Language of document : ECLI:EU:T:2019:885

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Aides d’État – Aide des autorités portugaises à la résolution de l’établissement financier Banco Espírito Santo – Création et capitalisation d’une banque relais – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Absence de qualité pour agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑812/14 RENV,

BPC Lux 2 Sàrl, établie à Senningerberg (Luxembourg), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par MM. J. Webber, M. Steenson, solicitors, B. Woolgar et Mme K. Bacon, barristers,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes et Mme S. Jaulino, en qualité d’agents, assistés de Me M. Mendes Pereira, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 5682 final de la Commission, du 3 août 2014, concernant l’aide d’État SA.39250 (2014/N) – Portugal – Résolution de Banco Espírito Santo, SA,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. E. Buttigieg, faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

 rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, BPC Lux 2 Sàrl et les autres personnes morales dont la liste figure en annexe, sont des fonds d’investissement, des fonds de pension et une société d’investissement privée.

2        Les requérantes sont des créanciers subordonnés de Banco Espírito Santo, SA (ci-après « BES »), titulaires de créances de catégorie 2 inférieure (ci-après « obligations LT 2 »).

3        BES et ses filiales constituaient en mars 2014 le troisième plus grand groupe bancaire du Portugal. Le principal actionnaire de BES était le groupe Espírito Santo Financial Group, lui-même majoritairement contrôlé par Espírito Santo International.

4        En mai 2014, un audit réalisé par Banco de Portugal (Banque du Portugal, ci-après « BP ») auprès d’Espírito Santo International avait conclu que ce dernier se trouvait dans une situation financière difficile, susceptible d’avoir une incidence négative sur la solvabilité de BES.

5        Le 30 juillet 2014, BES a publié ses résultats pour le premier semestre de 2014 qui indiquaient des pertes s’élevant à 3,577 milliards d’euros. Pendant le mois de juillet 2014, BES a perdu 11 à 17 % de ses dépôts.

6        BES ne satisfaisait plus à l’exigence légale du ratio minimal de fonds propres de base de catégorie 1.

7        Dans ce contexte les autorités portugaises ont décidé de soumettre BES à une procédure de résolution, laquelle impliquait la création d’un établissement de crédit temporaire, la « banque relais » (aujourd’hui appelée Novo Banco SA).

8        Les activités commerciales saines de BES ont été transférées à la banque relais conformément à la recommandation de la BP. La banque relais a reçu une partie de l’actif et du passif de BES, notamment la trésorerie, les dépôts de petits épargnants et les prêts performants, les financements de la banque centrale, les obligations garanties par l’État et les bons du Trésor.

9        Les pertes afférentes aux éléments d’actifs et de passifs transférés à la banque relais ont été reprises par BES, appelée à devenir la « structure de défaisance ». Les actifs et passifs résiduels autres que la trésorerie, les dépôts de petits épargnants et les prêts performants, les financements de la banque centrale, les obligations garanties par l’État et les bons du Trésor ont également été repris par BES.

10      Le Fundo de Resolução (Fonds de résolution, Portugal, ci-après le « Fonds »), créé en application du Decreto-Lei no 31-A/2012 (décret-loi no 31-A/2012), du 10 février 2012 (Diário da República, 1re série, no 30, du 10 février 2012), financé à l’aide de contributions parafiscales versées par les banques portugaises et contrôlé par BP, a doté la banque relais d’un capital initial de 4 899 millions d’euros (ci-après la « mesure notifiée »), en contrepartie de la souscription d’actions ordinaires par le Fonds.

11      Par courrier du 3 août 2014, les autorités portugaises ont notifié à la Commission européenne la résolution de BES ainsi que la création et la capitalisation immédiates de la banque relais par l’intermédiaire du Fonds.

12      Dans ce même courrier, les autorités portugaises reconnaissaient que la mesure notifiée constituait une aide d’État et que la Commission devait contrôler sa compatibilité avec le marché intérieur.

13      Conjointement à cette notification, les autorités portugaises ont transmis à la Commission deux rapports de la Banque du Portugal, à savoir, d’une part, une évaluation des options envisageables pour la résolution de BES, dont la conclusion était que la création d’une banque relais était la seule solution qui permettait de préserver la stabilité financière de la République portugaise et, d’autre part, une description de la procédure à suivre pour la résolution de BES. Les autorités portugaises ont aussi présenté à la Commission des engagements relatifs tant à la banque relais qu’à la structure de défaisance, portant sur leur liquidation ordonnée.

14      Au titre des engagements présentés par les autorités portugaises, il était prévu, notamment, qu’aucun des avoirs des actionnaires et des détenteurs de titres de créance subordonnés, ni aucun instrument hybride ne pourraient être transférés à la banque relais. Il était également précisé que la liquidation de BES devrait avoir lieu d’ici au 31 décembre 2016.

15      Le même jour, la Commission a adopté à l’issue de la phase préliminaire d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la décision C(2014) 5682 final concernant l’aide d’État SA.39250 (2014/N) – Portugal – Résolution de Banco Espírito Santo, SA (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle concluait que la mesure notifiée, à savoir l’injection d’un capital de 4 899 millions d’euros par le Fonds dans la banque relais, constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, compte tenu des engagements pris par les autorités portugaises.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2014, les requérantes ont introduit le présent recours.

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont demandé qu’il soit statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. Par décision du 10 février 2015, le Tribunal (quatrième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.

18      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2014, les requérantes ont introduit une demande en référé visant au sursis à l’exécution de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 25 février 2015, BPC Lux 2 e.a./Commission (T‑812/14 R, non publiée, EU:T:2015:119), et les dépens ont été réservés.

19      Le 9 février 2015, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 mars 2015, la République portugaise a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

21      Le 30 mars 2015, la réplique a été déposée au greffe du Tribunal.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2015, les requérantes ont demandé, dans l’éventualité où la République portugaise serait admise à intervenir, que certaines annexes de la requête et certains points de la réplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel à son égard.

23      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 16 juin 2015, la République portugaise a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

24      Le 29 juin 2015, la duplique a été déposée au greffe du Tribunal.

25      Le 21 août 2015, le mémoire en intervention de la République portugaise a été déposé au greffe du Tribunal.

26      Le 16 novembre 2015, les observations de la Commission sur le mémoire en intervention de la République portugaise ont été déposées au greffe du Tribunal.

27      Le 17 décembre 2015, les observations des requérantes sur le mémoire en intervention de la République portugaise ont été déposées au greffe du Tribunal.

28      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

29      Le 7 décembre 2016, le Tribunal a interrogé les requérantes sur l’existence de leur intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée.

30      Le 23 janvier 2017, les requérantes ont répondu à la question du Tribunal.

31      Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont demandé que certains éléments de leur réponse écrite à la question du Tribunal fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de la République portugaise.

32      Par ordonnance du 19 juillet 2017, BPC Lux 2 e.a./Commission (T‑812/14, non publiée, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:T:2017:560), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable pour absence d’intérêt à agir des requérantes.

33      Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 septembre 2017, les requérants ont introduit un pourvoi contre l’ordonnance initiale.

34      Par arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission (C‑544/17 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2018:880), la Cour a annulé l’ordonnance initiale, au motif que le Tribunal, en jugeant que le recours des requérantes était irrecevable pour absence d’intérêt à agir, avait commis une erreur de droit. Elle a, en outre, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et a réservé les dépens.

35      L’affaire a été attribuée à la deuxième chambre du Tribunal.

36      Conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties ont déposé, dans les délais impartis, leurs observations écrites concernant les suites à donner à l’arrêt sur pourvoi dans la présente procédure.

37      Le 7 mai 2019, en application de l’article 27, paragraphe 2, du règlement de procédure, le président du Tribunal a réattribué l’affaire à un autre juge rapporteur, affecté à la deuxième chambre.

38      Le 18 octobre 2019, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé de statuer sans phase orale de la procédure.

 Conclusions présentées par les parties à l’instance après renvoi

39      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission, soutenue par la République portugaise, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

41      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Cour, dans l’arrêt sur pourvoi, a accueilli le pourvoi introduit par les requérantes et a annulé l’ordonnance initiale. La Cour a considéré que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que le recours des requérantes était irrecevable faute d’intérêt à agir.

42      La Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission tirée de l’absence de qualité pour agir des requérantes à l’encontre de la décision attaquée (arrêt sur pourvoi, point 62).

43      Dès lors, il y a lieu d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et, le cas échéant, le fond du recours.

44      Dans le mémoire en défense, la Commission conclut à l’irrecevabilité du recours, faute de qualité pour agir des requérantes. Plus précisément, la Commission soutient que les requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées par la décision attaquée.

45      Premièrement, les requérantes ne seraient pas « intéressées » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ou une « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1). En effet, le fait de détenir des obligations ne saurait conférer aux requérantes la qualité d’« intéressé » ou de « partie intéressée » au sens des dispositions précitées. En outre, les requérantes ne seraient pas des entreprises, de sorte qu’elles ne sauraient faire valoir une incidence de la décision attaquée sur leur position concurrentielle à l’égard d’une quelconque autre entité (entreprise ou autre).

46      Deuxièmement, les requérantes ne seraient pas, au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), individuellement concernées par la décision attaquée. En effet, il n’existerait pas en l’espèce le moindre élément indiquant en quoi la décision attaquée distinguerait la situation de l’une des requérantes par rapport à celle des autres personnes qui ont affaire aux bénéficiaires des mesures en cause. Troisièmement, la Commission rappelle que, dans l’ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission (T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175), le Tribunal a déjà considéré que les détenteurs d’obligations subordonnées d’une banque n’étaient pas individuellement concernés par une décision autorisant une aide à cette dernière.

47      Dans la réplique, les requérantes soutiennent qu’elles disposent de la qualité pour agir, en tant que « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et en tant que partie directement et individuellement concernée, au sens du critère défini par l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).

48      Premièrement, les requérantes font valoir que la qualification de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, n’est pas limitée aux seules entreprises concurrentes. Selon la jurisprudence, cette qualification viserait toute partie dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide. À cet égard, les requérantes affirment que la décision attaquée a eu pour conséquence directe, d’une part, de faire perdre presque toute leur valeur à leurs obligations et, d’autre part, de les priver de la possibilité de contribuer à la restructuration de BES en participant à sa recapitalisation ou de tirer profit de sa liquidation ordonnée. La Commission aurait simplement supposé, sans plus de vérification et sans, apparemment, exiger une preuve de la part des autorités portugaises, que des capitaux privés n’étaient pas disponibles aux fins de la recapitalisation de BES et que la seule solution de substitution à la mesure notifiée était la mise en liquidation ou la faillite immédiate de BES.

49      Deuxièmement, les requérantes font valoir qu’elles répondent, en tout état de cause, au critère de l’intérêt individuel établi par l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).  Elles précisent, à cet égard, que le cercle des détenteurs des obligations LT 2 est fermé et que lesdits détenteurs sont dans une situation différente de celle des autres créanciers de BES en ce que ces obligations occupent une position unique dans la hiérarchie des dettes de BES. Par ailleurs, la démonstration d’une affectation substantielle de la position concurrentielle d’une entreprise ne constituerait qu’une illustration parmi d’autres du cas dans lequel une partie requérante serait recevable à contester une décision de la Commission en matière d’aide d’État.

50      Dans la duplique, la Commission souligne que, premièrement, s’agissant de la perte de valeur des obligations LT 2, le prix des obligations et des actions de BES avait commencé à chuter, dès avril 2014, avec la révélation des difficultés que rencontrait BES. Ce serait ces révélations qui seraient à l’origine des pertes éventuelles subies par les requérantes et non l’adoption de la décision attaquée. Deuxièmement, s’agissant de la perte de chance de participer à la recapitalisation de BES, d’une part, les requérantes n’indiqueraient nullement avoir participé à l’augmentation de capital réalisée en juin 2014 par BES. D’autre part, elles n’auraient fourni aucun élément permettant de corroborer l’allégation selon laquelle elles auraient cherché à participer à la recapitalisation de BES pour la période postérieure à juin 2014.

51      Dans leur réponse écrite aux questions du Tribunal, les requérantes maintiennent, tout d’abord, par analogie avec l’arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission (T‑499/12, EU:T:2015:840), qu’elles sont aussi bien des « parties intéressées » que directement et individuellement concernées par la décision attaquée. Ensuite, la perte de valeur de leurs obligations n’aurait pas été provoquée par une chute de la valeur de leurs obligations sur le marché, mais bien par la décision attaquée en ce qu’elle aurait approuvé la résolution de BES sans tenir compte de la possibilité de recourir à une restructuration de celle-ci à l’aide de fonds privés.  Enfin, les requérantes précisent que le fait qu’elles n’aient pas participé à l’augmentation de capital réalisée en juin 2014 par BES n’était pas de nature à remettre en cause leur perte de chance de participer à la recapitalisation de BES. En effet, d’une part, une des requérantes aurait acheté, le 1er août 2014, des actions et obligations LT 2 supplémentaires de BES. D’autre part,  des requérantes auraient contacté le conseiller financier de BES, le 31 juillet 2014, afin de lui manifester leur intérêt pour participer à la recapitalisation de la banque.

52      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, par la décision attaquée, la Commission a considéré, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, que la mesure notifiée, prenant la forme d’une injection de capital au bénéfice de la banque relais, constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Ainsi, la décision attaquée a pour unique destinataire la République portugaise. La procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide (voir arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 28 et jurisprudence citée).

53      Il convient donc d’examiner dans quelle mesure les requérantes disposent de la qualité pour agir à l’encontre d’une décision dont elles ne sont pas les destinataires et dont elles demandent l’annulation.

54      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est la destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

55      En premier lieu, les requérantes soutiennent disposer de la qualité pour agir en tant que partie « intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999.

56      Sont notamment des parties « intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes du bénéficiaire de cette aide (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 48 et 63 et jurisprudence citée).

57      Il est constant que les requérantes ne sont pas des entreprises concurrentes de la bénéficiaire de l’aide.

58      Néanmoins, ainsi que le soulignent les requérantes dans la réplique, la définition de partie « intéressée » ne se limite pas aux seuls concurrents du bénéficiaire de l’aide. En effet, cette définition comprend toutes les personnes, entreprises ou associations d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 et 64 et jurisprudence citée).

59      Il n’est donc pas exclu que les requérantes puissent être considérées comme « intéressées » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE pour autant qu’elles démontrent que leurs intérêts ont été affectés par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 66 à 71).

60      Toutefois, reconnaître la qualité d’« intéressée » à toute personne ayant, à l’égard des mesures étatiques mises en cause, un intérêt purement général ou indirect constituerait une interprétation manifestement incompatible avec les dispositions de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et aurait pour conséquence de priver de toute portée juridique la notion de « personne individuellement concernée », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dans le cadre des recours en annulation dirigés contre des décisions prises sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE en transformant cette voie de recours en une sorte d’actio popularis (voir ordonnance du 25 juin 2003, Pérez Escolar/Commission, T‑41/01, EU:T:2003:175, point 36 et jurisprudence citée).

61      Les requérantes soutiennent, à cet égard, avoir été affectées par la décision attaquée en leur qualité de créancier de BES. Plus précisément, elles font valoir que la décision attaquée a eu pour conséquence directe de faire perdre presque toute leur valeur à leurs obligations et de les priver de la possibilité de contribuer à la restructuration de BES en participant à sa recapitalisation par l’apport de capitaux privés ou de tirer profit de sa liquidation ordonnée.

62      À titre liminaire, il convient de rappeler que, par la décision attaquée, la Commission a conclu que la mesure notifiée par les autorités portugaises, consistant en une injection d’un capital de 4 899 millions d’euros par le Fonds dans la banque relais, constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, compte tenu des engagements pris par celles-ci.

63      Or, s’agissant, d’une part, de la perte de valeur des obligations, il convient de relever, ainsi que l’a constaté la Cour, que la diminution de la valeur des obligations dont les requérantes sont titulaires trouve son origine dans la décision des autorités portugaises de soumettre BES à une procédure de résolution (arrêt sur pourvoi, point 54).

64      En effet, le maintien des obligations détenues par les requérantes dans le patrimoine de la banque de défaisance est la conséquence de la décision des autorités portugaises de soumettre BES à une procédure de résolution impliquant la création d’une banque relais vers laquelle les avoirs des détenteurs de titres de créance subordonnés ne pouvaient être transférés (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 100).

65      Dans ces circonstances, les effets, allégués par les requérantes, de la décision attaquée sur la valeur de leurs obligations ne présenteraient, à les supposer établis, qu’un caractère indirect qui n’est pas susceptible de leur conférer la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

66      S’agissant, d’autre part, de la perte de chance de contribuer à la restructuration de BES en participant à sa recapitalisation ou de tirer profit de sa liquidation ordonnée, il convient de relever que les pertes de chance alléguées trouvent également leur origine, à les supposer établies, dans la décision des autorités portugaises de ne pas recourir à des capitaux privés pour restructurer BES et de soumettre cette dernière à une procédure de résolution impliquant la création d’une banque relais vers laquelle les actifs sains ont été transférés.

67      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la décision attaquée n’a, en tout état de cause, affecté que de manière indirecte les intérêts des requérantes, de sorte qu’elles ne sauraient justifier de la qualité de partie « intéressée », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

68      En second lieu, les requérantes soutiennent disposer de la qualité pour agir en tant que partie directement et individuellement concernée, au sens du critère défini par l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).

69      Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 63 à 66 ci-dessus, les effets, allégués par les requérantes, de la décision attaquée sur leur situation résultent de la décision des autorités portugaises de soumettre BES à une procédure de résolution.

70      Il convient par ailleurs de relever que les requérantes se bornent à évoquer des répercussions économiques de la décision attaquée sur leur situation sans fournir d’éléments susceptibles de démontrer que leur situation juridique aurait été directement affectée par la décision.

71      Or, le seul fait qu’un acte soit susceptible d’avoir une influence sur la situation matérielle d’une partie requérante ne suffit pas pour considérer qu’il la concerne directement (voir ordonnance du 9 novembre 2016, Biofa/Commission, T‑746/15, EU:T:2016:658, point 38 et jurisprudence citée).

72      Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la décision attaquée n’a pas produit d’effets directs sur la situation juridique des requérantes.

73      Les requérantes n’ayant pas démontré être directement concernées par la décision attaquée, il y a lieu de conclure qu’elles ne disposent pas de la qualité pour agir contre cette décision, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur éventuelle affectation individuelle, ni sur la question de savoir si la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution, la notion d’affectation directe faisant l’objet d’une interprétation identique dans le cadre de l’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE [voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, EU:T:2011:623, points 31 et 32, et du 14 janvier 2016, Doux/Commission, T‑434/13, non publié, EU:T:2016:7, point 36].

74      Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être accueillie et le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

75      En application de l’article 219 du règlement de procédure, le Tribunal statue, dans les décisions rendues après annulation et renvoi, sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

76      Dans la mesure où dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a annulé l’ordonnance initiale et réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant lui, y compris la procédure de première instance et de référé, ainsi que sur les dépens afférents à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑544/17 P.

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

78      Toutefois, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

79      Les requérantes ayant succombé dans les procédures de référé, de première instance et de renvoi, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission aux fins de ces procédures, conformément aux conclusions de celle-ci.

80      En revanche, nonobstant le fait que la Commission ait succombé dans la procédure de pourvoi, il apparaît équitable, eu égard aux circonstances de l’espèce, que chaque partie supporte les dépens qu’elle a exposés aux fins de cette procédure.

81      Enfin, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République portugaise supportera ainsi ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme étant irrecevable.

2)      BPC Lux 2 Sàrl et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de référé, de première instance et de renvoi.

3)      La Commission supportera les dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi.

4)      La République portugaise supportera ses propres dépens.

Buttigieg

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.