Language of document : ECLI:EU:T:2022:19

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 octobre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un paquet de biscuits – Déclaration de déchéance – Importance de l’usage – Absence d’altération du caractère distinctif  »

Dans l’affaire T‑418/16,

Galletas Gullón, SA, établie à Aguilar de Campoo (Espagne), représentée par Me I. Escudero Pérez, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

O2 Holdings Ltd, établie à Slough (Royaume-Uni), représentée par M. J. Rebling, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 19 mai 2016 (affaire R 1614/2015-4), relative à une procédure de déchéance entre O2 Holdings Ltd et Galletas Gullón,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 6 octobre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 octobre 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 octobre 2003, la société Galletas Gullón, SA a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), devenu le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p.1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé, et pour laquelle les couleurs rouge, verte, blanche, jaune, brune, noire et beige ont été revendiquées, est le signe tridimensionnel reproduit ci-dessous :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Biscuits ».

4        La marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne le 22 décembre 2004 sous le numéro 3417847 pour les produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 17 juillet 2014, l’intervenante, O2 Holdings Ltd, a introduit une demande de déchéance à l’encontre de cette marque, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 (devenu l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001), pour les produits visés au point 3 ci-dessus. L’intervenante a fait valoir que cette marque n’a pas été utilisée de façon sérieuse pendant une période ininterrompue de cinq ans, entre le 10 juin 2009 et le 9 juin 2014, pour lesdits produits.

6        Par décision du 11 juin 2015, la division d’annulation a rejeté la demande en déchéance.

7        Le 10 août 2015, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009 (devenus les articles 66 à 74 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 19 mai 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation et déclaré, au regard des éléments de preuve présentés, la requérante déchue de ses droits sur la marque contestée pour non-usage, pour les produits en cause, à compter du 17 juillet 2014.

9        En premier lieu, la chambre de recours a considéré que la marque telle qu’utilisée altérait le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée. Les modifications apportées concernaient des éléments dominants de la marque contestée.

10      En second lieu, la chambre de recours a considéré que le critère relatif à l’importance de l’usage n’était pas satisfait en l’espèce. Plus précisément, la chambre a estimé que, premièrement, la marque contestée ne figurait pas sur les factures produites et ne pouvait pas être associée aux produits indiqués sur les factures. Deuxièmement, les ventes n’étaient pas significatives, que ce soit du point de vue du nombre d’unités ou du chiffre d’affaires, eu égard à la nature des produits en cause. Troisièmement, la requérante n’était pas en mesure de justifier d’un usage constant pour la période pertinente. Quatrièmement, la requérante n’avait pas démontré un usage effectif vers les consommateurs finaux.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

 Sur la recevabilité du recours

14      L’intervenante soutient, en substance, que le recours est manifestement non fondé et, partant, doit être rejeté sur le fondement de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (devenu l’article 75, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). La requérante n’avancerait aucun moyen fondé sur une erreur de la chambre de recours dans l’appréciation des éléments de preuve produits. La requête serait non étayée, non structurée et non fondée.

15      Il y a lieu de rappeler que les conditions de recevabilité des recours sont des fins de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union européenne doit soulever d’office le cas échéant [voir ordonnance du 25 mai 2016, Stagecoach Group/EUIPO (MEGABUS.COM), T‑805/14, non publiée, EU:T:2016:336, point 16 et jurisprudence citée].

16      Il y a également lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, qui s’applique aux litiges de propriété intellectuelle en vertu des articles 171 et 172 du même règlement, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais de façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête (voir ordonnance du 25 mai 2016, MEGABUS.COM, T‑805/14, non publiée, EU:T:2016:336, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, il convient de relever que la requérante, au point 7 de la requête, soutient, à titre de moyen, que la quatrième chambre de recours a violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. Selon la requérante, la chambre de recours a conclu, à tort, que les documents présentés ne permettaient pas de démontrer un usage sérieux de la marque contestée. À cet égard, après avoir détaillé les éléments de preuve produits devant la chambre de recours, la requérante fait valoir, en substance, que, premièrement, l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée était prouvée, eu égard aux publicités, paquets et factures présentés. Deuxièmement, les différences existantes entre la marque utilisée et la marque enregistrée n’étaient pas de nature à altérer le caractère distinctif de cette dernière.

18      Il appert que, nonobstant le caractère succinct de l’argumentation de la requérante, la requête permet d’identifier un moyen unique, tenant à la violation, par la chambre de recours, de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, composé, en substance, de deux griefs, relatifs à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée et à l’existence d’un usage qui n’altérait pas le caractère distinctif de la marque contestée telle qu’enregistrée.

19      Le Tribunal s’estime, ainsi, en mesure de statuer sur le recours et d’apprécier la légalité de la décision attaquée au regard des griefs formulés par la requérante.

20      En outre, il convient de constater que l’EUIPO et l’intervenante ont été en mesure, dans leurs mémoires respectifs, de présenter des arguments structurés en défense.

21      Il s’ensuit, au vu de tout ce qui précède, que l’irrecevabilité soulevée par l’intervenante doit être rejetée au motif que la requête satisfait aux conditions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

22      Le présent moyen se divise en deux griefs. Le premier grief est relatif à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée. Le second grief est relatif à l’existence d’un usage qui n’altérait pas le caractère distinctif de la marque contestée telle qu’enregistrée.

23      Le Tribunal estime opportun d’inverser l’ordre d’examen des griefs et de suivre la structure de la décision attaquée.

 Sur le second grief, relatif à l’absence d’altération du caractère distinctif de la marque

24      La requérante fait valoir, en substance, que les différences existantes entre la marque utilisée et la marque enregistrée ne sont pas de nature à altérer le caractère distinctif de cette dernière. La marque utilisée ne serait qu’une simple évolution de la marque enregistrée, comme en attesterait la jurisprudence du Tribunal.

25      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent, en substance, que la requérante n’a pas valablement contesté la conclusion de la chambre de recours, à laquelle elles renvoient. Le caractère distinctif de la marque contestée serait altéré, dans la mesure où les modifications apportées à celle-ci concerneraient ses éléments distinctifs et dominants, tels que les couleurs de l’emballage et la marque maison. Par ailleurs, la jurisprudence citée par la requérante, à l’appui de son argumentation, ne lui serait pas favorable, dans la mesure où, en l’espèce, la forme de l’emballage de la marque contestée ne posséderait pas en soi un caractère distinctif élevé pour les produits visés par la marque.

26      Il convient de rappeler que, premièrement, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 (devenu l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001), est également considéré comme un usage au sens du premier alinéa dudit paragraphe 1 l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

27      Deuxièmement, l’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque de l’Union européenne et celle sous laquelle cette marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 30 et jurisprudence citée].

28      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la chambre de recours a conclu, à juste titre, que les modifications observées entre la marque contestée telle qu’utilisée et la marque contestée telle qu’enregistrée altéraient le caractère distinctif de cette dernière. La chambre de recours a considéré, en substance, que les modifications apportées l’ont été à des éléments dominants, tels que la couleur de l’emballage et la représentation graphique de la marque maison.

29      En premier lieu, il convient de rappeler que la marque contestée telle qu’enregistrée était un signe tridimensionnel, de couleurs rouge, verte, blanche, jaune, brune, noire et beige, comprenant les éléments verbaux « GULLON » et « mini O2 ». La marque représentait plus précisément un emballage de forme prismatique-rectangulaire, de couleurs rouge et jaune. Sur la face de celui-ci se trouvaient, de haut en bas, premièrement, sur un fond de couleur rouge, un rectangle de couleur bleue (la description publiée faisait référence à un rectangle de couleur verte) sur lequel était superposée une bande rectangulaire de couleur rouge, pliée aux extrémités, au sein de laquelle était inscrit, en blanc et en lettres majuscules, l’élément « GULLON » ; deuxièmement, sur un fond de couleur jaune, une bande rectangulaire-horizontale, dont les grands côtés étaient ondulés, au sein de laquelle était inscrit en rouge avec un contour de couleur blanche, en lettres minuscules, l’élément « mini O2 », à l’exception de la lettre « O » qui était en majuscule ; troisièmement, sur un fond de couleur rouge, la représentation graphique de six biscuits de couleur beige avec une garniture de couleur brune encerclant un septième biscuit, sur un fond légèrement jaune, blanc et beige. Sur le côté gauche de l’emballage se trouvaient, de haut en bas, premièrement, une bande identique à celle se trouvant sur la face frontale de l’emballage, sur laquelle on pouvait deviner l’élément « mini O2 » ; deuxièmement, un rectangle de couleur blanche ; troisièmement, une sphère à l’intérieur jaune et au bord noir.

30      En second lieu, il convient de relever qu’il ressort du dossier que la marque telle qu’utilisée était un signe tridimensionnel, de couleurs rouge, verte, blanche, jaune, brune, noire et beige, comprenant les éléments verbaux « gullón » et « mini O2 chocolate ». La marque représentait plus précisément un emballage de forme prismatique-rectangulaire, de couleurs blanche, jaune et rouge. Sur la face de celui-ci se trouvaient, de haut en bas, premièrement, sur un fond de couleur blanche, un carré de couleur verte, au sein duquel était inscrit, en blanc et en lettres minuscules, l’élément « gullón » ; deuxièmement, sur un fond de couleur jaune, une bande rectangulaire-horizontale, dont les grands côtés étaient ondulés, au sein de laquelle était inscrit, en lettres minuscules, l’élément « mini O2 chocolate », à l’exception de la lettre « O » qui était en majuscule. Les termes « mini » et « chocolate » étaient de couleur rouge, alors que la lettre « O » et le chiffre « 2 » du terme « O2 » étaient de couleur blanche avec un contour de couleur bleue ; troisièmement, sur un fond de couleur rouge, la représentation graphique de six biscuits de couleur beige avec une garniture de couleur brune encerclant un septième biscuit, sur un fond légèrement jaune, blanc et beige.

31      Il appert que les seuls éléments qui différenciaient la marque enregistrée de la marque utilisée étaient, premièrement, la couleur blanche de la partie supérieure de l’emballage, deuxièmement, la stylisation de l’élément « gullón » ainsi que de la lettre « O » et du chiffre « 2 » de l’élément « mini O2 », troisièmement, l’ajout du terme « chocolate » à l’élément « mini O2 ».

32      Or, contrairement à ce qu’a conclu la chambre de recours, ces modifications n’étaient pas de nature à altérer le caractère distinctif de la marque enregistrée. En effet, les modifications apportées aux éléments « GULLON » et « mini O2 » de la marque enregistrée, tenant plus précisément à l’utilisation de minuscules plutôt que de majuscules, à la présence d’un carré de couleur verte plutôt que d’un rectangle de couleur bleue, à la suppression d’une bande de couleur rouge, à l’écriture de la lettre « O » et du chiffre « 2 » de l’élément « mini O2 » en blanc avec un contour de couleur bleue plutôt qu’en rouge et à l’ajout du terme descriptif « chocolate » à l’élément « mini O2 », étaient des modifications mineures, d’ordre principalement ornemental, qui ne se distinguaient nullement par leur originalité et qui, partant, ne changeaient pas de manière significative l’impression d’ensemble produite par la marque enregistrée.

33      Cette conclusion ne saurait être modifiée par le fait que la combinaison de couleurs « rouge-jaune-rouge », présente sur l’emballage de la marque enregistrée, était remplacée par la combinaison de couleurs « blanc-jaune-rouge » sur l’emballage de la marque utilisée. En effet, contrairement à ce qu’avait considéré la chambre de recours, la combinaison de couleurs « rouge-jaune-rouge » n’était pas un élément distinctif ou dominant de la marque enregistrée. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, par leur nature, elles sont peu aptes à donner des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis [voir arrêt du 7 septembre 2016, Beiersdorf/EUIPO (Q10), T‑4/15, non publié, EU:T:2016:447, point 22 et jurisprudence citée], y compris pour les produits tels que ceux en cause en l’espèce. À cela, il convient d’ajouter que ces couleurs étaient plutôt banales. Elles n’étaient pas, en elles-mêmes, exceptionnelles au point d’être perçues, par le consommateur, comme particulièrement frappantes et mémorisées pour les produits en cause. Elles seront davantage comprises comme des éléments à des fins purement esthétiques ou de présentation et non comme une indication de l’origine commerciale des produits. Il s’ensuit que cette modification n’était pas de nature à altérer le caractère distinctif de la marque enregistrée.

34      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que l’usage de la marque telle qu’utilisée par la requérante devait être considérée comme un usage de la marque enregistrée, au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009.

35      Il s’ensuit que le présent grief doit être accueilli.

 Sur le premier grief, relatif à l’existence d’un usage sérieux de la marque

36      La requérante soutient, en substance, que, au regard des éléments de preuve produits, l’usage sérieux de la marque contestée a été prouvée. La requérante fait notamment valoir que la marque contestée a été utilisée en lien avec les produits désignés et que ces produits ont été proposés aux consommateurs sur tout le territoire espagnol. Par ailleurs, la requérante précise que, dans le cadre de l’appréciation de l’importance de l’usage, les caractéristiques du marché en cause doivent être prises en considération. À cet égard, le nombre d’unités vendues, tel qu’il ressortirait des factures présentées, devrait être considéré comme suffisant, eu égard au prix modique des produits en cause.

37      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent, en substance, que la requérante n’a pas valablement contesté la conclusion de la chambre de recours, à laquelle elles renvoient. La requérante n’aurait pas prouvé l’importance de l’usage de la marque contestée. D’une part, la marque contestée ne pourrait pas être mise en lien avec les factures produites pour la période pertinente. D’autre part, aucune information relative aux chiffres d’affaires ou aux parts de marché n’aurait été fournie.

38      Il convient de rappeler que, premièrement, selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 18 mars 2015, Naazneen Investments/OHMI – Energy Brands (SMART WATER), T‑250/13, non publié, EU:T:2015:160, point 25 et jurisprudence citée].

39      Deuxièmement, dans le cadre de l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque, doivent être pris en considération (voir arrêt du 18 mars 2015, SMART WATER, T‑250/13, non publié, EU:T:2015:160, point 26 et jurisprudence citée).

40      Troisièmement, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 9 septembre 2015, Inditex/OHMI – Ansell (ZARA), T‑584/14, non publié, EU:T:2015:604, point 19 et jurisprudence citée]. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 23 et jurisprudence citée].

41      Quatrièmement, quant à l’importance ou à l’étendue de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 25 et jurisprudence citée).

42      Cinquièmement, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal, d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 26 et jurisprudence citée).

43      En effet, dans l’interprétation de la notion de l’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 27 et jurisprudence citée).

44      Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque concernée (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 28 et jurisprudence citée).

45      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les éléments de preuve présentés par la requérante ne satisfaisaient pas au critère de l’importance de l’usage et, partant, ne démontraient pas, pour les produits en cause, un usage sérieux de la marque contestée.

46      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la période pertinente de cinq années, visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, durant laquelle la requérante est tenue de démontrer l’usage de sa marque pour les produits relevant de la classe 30, s’étend du 17 juillet 2009 au 16 juillet 2014, compte tenu de l’introduction, par l’intervenante, de la demande de déchéance le 17 juillet 2014.

47      La requérante a produit devant la chambre de recours, pour la période pertinente, des annonces publicitaires, des articles de presse, des copies de factures adressées à des clients espagnols, des images de son site Internet ainsi que l’image d’un emballage d’un paquet de biscuits de la marque contestée.

48      Après avoir analysé ces documents, la chambre de recours a conclu que la preuve d’un usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été fournie, pour la période pertinente, pour les produits en cause. Plus précisément, la chambre de recours a considéré, au regard des éléments de preuve présentés, que le critère de l’importance de l’usage n’était pas satisfait en l’espèce.

49      En premier lieu, la chambre de recours a constaté que la marque contestée, d’une part, ne figurait pas sur les factures produites et, d’autre part, ne pouvait pas être associée aux produits indiqués sur celles-ci. En deuxième lieu, la chambre de recours a souligné que le nombre de paquets vendus sous la marque contestée ainsi que le chiffre d’affaires réalisé n’étaient pas significatifs, alors que les produits en cause étaient des produits de consommation courante et quotidienne. En troisième lieu, la chambre de recours a estimé qu’un usage constant de la marque contestée n’avait pas été prouvé par la requérante. En quatrième lieu, la chambre de recours a observé qu’un usage effectif de la marque contestée vers les consommateurs finaux ne pouvait pas être établi.

50      Or, il n’y a pas lieu d’approuver cette analyse de la chambre de recours.

51      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le fait que la marque antérieure n’est pas mentionnée sur des factures ne saurait démontrer l’absence de pertinence de ces dernières aux fins de la preuve de l’usage sérieux de ladite marque [voir arrêt du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, non publié, EU:T:2012:263, point 60 et jurisprudence citée].

52      Il convient de souligner que les factures présentées, au titre de la période pertinente, faisaient état de commandes relatives aux produits en cause. Contrairement à ce que soutient la chambre de recours, au point 35 de la décision attaquée, les produits mentionnés sur les factures pouvaient être rattachés aux produits commercialisés, par la requérante, sous la marque contestée telle qu’utilisée. En effet, la chambre de recours a considéré, à tort, que les produits mentionnés sur les factures, sous la dénomination « mini O2 relleno chocolate », renvoyaient à trois produits différents de la requérante. S’il ressort effectivement des annonces publicitaires et des articles de presse produits par la requérante que trois produits contenaient l’élément « O2 », toutefois deux seulement contenaient l’élément « mini O2 » et un seul, parmi ceux-ci, des biscuits avec une garniture chocolat (« relleno chocolate »), comme représenté sur la marque contestée telle qu’enregistrée ou utilisée.

53      Il en ressort que, premièrement, les factures présentées, d’une part, faisaient apparaître, pour la période pertinente, pour les produits en cause, un chiffre d’affaires total de 2 370,80 euros, correspondant à la vente de 5 723 paquets, et, d’autre part, démontraient que la marque contestée avait fait l’objet d’actes d’usage régulier, entre le 4 février 2010 et le 31 novembre 2013, pendant une période supérieure à trois ans et demi. La requérante a présenté trois factures au titre de chacune de ces années.

54      Deuxièmement, les produits en cause étaient vendus, à l’unité, entre 0,35 euro et 0,48 euro, hors taxe, soit un prix relativement faible.

55      Troisièmement, les factures présentées ne portaient pas de numéros consécutifs et étaient datées d’années et de mois différents. Cela conduit à conclure que la requérante n’avait produit que des éléments de preuve correspondant à des exemples de ventes. En outre, il y a lieu de relever que ces factures étaient adressées à divers distributeurs. Cela montrait que l’usage était d’une importance suffisante pour correspondre à un effort commercial réel et sérieux et qu’il ne s’agissait pas d’une simple tentative de simuler l’usage sérieux en utilisant toujours les mêmes clients [voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Buffalo Milke Automotive Polishing Products/OHMI – Werner & Mertz (BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products), T‑308/06, EU:T:2011:675, point 71].

56      Il s’ensuit que, bien que le volume commercial de l’exploitation de la marque contestée soit limité, les factures présentées permettaient néanmoins de conclure, au regard de leur grande constance dans le temps, que les produits en cause ont été, durant la période pertinente, commercialisés de manière suffisamment longue pour établir que cet usage était sérieux.

57      Par ailleurs, il y a lieu d’observer que la requérante avait produit, au titre de la période pertinente, de nombreux articles de presse et annonces publicitaires relatifs à la commercialisation des produits en cause sous la marque contestée telle qu’utilisée.

58      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les factures présentées, examinées conjointement avec les autres éléments de preuve, étaient suffisantes pour démontrer que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux aux fins de créer ou de maintenir un débouché pour les produits visés par la marque.

59      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la chambre de recours, repris par l’EUIPO et l’intervenante, selon lequel les ventes réalisées, eu égard à la nature des produits, ne seraient pas, que ce soit du point de vue du nombre d’unités ou du chiffre d’affaires, suffisamment significatives pour qualifier l’usage de sérieux.

60      En effet, il suffit de rappeler que la fourniture de documents comptables exposant les chiffres de vente ou de factures n’apparaît pas comme indispensable pour établir un usage sérieux de la marque. Selon la jurisprudence, l’appréciation de l’importance de l’usage implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 23 et jurisprudence citée). Dans certaines circonstances, même des preuves circonstancielles telles que des catalogues mentionnant la marque, bien qu’elles ne fournissent pas d’informations directes sur la quantité de produits réellement vendus, peuvent suffire, par elles-mêmes, à démontrer l’importance de l’usage dans le cadre d’une appréciation globale [arrêt du 15 juillet 2015, TVR Automotive/OHMI – TVR Italia (TVR ITALIA), T‑398/13, EU:T:2015:503, points 57 et 58].

61      Il ne saurait également en être autrement s’agissant du fait que les preuves présentées ne montraient pas que les produits en cause étaient finalement parvenus aux consommateurs finaux.

62      En effet, premièrement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’usage sérieux d’une marque exige que celle-ci soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 48 et jurisprudence citée). Or, cet usage extérieur d’une marque n’équivaut pas nécessairement à un usage orienté vers les consommateurs finaux. L’usage effectif de la marque se rapporte au marché sur lequel le titulaire de la marque de l’Union européenne exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque. Ainsi, considérer que l’usage extérieur d’une marque, au sens de la jurisprudence, consiste nécessairement à un usage orienté vers les consommateurs finaux reviendrait à exclure les marques utilisées dans les seuls rapports entre sociétés de la protection du règlement n° 207/2009. En effet, le public pertinent auquel les marques ont vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement les consommateurs finaux, mais également les spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels (voir arrêt du 7 juillet 2016, FRUIT, T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 49 et jurisprudence citée).

63      Deuxièmement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en raison de l’établissement d’une facture, le titulaire de la marque montre que l’usage de la marque s’est fait publiquement et vers l’extérieur [voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 47 et jurisprudence citée].

64      En outre, les nombreux articles de presse et annonces publicitaires produits par la requérante permettent de supposer, avec un certain degré de certitude, que les consommateurs ont été, directement ou indirectement, en contact avec les produits en cause commercialisés par la requérante sous la marque contestée telle qu’utilisée.

65      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux.

66      Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir également le présent grief.

67      Les deux griefs composant le moyen unique ayant été accueillis, il y a lieu, dès lors, d’annuler la décision attaquée dans son ensemble.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

69      L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 mai 2016 (affaire R 1614/2015-4), relative à une procédure de déchéance entre O2 Holdings Ltd et Galletas Gullon est annulée.

2)      L’EUIPO et O2 Holdings Ltd sont condamnés aux dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.