Language of document : ECLI:EU:T:2020:90

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 mars 2020 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Rémunération – Allocation de foyer – Allocation pour enfant à charge – Allocations scolaires et préscolaires – Éligibilité – Rejet des demandes de bénéficier de ces allocations – Conditions d’emploi des titulaires de contrats de travail de courte durée – Conditions et règles applicables aux contrats de travail de courte durée »

Dans l’affaire T‑484/18,

XB, représenté par Mes L. Levi et A. Champetier, avocates,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. D. Camilleri Podestà et F. von Lindeiner, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions de la BCE du 6 novembre et du 4 décembre 2017 refusant le bénéfice de certaines allocations et, le cas échéant, des décisions de la BCE du 2 février 2018 portant rejet d’une demande de réexamen administratif et du 5 juin 2018 portant rejet de la demande formulée au titre de la procédure de réclamation et, d’autre part, à la condamnation de la BCE au versement des sommes correspondant auxdites allocations,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. F. Schalin (rapporteur), faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 juillet 2017, le requérant, XB, a conclu avec la Banque centrale européenne (BCE) un contrat de courte durée aux termes duquel il rejoignait cette dernière pour une période d’un an, du 15 juillet 2017 au 14 juillet 2018, afin d’y exercer des fonctions d’auditeur au sein de la direction de l’audit interne.

2        Le contrat liant le requérant à la BCE s’inscrit dans le cadre du programme SEBC-OI permettant à des experts issus des banques centrales nationales faisant partie du Système européen de banques centrales (SEBC) ou issus d’organisations internationales de disposer d’une expérience professionnelle au sein de la BCE. Il est régi par les conditions applicables aux emplois de courte durée (Conditions of Short-Term Employment, ci-après les « CfSTE ») ainsi que par les règles applicables aux emplois de courte durée (Rules for Short-Term Employment, ci-après les « RfSTE ») en vigueur au sein de la BCE.

3        Le requérant déclarait dans le contrat conclu avec la BCE qu’il était précédemment employé par le Banco de España (Banque d’Espagne, Espagne) qui lui avait accordé un congé sans solde jusqu’au 14 juillet 2018 afin de lui permettre de travailler à la BCE.

4        Le requérant a quitté Madrid (Espagne) pour emménager avec sa famille à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), siège de la BCE, en l’occurrence avec son épouse, qui bénéficiait d’un congé sans solde accordé par son employeur en Espagne et n’exerçait pas d’autre activité professionnelle, et les quatre enfants mineurs du couple, nés respectivement en 2002, en 2004, en 2008 et en 2014.

5        Le 16 octobre 2017, le requérant a sollicité de la BCE le bénéfice de l’allocation de foyer, de l’allocation pour enfant à charge au titre de ses quatre enfants et de l’allocation scolaire au titre de ses trois aînés scolarisés à l’école européenne.

6        Le 4 décembre 2017, le requérant a en outre sollicité le bénéfice de l’allocation préscolaire pour le plus jeune de ses enfants.

7        Le 6 novembre 2017, la BCE a informé le requérant que son statut d’employé sous contrat de courte durée ne lui ouvrait pas droit au bénéfice des allocations sollicitées dans sa demande du 16 octobre 2017.

8        Le 4 décembre 2017, la BCE a informé le requérant que, pour les mêmes motifs, il ne pouvait pas bénéficier de l’allocation préscolaire.

9        Le 15 décembre 2017, le requérant a présenté une demande interne de réexamen administratif afin de contester les décisions que la BCE avait adoptées à son égard le 6 novembre et le 4 décembre 2017 (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») et par lesquelles elle lui avait refusé le bénéfice de l’allocation de foyer, de l’allocation pour enfant à charge au titre de ses quatre enfants, de l’allocation scolaire au titre de ses trois aînés scolarisés à l’école européenne et de l’allocation préscolaire (ci-après les « allocations familiales »).

10      Le 2 février 2018, la BCE a rejeté la demande de réexamen administratif présentée par le requérant au motif que l’octroi des allocations familiales n’était pas possible au regard des dispositions régissant son contrat de travail.

11      Le 29 mars 2018, le requérant a adressé au président de la BCE une demande au titre de la procédure de réclamation afin de contester la position de la BCE et d’obtenir le paiement du montant correspondant aux allocations familiales qui lui avaient été refusées, assorti d’intérêts. Cette demande a été rejetée par une décision du président de la BCE  du 5 juin 2018.

12      Le 24 avril 2018, le requérant a conclu avec la BCE un avenant à son contrat, prévoyant une prorogation de celui-ci pour une période d’un an s’achevant le 14 juillet 2019, puis, le 18 octobre 2018, un second avenant prévoyant une nouvelle prorogation d’un an s’achevant le 14 juillet 2020.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 2018, le requérant a introduit le présent recours.

14      Saisi d’une demande présentée par le requérant sur le fondement de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier, par une décision du 17 septembre 2018, a fait droit à la demande d’anonymat et décidé d’omettre le nom du requérant dans la version publique du présent arrêt.

15      Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés au greffe du Tribunal respectivement le 1er novembre 2018, le 9 janvier et le 22 février 2019.

16      Les parties ayant été informées le 25 février 2019 que la phase écrite de la procédure était clôturée, le Tribunal les a interrogées afin qu’elles indiquent si elles souhaitaient la tenue d’une audience. Le requérant a indiqué le 8 mars 2019 qu’il souhaitait la tenue d’une audience. La BCE n’a, quant à elle, pas pris position sur cette demande.

17      Les 19 mars et 12 avril 2019, le requérant a produit des offres de preuve supplémentaires en invoquant les dispositions de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Les 3 avril et 23 mai 2019, la BCE a déposé au greffe du Tribunal ses observations au sujet de ces offres de preuve supplémentaires.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la BCE au versement des sommes correspondant aux allocations familiales sollicitées, assorties des intérêts de retard, au taux de la BCE majoré de 2 points à compter des dates demandées, en prenant en considération le fait que les versements de régularisation sans lien avec le mois au cours duquel ils ont été versés seront soumis à l’impôt auquel ils auraient été soumis s’ils avaient été effectués dans les temps, en conformité avec le règlement (CEE, Euratom, CECA) no 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes (JO 1968, L 56, p. 8) ;

–        le cas échéant, annuler les décisions de la BCE du 2 février 2018 portant rejet d’une demande de réexamen administratif et du 5 juin 2018 portant rejet de la demande formulée au titre de la procédure de réclamation ;

–        condamner la BCE aux dépens.

19      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

20      À l’appui du recours, le requérant invoque l’illégalité du cadre juridique applicable aux emplois de courte durée, composé des CfSTE et des RfSTE, en soulevant deux moyens. Le premier moyen comporte trois branches, tirées, la première, de la violation de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») en ce que les dispositions des CfSTE et des RfSTE violeraient les droits de l’enfant et les principes de protection de la famille et de non-discrimination, la deuxième, de la violation du principe de non-discrimination entre les travailleurs temporaires et les travailleurs permanents et, la troisième, de la violation du principe de non-discrimination et d’égalité des contribuables. Le second moyen est tiré d’une violation des droits collectifs du personnel de la BCE en ce que le comité du personnel n’aurait pas été valablement consulté lors de l’adoption des règles applicables aux contrats successifs, telles qu’elles découlent de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43), et qu’elles ont été introduites dans les CfSTE et les RfSTE.

21      La BCE conclut à l’irrecevabilité, d’une part, du chef de conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal ordonne à la BCE de lui verser les montants correspondant aux allocations familiales et, d’autre part, de la demande du requérant en ce qu’elle concerne les prestations liées à la prise de fonctions. La BCE conclut au rejet du surplus des prétentions du requérant comme étant non fondé.

 Sur la recevabilité, d’une part, du chef de conclusions tendant à ce qu’il soit ordonné à la BCE de verser les montants correspondant aux allocations familiales et, d’autre part, de la demande portant sur les prestations liées à la prise de fonctions

22      La BCE expose que le chef de conclusions du requérant tendant à ce qu’il lui soit ordonné de verser les montants correspondant aux allocations familiales est manifestement irrecevable dans la mesure où il n’appartient pas au Tribunal d’ordonner à une institution d’adopter un comportement particulier, l’institution concernée étant uniquement tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, d’adopter les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. La BCE relève en outre que le requérant ne présente pas le non-versement des allocations familiales comme un dommage qu’il aurait subi alors que, dans une telle hypothèse, il y aurait lieu d’examiner dans quelle mesure le requérant aurait contribué à son propre dommage en déménageant à Francfort-sur-le-Main avec sa famille et en perdant ainsi le droit aux allocations familiales espagnoles.

23      La BCE relève également que, aux points 74 à 78 et 121 de la requête, le requérant allègue une différence de traitement concernant les prestations liées à la prise de fonctions. Or, le requérant aurait introduit une procédure précontentieuse interne dont l’épuisement serait une des conditions de recevabilité d’un recours devant le Tribunal, de sorte que la contestation d’une telle décision ne relèverait pas du champ de la présente procédure devant le Tribunal.

24      Le requérant fait valoir que, dans l’hypothèse de l’annulation par le Tribunal des décisions attaquées, il appartiendra à la BCE de respecter les règles relatives aux allocations familiales auxquelles il peut prétendre. Le recours devrait dès lors être considéré comme recevable.

25      Le requérant explique enfin que le recours concerne uniquement la question des allocations familiales et que le Tribunal n’est en l’espèce pas saisi d’une demande portant sur le versement d’indemnités forfaitaires lors de la nomination, de sorte que le Tribunal n’a pas à statuer sur la recevabilité d’une telle demande.

26      Dans la duplique, la BCE admet que la question des prestations liées à la prise de fonctions ne relève pas rationae materiae de la présente affaire. Elle ajoute en revanche que, si, à la suite de l’éventuelle annulation des décisions attaquées, il lui appartenait de verser au requérant les allocations familiales réclamées, il y aurait lieu de tenir compte du fait que le requérant bénéficie en Espagne de certaines prestations de la Banque d’Espagne et qu’il a également bénéficié d’un certain nombre de prestations de la BCE qui devraient venir en déduction des sommes à verser.

27      En premier lieu, s’agissant de la demande du requérant en ce que, comme le fait valoir la BCE, elle porterait sur le versement de prestations liées à la prise de fonctions, il y a lieu de constater, ainsi que les parties en sont convenues aux termes de leurs écritures, qu’aucun chef de conclusions ne se rapporte à la condamnation de la BCE au paiement de telles prestations. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par la BCE, tirée du défaut d’épuisement d’une procédure précontentieuse interne, est sans objet.

28      En second lieu, s’agissant du chef de conclusions du requérant tendant à ce qu’il soit ordonné à la BCE de lui verser les montants correspondant aux allocations familiales, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. Or, en l’espèce, il y a lieu de constater, d’une part, que le requérant se limite à demander dans ses écritures la condamnation de la BCE au paiement des sommes dont il estime qu’elles lui ont été refusées à tort et, d’autre part, que rien ne permet de considérer qu’il a entendu qualifier ces sommes de dommages-intérêts.

29      Il y a également lieu de relever à titre surabondant que, ainsi que le fait valoir la BCE, dans l’hypothèse de l’annulation des décisions attaquées, il ne saurait être exclu que certaines prestations déjà versées viennent en déduction des sommes à verser. Dans ces conditions, à supposer même que la demande du requérant soit assimilée à une demande indemnitaire, une telle demande serait prématurée et ne pourrait dès lors être accueillie (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2017, Teeäär/BCE, T‑555/16, non publié, EU:T:2017:817, point 59 et jurisprudence citée).

30      Il convient par conséquent de déclarer irrecevable le chef de conclusions tendant à ce qu’il soit ordonné à la BCE de verser les montants correspondant aux allocations familiales.

 Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des CfSTE et des RfSTE en ce qu’elles violeraient les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement ainsi que certains principes issus de la Charte

31      En l’espèce, il y a lieu de commencer par l’examen de la deuxième branche, dans la mesure où la faculté de la BCE d’établir des règles particulières régissant le statut de certaines catégories d’employés, dans l’hypothèse où elle serait reconnue et aurait été mise en œuvre de façon régulière à l’égard du requérant, est susceptible d’avoir une incidence sur l’examen de la première et de la troisième branche.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée du fait que les règles issues des CfSTE et des RfSTE violeraient le principe de non-discrimination entre les employés sous contrat de courte durée et les employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée

32      Le requérant expose que les employés sous contrat de courte durée font l’objet d’un traitement différencié et moins favorable que les employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée au seul motif de la nature de leur contrat. Or, cela ne serait pas justifié par des motifs objectifs, pertinents et non arbitraires au regard de la finalité poursuivie par le système des allocations familiales statutaires, puisque, notamment, un tel traitement serait sans lien avec la finalité des allocations familiales. Au contraire, le fait que le requérant ait à sa charge financière son épouse et ses enfants constituerait un fait objectif, les coûts supportés à cet égard étant les mêmes que ceux supportés par les autres membres du personnel. En outre, une partie des employés sous contrat à durée déterminée bénéficierait généralement d’un contrat d’une durée de trois années qui ouvrirait droit aux allocations familiales, alors que les employés sous contrat de courte durée dans le cadre du programme SEBC-OI pourraient également travailler pour la BCE jusqu’à trois années. Cela viendrait confirmer le fait que le motif du traitement différencié ne serait pas la durée de l’emploi, mais la nature du contrat, ce que la BCE aurait d’ailleurs admis dans le cadre de la procédure de réclamation.

33      Le requérant estime que, en septembre 2017, la différence de traitement brut avec ces collègues sous contrat à durée déterminée ou indéterminée s’élevait à 2 597,07 euros par mois, ces derniers percevant 25,28 % de plus que lui. Une différence de traitement existerait également en défaveur du personnel sous contrat de courte durée en ce qui concerne les indemnités statutaires internes versées au moment de la nomination et qui atteindraient, dans le cas d’une situation familiale telle que celle du requérant, 20 438 euros pour le personnel sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, contre seulement 582 euros pour un employé sous contrat de courte durée.

34      Le requérant fait valoir que la question du choix du lieu de vie de ses enfants, entre Madrid et Francfort-sur-le-Main, serait en l’espèce hors de propos. Il réfute également l’argument de la BCE formulé lors de la procédure de réclamation selon lequel il aurait fait l’objet d’un recrutement d’une sélectivité moindre alors que, en vertu de l’article 13a des CfSTE, les exigences lors du recrutement du personnel sous contrat de courte durée sont les mêmes que pour les autres membres du personnel et que les tâches effectuées sont identiques.

35      Selon le requérant, les avantages spécialement alloués au personnel sous contrat de courte durée sont insuffisants pour compenser les désavantages touchant cette catégorie de personnel en présence d’enfants à charge. En outre, son épouse aurait participé au programme dédié aux épouses ou partenaires reconnus des membres de la BCE, en principe réservé au personnel disposant d’un contrat à durée indéterminée ou déterminée d’au moins un an, ce qui démontrerait que, sur certains sujets, la BCE applique une égalité de traitement.

36      En réponse, premièrement, la BCE fait valoir que les institutions de l’Union européenne, dont elle fait partie, disposent de la compétence et du pouvoir discrétionnaire afin d’établir des catégories distinctes d’employés relevant chacune d’un cadre juridique particulier et de décider des droits financiers ainsi que des allocations et indemnités auxquels ces catégories peuvent prétendre.

37      Deuxièmement, il existerait des différences objectives entre les contrats de courte durée dans le cadre du programme SEBC-OI et les contrats à durée déterminée ou indéterminée, en particulier parce que le personnel employé sous ces dernières formes de contrat entretiendrait une relation plus forte avec l’institution qui l’emploie. Ces différences concerneraient l’objectif et les méthodes du recrutement (le programme SEBC-OI visant à favoriser les échanges de connaissances au sein du SEBC et à satisfaire des besoins en ressources à court terme de la BCE), la durée des contrats, l’absence de période d’essai, l’absence d’évaluation des performances, les conditions de cessation des fonctions, le maintien d’un contrat avec une banque centrale nationale ou une organisation internationale, le versement d’allocations et d’indemnités spéciales, en l’occurrence un capital correspondant au droit à la retraite, une indemnité mensuelle de logement provisoire et une indemnité mensuelle spéciale de voyage. Ainsi, eu égard à sa raison d’être, le cadre juridique régissant le personnel sous contrat de courte durée serait substantiellement différent de celui applicable au personnel sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, même si le salaire de ces différents types de personnel est calculé à partir de grilles salariales identiques.

38      La BCE lie la spécificité du régime d’allocations et d’indemnités selon le type d’emploi au fait que les employés sous contrat de courte durée sont présumés conserver leur résidence habituelle et leur affiliation à la sécurité sociale dans leur État membre d’origine, ce qui justifie l’existence du régime spécial dont il bénéficie auprès de la BCE du fait qu’ils résident temporairement à Francfort-sur-le-Main pendant la durée de leur contrat auprès de la BCE à l’issue duquel ils sont supposés reprendre leurs fonctions d’origine.

39      La BCE expose en particulier que le requérant conserve un ensemble de prestations octroyées par la Banque d’Espagne durant sa période d’emploi à la BCE. Le fait que son épouse soit en situation de congé non rémunéré indiquerait également l’intention de la famille de retourner à terme en Espagne.

40      Troisièmement, selon la jurisprudence, il n’existerait en général aucune violation du principe d’égalité de traitement du fait de l’existence de différentes catégories d’employés. La BCE jouirait d’une large autonomie compte tenu de son indépendance fonctionnelle lorsqu’elle légifère sur les questions ayant trait au personnel. Or, elle se serait limitée à établir les diverses catégories de personnel répondant à ses besoins légitimes et elle aurait conceptualisé les cadres juridiques qui leur seraient applicables en exerçant son pouvoir autonome et discrétionnaire.

41      Quatrièmement, le requérant n’aurait démontré aucune violation du principe d’égalité de traitement dans le cas spécifique des allocations familiales compte tenu du pouvoir discrétionnaire législatif de la BCE dans le domaine des relations d’emploi, dont les limites ne seraient méconnues qu’en cas de différenciation arbitraire et manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi. La démonstration que la situation factuelle des employés sous contrat de courte durée et celle des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée seraient identiques n’aurait pas davantage été rapportée.

42      À cet égard, la BCE invoque tout d’abord le fait que le type de relation de travail est essentiel à la détermination du droit aux allocations et indemnités, contrairement à ce qu’estime le requérant qui prétend ainsi ignorer l’existence de diverses catégories de personnel et cumuler les indemnités spécifiques aux contrats de courte durée avec celles des contrats de durée déterminée et indéterminée. Or, cela l’amènerait à bénéficier d’un meilleur traitement que tout autre membre du personnel et pas seulement d’une égalité de traitement. Le requérant continuerait de bénéficier d’avantages octroyés par la Banque d’Espagne et il serait considéré avec son épouse comme ayant conservé un domicile fiscal en Espagne en étant éligible aux avantages fiscaux tels que l’abattement pour les contribuables ayant des enfants à charge de moins de 25 ans. Ainsi, il se trouverait dans une situation spécifique en ce qu’il conserverait son centre d’intérêt dans l’État membre où il travaillait avant de rejoindre la BCE et où il conserverait un contrat de travail, même si celui-ci est suspendu.

43      Selon la BCE, le requérant demeurerait également affilié au régime de sécurité sociale espagnol, la Banque d’Espagne continuant de payer pour lui pendant deux années des cotisations de sécurité sociale. Pour cette raison, il ne serait pas autorisé à adhérer au système de retraite de la BCE, de sorte qu’un capital lui est versé afin de lui permettre de continuer à payer ses contributions de sécurité sociale en Espagne.

44      Cinquièmement, selon la BCE, le requérant ne rapporte pas la preuve d’un traitement plus défavorable que les employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée étant donné que, chaque mois, il perçoit trois allocations et indemnités spéciales qui lui procurent généralement une rémunération supérieure à celle des employés de la première catégorie. Compte tenu de sa situation familiale spécifique caractérisée par la présence de quatre enfants à charge, le requérant percevrait certes une rémunération plus élevée s’il était membre du personnel titulaire d’un contrat à durée déterminée, mais cela s’expliquerait par la spécificité de l’abattement fiscal pour enfant à charge prévu par le règlement no 260/68 que la BCE est tenue d’appliquer et dont le requérant ne conteste pas la légalité. Par ailleurs, il ne serait pas pertinent de comparer le montant du capital que le requérant perçoit mensuellement à titre de cotisation de retraite avec la cotisation de retraite du personnel sous contrat à durée indéterminée ou déterminée, dans la mesure où cette dernière ne constituerait pas une rentrée d’argent immédiate et ne serait pas immédiatement disponible.

45      Dans la réplique, le requérant déclare ne percevoir directement en Espagne aucune aide mensuelle aux familles ni cotisation au régime de retraite, en dehors du fait que la Banque d’Espagne continue pendant deux années de cotiser en sa faveur au régime national de retraite. Dans la mesure où ni lui ni son épouse ne percevraient de revenus salariés en Espagne, ils ne profiteraient pas de l’exonération de certaines sommes par enfant à charge au titre de l’impôt sur le revenu annuel national. Il expose que certains de ses collègues de la Banque d’Espagne auraient également été recrutés par la BCE dans le cadre de contrats à durée déterminée voire indéterminée en continuant d’accumuler certains avantages auprès de leur ancien employeur, tout en bénéficiant des allocations familiales versées par la BCE. Il souligne que le maintien de sa résidence fiscale en Espagne ne résulterait pas d’un choix personnel, mais de l’application à l’ensemble du personnel de la BCE des règles issues du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965 (JO 1967, 152, p. 13, ci-après le « protocole »).

46      Dans la duplique, la BCE expose que les CfSTE prohibent le cumul de prestations de même nature provenant de différentes sources, nationales et de l’Union. En outre, le requérant méconnaîtrait le fait que, s’il avait été détaché auprès d’une autre institution de l’Union, il aurait obtenu le statut d’expert national détaché (END) qui, d’un point de vue financier, serait beaucoup moins favorable que le statut actuel dont il bénéficie à la BCE.

47      Lors de l’audience, le requérant a également invoqué le fait que, selon la jurisprudence, l’évolution de la situation factuelle et juridique d’un employé pouvait conduire à l’apparition d’une situation de discrimination qui, initialement, n’existait pas. À cet égard, il fait valoir que l’évolution du contenu des tâches confiées aux employés sous contrat de courte durée, en ce qu’il est désormais identique à celui des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, ainsi que le fait que les contrats de courte durée peuvent être renouvelés à deux reprises pour couvrir une période totale de trois années doivent être assimilés à une évolution de sa situation factuelle et juridique devant conduire au constat de l’apparition d’une situation de discrimination à son égard. Le requérant fait en outre valoir que la BCE aurait évoqué pour la première fois à l’audience le fait que les contrats des employés sous contrat à durée déterminée peuvent être conclus pour une période supérieure à six années de sorte qu’ils différent sur ce point des contrats de courte durée, ce qui constituerait un nouvel argument soulevé tardivement qui, par conséquent, serait irrecevable.

48      En réponse, la BCE a fait valoir lors de l’audience que, depuis son instauration en 1999, la raison d’être du programme SEBC-OI n’a pas changé, à savoir renforcer la collaboration entre la BCE et les banques centrales appartenant au SEBC. Cela expliquerait d’ailleurs que les salaires du personnel participant à ce programme, recruté sous contrat de courte durée, sont issus d’un budget séparé décidé par le conseil des gouverneurs de la BCE sur une base annuelle, sans certitude quant à sa reconduction. Ainsi, le personnel recruté à ce titre ne pourrait connaître à l’avance la durée de son détachement. La BCE a également précisé que la durée des contrats de courte durée conclus dans ce cadre était fixée à l’origine à onze mois et qu’elle a progressivement été portée à trois années afin de permettre aux personnes concernées, en dépit de l’insécurité liée au renouvellement de leur contrat, de mieux planifier leur travail. En outre, s’agissant de la durée des contrats à durée déterminée, la BCE a indiqué que, ainsi que cela résultait du point 2.0a des « Règles régissant les contrats à durée déterminée du personnel de la BCE », qui étaient publiques et donc connues du requérant, lesdits contrats pouvaient avoir une durée de trois années, mais ils pouvaient également être portés à une durée totale de six, voire dix années.

49      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que le principe de non-discrimination invoqué par le requérant doit s’entendre comme renvoyant au principe d’égalité de traitement auquel il peut être assimilé (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 72).

50      À cet égard, il convient de rappeler que l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement suppose que deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différences essentielles se voient appliquer un traitement différent ou que des situations différentes soient traitées de manière identique, sans qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 6 septembre 2018, Piessevaux/Conseil, C‑454/17 P, non publié, EU:C:2018:680, point 78 et jurisprudence citée).

51      Selon la jurisprudence, pour pouvoir déterminer s’il y a ou non une violation du principe d’égalité de traitement, il convient notamment de s’en remettre à l’objet et au but poursuivi par la disposition dont il est allégué qu’elle le violerait (voir arrêt du 6 septembre 2018, Piessevaux/Conseil, C‑454/17 P, non publié, EU:C:2018:680, point 79 et jurisprudence citée).

52      Il y a également lieu de rappeler que, en tant qu’institution de l’Union, la BCE dispose du pouvoir de créer différentes catégories de personnel correspondant à ses besoins légitimes, soit en tant que fonctionnaires soit en tant qu’agents relevant d’un autre régime (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T‑121/97, EU:T:1998:232, points 98 et 104) et que, lorsqu’elle établit des règles relatives à des questions portant sur le régime applicable au personnel qu’elle emploie, elle dispose d’une large autonomie en raison de son indépendance fonctionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE, T‑178/00 et T‑341/00, EU:T:2002:253, point 48).

53      En l’espèce, le requérant ne conteste pas que les décisions attaquées ont été adoptées en conformité avec le cadre juridique pertinent, constitué des CfSTE et des RfSTE, mais il conteste la légalité de ce cadre en ce qu’il comporterait un traitement des employés sous contrat de courte durée moins favorable que celui réservé aux employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, et ce sans justification objective.

54      S’agissant plus particulièrement de sa situation professionnelle en tant qu’employé sous contrat de courte durée, le requérant soutient en substance que, au regard en particulier de la nature des tâches effectuées et de la durée totale de la collaboration au service de la BCE, cette situation ne diffère pas significativement de celle des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, de sorte qu’il n’est pas justifié de lui appliquer un régime moins favorable que ces derniers, notamment en termes d’allocations familiales.

55      Il y a donc lieu d’examiner, en premier lieu, quels sont l’objet et le but poursuivis par les dispositions régissant le statut du requérant et, en second lieu, si les spécificités de ce statut, dans la mesure où elles différeraient de celui des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, sont objectivement justifiées.

56      Premièrement, s’agissant de l’objet et du but poursuivis par les dispositions régissant le statut du requérant, le point 2 des RfSTE énumère, sous le titre « 2.0 Conditions des contrats de courte durée et contrats successifs », les cas dans lesquels ce type de contrat peut être conclu. Il s’agit en substance de pourvoir temporairement des postes afin de remplacer le personnel absent pour des motifs médicaux ou autres ou de recourir aux services de personnes susceptibles d’apporter ponctuellement des compétences spécifiques ou de faire face à la réalisation d’un surcroît temporaire d’activité, étant précisé que les personnes ainsi recrutées ne doivent, en principe, pas avoir été antérieurement au service de la BCE.

57      Selon les termes du contrat conclu entre la BCE et le requérant le 3 juillet 2017, le recrutement de ce dernier sous contrat de courte durée s’inscrit dans le cadre du programme SEBC-OI dont il y a lieu de rappeler qu’il permet à des experts issus des banques centrales nationales faisant partie du SEBC, comme la Banque d’Espagne, de disposer d’une expérience professionnelle au sein de la BCE en y exerçant des activités relevant de divers domaines de compétence au titre d’une collaboration essentiellement temporaire. À cet égard, il y a lieu de relever que la durée du contrat conclu le 29 juin 2017 par le requérant est d’une durée limitée d’une année, la prorogation à deux reprises dudit contrat pour porter la durée totale de la collaboration à trois années, dont il convient de noter qu’il n’a pas été démontré qu’elle revêtirait un caractère automatique, ne remettant pas en cause sa nature de contrat de courte durée.

58      Les dispositions régissant le statut du requérant, en l’occurrence les CfSTE et les RfSTE ainsi que le contrat conclu avec la BCE dans le cadre du programme SEBC-OI, ont donc pour objet de permettre à des employés des banques centrales nationales, telle la Banque d’Espagne, de contribuer temporairement à l’activité de la BCE, en poursuivant notamment un objectif de coopération au sein du SEBC.

59      Deuxièmement, s’agissant des spécificités du statut du requérant, elles apparaissent en rapport avec les objectifs d’une collaboration temporaire destinée à accueillir au sein de la BCE un personnel qui, certes, exécute des tâches pouvant être identiques à celles des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, mais qui est également recruté dans une logique de coopération au sein du SEBC afin de diffuser auprès du personnel des banques centrales nationales et des organisations internationales une connaissance des méthodes de travail de la BCE. Les employés concernés ont vocation à occuper de nouveau un poste chez leur employeur initial afin d’y mettre en valeur les compétences acquises pendant la durée de leur emploi de courte durée au sein de la BCE, à l’issue de celui-ci.

60      Le recours à du personnel sous contrat de courte durée n’est donc pas destiné à pourvoir des postes permanents, mais à établir une collaboration par essence temporaire. Un indice de cet objectif réside dans le fait que les employés sous contrat de courte durée dans le cadre du programme SEBC-OI, tel le requérant, conservent un lien avec leur employeur d’origine sous la forme d’un contrat de travail dont l’exécution se trouve simplement suspendue pendant la période d’activité au sein de la BCE. Le requérant bénéficie en effet d’un congé sans solde que lui a consenti la Banque d’Espagne pendant cette période. Il y a d’ailleurs lieu de relever que le contrat conclu entre la BCE et le requérant stipule que sa validité est conditionnée par le détachement du requérant par la Banque d’Espagne auprès de la BCE et que, si le contrat liant le requérant à la Banque d’Espagne devait prendre fin durant la période d’exécution du contrat conclu avec la BCE, celui-ci prendrait également fin à la même date.

61      Le contexte particulier dans lequel le requérant a été amené à collaborer avec la BCE emporte certaines conséquences à l’égard de son employeur d’origine. Si les parties sont en désaccord sur la question du maintien en faveur du requérant de bénéfices fiscaux en Espagne liés à la composition de son ménage et si ce dernier mentionne à juste titre que le maintien de son domicile fiscal en Espagne résulte de l’application des règles issues du protocole et non d’un choix personnel, il est en revanche constant entre les parties que la Banque d’Espagne continue temporairement de verser pour le compte du requérant des cotisations sociales destinées notamment à financer la retraite nationale de ce dernier et que, à l’issue de son contrat avec la BCE, le requérant disposera de la faculté de réintégrer le poste qu’il occupait précédemment en Espagne en bénéficiant, au titre du calcul de son ancienneté, de la prise en compte de la période de détachement au sein de la BCE.

62      Parallèlement, le requérant bénéficie des trois allocations et indemnités spéciales que lui verse la BCE au regard de son statut d’employé sous contrat de courte durée (voir point 37 ci-dessus). Il perçoit en particulier l’indemnité mensuelle de logement provisoire qui est destinée, comme l’explique la BCE, à lui permettre de se loger temporairement sur place tout en conservant sa résidence habituelle, constituée de son domicile familial, dans son État membre d’origine pendant la période limitée d’exécution du contrat de courte durée le liant à la BCE. Ainsi, les employés sous contrat de courte durée peuvent s’établir en famille à Francfort-sur-le-Main, mais, comme le fait valoir la BCE, cela résulte alors d’un choix personnel, alors que l’indemnité mensuelle de logement provisoire est destinée au contraire à leur permettre de trouver une solution de logement temporaire tout en conservant leur domicile et leurs attaches familiales dans leur État membre d’origine. Enfin, ainsi que le fait valoir la BCE, à la différence des postes du personnel sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, le poste occupé par le requérant se caractérise également par le fait que ce dernier n’est soumis à aucune période d’essai et qu’il ne fait pas davantage l’objet d’une procédure d’évaluation des performances.

63      En tant qu’employé de la BCE sous contrat de courte durée dans le cadre du programme SEBC-OI, le requérant se trouve ainsi dans une situation qui se caractérise par l’existence de contraintes particulières, notamment liées au fait de venir exercer temporairement son activité professionnelle au siège de la BCE à Francfort-sur-le-Main afin de participer à une opération de collaboration entre cette dernière et les banques centrales nationales, mais ces contraintes sont compensées par un système particulier d’allocations et d’indemnités spéciales ainsi que par le maintien d’une relation avec l’employeur précédent, en l’occurrence la Banque d’Espagne. Comme le fait valoir la BCE, le personnel sous contrat de courte durée jouit d’un statut qui comporte des analogies avec celui des END. Si ces derniers continuent certes d’être rémunérés par leur employeur national tout en percevant une indemnité de la part de l’institution ou de l’entité de l’Union qui les accueille, leur statut particulier répond en effet au besoin de mettre en œuvre une coopération et un partage d’expérience entre les institutions et organes de l’Union et les administrations des États membres.

64      Dans ces conditions, compte tenu de l’objectif poursuivi dans le cadre du programme SEBC-OI, la BCE n’a pas méconnu le pouvoir discrétionnaire dont elle disposait dans les relations d’emploi lorsqu’elle a déterminé un régime indemnitaire spécifique envers le requérant en tant qu’employé sous contrat de courte durée, dans la mesure où la différenciation à laquelle elle a procédé n’apparaît pas inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 8 janvier 2003, Hirsch e.a./BCE, T‑94/01, T‑152/01 et T‑286/01, EU:T:2003:3, point 51 et jurisprudence citée).

65      En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, la situation factuelle des employés sous contrat de courte durée et celle des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée n’apparaissent pas identiques. S’agissant plus particulièrement du requérant, ainsi que cela a été démontré aux points 61 et 62 ci-dessus, s’il ne bénéficie pas du régime des allocations familiales destiné aux employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, il bénéficie à l’inverse d’un régime spécifique d’indemnités et d’allocations qui a été spécialement conçu pour répondre à la particularité de sa situation, ce qui tend à démontrer que la BCE n’a pas procédé à son égard à une différenciation arbitraire par rapport au personnel sous contrat à durée déterminée ou indéterminée. Enfin, ainsi que l’a rappelé la BCE, en vertu des règles à caractère public régissant les contrats à durée déterminée, la durée de ces derniers peut non seulement être de trois années, soit une durée équivalente à la durée maximale d’un contrat de courte durée renouvelé à deux reprises, mais elle peut être portée à six, voire dix années. Outre que ce rappel ne constitue pas un argument nouveau qui serait irrecevable, puisqu’il ne fait que refléter le cadre légal applicable en l’espèce, il permet au demeurant de caractériser une des différences de nature entre la situation du personnel sous contrat de courte durée et celle du personnel sous contrat à durée indéterminée.

66      L’ensemble des éléments évoqués ci-dessus, en ce qu’ils caractérisent la situation spécifique du requérant au regard de l’objectif poursuivi dans le cadre du programme SEBC-OI, apparaissent suffisants pour constater le caractère particulier de cette situation sur les plans juridique et factuel et la différencier de la situation du personnel de la BCE sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, en particulier parce que la situation du requérant au sein de la BCE s’inscrit dans une collaboration par essence temporaire, et ce même si la durée totale de sa collaboration au service de la BCE a connu une évolution avec la possibilité de la voir portée à trois années. Dans la mesure où cette situation présente des caractéristiques particulières essentielles, elle justifie l’application d’un traitement lui-même particulier qui exclut la constatation d’une quelconque inégalité de traitement.

67      Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’illégalité des CfSTE et des RfSTE en ce qu’elles violeraient le principe de non-discrimination entre les travailleurs temporaires et les travailleurs permanents, n’est pas fondée et doit être rejetée.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de la Charte en ce que les dispositions des CfSTE et des RfSTE violeraient les droits de l’enfant et les principes de protection de la famille et de non-discrimination

68      Le requérant expose que les dispositions de la Charte s’imposent à la BCE, notamment en ce qu’elles reconnaissent le caractère supérieur de l’intérêt de l’enfant. Or, les dispositions des CfSTE et des RfSTE, dès lors qu’elles ne prévoient aucune allocation familiale pour les employés sous contrat de courte durée, contrairement aux règles applicables au personnel de la BCE sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, méconnaîtraient la finalité des allocations familiales qui est de pourvoir à l’entretien et à l’éducation des enfants alors que leur versement ne saurait dépendre du critère de la durée de l’emploi de l’employé qui les perçoit.

69      Le requérant ajoute que sa situation personnelle et familiale doit lui ouvrir droit aux allocations familiales, dans la mesure où il remplit toutes les conditions mentionnées par les conditions d’emploi du personnel de la BCE, à l’exception de la condition relative à la qualité d’employé à durée déterminée ou indéterminée, dont il estime toutefois qu’elle serait couverte par le paragraphe 15 des CfSTE, en vigueur au 15 juillet 2017, qui énumère la législation et les principes régissant les contrats de courte durée.

70      En outre, dans la mesure où, en vertu des articles 19 et 20 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, les agents temporaires disposeraient des mêmes allocations que celles consenties aux fonctionnaires, le même traitement devrait être réservé, directement ou par analogie, au personnel de la BCE sous contrat de courte durée.

71      La BCE mentionnerait également à tort, dans la décision de rejet du 5 juin 2018, que le requérant pourrait solliciter des autorités allemandes le versement du Kindergeld (allocation familiale nationale) à condition d’en faire la demande. Or, il ne remplirait pas les conditions à cet effet, parce que son épouse ne travaille pas en Allemagne et n’y a jamais travaillé et parce que, en tout état de cause, il appartiendrait à la BCE de compléter le montant alloué par les autorités allemandes par le versement d’une somme mensuelle de 342 euros par enfant à charge.

72      Selon le requérant, les décisions attaquées contreviendraient à l’article 33, paragraphe 1, de la Charte qui vise la protection de la vie familiale et de la vie professionnelle et, en ce qu’elles portent refus d’accorder les allocations familiales, augmenteraient le risque de pauvreté, d’exclusion et de marginalisation de ses enfants et restreindraient ses possibilités, de même que celles de tout employé sous contrat de courte durée, de se reloger afin de prendre ses fonctions à la BCE.

73      Le requérant estime qu’il ne sollicite pas la création de nouvelles allocations, mais simplement le versement des allocations existantes qui est réservé de manière discriminatoire aux employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée. Il insiste également sur la nécessaire célérité de la décision à intervenir au regard de l’article 7 de la convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, adoptée le 25 janvier 1996 par le Conseil de l’Europe.

74      En réponse, premièrement, la BCE fait valoir qu’aucune disposition du droit de l’Union n’impose aux États membres ou aux institutions de l’Union de verser des allocations familiales spécifiques ni de s’assurer que celles-ci atteignent des niveaux précis. Le droit de l’Union se contenterait de fixer les règles de coordination des allocations familiales, tandis que les conditions du droit à ces allocations relèveraient de la compétence des États membres ou des institutions de l’Union.

75      En ce qui concerne la BCE, l’article 36 du protocole sur les statuts du SEBC et de la BCE disposerait que le « conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE ». Or, eu égard à la nature spécifique des contrats de courte durée, aucun texte législatif spécifique n’aurait été promulgué qui instaurerait des droits spécifiques aux allocations familiales, dont l’existence ne saurait davantage être déduite du paragraphe 15 des CfSTE.

76      Aucun principe n’imposerait à un organisme supranational tel que la BCE de verser des allocations familiales chaque fois qu’un membre du personnel, quelle que soit la nature de son contrat, ne pourrait prétendre à des allocations familiales au niveau national et quand, comme en l’espèce, il déciderait lui-même de s’installer avec sa famille en Allemagne alors que le centre de ses intérêts demeurerait en Espagne et qu’il demeurerait affilié à la sécurité sociale espagnole.

77      Toute autre approche permettrait au requérant de cumuler abusivement les trois allocations et indemnités spéciales que lui verse la BCE et auxquelles son contrat de courte durée lui ouvre droit avec un certain nombre de droits accordés au personnel sous contrat à durée déterminée ou indéterminée.

78      Deuxièmement, la BCE fait valoir que la Charte n’impose aux institutions de l’Union aucune obligation d’instaurer et d’accorder des allocations familiales. En particulier, en vertu de son article 51, paragraphe 2, la Charte n’étendrait pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de cette dernière qui, en matière de sécurité sociale, se limiteraient à la coordination et au soutien et ne comporteraient pas de dispositions dont la mise en œuvre s’imposerait aux institutions de l’Union. Cela serait confirmé par l’article 34, paragraphe 2, de la Charte, qui assujettit au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales l’accès aux prestations de sécurité sociale et aux avantages sociaux.

79      Troisièmement, selon la BCE, contrairement à ce prétendrait artificiellement le requérant, rien ne prouverait en l’espèce l’existence d’un risque de pauvreté, d’exclusion et de marginalisation des enfants de ce dernier. Il n’y aurait d’ailleurs pas lieu de déduire l’existence d’un tel risque de l’absence de versement des allocations familiales, car cela contraindrait les institutions de l’Union à instaurer de telles allocations dans tous les cas. En outre, les montants que le requérant perçoit chaque mois de la BCE en sus de son salaire mensuel net, en l’occurrence la cotisation mensuelle au règlement des pensions, l’indemnité de voyage et le remboursement de loyer, s’ils ne constituent pas formellement des allocations familiales, lui permettraient de contribuer à l’entretien de sa famille. Au demeurant, le requérant aurait accepté en connaissance de cause le montant de son futur salaire avant d’entrer à la BCE et il avait la faculté d’accepter ou de refuser cet engagement.

80      Dans la duplique, la BCE insiste sur le fait que l’enveloppe salariale globale que le requérant perçoit mensuellement, en l’occurrence 9 803,04 euros en septembre 2017, serait suffisante pour pourvoir aux besoins de sa famille sans exposer ses enfants à un risque de pauvreté, d’exclusion et de marginalisation. Si le requérant affirme qu’il dépense des sommes importantes pour se loger, cela tiendrait à ses choix de vie personnels auxquels la BCE serait étrangère. En outre, le requérant continuerait effectivement de bénéficier de certains avantages en Espagne, en particulier les paiements de la Banque d’Espagne à un régime spécial de cotisation de sécurité sociale pendant une durée de deux années, qui constitueraient une compensation économique qui, en vertu du paragraphe 2 des CfSTE, pourrait être reversée à la BCE. Le requérant pourrait également bénéficier en Espagne, en plus de l’abattement au titre des enfants à charge de moins de 25 ans, de l’abattement fiscal pour famille nombreuse, soit sous forme de crédit d’impôts soit au titre des autres revenus qu’il est susceptible de continuer de percevoir, comme par exemple des revenus d’investissement.

81      En premier lieu, les constatations effectuées lors de l’examen de la deuxième branche, dont il ressort une absence de violation du principe de non-discrimination au regard de la différence de statut entre, d’une part, la catégorie des employés sous contrat de courte durée et, d’autre part, celle des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, emportent certaines conséquences en ce qui concerne la violation alléguée du principe d’égalité de traitement en ce que les CfSTE et les RfSTE ne prévoient pas d’allocations familiales.

82      En effet, selon la jurisprudence, ne sauraient être remises en cause les différences de statut existant entre les diverses catégories de personnes employées par l’Union et ne saurait dès lors être considéré comme une discrimination le fait que, du point de vue des garanties statutaires et des avantages de sécurité sociale, certaines catégories de personnes employées par l’Union peuvent jouir de garanties ou d’avantages qui ne sont pas accordés à d’autres catégories (voir arrêt du 23 janvier 1986, Soma e.a./Commission, 171/84, EU:C:1986:28, point 30 et jurisprudence citée).

83      Or, comme le fait valoir la BCE, le traitement différencié des diverses catégories de personnes qu’elle emploie trouve son origine dans le type de contrat de travail qui la lie à son personnel et qui peut, selon les cas, donner lieu à des prestations financières de diverses natures dont les allocations familiales sont une des composantes.

84      La nature et les caractéristiques du contrat de travail constituent donc une condition préalable au versement éventuel d’allocations familiales, la situation familiale d’un employé n’étant prise en considération que dans un second temps pour déterminer le quantum de ces allocations.

85      En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, il n’est pas possible de considérer que, au regard du paragraphe 15 des CfSTE, la condition relative à la qualité d’employé sous contrat à durée déterminée ou indéterminée devrait en l’espèce être considérée comme remplie, directement ou indirectement.

86      Le paragraphe 15, premier alinéa, des CfSTE, dans sa version en vigueur au 1er avril 2017, est en effet rédigé comme suit :

« Les présentes conditions applicables aux emplois de courte durée ne sont régies par aucun droit national particulier. La BCE applique : i) les principes généraux du droit communs aux droits des États membres, ii) les principes généraux du droit [de l’Union], et iii) les règles contenues dans les règlements et directives [de l’Union] concernant la politique sociale, dont les États membres sont les destinataires. Chaque fois que cela est nécessaire, ces actes juridiques seront mis en œuvre par la BCE. Il sera dûment tenu compte à cet égard des recommandations [de l’Union] en matière de politique sociale. Les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence applicables au personnel des institutions [de l’Union] sont dûment pris en considération pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions applicables aux emplois de courte durée. »

87      Ainsi que cela résulte de son libellé, le paragraphe 15 des CfSTE se limite tout au plus à énumérer le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les contrats de courte durée, mais sans qu’il soit possible d’en déduire une quelconque assimilation du statut d’employé sous contrat de courte durée à celui d’employé sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, ni qu’une telle obligation d’assimilation pèserait sur la BCE.

88      En tout état de cause, une violation du principe de non-discrimination tenant à l’absence d’allocations familiales en faveur des employés sous contrat de courte durée ne pourrait résulter que de la démonstration que cette catégorie d’employés se trouve dans une situation juridique et factuelle ne présentant pas de différences essentielles avec celle des employés sous contrat à durée déterminée ou indéterminée. Or, ainsi qu’il résulte de l’analyse menée aux points 61 à 63 ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce, en particulier parce que le requérant conserve un lien avec son employeur précédent, la Banque d’Espagne, qui lui a accordé un congé temporaire sans solde, et que le maintien de ce lien lui ouvre des droits sociaux en Espagne, en particulier le maintien en sa faveur pendant deux années de cotisations par la Banque d’Espagne au régime national de retraite (voir point 45 ci-dessus), complétés par les allocations spéciales que lui verse la BCE, le plaçant dans une situation spécifique à l’égard des autres catégories d’employés de la BCE.

89      En second lieu, il convient d’examiner dans quelle mesure la Charte, en dépit de l’autonomie dont jouit la BCE afin de déterminer les règles régissant le statut des différentes catégories de personnel répondant à ses besoins spécifiques, serait néanmoins susceptible d’imposer à la BCE l’instauration d’un régime d’allocations familiales en faveur des employés sous contrat de courte durée.

90      Dans la mesure où le versement d’allocations familiales présente un lien avec la présence d’enfants à charge dans le foyer du requérant, il y a lieu de relever que, concernant les droits de l’enfant, l’article 24 de la Charte est libellé comme suit :

« 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.

2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

3. Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. »

91      Or, si l’article 24 de la Charte énonce des principes généraux, notamment le droit des enfants à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être, il n’est pas possible d’en déduire, dans les circonstances de la présente espèce, une obligation précise à la charge de la BCE, en tant qu’institution de l’Union, d’instaurer un régime particulier d’allocations familiales.

92      En outre, il y a lieu de rappeler que, si, conformément à l’article 51 de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent notamment aux institutions de l’Union, parmi lesquelles figure la BCE (voir article 13 TUE), qui sont tenues d’en respecter les droits, d’en observer les principes et d’en promouvoir l’application (arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, sous pourvoi, EU:T:2019:353, point 95), il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 51, paragraphe 2, de la Charte, cette dernière n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union ni ne crée de compétence ou de tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités.

93      Enfin et en tout état de cause, il y a lieu d’observer que, si le requérant allègue l’existence d’un risque de pauvreté, d’exclusion et de marginalisation de ses enfants, cette allégation, formulée de façon théorique, n’est corroborée par aucun élément de preuve, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme étant démontrée.

94      La première branche du premier moyen n’apparaissant pas fondée, il y a lieu de la rejeter.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement des contribuables

95      Le requérant expose qu’il est victime d’une discrimination de nature fiscale, car sa situation familiale et personnelle n’est prise en compte d’un point de vue fiscal ni dans son État de résidence ni dans son État d’emploi, ce qui a pour conséquence d’augmenter le montant qui est directement prélevé sur sa rémunération au titre de l’impôt. Le versement en numéraire à son profit de la cotisation au régime de retraite par la BCE viendrait encore aggraver cette situation, car la somme correspondante serait considérée comme un salaire et serait donc imposée. Le requérant estime qu’il paie un impôt mensuel supérieur de 1 224,64 euros à celui que paierait un employé sous contrat à durée déterminée ou indéterminée dans une situation familiale et professionnelle comparable à la sienne.

96      La BCE méconnaîtrait les dispositions de l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 260/68 ainsi que de l’article 6, paragraphe 2, du même règlement qui prévoiraient, d’une part, un abattement supplémentaire pour enfant à charge (celui-ci étant refusé aux employés sous contrat de courte durée avec des enfants à charge au seul motif qu’ils ne pourraient pas prétendre à l’allocation pour enfant à charge) et, d’autre part, que la situation familiale des employés ayant des enfants à charge soit prise en compte pour le calcul du minimum vital.

97      En vertu du point 3.3.4 des règles applicables au personnel de la BCE, le calcul de l’impôt dû par un employé de la BCE ne devrait pourtant pas dépendre de la somme versée par la BCE au titre des enfants à charge, dans la mesure où l’abattement fiscal pour enfant à charge institué par le règlement no 260/68 serait accordé pour des motifs sociaux liés à l’existence de l’enfant et aux frais de son entretien effectif et devrait dès lors être sans lien avec la durée de l’emploi. En raison de cette situation défavorable, le requérant en serait réduit à pourvoir aux besoins de sa famille à l’aide de ses économies telles que l’argent destiné à financer sa retraite. Il fait valoir en particulier que, dans l’hypothèse d’un éventuel contrat de courte durée renouvelé pour une période totale de 36 mois, il ne percevrait que 73,85 % du traitement d’un employé sous contrat à durée déterminée ou indéterminée dans la même situation familiale.

98      Dans la réplique, le requérant insiste sur le fait que l’application par la BCE des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 260/68 modifie la finalité de l’abattement institué par cette disposition, car l’abattement pour enfant à charge est refusé au seul motif de l’absence d’allocation pour enfant à charge sans tenir compte du fait que ladite allocation est « versée », « admise » ou « accordée ».

99      La BCE conteste l’existence d’une application erronée de l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 260/68. Elle expose que l’abattement fiscal prévu par cette disposition vient compléter l’allocation pour enfant à charge et ne peut donc pas être opéré en l’absence de versement de cette allocation. Le règlement no 260/68 établirait une distinction entre les employés percevant les allocations familiales et ceux qui ne les perçoivent pas. Dans ces conditions, le requérant ne pourrait prétendre qu’il se trouve dans une situation identique à celle d’un membre du personnel percevant ladite allocation. Cette interprétation aurait d’ailleurs été confirmée par la jurisprudence. En outre, le lien établi entre l’abattement fiscal en question et le droit aux allocations pour enfant à charge correspondrait à l’expression des différences dans les conditions de travail que la BCE aurait décidé d’établir dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par rapport aux cadres juridiques applicables aux différentes catégories de membres de son personnel.

100    Par ailleurs, lorsque le requérant invoque un défaut de prise en compte de sa situation familiale et personnelle tant dans l’État de résidence que dans l’État d’emploi, il y aurait lieu de tenir compte du fait qu’il serait résident fiscal en Espagne, ce qui lui ouvrirait droit aux avantages fiscaux normaux accordés aux résidents fiscaux de cet État membre en vertu de la législation nationale, comme par exemple la réduction de la base imposable de 13 600 euros dont bénéficieraient les contribuables ayant des enfants à charge de moins de 25 ans. En tout état de cause, compte tenu de l’autonomie du régime fiscal de l’Union, si le requérant ne devait percevoir aucune allocation pour enfant à charge dans le cadre d’un régime national, cela ne signifierait pas pour autant qu’il existerait une inégalité de traitement.

101    Il convient de relever que le requérant considère en substance qu’il est privé de l’abattement fiscal prévu à l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 260/68 en raison de l’absence de perception de l’allocation pour enfant à charge.

102    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la BCE procéderait à une application erronée de l’article 3, paragraphe 4, second alinéa, du règlement no 260/68 en conditionnant l’abattement fiscal pour enfant à charge au fait que le requérant ait droit à l’allocation pour enfant, il y a lieu de rappeler que la disposition en question prévoit que « [p]our chaque enfant à charge de l’assujetti ainsi que pour chaque personne assimilée à un enfant à charge au sens de l’article 2, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires [de l’Union européenne], il est opéré un abattement supplémentaire équivalant au double du montant de l’allocation pour enfant à charge ».

103    Or, il convient d’approuver l’interprétation de cette disposition telle qu’elle est effectuée par la BCE qui considère que l’abattement supplémentaire en question vient compléter l’allocation pour enfant à charge et que seule l’allocation pour enfant à charge effectivement versée par les institutions de l’Union peut ouvrir droit à cet abattement. Cette interprétation peut notamment se déduire des termes de l’arrêt du 27 novembre 1980, Sorasio-Allo e.a./Commission (81/79, 82/79 et 146/79, EU:C:1980:270, point 17), qui, s’agissant de déterminer dans quelles conditions chacun des parents d’un enfant à charge pouvait bénéficier de l’abattement en question, a retenu que, « pour l’application des dispositions de l’article 3, paragraphe 4, second alinéa, [du règlement no 260/68,] un enfant ne peut être censé être effectivement entretenu par chacun de ses parents individuellement, de sorte que, s’il n’ouvre droit qu’à une seule allocation au sens de l’annexe VII du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne] et de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 260/68, il n’ouvre pas non plus le droit à un abattement “supplémentaire” au sens dudit paragraphe ». Aux termes de cette décision, la Cour introduit manifestement un lien entre bénéfice de l’abattement et perception de l’allocation pour enfant.

104    Cette interprétation apparaît au demeurant conforme à la lettre de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 260/68, dans la mesure où le calcul du montant de l’abattement ne peut intervenir qu’en tenant compte du montant de l’allocation pour enfant à charge, alors que le montant de cette dernière n’est pas connu dans le cas du requérant, puisqu’il ne la perçoit pas.

105    S’agissant de l’argument selon lequel le requérant, en tant que contribuable, serait victime de discrimination dans la mesure où sa situation personnelle et familiale ne serait prise en compte ni dans son État d’emploi, l’Allemagne, ni dans son État de résidence fiscale, l’Espagne, il y a également lieu de le rejeter.

106    À cet égard, il convient de rappeler que le requérant conserve sa résidence fiscale en Espagne en vertu de l’article 13 du protocole. Or, ainsi qu’il l’explique, si, compte tenu du fait qu’il ne perçoit plus que des revenus minimes en Espagne, les abattements fiscaux en faveur des contribuables ayant à charge des enfants de moins de 25 ans ne lui procurent aucun avantage concret, cela ne signifie pas pour autant que la BCE a appliqué à son égard un traitement discriminatoire.

107    D’une part, cela tient au fait que, en dehors des revenus que lui procure son activité à la BCE, le requérant ne dispose pas de revenus d’Espagne qui seraient susceptibles de lui faire bénéficier de façon plus significative des abattements auxquels le système fiscal espagnol lui ouvre droit, ce qui ne saurait être imputé à la BCE.

108    D’autre part, cette situation apparaît comme étant liée au chevauchement du système fiscal de l’Union, qui est un régime autonome s’appliquant indépendamment des systèmes fiscaux nationaux, et du système fiscal espagnol, mais dont il n’y a pas lieu de tenir compte au titre du principe d’égalité de traitement dans le cas où il serait susceptible de générer des inégalités (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 1980, Sorasio-Allo e.a./Commission, 81/79, 82/79 et 146/79, EU:C:1980:270, point 18).

109    Dans ces conditions, la troisième branche       du premier moyen n’apparaissant pas fondée, il y a lieu de la rejeter et de rejeter, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation des droits collectifs du personnel de la BCE en ce que le comité du personnel n’aurait pas été valablement consulté lors de l’adoption des règles applicables aux contrats successifs, telles qu’elles découlent de la directive 1999/70 et qu’elles ont été introduites dans les CfSTE et les RfSTE

110    Le requérant soutient que les CfSTE et les RfSTE seraient illégales au motif que le comité du personnel n’aurait pas été dûment consulté lors du processus de consultation lancé le 25 janvier 2012 auprès du comité du personnel par la direction générale des ressources humaines, afin de mettre en œuvre au sein de la BCE la directive 1999/70 et les règles relatives aux contrats successifs. Selon le requérant, dans le cadre de la consultation, un échange de vues concernant les droits financiers des employés titulaires d’un contrat de courte durée a eu lieu, mais la BCE n’aurait pas du tout tenu compte de l’avis des représentants du personnel, contrairement à ce qui aurait été requis aux termes de la directive 1999/70.

111    Premièrement, la BCE fait valoir en réponse que l’argumentation du requérant est contradictoire, puisqu’il invoque le fait que le comité du personnel n’aurait pas été dûment consulté alors qu’il cite le contenu de l’échange de lettres entre elle-même et le comité du personnel sur une période de neuf mois entre janvier et septembre 2012 au sujet de la question du travail à durée déterminée, cet échange concernant également la question du personnel sous contrat de courte durée.

112    Deuxièmement, le requérant interpréterait erronément l’objet et les règles du droit de consultation en prétendant que cette dernière n’aurait été valable que si la BCE s’était alignée sur la position du comité du personnel alors qu’il s’agirait d’un simple droit d’être entendu comportant l’obligation d’informer le comité du personnel et de lui donner la possibilité de faire part de son avis. Au demeurant, l’argumentation du requérant serait vague, notamment lorsqu’il cite sans autres explications la directive 1999/70, de sorte qu’elle encourrait l’irrecevabilité en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Le requérant ferait également référence à des conventions collectives que la BCE aurait éventuellement dû conclure. Or, la jurisprudence aurait déjà retenu à cet égard que, dans le cas où les droits et obligations des employés seraient déjà suffisamment déterminés par les dispositions applicables, dont la validité ne serait pas remise en cause, la négociation entre les partenaires sociaux afin de déterminer les conditions de travail ne serait pas exigée.

113    Dans la réplique, le requérant fait également valoir que, si une consultation du comité du personnel a été formellement mise en œuvre, il ne s’agirait pas de la consultation telle qu’elle est requise par la directive 1999/70. Par ailleurs, la décision d’allonger la durée maximale des contrats de courte durée dans le cadre du programme SEBC-OI, pour la porter à un total de trois années, aurait été adoptée en l’absence d’accord collectif et sans que la procédure de consultation du comité du personnel ait été valablement menée à son terme afin de parvenir à un accord.

114    La directive 1999/70, dans la mesure où elle a pour objet la mise en œuvre de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu au niveau de l’Union le 18 mars 1999 par les partenaires sociaux, est susceptible, à compter de sa mise en œuvre au sein de la BCE, d’affecter la situation des employés sous contrat de courte durée au sein de la BCE dont les conditions d’emploi sont régies par les CfSTE et les RfSTE.

115    Il est constant entre les parties que la mise en œuvre au sein de la BCE de la directive 1999/70 à compter du mois de janvier 2012 a nécessité la consultation du comité du personnel conformément à la législation en vigueur.

116    En effet, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70 mentionne au neuvième alinéa de son préambule que « [l]es parties au présent accord demandent que les partenaires sociaux soient consultés préalablement à toute initiative législative, réglementaire ou administrative prise par un État membre pour se conformer au présent accord », cette nécessité d’une consultation préalable s’appliquant également aux institutions de l’Union dans la mesure où elles mettent en œuvre cette directive.

117    L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70 comporte également une clause 4, intitulée « Principe de non-discrimination », qui vise à prévenir la discrimination des travailleurs à temps partiel par rapport aux travailleurs à durée indéterminée, et dont le paragraphe 3 stipule que « [s]es modalités d’application […] sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation [de l’Union] et la législation, des conventions collectives et pratiques nationales ».

118    Enfin, les paragraphes 39 et 40 des CfSTE mentionnent que le comité du personnel représente l’intérêt général des employés sous contrat de courte durée dans le domaine notamment de la réglementation du travail et qu’il est consulté préalablement à l’adoption de modifications des CfSTE ou des RfSTE.

119    Les parties sont en revanche en désaccord sur la portée de la consultation du comité du personnel telle qu’elle est requise par les dispositions de la directive 1999/70 et celles des CfSTE et des RfSTE.

120    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la portée de l’obligation de consultation du comité du personnel, telle qu’instituée par le législateur, doit être appréciée à la lumière de ses objectifs, cette consultation visant à offrir à l’ensemble des membres du personnel, par l’entremise de ce comité, en tant que représentant de leurs intérêts communs, la possibilité de se faire entendre avant l’adoption ou la modification d’actes de portée générale qui les concernent (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2003, Cerafogli et Poloni/BCE, T‑63/02, EU:T:2003:308, point 24).

121    Toutefois, dès lors que la consultation du comité du personnel ne comporte qu’un simple droit d’être entendu, elle correspond à une forme de participation des plus modestes à une prise de décision, dans la mesure où elle n’implique en aucun cas l’obligation pour l’administration de donner suite aux observations formulées par le comité du personnel dans le cadre de la consultation de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2003, Cerafogli et Poloni/BCE, T‑63/02, EU:T:2003:308, point 23).

122    En l’espèce, les annexes A 27 à A 31 de la requête permettent de constater que le comité du personnel a été effectivement consulté lors de la mise en œuvre au sein de la BCE de la directive 1999/70. Dans ce cadre, la direction des ressources humaines, du budget et de l’organisation de la BCE a adressé le 25 janvier 2012 un courrier au comité du personnel, l’informant de propositions de mesures visant à mettre en œuvre la directive 1999/70 au sein de la BCE, comme l’introduction d’une durée maximale pour les contrats à durée déterminée ou d’une période d’attente lors du renouvellement de tels contrats. Il s’est ensuivi un échange de correspondance avec le comité du personnel, ce dernier ayant notamment fait part de ses réserves au sujet des propositions initiales de la BCE dans un courrier du 12 mars 2012.

123    À l’issue d’un second tour d’échanges, la BCE a clôturé la consultation par un courrier adressé au comité du personnel le 4 septembre 2012, informant notamment ce dernier que certaines de ses suggestions, qui en l’espèce ne concernaient pas uniquement les employés sous contrat de courte durée, avaient été retenues, comme la suppression des périodes d’essai successives ou l’octroi de congés spéciaux pour la recherche d’emploi.

124    L’analyse des dispositions ayant fondé la consultation du comité du personnel, en particulier l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70, ne permet pas de constater que le comité du personnel aurait disposé davantage que d’un simple droit d’être entendu. En outre, même si elles ne concernaient pas uniquement la catégorie des employés sous contrat de courte durée, dans le sens où les mesures de mise en œuvre finalement retenues pouvaient concerner d’autres catégories d’employés sous contrat à durée déterminée, comme les employés temporaires, ces mesures sont pour certaines fondées sur les suggestions émises par le comité du personnel. Il est donc, en tout état de cause, inexact de considérer que l’avis de ce dernier n’a pas été pris en considération.

125    Dans ces conditions, l’argumentation du requérant tirée du défaut de consultation du comité du personnel manque en fait et n’apparaît dès lors pas fondée, de sorte que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question de sa recevabilité au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, les conclusions en annulation dans leur ensemble.

126    Il y a également lieu de relever que les offres de preuve supplémentaires versées aux débats par le requérant après le dépôt de la duplique, qui portent en particulier sur sa situation fiscale en Espagne en 2018 et sur la localisation du logement qu’il occupe avec sa famille à Francfort-sur-le-Main, n’apparaissent en tout état de cause pas pertinentes aux fins de la solution du présent litige, de sorte qu’il n’apparaît pas nécessaire d’examiner leur recevabilité au regard des dispositions de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.

127    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

128    En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

129    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      XB est condamné aux dépens.

Schalin

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.