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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

25 avril 2024 (*)

« Référé – Marchés publics de services – Services techniques fournis au soutien des accords bilatéraux UE-Géorgie – Demande de mesures provisoires – Défaut de fumus boni juris »

Dans l’affaire T‑106/24 R,

Corporate & Public Management Consulting International OÜ, établie à Tallinn (Estonie), représentée par Me C. Ginter, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. S. Romoli et T. Van Noyen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

vu l’ordonnance du 23 février 2024, Corporate & Public Management Consulting International/Commission (T‑106/24 R, non publiée),

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, la requérante, Corporate & Public Management Consulting International OÜ, sollicite, en substance, d’une part, le sursis à l’exécution de la décision Ares(2024) 1081885 de la Commission, du 13 février 2024, relative à l’appel d’offres NEAR/TBS/2023/EA-RP/0125, intitulé « EU-Georgia European Union Integration, DCFTA implementation and SME Development Facility », rejetant l’offre de la requérante comme irrecevable (ci‑après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la suspension de la signature des contrats entre la Commission européenne et les autres soumissionnaires dans le cadre de ladite procédure de passation de marchés.

 Antécédents du litige et conclusions des parties

2        Le 14 juin 2023, la Commission a lancé l’appel d’offres restreint NEAR/TBS/2023/EA-RP/0125.

3        Cet appel d’offres a pour objet la fourniture de services techniques au soutien des accords bilatéraux entre l’Union européenne et la Géorgie.

4        La requérante, en consortium avec Ecorys Nederland BV, a déposé une offre dans le cadre de cette procédure d’appel d’offres.

5        Le 14 février 2024, la Commission a notifié à la requérante la décision attaquée. Selon cette décision, l’offre du consortium n’avait pas été retenue, au motif qu’elle n’était pas conforme aux exigences minimales spécifiées dans les documents de passation de marché, l’expert clé no 2 ne répondant pas aux exigences minimales fixées par le cahier des charges. En outre, la Commission a informé la requérante que le délai d’attente, c’est‑à‑dire le délai de dix jours au cours duquel le pouvoir adjudicateur s’abstient de signer le marché avec le soumissionnaire retenu, commencerait à courir à compter du lendemain de la date d’envoi de la notification en question et que, pendant ledit délai, la requérante pouvait soumettre ses observations.

6        Le même jour, la requérante a envoyé une lettre à la Commission pour demander la communication d’une motivation plus détaillée du rejet de son offre.

7        Le 20 février 2024, la Commission a répondu à cette lettre en expliquant que l’expert clé no 2 proposé ne remplissait pas la condition de dix ans minimum en tant que fonctionnaire et/ou conseiller et/ou consultant en matière de planification et de coordination des politiques au niveau de l’État. La Commission a également précisé que les références nos 2 et 9, relatives à l’expert clé no 2, ne pouvaient pas, en tout ou en partie, être prises en compte aux fins de satisfaire à ladite condition.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2024, la requérante a introduit un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision attaquée.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le Tribunal ait définitivement statué sur le recours principal ;

–        suspendre la signature des contrats entre la Commission et les autres soumissionnaires dans le cadre de la procédure de passation de marchés restreinte NEAR/TBS/2023/EA-RP/0125 jusqu’à ce que le Tribunal ait définitivement statué sur le recours principal ;

–        le cas échéant, suspendre l’exécution de ces contrats jusqu’à ce que le Tribunal ait définitivement statué sur le recours principal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 7 mars 2024, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rapporter l’ordonnance du 23 février 2024, Corporate & Public Management Consulting International/Commission (T‑106/24 R, non publiée), suspendant l’exécution de la décision attaquée jusqu’à l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé, avant même que le Tribunal ait statué à titre définitif sur la demande de mesures provisoires ;

–        rejeter la demande de mesures provisoires comme étant irrecevable et, en toute hypothèse, comme étant non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Considérations générales

11      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

12      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

13      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

14      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

15      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

16      Dans les circonstances de l’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

 Sur la condition relative au fumus boni juris

17      S’agissant de la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris, il y a lieu de rappeler qu’elle est remplie dès lors qu’il existe, au stade de la procédure de référé, une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée, de sorte que, à première vue, le recours n’est pas dépourvu de fondement sérieux. En effet, la finalité de la procédure de référé étant de garantir la pleine efficacité de la décision définitive à intervenir, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par les juridictions de l’Union, le juge des référés doit se borner à apprécier à première vue le bien‑fondé des moyens invoqués dans le cadre du litige au fond afin d’établir s’il existe une probabilité de succès du recours suffisamment grande (voir ordonnance du 8 avril 2014, Commission/ANKO, C‑78/14 P‑R, EU:C:2014:239, point 15 et jurisprudence citée).

18      À cet égard, à l’appui de la demande en référé, la requérante invoque deux moyens.

 Sur le premier moyen

19      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 168, paragraphe 6, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1) en rejetant son offre dans la mesure où elle a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de celle-ci.

20      Pour étayer cette affirmation, la requérante allègue que, lors de cette évaluation, la Commission a ignoré les faits relatifs à l’expert clé no 2 qui lui ont été présentés.

21      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

22      En l’espèce, pour remettre en cause l’appréciation que la Commission a effectuée lors de l’évaluation de l’offre en cause, la requérante se borne, en substance, à faire valoir que l’erreur de la Commission apparaîtrait clairement dans le cadre de la comparaison des exigences spécifiées dans les documents de passation de marché avec l’offre de la requérante.

23      Il y a lieu d’observer cependant que la requérante ne fournit aucun argument susceptible d’étayer son affirmation selon laquelle l’expert clé no 2 remplit les exigences prévues dans les documents de passation du marché et, en particulier, les exigences relatives à l’expérience professionnelle requise. Elle ne produit pas non plus, en annexe à sa demande en référé, les documents de passation du marché et son offre, ni ne cite les extraits pertinents de ceux-ci.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 156, paragraphe 5, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la demande en référé doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens et des arguments invoqués.

25      Il ressort de la jurisprudence qu’une demande en référé doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de ladite demande [ordonnances du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée, EU:C:2010:242, point 13, et du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, point 39].

26      En outre, compte tenu de la célérité qui caractérise, de par sa nature, la procédure de référé, il peut raisonnablement être exigé de la partie qui sollicite des mesures provisoires de présenter, sauf cas exceptionnels, dès le stade de l’introduction de sa demande, tous les éléments de preuve disponibles à l’appui de celle-ci, afin que le juge des référés puisse apprécier, sur cette base, le bien-fondé de ladite demande [ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 56 et jurisprudence citée].

27      Ne répond pas à ces exigences une demande en référé omettant d’exposer les éléments de fait et de preuve qui, d’une part, devraient y figurer en tant qu’éléments essentiels concernant les conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées et, d’autre part, pourraient être exposés dans cette demande, la partie requérante ne se trouvant pas dans l’impossibilité de les invoquer lors de l’introduction de ladite demande [voir, en ce sens, ordonnance du 11 novembre 2011, Nencini/Parlement, C‑530/10 P(R), non publiée, EU:C:2011:729, point 31].

28      Il y a lieu de constater que, les allégations formulées par la requérante dans le cadre du présent moyen étant extrêmement laconiques et dénuées de tout élément de preuve, la Commission n’est pas en mesure de préparer sa défense et le Tribunal n’est pas en mesure d’exercer son contrôle juridictionnel. Partant, les arguments présentés par la requérante dans le cadre du présent moyen doivent être écartés comme étant irrecevables au regard de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

 Sur le second moyen

29      La requérante fait valoir que, en rejetant son offre, la Commission a violé, de trois façons, l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

30      Premièrement, la Commission aurait méconnu le devoir de diligence en n’effectuant pas les vérifications nécessaires de son offre et en concluant que celle-ci n’était pas conforme au cahier des charges. Or, la requérante aurait produit toutes les informations nécessaires sur l’expert clé no 2, conformément audit cahier des charges.

31      Deuxièmement, la Commission aurait méconnu l’obligation de motivation, en ne présentant pas la justification adéquate de la décision attaquée. Les explications supplémentaires fournies par cette dernière par la suite, pendant les dix jours du délai d’attente, ne pourraient pas être prises en compte pour déterminer si elle s’est conformée à ladite obligation. Dès lors, le simple constat que l’expert clé no 2 ne répondait pas aux exigences minimales fixées par le cahier des charges ne serait pas suffisant pour motiver la décision attaquée, étant donné qu’au moins sept exigences sont énumérées dans ledit cahier des charges. La décision attaquée manquerait également de clarté et ne permettrait pas au Tribunal de déterminer si elle est proportionnée.

32      Troisièmement, la Commission aurait violé le droit de la requérante d’être entendue dans la mesure où cette dernière a été privée de la possibilité de faire connaître son point de vue avant le rejet de son offre. La requérante ajoute à cet égard qu’il serait inhabituel de la part de la Commission de ne pas poser des questions de clarification au soumissionnaire.

33      La Commission conteste les arguments de la requérante.

34      En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation du devoir de diligence, la requérante ne fournit aucun argument ou élément de preuve permettant de vérifier l’allégation selon laquelle elle aurait fourni à la Commission tous les éléments nécessaires concernant l’aptitude de l’expert clé no 2. Il n’est donc pas clair de savoir ce que la Commission aurait dû examiner pour satisfaire au devoir de diligence invoqué par la requérante. Il s’ensuit que l’argument tiré d’une prétendue violation de ce devoir doit être écarté comme étant irrecevable, conformément à l’article 76, sous d), du règlement de procédure et à la jurisprudence citée aux points 25 à 27 ci-dessus.

35      En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de relever que, selon l’article 170, paragraphe 2, du règlement 2018/1046, le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire les motifs du rejet de son offre.

36      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte attaqué, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 23 septembre 2009, Pologne/Commission, T‑183/07, EU:T:2009:350, point 136 et jurisprudence citée).

37      Il importe de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 73).

38      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. L’obligation de motivation doit effectivement être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (arrêt du 14 janvier 2015, Veloss International et Attimedia/Parlement, T‑667/11, non publié, EU:T:2015:5, point 56).

39      En l’espèce, eu égard à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, la réponse à la question de savoir si la Commission a satisfait aux exigences de l’obligation de motivation doit, à première vue, être examinée en tenant compte tant de la décision attaquée que de la lettre de la Commission du 20 février 2024, envoyée à la requérante en réponse à sa demande d’explications détaillées du rejet de son offre.

40      À cet égard, la requérante n’avance aucun argument ou aucun élément de preuve permettant de comprendre sur quels aspects la Commission aurait dû lui fournir une motivation plus détaillée que celle figurant dans la décision attaquée et la lettre du 20 février 2024.

41      En effet, il y a lieu de constater que, par la décision attaquée, la requérante a été informée que son offre n’était pas conforme aux exigences minimales spécifiées dans les documents de passation de marché, au motif que l’expert clé no 2 ne répondait pas aux exigences minimales fixées par le cahier des charges. La lettre de la Commission du 20 février 2024 précise que ledit expert clé ne remplissait pas la condition de dix ans minimum en tant que fonctionnaire et/ou conseiller et/ou consultant en matière de planification et de coordination des politiques au niveau de l’État. Elle identifie également les onze références permettant de satisfaire aux critères, en excluant la référence no 2 et en soulevant que, pour la référence no 9, un total de 193 jours sur les 1 100 jours proposés avait été calculé au cours desquels le candidat avait assumé les fonctions de conseiller politique.

42      Il s’ensuit que la Commission semble ainsi avoir communiqué à la requérante les motifs du rejet de son offre, à savoir que l’expert clé no 2 n’atteignait pas le seuil d’expérience professionnelle pertinent fixé par le cahier des charges, en identifiant, parmi les douze références, les deux qui ne satisfaisaient pas, en tout ou en partie, au critère pertinent. La requérante pouvait donc prendre connaissance, conformément aux exigences de l’article 170, paragraphe 2, du règlement 2018/1046, des éléments de fait et de droit sur la base desquels le pouvoir adjudicateur avait rejeté son offre.

43      Il ne saurait donc être conclu, à première vue, que la Commission aurait méconnu l’obligation de motivation de la décision attaquée.

44      En troisième lieu, s’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu, il ressort de la jurisprudence que ledit droit, énoncé à l’article 41 de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39 et jurisprudence citée).

45      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, d’une part, l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, s’applique également aux procédures de passation des marchés et, d’autre part, le soumissionnaire doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. Ce droit est assuré au moment du dépôt de son offre, ainsi que par la possibilité du soumissionnaire de demander des clarifications concernant les dispositions du cahier des charges. Partant, le fait que, après l’évaluation des offres, aucune étape ultérieure pour fournir des explications complémentaires n’est prévue ne saurait constituer une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2023, Instituto Cervantes/Commission, T‑376/21, sous pourvoi, EU:T:2023:331, point 149).

46      Par conséquent, en l’espèce, le fait que la Commission n’a pas, à l’issue de l’évaluation de l’offre de la requérante et avant la notification de la décision attaquée, mis cette dernière en mesure de faire connaître son point de vue au sujet de l’éventuel rejet de ladite offre, ne semble pas, à première vue, méconnaître le droit d’être entendu protégé par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

47      Il y a donc lieu de considérer que, à première vue, le droit de la requérante d’être entendue a été respecté.

48      Il y a lieu d’ajouter que la jurisprudence invoquée par la requérante au soutien de son argumentation (conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans les affaires jointes SECAP et Santorso, C‑147/06 et C‑148/06, EU:C:2007:711), d’une part, n’est pas applicable en l’espèce dès lors que ces affaires concernent le contexte spécifique des offres anormalement basses et, d’autre part, n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion formulée au point 46 ci-dessus.

49      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il serait inhabituel de la part de la Commission de ne pas poser des questions de clarification au soumissionnaire, la requérante n’avance aucun élément ou aucune circonstance, telle que la présence d’une erreur matérielle manifeste dans l’offre ou d’une inadvertance dans la présentation des pièces justificatives, qui aurait dû inciter la Commission à lui demander des informations manquantes ou de clarifier les pièces justificatives. Au contraire, la requérante se limite à émettre une affirmation vague et générale.

50      Dès lors, à première vue, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé son droit d’être entendue en s’abstenant notamment de lui demander des clarifications avant d’adopter la décision attaquée.

51      Il résulte de ce qui précède que le présent moyen n’est pas de nature à démontrer l’existence d’un fumus boni juris, ni a fortiori celle d’un fumus boni juris particulièrement sérieux au sens de l’ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits [C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 41].

52      À la lumière de tout ce qui précède, la requérante n’étant pas parvenue à établir l’existence d’un fumus boni juris, il convient de rejeter la présente demande en référé sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions visées aux points 12 et 13 ci‑dessus.

53      La présente ordonnance clôturant la procédure de référé, il y a lieu de rapporter l’ordonnance du 23 février 2024, Corporate & Public Management Consulting International/Commission (T‑106/24 R, non publiée), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, en vertu de laquelle il a été ordonné le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

54      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      L’ordonnance du 23 février 2024, Corporate & Public Management Consulting International/Commission (T106/24 R), est rapportée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 25 avril 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’anglais.