Language of document : ECLI:EU:F:2014:8

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

30 janvier 2014 (*)

« Fonction publique – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Condition de résidence prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut – Exercice de fonctions dans une organisation internationale – Notion – Stage de cinq mois effectué auprès de la Commission – Exclusion »

Dans l’affaire F‑151/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Jakob Ohrgaard, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Frederiksberg (Danemark), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis, É. Marchal et D. Abreu Caldas, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, MM. K. Bradley et J. Svenningsen, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 13 décembre 2012, M. Ohrgaard demande l’annulation de la décision du 6 mars 2012 par laquelle la Commission européenne lui a refusé le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision du 31 août 2012 rejetant sa réclamation.

 Cadre juridique

2        L’article 69 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après « le statut »), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (UE) no 1239/2010 du Conseil, du 20 décembre 2010, adaptant, avec effet au 1er juillet 2010, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 338, p. 1), dispose :

« L’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge, auxquelles le fonctionnaire a droit. L’indemnité de dépaysement ne peut être inférieure à 505,39 [euros] par mois. »

3        L’annexe VII au statut est consacrée aux règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais. En vertu de l’article 4 de cette annexe :

« 1.      L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire, est accordée :

a)      Au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et,

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération.

b)      Au fonctionnaire qui, ayant ou ayant eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, a, de façon habituelle, pendant la période de dix années expirant lors de son entrée en service, habité hors du territoire européen dudit État pour une raison autre que l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale.

[…] »

4        La décision de la Commission du 16 mars 1976, établissant les règles applicables aux stages (ci-après « les règles applicables aux stages »), dispose ce qui suit :

« […]

2.      Le stage à la Commission a pour but de :

a)      donner aux stagiaires une idée générale des objectifs et des problèmes de l’intégration européenne ;

b)      apporter [aux stagiaires] des connaissances pratiques sur le fonctionnement des services de la Commission ;

c)      permettre [aux stagiaires] d’acquérir de l’expérience par le biais des contacts liés dans le cadre de leur travail journalier ;

d)      permettre [aux stagiaires] d’approfondir et de mettre en œuvre les connaissances acquises pendant leurs études ou leur parcours professionnel.

Une partie de la période de stage peut être consacrée à la préparation d’une thèse de doctorat ou d’un travail universitaire, pourvu que ces activités ne nuisent pas au déroulement du programme de stage.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

5        Il ressort des annexes versées au dossier que le requérant, de nationalité danoise, est allé à l’école à Bruxelles (Belgique) de 1977 à 1987 ; qu’il a poursuivi ses études à l’université de Copenhague (Danemark), de 1988 à 1995 ; que, pendant cette dernière période, il a également fait des études à Paris (France), en 1990 et 1991, et que, en 1995 et 1996, il a fait des études à Londres (Royaume-Uni), ville dans laquelle il a travaillé ensuite de 1996 à 2002.

6        Le requérant a été recruté par la Commission en tant que traducteur, le 1er septembre 2002. Il a été affecté à Luxembourg (Luxembourg). Son lieu de recrutement et son centre d’intérêts ont été fixés à Londres.

7        Après presque dix ans de service, le 1er février 2012, le requérant a été muté à Copenhague. À cette occasion, son dossier personnel a été contrôlé par l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » de la Commission (PMO), lequel a estimé, le 6 mars 2012, que, depuis la date de sa mutation, il ne remplissait plus les conditions prévues à l’article 4 de l’annexe VII du statut, raison pour laquelle il n’avait plus le droit de percevoir l’indemnité de dépaysement. En application de l’article 4, premier alinéa, sous b), de l’annexe VII du statut, le PMO a pris comme date de référence pour le calcul de la période de dix années préalable à l’entrée en service (ci-après la « période de référence de dix ans »), la date du 1er septembre 1992, et a considéré qu’une partie des années d’études que le requérant avait effectuées à Copenhague entrait dans la période de référence de dix ans, laquelle expirait le 31 août 2002.

8        Le 1er juin 2012, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du PMO, du 6 mars 2012, à laquelle il a joint des documents attestant son départ du Danemark pour Londres le 1er août 1992 et sa résidence au Royaume-Uni jusqu’à la fin de l’année. La Commission a rejeté la réclamation le 31 août 2012, ce dont le requérant aurait pris connaissance le 3 septembre suivant (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). Le rejet de la réclamation se fonde sur la réalisation d’un stage de cinq mois effectué par le requérant auprès des services de la Commission à Bruxelles, du 1er mars 1993 au 31 juillet de la même année.

 Conclusions des parties

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du PMO, du 6 mars 2012, lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer l’irrecevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la décision de rejet de la réclamation ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 En droit

 Sur le deuxième chef de conclusions, qui vise à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation

11      La Commission soulève l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision de rejet de la réclamation, car elle ne ferait que confirmer purement et simplement le refus du PMO d’accorder au requérant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement à compter de sa mutation à Copenhague.

12      L’irrecevabilité soulevée par la Commission ne saurait prospérer en l’espèce, car elle est fondée sur une appréciation erronée de la décision de rejet de la réclamation.

13      En effet, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée. Il a été jugé, à plusieurs reprises, qu’une décision explicite de rejet d’une réclamation pouvait, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par le requérant. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation du requérant, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, point 32).

14      Étant donné que, dans le système du statut, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduire un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, le juge de l’Union a jugé le recours recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, dans la mesure où la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut. Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, points 7 et 8). Il peut, notamment, en être ainsi lorsque le juge de l’Union constate que la décision portant rejet de la réclamation, le cas échéant parce qu’elle est implicite, est purement confirmative de la décision objet de la réclamation et que, partant, l’annulation de celle-là ne produirait sur la situation juridique de la personne intéressée aucun effet distinct de celui découlant de l’annulation de celle-ci (arrêt Adjemian e.a./Commission, précité, point 33).

15      En l’espèce, il est constant que, avec l’introduction de sa réclamation, le requérant a soumis à la Commission des documents visant à prouver, à tout le moins, que, contrairement à la description des faits figurant dans la décision du PMO, du 6 mars 2012, il avait résidé au Royaume-Uni du mois d’août 1992 au mois de janvier 1993 et en Belgique, du mois de janvier 1993 au mois de janvier 1994, documents dont la Commission ne disposait pas auparavant. Il est constant également que la décision de rejet de la réclamation est fondée, non pas sur le fait que le requérant aurait résidé ou fait des études au Danemark pendant les années précitées mais sur la réalisation d’un stage de cinq mois que le requérant a effectué à la Commission, du mois de mars 1993 au mois de juillet de la même année.

16      Dans ces circonstances, la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation du requérant en fonction d’éléments de fait dont la Commission n’a eu connaissance qu’avec l’envoi des documents joints à la réclamation, et fait état d’un nouveau motif qui vient modifier la décision initiale quant à la cause du refus de l’octroi de l’indemnité de dépaysement au requérant. Il s’ensuit que la décision de rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du Tribunal. En application du principe selon lequel la motivation de la décision portant rejet d’une réclamation est censée coïncider avec la décision contre laquelle cette réclamation a été dirigée (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, point 55), il y a lieu de prendre en considération la décision de rejet de la réclamation dans l’appréciation de la légalité de la décision du PMO du 6 mars 2012 (ci-après la « décision attaquée »).

17      À titre surabondant, le Tribunal constate que la Commission, après avoir décidé de refuser l’indemnité de dépaysement au requérant, en se fondant sur des raisons liées à ses années d’études à Copenhague, au motif qu’il n’aurait pas résidé en dehors du pays dont il était ressortissant pendant la période de référence de dix ans, a rejeté la réclamation parce qu’il avait effectué un stage dans ses services, au motif qu’un tel stage devait être qualifié d’« exercice de fonctions […] dans une organisation internationale », au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b) de l’annexe VII du statut, alors qu’elle aurait pu opposer ces deux motifs au soutien de la décision de rejet de la réclamation.

18      En procédant de la sorte, la Commission, en cas de succès du requérant dans la présente affaire, se réserve la possibilité, ainsi qu’elle l’a d’ailleurs exprimé dans son mémoire en défense, d’adopter une nouvelle décision de rejet fondée sur le motif pour lequel le bénéfice de l’indemnité de dépaysement avait été refusé en premier lieu, ce qui obligera le requérant, s’il souhaite contester la décision, à entamer une nouvelle procédure.

19      Dans ces conditions, le Tribunal se doit d’indiquer qu’une telle attitude apparaît contraire au principe de bonne administration et est susceptible de constituer un manquement de la part de la Commission à son devoir de sollicitude envers le requérant.

 Sur le premier chef de conclusions, qui vise à l’annulation de la décision attaquée

20      À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens tirés respectivement de la violation de l’article 4 de l’annexe VII du statut et de l’erreur manifeste d’appréciation.

21      Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 15 février 2011, AH/Commission, F‑76/09, point 29 et la jurisprudence citée).

22      Il en est d’autant plus ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la phase écrite de la procédure devant le Tribunal ne comporte, en principe, qu’un seul échange de mémoires, sauf décision contraire du Tribunal. Cette dernière particularité de la procédure devant le Tribunal explique que, à la différence de ce qui est prévu devant le Tribunal de l’Union européenne ou la Cour de justice, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne saurait être sommaire. Une telle souplesse aurait pour effet, en pratique, de priver d’une grande partie de son utilité la règle spéciale et postérieure énoncée à l’annexe I du statut de la Cour (arrêt AH/Commission, précité, point 30).

23      Il importe d’ajouter que l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, prévoit que les parties autres que les États membres, les institutions de l’Union, les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen et l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord, doivent être représentées par un avocat. Le rôle essentiel de ce dernier, en tant qu’auxiliaire de la justice, est précisément de faire reposer les conclusions de la requête sur une argumentation en droit suffisamment compréhensible et cohérente, compte tenu précisément du fait que la procédure écrite devant le Tribunal ne comporte en principe qu’un seul échange de mémoires (arrêt AH/Commission, précité, point 31).

24      En l’espèce, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation n’étant aucunement étayé par une quelconque argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, telle qu’interprétée par la jurisprudence, il y a lieu de le déclarer irrecevable.

25      Seul reste donc à examiner le moyen soulevé à l’appui de l’annulation de la décision attaquée, tiré de la violation de l’article 4, de l’annexe VII du statut.

 Arguments des parties

26      Le requérant fait valoir que la période de cinq mois de stage qu’il a effectuée auprès de la Commission en 1993, à défaut d’être rémunérée, ne peut pas « être assimilée à une activité professionnelle exercée à titre principal » et, partant, « ne correspond pas à une situation qui relève de la notion de service effectué pour une organisation internationale au sens de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut ». Il s’appuie sur l’arrêt du Tribunal de première instance du 30 juin 2005, Olesen/Commission (T‑190/03), qui préciserait que, pour permettre à l’intéressé de bénéficier de l’exception prévue dans la disposition susmentionnée, seule une activité professionnelle exercée à titre principal pourrait être prise en considération.

27      Le requérant ajoute que le type de stage qu’il a effectué a pour but de permettre aux jeunes diplômés de connaître les institutions de l’Union. Il s’ensuivrait que, la période liée à l’accomplissement de son stage à la Commission ne devant pas être prise en compte, le requérant aurait démontré avoir résidé de façon stable en dehors du Danemark pendant la période de référence de dix ans, à savoir du 1er septembre 1992 au 31 août 2002 précédant son entrée en service et remplirait ainsi les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement.

28      La Commission affirme que la thèse du requérant ne saurait prospérer que si le Tribunal procédait à un revirement de la jurisprudence. Elle se fonde, à cet égard, sur l’arrêt de la Cour du 10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission (201/88) et l’arrêt du Tribunal de première instance du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil (T‑60/00), dans lesquels le juge de l’Union a considéré que les stages effectués auprès de la Commission correspondent à un service effectué pour une organisation internationale. En l’occurrence, s’agissant d’un stage qui est de la même nature, la même conclusion s’imposerait, sans qu’il soit nécessaire d’établir des différences selon que la disposition applicable soit celle de l’article 4, paragraphe 1, sous a) ou sous b) de l’annexe VII du statut.

29      La Commission soutient que l’application des exceptions relevant de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et sous b), de l’annexe VII du statut exige que l’intéressé ait un lien direct avec l’organisation internationale, ce qui est le cas par exemple lorsque celui-ci bénéficie du statut de conseiller indépendant à la Commission, conformément à l’arrêt du Tribunal de première instance du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, (T‑72/94), ou encore lorsqu’il possède le statut d’assistant de membre du parlement européen, en vertu de l’arrêt du Tribunal de première instance du 19 juin 2007, Asturias Cuerno/Commission (T‑473/04). La jurisprudence irait également dans ce sens pour les services effectués pour un État, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, Dedeu i Fontcuberta/Commission (T‑299/02), la notion de services ou fonctions pour ou dans une organisation internationale étant conçue de manière large. Il serait donc incompatible avec la jurisprudence d’abandonner l’interprétation large dans le cas des stagiaires.

30      La Commission ajoute qu’il résulte de la jurisprudence relative à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut qu’il n’est pas nécessaire que l’intéressé soit rémunéré et cite à l’appui de son argumentation l’arrêt de la Cour du 17 février 1976, Delvaux/Commission (42/75), concernant le service militaire que le requérant dans cette affaire avait effectué sous l’uniforme belge en Allemagne et en France.

 Appréciation du Tribunal

31      Le Tribunal rappelle que la Commission a refusé au requérant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement en estimant, dans la décision de rejet de la réclamation, que la durée de son stage de cinq mois effectué à la Commission devait être neutralisée de la période de référence de dix ans pour apprécier son droit à ladite indemnité. Partant, la Commission ayant renoncé à opposer le motif initialement retenu et tiré de la durée des études effectuées par le requérant à Copenhague, entre 1992 et 1995, tout en se réservant d’ailleurs, ainsi qu’il a été dit précédemment, la possibilité de soulever à nouveau un tel motif à l’avenir, le présent litige porte uniquement sur la question de savoir si le stage effectué par le requérant à la Commission, de mars 1993 à juillet de la même année, doit ou non être qualifié d’« exercice de fonctions […] dans une organisation internationale », au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b) de l’annexe VII du statut, lors du calcul de la période de référence de dix ans, préalable à son entrée en service le 1er septembre 2002.

32      Il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, qui établit les conditions d’octroi de l’indemnité de dépaysement, que tant la délimitation de la période de référence à prendre en compte, que les conséquences d’une résidence habituelle dans le pays d’affectation durant cette période se différencient substantiellement en fonction de la nationalité du fonctionnaire concerné, en particulier selon que l’intéressé possède ou non la nationalité du pays de son affectation (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, B/Commission, F‑7/06, point 36). En effet, cette disposition prévoit deux types de situations, à savoir, sous a), celle du fonctionnaire qui « n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation » et sous b), celle du fonctionnaire « ayant ou ayant eu » une telle nationalité.

33      Dans la première hypothèse, il est exigé du fonctionnaire de ne pas avoir, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État (ci-après la « période de référence de cinq ans »). Pour le calcul de ladite période, ne sont pas à prendre en considération les situations résultant de services effectués pour un État ou une organisation internationale. La jurisprudence relative à l’exception prévue dans la disposition sous a) va dans le sens d’une neutralisation des périodes de services effectués pour un État ou une organisation internationale, ce qui a pour effet de voir la période de référence de cinq ans prolongée pour une durée équivalente (arrêt du Tribunal du 25 septembre 2007, Cavallaro/Commission, F‑108/05, point 67).

34      Dans la seconde hypothèse, le fonctionnaire doit, de façon habituelle, pendant la période de référence de dix ans, expirant lors de son entrée en service, avoir habité hors du territoire européen dudit État. Pour le calcul de ladite période, ne sont pas à prendre en considération en tant que périodes de résidence hors du territoire dudit État les périodes pendant lesquelles l’intéressé a exercé des fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale.

35      Ces deux hypothèses mettent en évidence des différences fondamentales entre les deux catégories de fonctionnaires visés à l’article 4, paragraphe 1, respectivement sous a) et sous b), de l’annexe VII du statut. En effet, ceux qui n’ont pas et n’ont jamais eu la nationalité de l’État d’affectation ne doivent pas, de façon habituelle, avoir résidé ni exercé leur activité professionnelle principale sur le territoire dudit État pendant la période de référence de cinq ans, période qui expire six mois avant l’entrée en service, alors que pour ceux qui ont ou qui ont eu la nationalité de l’État d’affectation, il leur suffit d’avoir résidé de façon habituelle en dehors du territoire de cet État pendant la période de référence de dix ans, période qui expire lors de l’entrée en service et non pas six mois avant, sans qu’il soit tenu compte à cet effet de l’endroit où est exercée l’activité professionnelle principale.

36      S’agissant de la période de référence de dix ans, laquelle est prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, par analogie avec les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la même annexe, toute période pendant laquelle une personne a exercé des fonctions pour un État ou une organisation internationale doit être neutralisée, ce qui signifie que le fait d’avoir exercé des fonctions dans le service d’un État ou dans une organisation internationale ne prive pas la personne concernée du droit de bénéficier de l’indemnité de dépaysement mais que le point de départ de la période de référence doit être reporté d’autant, afin de vérifier que celle-ci a bien passé dix ans hors du territoire européen de l’État dont elle a ou a eu la nationalité sans travailler pendant ces dix ans au service d’un État ou d’une organisation internationale (arrêt du Tribunal du 5 décembre 2012, Grazyte/Commission, F‑76/11, point 50, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑86/13 P).

37      À cet égard, le Tribunal a observé que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut ne contient aucune indication permettant de soutenir qu’il n’y aurait pas lieu, pour déterminer le point de départ de la période de référence de dix ans, de neutraliser les périodes d’activité effectuées pour le compte d’un État ou d’une organisation internationale et donc d’allonger d’autant ladite période (arrêt du Tribunal Grazyte/Commission, précité, point 51).

38      Il résulte de la jurisprudence précitée que, aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, dans l’hypothèse visée à la disposition sous a), les périodes de résidence ou d’activité au sens large accomplies dans l’État d’affectation pour un autre État ou une organisation internationale et, dans l’hypothèse visée à la disposition sous b), les périodes de résidence en dehors de l’État d’affectation en raison de l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale sont neutralisées, ce qui a pour conséquence de prolonger d’autant la période de référence de cinq ans ou la période de référence de dix ans.

39      En l’espèce, l’octroi au requérant de l’indemnité de dépaysement après sa mutation à Copenhague le 1er février 2012 relève de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut et, selon que le stage de cinq mois effectué par le requérant à la Commission, de mars 1993 à juillet 1993, doit ou non être considéré comme l’exercice de fonctions dans une organisation internationale, la période de référence de dix ans, au sens desdites dispositions, débuterait, respectivement, le 1er avril 1992 ou le 1er septembre 1992. Le requérant ayant déclaré avoir quitté le Danemark en août 1992, la réponse à cette question est déterminante pour apprécier le bien-fondé du recours.

40      En ce qui concerne le calcul de la période de référence de dix ans, il ressort également du libellé des dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et sous b), de l’annexe VII du statut que, aux fins de la neutralisation des périodes de résidence, respectivement dans l’État sur le territoire duquel est situé le lieu d’affectation du fonctionnaire ou agent ou hors dudit territoire, le législateur a établi une différence selon que la résidence est motivée par des « situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » ou par « l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale ».

41      À cet égard, le juge de l’Union a déjà constaté que l’expression « situations résultant de services effectués pour une organisation internationale » a une portée beaucoup plus large que les termes « exercice de fonctions dans une organisation internationale » (arrêt du Tribunal de première instance du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, point 47).

42      S’il est vrai que, confronté à la question de savoir si une période de stage dans une des institutions de l’Union devait être neutralisée aux fins du calcul de la période de référence à prendre en compte, le juge de l’Union a, à plusieurs reprises, répondu par l’affirmative (voir, en ce sens, arrêt Liaskou/Conseil, précité, point 50, et arrêt du Tribunal de la fonction publique du 20 novembre 2007, Kyriazis/Commission, F‑120/05, point 75), il n’en demeure pas moins que, à chaque fois, il s’agissait de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, dont relève la notion de « situations résultant de services effectués pour une organisation internationale » alors que, en l’espèce, il s’agit d’appliquer l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ladite annexe, qui porte sur la notion d’« exercice de fonctions dans une organisation internationale », cette dernière notion ayant, notamment par son libellé, une portée plus restreinte. Partant, la solution dégagée par la jurisprudence pour l’application de la première disposition à des stages effectués dans les institutions de l’Union n’est pas transposable à la seconde.

43      En l’espèce, il résulte du point 2 des règles applicables aux stages que les stages à la Commission sont organisés par cette dernière dans le but principal de contribuer à la formation, tant théorique que pratique, des bénéficiaires, lesquels, conformément au point 8 desdites règles, doivent être soit des diplômés universitaires, soit des étudiants universitaires ayant accompli au moins quatre années d’études, soit encore des employés du secteur privé ou public ayant un diplôme universitaire ou ayant travaillé au moins trois ans dans des postes de conseil. Il convient de souligner en outre, que, en vertu du deuxième alinéa dudit point 2, une partie de la période de stage peut être consacrée à la préparation d’une thèse de doctorat ou d’un travail universitaire. Le stage à la Commission est donc conçu comme une période de spécialisation venant compléter soit la formation universitaire soit les connaissances nécessaires à l’exercice d’un emploi.

44      Il ressort donc de la description des caractéristiques du stage accompli par le requérant à la Commission, figurant au point 43 du présent arrêt, qu’un tel stage ne peut être considéré comme relevant de la notion d’« exercice de fonctions », cette dernière notion exigeant que l’activité contribue principalement à la réalisation des objectifs de l’État ou de l’organisation internationale en cause.

45      Une telle conclusion, étant donné la finalité principale des stages effectués à la Commission, ne saurait être remise en cause par le fait que certains stagiaires perçoivent, en fonction des disponibilités budgétaires et de leur situation de famille, une bourse, voire, pour les employés du secteur public ou privé, que ceux-ci continuent à percevoir leur salaire.

46      Il découle de ce qui précède que, au vu de leur finalité ainsi que de leur nature, les stages à la Commission ne relèvent pas de la notion d’« exercice de fonctions dans une organisation internationale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut.

47      Il est vrai, d’une part, que cette solution diffère de celle qui concerne les stages effectués dans la même institution lorsque ceux-ci relèvent de la notion de « situations résultant de services effectués pour une organisation internationale », au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et, d’autre part, que cette solution aboutit à une différence de traitement, laquelle est largement motivée par la nationalité de l’intéressé.

48      En effet, lorsque le fonctionnaire n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État d’affectation, lors du calcul de la période de référence de cinq ans, un stage à la Commission sera neutralisé et aura pour effet d’allonger d’autant ladite période, alors que lors du calcul de la période de référence de dix ans du fonctionnaire qui a ou qui a eu la nationalité de l’État d’affectation, une période de stage à la Commission ne sera pas neutralisée et la période de référence de dix ans ne sera pas prolongée d’autant.

49      Toutefois, il n’en demeure pas moins que cette différence de traitement se justifie, d’une part, par la différence dans le libellé même que le législateur a donné à l’article 4, paragraphe 1, sous a) et sous b), de l’annexe VII du statut et, d’autre part, par la différence dans la durée de la période de référence, qui est nettement plus longue pour le fonctionnaire qui a ou qui a eu la nationalité de l’État membre d’affectation.

50      Il s’ensuit que la période de cinq mois, du 1er mars 1993 au 31 juillet 1993, pendant laquelle le requérant a effectué un stage à la Commission ne doit pas être neutralisée et ajoutée à la période de référence de dix années établie à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, lors de la détermination du droit du requérant à percevoir l’indemnité de dépaysement à la suite de sa mutation au Danemark et que la période de référence de dix ans a débuté le 1er septembre 1992.

51      Dès lors, il convient d’accueillir le premier moyen du recours et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

53      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne, du 6 mars 2012, refusant à M. Ohrgaard le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, telle que modifiée par la décision du 31 août 2012 de rejet de la réclamation, est annulée.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Ohrgaard.

Rofes i Pujol

Bradley

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2014.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      M. I. Rofes i Pujol


* Langue de procédure : le français.