Language of document : ECLI:EU:T:2015:513

Affaires T‑389/10 et T‑419/10

(publication par extraits)

Siderurgica Latina Martin SpA (SLM)
et

Ori Martin SA

contre

Commission européenne

« Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Fixation des prix, partage du marché et échange d’informations commerciales sensibles – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Infraction unique, complexe et continue – Prescription – Lignes directrices pour le calcul des amendes de 2006 – Imputation de la responsabilité de l’infraction à la société mère – Proportionnalité – Principe d’individualité des peines et des sanctions – Pleine juridiction »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 15 juillet 2015

1.      Concurrence – Procédure administrative – Prescription en matière de poursuites – Point de départ – Infraction continue ou continuée – Jour de cessation de l’infraction – Interruption – Demande de renseignements – Portée

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 25)

2.      Droit de l’Union européenne – Principes – Non‑rétroactivité des dispositions pénales – Champ d’application – Amendes infligées à raison d’une violation des règles de concurrence – Inclusion – Violation éventuelle en raison de l’application à une infraction antérieure à leur introduction des lignes directrices pour le calcul des amendes – Caractère prévisible des modifications introduites par les lignes directrices – Absence de violation

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 49, § 1 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communications de la Commission 98/C 9/03 et 2006/C 210/02)

3.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Détermination de la valeur des ventes – Calcul en fonction de la valeur des ventes des entreprises participant à l’infraction dans le secteur géographique concerné

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 13)

4.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Méthode de calcul définie par les lignes directrices arrêtées par la Commission – Individualisation de la peine à différents stades de la détermination du montant

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C  210/02, points 22, 27, 29, 36 et 37)

5.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Gravité de l’infraction – Droit d’entrée – Facteurs à prendre en considération – Exigence d’une individualisation de la sanction au stade initial de la détermination du montant de base – Absence

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, points 19 à 23 et 25)

6.      Concurrence – Procédure administrative – Décision de la Commission constatant une infraction – Preuve de l’infraction et de sa durée à la charge de la Commission – Portée de la charge probatoire – Degré de précision exigé des éléments de preuve retenus par la Commission – Faisceau d’indices – Contrôle juridictionnel – Portée – Décision laissant subsister un doute dans l’esprit du juge – Respect du principe de la présomption d’innocence

(Art 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 48, § 1 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 2)

7.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Circonstances atténuantes – Caractère indicatif des circonstances figurant dans les lignes directrices

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29)

8.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Circonstances atténuantes – Durée limitée de la participation d’une entreprise à l’infraction – Prise en compte – Limites

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29)

9.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Circonstances atténuantes – Comportement divergent de celui convenu au sein de l’entente – Participation réduite – Conditions

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29, al. 3)

10.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Respect des principes de proportionnalité et d’individualité des peines et des sanctions – Obligation d’individualisation de la peine en fonction des modalités de participation particulières à chaque entreprise incriminée – Absence d’individualisation suffisante – Conséquences

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

11.    Concurrence – Procédure administrative – Obligations de la Commission – Respect d’un délai raisonnable – Violation – Conséquences – Annulation de la décision constatant une infraction en raison d’une durée excessive de la procédure – Condition – Atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

12.    Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle‑ci – Caractère réfragable – Prise en compte dans le respect du principe de personnalité des peines

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

13.    Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle‑ci – Caractère réfragable – Violation du principe de responsabilité limitée résultant du droits des sociétés au sein de l’Union – Absence

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

14.    Recours en annulation – Recevabilité – Personnes physiques ou morales – Entreprise destinataire d’une communication des griefs n’en ayant pas contesté les éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative – Limitation de l’exercice du droit de recours – Absence

(Art. 6, § 1, TFUE, 101 TFUE et 263, al. 4, TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47)

15.    Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle‑ci – Obligations probatoires de la société désirant renverser cette présomption – Éléments insuffisants pour renverser la présomption

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

16.    Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Amendes – Infraction commise de propos délibéré ou par négligence – Imputabilité à une entreprise du comportement de ses organes – Conditions

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23)

17.    Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Acte produisant des effets juridiques obligatoires – Absence de prise de position de la Commission sur une demande visant au versement d’intérêts sur la partie excédentaire d’une amende déjà payée à la suite d’une décision initiale avant d’être remboursée du fait d’une décision modificative – Incompétence

(Art. 261 TFUE et 263 TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003)

18.    Concurrence – Amendes – Montant – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Compétence de pleine juridiction du juge de l’Union – Portée – Réduction du montant d’une amende infligée en violation du principe de proportionnalité – Prise en compte du principe d’individualité des peines

(Art. 261 TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3, et 31)

1.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 76‑81)

2.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 92‑107, 109)

3.      Lors de la détermination du montant d’amendes infligées pour infraction aux règles de la concurrence, en présence d’une infraction unique, au sens d’infraction complexe qui réunit un ensemble d’accords et de pratiques concertés sur des marchés distincts où les contrevenants ne sont pas tous présents ou peuvent n’avoir qu’une connaissance partielle du plan d’ensemble, les sanctions doivent être individualisées, en ce sens qu’elles doivent se rapporter aux comportements et aux caractéristiques propres aux entreprises concernées.

Ainsi, d’une part, pour déterminer le montant de l’amende en considération de la gravité et de la durée de l’infraction commise par une entreprise, il ne peut être tenu compte pour toute la durée de sa participation à l’entente de la valeur des ventes réalisées dans un État qui ne faisait pas l’objet des discussions intervenues en sa présence.

D’autre part, pour déterminer le montant de l’amende en considération de la gravité et de la durée de l’infraction commise par cette entreprise, lorsque les marchés de certains États membres ont fait l’objet de discussion en présence de cette entreprise, il ne peut être tenu compte pour toute la durée de sa participation à l’entente de la valeur des ventes réalisées dans ces États où ladite entreprise n’était pas initialement présente dès lors notamment qu’elle n’était pas autorisée à y commercialiser ses produits.

Dès lors, lorsqu’une entreprise n’a participé que de manière tardive et progressive à une infraction unique en se limitant essentiellement, dans un premier temps, aux arrangements conclus en ce qui concerne le marché d’un État membre, il appartient à la Commission de prendre en considération, lors du calcul du montant de l’amende, l’absence d’agréments permettant à ladite entreprise de vendre dans d’autres États membres avant une certaine date et l’absence d’élément permettant de considérer que cette entreprise pouvait être impliquée dans l’entente avant même qu’elle ne participe aux réunions.

(cf. points 140, 174, 178, 327)

4.      Dans le contexte d’une infraction unique aux règles de concurrence, le principe de proportionnalité implique que l’amende infligée par la Commission soit fixée proportionnellement aux éléments à prendre en compte tant pour apprécier la gravité objective de l’infraction, en tant que telle, que pour apprécier la gravité relative de la participation à l’infraction de l’entreprise sanctionnée.

La Commission doit notamment veiller à individualiser les peines par rapport à l’infraction en tenant compte de la situation particulière de chaque contrevenant. En pratique, l’individualisation de la peine par rapport à l’infraction peut s’effectuer à différents stades de la détermination du montant de l’amende.

Premièrement, la Commission peut reconnaître la particularité de la participation d’une entreprise à l’infraction au stade de l’appréciation de la gravité objective de l’infraction unique, au sens du point 22 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003.

Deuxièmement, la Commission peut reconnaître ladite particularité au stade de l’appréciation des circonstances atténuantes évoquées par le point 29 des lignes directrices au titre de l’appréciation globale de l’ensemble des circonstances pertinentes (voir point 27 desdites lignes directrices).

Troisièmement, la Commission peut reconnaître cette particularité à un stade ultérieur à celui de l’appréciation de la gravité objective de l’infraction ou des circonstances atténuantes invoquées par les entreprises concernées. Le point 36 des lignes directrices indique ainsi que la Commission peut, dans certains cas, imposer une amende symbolique et qu’elle peut également, comme indiqué au point 37 de ces lignes directrices, s’écarter de la méthodologie générale exposée pour la fixation du montant des amendes, au regard notamment des particularités d’une situation donnée.

(cf. points 141‑146, 314)

5.      Dans le cadre de la détermination du montant de base des amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence, les éléments pris en considération aux fins de l’appréciation du degré de gravité de l’infraction, tout comme ceux amenant la Commission à inclure dans l’amende un montant spécifique, indépendant de la durée de l’infraction, en vue même de dissuader les entreprises de s’engager dans des comportements illicites, portent sur l’infraction en général. Au regard de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, ce n’est qu’à un stade ultérieur que la Commission est amenée à ajuster le montant de base pour tenir compte d’éventuelles circonstances atténuantes, dont celle relative au rôle individuel de chaque entreprise. Ainsi, lorsque la Commission prend en considération les quatre facteurs mentionnés comme exemples au point 22 des lignes directrices, elle ne saurait être critiquée quand elle considère approprié d’inclure un montant spécifique, indépendant de la durée de l’infraction, dans le montant de base de l’amende. À cet égard, dans la mesure où les considérations relatives à l’examen sous l’angle de la motivation de la proportion retenue pour déterminer la valeur des ventes destinée à apprécier la gravité de l’infraction valent également quand il s’agit d’apprécier la motivation exposée pour justifier la proportion retenue pour déterminer le montant additionnel à visée dissuasive, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffit en tant que motivation concernant la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel.

(cf. points 186, 193, 261‑264)

6.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 215‑219, 223‑227, 233, 240‑249, 251)

7.      Le point 29 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement 1/2003 ne fait qu’énoncer, à titre indicatif et non limitatif, certaines circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, comme cela ressort de l’expression « telles que » qui y est utilisée.

(cf. point 271)

8.      Dans le cadre de la détermination du montant des amendes infligées pour une infraction à l’article 101 TFUE, la durée limitée de la participation d’une entreprise à l’infraction est un élément déjà pris en compte au stade de la détermination du montant de base de l’amende, qui tient compte de la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction.

En conséquence, s’il ne peut être exclu que, dans certaines hypothèses, une différence significative dans la durée de participation des différentes entreprises concernées puisse être prise en considération au titre des circonstances atténuantes, tel n’est pas le cas lorsque la participation d’une entreprise à l’infraction est suffisamment significative dans sa durée.

(cf. points 283, 285)

9.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 287, 288, 297‑300)

10.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 314‑320, 323, 324, 326‑328)

11.    En ce qui concerne la procédure administrative en matière de concurrence, le caractère raisonnable de la durée de cette procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle‑ci, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l’enjeu de l’affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité ainsi que, le cas échéant, d’informations ou de justifications que la Commission est susceptible d’apporter quant aux actes d’enquête diligentés au cours de la procédure administrative.

À cet égard, plusieurs facteurs peuvent expliquer la longueur d’une telle procédure. Il peut notamment s’agir de la durée de l’entente, de sa dimension géographique particulièrement étendue, de l’organisation de l’entente au niveau géographique et dans le temps, du nombre de réunions qui se sont tenues, du nombre d’entreprises concernées, du nombre de demandes de clémence et du volume particulièrement important de documents, fournis dans ce cadre ou obtenus au cours des inspections et établis dans diverses langues, qui ont dû être examinés par la Commission, des diverses demandes de renseignements complémentaires qui ont dû être adressées par la Commission aux différentes sociétés concernées au fur et à mesure de l’évolution de la compréhension de l’entente, du nombre de destinataires de la communication des griefs, du nombre de langues de procédure ainsi que des diverses demandes relatives à la capacité contributive.

Dans l’éventualité où la durée d’une procédure administrative serait constitutive d’une violation du principe du délai raisonnable, cette violation peut entraîner deux types de conséquences. D’une part, lorsque la violation du délai raisonnable a eu une incidence sur l’issue de la procédure, une telle violation est de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée. À cet égard, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que de décisions constatant des infractions et à la condition qu’il ait été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non‑respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement no 1/2003. Toutefois, le respect des droits de la défense revêtant une importance capitale dans les procédures administratives en matière de concurrence, il importe d’éviter que ces droits puissent être irrémédiablement compromis en raison de la durée excessive de la phase d’instruction et que cette durée soit susceptible de faire obstacle à l’établissement de preuves visant à réfuter l’existence de comportements de nature à engager la responsabilité des entreprises concernées. Pour cette raison, l’examen de l’éventuelle entrave à l’exercice des droits de la défense ne doit pas être limité à la phase même dans laquelle ces droits produisent leur plein effet, à savoir la seconde phase de la procédure administrative. L’appréciation de la source de l’éventuel affaiblissement de l’efficacité des droits de la défense doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle‑ci.

D’autre part, lorsque la violation du délai raisonnable est sans incidence sur l’issue de la procédure, une telle violation peut conduire le juge de l’Union, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à redresser de manière adéquate la violation résultant du dépassement du délai raisonnable de la procédure administrative en réduisant le cas échéant le montant de l’amende imposée.

(cf. points 336, 338‑342, 354, 355)

12.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 372‑384, 386, 387)

13.    En matière de concurrence, aux fins de l’imputation de la responsabilité de l’infraction à une société mère, la Commission peut invoquer la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante en considération du fait que la société mère détient la totalité ou la quasi‑totalité du capital de la filiale ayant commis l’infraction, sans qu’il lui soit nécessaire d’invoquer d’autres éléments à ce propos.

À cet égard, en retenant la responsabilité solidaire de la société mère, la Commission ne viole pas le principe de la responsabilité limitée résultant du droit des sociétés au sein de l’Union. En effet, la responsabilité limitée des sociétés vise essentiellement à établir un plafond à la responsabilité financière de celles‑ci, et non à empêcher qu’une entreprise ayant commis une infraction au droit de la concurrence soit sanctionnée au travers des entités juridiques qui la composent et, plus particulièrement, de la société qui a commis l’infraction et de sa société mère, en particulier si celle‑ci détient la quasi‑totalité du capital de sa filiale et qu’elle n’est pas en mesure de renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante sur cette dernière.

(cf. points 385, 388)

14.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 391‑393)

15.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 394‑400, 407‑409)

16.    En matière d’infraction aux règles de concurrence, l’imputation à une entreprise d’une infraction à l’article 101 TFUE ne suppose pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée de cette infraction, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise.

Ainsi, lorsque les représentants d’une filiale au sein d’une entente ont été valablement habilités par ladite filiale à engager l’entreprise, le fait que ces représentants n’aient exercé aucune fonction au sein de la société mère est indifférent, dès lors qu’ils étaient habilités à engager la filiale ayant pris part à l’infraction. Partant, le fait que ces personnes agissent de manière autonome n’est pas de nature à dégager la filiale et, par voie de conséquence, la société mère, de leur responsabilité.

(cf. points 410, 411)

17.    En l’absence de toute prise de position de la part de la Commission sur une demande d’une entreprise visant à se voir verser des intérêts sur la partie excédentaire de l’amende payée à la suite d’une décision initiale avant d’en être remboursée du fait d’une décision modificative, le juge de l’Union n’est pas compétent pour statuer sur les conclusions à fin d’injonction présentées par ladite entreprise à ce propos dans ses observations sur la décision modificative, une telle compétence ne ressortant notamment pas de l’article 263 TFUE ou de l’article 261 TFUE, lu conjointement avec l’article 31 du règlement no 1/2003.

Tel est notamment le cas lorsqu’une décision modificative qui a diminué le montant de l’amende infligée à une entreprise n’envisage pas la question du remboursement du trop‑perçu avec intérêt si cela est demandé par l’intéressée, que ladite entreprise n’a pas déposé de demande en ce sens à la Commission et que cette dernière n’a pas pris position sur une telle demande dans un acte susceptible de lui faire grief.

(cf. points 428‑430)

18.    La compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union, en application de l’article 261 TFUE, par l’article 31 du règlement no 1/2003 habilite ce dernier, au‑delà du simple contrôle de légalité des sanctions infligées pour infraction aux règles de concurrence, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, compte tenu de toutes les circonstances de fait, en modifiant notamment l’amende infligée lorsque la question du montant de celle‑ci est soumise à son appréciation.

La fixation d’une amende par le juge de l’Union n’est, par nature, pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas lié par les calculs de la Commission ni par les lignes directrices lorsqu’il statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. À cet égard, pour déterminer le montant de l’amende destinée à sanctionner la participation à une infraction unique, il résulte de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 qu’il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle‑ci, et il ressort du principe d’individualité des peines que la sanction doit tenir compte de la situation de chaque contrevenant à l’égard de l’infraction. Cela doit tout particulièrement être le cas s’agissant d’une infraction complexe et de longue durée du type de celle définie par la Commission dans la décision attaquée, qui se caractérise par l’hétérogénéité des participants.

(cf. points 432, 436, 437)