Language of document : ECLI:EU:T:2023:313

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 juin 2023 (*) (1)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pension de survie – Refus d’octroi – Conjoint survivant – Conditions d’éligibilité – Durée du mariage – Exception d’illégalité – Article 80, premier alinéa, du statut – Article 2 de l’annexe VII du statut – Pension d’orphelin – Refus d’octroi – Notion d’ « enfant à charge » – Erreur de droit »

Dans l’affaire T‑143/22,

OP, représentée par Me F. Moyse, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. J. Van Pottelberge et Mme M. Windisch, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et M. Alver, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes I. Reine et T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, OP, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Parlement européen du 7 juin 2021, en ce qu’elle rejette sa demande visant à obtenir une pension de survie du fait du décès de son époux, ancien fonctionnaire du Parlement ainsi que, pour le compte de son fils A, l’annulation de la même décision en ce qu’elle rejette sa demande visant à obtenir une pension d’orphelin pour leur fils atteint d’un handicap (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante s’est mariée avec B en 1980. Le divorce entre les époux a été prononcé en 2017. Le 29 janvier 2021, la requérante s’est remariée avec B. Le couple a eu quatre enfants, dont un fils, mentionné au point 1 ci-dessus, né le [confidentiel] (2). En 2015, ce fils a été reconnu atteint d’un handicap à 66 % par les autorités belges. Dans le certificat médical destiné à l’évaluation du handicap du fils de la requérante, daté du 9 avril 2021, le médecin de ce dernier a indiqué qu’il souffrait d’un handicap [confidentiel] évalué à 90 %.

3        B était un ancien fonctionnaire du Parlement, parti à la retraite en juin 2019. Il a été reconnu comme étant atteint d’une maladie grave le 18 juin 2020 et il est décédé le [confidentiel].

4        Le 22 mars 2021, B a donné procuration à sa fille pour gérer ses relations avec le régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM). Celle-ci a contacté le même jour, par courrier électronique, les services du Parlement afin de les informer de l’état de santé de son père, du remariage de ses parents et de l’existence de leurs quatre enfants. Elle a également posé des questions concernant les droits de sa mère à une pension de survie.

5        Le 25 mars 2021, la fille du couple a communiqué par courrier électronique des informations supplémentaires concernant ses parents aux services du Parlement. Elle a également mentionné que le décès de son père était imminent et que l’un des enfants de ses parents était handicapé. Elle a réitéré sa question concernant les droits de sa mère à une pension de survie.

6        Le 29 mars 2021, les services du Parlement ont envoyé des documents à remplir à la fille du couple afin de mettre à jour le dossier de son père. La fille du couple a répondu que son père était décédé deux jours plus tôt et a posé des questions quant aux démarches à suivre.

7        Le 30 mars 2021, les services du Parlement ont répondu à la fille du couple et ont demandé que la requérante remplisse le formulaire envoyé la veille. Le même jour, la fille du couple a envoyé aux services du Parlement les documents complétés ainsi que des pièces justificatives.

8        Le même jour, les services du Parlement ont accusé réception des documents remplis et ont envoyé à la fille du couple les documents à remplir pour introduire la demande visant à ce que son frère atteint d’un handicap obtienne une pension d’orphelin. Toujours le même jour, la fille du couple a envoyé aux services du Parlement l’un de ces documents dûment complété et les a informés que l’attestation médicale serait également bientôt transférée.

9        Le 9 avril 2021, le Parlement a informé par courrier électronique la fille du couple que la pension d’orphelin ne pouvait pas être octroyée à son frère handicapé au motif que la demande n’avait pas été reçue avant le décès de B.

10      Le 15 avril 2021, la fille du couple a envoyé un courrier électronique aux services du Parlement, par lequel elle prenait acte de leur réponse concernant la pension d’orphelin de son frère, leur rappelait que ce dernier était atteint d’un handicap depuis cinq ans et leur adressait des documents remplis par leur médecin de famille. Elle leur posait également des questions quant au remboursement des frais médicaux de son frère et de la requérante. Le même jour, les services du Parlement ont répondu que le remboursement des frais médicaux du fils du couple atteint d’un handicap n’était pas possible, puisque ce dernier n’était pas un enfant à charge au moment du décès de B. Toujours le même jour, la fille du couple a envoyé par courrier électronique une réponse aux services du Parlement en donnant des informations complémentaires concernant la situation de sa famille.

11      Le 5 mai 2021, le chef de l’unité des pensions et assurances sociales du Parlement a informé la requérante de sa décision de lui octroyer une indemnité de décès, au titre de l’article 70 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

12      Le 7 juin 2021, les services du Parlement ont informé la requérante par la décision attaquée que, d’une part, conformément aux articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut, il n’était pas possible de lui octroyer une pension de survie et que, d’autre part, puisqu’au moment du décès de B il n’y avait pas d’enfants à charge reconnus par l’unité des droits individuels du Parlement, le fils du couple atteint d’un handicap n’avait pas non plus droit à une pension d’orphelin.

13      Le 10 août 2021, la requérante a introduit une réclamation auprès du Parlement, par laquelle elle demandait, d’une part, l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, l’octroi d’une pension de survie à elle-même ainsi que d’une pension d’orphelin à son fils.

14      Par décision du 10 janvier 2022, le Parlement a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après, la « décision de rejet de la réclamation »). Dans cette décision, le Parlement, en faisant référence au libellé de l’article 80 du statut, a précisé qu’un enfant ne pouvait pas être reconnu comme étant un enfant à charge au titre de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut sans qu’une demande à cet effet ait été présentée à l’administration et sans que celle-ci ait vérifié le respect des conditions qui y étaient afférentes.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        lui reconnaître le droit de bénéficier d’une pension de survie et reconnaître à son fils, A, le droit de bénéficier d’une pension d’orphelin ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

16      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

17      Il convient de rappeler que, conformément aux dispositions combinées de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphes 1 et 2, du statut, le recours dirigé contre une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ou contre l’abstention de cette autorité de prendre une mesure imposée par le statut n’est recevable que si l’intéressé a préalablement saisi l’AIPN d’une réclamation et si celle-ci a, à tout le moins partiellement, fait l’objet d’un rejet explicite ou implicite. La réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font ainsi partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T‑281/04, EU:T:2006:334, points 25 et 26).

18      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8).

19      En l’espèce, outre l’annulation de la décision attaquée, la requérante demande, par son deuxième chef de conclusions, l’annulation de la décision de rejet de la réclamation « pour autant que de besoin ». Cette dernière décision confirme la décision attaquée et en précise la motivation.

20      Dès lors, le présent recours doit être considéré comme étant dirigé uniquement contre la décision attaquée.

21      En outre, dans la mesure où la décision de rejet de la réclamation a précisé plusieurs aspects de la motivation de la décision attaquée et compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation devra également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision attaquée, cette motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée (voir arrêt du 28 septembre 2022, Grieger/Commission, T‑517/21, non publié, EU:T:2022:588, point 19 et jurisprudence citée).

 Sur les conclusions en annulation

22      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève six moyens visant à établir l’illégalité de la décision attaquée, tirés, en substance :

–        le premier, concernant sa pension de survie, d’une exception d’illégalité des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut ;

–        le deuxième, concernant sa pension de survie, d’une erreur dans l’application des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut ;

–        le troisième, concernant sa pension de survie, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant sa situation particulière ;

–        le quatrième, concernant la pension d’orphelin de son fils, d’une exception d’illégalité de l’article 2 de l’annexe VII du statut ;

–        le cinquième, concernant la pension d’orphelin de son fils, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 2 de l’annexe VII du statut ;

–        le sixième, concernant la pension d’orphelin de son fils et invoqué à titre subsidiaire, de la violation du devoir de sollicitude par le Parlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut

23      Par son premier moyen, qui peut être subdivisé en deux branches, la requérante fait valoir que les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut introduisent une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination tels que garantis par le droit de l’Union européenne.

–       Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité de l’article 18 de l’annexe VIII du statut

24      Le Conseil de l’Union européenne fait valoir, dans son mémoire en intervention, que la portée de l’exception d’illégalité prévue par l’article 277 TFUE est limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. L’article 18 de l’annexe VIII du statut n’étant pas applicable à la situation de la requérante, les arguments de cette dernière tirés de l’exception d’illégalité de cet article seraient inopérants et devraient être rejetés comme irrecevables.

25      Selon la jurisprudence, l’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de portée générale que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours (voir arrêts du 17 décembre 2020, BP/FRA, C‑601/19 P, non publié, EU:C:2020:1048, point 28 et jurisprudence citée, et du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 44 et jurisprudence citée). En outre, la Cour a jugé qu’était irrecevable une exception d’illégalité dirigée contre un acte de portée générale dont la décision individuelle attaquée ne constituait pas une mesure d’application (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 70 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, ainsi que le souligne à bon droit le Conseil, l’article 18 de l’annexe VIII du statut n’est pas applicable à la situation de la requérante. Cet article concerne l’octroi d’une pension de survie au conjoint survivant d’un fonctionnaire lorsque le mariage a été contracté avant que ce dernier n’ait cessé d’être au service d’une institution, ce qui n’est pas le cas de la requérante, dont le premier mariage avec le fonctionnaire défunt, contracté avant la cessation des fonctions dudit fonctionnaire, a été dissous.

27      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’exception d’illégalité n’est pas recevable pour autant qu’elle concerne l’article 18 de l’annexe VIII du statut.

–       Sur la première branche du premier moyen

28      Par la première branche du premier moyen, la requérante invoque les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et fait valoir que l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui dispose que « la condition d’antériorité [selon laquelle, pour bénéficier d’une pension de survie, le mariage entre le conjoint survivant et l’ancien fonctionnaire doit avoir été contracté avant que le fonctionnaire n’ait cessé d’être au service d’une institution] ne joue pas si le mariage, même contracté postérieurement à la cessation d’activité du fonctionnaire, a duré au moins cinq ans », introduit une discrimination. Selon la requérante, cette disposition introduit une différence de traitement au regard des conjoints survivants d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une allocation d’invalidité et qui relèvent de l’article 19 de cette annexe. Ce dernier article ouvrirait le droit à une pension de survie sans aucune condition de durée du mariage. Le principe de non-discrimination en raison de l’âge serait ainsi violé.

29      La requérante argue que B aurait pu bénéficier d’une pension d’invalidité à cause de son état de santé si l’on tient compte du fait qu’il était obligé de recourir à elle pour sa prise en charge. La situation de B ne se distinguerait donc pas de celle d’une personne qui a pu bénéficier d’une pension d’invalidité.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la Charte, dont le principe de non-discrimination énoncé à son article 21, paragraphe 1, est une expression particulière. Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, points 29 et 30 et jurisprudence citée). La Cour a déjà jugé que l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’âge, consacrée à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, revêtait un caractère impératif en tant que principe général du droit de l’Union, cette interdiction se suffisant à elle-même pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel dans un litige qui les opposait dans un domaine couvert par le droit de l’Union (voir arrêt du 17 avril 2018, Egenberger, C‑414/16, EU:C:2018:257, point 76 et jurisprudence citée). Il doit en aller de même du principe général d’égalité de traitement ou d’égalité en droit visé à l’article 20 de la Charte (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 141).

31      Selon la jurisprudence, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité d’une façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage pour certaines personnes au regard d’autres (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, FV/Conseil, T‑750/16, EU:T:2018:972, point 89 et jurisprudence citée). En ce qui concerne l’exigence tenant au caractère comparable des situations, celle-ci s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 67 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, il convient de relever que les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut ont pour objet, sous réserve du respect de la condition de durée minimale du mariage prévue à l’article 20, l’octroi de pensions de survie au conjoint survivant en fonction de la seule nature juridique des liens unissant ce conjoint au conjoint décédé. Ces dispositions poursuivent l’objectif d’octroyer au conjoint survivant un revenu de remplacement destiné à compenser partiellement la perte des revenus du conjoint décédé. Elles ont donc un objet et un but sensiblement identiques au regard de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus.

33      En outre, selon la Cour, c’est la nature juridique des liens entre les conjoints qui sous-tend le régime des pensions de survie de la fonction publique de l’Union, en ce que cette condition d’octroi est commune à l’ensemble des pensions de survie visées aux articles 17 à 20 et 27 de l’annexe VIII du statut. La condition de durée minimale du mariage, qui n’est en outre pas reprise à l’article 19 de l’annexe VIII du statut, revêt un caractère accessoire au regard de la condition relative à la nature juridique des liens entre les conjoints, dans la mesure où elle vise seulement à préciser la durée pendant laquelle le lien juridique doit avoir perduré aux fins de l’octroi de la pension de survie. La position statutaire du fonctionnaire est sans incidence sur ce lien (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, points 107 et 108).

34      Ainsi, il y a lieu de constater que la situation des conjoints survivants d’anciens fonctionnaires qui se sont mariés avant la cessation d’activité de ceux-ci n’est pas fondamentalement différente de celle des conjoints survivants d’anciens fonctionnaires qui ont contracté mariage après la cessation d’activité de ceux-ci aux fins de l’octroi d’une pension de survie en application des articles 19 ou 20 de l’annexe VIII du statut, quel que soit le motif de cette cessation d’activité.

35      Il s’ensuit que les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut traitent de manière différente des situations comparables.

36      Pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination, cette différence doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable ainsi que proportionnée au regard du but poursuivi par cette différenciation. À cet égard, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel de ces droits et de ces libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

37      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en présence de règles statutaires telles que celles en cause en l’espèce et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union à cet égard, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la Charte, n’est méconnu que lorsque le législateur de l’Union procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 127 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 53).

38      Il convient dès lors d’examiner si la différence de traitement constatée au point 35 ci-dessus répond à ces critères.

39      Premièrement, il est constant que ladite différence de traitement est prévue par la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, dès lors qu’elle résulte de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, lu conjointement avec l’article 19 de cette annexe.

40      Deuxièmement, la limitation découlant de la différence de traitement en cause respecte le contenu essentiel du principe d’égalité de traitement, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En effet, cette limitation ne remet pas en cause ce principe en tant que tel dans la mesure où elle ne porte que sur la question, limitée, de l’existence d’une condition minimale de durée du mariage à laquelle les conjoints survivants de fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires décédés doivent satisfaire, le cas échéant, pour pouvoir bénéficier d’une pension de survie, sans que ces conjoints soient privés de la possibilité de bénéficier d’une telle pension dans chacun des cas de figure envisagés aux articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 150).

41      Troisièmement, ladite limitation répond à un objectif d’intérêt général, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir celui visant à prévenir les abus de droit et les fraudes, l’interdiction de ceux-ci constituant un principe général du droit de l’Union dont le respect s’impose aux justiciables (arrêt du 6 février 2018, Altun e.a., C‑359/16, EU:C:2018:63, point 49). La Cour a, en effet, déjà jugé que la condition selon laquelle le mariage devait avoir duré un certain temps pour que le conjoint survivant bénéficie de la pension de survie visait à s’assurer de la réalité et de la stabilité des relations entre les personnes concernées (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 89, et du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 151).

42      Quatrièmement, s’agissant de l’examen de la proportionnalité, il convient, dans le cadre du contrôle de la légalité d’une disposition du droit de l’Union au regard du principe d’égalité de traitement et en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union en matière de règles statutaires, de faire application de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus. À cet égard, il y a lieu de vérifier si, en imposant une durée minimale du mariage de cinq ans aux conjoints survivants ayant épousé un fonctionnaire après la cessation d’activité de ce dernier, alors que l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas de condition de durée minimale, dans le cas d’un mariage contracté avec un fonctionnaire avant l’admission de celui-ci au bénéfice d’une allocation d’invalidité, l’article 20 de cette annexe prévoit une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’intérêt général rappelé au point 41 ci-dessus.

43      La Cour a déjà jugé que la condition de durée minimale de cinq ans de mariage prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut, alors que cette durée n’était que d’un an dans les situations couvertes par l’article 18 de cette annexe, n’était ni arbitraire ni manifestement inadéquate au regard de l’objectif rappelé au point 41 ci-dessus, car dans l’hypothèse visée à l’article 20, caractérisée par le fait que le mariage était contracté après la cessation de service du fonctionnaire, l’incitation aux abus ou à la fraude était susceptible d’être favorisée par la plus grande prévisibilité et la plus grande proximité du décès du fonctionnaire dès lors que cette cessation intervenait par l’effet de la mise à la retraite (arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, points 153 et 154). Cette analyse est valable mutatis mutandis pour la différence de traitement résultant de l’application des articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut. En effet, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil dans son mémoire en intervention, le fait que l’article 19 de l’annexe VIII du statut ne prévoit pas, contrairement à l’article 20 de cette annexe, de condition de durée minimale du mariage s’explique par le fait que, la mise en invalidité d’un fonctionnaire de l’Union étant le plus souvent imprévisible pour un couple déjà marié et venant bouleverser la situation de ce couple, le risque d’abus ou de fraude apparaît négligeable, de sorte que le législateur de l’Union a souhaité faire abstraction de cette condition (voir, en ce sens, ordonnance du 22 décembre 2022, Conseil/Commission et Commission/FI, C‑313/21 P et C‑314/21 P, EU:C:2022:1045, point 92).

44      Les arguments soulevés par la requérante dans sa réponse à une question posée par le Tribunal ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

45      D’une part, la requérante fait valoir que le refus de lui octroyer une pension de survie constitue une double sanction à son égard, car il la prive également de la possibilité de recevoir une pension de divorcée sur le fondement de l’article 27 de l’annexe VIII du statut.

46      Or, il convient de relever que, à supposer même que la requérante ait pu prétendre à une pension de divorcée en vertu de l’article 27 de l’annexe VIII du statut, elle n’a pas perdu ce droit du fait de l’application de l’article 20 de cette annexe à sa situation. La perte de la possibilité de recevoir une pension de divorcée est uniquement due à son mariage, évènement réalisé par la seule libre volonté des futurs époux.

47      D’autre part, la requérante soutient qu’elle a eu plusieurs enfants issus de son mariage avec le fonctionnaire décédé, ce qui signifie qu’elle ne devrait pas être soumise à la condition de durée du mariage de l’article 20 de l’annexe VIII du statut, par application de l’article 17 de cette annexe.

48      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité d’un tel argument, il suffit de constater que l’article 17 de l’annexe VIII du statut concerne uniquement la situation du conjoint survivant d’un fonctionnaire décédé alors qu’il était encore en activité. Or, B étant décédé postérieurement à sa mise à la retraite, la requérante ne relève pas du champ d’application de cette disposition.

49      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en prévoyant à l’article 20 de l’annexe VIII du statut une durée minimale du mariage de cinq ans afin de prévenir les abus et les fraudes, alors que l’article 19 de cette annexe ne prévoit pas de durée minimale du mariage, mais une condition d’antériorité, le législateur de l’Union, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui appartient, n’a pas opéré de différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 155).

50      Il découle de ce qui précède que la différence de traitement instituée par les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut est conforme à l’article 20 de la Charte.

51      De même, à supposer que la différence de traitement instaurée par les articles 19 et 20 de l’annexe VIII du statut puisse être considérée comme reposant indirectement sur l’âge de l’ancien fonctionnaire à la date à laquelle il a contracté mariage, une telle différence serait, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 39 à 43 ci-dessus, conforme à l’article 21 de la Charte.

52      Il convient dès lors de rejeter la première branche du premier moyen.

–       Sur la seconde branche du premier moyen

53      Par la seconde branche de son premier moyen, la requérante soutient que l’article 20 de l’annexe VIII du statut introduit une discrimination dans le traitement des couples mariés au regard des couples qui ne sont pas mariés. La requérante soutient que les couples ayant une durée certaine de communauté de vie, marquée par une relation durable et stable, sont dans une situation familiale comparable à celle des couples mariés. L’objectif de la pension de survie serait de compenser la perte de revenu pour le conjoint survivant et cet objectif ne pourrait pas dépendre de la durée du mariage, mais tout au plus de la durée d’une vie commune effective. Or, la requérante pourrait justifier d’une communauté de vie de plus de cinq ans avec son époux décédé, compte tenu du fait qu’ils ont été mariés pendant plus de 37 années.

54      Selon la requérante, la lutte contre les abus et les fraudes ne peut pas justifier, en l’espèce, la différence de traitement dont elle fait l’objet, sa relation stable et continue avec B étant démontrée par leur précédent mariage et leurs quatre enfants. En outre, la communauté de vie du couple serait antérieure à la conclusion de leur second mariage en 2021.

55      La requérante fait valoir que la condition liée à la durée du mariage est inappropriée, car elle est inapte à tenir compte de la réalité concrète de sa situation. L’échéance de la durée du mariage serait automatique et ne permettrait aucune considération des situations particulières. La discrimination qui en résulte serait ainsi contraire au principe de proportionnalité.

56      Force est de constater que, ainsi que le souligne à bon droit le Parlement, ces arguments de la requérante ne peuvent qu’être écartés, car ils n’auraient aucun impact sur la solution dans la présente affaire, la requérante n’ayant pas prouvé une durée suffisante de communauté de vie afin d’étayer sa thèse selon laquelle elle aurait, sur cette base, droit à une pension de survie.

57      En effet, alors que la charge de la preuve lui incombe, la requérante n’étaye pas ses allégations d’une vie commune avec B avant leur second mariage, contracté le 29 janvier 2021, et après leur divorce, prononcé en 2017. En revanche, il ressort des communications avec la fille du couple, qui avait reçu une procuration pour gérer les relations de son père avec le RCAM (voir point 4 ci-dessus), que B n’a changé de domicile pour rejoindre le domicile qu’elle qualifie de « domicile familial », et qui est aussi le domicile de la requérante, que le 16 mars 2021, soit quelques jours avant son décès. Les courriers électroniques de la requérante du 30 avril 2020 visant à organiser son mariage ne constituent pas une preuve de communauté de vie effective avant le mariage.

58      En outre, les arguments de la requérante fondés sur sa vie commune avec B durant leur premier mariage ne sauraient être pris en compte. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’article 20 de l’annexe VIII du statut, qui est d’interprétation stricte, ne peut être interprété comme obligeant l’administration à prendre en compte la durée cumulée des périodes de mariage pour vérifier le respect de la condition de durée du mariage (arrêt du 18 juillet 2017, Commission/RN, T‑695/16 P, non publié, EU:T:2017:520, points 52 à 57).

59      Par ailleurs, il a déjà été jugé que, au regard de la pension de survie, une union de fait, telle que le concubinage, n’était pas une situation comparable à un mariage. Il s’ensuit que l’exclusion des concubins du champ d’application des dispositions prévoyant une pension de survie n’apparaît donc pas manifestement inadéquate au regard de l’objectif de la pension de survie et ne viole pas le principe général de non-discrimination (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, points 78 et 83 à 85). De surcroît, à supposer même que la requérante puisse se prévaloir d’une communauté de vie avec B avant leur second mariage, contracté le 29 janvier 2021, et après leur divorce, prononcé en 2017, il conviendrait de constater que la durée de cette vie commune serait inférieure à cinq années, de sorte qu’elle ne remplirait pas, en tout état de cause, la condition de durée minimale prévue à l’article 20 de l’annexe VIII du statut.

60      Dès lors, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur dans l’application des articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut

61      Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante soutient que l’administration aurait dû interpréter les articles 18 et 20 de l’annexe VIII du statut comme visant la vie commune d’un couple incluant le mariage, le partenariat de vie enregistré ou l’union libre aux fins du calcul de la durée de vie commune donnant droit à une pension de survie.

62      La requérante fait valoir que la société a évolué en matière de communautés de vie et qu’il est désormais impossible d’enfermer la notion de « conjoint » dans le seul rapport fondé sur le mariage civil. Le terme « conjoint » ne saurait s’appliquer aux seules personnes mariées, mais devrait être interprété de façon à préserver l’effet utile de la disposition, en l’occurrence en reconnaissant le droit à une pension de survie du conjoint survivant du fonctionnaire décédé qui a partagé la vie de ce dernier pendant une longue durée.

63      En l’espèce, la jurisprudence a déjà interprété les dispositions du statut concernant la pension de survie du conjoint survivant d’un fonctionnaire décédé et a retenu que, pour déterminer le champ d’application personnel de cette disposition, à savoir le fait d’être le « conjoint » du fonctionnaire décédé, le bénéficiaire de la pension de survie devait avoir été uni au fonctionnaire décédé, dans le cadre d’une relation civile ayant fait naître un ensemble de droits et d’obligations entre eux. Selon la Cour, si, sous certains aspects, les unions de fait et les unions légales, telles que le mariage, peuvent présenter des similitudes, celles-ci ne sauraient nécessairement conduire à une assimilation entre ces deux types d’union. En effet, le mariage est caractérisé par un formalisme rigoureux et crée des droits et des obligations réciproques entre les époux d’un degré élevé, parmi lesquels figurent les devoirs d’assistance et de solidarité (arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, points 71 à 73).

64      Cette jurisprudence tient également compte de l’évolution de la société qu’invoque la requérante, car elle souligne le fait que le législateur de l’Union a explicitement étendu l’application des dispositions du statut relatives aux personnes mariées, sous certaines conditions, aux personnes liées par un partenariat non matrimonial enregistré (arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, points 74 et 75). Cependant, tel n’est pas le cas de la requérante.

65      Il s’ensuit que le Parlement n’a pas commis d’erreur de droit dans l’application de l’article 20 de l’annexe VIII du statut.

66      Dès lors, le deuxième moyen de la requérante doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant la situation particulière de la requérante

67      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante soutient que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte sa situation particulière, qui serait extrêmement difficile. Selon elle, la brève durée de sa séparation d’avec B ne devrait pas être le seul élément pris en considération pour fonder la décision du Parlement concernant l’octroi d’une pension de survie. La vie commune et familiale de la requérante avec B dépasserait de loin les cinq ans requis pour l’octroi d’une pension de survie.

68      À cet égard, il convient de souligner que les dispositions de l’article 20 de l’annexe VIII du statut ont pour objet de préciser à quelle condition le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire est susceptible de bénéficier d’une pension de survie lorsque le mariage avec ledit fonctionnaire a été contracté après la cessation d’activité de ce dernier. Ainsi, en vertu dudit article, dans une telle hypothèse, le bénéfice de la pension de survie est conditionné à une durée de mariage de cinq ans. Les dispositions de cet article sont claires et précises et exposent, sans ambiguïté, la condition à remplir pour bénéficier, dans ladite hypothèse, d’une pension de survie, à savoir une durée de mariage de cinq ans (arrêt du 18 juillet 2017, Commission/RN, T‑695/16 P, non publié, EU:T:2017:520, points 49 et 50).

69      Selon la jurisprudence, l’administration ne saurait retenir une interprétation extensive de cette disposition selon laquelle, dans un cas particulier tel que celui d’espèce, il serait possible de prendre en compte la durée cumulée des périodes de mariage pour vérifier le respect de la condition de durée du mariage. En effet, une telle solution irait à l’encontre de la jurisprudence constante selon laquelle les dispositions du droit de l’Union qui donnent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement et serait contraire au principe de la sécurité juridique, lequel exige que les règles du droit de l’Union soient claires et précises, car elle créerait de manière implicite une obligation à la charge de l’administration qui ne ressort pas de l’article 20 de l’annexe VIII du statut (voir arrêt du 18 juillet 2017, Commission/RN, T‑695/16 P, non publié, EU:T:2017:520, points 54 et 55 et jurisprudence citée).

70      Il s’ensuit que le Parlement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en prenant en compte, pour déterminer si la requérante avait droit à une pension de survie, uniquement la période de son dernier mariage avec B.

71      Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 2 de l’annexe VII du statut

–       Sur la recevabilité du cinquième moyen

72      Le Parlement soutient que le cinquième moyen est irrecevable. Il considère que, en ce qui concerne le refus d’octroyer au fils de la requérante une pension d’orphelin, l’acte faisant grief est le courriel du 9 avril 2021. La requérante n’ayant pas contesté ce refus par une réclamation dans les délais prévus par l’article 90, paragraphe 2, du statut, une demande ultérieure en ce sens serait irrecevable.

73      En vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, toute personne visée par le statut peut, dans un délai de trois mois, saisir l’AIPN d’une réclamation contre un acte lui faisant grief. Ce délai court à compter du jour de la notification de la décision à son destinataire et, en tout état de cause, au plus tard, à compter du jour où l’intéressé en a connaissance s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel ; toutefois, si un acte de caractère individuel est de nature à faire grief à une personne autre que le destinataire, ce délai court à l’égard de ladite personne à compter du jour où elle en a connaissance.

74      En outre, selon une jurisprudence bien établie, il appartient à la partie qui se prévaut d’un dépassement du délai d’apporter la preuve de la date à laquelle ledit délai a commencé à courir (arrêts du 9 juillet 2020, Commission/HM, C‑70/19 P, non publié, EU:C:2020:544, point 123, et du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 23).

75      Or, si la preuve du moment auquel l’intéressé a pris connaissance d’une décision individuelle peut résulter d’autres circonstances qu’une notification formelle de ladite décision (arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 24), le Parlement ne soumet aucune information relative à la date à laquelle la requérante aurait pris connaissance de sa décision de ne pas octroyer de pension d’orphelin à son fils.

76      En l’espèce, il ressort du dossier que le courrier électronique du 9 avril 2021 n’était pas adressé à la requérante, ni à son fils, qui aurait été le bénéficiaire de la pension d’orphelin, mais à la fille de la requérante. Or, la fille de la requérante, qui avait certes procuration pour gérer les relations de son père avec le RCAM (voir point 4 ci-dessus), n’était pas la personne à laquelle le refus d’octroyer une pension d’orphelin faisait grief. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier de l’affaire, et la requérante le nie explicitement dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal, que la fille de la requérante avait qualité pour recevoir des notifications concernant sa mère ou son frère. Ainsi, même s’il ressort du dossier que la fille de la requérante s’est occupée d’une partie de la correspondance avec le Parlement concernant la pension de survie de sa mère et la pension d’orphelin de son frère, le dossier ne contient aucune information quant au moment où la requérante ou son fils auraient pris connaissance au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, du refus du Parlement opposé le 9 avril 2021.

77      En revanche, le Parlement a lui-même pris soin de notifier la décision attaquée directement à la requérante le 7 juin 2021 (voir point 12 ci-dessus), tout comme il lui avait notifié directement, le 5 mai 2021, la décision de lui octroyer une indemnité de décès (voir point 11 ci-dessus). Dans ces conditions, la réclamation de la requérante introduite le 10 août 2021 a bien été introduite dans le délai de trois mois imparti par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

78      Il s’ensuit que les arguments du Parlement quant au caractère tardif de la réclamation de la requérante doivent être rejetés.

–       Sur le bien-fondé du cinquième moyen

79      La requérante soutient que le Parlement a commis une erreur dans l’application de l’article 2 de l’annexe VII du statut lorsqu’il a justifié son refus d’octroyer une pension d’orphelin à son fils au motif que, au moment du décès de son époux, il n’était pas reconnu comme étant un enfant à la charge de ce dernier.

80      En effet, selon la requérante, son fils se trouve dans la situation prévue par l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, à savoir celle d’un enfant atteint d’une infirmité qui l’empêche de subvenir à ses besoins, et ce pour toute la durée de l’infirmité. Ainsi, les exigences de l’article 2, paragraphe 3, sous b), de l’annexe VII du statut ne s’appliqueraient pas, car un enfant atteint d’un handicap bénéficierait d’une allocation d’office. Le Parlement aurait en outre indûment exigé que la reconnaissance de l’enfant atteint d’un handicap soit effectuée avant le décès de son parent fonctionnaire, alors que cet enfant avait été déclaré aux services du Parlement avant ce décès. Les services du Parlement n’auraient demandé des documents supplémentaires que deux jours après le décès du fonctionnaire, alors qu’une réponse immédiate de la part du Parlement aux questions de la fille du fonctionnaire défunt aurait pu permettre de procéder aux formalités administratives avant ce décès.

81      Le Parlement rétorque que, pour bénéficier d’une pension d’orphelin, l’enfant doit être « reconnu » comme étant à charge au moment du décès du fonctionnaire conformément à l’article 80 du statut. En l’espèce, le fonctionnaire n’aurait jamais entrepris les démarches concernant une allocation pour son enfant majeur atteint d’un handicap. Or, il ressortirait de l’économie et de la finalité de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut que l’octroi de cette allocation est décidé à la suite d’une demande par laquelle le fonctionnaire porte à la connaissance de l’administration la situation de son enfant, que l’AIPN va ensuite vérifier. Une simple information relative à l’existence d’un enfant atteint d’un handicap, sans documents probants, figurant dans un courrier électronique adressé à l’administration par la fille de l’ancien fonctionnaire, dont la procuration se limitait à la gestion des affaires liées au RCAM, ne suffirait pas pour considérer que l’enfant doit être reconnu comme étant à charge.

82      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 80, premier alinéa, du statut prévoit que lorsqu’un fonctionnaire est décédé sans laisser de conjoint ayant droit à une pension de survie, « les enfants reconnus à sa charge au sens de l’article 2 de l’annexe VII [du statut] au moment du décès ont droit à une pension d’orphelin […] ».

83      D’emblée, il convient de constater que les différentes versions linguistiques de l’article 80, premier alinéa, du statut présentent des divergences. En effet, tandis que seules les versions française, italienne et roumaine de cette disposition utilisent la formulation « enfants reconnus à […] charge », les autres versions linguistiques n’utilisent pas le terme « reconnus ». Ainsi, à titre d’exemple, la version allemande se réfère aux « unterhaltsberechtigte Kinder », la version anglaise aux « children dependent on the deceased », la version finnoise aux « virkamiehen huollettavina olevat lapset » et la version portugaise aux « filhos que sejam considerados como estando a seu cargo ».

84      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire au regard des autres versions linguistiques. Les dispositions du droit de l’Union doivent, en effet, être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union. En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 12 septembre 2019, A e.a., C‑347/17, EU:C:2019:720, point 38 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 34).

85      Ainsi, l’article 80, premier alinéa, du statut doit être interprété en tenant compte à la fois de la finalité de cette disposition et du contexte dans lequel elle s’insère.

86      S’agissant de la définition des bénéficiaires d’une pension d’orphelin, à savoir les enfants à la charge du fonctionnaire défunt, l’article 80, premier alinéa, du statut renvoie à l’article 2 de l’annexe VII du statut dans son ensemble, et non au seul paragraphe 2 dudit article, où la notion d’« enfant à charge » est définie. Dès lors, pour des raisons de cohérence de la réglementation statutaire, il y a lieu de se référer à l’ensemble des dispositions pertinentes de l’article 2 de l’annexe VII du statut pour définir la notion d’« enfant à charge » (arrêt du 20 janvier 2009, Klein/Commission, F‑32/08, EU:F:2009:3, point 39).

87      Certes, il est vrai que l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut se réfère expressément à l’allocation pour enfant à charge, tandis que le paragraphe 2 de cet article est libellé en des termes plus généraux. Il n’en demeure pas moins que les critères prévus à l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII sont justifiés en ce qui concerne non seulement l’octroi de l’allocation pour enfant à charge, mais aussi l’octroi de la pension d’orphelin. En effet, à partir d’un certain âge, les enfants doivent pouvoir subvenir seuls à leurs besoins et ne doivent pas constituer une charge pour le budget de l’Union, ce qui vaut également pour les prestations pécuniaires prévues à l’article 80 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2009, Klein/Commission, F‑32/08, EU:F:2009:3, point 40).

88      L’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut définit la notion d’« enfant à charge » en expliquant qu’il s’agit de « l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire ». Le paragraphe 3, sous a), de cet article prévoit que l’allocation pour enfant à charge est octroyée d’office pour les enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 ans, tandis que le paragraphe 5 du même article concerne plus précisément la situation des enfants majeurs atteints d’un handicap et prévoit que « la prorogation du versement de l’allocation est acquise sans aucune limitation d’âge si l’enfant se trouve atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité qui l’empêche de subvenir à ses besoins, et pour toute la durée de cette maladie ou infirmité ».

89      En outre, pour l’application de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, il incombe à l’AIPN de déterminer, dans chaque cas particulier et en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce, s’il est question d’une maladie grave ou d’une infirmité qui empêche l’enfant concerné de subvenir à ses besoins (arrêt du 21 octobre 2003, Birkhoff/Commission, T‑302/01, EU:T:2003:276, point 40).

90      À cet égard, le terme « prorogation » utilisé à l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut ne signifie pas que le législateur a souhaité maintenir le bénéfice d’une allocation pour un enfant atteint d’un handicap lorsqu’il devient majeur sans pour autant inclure la situation où un enfant est atteint d’un handicap après être devenu majeur. En effet, il ressort de la jurisprudence que, si cette disposition couvre manifestement le cas de figure où les versements effectués en vertu du paragraphe 3 et ceux effectués en vertu du paragraphe 5 s’enchaînent sans interruption dans le temps, il n’est pas exclu que le versement de l’allocation en cause puisse être interrompu (arrêt du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T‑498/93, EU:T:1994:278, point 33).

91      Il convient d’ajouter que l’enfant à charge, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, qu’il s’agisse de l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, ouvre droit au versement de l’allocation pour enfant à charge dans la mesure où il est effectivement entretenu par le fonctionnaire et remplit, en outre, l’une des conditions énumérées aux paragraphes 3 et 5 dudit article. Il doit, ainsi, soit être âgé de moins de 18 ans, soit être âgé de 18 à 26 ans et recevoir une formation scolaire ou professionnelle, soit être atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins. Dans chacun de ces trois cas, le statut n’attribue à l’AIPN aucun pouvoir discrétionnaire pour octroyer ou non le bénéfice de la pension d’orphelin en cause, mais lui confère une compétence liée, en ce sens que celle-ci est tenue d’octroyer cette pension dès lors qu’elle constate que les conditions sont remplies et de ne pas l’octroyer dans le cas contraire (voir, par analogie, arrêts du 21 octobre 2003, Birkhoff/Commission, T‑302/01, EU:T:2003:276, point 38, et du 17 novembre 2021, KR/Commission, T‑408/20, non publié, EU:T:2021:788, point 23).

92      Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des dispositions de l’article 80, premier alinéa, du statut et de l’article 2 de l’annexe VII du statut que le droit à une pension d’orphelin dans un cas tel que celui du fils de la requérante est subordonné à la satisfaction de trois conditions. Les deux premières conditions sont d’ordre matériel, en ce sens que le fils de la requérante doit être atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins et avoir été effectivement entretenu par le fonctionnaire défunt. La troisième condition est d’ordre temporel, en ce sens que le fils de la requérante doit avoir été à la charge du fonctionnaire défunt au moment du décès de ce dernier.

93      Les arguments du Parlement, selon lesquels il conviendrait d’ajouter une condition supplémentaire, liée à la date de la décision de reconnaissance de la qualité d’enfant à charge, ne trouvent pas de fondement dans l’article 80 du statut, lu conjointement avec l’article 2 de l’annexe VII du statut, compte tenu du contexte dans lequel s’insèrent ces dispositions et de leur finalité.

94      Tout d’abord, il convient de relever que l’article 80, troisième alinéa, du statut prévoit que, lorsque le fonctionnaire ou le titulaire d’une pension d’ancienneté est décédé, sans que les conditions prévues au premier alinéa de cet article se trouvent réunies, les enfants reconnus à sa charge, au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut, ont droit à une pension d’orphelin dans les conditions visées à l’article 21 de l’annexe VIII du statut. Cette disposition, qui porte sur le même droit à une pension d’orphelin, ne fait pas référence à une condition procédurale tenant à l’existence d’une décision de reconnaissance qui aurait dû être adoptée avant le décès du fonctionnaire.

95      De même, l’article 37 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, qui prévoit un mécanisme similaire de versement d’une pension d’orphelin pour les enfants à la charge d’agents de l’Union, n’impose aucune condition relative à la date de la reconnaissance de la qualité d’enfant à charge. Au contraire, l’article 37, premier alinéa, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne ouvre le doit à une allocation d’orphelin aux enfants « considérés comme étant à [l]a charge [de l’agent ou du titulaire d’une pension d’ancienneté ou d’une allocation d'invalidité] au moment du décès [de ce dernier] » dans les conditions fixées à l’article 80 du statut.

96      Certes, ainsi que le fait valoir le Parlement, l’allocation pour enfant à charge est octroyée d’office dans le cas d’un enfant âgé de moins de 18 ans, mais, dans les autres cas, elle est octroyée sur demande du fonctionnaire intéressé (arrêt du 14 décembre 1990, Brems/Conseil, T‑75/89, EU:T:1990:88, point 23). Toutefois, cette demande a pour seule fonction de permettre à l’AIPN de vérifier si les conditions matérielles et temporelles visées au point 92 ci-dessus sont remplies et d’octroyer, si tel est le cas, une allocation d’enfant à charge. L’exigence selon laquelle la reconnaissance par les services du Parlement aurait dû intervenir avant le décès, qui n’est pas imposée par ces dispositions, constitue une condition supplémentaire qui ne saurait être suivie à cet effet.

97      Par ailleurs, lesdites dispositions ne prévoient pas que la demande revête une forme particulière ni qu’elle soit accompagnée de pièces justificatives. Ainsi, à titre d’exemple, il ressort des faits de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission (T‑498/93, EU:T:1994:278), que l’allocation pour enfant à charge a été octroyée à la requérante dans cette affaire rétroactivement, à partir du moment où la requérante avait été invitée à envoyer des pièces justificatives.

98      Ensuite, il a été jugé que l’allocation pour enfant à charge répondait à un objectif social justifié par les frais découlant d’une nécessité actuelle et certaine, liée à l’existence de l’enfant et à son entretien effectif (voir arrêt du 7 mai 1992, Conseil/Brems, C‑70/91 P, EU:C:1992:201, point 9 et jurisprudence citée). L’octroi d’une pension d’orphelin aux enfants à la charge d’un fonctionnaire décédé poursuit un objectif similaire. Or, un tel objectif ne serait pas rempli si l’AIPN pouvait refuser d’octroyer une pension d’orphelin pour des motifs étrangers à la situation de l’enfant ainsi qu’aux conditions matérielles et à la condition temporelle telles que rappelées au point 92 ci-dessus.

99      S’il est vrai que les dispositions du droit de l’Union qui ouvrent droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (arrêt du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T‑498/93, EU:T:1994:278, point 39), il résulte des considérations qui précèdent que seule une application combinée des dispositions de l’article 80 du statut et de l’article 2 de l’annexe VII du statut, laquelle tient compte de l’économie générale de la réglementation concernant la pension d’orphelin ainsi que de la situation particulière dans laquelle se trouve la personne concernée, à savoir l’enfant atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité, est conforme à l’objectif social poursuivi par le versement d’une pension d’orphelin en faveur d’un tel enfant, qui est empêché de subvenir à ses besoins (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T‑498/93, EU:T:1994:278, point 39, et du 29 novembre 2011, Birkhoff/Commission, T‑10/11 P, EU:T:2011:699, point 50).

100    Partant, l’expression « au moment du décès » utilisée à l’article 80, premier alinéa, du statut doit être comprise comme se rapportant à la date à laquelle il convient de se placer pour apprécier si l’enfant du fonctionnaire défunt remplit les conditions de l’article 2 de l’annexe VII du statut, et non à la date à laquelle une décision à cet égard doit avoir été prise par l’AIPN. Cela signifie que, pour autant que les conditions matérielles d’enfant à charge étaient remplies avant le décès du fonctionnaire, il n’est pas nécessaire que les démarches administratives afin de bénéficier d’une allocation d’enfant à charge soient accomplies avant le décès.

101    Il résulte de tout ce qui précède que, en refusant d’octroyer une pension d’orphelin au fils de la requérante au motif que, au moment du décès de B, il n’avait pas encore été reconnu comme étant un enfant à la charge de ce dernier par l’unité des droits individuels, le Parlement a procédé à une application erronée de l’article 80 du statut, lu conjointement avec l’article 2, de l’annexe VII du statut.

102    Dès lors, le cinquième moyen doit être accueilli. Partant, dans la mesure où le refus d’octroi d’une pension d’orphelin se fonde sur un unique motif et qu’il résulte de ce qui précède que ce motif n’est pas fondé, la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne le refus d’octroyer une pension d’orphelin au fils de la requérante, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les quatrième et sixième moyens également dirigés contre le refus d’octroi d’une pension d’orphelin.

–       Conclusion sur la demande d’annulation

103    Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision attaquée, en tant qu’elle refuse d’octroyer une pension de survie à la requérante, doivent être rejetées.

104    En revanche, la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne le refus d’octroyer une pension d’orphelin au fils de la requérante, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les quatrième et sixième moyens.

 Sur les conclusions visant à reconnaître le droit de la requérante de bénéficier d’une pension de survie et le droit de son fils de bénéficier d’une pension d’orphelin

105    La requérante demande au Tribunal de reconnaître son droit de bénéficier d’une pension de survie et le droit de son fils de bénéficier d’une pension d’orphelin. Elle demande également au Tribunal d’octroyer à son fils ladite pension.

106    L’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut confère au juge de l’Union, dans les litiges de caractère pécuniaire, une compétence de pleine juridiction et l’investit de la mission, notamment, de donner une solution complète aux litiges dont il est saisi et de garantir l’efficacité pratique des arrêts d’annulation qu’il prononce dans les affaires de fonction publique (voir arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, points 49 et 50 et jurisprudence citée).

107    Lorsqu’il exerce sa compétence de pleine juridiction, le juge de l’Union n’adresse pas d’injonctions aux institutions ou aux organismes concernés, mais dispose, le cas échéant, de la compétence pour se substituer à eux afin de prendre les décisions qu’impliquent nécessairement les conclusions auxquelles il parvient au terme de son appréciation juridique du litige (arrêt du 24 novembre 2021, KL/BEI, T‑370/20, EU:T:2021:822, point 113).

108    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, constituent des « litiges à caractère pécuniaire » au sens de l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut, non seulement les actions en responsabilité dirigées par les agents contre une institution ou un organisme de l’Union, mais aussi tous les litiges qui tendent au versement par une telle institution ou un tel organisme à des ayants droit d’une somme qu’ils estiment leur être due en vertu du statut (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 65, et du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 45).

109    Il s’ensuit que le présent litige, qui concerne le versement d’une pension de survie et d’une pension d’orphelin, est un litige à caractère pécuniaire.

110    En ce qui concerne la pension de survie, il suffit de rappeler que le chef de conclusions de la requérante visant l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne le refus de lui octroyer une pension de survie a été rejeté. Partant, sa demande tendant à lui reconnaître le droit de bénéficier d’une pension de survie doit également être rejetée.

111    S’agissant de l’octroi de la pension d’orphelin, l’annulation partielle de la décision attaquée implique que le Parlement adopte, sur le fondement de l’article 266 TFUE, une nouvelle décision en ce qui concerne l’octroi d’une pension d’orphelin au fils de la requérante. Il appartiendra ainsi à l’AIPN, au regard des motifs du présent arrêt, d’examiner à nouveau la situation du fils de la requérante aux fins de la vérification du respect des conditions énoncées au point 92 ci-dessus. Dès lors, il ne saurait être conclu dès à présent, alors qu’il appartiendra à l’AIPN de procéder à cet examen, que le fils de la requérante a le droit de bénéficier d’une pension d’orphelin (arrêt du 28 septembre 2011, Allen/Commission, F‑23/10, EU:F:2011:162, point 117 ; voir également, a contrario, arrêt du 24 novembre 2021, KL/BEI, T‑370/20, EU:T:2021:822, point 121).

112    Partant, la demande de la requérante visant à faire reconnaître le droit de son fils de bénéficier d’une pension d’orphelin et à obtenir l’octroi de ladite pension doit être rejetée comme prématurée.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

114    En l’espèce, le Parlement et la requérante ont respectivement succombé sur une partie des chefs de conclusions. Compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner le Parlement à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la requérante.

115    Le Conseil supportera ses propres dépens conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen du 7 juin 2021 est annulée pour autant qu’elle refuse d’octroyer à A une pension d’orphelin.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Parlement est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par OP.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Reine

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées