Language of document : ECLI:EU:T:2012:183

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 avril 2012 (*)

  « Recours en annulation – Classement d’une plainte – Défaut d’engagement d’une procédure en manquement – Défaut d’acte attaquable – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑341/10,

F91 Diddeléng, établie à Dudelange (Luxembourg),

Julien Bonnetaud, demeurant à Yutz (France),

Thomas Gruszczynski, demeurant à Amnéville (France),

Rainer Hauck, demeurant à Maxdorf (Allemagne),

Stéphane Martine, demeurant à Esch-sur-Alzette (Luxembourg),

Grégory Molnar, demeurant à Moyeuvre-Grande (France),

Yann Thibout, demeurant à Algrange (France),

représentés par Mes L. Misson, C. Delrée et G. Ernes, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Rozet et P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Fédération luxembourgeoise de football (FLF), établie à Mondercange (Luxembourg), représentée initialement par MM. K. Daly, solicitor, et D. Keane, SC, puis par M. Daly,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 3 juin 2010 de classement sans suite de la plainte déposée par les requérants à l’encontre de la Fédération luxembourgeoise de football (FLF), une demande d’annulation des règlements de la FLF violant les articles 39 CE et 81 CE ainsi qu’une demande tendant à ce que soit prononcée « toute sanction utile »,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 3 juin 2003, les requérants, F91 Diddeléng, association sans but lucratif constituant le club de football de la ville de Dudelange (Luxembourg), ainsi que six de ses joueurs, ont introduit une plainte fondée sur les articles 39 CE, 49 CE, 81 CE et 82 CE devant la Commission des Communautés européennes à l’encontre de la Fédération luxembourgeoise de football (FLF).

2        Dans leur plainte, ils faisaient notamment valoir l’incompatibilité de l’article 03‑05, sous c), premier alinéa, du statut interne de la FLF dans sa version applicable au moment du dépôt de la plainte (ci-après l’« ancien statut interne ») avec les articles 39 CE et 81 CE. Par lettre du 10 décembre 2003, les requérants ont précisé l’objet de la plainte en faisant, cette fois, référence à l’article 03‑05, sous a), de l’ancien statut interne. Selon eux, ces dispositions contenaient une règle selon laquelle seulement un nombre limité de joueurs étrangers pouvaient être alignés pour les matchs officiels de la première division du championnat national luxembourgeois. Le 5 janvier 2004, le secrétariat général de la Commission a envoyé aux requérants un accusé de réception précisant que la plainte avait été enregistrée sous la référence 2003/5313.

3        Il ressort de l’échange de courriers ayant eu lieu à la suite de cet envoi entre la direction générale (DG) « Emploi, affaires sociales et égalités des chances » de la Commission (ci-après « DG EMPL ») et les requérants au cours des années 2004 à 2007 que, à la suite de l’envoi d’une lettre de mise en demeure et d’un avis motivé de la part de la Commission aux autorités luxembourgeoises, attirant l’attention de celles-ci sur l’incompatibilité de certaines dispositions de l’article 03‑05 de l’ancien statut interne avec le droit communautaire, notamment avec l’article 39 CE, ledit statut a été modifié en 2005 et la notion de joueur étranger abolie, mais que les requérants ont continué à remettre en question la compatibilité de la disposition modifiée avec le droit sur la libre circulation des travailleurs, notamment parce que cette disposition maintenait une clause de nationalité.

4        L’envoi par la Commission de lettres de mises en demeure complémentaires aux autorités luxembourgeoises au cours des années 2007 et 2009 et plusieurs échanges de vues entre la Commission et lesdites autorités ont mené à l’adoption d’une nouvelle version du statut interne de la FLF le 21 janvier 2010 (ci-après le « statut interne révisé »). L’article 17 du statut interne révisé prévoit, notamment, qu’une équipe de première division doit, pour disputer un match officiel, aligner au moins sept joueurs ayant souscrit leur première licence de joueur auprès de la FLF et qu’un maximum de quatre joueurs transférés peut figurer sur la feuille de match.

5        Dans une lettre du 18 février 2010 adressée aux requérants, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles, compte tenu de l’adoption de l’article 17 du statut interne révisé, ses services avaient l’intention de procéder au classement de l’affaire en l’absence de présentation d’éléments nouveaux par les requérants dans un délai d’un mois. Elle a toutefois précisé que l’obligation d’aligner sept joueurs ayant souscrit leur première licence de joueur auprès de la FLF comportait un risque potentiel d’incompatibilité avec le droit de l’Union européenne et que, par conséquent, elle surveillerait sa mise en œuvre et se réservait le droit d’analyser à nouveau sa conformité avec ce droit si cela s’avérait nécessaire dans le futur.

6        Dans une lettre du 18 mars 2010, les requérants ont émis une nouvelle fois des objections selon lesquelles l’article 17 du statut interne révisé portait atteinte au droit à la libre circulation des travailleurs. À cet égard, ils ont notamment fait valoir que la Commission aurait dû examiner cette nouvelle disposition non seulement en tant que discrimination indirecte, mais également sous l’angle d’une discrimination directe fondée sur la nationalité et que les justifications de ladite réglementation ne sauraient être acceptées compte tenu de la jurisprudence. Ils considéraient aussi que la Commission n’avait pas analysé la proportionnalité de la mesure.

7        Par lettre du 15 avril 2010, la Commission a répondu à la lettre du 18 mars 2010 en expliquant pourquoi, selon elle, l’article 17 du statut interne révisé était compatible avec le droit de l’Union et en indiquant que ses services allaient proposer le classement de l’affaire. Elle a notamment indiqué qu’elle maintenait l’analyse selon laquelle l’obligation d’aligner au moins sept joueurs ayant souscrit leur première licence de joueur auprès de la FLF ainsi que celle de faire figurer un maximum de quatre joueurs transférés sur la feuille de match pouvaient constituer des discriminations indirectes et non des discriminations directes fondées sur la nationalité. Selon elle, le seul aspect de l’article 17 du statut interne révisé qui aurait pu soulever un élément de discrimination directe concernait la disposition transitoire selon laquelle un joueur qualifié sur le fondement de la nationalité avant la saison 2010/2011 gardait son statut et comptait pour le quota des sept joueurs, mais que, selon les informations fournies par les autorités luxembourgeoises, cette disposition visait à sauvegarder les droits acquis et ne concernait qu’un nombre très limité de joueurs. Elle estimait donc que cette disposition était compatible avec le droit de l’Union. Elle a également souligné que l’objectif des nouvelles règles, à savoir encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, avait été accepté par la jurisprudence comme un objectif légitime. Quant à la proportionnalité de ces mesures, un renvoi était fait aux explications fournies dans la lettre du 18 février 2010.

8        Le 3 juin 2010, la Commission a décidé de clôturer l’affaire (ci-après la « décision attaquée »), ainsi qu’elle en a informé les requérants par lettre du 21 juin 2010 de la DG EMPL. 

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2010, les requérants ont introduit le présent recours.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 décembre 2010, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception d’irrecevabilité le 19 janvier 2011.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2010, la FLF a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission. Par ordonnance du 3 mars 2011, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

12      Le 21 septembre 2011, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites à la Commission, auxquelles celle-ci a répondu dans le délai imparti. À sa réponse, la Commission a annexé la copie d’une lettre qu’elle a envoyée aux requérants le 11 octobre 2011. Le 3 novembre 2011, le Tribunal a demandé aux requérants, également dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, de soumettre leurs observations sur la réponse de la Commission, notamment sur la lettre du 11 octobre 2011. Ils y ont déféré dans le délai imparti.

13      Les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler « les règlements violant les articles 41 TFUE et 101 TFUE » ;

–        prononcer « toute sanction utile ».

14      La Commission, soutenue par la FLF, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

15      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours recevable.

 Sur la recevabilité

16      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par la Commission sans ouvrir la procédure orale.

17      La Commission, soutenue par la FLF, fait valoir que le recours doit être rejeté comme irrecevable dès lors que les trois chefs de conclusions de la requête sont irrecevables.

 Sur le premier chef de conclusions

18      Par ce chef de conclusions, les requérants demandent l’annulation de la décision attaquée.

19      La Commission, soutenue par la FLF, fait valoir qu’il ressort de la correspondance échangée entre ses services et le conseil des requérants que l’instruction de cette affaire, et donc l’adoption de la décision attaquée, ont été menées « exclusivement au regard de l’article 258 TFUE » et n’ont donc porté que « sur la compatibilité des dispositions incriminées [du statut interne] de la FLF avec les dispositions du droit de l’Union relatives à la libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE) ». En aucune manière, la décision attaquée ne constituerait, selon la Commission, une décision au sens du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18). Elle ajoute que les parties l’ayant saisie d’une plainte n’ont pas la possibilité de saisir le juge de l’Union d’un recours contre sa décision de classer une plainte ne rentrant pas dans le champ d’application de ce règlement. Selon elle, la décision attaquée doit être interprétée comme étant la manifestation de sa volonté de ne pas introduire un recours en manquement contre le Grand-Duché de Luxembourg au titre de l’article 258 TFUE, ce qui ne constitue pas un acte attaquable.

20      Les requérants soutiennent que la décision attaquée est un acte juridique qui affecte leurs intérêts et leur porte préjudice. Ils font valoir, en substance, que leur plainte a été introduite non à l’encontre d’un État, mais à l’encontre d’un particulier ressortissant de l’État luxembourgeois, à savoir la FLF, personne morale. Ils rappellent, par ailleurs, que la plainte avait un double objectif. D’une part, elle visait à ce que la FLF soit sanctionnée par la Commission « au vu du caractère manifestement délictueux de certaines dispositions du statut interne révisé » ainsi qu’« au vu de la violation manifeste de l’article 39 CE ». D’autre part, la Commission était invitée à sanctionner la FLF pour violation des articles 81 CE et 82 CE et à prendre « les mesures adéquates pour contraindre la FLF à respecter […] le droit à la libre circulation des personnes et le droit de la concurrence ». Selon eux, la Commission a décidé de classer la plainte sans suite dans sa globalité en ce qu’elle visait tant l’atteinte à la libre circulation des travailleurs que celle portée au droit de la concurrence, sans pour autant avoir exposé les motifs de son rejet quant à ce dernier aspect.

21      Il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE est ouvert à l’égard de tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; du 6 avril 2000, Espagne/Commission, C‑443/97, Rec. p. I‑2415, point 27, et du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 54).

22      En l’espèce, ainsi qu’il ressort clairement de son libellé, la plainte visait principalement une prétendue violation du droit à la libre circulation des travailleurs. Par ailleurs, elle comprenait deux pages de développement, bien qu’en grande partie théorique, concernant une possible infraction à l’article 81 CE par l’ancien statut interne de la FLF. En outre, dans une demande formulée à la fin de la plainte, les requérants incitaient la Commission à instruire les problèmes soulevés par eux et à prendre les mesures adéquates pour contraindre la FLF à respecter rigoureusement la libre circulation des personnes et le droit de la concurrence. De même, la lettre introduisant la plainte faisait référence à une infraction potentielle aux dispositions des articles 81 CE et 82 CE et indiquait que le conseil des requérants partait du principe que la plainte allait être transmise au « service compétent en matière de concurrence ».

23      La plainte comportait donc deux volets, un volet basé sur une violation de l’article 39 CE relatif au droit à la libre circulation des travailleurs et un volet relatif à une violation des articles 81 CE et 82 CE concernant les infractions au droit de la concurrence, ce que la Commission ne conteste d’ailleurs pas. Le Tribunal examinera séparément le traitement par la Commission des deux volets de la plainte.

24      En premier lieu, quant au volet de la plainte relatif au droit à la libre circulation des travailleurs, la Commission a adressé aux autorités luxembourgeoises le 9 juillet 2004 une lettre de mise en demeure, puis, le 21 mars 2005, un avis motivé. Elle leur a ensuite fait parvenir deux lettres de mise en demeure complémentaires à la suite desquelles la FLF a adopté le statut interne révisé. Comme l’explique la Commission, c’est dans ce contexte qu’elle a envoyé aux requérants le 15 avril 2010 une lettre dite de « pré-classement » expliquant les raisons pour lesquelles ses services avaient l’intention de proposer le classement du dossier d’infraction, puis, le 21 juin 2010, une lettre informant le conseil des requérant de l’adoption de la décision attaquée. Dans cette dernière lettre, il est notamment précisé que, à la suite de la lettre du 15 avril 2010 « relative à la plainte mentionnée en objet », à savoir la plainte 2003/5313, la Commission avait décidé le 3 juin 2010 de « clôturer cette affaire ».

25      La décision attaquée doit ainsi être regardée comme exprimant le refus de la Commission d’engager une procédure au titre de l’article 258 TFUE contre le Grand-Duché du Luxembourg pour le prétendu manquement à ses obligations relatives à la libre circulation des travailleurs.

26      Selon une jurisprudence constante, les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en constatation de manquement à l’encontre d’un État membre (ordonnance de la Cour du 12 juin 1992, Asia Motor France/Commission, C‑29/92, Rec. p. I‑3935, point 21 ; ordonnance du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II‑2863, point 33, et arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T‑277/94, Rec. p. II‑351, point 55).

27      En effet, lorsque, comme en l’espèce, une décision de la Commission revêt un caractère négatif, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (arrêt de la Cour du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, Rec. p. 105, point 5 ; ordonnance Dumez/Commission, précitée, point 34, et arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T‑330/94, Rec. p. II‑1475, point 32).

28      Il convient de rappeler que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit que toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours en annulation contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

29      Or, dans le cadre de la procédure en constatation de manquement régie par l’article 258 TFUE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T‑479/93 et T‑559/93, Rec. p. II‑1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T‑117/96, Rec. p. II‑141, point 32). En outre, il résulte du système prévu par l’article 258 TFUE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

30      Le premier chef de conclusions est donc irrecevable en ce qui concerne le volet de la plainte relatif à la violation du droit à la libre circulation des travailleurs.

31      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation des requérants, dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, tirée, en substance, d’une violation de leur droit à un recours effectif. À cet égard, ils invoquent le rôle de la Commission en tant que gardienne des traités, ce qui aurait dû amener celle-ci à tirer les conséquences de l’observation formulée dans la lettre du 18 février 2010, mentionnée au point 5 ci-dessus, selon laquelle l’obligation d’aligner sept joueurs comportait un risque potentiel d’incompatibilité avec le droit de l’Union, ainsi qu’un prétendu manque d’indépendance de sa part envers les instances du monde du football. Par ailleurs, les requérants se réfèrent à l’article 6, paragraphe 1 et à l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et font valoir qu’ils doivent pouvoir introduire un recours à l’encontre d’une décision de la Commission qui leur porte préjudice.

32      Il convient de rappeler que, certes, par les articles 263 TFUE et 277 TFUE, d’une part, et par l’article 267 TFUE, d’autre part, le traité FUE établit un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge de l’Union (voir arrêts de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23 ; du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 40, et, Reynolds Tobacco e.a./Commission, précité, point 80).

33      Toutefois, il n’en demeure pas moins que, bien que les dispositions du traité concernant le droit d’agir des justiciables ne sauraient, eu égard au principe d’une protection juridictionnelle effective, être interprétées restrictivement, le refus de la Commission de poursuivre pour manquement un État membre constitue, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, un acte qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Le Tribunal ne peut donc écarter la condition relative à l’existence d’un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, expressément prévue par ce traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 44, et Reynolds Tobacco e.a./Commission, précité, point 81 ; ordonnance de la Cour du 10 juillet 2007, AEPI/Commission, C‑461/06  P, non publiée au Recueil, points 28 et 29).

34      Par ailleurs, les requérants, dont fait partie F91 Diddeléng qui est elle-même un membre de la FLF, peuvent contester le statut interne révisé devant les juridictions nationales compétentes en invoquant, notamment, son caractère prétendument incompatible avec le droit de l’Union. Ces juridictions ont la faculté, voire l’obligation, de saisir de cette question la Cour de justice de l’Union européenne, afin que celle-ci statue à titre préjudiciel en application de l’article 267 TFUE. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient faire valoir qu’ils se trouvent privés de protection juridictionnelle effective contre une violation du droit de l’Union qui leur porte préjudice.

35      Enfin, il y a lieu également de souligner qu’aucun principe général de droit de l’Union n’impose qu’un particulier soit recevable, devant le juge de l’Union, à contester le refus de la Commission d’engager une action à l’encontre d’un État membre sur le fondement de l’article 258 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 février 2005, Commission/max.mobil, C‑141/02 P, Rec. p. I‑1283, point 72).

36      En second lieu, s’agissant du volet de la plainte relatif au droit de la concurrence, il convient d’examiner l’argument des requérants selon lequel la Commission l’a rejetée sans toutefois motiver une telle démarche.

37      À cet égard, il doit être rappelé, d’une part, que le dispositif d’une décision doit être interprété en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑91/01, Rec. p. 1‑4355, point 49) et, d’autre part, que la motivation d’un acte s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen/Commission, T‑102/07 et T‑120/07, Rec. p. II‑585, point 180, et la jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il importe de relever que, même si la lettre du 21 juin 2010 fait référence au classement de la plainte sans préciser davantage la portée de ce classement et que, par ailleurs, la Commission a confirmé dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal que la direction générale « Concurrence » avait été consultée sur la proposition de procéder au classement de l’affaire et a, comme d’autres services associés, émis son accord avec ladite proposition, il ressort clairement de la correspondance entre les parties entre 2004 et 2010 (voir les points 3 à 8 ci-dessus) que c’est la DG EMPL qui s’est exclusivement occupée du dossier et qu’à aucun moment de la procédure et des discussions ayant conduit à la décision attaquée, la Commission ne s’est exprimée sur l’éventuelle application des articles 81 CE ou 82 CE aux faits allégués dans la plainte.

39      Il ressort aussi de ladite correspondance que les requérants étaient tenus informés de l’avancement de l’examen de leur plainte par la Commission et qu’ils sont fréquemment intervenus en rappelant dans différents courriers les principes du droit à la libre circulation des travailleurs. De surcroît, les requérants ne contestent pas ne jamais avoir évoqué, pendant la période allant de la date de dépôt de la plainte à celle de l’introduction du présent recours, d’arguments relatifs à une prétendue violation des articles 81 CE ou 82 CE. En effet, même dans leur lettre du 18 mars 2010, mentionnée au point 6 ci-dessus, en réponse à la lettre de la Commission du 18 février 2010 annonçant son intention de procéder au classement de l’affaire, ils se sont limités à évoquer des arguments relatifs à la violation du droit à la libre circulation des travailleurs.

40      La décision attaquée intervient donc à la suite d’une procédure dans le cadre de laquelle la Commission a examiné la plainte exclusivement dans la mesure où elle concernait la libre circulation des travailleurs.

41      En revanche, pour autant que la plainte portait sur la compatibilité de la réglementation de la FLF avec le droit de la concurrence, la Commission ne l’a pas examinée. En effet, comme le fait valoir la Commission, elle s’est focalisée sur le volet de la plainte relatif au droit à la libre circulation des travailleurs, estimant que cette voie était la plus appropriée pour remédier au problème soulevé dans la plainte.

42      Il y a lieu de relever, en outre, que cette façon de procéder n’a jamais été critiquée par les requérants jusqu’au moment de l’introduction du présent recours. Or, il leur aurait été possible, notamment, de solliciter une prise de position par la Commission sur le volet de la plainte relatif au droit de la concurrence et d’introduire, le cas échéant, un recours en carence à cette fin (voir arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Asia Motor France e.a./Commission, T‑28/90, Rec. p. II‑2285, points 27 à 30).

43      Dès lors, le volet de la plainte relatif au droit de la concurrence n’a pas été rejeté par la décision attaquée de sorte que celle-ci ne saurait être considérée comme un acte produisant des effets juridiques à cet égard (voir arrêt de la Cour du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, Rec. p. I‑3319, point 28, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, une procédure au titre de la mise en œuvre du droit de la concurrence étant indépendante de celle fondée sur l’article 258 TFUE, les deux procédures poursuivant des buts différents et étant régies par des règles différentes, l’engagement d’une procédure au titre de l’article 258 TFUE ne saurait impliquer automatiquement l’adoption d’une décision au titre du règlement n° 773/2004, y compris implicitement (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 17 juillet 1998, Sateba/Commission, C‑422/97 P, Rec. p. I‑4913, points 36 et 37).

44      Cette analyse est confirmée, en outre, par la lettre du 11 octobre 2011 que la Commission a soumis en annexe à sa réponse aux questions écrites du Tribunal.

45      Dans cette lettre, la Commission indique que, compte tenu des développements intervenus dans la réglementation de la FLF au cours de la procédure d’infraction, elle n’a pas donné de priorité au traitement des allégations relatives aux infractions présumées aux articles 81 CE et 82 CE, mais que, dans le cadre de la présente procédure, elle prend acte du fait que les requérants souhaitent maintenir leurs allégations à cet égard. La Commission indique, ensuite, d’une part, que les informations contenues dans la plainte sont considérées par elle comme des informations relatives au marché et non comme une plainte formelle devant répondre, selon elle, aux exigences imposées par l’article 5 du règlement n° 773/2004 et, d’autre part, que, si les requérants décident de maintenir leurs allégations dans le cadre d’une plainte formelle, ils doivent néanmoins prendre acte du fait que la Commission n’est pas tenue d’instruire toutes les plaintes.

46      Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’argument de la Commission exposé dans la lettre du 11 octobre 2011 et tiré de la compatibilité de la plainte, introduite en 2003, avec un règlement entré en vigueur en 2004, il ressort du point précédent que ladite lettre exprime, ainsi que la Commission l’indique elle-même dans sa réponse à la question écrite du Tribunal du 21 septembre 2011, sa position préliminaire sur le volet de la plainte relatif au droit de la concurrence. Dès lors, contrairement à ce que font valoir les requérants, il ne saurait être conclu que la décision attaquée contient une position définitive de la Commission à cet égard.

47      Il en résulte que, en ce qui concerne le volet de la plainte relatif au droit de la concurrence, la situation juridique des requérants n’a pas été modifiée par la décision attaquée. Il s’ensuit que, faute d’acte attaquable à cet égard, le premier chef de conclusions est également irrecevable en ce qu’il concerne le volet de la plainte relatif au droit de la concurrence et est, donc, irrecevable dans sa totalité.

 Sur le deuxième chef de conclusions

48      Par leur deuxième chef de conclusions, les requérants demandent que le Tribunal annule « les règlements violant les articles [39 CE] et [81 CE] ».

49      Ainsi que le fait valoir la Commission, soutenue par la FLF, sans être contredite sur ce point par les requérants, il ressort de la requête que les « règlements » ainsi visés correspondent au statut interne révisé et, notamment, à son article 17. En effet, c’est à l’égard de cet article que les requérants avancent plusieurs griefs dans la requête tirés, notamment, de « l’incompatibilité des clauses de nationalité avec les dispositions sur la libre circulation des travailleurs », l’« infraction à l’article [39 CE] », et l’« infraction à l’article [81 CE], violation du droit de la concurrence ».

50      Or, le statut interne révisé est un acte adopté par la FLF, organe national, et ne saurait être imputé à la Commission, voire à une autre institution, organe ou organisme de l’Union.

51      Le présent recours est introduit sur la base de l’article 263 TFUE. Il ressort du premier alinéa de cette disposition que la Cour de justice contrôle la légalité des actes législatifs, des actes du Conseil de l’Union européenne, de la Commission et de la Banque centrale européenne (BCE), autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Elle contrôle aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers.

52      Il en résulte que, dans le cadre d’un recours au titre de l’article 263 TFUE, le juge de l’Union n’est pas compétent pour statuer sur la légalité d’un acte adopté par une autorité nationale (arrêt de la Cour du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C‑97/91, Rec. p. I‑6313, point 9).

53      Par conséquent, le deuxième chef de conclusions, visant l’annulation d’un acte d’un organe national, est irrecevable.

 Sur le troisième chef de conclusions

54      Par leur troisième chef de conclusions, les requérants demandent que le Tribunal prononce « toute sanction utile ».

55      À cet égard, il suffit de relever que le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre d’un recours introduit à l’encontre d’une décision de rejet de plainte sur la base de l’article 263 TFUE, relatif au contrôle de légalité des actes des institutions, organes et organismes de l’Union, pour prononcer des sanctions.

56      Par ailleurs, à titre surabondant, ainsi que le relève la Commission, soutenue par la FLF, la requête ne contient aucun développement au soutien de cette conclusion, en particulier en ce qui concerne la nature des sanctions visées ou la personne ou l’entité à l’encontre desquelles lesdites sanctions devraient être prononcées. Les requérants n’ont d’ailleurs pas davantage apporté de précisions à cet égard dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité. Dans ces circonstances, ce chef de conclusions est également irrecevable pour cause de violation de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, selon lequel la requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués.

57      Le troisième chef de conclusions est donc également irrecevable.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

59      En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, la FLF, partie intervenante, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      F91 Diddeléng, Julien Bonnetaud, Thomas Gruszczynski, Rainer Hauck, Stéphane Martine, Grégory Molnar et Yann Thibout supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La Fédération luxembourgeoise de football (FLF) supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 avril 2012.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.