Language of document : ECLI:EU:T:2023:717

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale NORMOCARE – Marque nationale verbale antérieure NOMOR – Cause de nullité relative – Article 60, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑19/23,

Laboratorios Normon, SA, établie à Tres Cantos (Espagne), représentée par Me I. González-Mogena González, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. N. Lamsters et T. Frydendahl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Sofar SpA, établie à Trezzano Rosa (Italie),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante,  Laboratorios Normon, SA,  demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 octobre 2022 (affaire R 916/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 20 octobre 2020, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Sofar SpA, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne de la requérante,  Laboratorios Normon, SA, ayant été enregistrée le 8 juin 2018, à la suite d’une demande déposée le 2 février 2018 pour le signe verbal NORMOCARE (ci-après la « marque contestée »).

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons autres qu’à usage médical ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques autres qu’à usage médical, lotions capillaires ; dentifrices autres qu’à usage médical » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et préparations à usage médical et vétérinaire ; produits hygiéniques pour la médecine ; aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire, aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

4        La demande en nullité était fondée sur la marque verbale italienne antérieure NOMOR, enregistrée le 8 novembre 2016, désignant les produits relevant des classes 3 et 5, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Crèmes de protection ; crèmes hydratantes » ;

–        classe 5 : « Onguents à usage pharmaceutique ; crèmes pharmaceutiques ; onguents médicamenteux pour application cutanée ; onguents hémorroïdaux ; produits pharmaceutiques pour traitements dermatologiques ».

5        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 60, paragraphe 1, sous a), et à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6        Le 25 mars 2022, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en nullité de la marque contestée, et ce pour les produits suivants :

–        classe 3 : « Savons autres qu’à usage médical ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques autres qu’à usage médical, lotions capillaires ; dentifrices autres qu’à usage médical » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et préparations à usage médical et vétérinaire ; produits hygiéniques pour la médecine ; aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux ; emplâtres, matériel pour pansements ; désinfectants ».

7        En substance, la division d’annulation a considéré que, dans la mesure où les produits visés au point 6 ci-dessus étaient identiques ou « similaires à un degré à tout le moins moyen » avec ceux, protégés par la marque antérieure, il existait un risque de confusion, en raison des similitudes visuelles et phonétiques globales entre les signes. En revanche, elle a rejeté la demande en nullité pour les autres produits.

8        Le 24 mai 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation, demandant que celle-ci soit annulée « dans son intégralité ».

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a, tout d’abord, constaté que la portée du recours était limitée aux produits énumérés au point 6 ci-dessus, pour lesquels la marque contestée avait été déclarée nulle par la division d’annulation. Elle a, ensuite, rejeté ledit recours au motif qu’il existait un risque de confusion entre les signes, du point de vue du public italien, même en tenant compte du degré d’attention supérieur à la moyenne ou élevé, pour tous les produits contestés, y compris ceux qui avaient été jugés similaires à un degré moyen aux produits protégés par la marque antérieure.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’EUIPO en cas de convocation à une audience.

 En droit

12      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 60, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

13      En substance, la requérante soutient que la chambre de recours a effectué une comparaison erronée des marques présentant suffisamment de différences phonétiques, conceptuelles et visuelles pour pouvoir coexister sans donner lieu à un risque de confusion.

14      Conformément à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure a été protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), de ce règlement, il convient d’entendre par marques antérieures notamment les marques enregistrées dans un État membre.

15      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur les éléments non contestés de la décision attaquée

17      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a constaté, tout d’abord, que les produits concernés, visés au point 6 ci-dessus, s’adressaient au grand public, ainsi qu’à des clients professionnels possédant une expertise ou des connaissances professionnelles spécifiques, et que le niveau d’attention de ce public pouvait varier de moyen à élevé. Elle a ensuite affirmé que le risque de confusion devait être apprécié par rapport au public le moins attentif, c’est-à-dire, en l’espèce, le grand public dont le niveau d’attention pouvait varier « de moyen » (certains produits compris dans la classe 3) à « supérieur à la moyenne » (certains produits compris dans la classe 3 et certains produits compris dans la classe 5, notamment lorsqu’ils pouvaient avoir une incidence directe sur la santé humaine), mais qui n’était pas aussi élevé que pour les professionnels. Enfin, la marque antérieure étant enregistrée en Italie, le territoire de cet État membre était pertinent, en l’espèce. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, au demeurant non contestée par les parties.

18      En second lieu, la chambre de recours a fait sienne la conclusion de la division d’annulation, selon laquelle les produits en cause étaient en partie identiques et en partie similaires à un degré moyen. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, au demeurant non contestée par les parties.

 Sur la comparaison des signes

19      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Considérations liminaires portant sur la marque antérieure

20      À titre liminaire, il convient de constater que, ainsi que le relève la requérante et l’admet l’EUIPO, aux points 29 à 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a erronément mentionné la marque antérieure comme étant NOMRON au lieu de NOMOR (voir point 4 ci-dessus). Une telle erreur de plume est sans conséquences sur la légalité de la décision attaquée, la marque antérieure étant correctement orthographiée et examinée en tant que NOMOR dans le reste de la décision attaquée.

 Sur les éléments distinctifs de la marque contestée

21      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [ordonnance du 3 mai 2018, Siberian Vodka/EUIPO – Schwarze und Schlichte (DIAMOND ICE), T‑234/17, non publiée, EU:T:2018:259, point 38].

22      En l’espèce, concernant le terme « normocare » formant la marque contestée, la chambre de recours a considéré que, dans son ensemble, il s’agissait, pour le public italien pertinent, d’un terme inventé. Toutefois, elle a estimé que les consommateurs décomposeraient cette marque en deux éléments verbaux qui, pour eux, suggéreraient une signification concrète ou qui ressembleraient à des mots qu’ils connaissaient.

23      Ainsi, d’une part, l’élément verbal « normo » de la marque contestée pouvait rappeler, selon la chambre de recours, le mot italien « norma », signifiant « norme » et pouvait faire référence à un effet « normalisant » de certains des produits en cause, tels que les « crèmes » et autres « cosmétiques autres qu’à usage médical ». Dès lors, son caractère distinctif pouvait être réduit, en ce qui concerne ces produits. D’autre part, il possédait un caractère distinctif normal pour les produits qui n’avaient pas d’effet normalisant immédiat, tels que les « emplâtres » ou les « aliments diététiques ».

24      S’agissant de l’élément verbal « care », il correspond, selon la chambre de recours, au terme anglais « care », lequel serait compris par le public italien pertinent et, par conséquent, dans le contexte des produits en cause, celui-ci le percevrait comme faisant fortement allusion à leur destination, à savoir, soigner des êtres humains ou des animaux. Partant, cet élément verbal possédait tout au plus un faible degré de caractère distinctif, étant donné qu’il faisait référence à la destination essentielle des produits compris dans la classe 3 et de certains produits dans la classe 5, auxquels le même concept de soins pouvait être appliqué.

25      La requérante soutient également que la marque contestée est constituée de deux éléments verbaux, dotés chacun d’une signification propre. Elle affirme, d’une part, que l’élément verbal « normo » est largement employé par elle, dans la mesure où il correspond au mot principal composant sa dénomination sociale et coïncide avec de nombreuses autres marques qu’elle a enregistrées au niveau national, international et de l’Union, formant une large famille de marques. Elle estime, d’autre part, que l’élément verbal « care », accompagnant l’élément verbal « normo », est un élément distinctif à prendre en compte dans la comparaison avec la marque antérieure. Partant, la marque contestée pourrait signifier « normo soin », ainsi que le reconnaîtrait également la chambre de recours, tandis que la marque antérieure n’aurait pas de signification. Toutefois, la requérante conteste ce qui serait une décomposition artificielle de la marque contestée en des mots n’ayant aucune signification en italien. En particulier, la signification du mot anglais « care » aurait été prise en considération par ladite chambre pour l’élément verbal « care », alors même que, en italien, ledit mot signifierait « cher/chers ».

26      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

27      S’agissant de l’élément verbal « normo » de la marque contestée, la requérante fait valoir que cet élément verbal serait associé par le public pertinent à sa dénomination sociale. À cet égard, force est de constater que la requérante n’a pas produit de preuve que le mot « normon », formant sa dénomination sociale, était renommé ou jouissait d’une reconnaissance accrue auprès du public pertinent italien. Partant, il n’existe pas de base factuelle pour conclure que les consommateurs pertinents percevraient dans ledit élément verbal une référence à ladite société. Au contraire, comme l’a relevé la chambre de recours, il est possible que le public italien perçoive l’élément verbal en question comme se référant à l’idée de norme. Partant, le caractère distinctif du mot « normo » doit être considéré comme réduit pour certains des produits en cause, en raison du renvoi au concept de « normalisation », comme l’affirme, à juste titre, ladite chambre, et normal pour les autres produits pertinents (voir point 23 ci-dessus).

28      Cette conclusion n’est pas invalidée par les allégations de la requérante portant sur la prétendue existence d’une famille de marques contenant les mots « normo » ou « normon », dans la mesure où il conviendrait de les comprendre comme visant à renforcer le caractère distinctif de l’élément verbal « normo » de la marque contestée. À cet égard, il convient de relever que le seul fait d’énumérer une multitude de marques enregistrées comportant une base commune, à savoir le préfixe « normo » ou « normon », ne saurait suffire, selon la jurisprudence, aux fins d’invoquer l’existence d’une série de marques. Le titulaire d’une série d’enregistrements antérieurs doit notamment fournir la preuve de l’usage de toutes les marques appartenant à la série ou, à tout le moins, d’un nombre de marques susceptible de constituer une série. En effet, pour qu’il existe un risque que le public se méprenne quant à l’appartenance à la série d’une marque, les marques antérieures faisant partie de cette série doivent nécessairement être présentes sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2012, Hearst Communications/OHMI – Vida Estética (COSMOBELLEZA), T‑344/09, non publié, EU:T:2012:324, point 86].

29      S’agissant de l’élément verbal « care » de la marque contestée, il pourrait être compris, à tout le moins par une partie du public pertinent italien, comme signifiant « soin(s) », comme l’a constaté la chambre de recours et comme l’admet la requérante (voir points 24 et 25 ci-dessus), de sorte que son caractère distinctif ne serait, tout au plus, que faible, compte tenu de son indication quant à la destination des produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2022, Moio/EUIPO – Paul Hartmann (moio.care), T‑276/21, non publié, EU:T:2022:221, points 60 et 61]. Cette constatation n’est pas invalidée par l’allégation de la requérante selon laquelle le public pertinent peut également percevoir le mot italien « care », signifiant « chères ». En particulier, il convient de relever que, au regard des produits en cause, qui présentent tous un lien avec l’hygiène, voire sont des produits pharmaceutiques, des aliments diététiques, des désinfectants, des emplâtres ou consistent en du matériel pour pansements (voir point 6 ci-dessus), il est raisonnable d’estimer qu’une partie non négligeable des consommateurs italiens tiendra compte du renvoi dudit mot aux « soins ». Ainsi, il y a également lieu de rejeter comme non fondée l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a procédé à une division « artificielle » de la marque contestée au regard d’éléments n’ayant aucune signification en italien, relevant du vocabulaire anglais (voir point 25 ci-dessus).

30      Par ailleurs, il n’est pas contesté que la marque antérieure est dépourvue de signification pour le public pertinent qui la perçoit comme un terme inventé, possédant un caractère distinctif normal en ce qui concerne les produits en cause.

 Sur la similitude des signes

31      Sur le plan visuel, les signes en cause coïncident, selon la chambre de recours, par la séquence de lettres majuscules « NO », ainsi que par la suite de lettres majuscules « MO », bien que ces dernières soient placées dans une position différente. Ils auraient en commun la lettre majuscule « R », certes dans des positions différentes. Ils différeraient, par ailleurs, par l’élément verbal « care » de la marque contestée, qui présenterait un caractère distinctif faible, voire inexistant, au regard des produits en cause. Ils produiraient une impression d’ensemble similaire, les éléments verbaux « normo » et « nomor » coïncidant par le nombre de lettres, trois sur cinq étant placées dans une position différente, créant une ressemblance globale, dans la mesure où l’un constituerait l’anagramme de l’autre. Tenant également compte du fait que la séquence de lettres majuscules « NO » serait placée au début desdits signes, sur lequel les consommateurs ont tendance à se concentrer, les similitudes ne pouvaient pas non plus être compensées par la présence de l’élément verbal « care » de la marque contestée, compte tenu de son caractère distinctif tout au plus faible. Par conséquent, les signes en question présenteraient un degré moyen de similitude visuelle.

32      Sur le plan phonétique, en substance, la chambre de recours a considéré que, en raison des longueurs, rythmes et intonations différentes des signes en cause, ceux-ci étaient similaires à un faible degré.

33      Sur le plan conceptuel, la marque contestée rappelle, selon la chambre de recours, les concepts décrits aux points 23 et 24 ci-dessus, tandis que la marque antérieure n’en véhicule aucun. Par conséquent, les signes en cause ne seraient pas similaires sur ce plan.

34      La requérante soutient, en substance, que les similitudes visuelles sont neutralisées par les différences dans la longueur des signes en cause, des lettres qui les composent et de leur ordre. Sur le plan phonétique, lesdits signes seraient prononcés de façon complètement différente. Ils différeraient également au niveau conceptuel.

35      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

36      Il convient de relever que, dans la mesure où l’élément verbal « normo » de la marque contestée constitue un anagramme de la marque antérieure, où leurs deux premières lettres coïncident et où l’élément verbal « care » de la marque contestée ne dispose que d’un faible caractère distinctif, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude visuelle.

37      Sur le plan phonétique, en raison des similitudes dans le début des signes en cause, il est possible de conclure à un faible degré de similitude, nonobstant la présence de l’élément verbal « care » dans la marque contestée.

38      Sur le plan conceptuel, lorsque l’une des marques en conflit présente une signification aux yeux du public pertinent et que l’autre marque en est dépourvue, il doit être constaté que les marques en cause présentent des différences sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2017, RP Technik/EUIPO – Tecnomarmi (RP ROYAL PALLADIUM), T‑768/15, non publié, EU:T:2017:630, points 88 et 89]. En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 23, 24, 27 et 29 ci-dessus, pour une partie du public pertinent, le terme fantaisiste « normocare » formant la marque contestée jouit, dans son ensemble, d’une certaine force évocatrice, renvoyant aux concepts de « soins » et de « normalisation », lesquels sont donc susceptibles d’évoquer ensemble le concept de « soin normalisant ». En revanche, ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus, la marque antérieure est dépourvue de signification pour le public pertinent. Il découle donc de ce qui précède que la chambre de recours a conclu à juste titre que les signes en cause n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel.

 Sur le risque de confusion

39      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

40      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que les produits en cause étaient soit identiques, soit similaires à un degré moyen. En outre, les signes en cause présentaient, selon elle, un degré moyen de similitude sur le plan visuel, un faible degré de similitude sur le plan phonétique, tandis qu’ils n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel. Le caractère distinctif de la marque antérieure était normal.

41      En ce qui concerne le niveau d’attention accru du grand public italien à l’égard des signes comparés, selon la chambre de recours, même les consommateurs très attentifs n’ont généralement pas la possibilité de procéder à une comparaison directe des marques et devraient donc se fier à l’image imparfaite qu’ils en ont gardée en mémoire. Pris isolément, le niveau d’attention accru n’était donc pas de nature à exclure l’existence d’un risque de confusion. Dès lors que la différence entre les signes en cause concernait la position des lettres, l’élément verbal supplémentaire, faiblement distinctif, de la marque contestée ne saurait être considéré comme étant suffisant pour assurer une distinction certaine entre les marques.

42      Dans la mesure où la requérante s’appuyait également sur le fait qu’elle possédait plusieurs enregistrements commençant par le terme « normo », y compris sa dénomination sociale, et qu’ils coexistaient avec la marque antérieure, la chambre de recours a noté qu’une coexistence formelle des marques dans les registres nationaux ou de l’Union n’était pas, en soi, particulièrement pertinente. S’agissant de la coexistence réelle, sur le marché, qui aurait permis d’indiquer que les consommateurs étaient habitués à voir les marques en cause sans les confondre, il manquait en l’espèce tant des arguments convaincants que des preuves à l’appui.

43      Partant, tenant compte de l’interdépendance des divers facteurs en cause, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion pour le public pertinent, pour tous les produits en cause, y compris ceux jugés similaires à un degré moyen aux produits protégés par la marque antérieure.

44      Selon la requérante, il n’existe aucun risque de confusion, étant donné que la lettre majuscule « R » est placée à différents endroits dans les signes en cause et que l’élément verbal « care » n’est présent que dans la marque contestée, ce qui constitue des différences majeures sur tous les plans de comparaison. De surcroît, elle souligne la coexistence de la famille de marques à laquelle appartenait la marque contestée, avec la marque antérieure.

45      Dans l’ensemble, la requérante soutient ainsi que les marques en conflit pouvaient coexister, ne présentant qu’un léger degré de similitude sur le plan visuel, étant peu similaires sur le plan phonétique et ne présentant aucune similitude conceptuelle, voire même, étaient différentes sur ce dernier plan. Outre l’existence de la famille de marques incluant le mot « normo » ou « normon », elle évoque également de multiples décisions rendues par l’EUIPO en faveur de la protection de certaines de ces marques, enregistrées de longue date « sur le territoire de l’Union européenne », notamment en Espagne, et ce avant l’enregistrement de la marque antérieure en Italie. Certaines de ces marques auraient d’ailleurs été invoquées à l’appui de la procédure d’opposition parallèle no°B003123753 devant l’EUIPO contre la marque de l’Union européenne no°18197070 NOMOR.

46      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

47      Il convient de constater que, en raison des éléments pris en considération par la chambre de recours, notamment le degré moyen de similitude au niveau visuel, le faible degré de similitude au niveau phonétique, l’identité ou la similitude des produits en cause, ainsi que le fait que le public pertinent n’avait que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des marques mais devait se fier à l’image imparfaite gardée en mémoire, et au vu du degré distinctif moyen de la marque antérieure, c’est à bon droit qu’elle a conclu à un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Compte tenu de tous ces différents éléments, contrairement à ce qui est allégué par la requérante, l’absence de similitude conceptuelle entre les marques en cause n’est pas de nature à écarter l’existence d’un risque de confusion.

48      Cette conclusion n’est pas non plus invalidée par l’allégation de la requérante portant sur une prétendue coexistence de la marque contestée et de la marque antérieure sur le marché pertinent.

49      Certes, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, il ne saurait être exclu que la coexistence sur un marché déterminé de deux marques puisse éventuellement contribuer, conjointement à d’autres éléments, à amoindrir le risque de confusion entre ces marques dans l’esprit du public pertinent. L’absence de risque de confusion peut ainsi être déduite du caractère paisible de la coexistence des marques en conflit sur le marché en cause [voir arrêt du 12 juillet 2019, Ogrodnik/EUIPO – Aviário Tropical (Tropical), T‑276/17, non publié, EU:T:2019:525, point 79 et jurisprudence citée].

50      Cependant, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours d’une procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’EUIPO, le titulaire de la marque contestée a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre la marque dont il se prévaut et la marque de l’autre partie à la procédure qui fonde la demande en nullité et sous réserve que la marque dont il se prévaut et la marque en conflit soient identiques. Pour ce faire, il est loisible audit titulaire de procéder à cette démonstration en avançant un faisceau d’indices en ce sens. À cet égard, sont particulièrement pertinents les éléments attestant de la connaissance de chacune des marques en cause par le public pertinent avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. En outre, dans la mesure où il ressort de la jurisprudence que la coexistence de deux marques doit être suffisamment longue pour qu’elle puisse influer sur la perception du consommateur pertinent, la durée de la coexistence constitue également un élément essentiel (voir arrêt du 12 juillet 2019, Tropical, T‑276/17, non publié, EU:T:2019:525, point 80 et jurisprudence citée).

51      Partant, la requérante ne saurait s’exonérer de son obligation de démontrer que la coexistence paisible qu’elle invoque repose sur une absence de risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent, cette démonstration pouvant être opérée au moyen d’un faisceau d’indices (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2019, Tropical, T‑276/17, non publié, EU:T:2019:525, point 81). Or, force est de constater que la requérante n’a fourni aucun élément de preuve concret démontrant une telle coexistence, reposant sur l’absence d’un risque de confusion sur le territoire pertinent. Au contraire, certains indices invoqués semblent démontrer le contraire, comme la référence à une procédure d’opposition entre certaines de ses marques et la marque de l’Union européenne no 18197070 NOMOR (voir point 45 ci-dessus).

52      Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante tirée de l’existence de multiples décisions rendues par l’EUIPO en faveur de la protection de certaines de ses marques comportant le mot « normo », enregistrées de longue date « sur le territoire de l’Union européenne », notamment en Espagne, force est de constater, d’une part, qu’il n’en ressort pas une coexistence pacifique avec d’autres marques. D’autre part, dans la mesure où certaines desdites décisions, citées par la requérante, tendent plutôt à supporter l’argument de l’existence d’un risque de confusion entre différentes marques comportant le préfixe « normo » (voir, à titre d’exemple, la décision de la cinquième chambre de recours du 29 juillet 2016, dans l’affaire R 739/2015-5, Actavis Group PTC/Laboratorios Normon, S.A.), elles ne sauraient utilement soutenir la position de la requérante en l’espèce, en particulier, en tenant compte du fait que la marque antérieure et le préfixe « normo » constituent des anagrammes (voir point 36 ci-dessus).

53      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant pas être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO a demandé sa condamnation aux dépens uniquement dans le cas où une audience serait organisée. En l’absence de tenue d’une audience, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laboratorios Normon, SA et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.