Language of document : ECLI:EU:T:1998:9

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

29 janvier 1998 (1)

«Antidumping — Furfural — Éléments justifiant l'ouverture d'une enquête — Principe de proportionnalité — Préjudice — Refus d'un engagement — Règlement (CEE) n° 2423/88»

Dans l'affaire T-97/95,

Sinochem National Chemicals Import & Export Corporation, société de droit chinois, établie à Pékin, représentée par Me Jean-François Bellis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté initialement par MM. Yves Cretien, conseiller juridique, et Antonio Tanca, membre du service juridique, en qualité d'agents, puis uniquement par M. Tanca, assistés de Mes Hans-Jürgen Rabe et Georg M. Berrisch, avocats à Hambourg et Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Nicholas Khan, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

et

Furfural Español SA, société de droit espagnol, établie à Alcantarilla (Espagne), représentée par Me José Rivas de Andrés, avocat au barreau de Madrid, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Me Arsène Kronshagen, 2, rue Marie-Adélaïde,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CE) n° 95/95 du Conseil, du 16 janvier 1995, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de furfural originaire de la république populaire de Chine (JO L 15, p. 11),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme V. Tiili, MM. J. Azizi, R. M. Moura Ramos et M. Jaeger, juges,

greffier: A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 septembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    La requérante, Sinochem National Chemicals Import & Export Corporation (ci-après «Sinochem») est une entreprise d'État de la république populaire de Chine qui s'occupe de l'importation de produits chimiques en Chine ainsi que de l'exportation de produits chimiques en provenance de ce même pays. Jusqu'au 1er janvier 1993, elle était l'exportateur exclusif du furfural originaire de Chine. Depuis cette date, les exportations de furfural peuvent se faire librement, en raison d'une

libéralisation du régime des échanges commerciaux chinois. A l'époque des faits, Sinochem exportait la majeure partie du furfural originaire de Chine.

2.
    Le furfural, produit en cause dans la présente procédure, est un produit chimique liquide obtenu par traitement de déchets agricoles. Il a deux applications fondamentales totalement distinctes: premièrement, il est utilisé comme solvant sélectif dans le raffinage du pétrole aux fins de l'épuration d'huiles de graissage et, deuxièmement, il sert de matière première aux fins de la production de l'alcool furfurylique.

3.
    En janvier 1993, la Commission a été saisie d'une plainte déposée par Furfural Español SA (ci-après «Furfural Español»). La plainte dénonçait l'existence d'un dumping ayant pour objet le furfural originaire de Chine et elle faisait état du préjudice important en résultant.

4.
    Au vu de ces éléments, la Commission, en application du règlement (CEE) n° 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après «règlement de base»), a publié le 31 juillet 1993 un avis d'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations de furfural originaire de la république populaire de Chine (JO C 208, p. 8) et a ouvert une enquête.

5.
    La période d'enquête a couru du 1er juillet 1992 au 30 juin 1993. La Commission a effectué des vérifications et des enquêtes sur place auprès du producteur communautaire Furfural Español, auprès de quelques importateurs de la Communauté, notamment Quaker Oats Chemicals Inc. (ci-après «QO Chemicals»), société américaine installée à Anvers (Belgique) et filiale d'une autre société américaine, Great Lakes Chemicals Corporation . Elle a également enquêté auprès de deux producteurs argentins de furfural, l'Argentine lui servant de pays analogue aux fins de la détermination de la valeur normale .

6.
    Furfural Español est une société établie à Alcantarilla (Espagne). Elle était, à l'époque de l'enquête, le seul producteur de furfural dans la Communauté. Elle constituait en conséquence «la production de la Communauté» au sens de l'article 4, paragraphe 5, du règlement de base.

7.
    La requérante et Furfural Español ont toutes deux fourni du furfural à la fois pour l'épuration des huiles de graissage et pour la production d'alcool furfurylique. Le principal producteur d'alcool furfurylique de la Communauté est QO Chemicals . Jusqu'en 1992, il existait un autre producteur communautaire d'alcool furfurylique, la société française Agrifurane. En 1994, une nouvelle société productrice de cet alcool, Indofurane Europe, s'est installée en France. Furfural Español a fourni du furfural à QO Chemicals en 1989. Elle en a également fourni à Agrifurane jusqu'en

1992 et, en 1995, à Indofurane Europe. Dans leur grande majorité, ses ventes ont toujours été effectuées pour l'épuration des huiles de graissage.

8.
    QO Chemicals est le premier producteur mondial d'alcool furfurylique. Elle est donc en fait le plus important acheteur de furfural dans la Communauté européenne. Pendant la période d'enquête, elle était le seul producteur communautaire d'alcool furfurylique et représentait, par conséquent, la totalité du marché communautaire de l'alcool furfurylique.

9.
    Le fournisseur de furfural qui assure plus de 80 % des besoins de QO Chemicals est établi en République dominicaine. Il est aussi le premier producteur mondial de furfural. Depuis les années 60, un accord de fourniture à long terme existe entre lui et QO Chemicals — par l'intermédiaire d'une société américaine apparentée à celle-ci. L'accord prévoit que QO Chemicals achète presque tout le furfural produit par le producteur de la République dominicaine et que celui-ci vend à QO Chemicals presque tout le furfural qu'il produit.

10.
    Par règlement (CE) n° 1783/94, du 18 juillet 1994, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de furfural originaire de la république populaire de Chine (JO L 186, p. 11, ci-après «règlement provisoire»), la Commission a imposé un droit antidumping provisoire de 352 écus par tonne sur le produit litigieux, relevant du code NC 2932 12 00 de la nomenclature combinée de l'Union européenne.

11.
    Elle a déterminé une marge de dumping de 62,6 % correspondant à la moyenne pondérée des marges de dumping obtenues tant pour les exportateurs ayant coopéré que pour ceux n'ayant pas coopéré (point 21 des considérants du règlement provisoire). Elle a constaté que cette marge de dumping dépassait le seuil du préjudice, calculé sur la base de la différence entre le prix caf (coût, assurance, fret) moyen pondéré à l'importation et le coût de production du producteur communautaire, augmenté d'une marge bénéficiaire de 5 % (point 50 des considérants du règlement provisoire).

12.
    Le 28 juillet 1994, Sinochem a proposé à la Commission un engagement de limitation quantitative du furfural exporté par elle vers la Communauté.

13.
    Par règlement (CE) n° 95/95, du 16 janvier 1995, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de furfural originaire de la république populaire de Chine (JO L 15, p. 11, ci-après «règlement définitif»), le Conseil a confirmé le droit antidumping de 352 écus par tonne institué par le règlement provisoire. Il a rejeté (point 29 des considérants du règlement définitif) l'engagement proposé par Sinochem, au motif que cette entreprise publique ne satisfaisait pas aux conditions prévues à cet effet dans le cas d'un pays n'ayant pas une économie de marché. Il a en outre fait état de maintes violations d'engagements souscrits par des exportateurs chinois et, notamment, par Sinochem elle-même.

Procédure et conclusions des parties

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 avril 1995, la requérante a introduit le présent recours, dirigé contre le règlement définitif.

15.
    Le 8 septembre 1995, la Commission a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse. Cette demande a été accueillie par ordonnance du président de la cinquième chambre élargie du 2 octobre 1995.

16.
    Le 3 octobre 1995, Furfural Español a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse. Cette demande a été accueillie par ordonnance du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal du 18 décembre 1995.

17.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé, d'une part, d'adopter des mesures d'organisation de la procédure au titre de l'article 64 du règlement de procédure, consistant en des questions écrites aux parties, et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.

18.
    Les parties ont répondu aux questions écrites au cours du mois d'août 1997. Elles ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 18 septembre 1997.

19.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler le droit antidumping institué par le règlement définitif;

—    annuler la décision du Conseil portant refus de l'engagement proposé par la requérante;

—    condamner le Conseil aux dépens.

20.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens.

21.
    La partie intervenante Furfural Español conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.

22.
    Dans son mémoire en réplique, la requérante demande que, en tout état de cause, la partie intervenante Furfural Español soit condamnée à supporter ses propres dépens.

Sur le fond

    

23.
    La requérante invoque cinq moyens à l'appui de ses conclusions en annulation du droit antidumping institué par le règlement définitif. Le premier moyen est tiré d'une violation des articles 5, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, du règlement de base. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base et du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base et d'une erreur manifeste d'appréciation. Les quatrième et cinquième moyens sont tirés d'une violation de l'article 190 du traité CE et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le refus de l'engagement proposé par la requérante, refus énoncé dans le règlement définitif.

24.
    Compte tenu de la relation existant entre les premier et deuxième moyens, il convient de donner à ceux-ci une réponse d'ensemble.

Sur les premier et deuxième moyens, tirés, d'une part, d'une violation des articles 5, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, du règlement de base et, d'autre part, d'une violation de l'article 2, paragraphe 1, du même règlement ainsi que du principe de proportionnalité

Arguments des parties

— Premier moyen

25.
    La requérante fait valoir que le règlement définitif viole les articles 5, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, du règlement de base en ce que la procédure porte indistinctement sur toutes les importations de furfural originaire de Chine, que celui-ci soit utilisé pour l'épuration des huiles de graissage ou pour la fabrication d'alcool furfurylique, alors que les éléments de preuve relatifs au préjudice présentés dans la plainte et l'avis d'ouverture de la procédure concernent uniquement le furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage.

26.
    Elle rappelle que, selon l'article 5, paragraphe 2, du règlement de base, «la plainte doit contenir des éléments de preuve suffisants quant à l'existence d'un dumping ou d'une subvention et quant au préjudice qui en résulte» . Par conséquent, avant d'ouvrir la procédure, la Commission serait tenue d'examiner si les éléments de preuve figurant dans la plainte, notamment en ce qui concerne le préjudice allégué, sont suffisants. Cette obligation constituerait une formalité substantielle dont la violation entraînerait l'illégalité de la procédure (arrêt de la Cour du 7 décembre 1993, Rima Eletrometalurgia/Conseil, C-216/91, Rec. p. I-6303).

27.
    La Commission aurait également violé l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base, selon lequel elle ne peut ouvrir une procédure et engager une enquête que lorsqu'il apparaît qu'il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure . Les éléments de preuve auxquels l'article 7, paragraphe 1, se réfère seraient les mêmes que ceux prévus à l'article 5, paragraphes 2 et 6, c'est-à-dire ceux relatifs au dumping et au préjudice en résultant.

28.
    En l'espèce, la Commission aurait accepté une plainte portant sur l'ensemble des importations de furfural originaire de Chine, alors que cette plainte aurait contenu des éléments de preuve relatifs au préjudice lié à une seule des deux applications du furfural, à savoir l'épuration des huiles de graissage. Or, ces éléments seraient manifestement insuffisants, dans la mesure où le furfural utilisé pour cette application ne représenterait qu'un tiers de la consommation totale de furfural dans la Communauté, ainsi que la plaignante l'aurait elle-même reconnu dans sa plainte. Dès lors, la Commission aurait dû demander à la plaignante de compléter les éléments de preuve ou aurait dû limiter la portée de la procédure aux seules importations du furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage.

29.
    Les deux applications du furfural correspondraient en réalité à deux marchés totalement différents, situation qui serait d'ailleurs confirmée par le fait que les clients pour ces deux applications seraient, eux aussi, totalement différents.

30.
    La définition du produit figurant dans l'avis d'ouverture ferait référence aux deux applications du furfural, tandis que les chiffres relatifs aux parts de marché figurant dans la section «Allégation de préjudice» du même avis ne se référeraient qu'au furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage.

31.
    La Commission aurait ainsi engagé une procédure non conforme aux articles 5 et 7 du règlement de base. Les mesures antidumping adoptées à l'issue d'une procédure dont l'ouverture serait entachée d'illégalité seraient elles-mêmes illégales et devraient en conséquence être annulées.

32.
    Le Conseil conteste l'existence de deux marchés distincts. Le produit destiné aux deux usages différents serait un seul et même produit et il n'existerait pas de critères objectifs permettant de déterminer l'utilisation prévue de ce produit ou sa destination finale lors de son importation ou de sa vente dans la Communauté.

33.
    La plainte examinerait tous les facteurs qui, selon l'article 4, paragraphe 2, du règlement de base, doivent être pris en compte dans l'examen du préjudice, et elle fournirait tous les éléments de preuve établissant celui-ci.

    

34.
    Le Conseil conclut que la Commission a considéré à bon droit que la plainte contenait un commencement de preuve suffisant quant à l'existence d'un préjudice et qu'une procédure antidumping devait être entamée.

35.
    La partie intervenante Furfural Español fait valoir que la requérante essaye de créer l'impression erronée que le seul élément de preuve relatif à un préjudice contenu dans la plainte était le chiffre de la consommation et que ce chiffre ne concernait que les ventes du furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage. Elle fait observer que la plainte consacre 25 pages à l'analyse de la question du préjudice et examine tous les facteurs énumérés à l'article 4, paragraphe 2, du règlement de base. Cette plainte fournirait pour chacun de ces facteurs des éléments de preuve du préjudice. Furfural Español signale que, d'une manière générale, toutes les données et tous les éléments de preuve présentés dans la plainte couvrent les années 1987 à 1992 (premier trimestre), période au cours de laquelle Agrifurane, seul autre producteur communautaire d'alcool furfurylique, était en activité. Dès lors, il serait incontestable que la plainte comportait des informations relatives au furfural destiné à la production d'alcool furfurylique. En outre, les chiffres relatifs au volume et au prix des importations de furfural en provenance de Chine et d'autres pays tiers auraient été présentés dans la plainte indépendamment de la question de savoir si le produit était utilisé pour l'épuration des huiles de graissage ou pour la production d'alcool furfurylique.

36.
    Quant aux informations relatives à la consommation dans la Communauté, présentées dans la plainte, Furfural Español reconnaît qu'elles sont plus précises en ce qui concerne les ventes du furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage. Elle soutient néanmoins que, étant donné que toutes les données relatives aux importations de furfural en Belgique bénéficiaient d'un traitement confidentiel et que le principal producteur communautaire d'alcool furfurylique était établi en Belgique, il aurait été inéquitable d'exiger de la plaignante de fournir des informations plus détaillées en ce qui concerne le segment de l'alcool furfurylique. Cela aurait en effet abouti à la priver de son droit à la légitime protection que le règlement de base confère à l'industrie communautaire.

    

37.
    En ce qui concerne les arguments du Conseil et de la partie intervenante relatifs aux éléments de preuve fournis dans la plainte autres que les chiffres relatifs aux parts de marché, la requérante fait valoir que, dans la mesure où Furfural Español a uniquement fourni du furfural pour l'épuration des huiles de graissage, tous les facteurs économiques concernant l'incidence des importations sur la situation de cette entreprise ne pouvaient, par définition, concerner que ce marché. Dès lors, les facteurs invoqués par la plaignante pour établir l'existence du préjudice ne concerneraient que le furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage.

38.
    En dernier lieu, la requérante fait valoir, dans sa réplique, qu'il est étonnant que la Commission n'ait pas jugé utile de consulter son propre dossier d'une procédure entamée en 1981, portant sur le même produit, les mêmes pays exportateurs et le même importateur QO Chemicals. Dans cette procédure, dans le cadre de laquelle Furfural Español aurait également été accusée de se livrer à un dumping dans la Communauté, la Commission aurait conclu, dans des circonstances de fait très semblables à celles de la présente espèce, que les importations en provenance de

la République dominicaine n'ayant pas fait l'objet d'un dumping avaient été la cause principale du préjudice subi par l'industrie communautaire et que, en ce qui concerne les importations en provenance de Chine (et d'Espagne), les intérêts de la Communauté n'exigeaient pas de mesures de protection.

39.
    Le Conseil fait valoir dans sa duplique que la procédure engagée en 1981 ne peut pas être mise en relation avec la présente affaire, compte tenu de l'importance des changements intervenus entre-temps sur le marché communautaire du furfural. Premièrement, tous les producteurs communautaires présents en 1981 auraient cessé leur activité. Deuxièmement, Furfural Español, qui est désormais le seul producteur communautaire après l'adhésion du royaume d'Espagne à la Communauté en 1986, était exportateur en 1981. Troisièmement, sur les deux grands importateurs de furfural présents en 1981 (QO Chemicals et Rhône-Poulenc), seul QO Chemicals poursuivrait son activité. Quatrièmement, la requérante aurait été en 1981 le seul exportateur de Chine, alors que, dans la présente affaire, un grand nombre d'exportateurs indépendants de ce pays auraient manifestement vendu le produit à très bas prix. Enfin, dans la procédure de 1981, contrairement au cas d'espèce, la plainte aurait été dirigée, notamment, contre la République dominicaine, de sorte qu'il aurait fallu examiner les importations en provenance de ce dernier pays dans un contexte entièrement différent.

    

— Deuxième moyen

40.
    La requérante soutient que le droit antidumping a été imposé en violation de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base et du principe de proportionnalité. Il couvrirait en effet indistinctement toutes les importations de furfural, alors que l'évaluation du préjudice reposerait sur la constatation selon laquelle celui-ci aurait été subi uniquement en ce qui concerne le furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage. Or, le produit ainsi utilisé ne représenterait qu'une proportion mineure de la consommation totale de furfural dans la Communauté.

41.
    La requérante rappelle que, selon l'article 2, paragraphe 1, peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice. Selon elle, cet article implique que le droit antidumping ne se justifie que dans la mesure où il s'impose pour éliminer le préjudice causé par le dumping.

42.
    La mesure antidumping imposée par les institutions irait bien au-delà de ce qui était nécessaire pour éliminer le préjudice, étant donné qu'elle s'applique àl'ensemble des importations de furfural, et non pas uniquement au furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage, qui serait le produit visé par la plainte. Dès lors, la mesure antidumping aurait violé le principe de proportionnalité.

43.
    D'ailleurs, les institutions auraient confirmé dans le règlement provisoire (point 24 des considérants) qu'il n'y avait aucune concurrence entre les ventes effectuées sur chacun des deux marchés du furfural.

44.
    Dans sa réplique, la requérante admet que le produit destiné aux deux applications différentes est un seul et même produit. Cependant, sur la base de plusieurs exemples, elle fait valoir que la législation douanière communautaire contient des dispositions permettant, pour l'imposition des droits de douane, de traiter de manière différente des produits physiquement identiques en fonction de leur utilisation finale. Selon elle, le Conseil aurait donc pu limiter l'imposition du droit antidumping au furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage, seule utilisation pour laquelle la plainte mentionnait un préjudice.

    

45.
    Lors de l'audience, la requérante a fait valoir que, étant donné la capacité de production réduite de Furfural Español, les importations chinoises de furfural destinées à QO Chemicals n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice à l'industrie communautaire. Pour cette raison, le droit antidumping aurait dû être imposé uniquement sur le furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage, et l'imposition des droits antidumping sur le furfural destiné à des clients autres que QO Chemicals aurait suffi à faire disparaître le préjudice. La requérante a ajouté que, même après l'institution des droits antidumping, Furfural Español n'a pas fourni de furfural à QO Chemicals.

46.
    Le Conseil soutient que toutes les importations de furfural originaire de Chine, indépendamment de l'usage effectif ou prévu de celui-ci, ont causé un préjudice à la production communautaire. En outre, l'enquête sur le préjudice effectuée par les institutions communautaires aurait porté sur l'ensemble des importations et pas seulement sur celles du furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage.

47.
    Le Conseil estime que le renvoi fait par la requérante au point 24 des considérants du règlement provisoire est totalement inexact. Dans ce point, les institutions n'auraient pas confirmé qu'il ne pouvait exister aucune concurrence entre les ventes effectuées sur le marché du furfural destiné à la fabrication d'alcool furfurylique et celles effectuées sur le marché du furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage. Au contraire, ledit point 24 ferait une distinction entre un «marché captif» et un «marché libre». En outre, le règlement définitif ferait état d'un changement d'approche de la Commission en matière d'enquête sur le préjudice par rapport au règlement provisoire, en ce qui concerne l'existence d'un «marché captif».

48.
    En dernier lieu, s'agissant de l'argument, tiré de la législation douanière, selon lequel il serait possible de traiter différemment un produit en fonction de son utilisation finale, le Conseil soutient qu'il est sans intérêt en l'espèce de se demander si cela aurait été théoriquement possible, puisqu'il n'a pas fondé le règlement litigieux sur le fait qu'il était techniquement impossible de limiter l'institution d'un droit antidumping de la manière suggérée par la requérante.

49.
    En ce qui concerne la référence faite par la requérante au point 24 des considérants du règlement provisoire, Furfural Español ajoute qu'elle-même et les producteurs de Chine étaient également en concurrence pour obtenir les commandes d'Agrifurane pour le furfural destiné à la fabrication d'alcool furfurylique, jusqu'au moment où cette société a cessé son activité. Elle soutient qu'ils sont toujours actuellement en concurrence à l'égard des commandes d'Indofurane Europe pour la fabrication d'alcool furfurylique.

50.
    Lors de l'audience, elle a admis qu'elle n'avait pas vendu de furfural à QO Chemicals après l'imposition des droits antidumping. Néanmoins, elle a invoqué son droit légitime à ne pas être exclue en tant que fournisseur potentiel de n'importe quel client sur un marché répondant à des conditions de concurrence loyales, notamment en matière de prix.

Appréciation du Tribunal

— Sur l'existence d'un ou deux marchés du furfural

51.
    La première question qui se pose est celle de savoir si les institutions ont conclu à juste titre qu'il n'existait pas deux marchés distincts du furfural liés respectivement aux deux applications de ce produit, étant rappelé que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, elles disposent d'un large pouvoir discrétionnaire et que le contrôle juridictionnel doit se limiter à vérifier qu'elles n'ont pas commis une erreur manifeste d'appréciation ou un détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, Fediol/Commission, 188/85, Rec. p. 4193, point 6).

52.
    Il convient de relever en premier lieu que le furfural, qu'il soit utilisé pour l'épuration des huiles de graissage ou pour la fabrication d'alcool furfurylique, est un seul et même produit, ainsi que la requérante l'admet elle-même . A tout moment, il peut donc être destiné à n'importe laquelle des deux applications. La Commission a constaté lors de l'enquête, sans être contredite par la requérante ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la présente procédure contentieuse, que le furfural produit par le producteur communautaire et celui produit en Chine présentaient les mêmes spécifications et s'étaient révélés interchangeables en ce qui concerne leurs applications (point 11 des considérants du règlement provisoire, confirmé par le point 4 des considérants du règlement définitif) .

53.
    En second lieu, il doit être constaté qu'aucune disposition du règlement de base n'oblige les institutions à traiter différemment un même produit en fonction de ses différentes applications. Comme le Conseil le signale à juste titre, il n'existe pas de critère objectif permettant de déterminer l'utilisation prévue pour le produit ou sa destination finale lors de son importation ou de sa vente dans la Communauté.

54.
    En troisième lieu, il importe de préciser que toute société fournissant du furfural à des clients qui l'utilisent pour l'épuration des huiles de graissage est également un fournisseur potentiel d'acheteurs utilisant le même produit pour la fabrication d'alcool furfurylique, comme le montrent les ventes effectuées par Furfural Español aux sociétés Agrifurane, Indofurane et QO Chemicals ainsi que les reventes de furfural effectuées par cette dernière société à d'autres négociants pour l'épuration des huiles de graissage.

55.
    Dans ces conditions, les institutions n'ont pas dépassé leur large pouvoir d'appréciation en considérant qu'il n'existait pas deux marchés distincts, sans liens entre eux, et en décidant en conséquence de ne pas traiter différemment le furfural en fonction de ses deux applications.

    — Sur l'existence, dans la plainte, d'éléments suffisants pour justifier l'ouverture d'une enquête sur l'ensemble des importations chinoises de furfural

56.
    L'argumentation de la requérante tirée d'une violation des articles 5, paragraphe 2, et 7, paragraphe 1, du règlement de base, qui vise à étayer la thèse selon laquelle l'enquête ne pouvait porter que sur les importations du furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage, repose sur le postulat de l'existence de deux marchés distincts de furfural.

57.
    Le Tribunal ayant jugé qu'il n'existait qu'un seul marché, cette argumentation est dépourvue de fondement.

58.
    C'est donc à titre surabondant qu'il sera néanmoins procédé à l'examen des principaux éléments de ladite argumentation.

59.
    La requérante ne peut tirer argument du contenu de l'avis d'ouverture de la procédure. Même si les chiffres relatifs aux parts de marché figurant dans la section «Allégation de préjudice» se réfèrent effectivement au furfural utilisé dans l'épuration des huiles de graissage, la définition du produit ainsi que les chiffres relatifs à d'autres données, notamment au volume des importations, contenus dans le même avis, font référence aux deux applications du furfural. Dès lors, la requérante ne peut prétendre que le seul fait que l'un des éléments de l'avis d'ouverture ne porte que sur l'une des deux applications du furfural obligeait la Commission à restreindre la portée de la procédure à cette seule application du produit.

60.
    En toute hypothèse, comme la partie intervenante Furfural Español le fait valoir à juste titre, subordonner la validité d'une plainte à l'apport de données relatives aux importations de furfural en Belgique auxquelles un plaignant ne peut avoir accès, étant donné leur traitement confidentiel, alors qu'il existe dans sa plainte d'autres éléments suffisants quant au préjudice subi, et que le produit qu'il fabrique et celui faisant l'objet d'un dumping sont parfaitement interchangeables, aboutirait

à le priver de son droit à la légitime protection que le règlement de base confère à l'industrie communautaire.

61.
    La requérante n'est pas fondée à soutenir que, dans la mesure où Furfural Español n'a fourni du furfural que pour l'épuration des huiles de graissage, tous les facteurs économiques présentés dans la plainte concernant l'incidence des importations sur la plaignante ne peuvent, par définition, concerner que le marché du furfural pour l'épuration des huiles de graissage. En effet, Furfural Español a également fourni du furfural à des producteurs d'alcool furfurylique.

62.
    La requérante ne peut davantage invoquer l'arrêt Rima Eletrometalurgia/Conseil, précité au point 26 ci-dessus. Dans cette affaire, la Cour a annulé le règlement antidumping pour violation de l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base, au motif que, dans le cadre d'une procédure de réexamen, les institutions avaient ouvert une nouvelle enquête à l'encontre de Rima Eletrometalurgia, alors que ses produits avaient été exclus de l'application du droit antidumping à la suite de la première enquête et que les institutions n'avaient aucun élément de preuve quant à l'existence d'un dumping pratiqué par cette entreprise. C'est dans ce contexte que la Cour a jugé, au point 16 de l'arrêt, que «l'ouverture d'une enquête, que ce soit à l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte». Contrairement à ce que prétend la requérante, on ne peut donc pas déduire de cette affirmation que des éléments de preuve du préjudice relatifs à une seule application d'un produit déterminé doivent, en tout état de cause, être considérés comme insuffisants. Étant donné que la plainte contenait des éléments de preuve du préjudice subi par le producteur communautaire, la Commission était fondée à les considérer comme suffisants, alors même qu'ils se référaient uniquement à l'une des deux applications, puisque le produit était le même.

63.
    La requérante ne peut enfin viser utilement la procédure antidumping engagée en 1981 , dès lors que la nouvelle enquête à l'origine de la présente procédure a étéouverte sur la base d'éléments de preuve suffisants. En tout état de cause, comme le Conseil le relève à juste titre (voir point 39 ci-dessus), l'argument de la requérante est dénué de pertinence au vu des changements substantiels et évidents intervenus entre-temps.

64.
    Il découle de tout ce qui précède que la Commission était fondée à ne pas limiter la portée de la procédure aux seules importations du furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage et que, en décidant de procéder à l'ouverture de la procédure sur la totalité des importations de furfural, elle n'a pas violé l'article 5, paragraphe 2, ni l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base.

— Sur le préjudice

65.
    A ce stade du raisonnement, il convient d'analyser les arguments avancés par la requérante dans le cadre du deuxième moyen et relatifs au préjudice subi par l'industrie communautaire. Selon ces arguments, la mesure antidumping imposée par les institutions irait bien au-delà de ce qui était nécessaire pour éliminer le préjudice, étant donné qu'elle s'applique à l'ensemble des importations de furfural et non pas uniquement au furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage, alors qu'une mesure limitée aux importations du furfural destiné à cette dernière application aurait suffi pour faire disparaître le préjudice.

66.
    Cette thèse ne peut être accueillie, dans la mesure où il a été jugé (voir point 55 ci-dessus) que les deux applications différentes du furfural ne correspondaient pas à deux marchés distincts et que le produit était le même.

67.
    En outre, il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base dispose: «Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.» Cette disposition n'oblige nullement les institutions à imposer des droits antidumping uniquement sur l'une des applications d'un produit déterminé. La seule condition qu'il établit pour l'imposition des droits est que le produit ait causé un préjudice, ce qui n'est pas contesté en l'espèce.

68.
    En l'absence d'obstacles à l'utilisation du furfural indifféremment pour l'une ou l'autre de ses deux applications, et étant donné l'existence d'une concurrence actuelle ou potentielle tant du côté de la demande que du côté de l'offre, l'imposition de droits antidumping sur le seul furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage n'aurait pas été de nature à assurer la disparition du préjudice.

69.
    En effet, du furfural acheté pour être utilisé dans l'une des deux applications pourrait être détourné sans la moindre difficulté pour être utilisé dans l'autre application, comme le montre le fait, reconnu par les parties, que QO Chemicals, principal producteur d'alcool furfurylique dans la Communauté, revend les excédents du furfural acheté pour sa production à des entreprises procédant à l'épuration des huiles de graissage.

70.
    Par conséquent, le but de l'imposition des droits antidumping serait méconnu en l'espèce si des droits étaient imposés uniquement sur l'importation du furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage.

71.
    Dans ces conditions, en imposant des droits antidumping sur la totalité des importations chinoises de furfural, les institutions ne sont pas allées au-delà de ce qui était nécessaire pour faire disparaître le préjudice.

72.
    L'argument de la requérante tiré de la possibilité de traiter un produit différemment, pour l'imposition des droits de douane, en fonction de son utilisation finale ne peut être accueilli. Le fait que cette possibilité puisse exister dans la législation douanière n'impliquait pas que le Conseil fût obligé de la suivre, compte

tenu de ce qui vient d'être exposé. En tout état de cause, les institutions communautaires ont agi conformément aux dispositions du règlement de base, sans dépasser leur large pouvoir d'appréciation, ainsi que cela a été jugé ci-dessus.

73.
    En outre, la partie intervenante Furfural Español a fait valoir à juste titre le droit de l'industrie communautaire de ne pas être exclue actuellement ou potentiellement d'un certain marché par le fait de pratiques de dumping.

74.
    Force est donc de conclure que les institutions n'ont violé ni l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base ni le principe de proportionnalité en imposant des droits antidumping à toutes les importations de furfural, indépendamment de l'utilisation finale de ce produit.

75.
    Au vu de tout ce qui précède, les premier et deuxième moyens doivent être rejetés.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base et d'une erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

76.
    Selon la requérante, la conclusion des institutions selon laquelle le préjudice a été causé par les importations de furfural originaire de Chine sur le marché du furfural utilisé pour l'épuration des huiles de graissage est entachée d'une erreur d'appréciation des éléments de fait et s'avère viciée par des contradictions fondamentales.

77.
    Les institutions communautaires n'auraient pas pris en compte, dans leur analyse du préjudice, les importations de furfural originaire de la République dominicaine aux motifs qu'elles ne bénéficiaient qu'à un seul importateur communautaire, QO Chemicals, et que celui-ci ne traitait pratiquement pas avec le producteur communautaire.

78.
    La requérante estime toutefois que, dans la mesure où 84 % des importations chinoises étaient destinées à QO Chemicals, le même raisonnement devait leur être appliqué, et que, dès lors, ces importations n'étaient susceptibles de causer un préjudice au producteur communautaire que dans la limite des 16 % restants.

79.
    Les institutions communautaires n'auraient pas non plus pris en compte les reventes de furfural effectuées par QO Chemicals à des entreprises procédant à l'épuration des huiles de graissage, au motif que ces ventes ne portaient pas préjudice au producteur communautaire de furfural, les prix de revente étant en effet supérieurs à ceux des exportateurs chinois et pas inférieurs à ceux du producteur communautaire.

80.
    Les institutions auraient considéré à tort que les importations en provenance d'autres pays ne pouvaient être à l'origine du préjudice au motif que leur part de marché était peu significative par rapport aux importations originaires de Chine. La requérante soutient que, si l'on déduit de l'ensemble des importations chinoises les 84 % destinés à QO Chemicals, le volume des importations chinoises n'est pas très supérieur à celui des importations provenant des autres pays exportateurs. Elle fait valoir que les ventes de furfural originaire de Chine à des clients autres que QO Chemicals dans la Communauté se sont en effet élevées à 1 050 tonnes. Elle souligne que le Conseil allègue sans preuve que ces ventes s'étaient élevées à près de 2 500 tonnes au cours de la période d'enquête et elle ajoute que, même si cela était vrai, ce volume ne serait pas tellement plus élevé que celui exporté par d'autres pays à destination de la Communauté pendant la période d'enquête. Ainsi, le volume combiné des importations originaires d'Argentine, d'Afrique du Sud, d'Indonésie et de Slovénie pendant cette période aurait été de 2 116 tonnes.

81.
    La requérante fait valoir que le Conseil admet lui-même que le produit originaire de République dominicaine a été vendu à des prix d'exportation très inférieurs à ceux de tout autre pays exportateur et que le volume de ces exportations à destination de l'Union européenne est quatre fois supérieur à celui exporté par la Chine.

82.
    En dernier lieu, elle nie l'affirmation du Conseil selon laquelle les importations originaires de Chine auraient augmenté pendant la période d'enquête. Elle fait valoir que, au contraire, elles ont considérablement décliné entre 1990 et 1992.

83.
    Le Conseil fait valoir que la question essentielle est celle de savoir s'il a conclu à juste titre que les importations en provenance de Chine faisant l'objet du dumping ont causé un préjudice au producteur communautaire, alors que tel n'a pas été le cas des importations de furfural en provenance de la République dominicaine.

84.
    Il soutient que les importations en provenance de Chine se trouvent dans une situation tout à fait différente des importations de la République dominicaine, étant donné qu'il n'a jamais existé de liens particuliers entre la requérante et QO Chemicals, que QO Chemicals n'est pas dépendante de la requérante comme elle l'est du producteur dominicain et que, dès lors, la requérante et d'autres exportateurs chinois sont en concurrence, pour la partie de la demande de QO Chemicals non satisfaite par le producteur dominicain, avec le producteur communautaire et les exportateurs d'autres pays tiers. En outre, le Conseil rappelle que la procédure n'a pas porté sur les importations du furfural vendu par la requérante, mais sur les importations du furfural originaire de Chine.

85.
    Pour ce qui est de la diminution alléguée des importations provenant de Chine au cours de la période d'enquête, le Conseil signale que la requérante s'appuie sur un tableau intitulé «Importations de furfural par des importateurs communautaires autres que QO Chemicals (furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage)

(en tonnes)» qui ne contient que les chiffres des importations de furfural à destination des États membres autres que la Belgique.

86.
    Le Conseil fait valoir enfin que la requérante n'explique nullement comment, en dépit des importations en provenance de la République dominicaine, le producteur communautaire avait pu, par le passé, maintenir le niveau de ses prix et de sa part de marché tout en restant largement rentable, constatation qui confirmerait à son avis que les importations en provenance de la République dominicaine n'avaient pas causé un préjudice au producteur communautaire.

87.
    Dans son mémoire en intervention, Furfural Español rappelle que le règlement définitif (point 17 des considérants) a pris en compte les importations en provenance de la République dominicaine lors de l'analyse du préjudice et que, bien que les chiffres relatifs à la consommation, aux parts de marché, ventes et autres aient changé, les tendances indiquées par ces chiffres sont demeurées les mêmes, constatation qui confirmerait que les importations en provenance de la République dominicaine n'étaient pas la cause du préjudice subi par le producteur communautaire.

88.
    La partie intervenante admet qu'il est exact que la Commission a agi comme si 100 % des importations en provenance de Chine avaient été vendues sur le marché en concurrence avec Furfural Español, puisque ces importations étaient effectivement en concurrence avec Furfural Español. Elle soutient que les seules ventes qui n'étaient pas en concurrence avec Furfural Español étaient celles faites à QO Chemicals par son fournisseur de la République dominicaine dans le cadre de leur accord spécial.

Appréciation du Tribunal

89.
    L'article 4, paragraphe 1, du règlement de base dispose:

«Il n'est déterminé de préjudice que si les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions causent un préjudice, c'est-à-dire causent ou menacent de causer, par les effets du dumping [...] un préjudice important à une productionétablie de la Communauté [...] Les préjudices causés par d'autres facteurs, tels que le volume et les prix d'importations qui ne font pas l'objet d'un dumping ou de subventions, ou la contraction de la demande, qui, individuellement ou en combinaison, exercent également une influence défavorable sur la production communautaire, ne doivent pas être attribués aux importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions.»

90.
    Il convient de vérifier si les conditions énoncées par cette disposition sont remplies en l'espèce.

91.
    En premier lieu, la requérante ne conteste pas que ses importations ont été effectuées à des prix de dumping et que la marge de dumping constatée était de 62,6 % en moyenne pondérée des marges de dumping obtenues pour tous les exportateurs chinois.

92.
    En second lieu, elle ne conteste pas non plus que ses importations ont causé un préjudice au producteur communautaire. Néanmoins, elle soutient que seulement 16 % des importations chinoises étaient susceptibles de causer un tel préjudice, étant donné que les 84 % restants étaient destinés à la production d'alcool furfurylique, application que le producteur communautaire n'alimentait pas. Dès lors, les 16 % auraient été de la même importance que les importations en provenance des pays tiers autres que la République dominicaine.

93.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que le furfural utilisé dans les deux applications est un seul et même produit, susceptible d'être utilisé à tout moment dans l'une ou l'autre de ces applications (voir point 52 ci-dessus). Partant, 100 % des importations chinoises sont susceptibles de causer un préjudice au producteur communautaire.

94.
    En troisième lieu, le règlement définitif relève (point 25 des considérants):

«En ce qui concerne les importations en provenance [de la République dominicaine], elles ont, au cours des trente dernières années, représenté une proportion majeure du furfural consommé dans la Communauté [...] En dépit de cette situation, [le producteur communautaire] a pu maintenir le niveau de ses prix et de sa part de marché et est resté largement rentable jusqu'en 1991. Ce n'est qu'à partir de 1992, lorsque le prix du furfural importé de Chine a diminué brusquement, que le producteur communautaire a été obligé de réduire ses prix de vente intérieurs et de suivre cette tendance à la baisse pour préserver sa part de marché [...]»

95.
    A cet égard, il ressort des règlements provisoire et définitif que, d'une part, bien que les prix du producteur communautaire aient augmenté de 23,7 % entre 1988 et 1991, ils ont diminué de 36,4 % entre 1991 et la période d'enquête et que, d'autre part, son bilan, qui était toujours positif en 1991, est devenu de plus en plus négatif au cours des années suivantes, les pertes apparaissant en 1992 et devenant importantes au cours de la période d'enquête (entre 10 et 20 % du chiffre d'affaires).

96.
    Dès lors, la dégradation de la situation économique du producteur communautaire en 1992 doit être imputée non pas à une situation restée stable pendant plus de 30 ans, mais au changement qui a eu lieu sur le marché en 1992, à savoir une brusque diminution des prix des importations chinoises. D'ailleurs, il n'est pas contesté que les importations dominicaines de furfural n'ont pas empêché le producteur communautaire d'être largement rentable jusqu'au moment où le prix du furfural de Chine a diminué brusquement.

97.
    Enfin, le règlement définitif souligne au point 18 de ses considérants que, bien que la part de marché des importations en provenance de la République dominicaine ait augmenté entre 1989 et 1992, cette tendance s'est inversée entre 1992 et la fin de la période d'enquête, la part des importations chinoises passant de 13,7 à 15,2 %.

98.
    Dans ces conditions, les institutions n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que les importations du furfural en provenance de la République dominicaine, auxquelles aucune pratique de dumping n'était imputée, n'étaient pas de nature à rompre le lien de causalité entre le dumping pratiqué sur les importations de furfural en provenance de Chine et le préjudice subi par l'industrie communautaire.

99.
    En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que l'institution de droits antidumping ne saurait être contestée au motif que ceux-ci laissent subsister les problèmes que crée à l'industrie communautaire la concurrence de produits importés de pays tiers sans faire l'objet d'un dumping.

100.
    En effet, le fait, pour un producteur communautaire, d'éprouver des difficultés dues également à des causes autres que le dumping n'est pas une raison pour enlever à ce producteur toute protection contre le préjudice causé par le dumping, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil (250/85, Rec. p. 5683, point 42).

101.
    Dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, Brother Industries avait fait valoir (point 40 de l'arrêt) que l'institution d'un droit antidumping définitif à son égard n'était d'aucune utilité pour les intérêts de la Communauté, alors que d'autres entreprises extracommunautaires continuaient à vendre sur le marché communautaire à des prix égaux ou inférieurs à ceux appliqués par elle.

102.
    La Cour a constaté (point 41) que Brother Industries n'affirmait pas que les entreprises susmentionnées vendaient sur le marché à des prix de dumping et que, dans ces conditions, les intérêts de la Communauté étaient efficacement garantis par des mesures de protection contre les importations faisant l'objet d'un dumping, même si un droit antidumping n'a pas pour effet de soustraire l'industrie communautaire à la concurrence des produits originaires d'autres pays tiers, mais ne faisant pas l'objet d'un dumping.

103.
    De même, dans son arrêt du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil (277/85 et 300/85, Rec. p. 5731, point 63), la Cour, en réponse à l'argument de la requérante selon lequel une partie des pertes subies par le producteur communautaire avait été causée par son inefficience, a jugé que le fait, pour un producteur communautaire, d'éprouver des difficultés dues également à des causes autres que le dumping n'est pas une raison pour enlever à ce producteur toute protection contre le préjudice causé par le dumping.

104.
    Au vu de ce qui précède, dès lors que, d'une part, a été constatée l'existence d'une pratique de dumping dans le cadre des importations chinoises ainsi que d'un préjudice causé par lesdites importations et que, d'autre part, la requérante n'a pas établi que le préjudice subi par l'industrie communautaire tel que constaté dans les règlements provisoire et définitif devait être attribué à d'autres facteurs, notamment aux importations en provenance de la République dominicaine, force est de conclure que les conditions requises par l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base ont été remplies en l'espèce.

105.
    Pour ce qui est de l'argument de la requérante relatif à l'incidence sur le préjudice des importations en provenance de pays tiers autres que la République dominicaine (voir point 80 ci-dessus), il part du principe que l'on peut distinguer un marché du furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage et un marché du furfural destiné à la fabrication de l'alcool furfurylique. En effet, la requérante déduit de l'ensemble des importations chinoises les 84 % destinés à QO Chemicals pour comparer le surplus desdites importations avec celles en provenance des pays tiers autres que la République dominicaine.

106.
    Cependant, il a été jugé (voir point 93 ci-dessus) que 100 % des importations chinoises sont susceptibles de causer un préjudice à l'industrie communautaire. Par conséquent, afin d'apprécier l'importance relative des importations chinoises par rapport aux importations en provenance des pays tiers autres que la République dominicaine, la comparaison doit être effectuée entre les 100 % des importations chinoises et les importations en provenance de chacun des autres pays tiers et non entre les 16 % des importations chinoises et le volume cumulé des importations en provenance de tous les autres pays tiers. Dans ces conditions, l'argument de la requérante selon lequel les importations chinoises étaient de la même importance que celles en provenance des pays tiers autres que la République dominicaine ne peut être accueilli.

107.
    Quant à l'affirmation de la requérante , contestée par le Conseil , selon laquelle le volume des importations chinoises aurait diminué au cours de la période d'enquête, elle s'appuie sur les chiffres fournis au tableau intitulé «Importations de furfural par des importateurs communautaires autres que QO Chemicals (furfural destiné à l'épuration des huiles de graissage) (en tonnes)», lesquels n'incluent que les importations destinées à des pays autres que la Belgique. Or, 84 % des importations chinoises étaient destinées à QO Chemicals, société établie en Belgique. En outre, la requérante a affirmé lors de l'audience qu'elle avait fourni traditionnellement environ 10 000 tonnes de furfural par an à QO Chemicals, chiffre qui s'avère largement supérieur aux chiffres figurant dans un autre tableau invoqué dans la requête, intitulé «Importations dans l'Union européenne de furfural originaire de Chine». Dès lors, les chiffres fournis par la requérante ne sont pas suffisants pour étayer sa thèse.

108.
    En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que, selon l'article 4, paragraphe 2, du règlement de base, l'examen du préjudice doit comprendre un

ensemble de facteurs dont l'un ou l'autre ne saurait à lui seul constituer une base de jugement déterminante. C'est pourquoi la diminution de la part de marché des importations faisant l'objet d'un dumping ne fait pas obstacle à la constatation d'un préjudice important causé par celles-ci, dès lors que cette constatation se fonde sur différents facteurs dont ladite disposition prévoit la prise en considération (arrêts de la Cour du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305/86 et C-160/87, Rec. p. I-2945, point 50 à 52, Stanko France/Commission et Conseil, C-320/86 et C-188/87, Rec. p. I-3013, publication sommaire, points 60 et 61, et Electroimpex e.a./Conseil, C-157/87, Rec. p. I-3021, publication sommaire, points 41 et 42).

109.
    En l'espèce, le règlement définitif (points 19 et 21 des considérants) a retenu les éléments suivants relatifs au préjudice subi par l'industrie communautaire:

—    les prix à l'importation du furfural originaire de Chine étaient de 24,4 % inférieurs à ceux du producteur communautaire et avaient diminué de plus de 30 % au cours de la période d'enquête;

—    la production de furfural par Furfural Español avait baissé de 17,7 % de 1989 à la période d'enquête;

—    ses ventes sur le marché de la Communauté avaient enregistré une baisse de 28,5 % entre 1989 et la période d'enquête;

—     le taux d'utilisation de ses capacités avait baissé de 85 à 70 %;

—    ses prix avaient diminué de 36,4 % entre 1991 et la période d'enquête, la diminution étant de 22,4 % entre 1992 et cette même période;

—    ses stocks avaient augmenté de plus de 31,6 % au cours de la période considérée.

110.
    En considération de ces éléments, les institutions communautaires, nonobstant une éventuelle diminution des importations chinoises, ont pu conclure, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, que les importations chinoises effectuées à des prix de dumping avaient causé un préjudice à l'industrie communautaire.

111.
    Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d'une violation de l'article 190 du traité et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le refus du Conseil d'accepter l'engagement proposé par la requérante

    Arguments des parties

112.
    La requérante reconnaît que les institutions ont un large pouvoir d'appréciation pour décider si les engagements doivent être acceptés ou non. Toutefois, ce pouvoir d'appréciation serait soumis à l'obligation de motivation des décisions figurant à l'article 190 du traité. Or, la décision de rejeter l'engagement proposé par la requérante ne serait pas suffisamment motivée. Par suite, elle ne serait pas valable.

113.
    Selon la requérante, l'engagement proposé aurait permis de limiter les mesures à ce qui était strictement nécessaire pour éliminer le préjudice allégué par la plaignante. Les deux motifs de refus de l'engagement avancés par les institutions seraient invalides. Dès lors, la décision de refus devrait être annulée.

114.
    Le premier motif de refus (point 29 des considérants du règlement définitif) serait fondé sur l'impossibilité d'appliquer un traitement individuel à la requérante, étant donné que, d'après les institutions, elle ne satisfaisait pas aux conditions prévues à cet effet dans le cas d'un pays n'ayant pas une économie de marché. Ce motif de refus s'inscrirait dans le cadre d'une politique ancienne de la Commission dite «du traitement individuel», qui aurait été considérablement révisée par la suite. La requérante renvoie à cet égard à des affaires antérieures.

115.
    Le second motif de refus (point 29 des considérants du règlement définitif) serait fondé sur l'existence de violations d'engagements souscrits par des exportateurs chinois au cours des dernières années et, notamment, par la requérante elle-même. Celle-ci fait valoir que la violation d'un engagement antérieur dans l'affaire du permanganate de potassium [règlement (CEE) n° 1531/88 du Conseil, du 31 mai 1988, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de permanganate de potassium originaire de la république populaire de Chine et portant perception définitive du droit antidumping provisoire institué sur ces importations (JO L 138, p. 1)], que le Conseil lui reproche, n'a pas été commise par elle-même mais par certaines de ses filiales. Partant, cette violation ne pourrait constituer une raison valable de rejet de sa proposition d'engagement. La requérante ajoute qu'il n'est pas rare dans la pratique administrative des institutions communautaires d'accepter des engagements bien qu'ils soient offerts par des parties ayant violé des engagements antérieurs. Dès lors, le refus de sa proposition d'engagement serait arbitraire.

116.
    Le Conseil rappelle que les institutions ne sont pas obligées d'accepter des engagements. En toute hypothèse, les circonstances de l'espèce auraient empêché les institutions communautaires d'accepter l'engagement proposé par la requérante, lequel, portant sur les quantités et non sur les prix, lui aurait conféré un monopole de fait pour les exportations de furfural en provenance de Chine.

117.
    Le Conseil soutient par ailleurs que la requérante a violé un engagement précédent. Il fait observer que dans l'affaire du permanganate de potassium, Sinochem avait offert un engagement couvrant toutes les exportations, y compris celles de ses filiales, de sorte qu'elle répondait des activités de celles-ci.

118.
    Dans son mémoire en intervention, Furfural Español ajoute que la requérante n'a pas donné la moindre raison positive à l'appui de sa thèse selon laquelle l'engagement proposé aurait été suffisant pour éliminer le préjudice subi par la production de la Communauté et aurait, par conséquent, dû être accepté.

Appréciation du Tribunal

119.
    Aucune disposition du règlement de base ne fait obligation aux institutions communautaires d'accepter des propositions d'engagements formulées par les opérateurs économiques visés par une enquête préalable à l'établissement de droits antidumping. Il résulte au contraire de l'article 10 dudit règlement que le caractère acceptable de tels engagements est laissé à l'appréciation des institutions. Le refus d'une proposition d'engagements, intervenu après un examen individuel et assorti d'une motivation satisfaisant aux exigences de l'article 190 du traité, ne saurait être censuré par le juge dès lors que les motifs qui le fondent n'excèdent pas la marge d'appréciation reconnue aux institutions (arrêt de la Cour du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, points 30 à 34).

120.
    La requérante invoque une violation de l'obligation de motivation. Cependant, il existe au point 29 des considérants du règlement définitif un exposé des motifs pour lesquels le Conseil a refusé l'engagement proposé par la requérante. Cette motivation a permis à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles sa proposition d'engagement avait été refusée, et au Tribunal d'exercer son contrôle.

121.
    Ainsi, comme le Conseil le soutient à juste titre, la requérante n'a pas proposé de s'engager à exporter à un certain prix minimal, mais de limiter, sur une base annuelle, le volume de furfural qu'elle exporte vers la Communauté. L'acceptation de l'engagement proposé aurait eu pour conséquence qu'un droit antidumping élevé aurait été appliqué à toutes les autres importations provenant de Chine et que la requérante aurait recouvré le monopole des exportations chinoises de furfural vers la Communauté. Cette acceptation aurait donc impliqué l'application d'un traitement individuel à la requérante sans faire disparaître le préjudice.

122.
    S'agissant des affaires antérieures invoquées par la requérante, dans lesquelles les institutions communautaires ont accepté l'engagement proposé, elles ne sont pas comparables au cas d'espèce, puisqu'il n'existait dans le pays exportateur qu'une seule entreprise publique de production. Dès lors, l'engagement était en fait proposé par l'État lui-même plutôt que par un exportateur individuel, et il portait sur l'ensemble des exportations du pays. Par conséquent, l'acceptation n'a pas eu pour effet l'application d'un traitement individuel à un exportateur déterminé.

123.
    Enfin, en ce qui concerne le refus de l'engagement fondé sur la violation, par la requérante, d'un engagement antérieur, la requérante ne saurait se prévaloir du fait que la violation de l'engagement souscrit dans l'affaire du permanganate de potassium aurait été imputable à ses seules filiales. En effet, dans cette affaire, son

engagement couvrait toutes ses exportations, y compris celles de ses filiales, comme l'a fait valoir le Conseil sans être contredit sur ce point. Dans ces conditions, la requérante répondait également des activités de ses filiales.

124.
    Or, la violation d'un engagement antérieur constitue un élément que les institutions communautaires peuvent valablement prendre en considération en liaison avec les circonstances du cas d'espèce, lorsqu'elles décident d'accepter ou de rejeter un engagement proposé. Le fait que, dans des affaires antérieures, elles ont parfois accepté des engagements d'exportateurs qui avaient précédemment rompu leurs engagements n'est pas de nature à limiter le large pouvoir d'appréciation dont elles disposent dans cette matière.

125.
    En l'espèce, le Conseil n'a donc pas dépassé les limites de son large pouvoir d'appréciation en fondant son rejet de l'engagement proposé sur l'existence d'un engagement antérieur non tenu.

126.
    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la motivation de l'acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité en ce qui concerne le refus contesté et qu'il ne saurait être censuré, dès lors que les éléments qui fondent ce refus n'ont pas excédé la marge d'appréciation dont le Conseil disposait.

127.
    Par conséquent, les quatrième et cinquième moyens ne sont pas fondés.

128.
    Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

129.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions et le Conseil ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens exposés par le Conseil. La partie intervenante Furfural Español ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens liés à son intervention, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la requérante également aux dépens exposés par Furfural Español.

130.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête:

1.
    Le recours est rejeté.

2.
    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil et la partie intervenante Furfural Español.

3.
    La Commission supportera ses propres dépens.

García-Valdecasas

Tiili
Azizi

                Moura Ramos                 Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: l'anglais.