Language of document : ECLI:EU:F:2015:49

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

18 mai 2015 (*)

« Fonction publique – Personnel de l’OEDT – Agent temporaire – Non-renouvellement du contrat d’engagement – Harcèlement moral – Demande d’assistance – Enquête administrative – Arrêt par défaut – Examen de la recevabilité de la requête – Acte faisant grief – Irrecevabilité – Allocation des dépens »

Dans l’affaire F‑79/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

Valéria Anna Gyarmathy, ancien agent temporaire de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, demeurant à Győr (Hongrie), représentée par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocats,

partie requérante,

contre

Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), représenté par MM. D. Storti et F. Pereyra, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley (rapporteur), président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 novembre 2013, Mme Gyarmathy a introduit le présent recours tendant à l’annulation de plusieurs décisions adoptées par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT ou ci-après l’« Observatoire ») concernant une demande d’assistance pour des faits allégués de harcèlement moral et le non-renouvellement de son contrat d’agent temporaire. La requérante demande, en outre, la réparation du préjudice moral et matériel qu’elle estime avoir subi du fait des décisions contestées.

 Faits à l’origine du litige

2        La requérante a été recrutée par l’OEDT le 1er mai 2008, en tant qu’agent temporaire de grade AD 8, au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, pour une période de cinq ans, afin d’exercer les fonctions d’analyste en matière de drogues et de rédacteur scientifique. Elle a été initialement affectée à l’unité « Interventions, législations et politiques » de l’OEDT, puis, à partir du 1er octobre 2010, à l’unité « Politique, évaluation et coordination des contenus » (ci-après l’« unité POL »), dont M. A avait été nommé, le 2 septembre précédent, chef d’unité.

3        Le 22 février 2012, la requérante a reçu son rapport de notation pour l’année 2011. Cependant, étant donné que, en raison de plusieurs congés de maladie et d’un congé de maternité, elle avait travaillé seulement 34 jours en 2011, M. A, son supérieur hiérarchique direct, et M. B, le directeur de l’Observatoire, ont décidé de procéder à une nouvelle évaluation de ses performances au milieu de l’année 2012.

4        Le 20 juillet 2012, la requérante a reçu son rapport de notation de mi-parcours couvrant les six premiers mois de l’année 2012 (ci-après le « rapport de notation litigieux »), établi par M. A.

5        Le 27 juillet 2012, la requérante a adressé un courriel au directeur de l’OEDT lui faisant part de son désaccord avec l’appréciation de ses prestations telle qu’elle figurait dans le rapport de notation litigieux. En outre, la requérante faisait état de l’existence d’un environnement de travail hostile et, en particulier, de relations très difficiles avec M. A et demandait sa réaffectation immédiate dans une autre unité (ci-après le « courriel du 27 juillet 2012 »). Le 31 juillet 2012, elle a transmis les mêmes observations à M. A.

6        Par lettre du 11 septembre 2012, le directeur de l’OEDT a informé la requérante qu’il avait discuté de ses allégations à l’encontre de M. A et de sa demande de réaffectation dans une autre unité avec le directeur scientifique de l’Observatoire, avec M. A et avec le chef de l’unité « Administration » et qu’il n’était pas possible de donner une suite favorable à sa demande de réaffectation (ci-après la « décision du 11 septembre 2012 »).

7        La requérante soutient que, lors d’une rencontre qui a eu lieu le 14 septembre 2012, le directeur de l’OEDT l’a informée de sa décision de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire qui allait expirer le 30 avril 2013. Par note du même jour, le chef du secteur « Gestion des ressources humaines » de l’unité « Administration » de l’Observatoire a rappelé à la requérante que, conformément aux informations transmises par le directeur lors de la rencontre du 14 septembre 2012, son contrat expirerait le 30 avril 2013 (ci-après la « note du 14 septembre 2012 »).

8        Le 10 décembre 2012, la requérante a adressé une lettre intitulée « [R]éclamation » au directeur de l’OEDT, dans laquelle, premièrement, elle se plaignait une nouvelle fois de comportements relevant du harcèlement moral de la part de M. A et, deuxièmement, elle reprochait au directeur de ne pas avoir donné suite de manière appropriée à ses demandes, écrites et orales, concernant les mauvais traitements que M. A lui aurait fait subir. Elle reprochait notamment au directeur de ne pas avoir ouvert une enquête sur les comportements de M. A ni adopté des mesures appropriées pour veiller à ce qu’elle soit traitée dignement et respectueusement. Troisièmement, elle contestait la décision de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire (ci-après la « lettre du 10 décembre 2012 »).

9        Par lettre du 19 décembre 2012, le directeur de l’OEDT a tout d’abord informé la requérante de son intention d’ouvrir, le plus rapidement possible, une enquête sur l’ensemble de ses allégations. Ensuite, il lui a communiqué sa décision de la réaffecter, avec effet immédiat, dans une autre unité. Enfin, il lui a expliqué que la décision de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire était motivée par « le niveau de [ses] performances, tel qu’étayé dans [ses] rapports d’évaluation […], et les difficultés identifiées lors de l’accomplissement de [ses] tâches au niveau exigé par l’[OEDT], en combinaison avec l’importance de la fonction de rédacteur scientifique […] pour l’OEDT » (ci-après la « lettre du 19 décembre 2012 »).

10      Le 18 janvier 2013, le président du conseil d’administration de l’OEDT a décidé d’ouvrir une enquête administrative sur les allégations de la requérante à l’encontre du directeur de l’Observatoire, M. B.

11      Le 21 janvier 2013, M. B a décidé, de son côté, d’ouvrir une enquête administrative sur les allégations de la requérante à l’encontre de M. A.

12      Le 11 avril 2013, la requérante a reçu des extraits des rapports des deux enquêtes administratives susmentionnées. Pour ce qui est de l’enquête portant sur les agissements de M. A envers la requérante, l’enquêteur a constaté que certains des comportements de celui-ci étaient constitutifs de harcèlement moral à l’égard de la requérante. En ce qui concerne l’enquête portant sur la conduite de M. B, l’enquêteur a conclu que, même si le directeur de l’OEDT n’avait pas immédiatement donné suite à la demande de réaffectation de la requérante ni ouvert d’enquête sur ses allégations de mauvais traitements de la part de M. A, il n’y avait pas d’éléments suffisants pour conclure que M. B avait manqué à ses devoirs. Par ailleurs, selon l’enquêteur, il n’était pas possible d’établir que la requérante avait été victime de discrimination fondée sur le sexe ou de mesures de rétorsion.

13      Le 29 avril 2013, la requérante a présenté ses observations sur les extraits des rapports d’enquête reçus.

14      Le 30 avril 2013, le contrat d’engagement de la requérante est venu à expiration et n’a pas été renouvelé.

15      Le 6 mai 2013, le directeur de l’OEDT a décidé de retirer les fonctions de chef de l’unité POL à M. A et de le réaffecter sur un poste sans fonctions d’encadrement, rattaché directement au directeur scientifique de l’Observatoire.

16      Par lettre du 13 mai 2013, reçue par la requérante le 17 mai suivant, le président du conseil d’administration de l’OEDT a informé celle-ci de sa décision de clôturer sans suite l’enquête administrative sur les allégations à l’encontre de M. B, en affirmant qu’« aucun manquement au respect des obligations légales et réglementaires de la part [du directeur de l’Observatoire] » n’était avéré. Néanmoins, il indiquait dans la même lettre qu’il considérait opportun d’attirer l’attention de M. B sur la nécessité que « des efforts supplémentaires » soient accomplis pour améliorer la parité entre les hommes et les femmes aux postes de direction. Par la même lettre, il transmettait à la requérante les conclusions du rapport de l’enquête administrative.

17      Par lettre du 25 juin 2013, reçue par la requérante le 12 août 2013, le directeur de l’OEDT a informé la requérante qu’il avait conclu que :

–        il n’existait aucun élément de preuve décisif qu’elle ait été victime de mauvais traitements et de harcèlement de la part de M. A ;

–        il existait des éléments de preuve suffisants que M. A avait dû faire face et remédier à une situation d’insuffisance professionnelle de la requérante clairement existante et établie ;

–        l’enquête administrative avait soulevé certaines préoccupations quant à la capacité managériale et aux prestations de M. A s’agissant du fonctionnement approprié, effectif et efficace de l’unité POL et de la gestion d’une partie du personnel placé sous sa direction. Cette situation ne relèverait pas du cadre de l’enquête et serait susceptible d’exiger que des mesures préventives et correctives soient mises en place séparément.

18      Le 13 août 2013, la requérante a introduit une demande d’aide judiciaire aux fins de l’introduction du présent recours.

19      Par ordonnance du 4 novembre 2013, Gyarmathy/OEDT (F‑79/13 AJ), notifiée à la requérante le 7 novembre suivant, le président du Tribunal a fait droit à sa demande en lui accordant une aide judiciaire pour un montant total maximal de 3 000 euros.

 Conclusions des parties et procédure

20      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 11 septembre 2012 ;

–        annuler la note du 14 septembre 2012 ;

–        annuler la décision du président du conseil d’administration de l’OEDT du 13 mai 2013 et la décision du directeur de l’OEDT du 25 juin 2013 ;

–        en conséquence, mener « une nouvelle enquête véritable, objective et impartiale » ;

–        réparer le préjudice matériel subi, estimé à 430 202 euros ;

–        réparer le préjudice moral subi, estimé à 120 000 euros ;

–        condamner l’OEDT aux dépens ;

–        à titre de mesure d’organisation de la procédure, ordonner à l’OEDT de produire « le rapport d’enquête complet ».

21      Ainsi qu’il ressort de l’accusé de réception de la signification de la requête, celle-ci a été réceptionnée par l’OEDT le 31 décembre 2013. Par conséquent, ce dernier a été régulièrement mis en cause au sens de l’article 116, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure alors en vigueur (devenu l’article 121, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure), relatif aux arrêts par défaut.

22      Alors que le délai de deux mois, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu par l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure alors en vigueur (devenu l’article 38 du règlement de procédure), pour le dépôt du mémoire en défense avait expiré le 10 mars 2014, l’OEDT n’avait pas, à cette date, déposé ledit mémoire ni non plus demandé une quelconque prorogation du délai prescrit.

23      Par lettre du 25 mars 2014, la requérante a demandé au Tribunal, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure alors en vigueur, de lui adjuger ses conclusions.

24      Par lettre du 2 avril 2014, l’OEDT a demandé au Tribunal de considérer que le fait de ne pas avoir déposé de mémoire en défense dans le délai imparti pouvait se justifier pour cause de cas de force majeure ou en raison d’une erreur excusable.

25      Par lettre du 24 avril 2014, le greffe du Tribunal a informé les parties de la décision du Tribunal de rejeter la demande contenue dans la lettre de l’OEDT du 2 avril 2014, d’appliquer l’article 116 du règlement de procédure alors en vigueur et de clôturer la procédure écrite.

26      Par lettre du greffe du 8 juillet 2014, le Tribunal a invité la requérante, en application de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure alors en vigueur (devenu l’article 121, paragraphe 2, du règlement de procédure), à présenter ses observations concernant la recevabilité des différents moyens de sa requête. La requérante a présenté ses observations le 22 août 2014.

27      À la suite de la décision du Tribunal du 17 septembre 2014 portant sur la composition des chambres et sur l’affectation des juges aux chambres (JO C 342, p. 5), la composition de la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a été attribuée, a été modifiée.

 En droit

28      Les formalités ayant été régulièrement accomplies, il appartient au Tribunal, conformément à l’article 121, paragraphe 2, du règlement de procédure, d’examiner la recevabilité de la requête. À cet effet, le Tribunal a décidé de ne pas ouvrir la procédure orale, s’estimant suffisamment éclairé par la requête ainsi que par les observations que la requérante a produites à la demande du Tribunal.

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 11 septembre 2012

29      La requérante demande l’annulation de la décision du 11 septembre 2012 en ce que le directeur de l’OEDT aurait rejeté sa demande d’assistance contenue dans le courriel du 27 juillet 2012.

30      En particulier, la requérante reproche au directeur de l’OEDT, d’une part, d’avoir rejeté sa demande de réaffectation contenue dans le courriel du 27 juillet 2012 et, d’autre part, de ne pas avoir ouvert d’enquête à l’encontre de M. A suite aux allégations de mauvais traitements qu’elle avait présentées dans le même courriel.

31      Le Tribunal rappelle d’emblée que doit être qualifiée de demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») non seulement la demande introduite par un fonctionnaire ou par un agent se prétendant actuellement la victime, en raison de sa qualité et de ses fonctions, de menaces, d’outrages, d’injures, de diffamations ou d’attentats contre sa personne ou ses biens, ou dont les membres de sa famille seraient l’objet, mais également toute demande d’un fonctionnaire invitant l’administration à prendre une décision ou à l’indemniser pour un motif lié à l’article 24 du statut, même lorsque les agissements fautifs ont cessé (arrêt Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 48).

32      À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame l’assistance de son institution au titre de l’article 24 du statut formule une demande en ce sens, en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut, et apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci. L’obligation d’assistance comporte, notamment, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, les plaintes en matière de harcèlement moral et d’informer le plaignant de la suite réservée à sa plainte (arrêt Klug/EMEA, F‑35/07, EU:F:2008:150, point 74, et la jurisprudence citée).

33      En l’espèce, bien que le courriel du 27 juillet 2012 (voir point 5 du présent arrêt) se présente sous la forme d’observations sur le rapport de notation litigieux, la requérante y fait état d’une situation conflictuelle avec M. A et demande clairement une intervention du directeur de l’OEDT.

34      En particulier, la requérante conteste vigoureusement le fait que M. A la soumette à un contrôle pointilleux (« micromanagement ») et lui reproche de venir plusieurs fois par jour dans son bureau pour s’enquérir de ce qu’elle est en train de faire, comportement qu’elle qualifie de « harcèlement ». En outre, selon la requérante, M. A aurait eu envers elle une « attitude hostile » et « totalement inacceptable et intolérable » et elle affirme avoir subi des mauvais traitements de sa part depuis qu’elle a été affectée à son unité. Enfin, elle affirme avoir pris contact à plusieurs reprises avec des membres du secteur « Gestion des ressources humaines » pour obtenir de l’aide, mais, faute de résultats, elle s’est vue obligée d’informer le directeur de l’OEDT de la situation et de demander à être affectée à une autre unité.

35      Il y a donc lieu de constater que, dans le courriel du 27 juillet 2012, la requérante réclamait effectivement la protection de l’Observatoire et apportait un commencement de preuve de la réalité des mauvais traitements dont elle s’estimait victime et que, par conséquent, ledit courriel constituait bien une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut.

36      Toutefois, la procédure précontentieuse visant à obtenir l’assistance de l’Observatoire n’a pas été engagée correctement.

37      En effet, par sa lettre du 11 septembre 2012 (voir point 6 du présent arrêt), le directeur de l’OEDT a informé la requérante qu’il avait examiné ses allégations dirigées contre M. A, mais qu’il ne pouvait y donner aucune suite, et il a rejeté explicitement sa demande de réaffectation. Ceci constitue donc une décision explicite de rejet de la demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut présentée par la requérante dans le courriel du 27 juillet 2012.

38      Or, le Tribunal constate que, dans la lettre du 10 décembre 2012, la requérante mentionnait la décision du 11 septembre 2012, bien qu’elle n’en demandait pas explicitement l’annulation, et elle reprochait au directeur de l’OEDT de ne pas avoir pris de mesures adéquates suite à ses « allégations orales et écrites » concernant les mauvais traitements qu’elle aurait subis de la part de son chef d’unité. Ce volet de la lettre du 10 décembre 2012 constitue donc une réclamation contre la décision du 11 septembre 2012 de rejet de la demande d’assistance.

39      Enfin, suite à cette réclamation, l’OEDT a affecté la requérante à une autre unité, par décision dont la requérante a été informée par la lettre du 19 décembre 2012, et a ouvert deux enquêtes, par décisions, respectivement, des 18 et 21 janvier 2013, portant sur les différentes allégations de la requérante.

40      Il y a donc lieu de juger que l’OEDT a donné une suite favorable à la réclamation de la requérante contre la décision du 11 septembre 2012 rejetant sa demande d’assistance et que les conclusions visant à l’annulation de ladite décision du 11 septembre 2012 doivent, partant, être déclarées irrecevables, en l’absence d’un acte faisant grief.

41      À titre surabondant, même à supposer que la requérante ait eu l’intention de contester les décisions mentionnées au point 39 du présent arrêt, il y aurait lieu de constater qu’elle a introduit la demande d’aide judiciaire seulement le 13 août 2013, donc bien au-delà du délai de trois mois et dix jours pour introduire un recours contre ces décisions. Ces conclusions seraient dans un tel cas tardives et donc irrecevables. Il en irait de même si la requérante entendait contester, dans la lettre du 10 décembre 2012, une éventuelle décision implicite de rejet de la réclamation introduite contre la décision du 11 septembre 2012. En effet, une telle décision implicite se serait formée le 10 avril 2013 et aurait dû être attaquée au plus tard le 22 juillet 2013, le 20 juillet étant un samedi.

42      Il s’ensuit que les conclusions visant à l’annulation de la décision du 11 septembre 2012 doivent être rejetées.

 Sur les conclusions en annulation de la note du 14 septembre 2012

43      La requérante demande au Tribunal d’annuler la décision de l’Observatoire de ne pas renouveler son contrat, décision dont elle a été informée par la note du 14 septembre 2012.

44      Le Tribunal rappelle d’emblée que, selon une jurisprudence constante, seuls font grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, les actes ou mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’un fonctionnaire ou d’un agent, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier. De tels actes doivent émaner, s’agissant d’un agent soumis au régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement et revêtir un caractère décisionnel. Par ailleurs, un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur constitue un acte purement confirmatif de celui-ci et ne saurait, de ce fait, avoir pour effet d’ouvrir un nouveau délai de recours (arrêt Solberg/OEDT, F‑124/12, EU:F:2013:157, point 16, et la jurisprudence citée).

45      En outre, il y a réclamation administrative au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut dès lors que le fonctionnaire ou l’agent réagit d’une manière précise contre la mesure prise à son égard ou, sans demander expressément le retrait de la décision en cause, manifeste clairement sa volonté de contester la décision qui lui fait grief (arrêts Davids/Commission, F‑105/11, EU:F:2012:84, point 20, et Cuallado Martorell/Commission, F‑96/09, EU:F:2012:129, point 60, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑506/12 P).

46      Enfin, le Tribunal a déjà jugé qu’une lettre se bornant à rappeler à un agent les stipulations de son contrat relatives à la date d’expiration de celui-ci et ne contenant aucun élément nouveau par rapport auxdites stipulations ne constitue pas un acte faisant grief. En revanche, dans le cas où le contrat peut faire l’objet d’un renouvellement, la décision prise par l’administration de ne pas renouveler le contrat constitue un acte faisant grief, distinct du contrat en question et susceptible de faire l’objet d’une réclamation, voire d’un recours, dans les délais statutaires. En effet, une telle décision, qui intervient à la suite d’un réexamen de l’intérêt du service et de la situation de l’intéressé, contient un élément nouveau par rapport au contrat initial et ne saurait être regardée comme purement confirmative de celui-ci (arrêts Bennett e.a./OHMI, F‑102/09, EU:F:2011:138, points 57 à 59, et Solberg/OEDT, EU:F:2013:157, points 17 et 18).

47      En l’espèce, il est vrai que la note du 14 septembre 2012 se limite à rappeler à la requérante que son contrat viendra à expiration le 30 avril 2013, tout en faisant référence aux informations fournies à la requérante par le directeur de l’Observatoire lors de l’entretien de ce même 14 septembre. Toutefois, il ressort de la lettre du 19 décembre 2012 que le contrat de la requérante n’a pas été renouvelé à cause des performances insuffisantes de celle-ci, ce qui signifie que le directeur de l’Observatoire avait examiné la question de savoir s’il convenait ou non de renouveler ce contrat, lequel était précisément renouvelable en vertu de son article 4.

48      Par conséquent, la note du 14 septembre 2012 doit être regardée comme informant la requérante de la décision du directeur de l’Observatoire de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire à durée déterminée. Cette décision a, ainsi, eu pour effet de priver la requérante du maintien de sa relation de travail au sein de l’OEDT et affecté directement et immédiatement ses intérêts en modifiant de manière caractérisée sa situation juridique. Il s’ensuit que cette décision constitue un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêt Solberg/OEDT, EU:F:2013:157, points 20 et 21).

49      La requérante a contesté la décision de non-renouvellement de son contrat dans la lettre du 10 décembre 2012, en affirmant que ladite décision lui semblait « être une mesure de rétorsion », que la note du 14 septembre 2012 ne contenait « aucune motivation […] outre de vagues affirmations concernant ‘[son] propre intérêt’ », et que ladite décision avait été adoptée par « une équipe managériale sans aucune représentation féminine et avec la participation active de la personne qu[’elle accusait] de harcèlement ». Ce volet de la lettre du 10 décembre 2012 doit donc être considéré comme une réclamation à l’encontre de la décision de non-renouvellement de son contrat dont la requérante a été informée par la note du 14 septembre 2012.

50      Par la lettre du 19 décembre 2012, le directeur de l’OEDT a informé la requérante que le fait que son contrat allait expirer le 30 avril 2013 n’était autre que la fin normale dudit contrat, telle que prévue par son article 4, et que le non-renouvellement de son contrat était lié au « niveau [de ses] prestations ». Partant, ladite lettre contient une décision explicite de rejet de la réclamation, présentée dans la lettre du 10 décembre 2012 et dirigée contre la décision de non-renouvellement du contrat, dont la requérante avait été informée par la note du 14 septembre 2012.

51      La requérante aurait donc dû introduire un recours contre la décision de rejet de sa réclamation dans un délai de trois mois et dix jours à compter du 19 décembre 2012, à savoir au plus tard le 29 mars 2013. Il s’ensuit qu’au moment où la requérante a introduit sa demande d’aide judiciaire, le 13 août 2013, elle était déjà forclose à contester la décision rejetant sa réclamation, décision dont elle a été informée par la lettre du 19 décembre 2012.

52      Les conclusions dirigées contre la décision de non-renouvellement de son contrat, dont la requérante a été informée par la note du 14 septembre 2012, sont donc tardives et doivent dès lors être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions en annulation de la décision du président du conseil d’administration de l’OEDT du 13 mai 2013 et de la décision du directeur de l’OEDT du 25 juin 2013

53      La requérante conteste la décision du président du conseil d’administration de l’OEDT, du 13 mai 2013, de clôturer sans suite l’enquête ouverte à l’encontre de M. B, au motif que ce dernier n’aurait pas manqué « au respect des obligations légales et réglementaires ». Elle conteste aussi la décision du directeur de l’OEDT, du 25 juin 2013, de clôturer sans suite l’enquête portant sur le comportement de M. A, au motif qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour prouver que la requérante avait été victime d’un harcèlement moral.

54      Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir arrêt Labiri/CESE, F‑124/10, EU:F:2013:21, point 42, et la jurisprudence citée).

55      Or, une décision classant sans suite une enquête ouverte sur le fondement d’une demande d’assistance fait grief au demandeur dans la mesure où elle comporte le classement de la demande d’assistance (arrêt Labiri/CESE, EU:F:2013:21, point 53).

56      Il s’ensuit que les décisions du 13 mai 2013 et du 25 juin 2013 sont des actes faisant grief à la requérante au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par conséquent, afin de les contester, la requérante aurait dû introduire une réclamation contre celles-ci, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et attaquer devant le Tribunal une éventuelle décision, implicite ou explicite, de rejet de sa réclamation.

57      Or, il ressort des observations sur la recevabilité de la requête, déposées par la requérante le 22 août 2014, qu’elle a introduit, le 12 août 2013, une réclamation contre la décision du président du conseil d’administration de l’OEDT du 13 mai 2013 et, le 25 octobre 2013, une réclamation contre la décision du directeur de l’OEDT du 25 juin 2013.

58      Toutefois, le délai de quatre mois, prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut, dont l’administration disposait pour répondre à ces deux réclamations a expiré, respectivement, le 12 décembre 2013 et le 25 février 2014, soit postérieurement à l’introduction du présent recours.

59      Il s’ensuit que le recours, introduit le 12 novembre 2013, est prématuré en ce qui concerne les conclusions en annulation des décisions du président du conseil d’administration et du directeur de l’OEDT, respectivement datées du 13 mai 2013 et du 25 juin 2013, et que, par conséquent, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions visant à ce qu’une nouvelle enquête soit menée

60      La requérante demande qu’« une nouvelle enquête véritable, objective et impartiale » soit menée.

61      Le Tribunal rappelle qu’il ne lui incombe pas, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 90 du statut, d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union (arrêt Da Silva Pinto Branco/Cour de justice, F‑52/09, EU:F:2010:98, point 31, et la jurisprudence citée).

62      Il y a donc lieu de rejeter les présentes conclusions comme irrecevables.

 Sur les conclusions indemnitaires

63      La requérante soutient que la décision de ne pas renouveler son contrat lui a causé un préjudice matériel consistant en la perte de son revenu et s’élevant à la somme de 430 202 euros.

64      En outre, la requérante demande la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait des décisions attaquées.

65      En premier lieu, elle considère avoir subi un préjudice moral découlant de l’incertitude, de l’anxiété et de la souffrance causées par les illégalités des décisions attaquées et estime ce préjudice, qui ne pourrait être réparé par l’annulation des décisions attaquées, à hauteur de 50 000 euros.

66      En second lieu, elle demande une somme de 70 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi en raison des illégalités affectant la décision du président du conseil d’administration de l’Observatoire, du 13 mai 2013, de clôturer sans suite l’enquête portant sur ses allégations à l’encontre de M. B.

67      Le Tribunal rappelle que, conformément à une jurisprudence constante, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière, soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (arrêt BM/BCE, F‑106/11, EU:F:2013:91, point 69).

68      En l’espèce, les conclusions indemnitaires étant étroitement liées aux conclusions en annulation qui ont toutes été rejetées comme irrecevables, lesdites conclusions doivent en conséquence être également rejetées.

69      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Enfin, selon l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, une partie gagnante peut être condamnée à supporter ses propres dépens et à prendre en charge partiellement ou totalement les dépens exposés par l’autre partie si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

71      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la requérante a succombé en son recours.

72      L’OEDT, régulièrement mis en cause mais n’ayant pas répondu à la requête, n’a évidemment pas conclu sur les dépens.

73      La requérante, quant à elle, demande au Tribunal de condamner l’OEDT à supporter l’ensemble des dépens même dans l’hypothèse d’un rejet du recours, au motif que l’OEDT n’aurait pas répondu de manière appropriée à sa demande d’assistance, ne lui laissant d’autre choix que d’introduire une réclamation formelle. Toutefois, il ressort du présent arrêt que la requérante a soit attaqué des actes ne lui faisant pas grief, soit introduit des demandes sans attendre la décision de rejet de la réclamation, soit présenté des conclusions tardives. Il apparaît donc que l’attitude de l’OEDT n’est pas à l’origine des frais que la requérante a exposés pour la présentation de son recours, lesquels ne sauraient ainsi être qualifiés de frustratoires ou vexatoires pour la requérante, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure. Enfin, aucune raison d’équité ne justifie une dérogation à la règle inscrite à l’article 101 du règlement de procédure.

74      Dans ces conditions, conformément à l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Bradley

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2015.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       K. Bradley


* Langue de procédure : l’anglais.