Language of document : ECLI:EU:T:2004:329

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
10 novembre 2004 (1)

« Marque communautaire – Marque tridimensionnelle – Forme d'un bonbon – Motifs absolus de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Caractère distinctif acquis par l'usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l'affaire T-396/02,

August Storck KG, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes H. Wrage-Molkenthin, T. Reher, A. Heise et I. Rohr, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. B. Müller et G. Schneider, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l'OHMI, du 14 octobre 2002 (affaire R 187/2001-4), refusant l'enregistrement d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme d'un bonbon de couleur marron clair,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),



composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2002,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 avril 2003,

à la suite de l'audience du 16 juin 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 30 mars 1998, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé porte sur une forme tridimensionnelle représentant un bonbon de couleur marron clair, reproduite ci-après :

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3
Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Confiseries ».

4
Par décision du 25 janvier 2001, l’examinateur a rejeté la demande au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En outre, il a considéré que la marque en cause n’avait pas acquis de caractère distinctif par l’usage.

5
Le 14 février 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l’examinateur. Dans ce recours, la requérante a demandé que la décision de l’examinateur soit partiellement réformée et que la marque soit admise à la publication pour les « confiseries, à savoir les bonbons au caramel ». Dans le mémoire du 14 mai 2001, exposant les motifs de son recours, la requérante a, en revanche, demandé l’annulation de la décision de l’examinateur dans son ensemble et, à titre subsidiaire, a indiqué « qu’il conv[enait] de restreindre la liste des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque [était] sollicité aux ‘bonbons au caramel’ si l’enregistrement de la marque [était] refusé en raison d’un manque de caractère distinctif, […] tant inhérent [à la marque] qu’acquis du fait de l’utilisation de la marque, pour les confiseries ».

6
Par décision du 14 octobre 2002 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante par télécopie le 18 octobre 2002 et par courrier recommandé le 31 octobre 2002, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et qu’elle ne pouvait pas non plus être enregistrée en application de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

7
En substance, la chambre de recours a estimé que la combinaison de forme et de couleur de la marque dont l’enregistrement a été demandé ne permettait pas intrinsèquement de fournir d’indication quant à l’origine du produit en cause, à savoir les confiseries. En outre, elle a estimé que les éléments avancés par la requérante ne prouvaient pas que la marque demandée ait acquis un caractère distinctif à l’égard, notamment, de bonbons au caramel, après l’usage qui avait été fait de ladite marque.


Procédure et conclusions des parties

8
Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2003, la requérante a demandé, conformément à l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, l’autorisation de déposer un mémoire en réplique, autorisation qui n’a pas été accordée par le président de la quatrième chambre du Tribunal.

9
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’OHMI aux dépens.

10
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


Sur l’objet du litige

Arguments des parties

11
La requérante, sans se référer expressément à l’objet du présent litige, critique la décision attaquée en relevant que, à la suite de la limitation qu’elle soutient avoir apportée à la liste des produits visés par la demande de marque par les conclusions subsidiaires figurant dans son mémoire du 14 mai 2001, le seul marché pertinent, en l’espèce, serait le marché particulier du « bonbon au caramel » et non celui du « bonbon en général ».

12
L’OHMI soutient que, eu égard, d’une part, à l’objet de la demande de la requérante, qui visait l’enregistrement de la marque en cause pour les « confiseries » et, d’autre part, au caractère contradictoire des chefs de conclusions présentés par la requérante dans son recours devant la chambre de recours et dans son mémoire exposant les motifs dudit recours (voir point 5 ci-dessus), c’est à juste titre que la chambre de recours a interprété la formulation contradictoire des chefs de conclusions de la requérante en ce sens que la décision de l’examinateur était attaquée dans son intégralité. En effet, poursuit-il, dans la mesure où l’examinateur a rejeté la demande pour les « confiseries » en général et non pour les « confiseries, à savoir les caramels » ou les « caramels », la requérante ne pouvait pas limiter la portée de son recours à ce dernier objet, la décision de l’examinateur étant à cet égard « indivisible ».

13
Par ailleurs, selon l’OHMI, la limitation de la liste des produits, telle que proposée par la requérante, à titre subsidiaire, dans son mémoire du 14 mai 2001, n’a aucune incidence sur la procédure. En effet, la requérante ne saurait limiter, à titre subsidiaire, sa liste de produits pour le cas où elle succomberait sur son principal chef de conclusions [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753].

14
Par conséquent, l’OHMI fait valoir que l’objet du litige devant la chambre de recours était le rejet de la demande de marque de la requérante pour des confiseries (classe 30) et que l’objet du litige dans la présente procédure est la décision attaquée, rendue par la chambre de recours, laquelle aurait correctement examiné le rejet de la demande d’enregistrement de la marque.

Appréciation du Tribunal

15
Il ressort des dispositions des articles 57 à 61 du règlement n° 40/94 que les décisions des examinateurs sont susceptibles de recours devant la chambre de recours et que toute partie à une procédure ayant conduit à une décision de l’examinateur peut recourir contre cette décision pour autant que cette dernière n’a pas fait droit à ses prétentions. Aux termes de la règle 48, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), l’acte de recours doit comporter un certain nombre de renseignements, dont « une déclaration indiquant la décision attaquée et précisant dans quelle mesure cette décision doit être réformée ou annulée ».

16
En l’espèce, il est constant que l’examinateur a rejeté la demande de marque de la requérante pour l’ensemble des produits visés par celle-ci, à savoir les « confiseries » relevant de la classe 30. La requérante a limité la portée de son recours introduit le 14 février 2001 devant la chambre de recours, en ne contestant le rejet de sa demande de marque qu’en tant qu’il portait sur des « confiseries, à savoir les bonbons au caramel ». Elle a ainsi demandé que la décision de l’examinateur soit partiellement réformée et que la publication de sa demande d’enregistrement soit autorisée pour des « confiseries, à savoir les bonbons au caramel ». Toutefois, dans son mémoire du 14 mai 2001 exposant les motifs de son recours, la requérante a envisagé, à titre principal, l’annulation de la décision de l’examinateur dans son ensemble et elle a indiqué, à titre subsidiaire, qu’il y avait lieu de restreindre la liste des produits visés par la marque déposée aux seuls « bonbons au caramel » si l’enregistrement de la marque était refusé en raison d’un manque de caractère distinctif, tant inhérent à la marque qu’acquis du fait de l’utilisation de la marque, pour « les confiseries ». Selon la requérante, il serait tout simplement impossible de nier que la forme de la marque proposée à l’enregistrement a acquis, concernant les bonbons au caramel, un caractère distinctif suffisant de par son utilisation.

17
La chambre de recours a considéré, au point 6 de la décision attaquée, que le recours visait, à titre principal, la réformation de la décision de l’examinateur et la publication de la demande de marque de la requérante pour les « confiseries », sans restriction, au motif que la marque demandée serait distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, et, à titre subsidiaire, le caractère enregistrable de la marque, notamment pour les « caramels », en raison du caractère distinctif qu’elle aurait acquis par l’usage. Après avoir examiné les moyens du recours, la chambre de recours l’a rejeté dans son ensemble comme non fondé.

18
Dans ses conclusions, ainsi que dans certains passages de sa requête devant le Tribunal, la requérante vise l’annulation de la décision attaquée dans son ensemble. Néanmoins, dans certains autres passages de la requête (voir, notamment, points 20, 21 et 30), la requérante relève que, eu égard à la limitation de la liste des produits qu’elle avait envisagée dans son mémoire du 14 mai 2001, l’unique produit désormais visé par sa demande serait le bonbon au caramel. Dès lors, la chambre de recours aurait commis une erreur en ne distinguant pas le marché du bonbon au caramel de celui du bonbon en général en vue de l’appréciation du caractère distinctif de la marque.

19
À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, le demandeur peut à tout moment retirer sa demande de marque communautaire ou limiter la liste de produits ou de services qu’elle contient. Ainsi, la faculté de limiter la liste de produits et de services appartient uniquement au demandeur d’une marque communautaire, qui peut, à tout moment, adresser une demande en ce sens à l’OHMI. Dans ce contexte, le retrait, entier ou partiel, d’une demande de marque communautaire ou la limitation de la liste des produits ou services qu’elle contient doivent être réalisés de façon expresse et non conditionnelle (voir, en ce sens, arrêt ELLOS, précité, points 60 et 61).

20
En l’espèce, ce n’est qu’à titre subsidiaire que la requérante a proposé la limitation de la liste des produits visés par la demande de marque aux « bonbons au caramel », à savoir seulement si la chambre de recours devait envisager de rejeter cette demande pour l’ensemble des produits visés par celle-ci (c’est-à-dire les « confiseries »). La requérante n’a donc pas restreint la liste des produits de façon expresse et non conditionnelle et, dès lors, la limitation en question ne saurait être prise en considération (voir, en ce sens, arrêt ELLOS, précité, point 62).

21
Par ailleurs, selon la jurisprudence, une limitation de la liste des produits ou des services désignés dans une demande de marque communautaire doit être réalisée selon certaines modalités particulières, sur requête en modification de la demande présentée conformément à l’article 44 du règlement n° 40/94 et à la règle 13 du règlement n° 2868/95 [arrêts du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 13, et du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI − Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, non encore publié au Recueil, point 30].

22
Or, ces modalités n’ont pas été respectées en l’espèce, la requérante ayant simplement procédé à une indication subsidiaire dans son mémoire du 14 mai 2001 quant à la limitation des produits en cause, sans présenter en ce sens de requête en modification de la demande de marque, conformément aux dispositions précitées.

23
Dans ces conditions, le présent recours doit être interprété comme tendant à l’annulation de la décision attaquée pour violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce qui concerne l’ensemble des produits visés par la marque demandée (c’est-à-dire les « confiseries »), et pour violation de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, en ce qui concerne lesdits produits et, notamment, les caramels.


Sur la recevabilité des preuves produites pour la première fois devant le Tribunal

24
Les documents annexés à la requête qui n’avaient pas été analysés par la chambre de recours, à savoir les résultats d’un sondage effectué sur entretien en 1997, en Allemagne, concernant la forme du bonbon « Werther’s Echte », produits pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être pris en considération étant donné que le recours devant le Tribunal vise le contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94. Dans ces circonstances, la fonction du Tribunal n’étant pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui, il convient d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire [arrêts du Tribunal du 18 février 2004, Koubi/OHMI − Flabesa (CONFORFLEX), T‑10/03, non encore publié au Recueil, point 52, et du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, non encore publié au Recueil, point 52, et la jurisprudence citée].


Sur le fond

25
À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés d’une violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

26
La requérante soutient que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, la marque demandée possède le minimum de caractère distinctif requis, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

27
À cet égard, elle fait valoir, tout d’abord, que l’appréciation erronée de la chambre de recours réside dans une mauvaise définition du marché à prendre en considération. Dans la mesure où la requérante aurait envisagé une limitation de la liste des produits visés par la demande d’enregistrement de la marque, le seul marché pertinent en l’espèce serait le marché particulier du « bonbon au caramel » et non celui du « bonbon en général ». En effet, le segment du marché des caramels présenterait des caractéristiques qui le distingueraient des autres bonbons. Le choix d’un type de bonbon (par exemple, les bonbons gélifiés, aux fruits ou au chocolat) ou d’un autre (par exemple, les bonbons au goût « prononcé » comme ceux à forte teneur en menthol) serait déterminé par les besoins et les goûts différents des consommateurs. Il s’ensuivrait qu’un bonbon au caramel ne saurait être assimilé à n’importe quel autre bonbon. Ces différentes caractéristiques que le consommateur prendrait en considération lors de la décision d’achat auraient des répercussions sur la forme des différents bonbons, de sorte que ni la chambre de recours ni le Tribunal ne pourraient tirer de conclusions quant à l’existence d’un caractère commun de la forme des bonbons au caramel qu’après avoir différencié les consommateurs achetant ce type de bonbons.

28
Ensuite, la requérante prétend que, dans sa combinaison spécifique et unique de forme et de couleur, la marque demandée est tout à fait de nature à permettre de distinguer les bonbons de la requérante de ceux d’autres fabricants. À cet égard, elle soutient que ladite marque serait plus qu’une combinaison d’éléments non protégeables. En effet, la forme de base de la marque demandée ne serait pas un cercle, mais une ellipse avec face inférieure plate, bords bombés et une surface caractérisée par un creux circulaire au milieu. Il s’agirait dès lors d’une forme atypique sur le marché du bonbon au caramel et très sophistiquée par rapport aux autres formes de bonbons (bonbons ronds, rectangulaires, carrés, en forme de lingot ou sans forme particulière). De surcroît, la forme en question n’aurait pas de rôle fonctionnel et sa configuration ne serait ni imposée par des contraintes techniques impératives ni usuelle.

29
L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante et soutient que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, et ce même dans l’hypothèse où il serait effectivement possible de limiter l’objet du litige aux caramels.

Appréciation du Tribunal

30
Conformément à l’article 4 du règlement n° 40/94, la forme d’un produit ou de son conditionnement est susceptible de constituer une marque communautaire, à condition qu’elle soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. En outre, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». L’article 7, paragraphe 2, du même règlement précise que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

31
Il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon la jurisprudence, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont, notamment, celles qui, du point de vue du public pertinent, sont communément utilisées, dans le commerce, pour la présentation des produits ou des services concernés ou à l’égard desquelles il existe, à tout le moins, des indices concrets permettant de conclure qu’elles sont susceptibles d’être utilisées de cette manière. Par ailleurs, les signes visés par cette disposition sont incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du Tribunal Tablette ovoïde, précité, point 39 ; du 20 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 29 ; du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, non encore publié au Recueil, point 28, et Forme d’une bouteille de bière, précité, point 18].

32
Partant, le caractère distinctif d’une marque ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 8 avril 2003, Linde e.a., C‑53/01 à C‑55/01, Rec. p. I‑3161, point 41 ; du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, non encore publié au Recueil, point 50, et Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, non encore publié au Recueil, point 34 ; du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, non encore publié au Recueil, point 35 ; Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, non encore publié au Recueil, point 33, et Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, non encore publié au Recueil, point 33 ; arrêts Tablette ovoïde, précité, point 40; Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré, précité, point 30, et Forme d’une bouteille, précité, point 29).

33
S’agissant de la première analyse susvisée, il y a lieu de rappeler que le signe revendiqué est constitué par l’apparence du produit lui-même, à savoir par la représentation d’un bonbon de forme ovale et de couleur marron clair, caractérisé par des bords bombés, un enfoncement circulaire au centre et une face intérieure plane.

34
En ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé en l’espèce, à savoir les confiseries, « s’adressent à une clientèle potentiellement illimitée, toutes classes d’âge confondues » et sont « des produits alimentaires de masse, le public concerné étant [...] celui de tous les consommateurs » (point 11 de la décision attaquée). Il y a donc lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêts de la Cour Linde e.a., précité, point 41 ; Koninklijke KPN Nederland, précité, point 34 ; Henkel/OHMI, précité, point 35 ; Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, précité, point 33, et Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, précité, point 33 ; arrêts Tablette ovoïde, précité, point 42 ; Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré, précité, point 31, et Forme d’une bouteille, précité, point 33).

35
Il convient de relever, en second lieu, que, selon la jurisprudence, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, point 48, et Linde e.a., précité, points 42 et 46 ; arrêts Tablette ovoïde, précité, point 44 ; Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré, précité, point 32 ; Forme d’une bouteille, précité, point 35 , et Forme d’une bouteille de bière, précité, point 22).

36
Néanmoins, il y a lieu de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle constituée par l’apparence du produit lui-même que dans le cas d’une marque verbale, figurative ou tridimensionnelle qui n’est pas constituée par cette apparence. En effet, alors que le public a l’habitude de percevoir, immédiatement, ces dernières marques comme des signes identificateurs du produit, il n’en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l’apparence du produit lui-même (voir, par analogie, arrêts de la Cour Linde e.a., précité, point 48 ; du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 65 ; Henkel, précité, point 52 ; Henkel/OHMI, précité, point 38 ; Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, précité, point 36, et Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, précité, point 36 ; arrêts Tablette ovoïde, précité, point 45, et Forme d’une bouteille de bière, précité, point 23).

37
Il est également de jurisprudence constante que la perception de la marque par le public concerné, en l’occurrence le consommateur moyen, est influencée par son niveau d’attention, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêts Tablette ovoïde, précité, point 42, et Forme d’une bouteille, précité, point 34).

38
Dans ces conditions, pour apprécier si la combinaison de la forme et de la couleur du produit en cause peut être perçue par le public comme une indication d’origine, il y a lieu d’analyser l’impression d’ensemble produite par cette combinaison, ce qui n’est pas incompatible avec un examen successif des différents éléments de présentation utilisés [arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 49 et Tablette ovoïde, précité, point 54], à savoir la forme et la couleur revendiquées.

39
En l’espèce, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, s’agissant de produits de consommation largement répandus, comme ceux en cause dans la présente affaire, « le consommateur n’attachera pas beaucoup d’attention à la forme et à la couleur des confiseries » et que, dès lors, « il est improbable que le choix du consommateur moyen soit dicté par la forme du bonbon » (point 12 de la décision attaquée).

40
En outre, la chambre de recours a démontré à suffisance de droit qu’aucune des caractéristiques de forme de ladite marque, prise seule ou en combinaison avec les autres, ne possède de caractère distinctif. À cet égard, elle a, tout d’abord, estimé que, « [p]resque ronde, la forme en question, évoquant un cercle […], est une forme géométrique de base » et que le consommateur moyen a « l’habitude de rencontrer des confiseries, y compris des bonbons, de forme ronde (circulaire, ovale, elliptique ou cylindrique) ». En ce qui concerne, ensuite, les bords supérieurs bombés du bonbon, elle a considéré que « les bonbons ont des bords bombés, quelle que soit leur configuration », et ce pour des raisons fonctionnelles. Pour ce qui est, enfin, de l’enfoncement circulaire au centre du bonbon et de sa face intérieure plane, la chambre de recours a conclu que « ces éléments n’altèrent pas substantiellement l’impression d’ensemble produite par la forme » et que, dès lors, « [i]l est improbable que le consommateur concerné soit attentif à ces deux caractéristiques au point de les percevoir comme lui [indiquant] une certaine origine commerciale » (point 13 de la décision attaquée).

41
Quant à la couleur du produit en cause, à savoir le marron ou les différents tons de celui-ci, la chambre de recours a également relevé qu’il s’agissait d’une « couleur usuelle pour des bonbons » (point 13 de la décision attaquée). En effet, il y a lieu de constater que le public concerné est habitué à la présence de cette couleur pour les confiseries.

42
Il s’ensuit que la forme tridimensionnelle dont l’enregistrement a été demandé est une forme géométrique de base figurant parmi les formes venant naturellement à l’esprit du consommateur pour des produits de consommation courante, tels que les bonbons.

43
Dans ces conditions, l’argument de la requérante tiré de l’existence de différences prétendument considérables entre la forme et la couleur de la marque demandée et celles des autres confiseries doit être écarté.

44
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la marque tridimensionnelle demandée est constituée par une combinaison d’éléments de présentation venant naturellement à l’esprit et qui sont typiques des produits concernés. En effet, la forme en cause ne se différencie pas substantiellement de certaines formes de base des produits concernés, qui sont communément utilisées dans le commerce, mais elle apparaît plutôt comme une variante de celles-ci. Les différences alléguées n’étant pas facilement perceptibles, il s’ensuit que la forme en cause ne se distingue pas suffisamment d’autres formes communément utilisées pour les bonbons et qu’elle ne permettra pas au public pertinent de distinguer de façon immédiate et certaine les bonbons de la requérante de ceux ayant une autre origine commerciale.

45
Dès lors, la marque demandée ne peut, telle qu’elle est perçue par un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, permettre d’individualiser les produits concernés et les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale. Partant, elle est dépourvue de caractère distinctif par rapport à ces produits.

46
Par conséquent, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

Arguments des parties

47
La requérante estime que la marque demandée doit, en toute hypothèse, être admise à l’enregistrement du fait qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage dans le marché des caramels. L’usage de la marque ressortirait des chiffres d’affaires élevés qu’elle génère, des frais publicitaires engagés pour la promouvoir et des résultats des différents sondages sur la connaissance de la marque que la requérante a produits devant l’OHMI.

48
La requérante affirme que, sur le marché des confiseries, l’utilisation non seulement du nom de ces dernières, mais également de leur forme, en tant qu’indicateur d’origine, est une pratique répandue. Elle fait observer que c’est pour cette raison que, sur les emballages, à savoir les sachets portant l’inscription « Werther’s Original » (« Werther’s Echte »), la marque demandée est toujours intentionnellement représentée accompagnée de ses éléments particulièrement caractéristiques, à savoir l’enfoncement frappé d’une empreinte au centre du bonbon et les bords arrondis de ce dernier. Cette utilisation ne pourrait être réduite à une illustration du contenu de l’emballage dépourvue d’indication d’origine. En effet, les marques tridimensionnelles ayant une double fonction, à savoir la représentation de la marque et du produit, il serait impossible de distinguer strictement entre les deux, puisque la marque correspond toujours au produit. Or, la chambre de recours aurait méconnu en l’espèce cette double fonction de la marque.

49
Enfin, le fait de voir et de lire sur l’emballage d’autres marques et descriptions du produit serait sans incidence sur la représentation, en tant que marque, de la forme du produit. En effet, il serait tout à fait possible d’utiliser plusieurs marques simultanément côte à côte pour un produit, et ce particulièrement pour les produits qui ne seraient identifiés que par la marque tridimensionnelle. Le public reconnaîtrait une marque tridimensionnelle indépendamment des informations relatives au produit. Par conséquent, les développements de la chambre de recours sur la représentation de la marque ne seraient pas convaincants.

50
L’OHMI, se référant aux critères d’appréciation du caractère distinctif d’une marque acquis par l’usage, dégagés par la jurisprudence, considère que la marque demandée ne peut être admise à l’enregistrement sur la base de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

51
Selon l’OHMI, c’est à juste titre que l’examinateur et la chambre de recours sont parvenus à la conclusion que les éléments de preuve soumis par la requérante n’étaient pas suffisants pour établir que la marque demandée avait acquis, concernant les caramels, un caractère distinctif par l’usage.

52
D’une part, les seuls chiffres d’affaires produits par la requérante, pour les années 1994 à 1998, ne permettraient pas d’évaluer la part de marché et seraient donc insuffisants. En effet, dans le cas de produits de masse comme ceux de l’espèce, le critère déterminant serait la part de marché et non de simples chiffres de vente, lesquels ne suffiraient pas pour prouver que la marque est connue.

53
D’autre part, les frais publicitaires, d’un montant de 27 729 000 marks allemands (DEM), que la requérante aurait engagés en 1998 pour le bonbon « Werther’s Original » dans plusieurs États membres de l’Union européenne, ne seraient pas non plus probants. En effet, il ne serait nullement possible, au vu du tableau produit par la requérante à l’appui de cette allégation, concernant ses dépenses pour la promotion du bonbon en question pour les années 1994 à 1998, de déterminer à quel titre les frais qu’il mentionne ont été exposés, à savoir pour le signe « Werther’s Original », pour la forme du bonbon ou pour un autre signe.

54
Enfin, les sondages effectués dans sept États membres de l’Union européenne et en Norvège feraient référence aux signes « WERTHER’S », « Werther’s Original » ou « W.O » et ne comprendraient aucune référence à la forme en cause. Dès lors, la preuve que la requérante a réussi à faire connaître du public la forme du bonbon en question n’aurait nullement été apportée. Par ailleurs, il ne suffirait pas de prouver l’usage d’une certaine forme de produit pour que trouve à s’appliquer l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, mais il faudrait, de surcroît, démontrer que les circonstances dudit usage sont telles que la forme en question revêt le caractère d’une marque (arrêt Philips, précité, point 65).

Appréciation du Tribunal

55
En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. En effet, dans l’hypothèse visée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le fait que le signe constituant la marque en question est effectivement perçu, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale d’un produit ou d’un service est le résultat d’un effort économique du demandeur de la marque. Cette circonstance justifie d’écarter les considérations d’intérêt général sous-jacentes au paragraphe 1, sous b) à d), du même article, lesquelles exigent que les marques visées par ces dispositions puissent être librement utilisées par tous, afin d’éviter de créer un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur économique (arrêt Forme d’une bouteille de bière, précité, point 41).

56
En premier lieu, il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Toutefois, les circonstances dans lesquelles la condition liée à l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage peut être regardée comme satisfaite ne sauraient être uniquement établies sur la base de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 52, et Philips, précité, points 61 et 62 ; arrêt Forme d’une bouteille de bière, précité, point 42).

57
En deuxième lieu, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le caractère distinctif acquis par l’usage d’une marque doit être démontré dans la partie de l’Union européenne où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), dudit règlement [arrêts du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, point 27, et Forme d’une bouteille de bière, précité, points 43 et 47].

58
En troisième lieu, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation, dans un cas d’espèce, de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, de facteurs tels que, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles. Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une fraction significative de ceux-ci, identifient grâce à la marque le produit comme provenant d’une entreprise déterminée, on doit en conclure que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 pour l’enregistrement de la marque est remplie (arrêts Windsurfing Chiemsee, précité, points 51 et 52 ; Philips, précité, points 60 et 61, et Forme d’une bouteille de bière, précité, point 44).

59
En quatrième lieu, selon la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque, y compris celui acquis par l’usage, doit, également, être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et en tenant compte de la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits ou des services en cause normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt Philips, précité, points 59 et 63).

60
C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, dans la présente affaire, la chambre de recours a commis une erreur de droit en écartant l’argumentation de la requérante tirée de ce que la marque demandée aurait dû être admise à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

61
Premièrement, les arguments de la requérante tirés des données sur les chiffres de vente et sur les frais publicitaires élevés engagés pour promouvoir le bonbon au caramel « Werther’s Original » (« Werther’s Echte ») ne sont pas de nature à démontrer que la marque demandée a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

62
En effet, si la chambre de recours a reconnu que les chiffres d’affaires et les données relatives aux frais publicitaires attestaient que le type de bonbon en cause était largement répandu sur le marché, elle a néanmoins considéré que ces informations ne constituaient pas la preuve, pourtant essentielle, que le signe demandé était utilisé en tant que marque tridimensionnelle pour désigner les bonbons de la requérante (point 16 de la décision attaquée).

63
Aux points 17 à 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a justifié cette appréciation de la manière suivante :

« 17.
La requérante a présenté des échantillons de ses sachets en matière plastique servant de conditionnement à ses bonbons en soutenant que la forme qui s’y trouve reproduite constitue une ‘référence centrale et un point de repère’ pour le consommateur. D’après elle, cet usage serait la preuve que la forme fait l’objet d’une publicité en tant que marque du produit et que c’est dans ce sens qu’elle sera perçue par le consommateur. La chambre de recours se voit obligée de réfuter ce point de vue. En effet, il y a une discordance entre les déclarations de la requérante et la manière dont les bonbons apparaissent globalement sur le sachet.

18.
S’il est bien exact que les bonbons de forme brune tels que les a présentés la requérante apparaissent sur le conditionnement, il convient néanmoins d’examiner la finalité de cette reproduction. Il ne peut s’agir d’un examen abstrait. Au contraire, il doit envisager la manière probable dont le consommateur moyen perçoit la reproduction des bonbons telle qu’elle figure sur le conditionnement.

19.
Or, confronté à un sachet de bonbons de la requérante, le consommateur en question aperçoit tout d’abord le nom ‘Werther’s Original’ qui, écrit en lettres de grande taille, occupe presque la moitié du sachet et est entouré d’éléments additionnels tels qu’un petit signe ovale portant le nom ‘Storck’ et le dessin stylisé d’un petit village en dessous duquel on peut lire ‘Traditional Werther’s Quality’ [la qualité du Werther traditionnel]. La moitié inférieure du sachet montre une photo en couleurs représentant environ quinze bonbons pêle-mêle et leur légende : ‘The classic candy made with real butter and fresh cream’ [le bonbon classique au beurre et à la crème fraîche].

20.
D’après les déclarations de la requérante, cette illustration correspond à la marque tridimensionnelle dont elle a sollicité l’enregistrement. Or, la chambre de recours conteste le bien-fondé de cette position. La manière dont les bonbons sont représentés sur le sachet n’est pas conforme à la manière traditionnelle de représenter une marque sur un produit. Il lui semble que la finalité de cette représentation est (plutôt) d’illustrer le contenu du sachet. En effet, contrairement aux allégations de la requérante, le sachet ne montre pas une forme, mais une image réaliste d’un tas de bonbons non emballés. Il est à noter que cette représentation ne vise pas à mettre en exergue les caractéristiques dont la requérante estime qu’elles confèrent à la marque un caractère distinctif (l’enfoncement central, la face inférieure plane et les bords bombés). C’est pour cette raison que la chambre de recours considère qu’il y a une discordance entre la manière dont les bonbons sont représentés sur l’emballage et l’allégation selon laquelle cette représentation serait une marque tridimensionnelle et serait perçue comme telle par le consommateur moyen. L’appréciation de la chambre de recours l’amène plutôt à juger probable que le consommateur verra uniquement l’image des bonbons comme une illustration du contenu du sachet. Illustrer les emballages sous une forme attrayante pour montrer l’aspect du produit ou les possibilités de le servir est un procédé largement répandu, dans l’industrie des produits alimentaires, y compris dans l’industrie des confiseries, et il est dicté plus par la mercatique des produits que par le souci d’identifier les produits à l’aide de marques. La chambre de recours estime dès lors que l’image ne remplit pas la fonction d’une marque, mais qu’elle sert uniquement à illustrer le produit. La phrase accompagnant l’image, à savoir ‘The classic candy made with real butter and fresh cream’, confirme encore que telle sera la perception probable d’un acheteur de bonbons raisonnablement attentif. En effet, la phrase et l’image se complètent : la phrase décrit la nature des bonbons et l’image les montre. La chambre de recours concède à la requérante qu’un produit peut porter plusieurs marques en même temps. Il n’empêche qu’à son avis, fondé sur l’aspect des sachets servant de conditionnement aux bonbons de la requérante, la reproduction des bonbons sur ces derniers n’est pas conforme à la reproduction d’une marque.

21.
Des considérations développées dans ce qui précède, force est de conclure que les chiffres d’affaires et les données chiffrées sur les frais publicitaires produits à titre de preuve prouvent certes que les bonbons ‘Werther’s’ sont mis en vente sur le marché, mais pas que leur forme aurait été utilisée en tant que marque […] »

64
Il n’y a pas lieu de remettre en cause les considérations qui précèdent. Le matériel publicitaire produit par la requérante ne contient aucune preuve de l’usage de la marque telle qu’elle a été demandée. En effet, sur toutes les images produites, la représentation de la forme et de la couleur revendiquées est accompagnée de signes verbaux et figuratifs. Partant, ce matériel ne saurait constituer la preuve de ce que le public concerné perçoit la marque demandée, en tant que telle et indépendamment des marques verbales et figuratives dont elle est accompagnée dans la publicité et lors de la vente des produits, comme indiquant l’origine commerciale des produits concernés (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille de bière, précité, point 51).

65
Par ailleurs, il convient de relever que la requérante elle-même indique dans sa requête que le bonbon en question n’est pas vendu en vrac, mais dans un sachet de conditionnement où chaque bonbon est, en outre, emballé séparément. Il s’ensuit que, lors de la décision d’achat, le consommateur moyen ne saurait être confronté directement à la forme du bonbon en cause lui permettant d’attribuer à celle-ci une fonction d’indicateur d’origine.

66
La même conclusion s’impose, deuxièmement, quant aux sondages soumis par la requérante à l’appréciation de la chambre de recours, pour démontrer le caractère distinctif de la marque demandée acquis par l’usage. En effet, il résulte clairement du point 21, in fine, de la décision attaquée que la connaissance du bonbon commercialisé par la requérante, en tant que marque, a été établie non pas sur la base de la forme en cause, mais sur la base de son appellation « Werther’s ».

67
Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la requérante n’avait pas démontré que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif résultant de l’usage qui en avait été fait, ni pour les bonbons au caramel ni pour les confiseries en général.

68
Par conséquent, il convient de rejeter également le second moyen ainsi que le recours dans son ensemble.


Sur les dépens

69
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la partie défenderesse.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Tiili

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

H. Legal


1
Langue de procédure : l'allemand.