Language of document : ECLI:EU:T:2019:789

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 novembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque figurative de l’Union européenne représentant une silhouette humaine sur un écusson – Marque figurative de l’Union européenne représentant une silhouette humaine – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Pouvoir de réformation »

Dans l’affaire T‑149/19,

Société des produits Nestlé SA, établie à Vevey (Suisse), représentée par Mes A. Jaeger-Lenz, A. Lambrecht et C. Elkemann, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Jumbo Africa, SL, établie à L’Hospitalet de Llobregat (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 30 novembre 2018 (affaire R 876/2018-2), relative à une procédure d’opposition entre Jumbo Africa et la Société des produits Nestlé,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 19 juin 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 mars 2016, la requérante, la Société des produits Nestlé SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Soupes, concentrés de soupe, préparations pour faire des soupes, bouillon également sous forme de cubes, comprimés ou granulés, bouillons, concentrés de bouillon, préparations pour faire des bouillons, bouillon » ;

–        classe 30 : « Farines et préparations faites de céréales, pain, levure, pâtisserie ; riz, nouilles, pâtes ; aliments à base de riz, de farine ou de céréales, également sous forme de plats prêts à l’emploi ; pizzas ; sandwiches ; mélanges de pâte alimentaire et pâte préparée au four ; poudres pour gâteaux ; sauces, préparation pour faire des sauces ; sauce soja ; ketchup [sauce] ; arômes et assaisonnements pour aliments, épices comestibles, condiments, sauces à salade, mayonnaise ; moutarde ; vinaigres ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 73/2016, du 20 avril 2016.

5        Le 20 juillet 2016, Pasa Africa, SL, devenue Jumbo Africa, SL, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque figurative antérieure de l’Union européenne suivante :

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7        Cette marque désigne notamment des produits relevant des classes 29 et 30 et correspondant à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement 2017/1001].

9        Sur requête de la requérante déposée le 7 février 2017, sur le fondement de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’EUIPO a invité Jumbo Africa à apporter la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les produits sur lesquels l’opposition était fondée.

10      Le 3 juillet 2017, Jumbo Africa a présenté des éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure.

11      Le 12 mars 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition, sans se prononcer sur l’usage de la marque antérieure et en présumant que les produits en cause étaient identiques.

12      Le 14 mai 2018, Jumbo Africa a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 30 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours. Plus particulièrement, elle a considéré, compte tenu notamment du faible caractère distinctif de la marque antérieure et du degré moyen de similitudes visuelle et conceptuelle des marques en conflit, qu’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, serait établi si, comme l’avait présumé la division d’opposition, les produits en cause étaient regardés comme étant identiques. Elle a donc renvoyé l’affaire à la division d’opposition afin que celle-ci se prononce sur l’usage sérieux de la marque antérieure et la comparaison desdits produits.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter le recours formé contre la décision de la division d’opposition ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la procédure devant le Tribunal et condamner Jumbo Africa aux dépens de la procédure devant l’EUIPO.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier et le deuxième, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement 2017/1001 et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et de l’article 46, paragraphe 1, sous a), dudit règlement. Il convient d’examiner d’abord le troisième moyen.

17      La requérante soutient notamment, d’une part, que les marques en conflit ne sont pas similaires sur les plans visuel et conceptuel et, d’autre part, que la marque antérieure ne possède qu’un caractère distinctif faible. Elle fait ainsi valoir que l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 est exclue, y compris dans l’hypothèse où les produits en cause seraient regardés comme étant identiques. Elle reproche donc à la chambre de recours d’avoir considéré nécessaire de se prononcer sur la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure et de procéder à la comparaison des produits en cause.

18      L’EUIPO soutient que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les marques en conflit étaient moyennement similaires sur les plans visuel et conceptuel et que la marque antérieure possédait un caractère distinctif moyen. Par ailleurs, il fait valoir que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur l’existence d’un risque de confusion, celle-ci ayant renvoyé l’affaire à cette fin à la division d’opposition. Par conséquent, une éventuelle erreur relative à l’appréciation du degré de similitude des marques en conflit ne serait pas susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

19      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

20      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

21      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

22      En l’espèce, la chambre de recours n’a pas remis en cause l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle le public pertinent était composé du grand public dont le niveau d’attention était moyen. Cette appréciation n’est pas contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des produits en cause

23      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée]. Toutefois, en l’espèce, tant la division d’opposition que la chambre de recours se sont fondées sur l’hypothèse où les produits en cause seraient identiques.

 Sur la comparaison des marques en conflit

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la division d’opposition avait commis deux erreurs. Celle-ci aurait estimé, à tort, d’une part, que les marques en conflit ne présentaient qu’une faible similitude sur les plans visuel et conceptuel alors que cette similitude serait moyenne et, d’autre part, que la marque antérieure ne possédait qu’un caractère distinctif faible alors que celui-ci serait moyen. La chambre de recours a, en revanche, considéré que la division d’opposition avait, à juste titre, relevé que la comparaison desdites marques était impossible sur le plan phonétique.

26      La requérante soutient que les marques en conflit ne sont pas similaires sur les plans visuel et conceptuel. À cet égard, elle fait valoir que, dans la mesure où les silhouettes humaines ne présentent pas de caractère distinctif intrinsèque, la chambre de recours n’aurait pas dû tenir compte de la présence, en tant que telle, de silhouettes dans ces marques. Ainsi, s’agissant, premièrement, de la similitude visuelle, la chambre de recours aurait dû se concentrer sur les éléments distinctifs desdites marques qui étaient de nature à les différencier, à savoir le caractère stylisé et la direction de ces silhouettes ainsi que les couleurs et le contour desdites marques. S’agissant, deuxièmement, de la similitude conceptuelle, elle aurait dû considérer que tant la silhouette humaine que l’élément figuratif de la marque antérieure formant « un icône de vérification » indiquaient au public pertinent que les produits commercialisés sous cette marque étaient bons ou recommandés pour la santé alors que la marque demandée évoquait la notion de force.

27      L’EUIPO fait valoir, s’agissant de la similitude visuelle, que, compte tenu du caractère dominant des silhouettes humaines dans chacune des marques en conflit et du faible caractère distinctif des autres éléments de ces marques, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que lesdites marques étaient moyennement similaires malgré la présence, dans chacune de ces marques, de couleurs et d’éléments figuratifs différents.

28      S’agissant de la similitude conceptuelle, l’EUIPO considère que les marques en conflit contiennent des silhouettes humaines présentant des caractéristiques similaires, de sorte que ces marques sont moyennement similaires. À titre subsidiaire, il soutient que les concepts identifiés par la requérante, à savoir celui de produits bons pour la santé s’agissant de la marque antérieure et celui de force s’agissant de la marque demandée, sont également similaires.

 Sur les éléments distinctifs et dominants des marques en conflit

29      D’une part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les silhouettes humaines constituent l’élément dominant de chacune des marques en conflit. Toutefois, elle relève, à juste titre, que ces silhouettes sont susceptibles de représenter des personnes fortes ou en bonne santé. Dans ces conditions, dès lors que les produits en cause sont des produits alimentaires, ces silhouettes sont susceptibles d’indiquer, au public pertinent, que ces produits contribuent à rendre les personnes qui les consomment fortes ou en bonne santé. Dans la mesure où nombre d’aliments peuvent être regardés comme ayant de tels attributs, ces silhouettes ne sont pas nécessairement perçues, en tant que telles, comme indiquant l’origine commerciale desdits produits. Par conséquent, il convient de relever que le caractère distinctif desdites silhouettes est faible, de sorte que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que celui-ci était moyen.

30      D’autre part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas non plus l’appréciation de la chambre de recours, défendue par l’EUIPO, selon laquelle les autres éléments figuratifs des marques en conflit possèdent également un faible caractère distinctif.

 Sur la similitude visuelle des marques en conflit

31      S’agissant de la similitude visuelle, d’une part, il convient de rappeler que le fait qu’une marque soit enregistrée dans une couleur ou, au contraire, ne désigne aucune couleur en particulier ne peut pas être considéré comme un élément totalement négligeable aux yeux des consommateurs [arrêts du 9 avril 2014, Pico Food/OHMI – Sobieraj (MILANÓWEK CREAM FUDGE), T‑623/11, EU:T:2014:199, point 38, et du 18 mars 2015, Intermark/OHMI – Coca-Cola (RIENERGY Cola), T‑384/13, non publié, EU:T:2015:158, point 44]. Ainsi, il importe de relever, à la suite de la requérante et de l’EUIPO, que les éléments figuratifs de la marque antérieure sont noirs alors que la silhouette humaine et l’autre élément figuratif de la marque demandée représentant un écusson sont respectivement rouge et bleu.

32      D’autre part, il convient de relever que les éléments dominants des marques en conflit présentent des différences. En effet, la silhouette humaine de la marque antérieure représente un homme entier se portant debout et reposant sur un pied alors que les membres inférieurs de la silhouette humaine de la marque demandée ne sont pas représentés. En outre, les formes des autres éléments figuratifs ne sont pas similaires.

33      Dans ces conditions, et compte tenu du faible caractère distinctif des silhouettes humaines contenues dans chacune des marques en conflit, il convient de considérer, à l’instar de la requérante, que ces marques ne sont pas similaires sur le plan visuel. Par conséquent, il y a lieu de noter que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que lesdites marques étaient moyennement similaires sur ce plan.

 Sur la similitude conceptuelle des marques en conflit

34      S’agissant de la similitude conceptuelle, il convient de relever que, selon la requérante, d’une part, la marque antérieure est susceptible d’évoquer le concept de produits bons ou recommandés pour la santé et, d’autre part, la marque demandée est susceptible d’évoquer le concept de force.

35      À cet égard, ainsi que le relève, à juste titre, l’EUIPO, il convient de considérer que, dans la mesure où la force d’un individu peut être liée à sa santé, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les marques en conflit étaient moyennement similaires sur le plan conceptuel.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

36      Il convient de rappeler que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important. Donc, comme la protection d’une marque enregistrée dépend, selon l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de l’existence d’un risque de confusion, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18).

37      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la division d’opposition avait estimé, à tort, que le caractère distinctif de la marque antérieure était faible alors que, selon elle, celui-ci était moyen.

38      La requérante soutient que la marque antérieure possède un caractère distinctif faible au motif qu’elle indique au public pertinent que les produits commercialisés sous cette marque sont « bons » ou « recommandés » pour la santé. Elle fait ainsi valoir que, s’agissant des produits en cause, les silhouettes humaines ne sont, en principe, pas distinctives, à moins qu’elles soient fortement stylisées, ce qui serait le cas de la silhouette humaine de la marque demandée.

39      L’EUIPO soutient que, si la silhouette humaine de la marque antérieure devait être regardée comme présentant un faible caractère distinctif, il conviendrait de considérer que tant la marque antérieure que la marque demandée posséderaient un faible caractère distinctif. Or, dans la mesure où les silhouettes humaines présentes dans chacune des marques en conflit diffèrent de la représentation « classique » d’une silhouette humaine, il conviendrait de considérer que tant la marque antérieure que la marque demandée possèdent un caractère distinctif moyen.

40      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère distinctif élevé d’un signe joue un rôle par rapport à la marque antérieure et non par rapport à la marque postérieure [arrêts du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑133/09, EU:T:2012:327, point 18 ; du 17 septembre 2015, Bankia/OHMI – Banco ActivoBank (Portugal) (Bankia), T‑323/14, non publié, EU:T:2015:642, point 49, et du 29 mars 2017, J & Joy/EUIPO – Joy-Sportswear (J&JOY), T‑389/15, non publié, EU:T:2017:231, point 95]. Par conséquent, la circonstance que l’argument de la requérante impliquerait que la marque demandée serait faiblement distinctive n’est pas de nature à affecter l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure.

41      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 29 et 30 ci-dessus, tant la silhouette humaine que les autres éléments figuratifs de la marque antérieure possèdent un caractère distinctif faible. Dès lors qu’il n’existe pas d’indices concrets, tels que la manière dont les éléments sont combinés, qui indiqueraient que la marque antérieure, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée, il convient de considérer que la marque antérieure possède un caractère distinctif faible. Par conséquent, il y a lieu de noter que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que cette marque possédait un caractère distinctif moyen.

 Sur le risque de confusion

42      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

43      La chambre de recours a considéré que le risque de confusion serait établi si les produits en cause devaient être regardés comme étant identiques.

44      La requérante soutient que la chambre de recours aurait nécessairement dû considérer que le risque de confusion était exclu compte tenu de l’absence de similitude entre les marques en conflit, ou le cas échéant, de la faible similitude entre ces marques.

45      L’EUIPO rétorque que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur l’existence du risque de confusion. Celle-ci se serait, au contraire, contentée de considérer qu’un tel risque ne pouvait être exclu, compte tenu de la similitude des marques en conflit, sans pour autant procéder à une analyse de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment de la similitude des produits en cause. Il fait ainsi valoir que, même si la chambre de recours avait commis une erreur d’appréciation de la similitude des marques en conflit, il conviendrait de rejeter le recours.

46      Premièrement, il convient, certes, de relever que la chambre de recours, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, ne s’est pas prononcée, de manière définitive, sur l’existence, en l’espèce, d’un risque de confusion. Toutefois, elle a considéré qu’un tel risque serait établi si les produits en cause devaient être regardés comme étant identiques.

47      Deuxièmement, il convient de rappeler que la simple association entre deux marques que pourrait faire le public pertinent par le biais de la concordance de leur contenu sémantique ne suffit pas en elle-même pour conclure à l’existence d’un risque de confusion au sens de la disposition visée (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 26). Or, compte tenu du faible caractère distinctif de la marque antérieure et de l’absence de similitude visuelle, il y a lieu de considérer, contrairement à la chambre de recours, que le risque de confusion ne serait pas établi en dépit du niveau d’attention moyen du public pertinent et du degré moyen de similitude conceptuelle, y compris dans l’hypothèse où les produits en cause devaient être regardés comme étant identiques.

48      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et de l’article 46, paragraphe 1, sous a), de ce règlement.

49      Dans la mesure où la requérante conclut, outre à l’annulation de la décision attaquée, à la réformation de cette dernière, il convient de rappeler que l’exercice du pouvoir de réformation reconnu au Tribunal peut s’exercer dans les situations dans lesquelles celui-ci, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72). En l’espèce, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 46 ci-dessus, la chambre de recours a apprécié l’existence d’un risque de confusion dans l’hypothèse où les produits en cause devaient être regardés comme étant identiques. D’autre part, ainsi qu’il résulte au point 47 ci-dessus, le risque de confusion ne saurait être établi en l’espèce, même dans cette hypothèse, de sorte que la chambre de recours était tenue de rejeter le recours formé auprès de l’EUIPO par Jumbo Africa et mentionné au point 12 ci-dessus. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante, il convient, conformément aux premier et deuxième chefs de conclusions de celle-ci, d’annuler la décision attaquée et de rejeter, par réformation de cette décision, ledit recours.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

51      Par ailleurs, la requérante a conclu à ce que Jumbo Africa soit condamnée aux dépens de la procédure devant l’EUIPO. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, dans la mesure où les conclusions de la requérante visent les frais afférents à la procédure devant la division d’opposition, elles ne pourraient être accueillies au titre cette disposition.

52      En outre, à supposer que les conclusions de la requérante puissent être interprétées comme tendant à l’annulation ou la réformation de la décision de la division d’opposition en ce qui concerne les frais exposés devant cette dernière, il convient de relever que celle-ci a déjà condamné Jumbo Africa au montant visé à la règle 94, paragraphe 7, sous d), ii), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1). Dans ces conditions, et alors que la requérante ne soutient pas que le montant de cette condamnation aurait été insuffisant, il n’y a pas lieu de statuer sur de telles conclusions.

53      Par conséquent, il y a lieu de condamner Jumbo Africa à supporter les seuls frais indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 novembre 2018 (affaire R 876/2018-2) est annulée.

2)      Le recours formé auprès de l’EUIPO par Jumbo Africa, SL, est rejeté.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Société des produits Nestlé SA aux fins de la procédure devant le Tribunal.

4)      Jumbo Africa supportera les frais indispensables exposés par la Société des produits Nestlé aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

5)      Le recours est rejeté pour le surplus.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.