Language of document : ECLI:EU:T:2023:22

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

25 janvier 2023 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Réaffectation – Intérêt du service – Correspondance entre le grade et l’emploi – Perte d’une prime – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Détournement de pouvoir et de procédure »

Dans l’affaire T‑805/21,

NS, représentée par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. I. Lázaro Betancor, Mmes L. Darie et K. Zejdová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. M. Jaeger et P. Nihoul, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 16 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, NS, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Parlement européen du 21 janvier 2021, par laquelle celui-ci l’a réaffectée à [confidentiel] (1) (ci-après la « décision de réaffectation attaquée ») et, en tant que de besoin, de la décision du 16 septembre 2021 rejetant sa réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») ainsi que de la décision de répétition de l’indu du 8 mars 2021 (ci-après la « décision de répétition de l’indu ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite de ces décisions.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante a été engagée en tant qu’agent temporaire du Parlement le [confidentiel] et a été nommée fonctionnaire le [confidentiel].

3        À compter du 1er avril 2015, elle a occupé le poste de chef de l’unité [confidentiel], au grade AD 14.

4        Au cours de l’année 2019, la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne ainsi que le Parlement sont convenus de la nécessité de mettre en œuvre un processus de délibération inédit, [confidentiel] visant à créer un nouvel espace de débat public afin de favoriser la participation des citoyens et leur adhésion aux valeurs et aux objectifs communs de l’Union européenne.

5        Par résolutions des [confidentiel] et [confidentiel], le Parlement a indiqué que les travaux et les résultats de [confidentiel] « revêt[ai]ent une importance capitale » pour lui et s’est prononcé en faveur de l’ouverture de [confidentiel] « dès que possible à l’automne 2020 ».

6        Par note du 13 novembre 2020, le secrétaire général adjoint du Parlement a fait part de l’état d’avancement de la mise en place de [confidentiel]. Cette note relevait que, comme convenu, chaque direction générale devrait détacher un collègue (second a colleague) au secrétariat général pour assister la délégation du Parlement à [confidentiel]. Il était enfin indiqué que le secrétariat interinstitutionnel de [confidentiel] pourrait être composé d’un petit nombre de fonctionnaires du Parlement ou d’experts nationaux, qui seraient secondés par les directions générales compétentes selon le sujet traité et l’expertise requise.

7        En vertu d’un document interne informel (non paper) du 30 novembre 2020 concernant une réunion interinstitutionnelle sur des aspects techniques de [confidentiel], il était indiqué que, en ce qui concernait le secrétariat conjoint (joint secretariat), il était nécessaire que [confidentiel] puisse s’appuyer sur des fonctionnaires expérimentés.

8        Le 9 décembre 2020, le secrétaire général du Parlement s’est entretenu avec la requérante au sujet de [confidentiel] et l’a invitée à se mettre en relation avec le directeur général de la [confidentiel] à propos de l’éventualité de travailler au service de [confidentiel].

9        Par note interne (ring book) du 11 décembre 2020, le secrétaire général du Parlement a demandé au directeur général du personnel de déplacer, dans l’intérêt du service et avec effet à compter du 1er janvier 2021, quatre fonctionnaires du Parlement, dont la requérante, à [confidentiel], aux fins de constituer le secrétariat de la délégation de ce Parlement à [confidentiel].

10      Par courriel du même jour, le directeur général de la [confidentiel] a indiqué à la requérante qu’il avait fait part au secrétaire général des préoccupations qu’elle avait exprimées. Il ajoutait que le secrétaire général lui avait indiqué que l’équipe confirmée (senior staff) qui travaillerait pour [confidentiel] n’aurait pas seulement pour tâche d’organiser des réunions, mais aussi de contribuer aux travaux de [confidentiel] en communiquant à ses membres des travaux analytiques. Il soulignait enfin que le secrétaire général lui avait indiqué souhaiter constituer l’équipe de soutien le plus rapidement possible et « [qu’]idéalement, il aimerait que [la requérante] en fasse partie ».

11      Par courriel du 13 décembre 2020, envoyé à 17 h 22, la requérante a notamment indiqué à son directeur général qu’elle souhaitait avoir une brève conversation informelle avec lui pour lui faire part de quelques éléments du contexte.

12      Par courriel du même jour, adressé à 22 h 43 au secrétaire général du Parlement et au directeur général de la [confidentiel], la requérante a, en substance, indiqué prendre acte du souhait du secrétaire général de la voir impliquée dans [confidentiel] et souligné son intérêt pour le poste de conseiller prospectif (foresight advisor) au sein du secrétariat interinstitutionnel de [confidentiel].

13      Tout en soulignant l’incertitude se rapportant à la date de mise en place de [confidentiel], la requérante indiquait qu’elle accepterait d’être affectée, en tant que [confidentiel], au secrétariat interinstitutionnel de [confidentiel], dès que [confidentiel] serait constitué. Elle relevait, en outre et en substance, qu’elle considérait le poste de conseiller prospectif à [confidentiel] comme porteur de beaucoup de potentialités, dès lors qu’il lui offrait la possibilité de partager avec des participants non institutionnels ainsi que de faire fructifier les dix années [confidentiel] qu’elle avait menées.

14      Dans l’attente de la constitution du secrétariat interinstitutionnel, la requérante suggérait qu’on l’affecte temporairement au [confidentiel]. Elle indiquait, en substance, que cette affectation temporaire lui permettrait d’assurer une transition harmonieuse avec son successeur à [confidentiel], de sensibiliser [confidentiel] sur les sujets transversaux étudiés par cette unité et d’effectuer un travail de diffusion pour établir une liste d’experts indépendants qui pourraient être engagés dans le processus de [confidentiel].

15      Dans ce courriel, la requérante indiquait enfin, en substance, qu’elle souhaitait avoir des assurances concernant son prochain poste et énumérait à cet effet ses préoccupations. Elle soulignait la perte de salaire liée à son passage de cheffe d’unité à conseillère et s’interrogeait sur les compensations liées à cette perte. Elle s’interrogeait également sur la question de savoir si elle serait toujours rattachée à la [confidentiel] ou si elle dépendrait désormais du [confidentiel] du Parlement. Elle demandait enfin si elle bénéficierait d’une assistante dans l’exercice de ses futures fonctions.

16      Par courriel du 14 décembre 2020, le directeur général de la [confidentiel] a indiqué, en substance, à la requérante, que, si, une fois [confidentiel] terminée, elle souhaitait revenir au sein de cette [confidentiel], une telle possibilité lui serait certainement ouverte. Il ajoutait qu’il n’était pas de sa compétence de se prononcer sur la question relative au maintien de la prime d’encadrement.

17      Dans le procès-verbal du bureau du Parlement en date du 16 décembre 2020, il était indiqué que le Parlement, tout en regrettant le retard pris pour lancer [confidentiel], devait être préparé bien avant le début de [confidentiel] et se félicitait de « se trouve[r] déjà en bonne position ». Ce même document indiquait qu’il « [était] essentiel de lancer tout prochainement [confidentiel] ».

18      Par note interne du 17 décembre 2020 (streamline), il était fait état de l’existence de la demande de transfert de la requérante en tant que conseillère/experte du président, à compter du 1er janvier 2021.

19      Par la décision de réaffectation attaquée, ayant un effet rétroactif à compter du 1er janvier 2021, la requérante a été affectée en tant que conseillère [confidentiel], avec un traitement mensuel qui n’était plus majoré d’un montant compensateur correspondant au pourcentage de progression entre le 1er et le 2e échelon de son grade.

20      Par la décision de répétition de l’indu, la direction générale du personnel a informé la requérante qu’elle ne pouvait plus prétendre à la prime d’encadrement (management allowance) et qu’elle avait l’intention de recouvrer les sommes indûment perçues à ce titre au cours des mois de janvier et de février 2021, ce qui serait effectué dans l’hypothèse où la requérante ne formulerait pas d’observations passé un délai de cinq jours suivant la réception de ce courriel.

21      La requérante n’a pas formulé d’observations sur cette décision de répétition de l’indu.

22      Le 6 avril 2021, la requérante a introduit, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation tendant à obtenir, d’une part, l’annulation de la décision de réaffectation attaquée ainsi que celle de la décision de répétition de l’indu et, d’autre part, une réparation de son préjudice moral, à hauteur de 1 euro.

23      Le 16 septembre 2021, le président du Parlement a, au nom du bureau du Parlement, adopté la décision de rejet de la réclamation.

II.    Conclusions des parties

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de réaffectation attaquée et, pour autant que de besoin, la décision de répétition de l’indu ;

–        en tant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        la réintégrer dans son poste antérieur, condamner le Parlement à lui rembourser la somme ayant fait l’objet d’une répétition de l’indu et lui rétablir son salaire à son niveau antérieur ;

–        réparer son préjudice matériel et moral ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

25      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la requérante tendant à obtenir l’annulation de la décision de réaffectation attaquée comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondée et, à titre subsidiaire, la rejeter, en tout état de cause, comme étant non fondée ;

–        rejeter la demande d’annulation de la décision de répétition de l’indu comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée ;

–        rejeter comme étant irrecevables les demandes de la requérante tendant à obtenir :

–        sa réaffectation au poste qu’elle occupait avant la décision de réaffectation attaquée ;

–        le remboursement de la somme ayant fait l’objet de la répétition de l’indu ;

–        le rétablissement de la rémunération qu’elle percevait antérieurement à la décision de réaffectation attaquée.

–        rejeter la demande de réparation d’un préjudice matériel et moral comme étant non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la demande d’annulation de la décision de réaffectation attaquée

26      À titre liminaire, il convient de souligner que, dans la première partie de son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision de réaffectation attaquée. Par ailleurs, par son deuxième chef de conclusions, elle demande, en tant que de besoin, l’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

27      À cet égard, s’agissant de la demande d’annulation, en tant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 21 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision de réaffectation attaquée, sans procéder à un réexamen de la situation de la requérante, il convient de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci. Toutefois, dans l’examen de la légalité de la décision de réaffectation attaquée, il est nécessaire de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision de réaffectation attaquée (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 22 et jurisprudence citée).

1.      Sur la recevabilité

29      Le Parlement fait valoir que la réaffectation dont la requérante a fait l’objet est une simple mesure d’organisation interne du service, donc une décision ne faisant pas grief et qui, en tant que telle, ne nécessite ni audition de l’intéressée au préalable, ni motivation.

30      La requérante considère que sa demande d’annulation de la décision de réaffectation attaquée et, en tout état de cause, celle relative à la décision de rejet de la réclamation sont recevables.

31      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence que, même si une décision de réaffectation n’affecte pas le rang du fonctionnaire, elle peut, compte tenu de la nature de la fonction en cause et des circonstances, porter atteinte aux intérêts moraux et aux perspectives d’avenir de l’intéressé, certaines fonctions pouvant, à classement égal, mieux conduire que d’autres à une promotion, en raison de la nature des responsabilités exercées. Elle affecte nécessairement la situation administrative du fonctionnaire intéressé, dans la mesure où elle modifie le lieu et les conditions d’exercice de ses fonctions ainsi que leur nature. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré a priori qu’elle n’est pas susceptible de faire grief à son destinataire (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, EU:T:1998:112, point 47).

32      En l’espèce, la décision de réaffectation attaquée a eu pour effet d’affecter la requérante à un poste de conseillère, alors qu’elle était auparavant cheffe d’unité, ce qui a entraîné des modifications substantielles en ce qui concerne l’exercice de ses fonctions ainsi qu’une perte financière en raison du changement de poste, de sorte qu’il y a lieu de considérer que cette décision lui fait grief.

33      Il convient donc de déclarer la demande d’annulation de la décision de réaffectation attaquée recevable.

2.      Sur le fond

34      La requérante soulève trois moyens au soutien de sa demande d’annulation de la décision de réaffectation attaquée. Par son premier moyen, elle allègue une violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le Parlement ne l’aurait pas entendue avant de prendre la décision de réaffectation attaquée et n’aurait pas motivé sa décision. Par son deuxième moyen, elle soutient que cette décision a été prise, d’une part, en l’absence manifeste d’intérêt du service et, d’autre part, en violation du devoir de sollicitude. Par son troisième moyen, elle fait valoir que ladite décision a été prise à l’issue d’un détournement de pouvoir et de procédure.

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

1)      Sur l’obligation de motivation

35      La requérante fait valoir qu’il ne peut exister de motivation valable sans que, au moment de la décision de la réaffecter, les tâches qui lui seraient confiées dans l’exercice de sa nouvelle fonction aient été préalablement définies, ni que lui aient été données les raisons pour lesquelles elle n’a pas bénéficié d’un détachement ou pour lesquelles il y aurait eu urgence à ce qu’elle soit affectée dès le mois de décembre 2021 à son nouveau poste de conseiller.

36      De plus, le Parlement ne saurait utilement se prévaloir du contexte dans lequel est intervenue la décision de réaffectation attaquée pour justifier de l’existence d’une motivation alors même que, au moment de la prise de décision, les compétences de la requérante n’auraient pas été prises en compte par le secrétaire général, lequel, à la date du 11 décembre 2020, ne savait pas si un secrétariat interinstitutionnel serait institué au sein de [confidentiel].

37      À cet effet, la requérante indique n’avoir reçu, malgré ses demandes répétées, aucune information quant à la logique des modalités administratives retenues pour justifier son changement d’affectation, ce qui est contraire à l’obligation de motivation des actes faisant grief. Elle précise que le Parlement n’a notamment pas donné les raisons pour lesquelles il y avait une telle diversité administrative en ce qui concernait les fonctionnaires du Parlement travaillant au sein de [confidentiel], notamment en ce qui concernait la question de savoir s’ils bénéficiaient ou non d’un détachement. Elle souligne que l’explication donnée par le Parlement, selon laquelle cette institution devait participer à la constitution d’un [confidentiel] qui prêterait son concours aux travaux du conseil exécutif de [confidentiel]et selon laquelle son expérience professionnelle avait été considérée comme étant pertinente et précieuse, n’explique pas la raison pour laquelle elle est soudainement devenue indispensable pour un emploi non défini, dans une situation où son remplacement au poste qu’elle occupait est intervenu sans publication d’un avis de vacance au titre de l’article 29 du statut ou encore au titre de l’exercice de la mobilité.

38      Le Parlement soutient que ce grief doit être rejeté comme étant irrecevable pour absence de conformité avec l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

39      À cet égard, il convient, d’emblée, de relever que, contrairement à ce que soutient le Parlement, la lecture de la requête met en évidence que la requérante considère, en substance, que les éléments qu’il lui a communiqués étaient insuffisants pour caractériser l’existence d’une motivation, de sorte que les exigences prescrites par l’article 76 du règlement de procédure ont été respectées et qu’il y a lieu de déclarer recevable ce grief.

40      Sur le fond, en vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont, dès lors, dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 120 et jurisprudence citée).

41      De plus, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. En outre, il découle de la jurisprudence que la motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Selon la jurisprudence, tel est le cas lorsque les circonstances dans lesquelles l’acte en cause a été arrêté ainsi que les notes de service et les autres communications l’accompagnant permettent de connaître les éléments essentiels qui ont guidé l’administration dans sa décision (voir arrêt du 16 mars 2022, Kühne/Parlement, T‑468/20, non publié, EU:T:2022:137, point 57 et jurisprudence citée).

42      Enfin, il convient de rappeler que la motivation d’un acte doit être suffisante, mais non exhaustive, et qu’il suffit que l’administration expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Cela implique que l’administration n’est pas tenue de prendre position sur tous les griefs invoqués devant elle (arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA, T‑888/16, non publié, EU:T:2019:493, points 140 et 141).

43      En l’espèce, en application de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, les considérations figurant dans la décision de rejet de la réclamation doivent être prises en compte pour apprécier si le Parlement a satisfait à son obligation de motiver la décision de réaffectation attaquée, adoptée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, du statut.

44      À cet égard, la lecture de la décision de rejet de la réclamation met, notamment, en évidence que le Parlement a indiqué à la requérante, premièrement, qu’il était nécessaire de constituer un [confidentiel], avec une équipe du Parlement qui le constituerait et dont elle ferait partie en raison de son expérience professionnelle, deuxièmement, qu’elle conservait son grade AD 14 et que l’emploi de conseiller était compatible avec ce grade, troisièmement, que, du fait du caractère interinstitutionnel de [confidentiel] et des difficultés politiques inhérentes à cette sorte de projet, il ne pouvait être exclu que les tâches de chaque membre du secrétariat évoluent, quatrièmement, que le devoir de sollicitude ne saurait imposer à l’administration d’affecter les fonctionnaires en fonction de leurs préférences personnelles, dans la mesure où chaque décision doit avant tout se fonder sur l’intérêt du service, et, cinquièmement, que la perte de la prime d’encadrement était liée à la perte de la fonction d’encadrement que l’intéressée exerçait antérieurement.

45      De tels éléments sont suffisants, d’une part, pour permettre à la requérante d’apprécier le bien-fondé de la décision de réaffectation attaquée et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, pour permettre au juge de l’Union d’être en mesure d’exercer son contrôle sur la décision de réaffectation attaquée.

46      De plus, conformément à la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, la requérante ne saurait faire valoir à l’encontre du Parlement un défaut de motivation de la décision de réaffectation attaquée, tiré notamment du fait qu’il n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle n’a pas fait l’objet d’un détachement ou encore l’urgence qu’il y a eu de la réaffecter.

47      Pour les motifs mentionnés au point 40 ci-dessus, il y a lieu d’analyser le bien-fondé de la motivation uniquement dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième moyens, effectué ci-après.

48      Il résulte de ce qui précède que le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

2)      Sur la violation du droit d’être entendu

49      La requérante fait valoir que, dès lors que la décision de réaffectation attaquée lui a causé grief, l’administration était tenue de l’entendre.

50      Or, selon la requérante, en l’espèce, la conversation par visio-conférence qu’elle a eue, le 9 décembre 2020, avec le secrétaire général du Parlement a porté, de manière générale, sur [confidentiel] et sur l’expérience qu’elle avait acquise dans le cadre des travaux d’élaboration de la [confidentiel] et de la [confidentiel]. Ce n’aurait été qu’à la fin de l’échange que le secrétaire général l’a invitée à se mettre en relation avec le directeur général de [confidentiel] sur l’éventualité de travailler sur ce dossier. Cette conversation avec le directeur général de la [confidentiel] serait intervenue le lendemain et aurait porté sur l’éventuel intérêt de la requérante pour [confidentiel]. Toutefois, dans aucune des deux conversations il n’aurait été question ni de l’emploi type envisagé, ni de la date du transfert, ni de ses conditions de mise en œuvre, pas plus que de la nature des tâches qui seraient éventuellement confiées à la requérante, le secrétaire général ne lui ayant, à aucun moment, proposé de participer au secrétariat de la délégation du Parlement à [confidentiel].

51      La requérante ajoute que, si, dans son courriel du 11 décembre 2020, le directeur général de la [confidentiel] lui a signifié que, idéalement, la volonté du secrétaire général était qu’elle travaille pour [confidentiel], il demeure que cela est intervenu alors même que ce dernier avait déjà décidé de l’y transférer, sans lui demander préalablement son avis. Elle aurait finalement été avertie de son transfert lorsque, à la fin du mois de décembre 2020, les services de déménagement l’ont contactée pour déménager son bureau.

52      La requérante souligne, à cet égard, que le courriel qu’elle a envoyé le 13 décembre 2020 ne constitue pas une acceptation d’un emploi type de conseiller, mais seulement une preuve de son ouverture au principe de travailler, le moment venu, au sein du secrétariat interinstitutionnel de [confidentiel] dans le cadre d’un emploi de conseiller prospectif. Elle souligne que c’est volontairement qu’elle a utilisé une telle dénomination pour qualifier l’emploi de conseiller, et ce afin d’insister sur la nécessité d’occuper un emploi qui corresponde à ses compétences.

53      Elle ajoute que, à la date du 13 décembre 2020, elle était dans l’incapacité d’être utilement entendue et de donner un consentement éclairé sur le futur poste qui lui était proposé, à défaut de disposer de renseignements utiles sur la structure qui l’accueillerait, sur le type d’emploi qu’elle occuperait ainsi que sur ses perspectives d’avenir. À cet égard, elle relève que les indications données dans son courriel du 13 décembre 2020 doivent se comprendre dans le contexte administratif de l’époque, à savoir dans un contexte où, en guise de solution transitoire et en l’absence de tout lancement de [confidentiel], elle acceptait d’être rattachée au cabinet du [confidentiel]en tant que conseillère, ce qui impliquait qu’elle recevrait aussi à ce titre une prime en tant que membre du cabinet.

54      Elle souligne que, si elle avait été entendue, elle aurait pu avertir sa hiérarchie de l’incompatibilité du nouvel emploi avec sa vie privée[confidentiel], de la nécessité de tenir compte de son avenir au sein de l’institution, notamment en la détachant de son poste, ce qui aurait été accordé à certains fonctionnaires travaillant au service de [confidentiel], ainsi que de celle de maintenir son salaire au niveau de celui qu’elle percevait en tant que cheffe d’unité.

55      Cela aurait amené sa hiérarchie à prendre conscience que son affectation à la date du 1er janvier 2021 n’avait pas de sens ainsi qu’à privilégier un détachement plutôt qu’une réaffectation, position dont auraient d’ailleurs bénéficié certains membres du secrétariat de [confidentiel].

56      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

57      Il y a lieu de relever que, avant l’adoption de la décision de réaffectation attaquée, la requérante a été avertie du projet du Parlement de la réaffecter au sein du secrétariat interinstitutionnel de [confidentiel] et a pu faire valoir ses observations sur un tel projet.

58      En effet, il y a lieu de considérer, ainsi que le Parlement l’a confirmé lors de l’audience, que les actes des 11 décembre (« ring book », voir point 9 ci-dessus) et 17 décembre 2020 (« streamline », voir point 18 ci-dessus) sont des actes préparatoires de nature interne, adoptés en vue de prendre la décision de réaffectation attaquée. De plus, il convient de constater qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que la décision de réaffectation attaquée n’a pas été adoptée le 21 janvier 2021.

59      Par ailleurs, avant l’adoption de la décision de réaffectation attaquée, les courriels des 11 et 13 décembre 2020 que la requérante a échangés avec sa hiérarchie mettent en évidence qu’elle a pu exposer ses préoccupations en ce qui concernait sa réaffectation au sein du secrétariat interinstitutionnel.

60      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son courriel du 13 décembre 2020, envoyé à 22 h 43, la requérante n’a pas exprimé ses préoccupations concernant sa vie privée, ni sa crainte que le rythme de travail à [confidentiel] soit trop intense au regard de sa situation personnelle. Toutefois, dans ce courriel, elle a indiqué à sa hiérarchie qu’elle accepterait d’être l’une des délégués du [confidentiel] et a mentionné divers sujets de préoccupation, notamment celui portant sur la question de savoir si elle bénéficierait toujours des services d’une assistante ainsi que d’une prime d’encadrement de 700 euros.

61      Or, il convient de constater que ce courriel a été envoyé après que la requérante a demandé à son directeur général d’avoir une conversation confidentielle avec lui à propos du nouveau poste. Dans un tel contexte, la hiérarchie de la requérante pouvait légitimement penser que cette dernière avait renoncé à l’entretien sollicité, qu’elle voulait confidentiel, et qu’elle avait, dans son dernier courriel, exposé l’ensemble de ses préoccupations concernant le poste auquel il était envisagé de la réaffecter.

62      De plus, le fait que la requérante n’a pas obtenu satisfaction en ce qui concerne l’obtention d’un détachement ainsi que le maintien d’une prime d’encadrement ne signifie pas pour autant qu’elle n’a pas été utilement entendue avant que ne soit adoptée la décision de réaffectation attaquée.

63      Quant à l’argumentation de la requérante selon laquelle son droit d’être entendue ne pouvait utilement être satisfait à défaut de toute définition du poste qu’elle occuperait, il y a tout d’abord lieu de relever, d’une part, que l’absence de précision sur le contenu de ce poste était inhérente à la nécessité de mettre en place dans des délais contraints une structure ad hoc alors qu’un accord politique relatif au lancement de [confidentiel] était imminent et que le Parlement voulait que [confidentiel] commence ses travaux dès son lancement et sans retard. Il convient également de relever, d’autre part, ainsi que le Parlement l’a précisé lors de l’audience, que le lancement et le déroulement de [confidentiel] ont eu lieu pendant la pandémie de COVID-19, ce qui a eu un impact non négligeable sur les modalités de travail au sein de [confidentiel].

64      Ensuite, il convient de souligner que, après avoir été informée par sa hiérarchie qu’elle était pressentie, du fait de son expérience professionnelle, pour être choisie comme faisant partie de l’équipe du Parlement dans le cadre du secrétariat interinstitutionnel, la requérante ne s’est pas opposée à une telle proposition. Au contraire, elle s’est déclarée « flattée » que son expérience soit reconnue et a indiqué qu’elle acceptait, à tout le moins en principe, d’occuper un poste de conseiller qu’elle qualifiait de « prospectif », ce qui correspond à un emploi dont l’objet est, comme celui de [confidentiel], d’envisager l’avenir et de proposer des mesures qui permettent de s’y préparer.

65      Enfin, il convient de considérer que la requérante a bien été en mesure de faire part à sa hiérarchie de ses observations sur son futur poste, en ce qui concernait la question de savoir si elle bénéficierait toujours de l’équivalent d’une prime d’encadrement et des services d’une assistante et en ce qui concernait sa situation personnelle. À cet égard, il y lieu de relever que les considérations sur ce dernier aspect n’ont été évoquées par la requérante que très tardivement, au stade de la réclamation, à l’occasion de laquelle elle a mentionné, sans autre précision, [confidentiel] ce qui a fait l’objet d’une réponse de la part de l’administration dans la partie de la décision de rejet de la réclamation relative au devoir de sollicitude. De plus, lesdites considérations ne semblent pas compatibles avec celles présentées par la requérante à l’administration pendant la procédure de réaffectation, lesquelles laissaient plutôt sous-entendre sa volonté d’être fortement impliquée professionnellement dans [confidentiel].

66      Il résulte de ce qui précède que le Parlement n’a, en l’espèce, pas méconnu le droit de la requérante d’être entendue avant l’adoption de la décision de réaffectation attaquée.

67      En conséquence, il convient de rejeter le grief tiré d’une violation du droit d’être entendu et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de conformité de la décision de réaffectation attaquée avec l’intérêt du service et de la violation du devoir de sollicitude

68      Par son deuxième moyen, la requérante se prévaut de l’absence de conformité de la décision de réaffectation attaquée avec l’intérêt du service et d’une violation par le Parlement de son devoir de sollicitude.

69      À cet effet, la requérante indique n’avoir reçu, malgré ses demandes répétées, aucune information quant à la logique des modalités administratives retenues pour justifier son changement d’affectation, pas plus que de garanties quant à la suite de sa carrière, une fois [confidentiel] terminée.

70      La requérante souligne que l’explication donnée par le Parlement, selon laquelle son expérience professionnelle a été considérée comme étant pertinente et précieuse pour participer au [confidentiel] de [confidentiel], n’explique pas les raisons pour lesquelles elle est soudainement devenue indispensable pour un emploi non défini et qui n’a fait l’objet d’aucune publication d’avis de vacance au titre de l’article 29 du statut ou encore au titre de l’exercice de la mobilité.

71      À cet égard, elle fait valoir que le Parlement n’a pas respecté son devoir de sollicitude en ce qu’il n’a accompli aucune démarche positive auprès d’elle pour déterminer si les nouvelles fonctions qu’il voulait lui confier étaient compatibles avec sa vie privée et familiale alors même que ces fonctions étaient, eu égard au rythme de travail imposé, incompatibles avec [confidentiel].

72      La requérante affirme avoir été en réalité la victime d’un « jeu de chaises musicales » à l’occasion duquel sa hiérarchie n’a émis aucun appel à candidatures et qui était uniquement destiné à permettre à l’un de ses collègues d’accomplir son obligation de mobilité.

73      En ce qui concerne son nouveau poste, elle souligne que, à défaut de toute définition de la notion de « conseiller » au Parlement, elle considère qu’une telle fonction, si elle est dépourvue de toute responsabilité d’encadrement, implique pour l’intéressé, sur la base de son expérience et de son expertise, de faire part de son opinion sur les questions dont il est saisi. De plus, les fonctions d’un conseiller impliquent, au regard de celles d’un chef d’unité, une décharge en matière d’horaires et de déplacements.

74      Or tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.

75      En effet, selon la requérante, premièrement, elle n’a jamais rencontré le coprésident (co-chair)  de [confidentiel] qui représentait le Parlement ni ne lui a été présentée, deuxièmement, il est évident que son expérience et son expertise sont sans aucun lien avec les tâches qui lui ont été dévolues, troisièmement, la moindre de ses contributions est soumise à l’approbation du chef du Parlement (co-head), lequel a d’abord été un directeur, puis un chef d’unité, quatrièmement, après n’y avoir pas participé, elle ne fait qu’assister de manière passive aux réunions du conseil exécutif (executive board), cinquièmement, elle ne participe pas au contrôle du contenu des documents ressortant de la compétence de son ancienne unité, sixièmement, elle n’a aucune compétence dans le domaine traité par le groupe de travail dont la gestion lui a été confiée, en l’occurrence, [confidentiel], septièmement, les tâches qui lui sont confiées, en l’occurrence, la rédaction de courriers ne présentant pas de difficulté, le suivi de la modération de messages problématiques sur la plateforme citoyenne mise en place par [confidentiel] ainsi que celui de la synthèse de l’activité de la plateforme, tous deux assurés par un prestataire extérieur, relèvent de la compétence d’un conseiller junior, voire de celle d’un assistant, et, huitièmement, il lui a été attribué un bureau éloigné de celui des autres administrateurs de l’équipe, qu’elle partage désormais avec une assistante, et sa carte de visite, dont la présentation lui a été imposée, ne fait pas mention de sa qualité de conseillère.

76      En s’appuyant sur le résumé des tâches figurant dans son rapport de notation, joint en annexe C4 du mémoire en réplique, la requérante fait valoir que les tâches qui lui ont été dévolues ne lui ont pas donné la latitude pour travailler en tant que conseillère, tout comme ses autorités n’ont pas démontré la nécessité d’avoir recours à son expérience professionnelle. Ces tâches étaient en effet répétitives et standardisées. De plus, le groupe [confidentiel], dont elle était spécifiquement chargée, ne constituait pas une priorité politique du Parlement, ce qui est de nature à minimiser l’importance des tâches qui lui ont été dévolues.

77      Outre le fait que son nouveau poste était sous-dimensionné au regard de ses compétences, la perte de ses fonctions d’encadrement a entraîné celle d’une prime à ce titre de 700 euros.

78      La requérante conteste les affirmations du Parlement selon lesquelles elle a préparé un projet de règlement intérieur de la [confidentiel] ainsi que des réflexions sur [confidentiel] et des travaux liés à la plateforme numérique. Cela est d’ailleurs confirmé par la lecture de son rapport d’évaluation pour 2021, aux termes duquel il apparaît que, en l’absence de toute attribution spécifique, elle a, elle-même, déterminé le contenu de ses fonctions.

79      Le Parlement soutient que le grief tiré de l’absence de conformité de la décision de réaffectation attaquée avec l’intérêt du service doit être rejeté comme étant irrecevable pour violation de l’article 76 du règlement de procédure et, en tout état de cause, comme étant non fondé. Il estime que le grief tiré de la violation du devoir de sollicitude doit être rejeté au fond.

80      Il convient d’emblée de déclarer recevable le grief tiré de l’absence de conformité de la décision de réaffectation attaquée avec l’intérêt du service. En effet, contrairement à ce que soutient le Parlement, la lecture de la requête permet de comprendre les raisons pour lesquelles la requérante considère que la décision de réaffectation attaquée n’est pas conforme à l’intérêt du service.

81      Sur le fond, outre le grief tiré de l’absence de conformité de la décision attaquée avec l’intérêt du service, il y a lieu de relever que la requérante fait notamment valoir que ses nouvelles fonctions ne correspondent pas à ses compétences et que le Parlement a ainsi violé son devoir de sollicitude.

82      Eu égard aux éléments mentionnés au point 81 ci-dessus, il convient d’abord d’analyser si la décision de réaffectation attaquée est conforme à l’intérêt du service et à la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi, puis d’examiner si le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude est fondé.

1)      Sur les griefs tirés de l’absence de conformité de la décision de réaffectation attaquée avec l’intérêt du service et de la violation de la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi

83      En vertu d’une jurisprudence constante, les décisions de réaffectation d’un fonctionnaire ou d’un agent sont soumises, en ce qui concerne la sauvegarde des droits et des intérêts légitimes des fonctionnaires ou des agents concernés, aux règles de l’article 7, paragraphe 1, du statut en ce sens que cette réaffectation ne peut se faire que dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2018, Schneider/EUIPO, T‑560/16, non publié, EU:T:2018:872, points 52 et 82).

84      S’agissant, spécifiquement, de la conformité de la décision de réaffectation attaquée avec l’intérêt du service, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du statut, qu’il convient d’analyser en premier lieu, il y a lieu de relever que cette notion, telle qu’elle a été précisée par la jurisprudence, se rapporte au bon fonctionnement de l’institution en général et, en particulier, aux exigences spécifiques du poste à pourvoir. À cet égard, il est constant que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont conférées et, en vue de celle-ci, dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition (voir arrêt du 21 décembre 2021, MO/Conseil, T‑587/20, non publié, EU:T:2021:916, point 50 et jurisprudence citée).

85      En outre, compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation des institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’autorité investie du pouvoir de nomination s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 21 décembre 2021, MO/Conseil, T‑587/20, non publié, EU:T:2021:916, point 51 et jurisprudence citée).

86      Selon la jurisprudence, une institution est en droit d’estimer, en application du large pouvoir dont elle dispose en matière d’organisation de ses services, que l’intérêt du service justifie une mesure de réaffectation d’un fonctionnaire ou d’un agent, décidée dans le cadre opérationnel de la création d’une unité administrative de l’institution (voir, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2018, Schneider/EUIPO, T‑560/16, non publié, EU:T:2018:872, point 55).

87      En l’espèce, il convient de relever, ainsi que le Parlement l’a précisé lors de l’audience, que [confidentiel] était un exercice interinstitutionnel, qui représentait pour l’ensemble des institutions de l’Union, dont le Parlement, un processus de délibération inédit dans l’Union, exigeant la création d’un [confidentiel], dont la réussite constituait un enjeu politique et démocratique majeur.

88      De plus, il résulte des pièces du dossier, notamment de la note du secrétaire général adjoint du 13 novembre 2020, de la position du Parlement concernant [confidentiel] en date du [confidentiel], de la résolution du Parlement du [confidentiel], du document interne informel du 30 novembre 2020, ainsi que du procès-verbal du bureau du Parlement du 16 décembre 2020, que le lancement le plus rapide possible de [confidentiel] était voulu par cette institution et que, pour parvenir à un tel résultat, elle estimait nécessaire de mettre à sa disposition un personnel expérimenté et efficace. Ces documents mettent en outre en évidence qu’il n’était pas illusoire de penser que [confidentiel] pourrait officiellement être mise en œuvre au cours du dernier trimestre de l’année 2020 et, en tout état de cause, au cours du premier trimestre 2021.

89      Par ailleurs, il résulte du courriel du 11 décembre 2020 (voir point 9 ci-dessus), de celui de la requérante du 13 décembre 2020 (voir points 12 à 15 ci-dessus), de la notation de la requérante relative à l’année 2020, jointe en annexe A5 de la requête, de celle relative à l’année 2021 jointe en annexe C4 du mémoire en réplique et, enfin, de la décision de rejet de la réclamation que, ainsi que la requérante s’en est d’ailleurs prévalue, elle justifiait d’une véritable expertise dans la conduite de travaux interinstitutionnels, ainsi qu’avec les acteurs de la société civile, ce qui était recherché dans le cadre des travaux de [confidentiel]. Cela a d’ailleurs été acté dans son rapport de notation pour l’année 2021, aux termes duquel « [la requérante] a [...] développé au cours de sa carrière une connaissance approfondie des dossiers institutionnels et de différentes questions pertinentes pour [confidentiel] ».

90      Les éléments mentionnés aux points 87 à 89 ci-dessus mettent en évidence que, dès lors que la réussite de [confidentiel] constituait un enjeu majeur sur un plan politique et démocratique pour le Parlement, il ne saurait être reproché à cette institution d’avoir décidé de réaffecter la requérante à l’occasion de la préparation et de la mise en œuvre de [confidentiel], dès lors que l’intéressée disposait de toutes les qualités nécessaires pour contribuer au succès des travaux de cette nouvelle instance interinstitutionnelle.

91      Il ne saurait non plus être fait grief au Parlement d’avoir affecté la requérante à un poste de conseiller dont les fonctions n’étaient pas clairement définies. En effet, eu égard au caractère exceptionnel de [confidentiel] et à la volonté d’entreprendre ses travaux dès qu’un accord politique serait trouvé quant à son lancement, le Parlement a d’une certaine manière valorisé l’expérience et le profil de la requérante en lui donnant la possibilité de participer à la définition de ses fonctions (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, points 95 et 96). Par ailleurs, il y a lieu de souligner, à cet égard, ainsi que le Parlement l’a relevé à juste titre lors de l’audience, que la nature interinstitutionnelle ainsi que le caractère inédit de [confidentiel] justifient d’avoir une certaine flexibilité dans la distribution des tâches du personnel mis à disposition pour travailler au sein de [confidentiel].

92      D’ailleurs, la lecture du rapport de notation de la requérante se rapportant à l’année 2021 met en évidence que, au cours des trois mois qui ont précédé le lancement de [confidentiel], la requérante a elle-même défini les tâches qui lui incombaient en s’attachant à assurer une transition harmonieuse avec l’unité dont elle était la cheffe ainsi qu’en menant une réflexion et en contactant des personnalités qu’elle connaissait pour assurer la pleine réussite de [confidentiel].

93      Cela met aussi en évidence que, entre le moment où la requérante a quitté ses fonctions de cheffe d’unité et celui où [confidentiel] a été lancée, elle a disposé du temps nécessaire pour assurer une transition harmonieuse avec son successeur. Partant, le grief selon lequel la désignation de la requérante comme conseillère était précipitée et a désorganisé l’unité dont elle était la cheffe n’est pas fondé.

94      En tout état de cause, et concernant plus précisément l’argument tiré de la précipitation dans laquelle la requérante a quitté son ancien poste, il y a lieu de relever, ainsi que le Parlement l’a confirmé lors de l’audience, que, contrairement à ce qu’indique la requérante, elle n’a pas été la seule personne concernée par la décision du Parlement d’affecter du personnel à compter du mois de janvier 2021. En effet, il résulte de la note du 11 décembre 2020 (voir point 9 ci-dessus) que le secrétaire général du Parlement a demandé au directeur général du personnel de cette institution de déplacer quatre fonctionnaires, dont la requérante, à compter du mois de janvier 2021, pour travailler au service de [confidentiel].

95      Quant à l’absence de publication d’appel à candidatures dans le cadre de la réaffectation, il y a lieu de relever que, ainsi que cela résulte de la note de service du 13 novembre 2020 (voir point 6 ci-dessus), [confidentiel] n’avait pas de ressources propres. Cela implique que [confidentiel] ne pouvait pas créer de postes et les diffuser et que l’intéressée a ainsi été transférée avec son poste sans qu’il y ait d’appel à candidatures.

96      Enfin, comme cela a été indiqué au point 46 ci-dessus, la requérante ne saurait reprocher au Parlement de ne pas avoir donné les raisons pour lesquelles elle n’avait pas bénéficié d’un détachement ni celles pour lesquelles certains membres du personnel en avaient bénéficié, tandis que d’autres, dont elle, non.

97      En effet, ces deux questions sont étrangères à la légalité de la décision de réaffectation attaquée en tant que telle, de sorte que ces deux arguments doivent être rejetés comme étant inopérants.

98      Il résulte de ce qui précède que la décision de réaffectation attaquée a été adoptée dans l’intérêt du service sans qu’une violation manifeste à cet égard ait été démontrée. Le présent grief doit, par conséquent, être rejeté.

99      S’agissant du respect de la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi, qu’il convient d’examiner en second lieu, en vertu d’une jurisprudence constante, en vue d’examiner si les droits de l’intéressé ont été méconnus par une décision de réaffectation, il y a lieu de comparer ses nouvelles attributions à ses grade et emploi. Une comparaison entre les fonctions actuelles et antérieures de l’intéressé serait dénuée de pertinence (voir arrêt du 21 décembre 2021, MO/Conseil, T‑587/20, non publié, EU:T:2021:916, point 69 et jurisprudence citée).

100    En effet, selon la jurisprudence, la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi implique, en cas de modification des fonctions d’un fonctionnaire ou d’un agent, une comparaison non pas entre ses fonctions actuelles et ses fonctions antérieures, mais entre ses fonctions actuelles et son grade. Dès lors, cette règle ne s’oppose pas à ce qu’une décision entraîne l’attribution de nouvelles fonctions qui, si elles diffèrent de celles précédemment exercées et sont perçues par l’intéressé comme comportant une réduction de ses attributions, sont néanmoins conformes à l’emploi correspondant à son grade. Ainsi, une diminution effective des attributions d’un fonctionnaire n’enfreint la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi que si ses nouvelles attributions sont, dans leur ensemble, nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (voir arrêt du 21 décembre 2021, MO/Conseil, T‑587/20, non publié, EU:T:2021:916, point 70 et jurisprudence citée).

101    En l’espèce, pour les raisons mentionnées au point 91 ci-dessus, le fait que la décision de réaffectation attaquée ne comporte pas de description des fonctions attribuées à la requérante constitue une circonstance qui ne saurait suffire à établir que l’équivalence des emplois n’a pas été respectée en l’espèce.

102    De plus, il y a lieu de relever que la liste des attributions du nouveau poste de la requérante a été établie d’un commun accord dans sa notation pour l’année 2021 et que c’est sur la base de cette liste qu’elle conteste sa réaffectation.

103    La lecture du rapport de notation de la requérante se rapportant à l’année 2021 met en évidence que, dans le cadre de son nouveau poste, la requérante a, ainsi qu’il est mentionné au point 92 ci-dessus, d’abord assuré une transition harmonieuse avec son ancien poste et préparé le lancement de [confidentiel]. Une fois [confidentiel] lancée, elle a, en substance, notamment été chargée du suivi de [confidentiel], de la rédaction de projets de réponse pour le [confidentiel], du suivi du panel [confidentiel] ainsi que de l’assistance à la présidente du groupe chargé de [confidentiel].

104    L’énumération des tâches mentionnées au point 103 ci-dessus met en évidence qu’il s’agit de responsabilités qui sont généralement confiées à une personne du grade de la requérante dont il est attendu qu’elle donne, sur la base de ses connaissances ainsi que de son expérience professionnelle éprouvée, une opinion indépendante, ce qui est le cas de la requérante.

105    À cet égard, il y a lieu de relever que les affirmations de la requérante, selon lesquelles, en substance, les tâches qui lui ont été confiées dans le cadre de son nouveau poste sont répétitives, ne nécessitent aucune expertise particulière et ressortent de la compétence d’un jeune administrateur, voire d’un assistant, ne sont étayées par aucun élément de preuve et demeurent ainsi des allégations non prouvées.

106    De plus, la lecture du document joint en annexe B13 du mémoire en défense met en évidence que les fonctions de conseiller et de chef d’unité correspondent, au sein du Parlement, à celles d’un fonctionnaire de grade AD 14.

107    Il résulte de ce qui précède que les nouvelles fonctions de la requérante ne sont pas nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur, de sorte qu’il convient de constater que la décision de réaffectation attaquée est conforme à la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi.

2)      Sur le grief tiré de la violation du devoir de sollicitude

108    Le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents de service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent ou d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736, point 80 et jurisprudence citée).

109    Dans le cadre de la réaffectation ou de la mutation d’un fonctionnaire, le devoir de sollicitude impose à l’autorité de procéder à un examen effectif, complet et circonstancié de la situation au vu de l’intérêt du service et de l’intérêt du fonctionnaire concerné, lequel intérêt s’exprime, le cas échéant, dans les observations que ce dernier formule sur les éléments qui lui sont soumis. Toutefois, le respect du devoir de sollicitude ne saurait conduire à affecter les fonctionnaires selon leurs seules préférences personnelles alors qu’il ne saurait leur être reconnu, en tout état de cause, un droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques. Ainsi, les exigences découlant du devoir de sollicitude ne sauraient empêcher l’administration d’adopter les mesures de réaffectation ou de mutation qu’elle estime nécessaires, puisque le pourvoi de chaque emploi doit se fonder en premier lieu sur l’intérêt du service (voir arrêt du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736, point 81 et jurisprudence citée).

110    Or, en l’espèce, premièrement, compte tenu des circonstances dans lesquelles la requérante a invoqué [confidentiel], mentionnées au point 65 ci-dessus, le Parlement a valablement pu considérer que la situation personnelle de la requérante n’était pas de nature à remettre en cause sa réaffectation, que commandait l’intérêt du service. Il s’ensuit que ce premier grief doit être rejeté.

111    S’agissant, deuxièmement, des perspectives liées à son emploi une fois [confidentiel] terminée, dès lors que la réaffectation de la requérante à son nouvel emploi est conforme à la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi, cette dernière ne saurait se prévaloir de la violation du devoir de sollicitude en soutenant que sa réaffectation pourrait nuire à ses perspectives de carrière. De plus, ainsi qu’il ressort également du point 97 ci-dessus, la question du détachement éventuel de la requérante est étrangère à la légalité de la décision de réaffectation attaquée en tant que telle, de sorte que ce dernier argument doit être rejeté comme étant inopérant.

112    S’agissant, troisièmement, de l’allégation du « jeu de chaises musicales », il suffit de relever que cette allégation relève exclusivement du troisième moyen, tiré du détournement de pouvoir et de procédure, et sera analysée dans le cadre dudit moyen.

113    S’agissant, enfin, du contexte de travail dont se prévaut la requérante pour soutenir l’existence d’une violation du devoir de sollicitude, il convient de relever, tout d’abord, que l’éloignement du bureau de la requérante, pas plus que le partage de son bureau avec une assistante, ne sont étayés par des éléments suffisants permettant de caractériser l’existence d’une telle violation. Par ailleurs, il résulte de l’annexe B16, jointe au mémoire en défense, que le partage du bureau de la requérante est intervenu avec son accord, dans des circonstances où, du fait de la présence de la COVID-19, le télétravail était privilégié. Quant à l’absence d’indication de la qualité de conseillère sur la carte de visite de la requérante, il suffit de relever que cette circonstance ne saurait pas non plus caractériser l’existence d’une quelconque déchéance administrative, de sorte que cet argument doit être rejeté.

114    Quant au caractère prétendument surdimensionné des compétences de la requérante en comparaison de celles que requérait son nouveau poste et à la perte de la prime d’encadrement, il suffit de relever que l’administration a respecté l’intérêt du service et la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi, de sorte que ces éléments ne sauraient, eux non plus, caractériser une violation du devoir de sollicitude.

115    Eu égard à ces éléments, il y a lieu de relever que le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude doit être rejeté et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir et de procédure

116    S’agissant du détournement de pouvoir et de procédure, la requérante souligne que la chronologie des événements met en évidence que, dès le mois de [confidentiel], la mutation de l’un de ses collègues à compter du mois de [confidentiel] au poste de chef d’unité qu’elle occupait était actée par l’administration.

117    Selon la requérante, la précipitation avec laquelle elle a été transférée de son poste de chef d’unité à celui de conseiller à [confidentiel] s’explique par la volonté de sa hiérarchie de permettre à son successeur de prendre possession de son poste dans les meilleurs délais. Ce « jeu de chaises musicales » serait également prouvé par une série d’échanges de SMS avec son successeur ainsi que par le courriel d’une collègue qui montre que son remplacement est intervenu simultanément à son départ.

118    Le Parlement conclut au rejet de ce moyen.

119    À cet égard, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise qui se réfère à l’usage fait par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées. À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause (voir arrêt du 18 novembre 2020, H/Conseil, T‑271/10 RENV II, EU:T:2020:548, point 48 et jurisprudence citée).

120    En outre, dès lors qu’une décision n’a pas été jugée comme étant contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (voir arrêt du 18 novembre 2020, H/Conseil, T‑271/10 RENV II, EU:T:2020:548, point 50 et jurisprudence citée).

121    En l’espèce, il ressort des points 83 à 98 ci-dessus que la décision de réaffectation attaquée a été prise dans l’intérêt du service et des points 99 à 107 ci-dessus que le Parlement a respecté la règle de la correspondance entre le grade et l’emploi. Partant, la décision de réaffectation attaquée ne saurait être considérée comme constituant une sanction disciplinaire déguisée.

122    De plus, les documents joints en annexes A3 et A4 de la requête ainsi qu’en annexe C10 du mémoire en défense ne mettent pas en évidence que la réaffectation de la requérante a été décidée dans le but exclusif de la remplacer par l’un de ses collègues, de sorte que la décision de réaffectation attaquée ne saurait être considérée comme un détournement de pouvoir ou de procédure.

123    Partant, le grief tiré d’un détournement de pouvoir et de procédure n’est pas fondé et doit être rejeté.

124    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen n’est pas fondé et que la demande en annulation de la décision de réaffectation attaquée doit être rejetée.

B.      Sur la demande d’annulation de la décision de répétition de l’indu

125    La requérante fait valoir que, dès lors que la décision de réaffectation attaquée doit être annulée, elle ne devait pas perdre la prime d’encadrement dont elle bénéficiait en tant que cheffe d’unité et que, en conséquence, la décision de répétition de l’indu est non fondée et doit être annulée.

126    Le Parlement conclut au rejet de cette demande.

127    À cet égard, il suffit de constater que la demande d’annulation de la décision de répétition de l’indu est sollicitée uniquement comme une conséquence directe de l’annulation de la décision de réaffectation attaquée. Partant, il y a lieu de rejeter cette demande du fait du rejet de la demande d’annulation de la décision de réaffectation attaquée.

C.      Sur les demandes de réintégration de la requérante dans son poste antérieur, de remboursement de la somme ayant fait l’objet de la répétition de l’indu ainsi que de rétablissement du salaire de la requérante à son niveau antérieur

128    La requérante fait valoir que, en conséquence de l’annulation de la décision de réaffectation attaquée, elle doit être réintégrée dans son poste de chef d’unité, bénéficier du remboursement de la somme ayant fait l’objet de la répétition de l’indu ainsi que se voir rétablir sa rémunération avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2021.

129    Le Parlement sollicite le Tribunal de déclarer ces demandes irrecevables, au motif qu’elles reviennent à demander au Tribunal de prononcer une injonction à l’encontre de l’administration.

130    À cet égard, en ce qui concerne, en premier lieu, la demande de la requérante tendant à obtenir sa réintégration dans son poste antérieur, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, s’agissant du contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser des injonctions à l’administration (voir arrêt du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 30 et jurisprudence citée).

131    Or, en l’espèce, ce chef de conclusions doit s’analyser comme une demande tendant à obtenir une injonction à l’égard de l’administration, de sorte qu’il doit être rejeté pour cause d’incompétence.

132    En ce qui concerne, en second lieu, les demandes de la requérante tendant au remboursement de la somme ayant fait l’objet de la répétition de l’indu ainsi qu’au rétablissement de son salaire à son niveau antérieur, il convient de relever que, indépendamment de la question de savoir si lesdites demandes supposent l’exercice, par le juge de l’Union, de sa compétence de pleine juridiction, au sens de l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut, dans la mesure où la demande d’annulation de la décision de réaffectation attaquée et celle de la décision de répétition de l’indu ont été rejetées, il n’y a pas lieu de se prononcer sur ces demandes.

D.      Sur la demande en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral

133    La requérante fait valoir que la perte de salaire dont elle a été victime lui a causé un préjudice matériel. Elle ajoute que sa réaffectation à un poste sous-qualifié et qui sollicitait une très grande disponibilité l’a placée dans une très grande détresse morale, ce qui justifie une indemnisation au titre de ces deux préjudices à hauteur de 50 000 euros.

134    Le Parlement conclut au rejet de cette demande.

135    Il convient de rappeler que, en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions à fin d’annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 93 et jurisprudence citée).

136    En l’espèce, il y a lieu de constater que les conclusions indemnitaires présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation de la décision de réaffectation attaquée, en ce qu’elles reposent sur la prémisse de l’existence d’une réaffectation non fondée.

137    Dans ce contexte, les conclusions en annulation ayant été rejetées, les conclusions indemnitaires doivent l’être également.

IV.    Sur les dépens

138    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

139    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      NS est condamnée aux dépens.

Porchia

Jaeger

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.