Language of document : ECLI:EU:T:2004:337

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
23 novembre 2004 (1)

« Organisation commune du marché vitivinicole – Règlement (CEE) n° 2499/82 – Aide communautaire – Recours en annulation – Recours en carence – Recours en indemnité »

Dans l'affaire T-166/98,

Cantina sociale di Dolianova Soc. coop. rl, établie à Dolianova (Italie),

Cantina Trexenta Soc. coop. rl, établie à Senorbì (Italie),

Cantina sociale Marmilla – Unione viticoltori associati Soc. coop. rl, établie à Sanluri (Italie),

Cantina sociale S. Maria La Palma Soc. coop. rl, établie à Santa Maria La Palma (Italie),

Cantina sociale del Vermentino Soc. coop. rl Monti-Sassari, établie à Monti (Italie),

représentées par Mes C. Dore et G. Dore, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. F. Ruggeri Laderchi et Mme A. Alves Vieira, puis par Mme Alves Vieira et M. L. Visaggio, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, respectivement et alternativement, en application des articles 173 et 175 du traité CE (devenus, le cas échéant après modification, articles 230 CE et 232 CE), à l'annulation de la lettre de la Commission du 31 juillet 1998, portant refus de verser directement aux requérantes des aides à la distillation préventive pour la campagne viticole 1982/1983, et à la constatation d'une carence illicite de la Commission ou, subsidiairement, en application de l'article 178 du traité CE (devenu article 235 CE), à la réparation du préjudice prétendument subi par les requérantes du fait du comportement de la Commission,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et N. J. Forwood, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite des audiences du 14 septembre 2000 et du 10 février 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
Le règlement (CEE) n° 337/79 du Conseil, du 5 février 1979, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 54, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2144/82 du Conseil, du 27 juillet 1982 (JO L 227, p. 1), prévoit à son article 11, paragraphe 1, qu’une distillation préventive des vins de table et des vins aptes à donner du vin de table peut être ouverte à chaque campagne viticole.

2
Selon le sixième considérant du règlement n° 2144/82, en vue d’améliorer le revenu des producteurs concernés, il est apparu approprié de leur assurer, sous certaines conditions, un prix minimal garanti pour le vin de table et, à cette fin, de prévoir notamment la possibilité pour le producteur de livrer le vin de table de sa propre production à la distillation au prix minimal garanti ou d’accéder à toute autre mesure appropriée à décider.

3
Le 15 septembre 1982, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 2499/82, établissant les dispositions relatives à la distillation préventive pour la campagne viticole 1982/1983 (JO L 267, p. 16).

4
L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose que les producteurs qui désirent faire distiller leurs vins au titre de l’article 11 du règlement n° 337/79 doivent conclure des contrats de livraison avec un distillateur agréé et les présenter à l’organisme d’intervention national. L’article 1er, paragraphe 3, de ce même règlement, tel que modifié, énonce que ces contrats ne produisent leurs effets au titre dudit règlement que s’ils ont été agréés au plus tard le 20 mars 1983 par l’organisme d’intervention de l’État membre dans lequel se trouvait le vin au moment de la conclusion du contrat.

5
L’article 21, paragraphe 1, du règlement n° 2499/82, tel que modifié, faisait obligation aux États membres de communiquer à la Commission, au plus tard le 15 avril 1983, les quantités de vin figurant dans les contrats de distillation agréés.

6
Aux termes de l’article 4 du règlement n° 2499/82, le vin ne peut être distillé qu’après l’agrément du contrat ou de la déclaration dont il a fait l’objet.

7
L’article 5, paragraphe 1, de ce même règlement fixe le prix minimal d’achat des vins livrés à la distillation.

8
Selon le huitième considérant du règlement n° 2499/82, ce prix ne permet normalement pas une commercialisation aux conditions du marché des produits obtenus par la distillation. Par conséquent, le règlement a prévu un mécanisme de compensation caractérisé par le versement, par l’organisme d’intervention, d’une aide dont le montant est défini à l’article 6, premier et deuxième alinéas, dudit règlement.

9
Aux termes du onzième considérant de ce règlement, il convenait de prévoir que le prix minimal assuré aux producteurs leur soit versé, en règle générale, dans des délais leur permettant d’en tirer un bénéfice comparable à celui qu’ils auraient obtenu s’il s’était agi d’une vente commerciale. Dans ces conditions, il est apparu indispensable d’avancer le plus possible le versement des aides dues pour la distillation en cause, tout en garantissant par un régime de caution approprié le bon déroulement des opérations. Pour permettre à la mesure d’atteindre pleinement son but dans les États membres, il importait de prévoir également des modalités de versement des aides et des avances adaptées aux régimes administratifs des différents États membres.

10
L’article 8 du règlement n° 2499/82 prévoit que, pour le paiement du prix minimal d’achat des vins et pour le versement de l’aide de la part de l’organisme d’intervention, les États membres peuvent appliquer, au choix, l’une ou l’autre des procédures visées aux articles 9 et 10 du même règlement. La République italienne a décidé d’appliquer sur son territoire la procédure visée à l’article 9.

11
L’article 9 du règlement n° 2499/82 énonce:

« 1. Le prix minimal d’achat visé à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, est payé par le distillateur au producteur au plus tard quatre-vingt-dix jours après l’entrée dans la distillerie [de la quantité totale de vin ou, le cas échéant, de chaque lot de vin].

2. L’organisme d’intervention verse au distillateur, au plus tard quatre-vingt-dix jours après la présentation de la preuve que la quantité totale du vin figurant dans le contrat a été distillée, l’aide visée à l’article 6

[...]

Le distillateur est tenu de fournir à l’organisme d’intervention la preuve qu’il a payé le prix minimal d’achat visé à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, dans le délai visé au paragraphe 1 [...] Si cette preuve n’est pas fournie dans les cent vingt jours suivant la date de présentation de la preuve visée au premier alinéa, les montants versés sont récupérés par l’organisme d’intervention [...] »

12
L’article 10 de ce même règlement énonce:

« 1. Au plus tard trente jours après l’entrée dans la distillerie [de la quantité totale de vin ou, le cas échéant, de chaque lot de vin], le distillateur verse au producteur au moins la différence entre le prix minimal d’achat visé à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, et l’aide visée à l’article 6, paragraphe 1.

2. Au plus tard trente jours après la présentation de la preuve que la quantité totale du vin figurant dans le contrat a été distillée, l’organisme d’intervention verse au producteur l’aide visée à l’article 6 [...] »

13
L’article 11 du règlement n° 2499/82, tel que modifié, dispose:

« 1. Le distillateur, dans le cas visé à l’article 9, ou le producteur, dans le cas visé à l’article 10, peut demander qu’un montant égal à l’aide visée à l’article 6, premier alinéa, lui soit versé à titre d’avance à condition qu’une caution égale à 110 % dudit montant soit constituée au nom de l’organisme d’intervention.

2. Cette caution est constituée sous forme d’une garantie donnée par un établissement répondant aux critères fixés par l’État membre dont relève l’organisme d’intervention.

3. L’avance est versée au plus tard quatre-vingt-dix jours après la présentation de la preuve de la constitution de la caution et, en tout cas, après la date à laquelle le contrat ou la déclaration a été agréé.

4. Sous réserve de l’article 13, la caution visée au paragraphe 1 n’est libérée que si, au plus tard le 29 février 1983, la preuve est apportée,

que la quantité totale de vin figurant dans le contrat a été distillée,

et, si l’avance a été versée au distillateur, que celui-ci a payé au producteur le prix minimal d’achat visé à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa [...]

Toutefois, si les preuves visées au premier alinéa sont apportées après la date fixée audit alinéa mais avant le 1er juin 1984, le montant à libérer est égal à 80 % de la caution, la différence restant acquise.

Si ces preuves ne sont pas apportées avant le 1er juin 1984, la caution reste acquise en totalité. »

14
Selon l’article 13 du règlement n° 2499/82, lorsque, dans un cas fortuit ou pour des raisons de force majeure, la totalité ou une partie du vin ne peut être distillée, le distillateur ou le producteur en informe sans délai l’organisme d’intervention. Dans ce cas, cet organisme verse l’aide prévue à l’article 6 pour la quantité de vin qui a été effectivement distillée.

15
Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 352/78 du Conseil, du 20 février 1978, concernant l’attribution des cautions, cautionnements ou garanties constitués dans le cadre de la politique agricole commune et restant acquis (JO L 50, p. 1), les cautions restées acquises sont portées dans leur totalité en diminution des dépenses du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) par les services ou organismes payeurs des États membres.


Faits à l’origine du litige

16
Les requérantes, des coopératives viticoles, sont producteurs de vin en Sardaigne (Italie). Dans le cadre de la distillation préventive pour la campagne 1982/1983, elles ont conclu des contrats de livraison de vin avec une distillerie agréée, la Distilleria Agricola Industriale de Terralba (ci-après la « DAI »). Ces contrats ont été agréés par l’Azienda di Stato per gli Interventi nel Mercato Agricolo (l’organisme d’intervention italien, ci-après l’« AIMA »), conformément aux dispositions de l’article 1er du règlement n° 2499/82.

17
Il ressort des factures mentionnant expressément le montant de la « prime de l’AIMA » (« premio AIMA » ou « premio comunitario, a carico della AIMA ») comprise dans le prix minimal d’achat fixé par le règlement n° 2499/82 et à payer par la DAI pour le vin livré en vue de la distillation préventive au titre de la campagne 1982/1983, produites par les requérantes, que le montant de l’aide communautaire s’élevait à 169 328 945 lires italiennes (ITL) pour un prix minimal d’achat de 247 801 380 ITL, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) incluse, pour le vin livré par la Cantina sociale di Dolianova (facture du 18 avril 1983), à 102 145 631 ITL pour un prix minimal d'achat de 149 483 181 ITL, TVA incluse, pour le vin livré par la Cantina Trexenta (facture du 30 avril 1983), à 346 391 958 ITL pour un prix minimal d’achat de 506 921 061 ITL, TVA incluse, pour le vin livré par la Cantina sociale Marmilla (facture du 28 février 1983), à 215 084 906 ITL pour un prix minimal d’achat de 316 505 762 ITL, TVA incluse, pour le vin livré par la Cantina sociale Santa Maria La Palma (factures du 30 mars 1983 et du 20 avril 1983) et à 33 908 702 ITL pour un prix minimal d’achat de 54 812 419 ITL, TVA incluse, pour le vin livré par la Cantina sociale del Vermentino (facture du 10 mai 1983).

18
Selon les informations fournies par les requérantes et non contestées par la Commission, le vin a été livré entre les mois de janvier et de mars 1983 et la distillation est intervenue dans le délai prescrit par les dispositions de l’article 4 du règlement n° 2499/82. Le délai prévu par l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement pour le paiement du prix minimal d’achat du vin par le distillateur a expiré au mois de juin 1983, les dernières livraisons de vin ayant été effectuées au mois de mars 1983.

19
Le 22 juin 1983, la DAI a demandé à l’AIMA de procéder, en application de l’article 11 du règlement n° 2499/82, au versement anticipé de l’aide communautaire pour le vin qui avait été livré, notamment par les requérantes, et distillé. À cette fin, la DAI a constitué la caution prescrite, égale à 110 % du montant de l’aide, au moyen d’une police émise par l’Assicuratrice Edile SpA (ci-après l’ « Assedile ») en faveur de l’AIMA. Cette caution s’élevait à 1 169 040 262 ITL.

20
Le 10 août 1983, l’AIMA a procédé au versement, à titre d’avance sur l’aide communautaire, d’un montant de 1 062 763 876 ITL en faveur de la DAI, conformément à l’article 11 du règlement n° 2499/82.

21
En raison de difficultés financières, la DAI s’est abstenue de payer, selon le cas en totalité ou en partie, les producteurs, dont les requérantes, qui avaient livré le vin destiné à la distillation.

22
Le 17 octobre 1983, la DAI a demandé l’admission à la procédure de l’administration contrôlée prévue par la législation italienne sur les faillites. La juridiction saisie par la suite, à savoir le Tribunale d’Oristano (Italie) ayant fait droit à cette demande, la DAI a suspendu l’ensemble de ses paiements, y compris ceux restant dus aux producteurs qui lui avaient livré le vin.

23
Tout en étant informée de l’ouverture de cette procédure, l’AIMA a demandé à la DAI la restitution de l’aide communautaire, déduction faite des sommes régulièrement versées aux producteurs susvisés, au motif que la DAI ne lui avait pas fourni dans le délai prescrit par l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2499/82 la preuve du paiement aux autres producteurs du prix minimal d’achat de vin dans le délai de quatre-vingt-dix jours après l’entrée dans la distillerie prévu par l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement. À défaut de restitution de cette aide par la DAI, l’AIMA a demandé à l’Assedile de lui verser le montant de la caution.

24
Sur demande de la DAI, le Pretore de Terralba (Italie) a rendu, le 26 juillet 1984, une ordonnance de référé interdisant à l’Assedile de payer la caution à l’AIMA. Il a imparti à la DAI un délai de soixante jours pour engager une action au fond.

25
Au mois de septembre 1984, la DAI a engagé une telle action devant le Tribunale civile de Rome (Italie). Elle a notamment conclu à ce que ledit tribunal constate que les producteurs étaient les destinataires en dernier ressort de la caution, dans la limite des sommes restant à leur verser, et, subsidiairement, que les droits de l’AIMA pourraient tout au plus s’exercer sur le montant résiduel du prix que la DAI n’avait pas encore versé aux producteurs. Elle a fait valoir, en l’occurrence, qu’elle avait payé aux producteurs environ la moitié du montant de l’avance qui lui avait été versée par l’AIMA, sans cependant affirmer devant le tribunal – ainsi que ce dernier le relève dans son jugement du 27 janvier 1989 – avoir effectué ces versements dans le délai prescrit par le règlement n° 2499/82 (voir point 30 ci-après). Elle a suggéré de saisir la Cour de questions préjudicielles en interprétation des règlements communautaires applicables. Aucune inexécution ne lui aurait été imputable, en raison de l’impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée d’exécuter l’intégralité des paiements. Elle a soutenu que la caution était destinée à garantir le paiement du prix minimal d’achat aux producteurs, au prorata de la production livrée, en cas d’inexécution de ses obligations par le distillateur. Elle a relevé que, selon les dispositions communautaires en vigueur, si l’aide était reversée à l’AIMA, elle devrait être restituée à l’organe communautaire compétent. Les chances des producteurs, titulaires d’un droit subjectif au versement de l’aide, seraient ainsi compromises en raison du fait d’autrui (c’est-à-dire du fait d’une personne autre que la DAI).

26
L’Assedile et l’AIMA se sont constituées parties défenderesses, et les producteurs concernés – à savoir les requérantes, une autre coopérative viticole et un consortium de coopératives viticoles – sont intervenus dans cette procédure.

27
Il ressort du jugement du 27 janvier 1989 du Tribunale civile de Rome que, selon l’AIMA, sur les douze contrats d’achat de vin conclus par la DAI et agréés conformément aux dispositions de l’article 1er du règlement n° 2499/82, la DAI a uniquement fourni la preuve, dans les termes indiqués par la réglementation communautaire, du paiement du prix minimal d’achat à trois producteurs, pour un montant total de 111 602 075 ITL. L’AIMA a conclu que, à l’exception de ces trois producteurs, la DAI n’avait pas payé le prix minimal d’achat aux producteurs, qu’elle n’avait en tout état de cause pas prouvé que ce paiement était intervenu dans le délai prescrit par l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2499/82 et, enfin, qu’elle n’avait pas fourni cette preuve dans le délai prescrit par l’article 9, paragraphe 2, dudit règlement. L’AIMA a souligné que, dans ce contexte, « la caution lui restait, aux termes de l’article 11 du règlement précité, acquise en totalité et qu’en conséquence les producteurs impayés ne pouvaient faire valoir leurs droits qu’à l’encontre de la distillerie […] ». Elle a dès lors présenté une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de l’Assedile à lui verser la caution à concurrence d’un montant de 1 047 084 185 ITL, augmenté des intérêts.

28
Les parties intervenantes à la procédure devant le Tribunale civile de Rome se sont ralliées à la thèse de la DAI (voir point 25 ci-dessus). Elles ont soutenu que les sommes faisant l’objet de la caution constituée par l’Assedile leur revenaient au prorata du vin livré. Elles ont dès lors demandé au Tribunale civile de Rome de dire pour droit que l’Assedile était tenue de leur verser le montant de leurs créances impayées à l’égard de la DAI, augmenté de la réévaluation monétaire et des intérêts, et, à titre subsidiaire, que l’AIMA était tenue de leur verser ces sommes. En particulier, les requérantes ont indiqué que le montant de leurs créances impayées, résultant des contrats agréés conformément aux dispositions du règlement n° 2499/82, s’élevait à 106 571 589 ITL pour la Cantina sociale di Dolianova, à 79 483 181 ITL pour la Cantina Trexenta, à 506 921 061 ITL pour la Cantina sociale Marmilla, à 192 954 189 ITL pour la Cantina sociale Santa Maria La Palma et à 54 812 419 ITL pour la Cantina sociale del Vermentino.

29
Entre-temps, par jugement du 27 février 1986, le Tribunale d’Oristano a prononcé la faillite de la DAI.

30
Dans son jugement du 27 janvier 1989, le Tribunale civile de Rome a constaté:

« En définitive, le règlement [...] n° 2499/82 confère le droit aux aides à condition que les délais et conditions rigoureusement fixés soient respectés, le non-respect de ces délais et conditions entraînant la récupération partielle ou totale de l’aide versée par anticipation.

Les distillateurs sont ─ selon la procédure adoptée par [la République italienne] [la procédure prévue par l’article 9 du règlement n° 2499/82] ─ les destinataires de l’aide tandis que les producteurs de vin et de raisin en sont les destinataires en dernier ressort.

Il ressort de ce qui précède que le règlement en cause est aisé à interpréter et qu’il n’est pas nécessaire de déférer une question préjudicielle à la Cour de justice.

[...]

Pour ce qui est des rapports entre l’Assedile et l’AIMA, [la police de caution émise par l’Assedile] prévoit, à l’article 2 des conditions générales d’assurance, que l’Assedile garantit à l’AIMA, à concurrence du montant assuré (soit 1 169 040 262 ITL), le remboursement des sommes qui lui seraient éventuellement dues par la partie contractante [DAI] en restitution totale ou partielle de l’avance versée par l’AIMA au cas où serait constatée l’inexistence du droit à l’aide exceptionnelle à la distillation pour la totalité ou une partie des quantités figurant dans la demande de versement anticipé ou sur le contrat de distillation.

De son côté, l’article 3 prévoit que l’AIMA doit adresser la demande de restitution de la somme indûment perçue à la DAI, laquelle est tenue de verser la somme réclamée dans un délai de quinze jours. Si, au terme de ce délai, la demande est restée sans effet, l’AIMA peut demander le versement de ladite somme à la compagnie [Assedile], laquelle est tenue d’effectuer ce versement dans un délai de quinze jours après réception de la demande sans pouvoir opposer aucune exception.

Aux termes de l’article 4, la compagnie [Assedile] est subrogée, dans les limites du montant payé, dans tous les droits, motifs et actions de l’AIMA à l’encontre de la partie contractante et de ses ayants cause.

Les clauses contractuelles précitées apparaissent claires et de simple interprétation: il est en particulier acquis que la garantie est donnée en faveur de l’AIMA et non en faveur d’autres personnes telles que les producteurs et que, dès lors, ceux-ci ne bénéficient d’aucun droit à l’encontre de l’Assedile sur la somme garantie.

De même, l’impossibilité pour la caution d’opposer des exceptions au bénéficiaire ressort clairement du libellé de l’article 3, qui sanctionne l’obligation de la compagnie [Assedile] de payer dans un délai de quinze jours après réception de la demande de paiement du bénéficiaire impayé.

À supposer même que l’on veuille considérer que la constatation de l’inexistence (totale ou partielle) du droit à l’aide à la distillation est préalable à tout remboursement, il ne fait aucun doute que ce droit s’est éteint en raison du non-respect par la demanderesse DAI des délais et conditions prévus par le règlement communautaire.

En effet, il est établi que la distillerie demanderesse a manqué à ses obligations à trois titres différents: 1) ne pas avoir versé (ainsi qu’il résulte de l’absence de preuve du versement dans le dossier) le prix minimal aux producteurs à l’exception de 110 795 870 ITL; 2) ne pas avoir versé les aides aux producteurs dans un délai de quatre-vingt-dix jours après l’entrée du vin dans la distillerie (délai qui expirait en juin 1983) et, quoi qu’il en soit, 3) ne pas avoir apporté la preuve avant le 1er juin 1984 qu’elle avait effectué les paiements. La sanction de telles inexécutions consiste à prévoir que la caution reste acquise en totalité.

En outre, le tribunal ne peut accepter les justifications alléguées par la distillerie pour se disculper des paiements non effectués (impossibilité d’effectuer les paiements en raison de son placement sous administration contrôlée et respect du principe de l’égalité des créanciers), puisque l’expiration des délais pour effectuer lesdits paiements (juin 1983) et pour restituer l’aide (juillet 1983) est antérieure à la date à laquelle il a été décidé de demander son placement sous administration contrôlée (octobre 1983).

[...]

Par conséquent, il revient à l’AIMA de se voir restituer, en vertu des dispositions communautaires précitées, le montant, à concurrence de 110 %, de l’aide versée au titre d’avance, déduction faite de l’aide dont le versement effectif a été prouvé, soit 1 047 084 185 ITL (le montant total des contrats dont la preuve du versement n’a pas été apportée, majoré de 10 % ─ soit 1 046 277 980 ITL ─ auquel s’ajoute la différence entre l’aide dont la preuve du versement a été apportée et l’aide versée à titre d’avance ─ soit 806 205 ITL).

Il y a lieu d’observer que la DAI n’a jamais contesté ces montants: bien qu’affirmant avoir reversé aux producteurs la moitié environ des aides obtenues, elle n’a jamais invoqué ni, a fortiori, prouvé qu’elle aurait versé ces aides dans les délais prévus par le règlement n° 2499/82.

[...]

Il n’est pas inopportun de préciser que la distillerie demanderesse est mal placée pour se plaindre du fait que les caves coopératives ayant apporté leur production rencontrent des difficultés pour réaliser leurs créances alors qu’elle s’est elle-même placée dans les conditions de son inexécution en recourant à la procédure de faillite immédiatement après avoir obtenu les aides communautaires à reverser aux producteurs.

Les caves coopératives pourront ─ tout comme la caution si elle décide d’agir en subrogation ─ obtenir satisfaction de leurs créances dans le cadre de la procédure de faillite, avec l’ensemble des autres créanciers et dans le respect du principe de l’égalité des créanciers. »

31
Le 27 septembre 1989, les requérantes – à l’exception de la Cantina sociale del Vermentino – ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Rome. Par arrêt du 19 novembre 1991, la cour d’appel a jugé la demande irrecevable, au motif que les requérantes n’avaient pas régulièrement notifié l’acte introductif d’appel à l’administrateur judiciaire (« la curatela fallimentare ») de la DAI, mais à la DAI elle-même, alors en faillite, et qu’elles n’avaient ensuite pas renouvelé correctement la notification dans le délai qui leur avait été fixé par le magistrat chargé de l’instruction du dossier (« il consigliere istruttore »).

32
Dans l’intervalle, le 16 janvier 1990, l’Assedile a payé les sommes dues à l’AIMA.

33
Par arrêt du 28 novembre 1994, la Cour de cassation italienne a rejeté le pourvoi formé par les quatre requérantes susvisées contre l’arrêt de la cour d’appel. À l’appui de leur pourvoi, ces dernières avaient notamment fait valoir qu’elles avaient interjeté appel du jugement susvisé du Tribunale civile de Rome pour faire constater le caractère erroné de ce jugement, non pas à l’égard de la DAI, mais uniquement à l’égard de l’AIMA et de l’Assedile.

34
Les cinq requérantes ont fait procéder régulièrement à l’inscription de leurs créances au passif de la DAI, dans le cadre de la procédure de faillite diligentée à son endroit.

35
Par lettre du 22 janvier 1996, elles ont demandé à l’AIMA d’honorer les créances qu’elles détenaient à l’égard de la DAI, en soutenant que l’AIMA s’était illégitimement enrichie par la perception de la caution.

36
L’AIMA a rejeté cette réclamation en faisant observer que la caution lui revenait et que les producteurs ne disposaient contre elle d’aucune action directe pour réaliser les créances qu’ils détenaient à l’égard de la DAI.

37
Le 16 février 1996, les requérantes ont engagé devant le Tribunale civile de Cagliari (Italie) une action contre l’AIMA pour enrichissement sans cause.

38
Le 13 novembre 1996, les requérantes ont adressé une plainte à la Commission, dans laquelle elles dénonçaient la prétendue violation par l’AIMA de la réglementation communautaire, en particulier du règlement n° 2499/82, et demandaient notamment à la Commission d’inviter l’AIMA et la République italienne à leur rembourser les montants qu’elles n’avaient pas perçus au titre des aides communautaires pour la campagne viticole 1982/1983.

39
Par lettre du 25 juin 1997, la Commission a indiqué aux requérantes que l’Assedile avait versé le montant de la caution, augmenté des intérêts, à l’AIMA le 16 janvier 1990. Elle a ajouté que, selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 352/78, les cautions restées acquises doivent être déduites par l’organisme d’intervention concerné des dépenses du FEOGA, autrement dit qu’elles doivent être comptabilisées en faveur du FEOGA. Elle a précisé que ses services procéderaient aux enquêtes nécessaires, notamment auprès de l’AIMA, afin de déterminer la destination effective du montant de la caution acquise par l’AIMA.

40
À la suite de son enquête auprès de l’AIMA, la Commission a informé les requérantes, par lettre du 8 décembre 1997, que l’AIMA lui avait indiqué qu’elle avait encaissé, le 21 février 1991, le titre de paiement (« il vaglia ») d’un montant de 1 047 084 185 ITL émis pour le compte de l’Assedile le 16 janvier 1990 et qu’elle avait comptabilisé ce montant – « correspondant probablement au montant de la caution » – en faveur du FEOGA lors de l’exercice 1991.

41
Par lettre du 23 janvier 1998, parvenue à la Commission le 5 février 1998, les requérantes ont demandé à cette institution de leur verser la somme correspondant au montant des créances qu’elles détenaient à l’égard de la DAI, au motif que la caution acquise par l’AIMA avait été restituée au FEOGA. Elles ont fait valoir qu’il découlait de la finalité du règlement n° 2499/82 visant à favoriser les producteurs de vin que ceux-ci devaient être considérés comme les destinataires effectifs et uniques de l’aide prévue par ce règlement. Le choix laissé à l’État membre concerné entre les procédures de versement de l’aide par l’organisme d’intervention, prévues respectivement par les articles 9 et 10 de ce règlement, ne saurait compromettre cette finalité. En particulier, dans la procédure prévue par l’article 9 du règlement susvisé, la caution constituée par le distillateur tendrait à garantir la régularité de l’opération de distillation préventive dans son intégralité, notamment en ce qui concerne le versement effectif de l’aide aux producteurs. Toute autre interprétation constituerait une violation du principe d’égalité de traitement, consacré par l’article 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE). Cette analyse serait confirmée par les règlements successifs de la Commission établissant les dispositions relatives à la distillation préventive pour les campagnes viticoles suivantes, qui prévoiraient expressément que, lorsque le distillateur n’a pas payé le prix minimal d’achat au producteur, celui-ci peut demander le versement de l’aide directement à l’organisme d’intervention.

42
Par lettre du 31 juillet 1998, signée par le directeur général de la direction générale de l’agriculture de la Commission et parvenue aux requérantes le 14 août 1998 (ci-après la « lettre litigieuse »), la Commission a rejeté cette demande. Elle a fait valoir que, dans la procédure de versement de l’aide au distillateur applicable en l’espèce, l’aide bénéficiait en premier lieu au distillateur afin de lui permettre de compenser le prix d’achat élevé du vin. La caution aurait été constituée en faveur de l’AIMA, et les producteurs ne pourraient prétendre à aucun droit sur son montant. L’option laissée à l’État membre concerné entre cette procédure, prévue par l’article 9 du règlement n° 2499/82, et la procédure de versement direct de l’aide au producteur, prévue par l’article 10 de ce règlement, ne pourrait conduire à interpréter d’une manière uniforme ces deux dispositions dans le sens que les producteurs seraient toujours les bénéficiaires de l’aide. Par ailleurs, la Commission a soutenu que cette différence de régime n’était pas contraire au principe d’égalité de traitement, dans la mesure où elle s’expliquerait par des différences factuelles (régimes administratifs différents et nombre variable de producteurs selon les États membres, pouvant justifier dans certains États membres la centralisation du paiement de l’aide auprès des distillateurs). La Commission a souligné que, dans son jugement du 27 janvier 1989, passé en force de chose jugée, le Tribunale civile de Rome avait refusé de reconnaître le droit de créance des requérantes sur la caution. Elle en a déduit que, les requérantes ne disposant d’aucun droit sur le montant de la caution encaissée par l’AIMA, un tel droit ne pourrait pas non plus naître une fois ce montant restitué à la Commission. À titre subsidiaire, la Commission a fait observer que l’agrément par l’AIMA des contrats conclus entre les requérantes et la DAI ne modifiait pas la nature privée de ces contrats, de sorte que les prétendues obligations de la Commission envers les requérantes seraient de nature extracontractuelle. En conséquence, toute action contre la Communauté serait désormais prescrite, en application de l’article 46 du statut de la Cour de justice, le montant de la caution ayant été versé à l’AIMA le 16 janvier 1990 et restitué au FEOGA au cours de l’exercice 1991.

43
Par ailleurs, selon les réponses écrites des requérantes aux questions du Tribunal, la procédure pour enrichissement sans cause engagée devant le Tribunale civile de Cagliari a été suspendue en vue de trouver un accord amiable entre les parties sur la compensation des dépens, à la suite des résultats de l’enquête de la Commission mentionnée au point 40 ci-dessus. En effet, comme cette enquête avait révélé que l’AIMA avait – contrairement à ce qu’elle aurait prétendu avant l’engagement de la procédure susvisée et au cours de cette procédure – restitué au FEOGA le montant de la caution, cette procédure avait perdu, selon les requérantes, tout intérêt, dans la mesure où il apparaissait désormais qu’un enrichissement sans cause n’avait pu se produire dans le chef de l’AIMA.

44
Enfin, dans une réponse écrite à une question du Tribunal, les requérantes ont indiqué que la procédure de faillite avait été close au cours de l’année 2000 et qu’elles avaient participé au partage en qualité de créanciers privilégiés, en raison de leur statut de coopérative agricole, conformément à l’article 2751 bis, paragraphe 5 bis, et à l’article 2776 du code civil italien. Elles ont obtenu lors de ce partage le paiement de leurs créances admises envers la DAI à concurrence de 39 % du montant de ces créances. À l’issue de ce partage, le montant de leurs créances non satisfaites s’élevait à 72 797 022 ITL en ce qui concerne la Cantina sociale di Dolianova, à 54 412 685 ITL en ce qui concerne la Cantina Trexenta, à 350 554 208 ITL pour ce qui est de la Cantina sociale Marmilla, à 133 888 664 ITL pour la Cantina sociale Santa Maria La Palma et à 37 212 737 ITL pour la Cantina sociale del Vermentino.


Procédure et conclusions des parties

45
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 octobre 1998, les requérantes ont introduit le présent recours.

46
À la suite du dépôt du mémoire en défense, le Tribunal, par lettre de son greffier du 25 février 1999, a invité les parties requérantes à concentrer leur mémoire en réplique sur la question de la recevabilité du recours. Celles-ci ont déféré à cette invitation.

47
Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal:

« déclarer illégale, en application des articles 173 et/ou 175 du traité CE, la décision de la Commission du 31 juillet 1998 […], ainsi que tout acte que la décision citerait ou qui, en tout état de cause, la fonderait ou lui serait coordonné ou connexe […] »;

« déclarer que [les requérantes] sont en droit de percevoir l’aide communautaire qui ne leur a pas été versée en temps utile par la DAI à la suite de la faillite de cette dernière et dont le montant a été récupéré par l’AIMA [...] et restitué au FEOGA […] »;

« condamner la Commission, également s’il échet pour enrichissement sans cause et/ou à titre de réparation des dommages en application de l’article 178 du traité CE, à verser aux [requérantes des indemnités d’un montant équivalent aux montants de leurs créances impayées à l’égard de la DAI, spécifiés dans la requête], éventuellement augmentés des intérêts légaux à partir du 1er janvier 1992 ou, à tout le moins, à partir du 23 janvier 1998, date de l’envoi à la Commission de la demande de paiement […] »;

« condamner la partie défenderesse aux dépens ».

48
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

déclarer le recours irrecevable;

à titre subsidiaire, déclarer le recours non fondé;

condamner les requérantes aux dépens.

49
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans mesure d’instruction préalable.

50
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 14 septembre 2000.

51
Lors de cette audience, les parties requérantes se sont désistées de leur deuxième chef de conclusions.

52
À la fin de l’audience du 14 septembre 2000, le président de la deuxième chambre a clos la procédure orale et suspendu la procédure pour un délai de trois mois, aux fins d’une reconsidération de l’affaire par les parties.

53
Par lettre du 14 décembre 2000, la Commission a fait savoir qu’une solution permettant un règlement amiable de l’affaire n’avait pas été trouvée.

54
Le Tribunal a, par décision du 18 septembre 2001, rouvert la procédure orale, en vue de poser un certain nombre de questions écrites aux parties, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues par l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal. La Commission a répondu à ces questions, par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 16 novembre 2001. Les requérantes ont présenté leurs observations sur ces réponses par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2003.

55
Dans l’intervalle, la composition de la deuxième chambre du Tribunal avait été modifiée, à la suite de l’expiration du mandat d’un membre du Tribunal.

56
Le Tribunal (deuxième chambre) a convoqué les parties à une seconde audience et invité les requérantes à répondre par écrit à de nouvelles questions avant la date de l’audience. Les requérantes ont déféré à cette demande par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 5 janvier 2004.

57
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 10 février 2004.


En droit

A – Sur la recevabilité des recours en annulation et en carence

Arguments des parties

58
La Commission soutient en premier lieu que la demande en annulation fondée sur l’article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) est irrecevable, car la lettre litigieuse, en date du 31 juillet 1998, ne présenterait pas de caractère décisionnel. La Commission n’aurait pas refusé, dans cette lettre, de payer les sommes demandées, mais elle aurait simplement indiqué qu’elle n’avait pas le pouvoir d’agir ou d’adopter une décision concernant le paiement sollicité. Ce pouvoir appartiendrait aux organismes d’intervention nationaux, à qui incombe le versement des aides prévues par le règlement n° 2499/82.

59
Le seul élément décisionnel contenu dans la lettre litigieuse porterait sur le classement du dossier. Or, il s’agirait d’une décision exclusivement interne et administrative, qui ne ferait pas grief aux requérantes.

60
En second lieu, la Commission fait valoir que la demande fondée sur l’article 175 du traité CE (devenu article 232 CE) est également irrecevable, car les requérantes ne l’ont pas préalablement invitée à agir. À supposer même que la lettre du 23 janvier 1998 puisse être considérée comme une invitation à agir, ce que la Commission conteste, le présent recours en carence aurait été introduit tardivement. En effet, contrairement aux allégations des requérantes, ce serait l’invitation à agir qui constitue le point de départ des délais de procédure.

61
Les requérantes soutiennent en premier lieu que leur demande en annulation est recevable. Le contenu de la lettre litigieuse montrerait que celle-ci a un caractère décisionnel, dans la mesure où, d’une part, elle porte rejet de leur demande du 23 janvier 1998 et, d’autre part, elle classe le dossier. Les requérantes font valoir que la demande du 23 janvier 1998 était claire, motivée en fait et en droit, et péremptoire. De plus, elle aurait été précédée d’un long processus d’instruction. Dans la lettre litigieuse, la Commission, à la suite de l’instruction en cause, aurait rejeté cette demande en motivant ce rejet en fait et en droit.

62
Par ailleurs, même si, contrairement à la thèse des requérantes, la lettre litigieuse ne pouvait pas être considérée comme une véritable décision, la demande en annulation serait néanmoins recevable, dans la mesure où elle est dirigée non seulement contre cette lettre, mais également contre « tout acte que [cette lettre] citerait ou qui, en tout état de cause, la fonderait ou lui serait coordonné ou connexe ». Ainsi, il y aurait lieu de considérer que cette demande vise « la mesure négative alléguée consistant dans le défaut de décision favorable en ce qui concerne la demande formulée à l’époque par les coopératives pour les mêmes motifs ». Elle aurait été présentée conformément aux dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, qui prévoit simplement que la requête doit contenir « l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués ».

63
En second lieu, les requérantes estiment que leur recours dirigé contre l’absence d’« adoption de la mesure positive demandée à la Commission », fondé sur l’article 175 du traité CE, est également recevable. Elles font valoir que le délai de recours de deux mois contre le défaut de prise de position d’une institution communautaire, préalablement invitée à agir, commence à courir à partir de la date à laquelle l’inertie de l’institution se manifeste. Selon les requérantes, en l’espèce, l’inertie de la Commission s’est manifestée à la suite de la lettre de la Commission du 31 juillet 1998, rejetant la demande formulée dans la lettre du 23 janvier 1998. Auparavant, la situation n’aurait pas été claire. En effet, lors d’entretiens téléphoniques avec l’avocat des requérantes au cours des mois suivant la réception par la Commission de la demande susmentionnée, un fonctionnaire de la direction générale de l’agriculture aurait donné l’assurance que le dossier était soumis à l’examen des services de la Commission et qu’une décision serait prise avant la fin de l’été 1998. Les requérantes ont proposé que le Tribunal cite, le cas échéant, M. Petrucci en qualité de témoin, afin de vérifier les faits ainsi allégués.

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité du recours en annulation

64
Afin d’apprécier, en premier lieu, la recevabilité du recours en annulation, il importe d’examiner la nature de la lettre litigieuse. En effet, il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution communautaire à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 173 du traité (devenu, après modification, article 230 CE). Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au titre de l’article 173 du traité, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission, C‑257/90, Rec. p. I-9, point 21; ordonnances du Tribunal du 4 octobre 1996, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, T‑5/96, Rec. p. II-1299, point 26, et du 11 décembre 1998, Scottish Soft Fruit Growers/Commission, T‑22/98, Rec. p. II-4219, point 34).

65
En l’espèce, force est dès lors de vérifier tout d’abord si, dans le contexte juridique dans lequel elle s’inscrit, la lettre litigieuse était susceptible de produire de tels effets, pour autant qu’elle portait refus de faire droit à la demande des requérantes tendant en substance à ce que la Commission leur verse directement le montant non perçu de l’aide communautaire prévue par le règlement n° 2499/82 pour le vin livré en vue de la distillation préventive pour la campagne viticole 1982/1983 (voir points 41 et 42 ci-dessus).

66
À cet égard, il convient de rappeler à titre liminaire que, selon les règles régissant les relations entre la Communauté et les États membres, il appartient à ces derniers, en l’absence d’une disposition contraire du droit communautaire, d’assurer sur leur territoire l’exécution des réglementations communautaires, notamment dans le cadre de la politique agricole commune. Plus particulièrement, l’application des dispositions communautaires relatives aux organisations communes des marchés relève des organismes nationaux désignés à cet effet. Les services de la Commission n’ont aucune compétence pour prendre des décisions d’application desdites dispositions (ordonnance du Tribunal du 21 octobre 1993, Nutral/Commission, T‑492/93 et T‑492/93 R, Rec. p. II-1023, point 26, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Oleifici Italiani et Fratelli Rubino/Commission, T‑54/96, Rec. p. II-3377, point 51).

67
En l’occurrence, il ressort du règlement n° 2499/82 que, si la charge financière de l’opération de distillation préventive doit en définitive être supportée par la Communauté, il appartient aux organismes d’intervention nationaux (en l’espèce l’AIMA) d’assurer sur leur territoire l’exécution des opérations de distillation préventive, conformément aux dispositions dudit règlement.

68
En particulier, en vertu du règlement n° 2499/82, ce sont les organismes nationaux qui

contrôlent et agréent les contrats conclus entre les producteurs de vin et les distillateurs (article 1er, paragraphe 3, et article 3 du règlement),

versent l’aide communautaire, ou versent sous certaines conditions, à titre d’avance, un montant égal à cette aide (article 6, article 9, paragraphe 2, et article 11 du règlement),

récupèrent, le cas échéant, les sommes indûment payées en tant qu’aide ou à titre d’avance sur l’aide (article 9, paragraphe 2, et article 11, paragraphe 3, du règlement).

69
En revanche, le règlement n° 2499/82 n’attribuait aucune compétence à la Commission pour intervenir dans l’exécution des opérations de distillation préventive par les organismes d’intervention nationaux. En effet, il ressort de ce règlement que la Commission pouvait uniquement prendre acte des opérations réalisées par ces organismes nationaux, dans la mesure où l’article 21 dudit règlement faisait obligation aux États membres de communiquer à cette institution, dans les délais prescrits, les quantités de vin figurant dans les contrats de distillation agréés, les quantités de vin distillées et les quantités de produits obtenus, ainsi que les cas dans lesquels le distillateur n’avait pas respecté ses obligations et les mesures prises en conséquence.

70
Dans ce cadre juridique, la Commission n’était en toute hypothèse pas compétente pour faire droit à une demande, telle que celle qui lui avait été adressée en l’espèce par les requérantes, tendant au versement par cette institution de l’aide prétendument due à des producteurs de vin au titre du règlement n° 2499/82.

71
Il s’ensuit que le rejet de cette demande dans la lettre litigieuse et le classement concomitant du dossier n’étaient pas de nature à modifier la situation juridique des requérantes. Cette lettre est ainsi privée de tout caractère décisionnel et ne constitue dès lors pas un acte attaquable au titre de l’article 173 du traité, en ce qu’elle porte refus de verser aux requérantes l’aide communautaire sollicitée.

72
Par ailleurs, il convient d’apprécier également la recevabilité de la demande en annulation de la lettre litigieuse pour autant que celle-ci pourrait être comprise comme rejetant une demande implicite des requérantes tendant à une correction des dispositions du règlement n° 2499/82, en vue de les mettre en conformité avec le principe d’égalité de traitement qu’elles invoquent.

73
En effet, dans cette lettre, la Commission ne se limite pas à fournir des explications concernant l’application du régime de versement de l’aide communautaire par l’AIMA, en application des dispositions pertinentes du règlement n° 2499/82, notamment en ce qui concerne l’encaissement par l’organisme national d’intervention, en cas de manquement du distillateur à ses obligations, de la caution qui avait été constituée par ce dernier afin d’obtenir le versement à titre d’avance du montant de l’aide.

74
La lettre litigieuse renferme également une prise de position de la Commission sur la conformité avec le principe d’égalité de traitement du régime de versement de l’aide institué par l’article 9 du règlement n° 2499/82.

75
À cet égard, le Tribunal constate que, à supposer même que, d’une part, la lettre des requérantes du 23 janvier 1998 puisse être interprétée comme renfermant une demande tendant à ce que la Commission opère une correction rétroactive du règlement n° 2499/82 afin de garantir le versement de l’aide communautaire aux producteurs concernés – ce qui ne ressort cependant pas explicitement du libellé de cette lettre des requérantes – et que, d’autre part, la lettre litigieuse puisse dès lors être comprise comme rejetant une telle demande, la demande en annulation de cette lettre devrait néanmoins être déclarée irrecevable, en raison du défaut de qualité pour agir des requérantes.

76
En effet, selon une jurisprudence bien établie, un recours intenté par une personne physique ou morale contre le refus de la Commission d’opérer une correction rétroactive d’un acte est irrecevable lorsque la correction demandée aurait dû être adoptée sous la forme d’un règlement de portée générale (ordonnances Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, précitée, point 28, et Scottish Soft Fruit Growers/Commission, précitée, point 41).

77
Or, en l’espèce, le règlement n° 2499/82 revêt une portée générale, car il concerne tous les producteurs de vin et les distillateurs dans la Communauté et énonce de manière générale et abstraite les dispositions relatives à la distillation préventive pour la campagne viticole 1982/1983. Dans ces conditions, la correction de ce règlement n’aurait en toute hypothèse pu être adoptée que sous la forme d’un règlement de portée générale.

78
Pour l’ensemble de ces raisons, la demande en annulation de la lettre litigieuse est irrecevable.

79
Pour autant que les conclusions des requérantes tendent également à l’annulation de tout acte que la lettre litigieuse citerait ou qui la fonderait ou lui serait coordonné ou connexe, il suffit de relever que ces conclusions manquent de précision suffisante quant à leur objet et sont, dès lors, également irrecevables, en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, ainsi que le soutient la Commission.

80
Il s’ensuit que le recours en annulation est irrecevable dans son ensemble.

Sur la recevabilité du recours en carence

81
En ce qui concerne, en second lieu, la carence illicite qui serait constituée par l’abstention de la Commission d’adopter une décision concernant l’octroi de l’aide communautaire considérée aux requérantes, il suffit de rappeler que la Commission n’était pas compétente pour adopter une telle décision, ainsi qu’il l’a déjà été constaté au point 70 ci-dessus. Le recours en carence fondé sur l’article 175 du traité CE (devenu article 232 CE) est dès lors irrecevable pour autant qu’il vise à sanctionner une telle abstention, dans la mesure où il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir ainsi omis d’adresser aux requérantes un acte autre qu’une recommandation ou un avis, au sens de l’article 175, troisième alinéa, du traité (voir, par exemple, arrêt Italsolar/Commission, précité, point 30). De surcroît, en admettant que la lettre des requérantes du 23 janvier 1998, parvenue à la Commission le 5 février 1998, ait contenu une invitation claire à adopter une décision portant octroi de l’aide considérée aux requérantes, le présent recours, introduit le 12 octobre 1998, serait en toute hypothèse tardif, comme le fait valoir la Commission. En effet, en application de l’article 175, deuxième alinéa, du traité, la Commission aurait dû prendre position avant le 5 avril 1998 et le recours en carence aurait dû être formé au plus tard le 15 juin 1998, compte tenu du délai de distance.

82
En outre, il convient de relever que, en supposant même que le présent recours puisse être interprété dans le sens que la carence alléguée réside dans le refus supposé de la Commission d’adopter un règlement opérant une correction rétroactive du règlement n° 2499/82, destinée à garantir le paiement de l’aide communautaire aux producteurs concernés, ce recours devrait également être déclaré irrecevable. En effet, en l’espèce, la lettre des requérantes du 23 janvier 1998 ne saurait être interprétée comme une invitation à agir au sens de l’article 175, deuxième alinéa, du traité, dans la mesure où les requérantes n’y sollicitent pas clairement la modification par la Commission du règlement n° 2499/82, afin de le rendre conforme aux principes qu’elles invoquent. De plus, des particuliers qui ne sont pas recevables à contester la légalité d’un acte réglementaire ne sont pas non plus recevables à saisir la Cour d’un recours en carence après avoir adressé à une institution communautaire une invitation à édicter un acte réglementaire (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 17). Or, la modification du règlement n° 2499/82 nécessitait l’adoption d’un acte de portée générale, ainsi qu’il a déjà été jugé (voir point 77 ci-dessus).

83
Il s’ensuit que le recours en carence doit être déclaré irrecevable.

B – Sur le recours en indemnité et la demande en restitution de l’enrichissement sans cause

Sur la recevabilité de la demande en restitution de l’enrichissement sans cause

84
Il y a lieu de rejeter d’emblée comme irrecevables les conclusions subsidiaires des requérantes tendant à la condamnation de la Commission à leur verser les aides communautaires en question au titre de la restitution de l’enrichissement sans cause, dans la mesure où le traité ne prévoit pas, parmi les voies de recours qu’il instaure, la possibilité d’engager une action pour enrichissement sans cause. Cela ne préjuge cependant pas le bien-fondé éventuel du moyen tiré de la violation du principe interdisant l’enrichissement sans cause, dans la mesure où les conclusions subsidiaires susvisées peuvent être interprétées dans le sens que les requérantes invoquent notamment ce principe à l’appui de leur demande en indemnité (voir points 159 à 164 ci-après).

Sur la recevabilité du recours en indemnité

Arguments des parties

85
La Commission invoque trois causes d’irrecevabilité du présent recours en indemnité. En premier lieu, dans la gestion des mesures de soutien prévues dans le cadre de la politique agricole commune, il n’existerait aucun rapport direct entre la Communauté et les opérateurs économiques. En l’espèce, ferait ainsi défaut un comportement imputable à la Commission, de sorte que les conditions de saisine de la Cour au titre de l’article 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenu article 288, deuxième alinéa, CE) ne seraient pas réunies (arrêts de la Cour du 10 mai 1978, Exportation des sucres/Commission, 132/77, Rec. p. 1061; du 12 décembre 1979, Wagner Agrarhandel/Commission, 12/79, Rec. p. 3657, et du 27 mars 1980, Sucrimex et Westzucker/Commission, 133/79, Rec. p. 1299).

86
À cet égard, la Commission a fait valoir, en réponse à une question écrite du Tribunal, que les requérantes n’avaient pas invoqué, à l’appui de leur demande en indemnité, l’illégalité du règlement n° 2499/82. Elles auraient uniquement contesté, devant les juges nationaux puis devant le Tribunal, l’interprétation des dispositions pertinentes de ce règlement retenue par les autorités italiennes et par la Commission dans sa lettre du 31 juillet 1998.

87
En deuxième lieu, les requérantes bénéficieraient d’une protection juridictionnelle efficace devant le juge national. En particulier, elles auraient pu engager une action en paiement contre l’organisme d’intervention devant le juge national, conformément à l’arrêt de la Cour du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil (281/82, Rec. p. 1969, point 11).

88
En l’occurrence, dans le cadre de leur action pour enrichissement sans cause contre l’AIMA, pendante devant le Tribunale civile de Cagliari, les requérantes pourraient encore suggérer au juge national de poser une question préjudicielle au titre de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) afin de permettre à la Cour d’examiner la validité des dispositions réglementaires en cause.

89
Lors de l’audience du 10 février 2004, en réponse aux questions du Tribunal, la Commission a souligné que l’ordre juridique italien offrait des voies de droit adéquates permettant aux producteurs concernés d’obtenir la condamnation de l’AIMA au paiement du montant des aides communautaires prévues par le règlement n° 2499/82. Les conclusions des requérantes n’auraient pas prospéré devant le Tribunale civile de Rome, car cette procédure se serait rapportée à la caution constituée par la DAI en faveur de l’AIMA et n’aurait donc pas concerné le droit subjectif à l’aide communautaire allégué par les requérantes. Par ailleurs, les requérantes, dans le contexte de leurs rapports quasi contractuels avec l’AIMA, auraient dû engager une action en paiement contre cet organisme, plutôt qu’une action pour enrichissement sans cause telle que celle introduite devant le Tribunale civile de Cagliari. Une action en paiement devant le juge national, éventuellement fondée sur l’illégalité alléguée du règlement n° 2499/82, aurait pu être entamée sans attendre l’issue de la procédure de faillite. Enfin, la circonstance que le montant de la caution a été restitué à la Commission – invoquée par les requérantes à l’appui de la recevabilité du présent recours en responsabilité extracontractuelle – ne priverait pas une telle action en paiement de son efficacité. En effet, elle ne ferait pas obstacle à une condamnation de l’AIMA par le juge italien à payer aux requérantes le montant de l’aide communautaire considérée, à la suite d’un renvoi préjudiciel en appréciation de la validité des dispositions pertinentes du règlement n° 2499/82, dans l’hypothèse où la Cour constaterait l’illégalité de certaines de ces dispositions. La Commission a invoqué à cet égard l’ordonnance du Tribunal du 25 avril 2001, Coillte Teoranta/Commission (T‑244/00, Rec. p. II-1275).

90
En troisième lieu, la Commission estime que les conclusions en indemnité sont en toute hypothèse irrecevables en vertu de l’article 46 du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, selon lequel les actions en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu.

91
Ce délai de prescription aurait commencé à courir à partir du moment où les requérantes ont eu connaissance du fait à l’origine du préjudice. En l’espèce, que ce fait réside dans l’application erronée de la réglementation communautaire ou dans l’illégalité de celle-ci, les requérantes en auraient eu connaissance au plus tard au moment de cette application. Ni le jugement du Tribunale civile de Rome du 27 janvier 1989 ni les arrêts ultérieurs de la cour d’appel de Rome et de la Cour de cassation italienne ne pourraient avoir interrompu cette prescription.

92
À cet égard, la défenderesse rappelle que le préjudice dont se prévalent les requérantes est le non-paiement du prix du vin vendu à la DAI, prix qui aurait dû leur être payé au plus tard en juin 1983. La demande en indemnité aurait donc trait aux faits qui se sont produits en 1983. Dès lors que le recours n’a été introduit que le 12 octobre 1998, cette demande serait prescrite.

93
Si l’on devait admettre – ce que la Commission conteste – que le délai de prescription court à partir du moment où il apparaît que les actions devant les juridictions nationales ne peuvent pas aboutir, il faudrait retenir la date du prononcé du jugement du Tribunale civile de Rome, le 27 janvier 1989. Il s’agirait en effet du seul jugement au fond concernant les requérantes. La cour d’appel de Rome aurait « rejeté » l’appel formé contre ce jugement parce qu’il n’avait pas été notifié dans les formes requises, et la Cour de cassation italienne aurait confirmé cet arrêt. La Commission compare cette irrégularité procédurale commise par les requérantes lors de la procédure d’appel avec l’introduction tardive d’un recours, après l’expiration du délai prescrit. L’action en responsabilité extracontractuelle aurait donc été prescrite en janvier 1994.

94
Quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle le fait générateur du préjudice subi est la comptabilisation du montant de la caution par l’AIMA en faveur du FEOGA, la Commission objecte que cette caution concerne les rapports entre la DAI et l’AIMA, et non ceux entre les requérantes et la DAI. En outre, l’opération comptable relative à la caution concernerait les rapports entre le FEOGA et l’AIMA, mais n’aurait aucune portée substantielle quant à d’éventuels droits des requérantes à l’encontre de la Commission.

95
Même s’il fallait admettre que la comptabilisation de la caution en faveur du FEOGA constituait une illégalité imputable à la Commission, la demande en réparation serait prescrite. En effet, les requérantes auraient déjà eu connaissance de cette comptabilisation à un stade antérieur, dans la mesure où elle est explicitement prévue par la législation communautaire. De plus, la Commission a relevé, lors de l’audience du 10 février 2004, qu’il ressortait du jugement du Tribunale civile de Rome du 27 janvier 1989 que la DAI avait fait observer que l’AIMA devait restituer la caution à l’organe communautaire compétent.

96
Les requérantes estiment pour leur part que le présent recours en responsabilité extracontractuelle n’est pas prescrit en application de l’article 46 du statut.

97
Elles allèguent qu’aucune prescription ne peut être opposée à la victime d’un dommage qui n’a pu prendre connaissance du fait générateur de ce dommage qu’à une date tardive et n’a pu disposer ainsi d’un délai raisonnable pour présenter sa requête avant l’expiration du délai de prescription (arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 50).

98
En l’espèce, ce n’est qu’à la suite de la lettre de la Commission du 31 juillet 1998 que les requérantes auraient eu connaissance du fait que l’AIMA avait restitué au moins partiellement le montant de la caution à la Commission. Elles auraient dès lors demandé à la Commission de leur verser le montant de l’aide communautaire considérée au titre de la restitution de l’enrichissement sans cause ou de la réparation, en application des articles 178 et 215 du traité (devenus, respectivement, articles 235 CE et 288 CE), du préjudice qu’elles auraient subi.

99
Contrairement aux allégations de la Commission, les requérantes n’auraient pas été en mesure de savoir que l’aide considérée serait comptabilisée en faveur du FEOGA. Ce n’est qu’à la suite de son enquête auprès de l’AIMA, après la plainte des requérantes, que la Commission elle-même aurait été informée de cette restitution. En outre, même si l’obligation de restitution à la Commission du montant de la caution résultait de la réglementation communautaire, dont l’interprétation serait d’ailleurs peu aisée, il n’aurait nullement été acquis que cette obligation ait été respectée en l’espèce, au vu du comportement de l’AIMA. Dans leurs réponses écrites aux questions du Tribunal et lors de l’audience du 10 février 2004, les requérantes ont souligné à cet égard que l’AIMA n’avait jamais déclaré que la caution serait restituée à la Commission. Elle aurait au contraire soutenu, avant et pendant la procédure devant le Tribunale civile de Cagliari, qu’elle était en droit de retenir le montant de la caution.

100
En tout état de cause, même si l’on considérait que le fait générateur de l’action en réparation est intervenu le 31 décembre 1991, date à laquelle l’AIMA a restitué le montant de la caution au FEOGA, le délai de cinq ans aurait été interrompu, soit par la lettre du 22 janvier 1996, par laquelle les requérantes ont demandé à l’AIMA de leur payer la somme correspondant aux aides en cause, soit par la lettre du 13 novembre 1996, par laquelle les requérantes ont adressé une plainte à la Commission, en vue d’obtenir ce paiement.

Appréciation du Tribunal

101
Il y a lieu d’examiner les trois causes d’irrecevabilité du recours en indemnité invoquées par la Commission, tirées, premièrement, de l’absence d’imputabilité du comportement incriminé à la Communauté, deuxièmement, de l’existence de voies de recours internes efficaces et, troisièmement, de la prescription de l’action en vertu de l’article 46 du statut de la Cour.

1.     Sur le moyen tiré de l’absence d’imputabilité du comportement incriminé à la Communauté

102
Dans la mesure où le présent recours en indemnité se rapporte à l’application d’une réglementation communautaire dont l’exécution incombe aux organismes nationaux compétents, ainsi qu’il a déjà été jugé (voir point 67 ci-dessus), il y a lieu de vérifier, conformément à la jurisprudence, si l’illégalité alléguée par les requérantes à l’appui de ce recours émane d’une institution communautaire et ne peut être regardée comme imputable à l’organisme national (arrêts de la Cour Exportation des sucres/Commission, précité, point 27; Sucrimex et Westzucker/Commission, précité, points 16 et 22 à 25, et du 26 février 1986, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 753, point 19).

103
À cette fin, il convient tout d’abord d’identifier de manière précise, dans le contexte juridique et factuel du présent litige, le comportement que les requérantes reprochent à la Commission et qui les a conduites à introduire, à titre subsidiaire, le présent recours en application de l’article 178 du traité CE.

104
Bien que, dans le contexte juridique et factuel exceptionnel du présent litige, un opérateur économique prudent et avisé ait légitimement pu ne pas se rendre compte de l’absence de garantie du paiement de l’aide considérée aux producteurs, en cas d’insolvabilité du distillateur (voir points 136 à 145 ci-après), l’analyse de ce règlement révèle que, sous le régime de versement indirect de l’aide aux producteurs de vin par l’intermédiaire du distillateur, institué par l’article 9 de ce règlement, les producteurs ne disposaient, à défaut de paiement par le distillateur du prix minimal d’achat du vin livré et distillé conformément aux dispositions de ce règlement, d’aucun droit sur la caution, constituée par le distillateur uniquement au nom de l’organisme national d’intervention afin de percevoir le montant de l’aide à titre d’avance.

105
De plus, sous le régime institué par l’article 9 du règlement n° 2499/82, les producteurs ne bénéficiaient pas du droit de percevoir directement l’aide communautaire considérée, même en cas d’insolvabilité du distillateur, comme la Commission l’a indiqué en substance dans sa lettre du 31 juillet 1998. À cet égard, la Commission a en outre soutenu, dans cette lettre, que la différence entre les régimes institués respectivement par les articles 9 et 10 de ce règlement n’était pas contraire au principe d’égalité de traitement.

106
Or, il convient de souligner qu’il est constant, d’une part, que les requérantes ont rempli toutes les obligations découlant de leurs contrats avec la DAI, agréés par l’AIMA conformément aux dispositions du règlement n° 2499/82, et, d’autre part, que les quantités de vin livrées par les requérantes ont été distillées dans les délais prescrits par ce règlement. À la suite de difficultés financières, la DAI n’a pas versé aux requérantes le prix minimal d’achat prévu par le règlement n° 2499/82 et incluant l’aide communautaire, ou ne l’a versé que partiellement.

107
Dans ce contexte, les requérantes demandent à titre subsidiaire à être indemnisées du préjudice résultant du défaut total ou partiel de paiement du prix minimal d’achat, qui découlerait des lacunes du régime de versement indirect de l’aide communautaire prévu par les dispositions pertinentes de ce règlement, ainsi que la Commission l’a d’ailleurs indiqué dans sa lettre du 31 juillet 1998.

108
En effet, s’il est vrai que, devant le juge national et dans leur correspondance avec la Commission, les requérantes ont contesté l’interprétation des dispositions pertinentes du règlement n° 2499/82 retenue par l’AIMA, sans mettre explicitement en cause la régularité de ces dispositions elles-mêmes, elles ne se sont cependant pas limitées à reprendre ces griefs devant le Tribunal. Dans leur requête, elles ont également soutenu à titre subsidiaire que, s’il fallait considérer que le règlement n° 2499/82 avait entraîné la création d’une disparité de traitement entre les producteurs des différents États membres – selon le régime de versement de l’aide communautaire choisi par les États membres qui disposaient, en vertu de l’article 8 du règlement susmentionné, d’une option entre les deux régimes distincts prévus par les articles 9 et 10 de ce règlement –, il aurait alors très gravement méconnu, notamment, le principe d’égalité de traitement.

109
Le Tribunal déduit de ce qui précède que le comportement reproché à la Commission réside en substance dans le fait que, sous le régime de versement de l’aide prévu par l’article 9 – qui diffère sur ce point du régime prévu par l’article 10 –, le règlement n° 2499/82 ne garantissait pas, notamment en cas de faillite d’un distillateur, le versement aux producteurs concernés de l’aide incluse dans le prix minimal d’achat, pour le vin livré à ce distillateur et distillé conformément aux dispositions dudit règlement.

110
L’illégalité ainsi alléguée est dès lors imputable à la Commission, auteur du règlement n° 2499/82.

111
En particulier, l’argument de cette institution communautaire, selon lequel l’application du régime prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82 résulte de l’option choisie par la République italienne en application de l’article 8 de ce règlement, ne saurait conduire à une appréciation différente, dès lors que l’illégalité alléguée entache le règlement lui-même, et non le comportement de l’État membre concerné, qui s’est limité à appliquer correctement ce règlement.

112
Plus précisément, les requérantes ne contestent pas la légalité du régime institué par l’article 9 du règlement n° 2499/82 en ce qu’il prévoyait le versement indirect de l’aide aux producteurs, par l’intermédiaire du distillateur. Elles dénoncent en revanche les modalités de mise en œuvre de ce régime prévues par les dispositions pertinentes du règlement susvisé, pour autant que ces modalités ne permettaient pas d’assurer le paiement de l’aide aux producteurs en cas d’insolvabilité du distillateur. Or, lorsqu’un État membre avait opté pour le régime de versement indirect de l’aide, dont le principe même n’est pas contesté en l’espèce, les autorités nationales compétentes ne disposaient d’aucun pouvoir d’appréciation concernant les mesures à prendre, en exécution du règlement n° 2499/82, si le distillateur ne versait pas l’aide considérée aux producteurs. En l’espèce, l’illégalité alléguée résulte donc directement d’une prétendue lacune de ce règlement, et non de l’option exercée par la République italienne en faveur du régime de versement indirect de l’aide.

113
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence d’imputabilité du comportement incriminé à la Communauté, en l’espèce à la Commission, doit être rejeté.

2.     Sur le moyen tiré de l’existence de voies de recours internes efficaces

114
À cet égard, il y a lieu de relever à titre liminaire que, dans leurs conclusions en indemnité, les requérantes sollicitent le paiement d’indemnités équivalentes aux montants de leurs créances impayées à l’égard de la DAI, telles que spécifiées dans la requête et augmentées d’intérêts moratoires. Il convient dès lors de vérifier si le présent recours en indemnité ne constitue pas un détournement de procédure tant par rapport aux voies de recours devant les juridictions nationales que par rapport aux autres voies de recours communautaires.

115
Selon une jurisprudence bien établie, le recours en indemnité au titre de l’article 178 et de l’article 215, deuxième alinéa, du traité doit être apprécié au regard de l’ensemble du système de protection juridictionnelle des particuliers instauré par le traité. Il en résulte que, lorsqu’une personne s’estime lésée par l’application régulière d’une réglementation communautaire qu’elle considère comme illégale et que le fait générateur du dommage allégué est ainsi exclusivement imputable à la Communauté, la recevabilité d’un tel recours en indemnité peut néanmoins se trouver subordonnée, dans certains cas, à l’épuisement des voies de recours internes. Encore faut-il pour qu’il en soit ainsi que ces voies de recours nationales assurent d’une manière efficace la protection des droits des personnes concernées et qu’elles soient susceptibles d’aboutir à la réparation du dommage allégué (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec. p. 3211, points 8 et 9; Krohn/Commission, précité, points 27 et 28; du 29 septembre 1987, De Boer Buizen/Conseil et Commission, 81/86, Rec. p. 3677, point 9, et arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, Rec. p. II-1677, point 87).

116
En particulier, la recevabilité d’un recours en indemnité fondé sur l’article 178 et l’article 215, deuxième alinéa, du traité ne saurait être subordonnée à l’épuisement des voies de recours internes lorsque, à supposer que la réglementation communautaire incriminée soit déclarée invalide par un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour, saisie en application de l’article 177 du traité CE, les juridictions nationales ne pourraient néanmoins donner suite à une action en paiement – ou à toute autre action appropriée – sans intervention préalable du législateur communautaire, en raison de l’absence de disposition communautaire autorisant les organismes nationaux compétents à verser les montants réclamés. Cette analyse a été confirmée, de manière implicite ou explicite, par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975; du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533; du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76 et 113/76, 167/78 et 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 6; Interquell Stärke-Chemie/Conseil et Commission, 261/78 et 262/78, Rec. p. 3045, point 6; Unifrex/Commission, précité, point 12, et De Boer/Conseil et Commission, précité, point 10).

117
En effet, dans l’hypothèse qui vient d’être évoquée, l’exercice de leurs droits par les personnes s’estimant lésées serait rendu excessivement difficile devant les juridictions nationales. Il serait dès lors contraire non seulement à une bonne administration de la justice et à l’exigence d’économie de la procédure, mais également à la condition relative à l’absence de recours interne efficace (voir point 115 ci-dessus) d’obliger les personnes intéressées à épuiser les voies de droit nationales et à attendre qu’il soit statué définitivement sur leur demande, après que les institutions communautaires concernées auront, le cas échéant, modifié ou complété les dispositions communautaires applicables, en exécution d’un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour, constatant éventuellement l’invalidité de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 octobre 1973, Merkur Aussenhandels/Commission, 43/72, Rec. p. 1055, point 6, et du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 13, et, par analogie, arrêt de la Cour du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I-1727, point 106).

118
En l’espèce, force est de constater que, contrairement aux allégations de la Commission, les requérantes ne bénéficient pas d’une protection juridictionnelle efficace devant le juge national. Sans préjudice de l’appréciation du bien-fondé éventuel des prétentions des requérantes, il y a lieu de relever que, dans le contexte juridique du présent litige, une juridiction nationale ne serait en toute hypothèse autorisée à condamner l’AIMA à verser aux requérantes le montant des aides communautaires en cause qu’à la suite d’une éventuelle correction rétroactive du règlement n° 2499/82, laquelle nécessiterait le cas échéant l’adoption d’un règlement par la Commission, ainsi qu’il a déjà été jugé (voir point 77 ci-dessus). En effet, même dans l’hypothèse où la Cour constaterait, le cas échéant, dans un arrêt rendu à titre préjudiciel, l’invalidité de certaines dispositions du règlement susvisé, seule l’intervention du législateur communautaire permettrait d’adopter une base juridique autorisant un tel paiement, comme la Commission l’a d’ailleurs reconnu dans son mémoire en défense.

119
À cet égard, l’argumentation de la Commission fondée sur l’ordonnance Coillte Teoranta/Commission, précitée, rendue sur un recours en annulation et non un recours en indemnité comme en l’espèce, est privée de pertinence.

120
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’existence de voies de recours internes efficaces doit être rejeté.

121
Par ailleurs, dans cette même ligne d’idées fondée sur la distinction des voies de recours, il convient de relever que, ainsi que les requérantes l’ont d’ailleurs confirmé dans leur mémoire en réplique, le recours en indemnité présente un caractère subsidiaire par rapport aux recours en annulation et en carence, qui avaient également été formés par les requérantes en vue d’obtenir le paiement de ces sommes et dont le Tribunal a constaté l’irrecevabilité (voir points 80 et 83 ci-dessus).

122
À cet égard, le Tribunal estime opportun de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l’action en indemnité de l’article 178 et de l’article 215, deuxième alinéa, du traité a été instituée comme une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique. Elle tend en effet à la réparation, uniquement à l’égard du requérant, du préjudice causé par une institution communautaire, et non à la suppression d’une mesure déterminée ou à la constatation d’une carence de l’institution concernée. Il serait dès lors contraire à l’autonomie de cette action, ainsi qu’à l’efficacité du système des voies de recours instauré par le traité, de considérer qu’un recours en indemnité est irrecevable au motif qu’il pourrait conduire, du moins pour les parties requérantes, à un résultat comparable aux résultats d’un recours en annulation ou d’un recours en carence. C’est uniquement dans le cas où un recours en indemnité tendrait en réalité au retrait d’une décision individuelle destinée aux parties requérantes et devenue définitive – de sorte qu’il aurait le même objet et le même effet qu’un recours en annulation – que ce recours en indemnité pourrait être considéré comme un détournement de procédure (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 6; Zuckerfabrik Schoeppenstedt/Conseil, précité, points 3 à 5; Krohn/Commission, précité, points 26, 32 et 33, ainsi que Interquell Stärke-Chemie/Conseil et Commission, précité, point 7, et arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Richco/Commission, T‑491/93, Rec. p. II-1131, points 64 à 66; voir, également en ce sens, Cour eur. D.H., arrêt SA Dangeville c. France du 16 avril 2002, requête n° 26677/97, Recueil des arrêts et décisions, 2002-III, § 47 et 61).

123
Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, à défaut de toute compétence de la Commission pour adopter une décision individuelle concernant les aides considérées, ainsi qu’il résulte des développements précédents (voir points 70 et 71 ci-dessus).

124
Pour l’ensemble de ces raisons, le présent recours en indemnité ne saurait être considéré comme un détournement de procédure.

3.     Sur le moyen tiré de la prescription de l’action en responsabilité

    Observations liminaires

125
Selon l’article 46 du statut de la Cour, les actions contre la Communauté en matière de responsabilité extracontractuelle se prescrivent cinq ans après la survenance du fait qui y donne lieu. Cette prescription est interrompue par le dépôt d’une requête devant le juge communautaire ou par la demande préalable adressée par la victime à l’institution compétente de la Communauté, étant entendu que, dans ce dernier cas, l’interruption n’est acquise que si la demande est suivie d’une requête dans les délais fixés par les articles auxquels renvoie l’article 46 du statut de la Cour, à savoir dans le délai de deux mois prévu à l’article 173 du traité CE ou dans celui de quatre mois prévu à l’article 175 du traité CE (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T‑167/94, Rec. p. II-2589, point 30, et du 31 janvier 2001, Jansma/Conseil et Commission, T‑76/94, Rec. p. II-243, point 81).

126
En l’espèce, avant même de déterminer le point de départ du délai de prescription, le Tribunal estime opportun de relever d’emblée que, en tout état de cause, et contrairement aux allégations des requérantes, ce délai n’a été interrompu ni par leur lettre à l’AIMA en date du 22 janvier 1996 ni par leur lettre à la Commission en date du 13 novembre 1996. En effet, d’une part, il est manifeste qu’aucune de ces lettres ne constituait une demande d’indemnisation adressée à la Commission. En particulier, la lettre du 13 novembre 1996 renfermait une plainte concernant l’interprétation prétendument irrégulière du règlement n° 2499/82 retenue par l’AIMA. Elle ne mettait pas en cause la régularité de ce règlement ou, plus généralement, le comportement de la Commission elle-même (voir point 38 ci-dessus).

127
D’autre part, les requérantes ne sauraient en aucun cas se prévaloir, aux fins de l’interruption de la prescription prévue par l’article 46 du statut de la Cour, des lettres susmentionnées, dans la mesure où aucune de ces lettres n’a été suivie de l’introduction d’un recours devant le Tribunal dans les délais prévus par cet article (voir point 125 ci-dessus).

128
À la suite de ces constatations liminaires, il convient de déterminer le point de départ du délai de prescription du présent recours en indemnité.

    Existence d’un préjudice certain

129
Le délai de prescription prévu à l’article 46 du statut de la Cour ne saurait commencer à courir avant que ne soient réunies toutes les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation. Ces conditions sont relatives à l’existence d’un comportement illégal des institutions communautaires, à la réalité du préjudice allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 27 janvier 1982, Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80 et 5/81, Rec. p. 85, point 10, et arrêts du Tribunal du 16 avril 1997, Hartmann/Conseil et Commission, T‑20/94, Rec. p. II-595, point 107, et Jansma/Conseil et Commission, précité, point 76). La condition susvisée relative à l’existence d’un préjudice certain est remplie dès lors que le préjudice est imminent et prévisible avec une certitude suffisante, même s’il ne peut pas encore être chiffré avec précision (arrêt de la Cour du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg/Conseil et Commission, 281/84, Rec. p. 49, point 14).

130
À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant, comme en l’espèce, des cas où la responsabilité de la Communauté découle d’un acte normatif, le délai de prescription ne saurait commencer à courir avant que les effets dommageables de cet acte ne se soient produits et, par conséquent, avant le moment où les intéressés ont subi un préjudice certain (arrêt Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, précité, point 10).

131
En l’occurrence, le Tribunal constate dès lors que le délai de prescription a commencé à courir à partir du moment où le préjudice résultant de l’absence totale ou partielle de versement de l’aide communautaire a été subi de manière certaine par les requérantes.

132
Il n’est pas contesté par ces dernières que, selon l’économie du règlement n° 2499/82, le prix minimal d’achat du vin aurait dû leur être payé par la DAI au plus tard à la fin du mois de juin 1983, en application de l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement, ainsi que l’a souligné la Commission. En effet, aux termes de cette disposition, ce prix devait être payé par le distillateur au producteur au plus tard quatre-vingt-dix jours après l’entrée du vin dans la distillerie. Or, en l’espèce, il est constant que les dernières livraisons de vin ont eu lieu au mois de mars 1983 (voir point 18 ci-dessus).

133
Toutefois, dans les circonstances particulières du présent litige, le préjudice subi par les requérantes à la fin du mois de juin 1983, du fait de l’absence totale ou partielle de paiement du prix minimal d’achat dans le délai prescrit, ne saurait être considéré comme présentant dès cette date un caractère certain, c’est-à-dire comme étant imminent et prévisible.

134
En effet, le 22 juin 1983, la DAI a sollicité auprès de l’AIMA le versement à titre d’avance du montant de l’aide communautaire considérée et a constitué à cette fin une caution au nom de cet organisme, conformément à l’article 11 du règlement n° 2499/82. Or, il n’est pas contesté par les parties que la DAI, après avoir perçu cette avance le 10 août 1983, a versé une partie de son montant à certains des producteurs concernés, notamment à certaines requérantes, ainsi qu’il ressort des données fournies par celles-ci en réponse aux questions du Tribunal, et comme la DAI l’avait d’ailleurs affirmé devant le Tribunale civile de Rome (voir points 16, 19, 20, 25, 26 et 43 ci-dessus).

135
En outre, au mois de septembre 1984, la DAI a engagé une procédure devant le Tribunale civile de Rome, en vue de faire constater en particulier que la caution était destinée à garantir le paiement du prix minimal d’achat aux producteurs, en cas d’inexécution de ses obligations par le distillateur. Les producteurs concernés, dont les requérantes, sont intervenus au soutien des conclusions de la DAI. Ces conclusions ont été rejetées par le jugement du Tribunale civile de Rome du 27 janvier 1989 (voir points 25, 26, 28 et 30 ci-dessus). L’appel formé contre le jugement par quatre des cinq requérantes a été rejeté par l’arrêt de la cour d’appel de Rome du 19 novembre 1991, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation italienne du 28 novembre 1994.

136
Or, aux fins de l’appréciation du caractère certain du préjudice, il y a lieu de prendre en considération ces procédures concernant spécifiquement le sort de la caution. En effet, malgré l’inefficacité des voies de recours nationales qui vient d’être constatée par le Tribunal (voir point 118 ci-dessus), il convient de reconnaître que, dans les circonstances exceptionnelles de l’espèce, il était extrêmement difficile, pour un opérateur économique prudent et avisé, de se rendre compte qu’il ne pourrait obtenir le paiement des aides considérées devant le juge national.

137
En l’occurrence, il convient de relever que l’échange de correspondance des requérantes avec l’AIMA, d’une part, et la Commission, d’autre part, ainsi que les procédures engagées devant les juridictions italiennes montrent que les requérantes ont, dans un premier temps, clairement attribué le refus de l’AIMA de leur verser l’aide considérée à une application erronée du règlement n° 2499/82 (voir points 28, 35 à 38, 41 et 42 ci-dessus).

138
À cet égard, il est à noter que le refus susvisé de l’AIMA ne se fondait pas sur des dispositions expresses du règlement n° 2499/82, mais sur une lacune de ce règlement, en tant qu’il ne prévoyait pas, sous le régime institué par son article 9, de mécanisme assurant le versement de l’aide aux producteurs concernés en cas d’insolvabilité du distillateur. Par ailleurs, l’article 11 du règlement susvisé subordonnait le versement de l’aide au distillateur à titre d’avance, à la constitution par ce dernier d’une caution égale à 110 % du montant de cette aide, au nom de l’organisme d’intervention. Dans ces conditions, les intéressés pouvaient raisonnablement ignorer que l’origine de leur préjudice résidait précisément dans une lacune du règlement n° 2499/82, de sorte qu’ils ne pourraient obtenir réparation de ce préjudice devant le juge national, à défaut de base juridique autorisant le versement de l’aide aux producteurs, ainsi qu’il a déjà été jugé (voir point 118 ci-dessus).

139
De plus, force est de constater que, dans le contexte de leurs rapports quasi contractuels avec l’AIMA, les requérantes pouvaient légitimement espérer une condamnation de cet organisme par le juge national à leur verser le montant de l’aide communautaire inclus dans le prix minimal d’achat qui ne leur avait pas été payé par la DAI, comme l’a d’ailleurs allégué la Commission lors de l’audience (voir point 89 ci-dessus).

140
En effet, il est constant que tous les contrats conclus entre les requérantes et la DAI, et agréés par l’AIMA, mentionnaient expressément le montant de la subvention du FEOGA qui était inclus dans le prix minimal d’achat fixé par le règlement n° 2499/82 et stipulé dans le contrat, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier.

141
En outre, il n’est pas contesté que les requérantes ont rempli l’ensemble de leurs obligations et que la distillation préventive a été effectuée dans les délais prescrits par le règlement susvisé.

142
Par ailleurs, l’absence de mécanisme garantissant, sous le régime institué par l’article 9 de ce règlement, le versement de l’aide communautaire aux producteurs concernés, en cas notamment de faillite du distillateur, est incompatible avec l’une des finalités essentielles de la distillation préventive. Le recours à la distillation préventive vise en effet non seulement à éviter la commercialisation de vins de qualité médiocre, mais également, ainsi qu’il ressort du sixième considérant du règlement n° 2144/82, à améliorer le revenu des producteurs, en leur assurant, sous certaines conditions, un « prix minimal garanti » pour le vin de table. En outre, aux termes du onzième considérant du règlement n° 2499/82, il importait de prévoir que le prix minimal assuré aux producteurs leur soit versé, en règle générale, dans des délais leur permettant d’en tirer un revenu comparable à celui qu’ils auraient obtenu s’il s’était agi d’une vente commerciale; dans ces conditions, il était apparu nécessaire, selon ce considérant, d’avancer le plus possible le versement des aides dues, tout en garantissant par un régime de caution approprié le bon déroulement des opérations.

143
Dans ce contexte, un producteur prudent et avisé pouvait raisonnablement escompter obtenir le paiement de l’aide considérée. En particulier, dans la mesure où une caution avait été constituée par le distillateur, en application de l’article 11 du règlement n° 2499/82, afin de garantir la régularité de l’opération, le risque d’insolvabilité du distillateur pouvait légitimement sembler couvert, pour ce qui est du montant de l’aide préalablement versée au distillateur à titre d’avance, lorsque les producteurs avaient rempli l’ensemble de leurs obligations et que le vin avait été distillé conformément aux dispositions de ce règlement.

144
Le caractère exceptionnel de la situation résultant de la lacune susmentionnée du règlement n° 2499/82, dans le domaine de la distillation préventive du vin de table, est d’ailleurs confirmé par le fait que, sous le régime institué par le règlement (CEE) n° 1931/76 du Conseil, du 20 juillet 1976, établissant les règles générales relatives aux opérations de distillation de vins visées aux articles 6 ter, 6 quater, 24 bis et 24 ter du règlement (CEE) n° 816/70 (JO L 211, p. 5), l’aide communautaire était versée directement aux producteurs concernés par l’organisme national d’intervention. S’il est vrai que le règlement (CEE) n° 343/79 du Conseil, du 5 février 1979, établissant les règles générales relatives à certaines opérations de distillation de vins (JO L 54, p. 64), remplaçant le règlement n° 1931/76 à partir du 2 avril 1979, permettait aux États membres de prévoir le versement d’une partie de l’aide aux producteurs soit par l’organisme d’intervention soit par le distillateur (l’organisme d’intervention remboursant dans ce second cas le montant de l’aide au distillateur lorsque la preuve était apportée que la quantité totale de vin figurant dans le contrat avait été distillée), il n’instituait pas de régime comparable à celui prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82, applicable en l’espèce. En effet, l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 343/79 énonçait que, lorsque la preuve susmentionnée était apportée, l’organisme d’intervention versait au producteur la différence entre l’aide due et le montant visé au paragraphe 2. Contrairement au régime prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82, l’octroi de l’aide communautaire n’était donc pas, en définitive, subordonné à la preuve du versement de l’aide, dans un délai prescrit, par le distillateur au producteur.

145
Pour l’ensemble de ces raisons, compte tenu de la complexité du système instauré par le règlement n° 2499/82 et des circonstances exceptionnelles qui viennent d’être évoquées, ce n’est qu’à l’issue des procédures relatives à la caution, engagées devant les juridictions italiennes, que les requérantes ont pu se rendre compte qu’elles n’obtiendraient pas le paiement du montant des aides en cause au moyen de la caution.

146
En l’occurrence, bien que la caution ait été encaissée par l’AIMA dès le mois de février 1991, en exécution du jugement du Tribunale civile de Rome, et comptabilisée la même année en faveur du FEOGA (voir point 40 ci-dessus), le bénéficiaire de cette caution en vertu des dispositions du règlement n° 2499/82 n’a été déterminé de manière définitive par le juge italien qu’à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation italienne du 28 novembre 1994, précité. À cet égard, la circonstance, invoquée par la Commission, que la cour d’appel de Rome a déclaré l’instance d’appel éteinte en raison de la notification irrégulière de l’appel à la DAI ne permet pas de considérer que la destination de la caution avait été arrêtée de manière définitive par le jugement susvisé du Tribunale civile de Rome, dès lors que l’appel avait été interjeté par quatre des requérantes dans le délai prescrit et régulièrement notifié à l’AIMA et à l’Assedile, et que ces quatre requérantes ont par la suite régulièrement formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel (voir points 31 et 33 ci-dessus et, par analogie, les conclusions de l’avocat général M. Darmon du 18 juin 1991 sous l’arrêt de la Cour du 8 avril 1992, Cato/Commission, C‑55/90, Rec. p. I-2533, I-2545, points 25 à 27, et du 4 février 1992, Rec. p. I-2559, point 19). Il s’ensuit que le préjudice subi par les requérantes ne pouvait pas présenter de caractère certain avant le 28 novembre 1994.

147
Dans ces conditions, le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 46 du statut de la Cour ne pouvait pas commencer à courir avant cette dernière date, de sorte que le présent recours en indemnité, formé en 1998, ne saurait être considéré comme tardif.

148
Il s’ensuit que le moyen tiré de la prescription du recours doit être rejeté.

149
Par ailleurs, il convient de préciser que, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation italienne du 28 novembre 1994, le préjudice subi par les requérantes pouvait en revanche être considéré comme certain, dans la mesure où il apparaissait alors imminent et prévisible, bien que son montant ne puisse pas encore être déterminé avec précision (voir points 129 et 130 ci-dessus). En effet, dans la mesure où les requérantes bénéficiaient, en leur qualité de coopératives agricoles, du statut de créanciers privilégiés – ainsi qu’il ressort des réponses des requérantes, non contestées par la Commission, aux questions écrites du Tribunal –, il n’était pas exclu qu’elles puissent récupérer une partie de leurs créances impayées à l’égard de la DAI au terme de la procédure de faillite, qui n’est intervenu qu’au cours de l’année 2000 selon les réponses susvisées.

150
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conclusions en indemnité sont recevables.

Sur le bien-fondé du recours en indemnité

Arguments des parties

151
Les requérantes invoquent, à l’appui de leur demande en indemnité, l’irrégularité du règlement n° 2499/82 au motif que la lacune qu’ils dénoncent entraînerait en premier lieu une inégalité de traitement entre les producteurs, selon leur nationalité. Ce règlement méconnaîtrait gravement le principe de non-discrimination consacré à l’article 6 et à l’article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CE (devenus, le cas échéant après modification, article 12 CE et article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE), dans la mesure où, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, seuls les producteurs soumis au régime de l’article 9 dudit règlement seraient exclus du bénéfice de l’aide communautaire. Il résulterait en outre de ce système que la même aide serait destinée soit au producteur, si l’État membre concerné a choisi la procédure prévue à l’article 10 de ce même règlement, soit au distillateur, s’il a opté pour la procédure prévue à l’article 9 dudit règlement, ce qui serait en outre en contradiction manifeste avec les objectifs poursuivis par ce règlement. En second lieu, les requérantes allèguent que l’absence de garantie de paiement des aides considérées aux producteurs a entraîné en l’espèce un enrichissement sans cause de la Communauté.

152
Par ailleurs, en ce qui concerne l’évaluation du préjudice subi, les requérantes ont indiqué dans la requête les montants de leurs créances impayées envers la DAI, qui avaient déjà été invoqués devant le Tribunale civile de Rome (voir point 28 ci-dessus) et qui n’ont pas été contestés par la Commission. Lors de l’audience du 10 février 2004, elles ont précisé, en réponse à une question du Tribunal, que, à la suite du partage effectué dans le cadre de la procédure de faillite de la DAI, en 2000, le préjudice dont elles se prévalent correspond uniquement à la part représentée proportionnellement par l’aide communautaire dans le montant de leurs créances non satisfaites à l’égard de la DAI, après ce partage (voir point 44 ci-dessus). Cette part devrait ainsi être calculée à proportion de la part représentée par l’aide – mentionnée dans les contrats agréés par l’AIMA – dans le prix minimal d’achat stipulé.

153
La Commission soutient, pour sa part, que, sous le régime de versement de l’aide communautaire prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82, les distillateurs étaient les bénéficiaires directs de cette aide. En revanche, sous le régime prévu par l’article 10 de ce règlement, les bénéficiaires en auraient été les producteurs. Cette distinction, loin de constituer une discrimination, répondrait à la nécessité de tenir compte, pour le versement des avances et des aides, des différents régimes administratifs des États membres, comme l’indiquerait le onzième considérant de ce règlement.

Appréciation du Tribunal

154
La responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait des dommages causés par les institutions, prévue à l’article 215, deuxième alinéa, du traité CE, ne peut être engagée que si un ensemble de conditions, relatives à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement illégal allégué et le préjudice invoqué est réuni (arrêt Ludwigshafener Walzmühle e.a./Conseil et Commission, précité, point 18, et arrêt du Tribunal du 9 décembre 1997, Quiller et Heusmann/Conseil et Commission, T-195/94 et T-202/94, Rec. p. II-2247, point 48).

155
S’agissant de la première de ces conditions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I-5291, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif pour considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I-11355, point 54, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, Rec. p. II-1975, point 134).

156
En l’espèce, les requérantes soutiennent en substance que la différence entre les régimes de versement de l’aide prévus respectivement par les articles 9 et 10 du règlement n° 2499/82 présente un caractère discriminatoire, en raison de l’absence de garantie relative au paiement de l’aide aux producteurs concernés sous le régime prévu par l’article 9. De plus, le défaut total ou partiel de paiement des aides considérées aux requérantes entraînerait un enrichissement sans cause de la Communauté (voir point 84 ci-dessus).

157
S’agissant en premier lieu du moyen tiré de la violation du principe d’interdiction de l’enrichissement sans cause, il convient de souligner que les requérantes ont rempli l’ensemble de leurs obligations et que la distillation préventive du vin qu’elles ont livré à la DAI a été effectuée dans les délais prescrits par le règlement n° 2499/82, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir point 141 ci-dessus). Les objectifs poursuivis par ce règlement, en ce qui concerne la distillation préventive, ont ainsi été pleinement atteints.

158
Néanmoins, à la suite de l’insolvabilité de la DAI, les requérantes n’ont pas obtenu la contrepartie de leurs prestations prévue dans le cadre de leurs rapports quasi contractuels avec l’AIMA, sous la forme du paiement – par l’intermédiaire de la DAI – du montant des aides du FEOGA mentionné dans les contrats conclus avec la DAI et agréés par l’AIMA.

159
Dans ces conditions, la Communauté a bénéficié d’un enrichissement sans cause, résultant de l’absence de paiement intégral des aides considérées aux requérantes, tandis que la caution constituée par la DAI – afin de garantir la régularité de l’opération de distillation préventive et d’obtenir le versement de ces aides à titre d’avance – et encaissée par l’AIMA avait été comptabilisée par celle-ci en faveur du FEOGA, lors de l’exercice 1991.

160
Or, l’interdiction de l’enrichissement sans cause constitue un principe général du droit communautaire (arrêt de la Cour du 10 juillet 1990, Grèce/Commission, C-259/87, Rec. p. I-2845, publication sommaire, point 26, et arrêts du Tribunal du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, Rec. p. II-2967, point 55, et du 3 avril 2003, Vieira et Vieira Argentina/Commission, T-44/01, T-119/01 et T‑126/01, Rec. p. II-1209, point 86).

161
Force est dès lors de constater que le régime de versement indirect de l’aide institué par l’article 9 du règlement n° 2499/82 est manifestement contraire au principe général interdisant l’enrichissement sans cause, en tant que ce régime n’était assorti d’aucun mécanisme susceptible d’assurer le versement de l’aide communautaire aux producteurs, en cas d’insolvabilité du distillateur, lorsque par ailleurs l’ensemble des conditions d’octroi de l’aide était réuni.

162
Il s’ensuit que le règlement n° 2499/82 est entaché d’une violation suffisamment caractérisée du principe interdisant l’enrichissement sans cause, qui a pour objet de conférer des droits aux particuliers.

163
En ce qui concerne en second lieu le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination, le Tribunal constate, à titre liminaire, que l’option prévue par l’article 8 du règlement n° 2499/82 entre, d’une part, le versement de l’aide aux producteurs par l’intermédiaire du distillateur (article 9) et, d’autre part, le versement direct de l’aide aux producteurs par l’organisme d’intervention (article 10) était justifiée dans son principe par la nécessité d’assurer la pleine efficacité de la distillation préventive pour la campagne viticole 1982/1983, dans l’ensemble de la Communauté, compte tenu de la diversité des régimes administratifs des différents États membres, comme l’indique le onzième considérant de ce règlement. La légalité d’un système de versement indirect de l’aide aux producteurs n’est d’ailleurs pas contestée dans son principe par les requérantes.

164
En l’espèce, il convient d’examiner si les modalités du régime de versement indirect de l’aide prévues par la réglementation en cause n’entraînaient pas une discrimination entre producteurs de la Communauté, interdite par l’article 40, paragraphe 3, du traité, dans la mesure où elles auraient eu pour effet de faire peser sur les producteurs établis dans un État membre qui avait opté pour ce régime de versement indirect prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82 un risque, en ce qui concerne le versement de l’aide communautaire, qui n’aurait pas été supporté par les producteurs établis dans un État membre ayant opté pour le régime prévu par l’article 10 dudit règlement.

165
Conformément à une jurisprudence constante, l’interdiction de discrimination énoncée à l’article 40, paragraphe 3, du traité n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité qui fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe veut que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt de la Cour du 21 février 1990, Wuidart e.a., C‑267/88 à C‑285/88, Rec. p. I-435, point 13).

166
S’agissant du contrôle judiciaire des conditions de mise en œuvre de cette interdiction, il y a toutefois lieu de préciser que le législateur communautaire dispose en matière de politique agricole commune d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 et 43 du traité (devenus, respectivement, articles 34 CE et 37 CE) lui attribuent (arrêt Wuidart e.a., précité, point 14).

167
En l’espèce, il ressort de la finalité du règlement susmentionné que, quel que soit le régime de versement de l’aide choisi, celle-ci était bien destinée aux producteurs (voir point 142 ci-dessus). S’il est vrai que, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 2499/82, l’organisme d’intervention devait verser l’aide au distillateur, il n’en reste pas moins que ce versement était subordonné au paiement, dans le délai prescrit au paragraphe 1 du même article, par le distillateur au producteur du prix minimal d’achat incluant le montant de l’aide. Dans ce système, le distillateur faisait, en réalité, fonction d’intermédiaire en ce qui concerne le paiement de l’aide communautaire, laquelle était comprise dans le prix minimal d’achat garanti.

168
Dans ces conditions, le Tribunal considère que l’absence de garantie de paiement de l’aide communautaire aux producteurs concernés, sous le régime prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82, en cas notamment de faillite du distillateur, ne participe pas des risques commerciaux normaux inhérents à l’exécution de contrats de livraison tels que ceux conclus en l’espèce entre les distillateurs et les producteurs, et en particulier du risque d’inexécution de l’obligation de paiement du prix stipulé, en cas d’insolvabilité de l’acheteur.

169
À cet égard, force est de relever que, au regard du cadre réglementaire dans lequel ils s’inscrivaient, les contrats entre les distillateurs et les producteurs, visés aux articles 1er, 3 et 4 du règlement n° 2499/82, ne doivent pas être considérés comme des contrats commerciaux ordinaires, en tant que le prix qui y était stipulé comprenait le montant de l’aide communautaire. En effet, en prévoyant l’octroi d’une aide du FEOGA, section « Garantie », en faveur d’une catégorie d’opérateurs économiques déterminée, dans les conditions précises qu’il définissait, le règlement n° 2499/82 excluait en principe tout aléa économique ou commercial concernant le versement de l’aide, dès lors que ces conditions d’octroi étaient réunies.

170
Dans ce contexte, la mention expresse du montant de l’aide communautaire incluse dans le prix minimal d’achat stipulé dans les contrats passés entre les producteurs et les distillateurs et agréés par l’organisme d’intervention confirme l’absence en principe de tout risque d’inexécution concernant le paiement du prix à concurrence du montant de l’aide. En revanche, il convient de souligner que la part du prix minimal d’achat non couverte par l’aide communautaire restait soumise aux risques inhérents à tout contrat commercial.

171
Toutefois, en pratique, en raison de l’absence de système garantissant le paiement de l’aide aux producteurs sous le régime prévu à l’article 9 du règlement, en cas notamment de faillite du distillateur, le versement effectif de l’aide communautaire à ces derniers demeurait également soumis à des aléas de nature purement commerciale, susceptibles de fausser les conditions de son octroi.

172
Or, la circonstance que le régime d’aide à la distillation était aménagé de telle sorte que les moyens financiers communautaires prévus à cet effet aient été susceptibles de se perdre dans la relation commerciale interposée, avant d’atteindre leur bénéficiaire, est manifestement contraire à la finalité du régime et à son caractère public. S’il est vrai que la caution, prévue en cas de versement de l’aide à titre d’avance, était susceptible de sauvegarder, le cas échéant, les intérêts financiers de la Communauté, il n’en reste pas moins que, dans des conditions telles que celles de l’espèce, le régime a manqué de manière flagrante l’un de ses objectifs, à savoir améliorer le revenu des producteurs concernés. À cet égard, il y a lieu de relever que l’argument de la Commission, selon lequel il est normal, dans le cadre de la politique agricole commune, que le bénéficiaire juridique d’une aide se situe en aval du bénéficiaire économique qu’est le producteur agricole, n’est pas de nature à affecter cette appréciation, dès lors que l’option entre les procédures visées aux articles 9 et 10 du règlement n’était nullement prévue afin de permettre aux États membres de choisir à leur gré le bénéficiaire de l’aide, mais uniquement pour faciliter l’adaptation des modalités de mise en œuvre du système à leur régime administratif (onzième considérant du règlement n° 2499/82).

173
Il y a lieu dès lors de constater que cette lacune dans le règlement n° 2499/82 a entraîné une différence de traitement, selon les États membres, en ce qui concerne précisément la garantie de versement de l’aide communautaire aux producteurs concernés, alors même que cette aide leur était en principe due en vertu de la réglementation communautaire applicable.

174
Une telle disparité ne serait compatible avec le principe de non-discrimination que si elle était objectivement justifiée par la diversité des situations considérées. Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce. En particulier, dans la mesure où la différence de traitement incriminée ne se rapporte pas aux conditions d’octroi de l’aide à la distillation préventive, mais uniquement aux modalités administratives de cet octroi, elle ne saurait s’expliquer par des différences concernant la situation des producteurs de vin ou, plus généralement, celle des secteurs vitivinicoles dans les divers États membres.

175
En outre, contrairement aux allégations de la Commission, cette différence de traitement ne se justifie pas davantage par des considérations pratiques liées à la nécessité de tenir compte des différents systèmes administratifs dans les divers États membres. En effet, le régime de versement de l’aide aux producteurs concernés par l’intermédiaire des distillateurs, prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82, pouvait parfaitement être assorti d’un mécanisme assurant le paiement de l’aide aux producteurs, en cas d’insolvabilité du distillateur, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à l’efficacité de ce régime. Il incombait dès lors à la Commission d’adopter en temps voulu les mesures qu’elle estimait les plus appropriées, afin de remédier à cette lacune du règlement susmentionné. À cet égard, l’argument de la Commission, selon lequel la différence de traitement alléguée serait justifiée par le fait que le régime de versement de l’aide institué par l’article 10 du règlement n° 2499/82 aurait imposé davantage de contraintes d’ordre administratif aux producteurs concernés que le régime prévu par l’article 9 de ce règlement, n’est ni circonstancié ni fondé. En effet, les griefs des requérantes ne portent pas sur le principe même du versement de l’aide aux producteurs par l’intermédiaire du distillateur, mais sur le caractère lacunaire de ce système, en ce qu’il ne garantissait pas le versement de l’aide à ses véritables bénéficiaires en cas d’insolvabilité du distillateur. Or, cette absence de garantie était susceptible de priver les producteurs concernés, pour des raisons extrinsèques, de l’aide à laquelle ils étaient en droit de prétendre et ne présente dès lors aucune commune mesure avec les simples conditions de preuve auxquelles l’article 10 du règlement n° 2499/82 subordonnait le versement direct par l’organisme d’intervention de l’aide aux producteurs. Quant à l’argument, avancé par la Commission dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, selon lequel les producteurs concernés auraient également supporté, sous le régime prévu par l’article 10 du règlement n° 2499/82, le risque de ne pas percevoir l’aide communautaire si le distillateur manquait à son obligation de procéder à la distillation du vin dans le délai prescrit, il convient de relever, d’une part, qu’un tel risque pesait sur l’ensemble des producteurs, quelle que soit l’option choisie par les États membres concernés, et, d’autre part, qu’il ne présente aucun rapport avec le risque lié à l’insolvabilité du distillateur, seul en cause en l’espèce, dans la mesure où il est constant que le vin livré par les requérantes a été distillé dans les délais prescrits.

176
Dans ces conditions, en omettant, dans l’économie du règlement n° 2499/82, d’assortir le régime de versement de l’aide prévu par l’article 9 de ce règlement d’un mécanisme garantissant le versement de l’aide aux producteurs concernés, en cas d’insolvabilité du distillateur, la Commission a méconnu de manière manifeste et grave les limites s’imposant à son pouvoir d’appréciation. Il s’ensuit que le règlement n° 2499/82 est également entaché d’une violation suffisamment caractérisée du principe de non-discrimination, qui a pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt Dumortier e.a./Conseil, précité, point 11).

177
Par ailleurs, il y a lieu de rejeter la thèse de la Commission, selon laquelle les requérantes n’auraient pas établi l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice résultant de l’absence totale ou partielle de paiement de l’aide aux requérantes et le comportement de cette institution, au motif qu’elles n’ont pas établi de lien de causalité entre l’absence de paiement de l’aide par la DAI – qui constituerait selon la Commission le fait dommageable – et le comportement de cette institution. À cet égard, il suffit de rappeler que les requérantes font valoir à bon droit que leur préjudice, qui n’est pas contesté par la Commission, a été causé par l’omission de cette institution d’insérer un mécanisme garantissant le versement de l’aide aux producteurs concernés, en cas d’insolvabilité du distillateur, dans le cadre du régime prévu par l’article 9 du règlement n° 2499/82 (voir points 111 et 112 ci-dessus). En effet, l’absence totale ou partielle de paiement de l’aide considérée aux requérantes à la suite de la faillite de la DAI résulte directement de cette lacune du règlement n° 2499/82. Il s’ensuit que l’existence d’un lien de causalité entre ce préjudice et le comportement incriminé de la Commission est clairement établie.

178
À la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que les conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté, relatives à l’illégalité du comportement reproché, à la réalité du dommage et au lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué, sont réunies.

179
Le montant du préjudice subi par les requérantes ne pouvant pas être déterminé au stade actuel de la procédure, au vu de l’argumentation des parties, il y a lieu de considérer, par arrêt interlocutoire, que la Commission est tenue de dédommager les requérantes du préjudice résultant pour elles de l’absence totale ou partielle de paiement de la part représentée par l’aide communautaire – à laquelle elles étaient en droit de prétendre en application du règlement n° 2499/82 – dans le montant de leurs créances impayées à l’égard de la DAI.

180
Le Tribunal invite dès lors les parties à rechercher un accord à la lumière du présent arrêt sur le montant de l’indemnisation du dommage subi, dans un délai de quatre mois à compter du prononcé du présent arrêt. À défaut d’accord, les parties soumettront au Tribunal, dans ce délai, leurs conclusions chiffrées.


Sur les dépens

181
Eu égard à ce qui a été exposé au point précédent, les dépens sont réservés.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)
La Commission est tenue de réparer le préjudice subi par les requérantes, à la suite de la faillite de la Distilleria Agricola Industriale de Terralba, du fait de l’absence de mécanisme susceptible de garantir, sous le régime instauré par l’article 9 du règlement (CEE) n° 2499/82, établissant les dispositions relatives à la distillation préventive pour la campagne viticole 1982/1983, le versement aux producteurs concernés de l’aide communautaire prévue par ce règlement.

2)
Les parties transmettront au Tribunal, dans un délai de quatre mois à compter du prononcé du présent arrêt, le montant chiffré de l’indemnisation établi d’un commun accord.

3)
À défaut d’accord, elles feront parvenir au Tribunal, dans le même délai, leurs conclusions chiffrées.

Pirrung

Meij

Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung

Table des matières

Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

    A –  Sur la recevabilité des recours en annulation et en carence

    Arguments des parties

    Appréciation du Tribunal

        Sur la recevabilité du recours en annulation

        Sur la recevabilité du recours en carence

    B –  Sur le recours en indemnité et la demande en restitution de l’enrichissement sans cause

    Sur la recevabilité de la demande en restitution de l’enrichissement sans cause

    Sur la recevabilité du recours en indemnité

        Arguments des parties

        Appréciation du Tribunal

            1.  Sur le moyen tiré de l’absence d’imputabilité du comportement incriminé à la Communauté

            2.  Sur le moyen tiré de l’existence de voies de recours internes efficaces

            3.  Sur le moyen tiré de la prescription de l’action en responsabilité

            – Observations liminaires

            – Existence d’un préjudice certain

    Sur le bien-fondé du recours en indemnité

        Arguments des parties

        Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



1
Langue de procédure : l'italien.