rejetés en raison de l’incompétence du Tribunal à en connaître.

C.      Sur le quatrième chef de conclusions

229    Par leur quatrième chef de conclusions, les requérants demandent que le Parlement soit condamné à réparer tous les préjudices éventuels qu’ils auraient subis.

230    À cet égard, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée). Dès lors que l’une des conditions n’est pas remplie, la demande indemnitaire doit être rejetée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, point 81 et jurisprudence citée).

231    En l’espèce, il est manifeste que les requérants n’ont avancé aucun moyen ou argument au soutien de ce chef de conclusions. En tout état de cause, selon la jurisprudence, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (voir arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 260 et jurisprudence citée). Or, tel est le cas en l’espèce. En effet, à supposer même que les « préjudices éventuels » que les requérants évoquent trouveraient leur source dans l’adoption des décisions attaquées, il suffirait alors de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier chef de conclusions, celle-ci n’est entachée d’aucune illégalité. Les requérants n’ont donc pas établi que le Parlement aurait commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

232    Par conséquent, le quatrième chef de conclusions doit être rejeté et, partant, les recours dans leur intégralité.

 Sur les dépens

233    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux du Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      M. Giacomo Santini et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Pynnä

 

      Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.