Language of document : ECLI:EU:T:2011:17

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

24 janvier 2011 (*)

« Référé – Concurrence – Décision de la Commission infligeant une amende – Garantie bancaire – Demande de sursis à exécution – Préjudice financier – Absence de circonstances exceptionnelles – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑370/10 R,

Rubinetterie Teorema SpA, établie à Flero (Italie), représentée par Mes R. Cavani, M. di Muro et P. Preda, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Antoniadis, MM. F. Castillo de la Torre et L. Malferrari, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Rubinetterie Teorema SpA, est une société établie en Italie qui est active dans sur les marchés des installations sanitaires pour sailles de bain.

2        Le 23 juin 2010, la Commission européenne a adopté la décision C (2010) 4185 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle elle a infligé à la requérante une amende de 421 569 euros pour sa participation à une entente sur la coordination des prix sur le marché des installations sanitaires.

3        Selon l’article 1er de la décision attaquée, les entreprises d’installations sanitaires qu’elle désigne, parmi lesquelles la requérante, ont conclu des accords ou participé à des pratiques concertées visant à la coordination des prix de leurs produits sanitaires et de leurs politiques de tarification, entre le 15 mars 1993 et le 9 novembre 2004 pour ce qui concerne la requérante.

4        En vertu de l’article 2 de la décision attaquée, l’amende infligée à la requérante, d’un montant de 421 569 euros, était payable dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision attaquée. En outre, dans le cas de l’introduction d’un recours contre la décision attaquée devant le Tribunal, ladite disposition reconnaissait à la requérante la faculté de s’acquitter du paiement de l'amende soit en constituant une garantie bancaire acceptable par le comptable de la Commission soit en procédant au paiement provisoire de l'amende.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2010, la requérante a demandé au Tribunal, à titre principal, d’annuler la décision attaquée, à titre subsidiaire, de lui infliger une amende symbolique et, à titre infiniment subsidiaire, de réduire substantiellement le montant de l’amende, imposée par la décision attaquée, à la somme qui lui semblera juste et équitable.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 septembre 2010, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        suspendre l’exécution de la décision attaquée ;

–        la dispenser de l’obligation de constituer une garantie bancaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 18 octobre 2010, la Commission conclut au rejet de la demande en référé et à la condamnation de la requérante aux dépens.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 octobre 2010, la requérante a présenté ses observations en réponse aux observations de la Commission.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 novembre 2010, la Commission a présenté ses observations sur les observations de la requérante.

 En droit

10      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

11      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

12      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

 Sur l’objet de la demande en référé

13      Dans la demande en référé, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision attaquée, en ce qui concerne l’obligation de payer l’amende infligée par la Commission, jusqu’à ce que le Tribunal statue sur le recours au principal, et à ce qu’elle soit dispensée de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat de l’amende.

14      Or, il est constant que, dans la décision attaquée, la Commission a précisé à la requérante que, au cas où elle introduirait un recours devant le Tribunal, il ne serait procédé à aucune mesure de recouvrement de l’amende tant que l’affaire serait pendante devant cette juridiction, dans la mesure où une garantie bancaire, acceptable par la Commission et couvrant le montant de la dette principale ainsi que les intérêts et les majorations qui seraient dus, est constituée.

15      Il découle de ce qui précède que la demande de la requérante doit être comprise comme ayant pour seul objet une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la décision attaquée.

 Sur le fond

 Arguments des parties

–       Sur le fumus boni juris

16      Premièrement, la requérante soutient que la Commission l’a informée tardivement des griefs spécifiques à son égard et que l’accès au dossier a été difficile. Compte tenu de sa qualité de petite entreprise, cela aurait entraîné une violation de ses droits de la défense, constituant un « motif d’invalidité » de la décision attaquée.

17      Deuxièmement, la requérante affirme que la Commission a commis une erreur d’interprétation et d’application de l’article 101 TFUE s’agissant des comportements prétendument anticoncurrentiels et de la diversité des marchés.

18      Troisièmement, la requérante soutient que son « incapacité financière » aurait dû être prise en considération dans le calcul de l’amende, car la réduction du montant final de l’amende décidée par la Commission est trop faible, en ce qu’elle ne reconnaît pas à suffisance son « incapacité contributive ».

19      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante et conclut à l’absence de fumus boni juris.

–       Sur l’urgence et sur la mise en balance des intérêts

20      La requérante fait valoir qu’il lui est impossible de constituer une garantie bancaire et que son existence serait compromise en cas de payement de l’amende.

21      À cet égard, la requérante indique dans ses observations que les banques, avec lesquelles elle a souscrit un plan de restructuration (ci-après le « plan ») au titre de l’article 67 de la Legge fallimentare (loi sur la faillite), formalisé dans un accord de rééchelonnement et de moratoire de la dette (ci-après l’« accord moratoire »), ont rejeté sa demande visant à constituer une garantie bancaire couvrant le montant de l’amende qu’elle doit payer, en raison de sa situation économique critique.

22      Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission d’avoir sous-estimé sa situation économique et son état d’insolvabilité.

23      La requérante prétend que, en septembre 2009, elle a formellement invoqué son absence de capacité contributive et a soumis aux établissements bancaires, lesquels sont ses principaux créanciers, le plan, formalisé par l’accord moratoire. La requérante souligne que l’exécution de ceux-ci constitue l’unique solution pour éviter la faillite.

24      Or, la requérante fait valoir que les dispositions de l’accord moratoire reconnaissent aux banques la possibilité de le résilier dans certains cas. À cet égard, la requérante se réfère à l’article 15, paragraphe 3, sous ix), x) et xii), de l’accord moratoire, dispositions qui permettent aux banques de résilier l’accord moratoire, respectivement, dans le cas d’une procédure d’exécution, de référé ou de saisie conservatoire portant sur un montant supérieur à 200 000 euros, dans le cas d’une procédure de manquement aux obligations découlant de toute dette financière de la société envers des tiers, pour un montant global supérieur à 200 000 euros, après l’expiration d’un délai de 120 jours ouvrables à compter de la date du manquement et pour tout autre motif grave non prévu par l’accord moratoire. Par conséquent, la requérante soutient que du payement de l’amende découlera l’exercice par les banques de leur droit à la résiliation de l’accord moratoire et, partant, la faillite de la société.

25      En outre, la requérante fait valoir que, parmi les entreprises destinataires de la décision attaquée, elle est la seule à être implantée dans la région de Brescia (Italie), dans une zone et au sein d’un secteur où le taux de chômage est en forte hausse. Ainsi, la réduction de son personnel contribuerait à l’augmentation du taux de chômage dans cette région.

26      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

 Appréciation du juge des référés

27      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

28      Il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 82). C’est à la partie qui sollicite une telle mesure d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85).

29      Un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnances du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Ainsi, la requérante doit prouver l’existence de telles circonstances.

30      Pour pouvoir apprécier si le préjudice qu’appréhende la partie requérante présente un tel caractère, et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer de toutes les preuves nécessaires pour permettre d’apprécier avec le degré de probabilité requis les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T‑143/99 R, Rec. p. II‑2451, point 18, et ordonnance du président du Tribunal du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32 ; voir également, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18, et ordonnance du président du Tribunal du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8).

31      S’agissant en l’espèce d’une demande visant à obtenir une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d’une amende infligée par la Commission, il importe de rappeler qu’une telle demande ne peut être accueillie qu’en présence de circonstances exceptionnelles [ordonnance du président de la Cour du 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C‑361/00 P(R), Rec. p. I‑11657, point 88, et ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non encore publiée au Recueil, point 34].

32      En effet, la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie financière correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (ordonnance du président du Tribunal du 5 août 2003, IRO/Commission, T‑79/03 R, Rec. p. II‑3027, point 25).

33      L’existence de telles circonstances exceptionnelles peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de constituer la garantie bancaire requise apporte la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie (voir ordonnance IRO/Commission, précitée, point 26, et la jurisprudence citée), ou que sa constitution mettrait en péril son existence (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission, T‑295/94 R, Rec. p. II‑1265, point 24, et du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 43).

34      En l’espèce, il convient d’examiner si la requérante a établi, à suffisance de droit, qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise.

35      La requérante, afin de prouver qu’il lui serait impossible de constituer une garantie bancaire, n’a produit qu’une seule lettre de refus du 21 octobre 2010 de la banque C., qui serait la « banque chef de file » de l’accord moratoire, par laquelle cette dernière a manifesté en des termes généraux et succincts, sans joindre aucun document explicatif, son refus d’octroyer la garantie sollicitée. Dans sa lettre, la banque C. motive sa décision par la situation économique critique de la requérante et des obligations découlant de l’accord moratoire, qui n’admet pas l’octroi d’autres garanties.

36      Il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, indépendamment du nombre de lettres de refus de constitution de la garantie bancaire, la pertinence de ces dernières doit être évaluée à la lumière de la situation économique objective de la requérante (ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06 R, Rec. p. II‑2491, point 102 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, précitée, point 43).

37      À cet égard, il est également de jurisprudence constante que, pour apprécier si une entreprise est en mesure de constituer une garantie bancaire, il convient de tenir compte du groupe de sociétés dont elle dépend directement ou indirectement, pour ce qui est de la possibilité de fournir les sûretés que des banques pourraient réclamer [ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non encore publiée au Recueil ; voir ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 54, et la jurisprudence citée]. Une telle exigence tient, d’une part, à l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des décisions de la Commission et à la sauvegarde des intérêts financiers de l’Union européenne et, d’autre part, aux avantages qui peuvent découler, pour ses actionnaires, des éventuels comportements anticoncurrentiels d’une société.

38      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR‑Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 50].

39      En l’espèce, il y a lieu de constater que, ainsi que l’a relevé la Commission sans être contestée sur ce point par la requérante, la requérante est une société par actions, lesquelles actions sont détenues par M. P. (13,3 %), Mme E. P. (10,4 %), la société Tagar (66,3 %) et par la requérante (10 %). La société Tagar, laquelle est la société mère, est une société en participation, détenue par M. P. (42 %), Mmes E. P. (27 %), B. (23 %) et L. P. (8 %).

40      Dans ses observations formulées en réponse aux observations de la Commission, la requérante soutient que la jurisprudence relative aux groupes n’est pas applicable à son égard. Premièrement, elle ne pourrait pas être rattachée à un groupe de sociétés, étant une société simplement contrôlée par une autre société, la société Tagar. Deuxièmement, la jurisprudence relative aux groupes prendrait en considération des réalités économiques et entrepreneuriales qui ne pourraient être comparées aux siennes en termes de dimensions et de chiffres d’affaires. La requérante conteste également la nécessité de prendre en considération la situation économique de son actionnariat, notamment M. P. et Mme E. P., afin de déterminer s’il lui est impossible de fournir une garantie bancaire. Elle ajoute que les deux membres de la famille P. ne détiennent que des parts minoritaires, de sorte que sa propriété ne peut pas leur être attribuée.

41      À cet égard, il convient de rappeler que le juge des référés a appliqué la jurisprudence relative aux groupes à des situations diverses, notamment aux sociétés unipersonnelles (ordonnance du président du Tribunal du 11 octobre 2007, MB Immobilien et MB System/Commission, T‑120/07 R, non publiée au Recueil, point 40), aux sociétés appartenant à deux personnes physiques (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 102) ainsi qu’aux actionnaires minoritaires d’une société [ordonnance du président de la Cour du 16 décembre 2010, Almamet/Commission, C-373/10 P(R), non encore publiée au Rec., point 23 et ordonnance Almamet/Commission, précitée, point 52]. Comme il a déjà été relevé aux points 37 et 38 ci-dessus, le fondement de cette application large de la jurisprudence relative aux groupes, qui englobe aussi les petites et moyennes entreprises, réside dans l’impossibilité de reconnaître un caractère autonome aux intérêts d’une société par rapport à ceux des personnes physiques ou morales qui la contrôlent.

42      À la lumière de ces considérations, il convient de relever que la jurisprudence relative aux groupes est applicable au cas d’espèce, de sorte que, afin d’établir si la requérante a, à suffisance de droit, démontré qu’il lui serait impossible de fournir une garantie bancaire, le juge des référés peut également prendre en compte la capacité contributive de ses actionnaires personnes physiques, M. P. et Mme E. P., et personnes morales, à savoir la société mère Tagar.

43      S’agissant de la capacité contributive des membres de la famille P., qui détiennent une participation dans la requérante, il suffit de constater que la requérante n’a pas apporté la moindre information concernant leur situation financière. La requérante se limite, dans ses observations en réponse aux observations de la Commission, à relever que, contrairement à ce qu’a soutenu cette dernière, M. P. ne siège plus depuis longtemps au conseil d’administration de différentes sociétés. La requérante ne fournit aucune information relative à la situation patrimoniale de M. P. En outre, elle ne mentionne aucune information concernant la situation patrimoniale de l’autre actionnaire, Mme E. P. Par conséquent, une telle absence totale d’informations concrètes et précises ne permet pas au juge des référés d’avoir une image fidèle et globale de la situation économique de la requérante (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 21 janvier 2004, FNICGV/Commission, T‑252/03 R, Rec. p. II‑315, point 34, et du 12 mai 2010, Reagens/Commission, T‑30/10 R, non publiée au Recueil, point 46).

44      Il en résulte que la requérante est restée en défaut de mettre à disposition du juge des référés les éléments de preuve nécessaires et, partant, n’a pas prouvé qu’il lui serait impossible de fournir une garantie bancaire.

45      À titre surabondant, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas prouvé non plus sa propre absence de capacité contributive, ni celle de la société Tagar qui la contrôle.

46      À cet égard, la requérante soutient que sa situation financière au 30 septembre 2010 fait état d’une sensible dégradation par rapport à l’année précédente. À l’appui de cette argumentation, la requérante souligne que le chiffre d’affaires relatif à l’année 2009 s’élevait à 8 600 000 euros, alors que celui au 30 septembre 2010 s’élevait à 6 905 402 euros. En outre, la requérante relève que l’accord moratoire repose sur l’existence du plan qui pour l’année 2010, prévoie un chiffre d’affaires de 12 016 000 euros. Par conséquent, le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé serait inférieur, d’un montant d’au moins 5 110 598 euros, aux prévisions du plan, ce qui représenterait un déficit d’environ 42,5 %.

47      Toutefois, ces informations ne sont pas décisives afin de prouver une absence de capacité financière de la requérante en vue de la constitution d’une garantie bancaire. En ce qui concerne le rapport entre le chiffre d’affaires de l’année 2010 et celui de l’année 2009, il convient de relever que le chiffre d’affaires pour l’année 2009 est relatif à une année complète, tandis que le chiffre d’affaires pour l’année 2010 se rapporte à neuf mois seulement. La comparaison proposée par la requérante ne peut dès lors être concluante s’agissant de la détermination de sa capacité financière en vue de la constitution d’une garantie bancaire.

48      En ce qui concerne la différence de 5 110 598 euros par rapport aux prévisions du plan, qui sous-tend l’accord moratoire, il suffit de relever que la requérante ne peut utilement se prévaloir des données relatives au chiffre d’affaires au 30 septembre 2010 afin de prouver qu’il existerait une contraction du chiffre d’affaires, correspondant à un montant de 5 110 598 euros, par rapport aux prévisions d’un plan annuel. En effet, un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 37, et Government of Gibraltar/Commission, précitée, point 101).

49      S’agissant de la viabilité financière de la société Tagar, la requérante se limite, dans ses observations en réponse aux observations de la Commission, à soumettre le bilan de l’année 2009 de cette société, en réitérant qu’elle est étrangère à la présente procédure. La requérante soutient que le principal poste de l’actif de la société Tagar est représenté par la valeur de la participation dans la requérante, valeur dont il est vraisemblable qu’elle sera nulle dans le bilan établi pour l’année 2010. À cet égard, la requérante souligne que, dans son rapport relatif au bilan 2009, le « conseil des commissaires » de la société Tagar a relevé que le maintien de la valeur de la participation dans le temps dépendra du succès des initiatives planifiées par la requérante. La requérante estime qu’à cause de l’écart entre le résultat de son exercice de 2010 et le plan, il sera nécessaire de procéder à la dévaluation de ses actions. Toutefois, comme relevé au point 48 ci-dessus, l’écart entre le résultat de l’exercice et le plan est de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains. Par conséquent, l’hypothèse d’une dévaluation des actions apparaît aléatoire. En tout état de cause, à supposer même que se réalisent des circonstances pouvant susciter une dévaluation des actions, l’impact négatif qui en résulterait affecterait uniquement la société Tagar, et non la capacité financière des personnes physiques qui détiennent des parts de cette société, capacité financière non octroyée par la requérante. Par conséquent, la requérante n’a pas prouvé l’incapacité financière de la société Tagar.

50      Enfin, en tout état de cause, pour autant que la requérante a également fait valoir que son existence serait compromise du fait du paiement de l’amende puisque les banques résilieraient l’accord moratoire, sans lequel elle ne pourrait pas survivre à la crise économique, il convient de constater qu’elle n’a pas démontré à suffisance de droit que ce paiement produira la résiliation de l’accord moratoire. En premier lieu, le rapport d’un expert, M. M., confirme qu’il n’existe pas un lien causal direct entre le paiement de l’amende et la résiliation de l’accord moratoire. Dans ses conclusions, l’expert suppose que, compte tenu du paiement de l’amende, les banques pourraient exercer leur droit à la résiliation, de sorte qu’une telle résiliation n’apparaît que potentielle. En second lieu, cet expert a soumis un tableau relatif au nouveau calcul des paramètres du plan, dans le cas d’un paiement de l’amende, par rapport au plafond imposé par les banques dans l’accord moratoire. Les données contenues dans ce tableau démontrent que, même en cas d’un paiement de l’amende, d’ici à 2014, il n’y aura pas de dépassement de ce plafond, mais seulement une réduction de la marge entre les deux coefficients. Par conséquent, les données présentées non seulement ne prouvent pas que le paiement de l’amende entraînerait la résiliation de l’accord moratoire, mais font également supposer que, de ce paiement, ne découlerait aucune conséquence qui compromettrait l’existence de la requérante. Il en découle que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’imminence du préjudice, laquelle, bien qu’elle ne doive pas être établie avec une certitude absolue, doit être prévisible avec un degré de probabilité suffisant, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

51      Dès lors que la condition de l’urgence n’est pas satisfaite, la présente demande en référé doit être rejetée sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions nécessaires à l’octroi du sursis à exécution sollicité.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 24 janvier 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.