Language of document : ECLI:EU:F:2010:116

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

30 septembre 2010 (*)

« Fonction publique — Fonctionnaires — Nomination — Candidats inscrits sur une liste de réserve antérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau statut — Classement en grade en application des nouvelles règles moins favorables — Article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut »

Dans l’affaire F‑41/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Kurt Jacobs, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruges (Belgique), représenté par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. H. Krämer et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Tagaras et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Ruiz Plaza, assistante,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 7 juin 2005, M. Jacobs demande l’annulation de la décision du 11 février 2005 rejetant sa réclamation contre des décisions des 16, 24 et 31 août 2004 et, pour autant que de besoin, l’annulation de ces dernières dans la mesure où elles le classent à un grade inférieur à celui annoncé dans l’avis relatif au concours COM/B/1/02. Il demande aussi la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui verser 250 000 euros à titre de dommages et intérêts.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1, ci-après le « statut »), et le régime applicable aux autres agents de l’Union, tel que modifié par le même règlement sont entrés en vigueur, ainsi que prévu par l’article 2 dudit règlement, le 1er mai 2004.

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique communautaire en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires A, B, C et D.

4        L’article 3 du statut prévoit :

« L’acte de nomination du fonctionnaire précise la date à laquelle cette nomination prend effet ; en aucun cas, cette date ne peut être antérieure à celle de l’entrée en fonctions de l’intéressé. »

5        L’article 31, paragraphe 1, du statut dispose :

« Les candidats […] sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis du concours auquel ils ont été reçus. »

6        L’article 33, premier alinéa, du statut est rédigé comme suit :

« Avant qu’il ne soit procédé à sa nomination, le candidat retenu est soumis à l’examen médical d’un médecin-conseil de l’institution [...] ».

7        L’annexe XIII du statut envisage les mesures transitoires consécutives à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004.

8        L’article premier de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1. Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2. Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

9        L’article 12 de l’annexe XIII du statut dispose :

« 1. Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, toute référence faite aux grades des groupes de fonctions AST et AD, à l’article 31, paragraphe[s] 2 et 3, du statut, doit être comprise selon les modalités qui suivent :

–        AST 1 à AST 4 : C*1 à C*2 et B*3 à B*4

–        AD 5 à AD 8 : A*5 à A*8

–        AD 9, AD 10, AD 11, AD 12 : A*9, A*10, A*11, A*12.

2. Les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du statut ne s’appliquent pas aux fonctionnaires recrutés sur des listes d’aptitude établies à la suite de concours publiés avant le 1er mai 2004.

3. Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A/LA 8

A*5

A/LA 7 et A/LA 6

A*6

A/LA 5 et A/LA 4

A*9

A/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

 »       

 Faits à l’origine du litige

10      Le 5 février 2002, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 32 A, p. 13) l’avis de concours COM/B/1/02, visant à constituer des listes de réserve d’assistants adjoints de grade B 5 ou B 4 dans les domaines de la gestion financière et de la gestion des contrats/projets. Ces listes de réserve devaient demeurer valables jusqu’au 31 décembre 2004, conformément au cinquième alinéa du titre IX relatif aux conditions de recrutement dudit avis de concours.

11      Le requérant s’est porté candidat à ce concours.

12      Pendant le déroulement du concours, la Commission a fait publier un rectificatif à l’avis de concours COM/B/1/02 au Journal officiel des Communautés européennes du 18 juillet 2003 (JO C 168 A, p. 1). Cet avis rectificatif précisait notamment que :

« Après la date de publication du concours [...], la Commission a formellement transmis au Conseil une proposition de réforme du statut qui modifie la structure de carrière et, partant, les conditions de recrutement des candidats auxquels un emploi pourra être offert. »

13      Le requérant a été informé de son inscription sur la liste des lauréats du concours par lettre du 5 mars 2004.

14      Le 19 avril 2004, la direction générale (DG) « Société de l’information et médias » a informé le requérant qu’elle avait décidé de lui offrir un emploi et lui a demandé de confirmer son accord en vue de ce recrutement.

15      Le 20 avril 2004, l’Office de coopération EuropeAid lui a adressé un courriel dans les termes suivants :

« [EuropeAid] en accord avec la DG [« Relations extérieures »] souhaiterait connaître votre position sur votre recrutement éventuel pour un poste AFC (assistant finance/contrat) auprès de la délégation en Jordanie. En fonction de votre réponse, la procédure de recrutement pourrait être envisagée. [...]

Je tiens à vous préciser qu’à ce stade, il ne s’agit que d’une hypothèse de travail et vous invite à ne pas prendre contact avec la délégation pendant cette phase exploratoire.

[…] »

16      Le lendemain, le requérant a répondu, par la même voie électronique, qu’il était très intéressé par un tel recrutement et qu’il lui donnerait priorité par rapport à toute autre proposition.

17      Le requérant a résilié le contrat de travail qui le liait à son précédent employeur le 17 mai 2004.

18      Le 10 juin 2004, la DG « Relations extérieures » a écrit au requérant, d’une part, pour l’informer « qu’une procédure de recrutement [le] concernant [était] en cours [...] sous réserve [...] que [son] dossier soit complété de toutes les pièces nécessaires et de l’avis favorable du service médical » et, d’autre part, pour l’inviter à prendre contact « afin de planifier la formation destinée à [le] préparer à [ses] nouvelles fonctions avant [son] arrivée à Amman [Jordanie] ».

19      Le lendemain, le requérant a été convoqué à un examen médical « afin de compléter son dossier personnel en vue d’un éventuel engagement ».

20      Par lettre du 16 août 2004, la DG « Personnel et administration » a informé le requérant que la Commission avait « décidé de [lui] offrir un poste de fonctionnaire stagiaire (assistant) à la DG ‘Relations extérieures’, en Jordanie ». Ce courrier indiquait qu’il serait classé au grade B*3, échelon 2, et qu’il percevrait un salaire de base brut de 3 101,85 euros en application de l’article 12 de l’annexe XIII du statut. En conséquence, l’administration demandait au requérant de lui faire savoir s’il avait l’intention d’accepter cette offre et, en cas de réponse affirmative, de lui indiquer quand il pourrait se libérer de ses engagements professionnels en cours.

21      Le contrat de travail liant le requérant à son précédent employeur a pris fin le 26 août 2004.

22      La DG « Personnel et administration » a pris note dans une correspondance adressée au requérant le 24 août 2004, que celui-ci pouvait commencer à travailler pour la Commission le 1er septembre suivant et lui a fourni diverses informations concernant son entrée en fonction à cette date.

23      L’acte de nomination du requérant a été établi le 31 août 2004 avec effet au 1er septembre 2004. Il lui a été notifié le 30 septembre suivant.

24      Le requérant a introduit, le 16 novembre 2004, une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre les décisions des 16, 24 et 31 août 2004. Il y demandait à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de « mettre à néant les décisions attaquées et de revoir [son] grade et [sa] rémunération, avec effet au 1er septembre 2004 ». L’AIPN a rejeté cette réclamation le 11 février 2005.

 Conclusions des parties et procédure

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN du 11 février 2005 rejetant sa réclamation du 16 novembre 2004 ;

–        pour autant qu’il soit nécessaire, annuler également les trois décisions de la Commission des 16, 24 et 31 août 2004, dans la mesure où celles-ci ont fixé son classement au grade B*3, échelon 2, et sa rémunération à un salaire de base de 3 101,85 euros ;

–        condamner la Commission au paiement d’une somme de 250 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

27      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce dernier. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence F‑41/05.

28      Par ordonnance du 23 février 2006, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑58/05, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

29      Après le prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T‑58/05, Rec. p. II‑2523, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla ») et au vu du pourvoi introduit devant la Cour de justice des Communautés européennes, le 21 septembre 2007, contre cet arrêt, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 7 novembre 2007, décidé de suspendre à nouveau la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑443/07 P, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

30      Après le prononcé de l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec. p. I‑10945, ci-après l’« arrêt de la Cour Centeno Mediavilla »), et à la demande du Tribunal, les parties ont été invitées, par lettre du greffe du Tribunal du 18 mars 2009, à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles dudit arrêt sur la suite de la procédure. La Commission et le requérant ont déféré à cette demande le 20 avril 2009.

 Sur le recours en annulation

 Quant à la recevabilité

31      La Commission soutient que les courriers des 16 et 24 août 2004 sont seulement des actes préparatoires et que la décision de l’AIPN du 11 février 2005 rejetant la réclamation du requérant ne constitue pas davantage un acte faisant grief. En conséquence, le recours serait uniquement recevable en tant qu’il est dirigé contre l’acte de nomination du 31 août 2004.

32      À cet égard, selon une jurisprudence constante, le juge est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, points 51 et 52 ; arrêt du Tribunal de première instance du 30 mars 2006, Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret/Conseil et Commission, T‑367/03, Rec. p. II‑873, point 30 ; arrêt du Tribunal du 8 avril 2008, Bordini/Commission, F‑134/06, RecFP p. I‑A‑1‑87 et II‑A‑1‑435, point 56). Dans les circonstances de la cause, le Tribunal estime qu’il y a lieu tout d’abord de se prononcer sur le fond du litige.

 Quant au fond

 Remarque préliminaire

33      Le requérant invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 2 du règlement no 723/2004, d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation du principe de confiance légitime, de la violation du devoir de sollicitude ainsi que de la méconnaissance de l’avis de concours COM/B/1/02. Le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de non-discrimination.

34      À l’audience, le requérant a déclaré maintenir uniquement la branche de son premier moyen tirée de la violation de l’article 2 du règlement no 723/2004 et d’une erreur manifeste d’appréciation et se désister des autres branches de son premier moyen, ainsi que du deuxième moyen.

 Arguments des parties

35      Le requérant affirme que la décision de l’engager résulte d’un échange de courriels intervenu les 20 et 21 avril 2004 et qu’elle précède ainsi l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004, fixée au 1er mai 2004 par l’article 2 de ce dernier. L’acte de nomination du 31 août 2004 n’aurait fait que formaliser cette décision. Le requérant en déduit que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, qui a été introduit dans le statut par le règlement susmentionné, ne pouvait lui être appliqué.

36      Le requérant ajoute que l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut ne permet pas de fonder la thèse de la Commission selon laquelle son recrutement serait intervenu à la date de son entrée en service, c’est-à-dire au 1er septembre 2004. En effet, cette disposition aurait aussi été introduite dans le statut par le règlement no 723/2004 et ne serait également entrée en vigueur que le 1er mai 2004. Elle n’aurait donc aucune incidence sur le fait que son engagement résulterait de l’échange de courriels des 20 et 21 avril 2004. De même, il serait totalement abusif de déduire de l’article 3 du statut que la légalité d’une nomination doive seulement être appréciée au jour où elle prend effet et qui correspond à l’entrée en fonction du fonctionnaire.

37      La Commission répond que le recrutement des fonctionnaires est décidé par l’AIPN et que toute prise de position antérieure des services quant à un éventuel engagement ne serait pas contraignante.

38      Aussi, et comme en témoigneraient les termes utilisés, l’échange de courriels des 20 et 21 avril 2004 ne serait qu’un acte préparatoire. D’ailleurs, le requérant ne se serait vu adresser une offre formelle de recrutement que le 16 août 2004.

39      Or, la légalité d’un acte devrait être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date d’adoption de l’acte, soit, en l’espèce, après le 1er mai 2004.

40      La Commission observe, en outre, que la date du recrutement d’un fonctionnaire est déterminée par la prise d’effet de l’acte de nomination et que celle-ci ne peut, en principe, être antérieure à l’entrée en service du fonctionnaire concerné. Il pourrait, dès lors, se déduire des articles 3 et 4 du statut que le moment pertinent pour apprécier la légalité d’une nomination serait celui où elle prend effet. Dans ce contexte, il conviendrait de prendre en considération l’état du droit au 1er septembre 2004, jour de l’entrée en service du requérant.

 Appréciation du Tribunal

41      Le requérant prétend que la décision de le recruter résulte de l’échange de courriels intervenu les 20 et 21 avril 2004 et qu’elle est ainsi antérieure à l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004, laquelle a été fixée au 1er mai 2004 par l’article 2 de ce dernier.

42      Cette affirmation manque, cependant, tant en droit qu’en fait.

43      En premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu des principes du droit de la fonction publique de l’Union européenne, la nomination d’un fonctionnaire ne peut intervenir que dans les formes et conditions prévues au statut (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mai 1970, Fournier/Commission, 18/69, Rec. p. 249 ; arrêts du Tribunal de première instance du 10 avril 1992, Ventura/Parlement, T‑40/91, Rec. p. II‑1697, point 40, et du 19 juillet 1999, Mammarella/Commission, T‑74/98, RecFP p. I‑A‑151 et II‑797, point 25).

44      Le lien juridique qui lie le fonctionnaire à l’administration étant de nature statutaire et non contractuelle, il y a lieu de rappeler également, dans cette perspective, que l’article 3 du statut, dont le texte n’a pas été modifié par le règlement no 723/2004, implique que la nomination d’un fonctionnaire trouve nécessairement son origine dans un acte unilatéral de l’AIPN précisant la date à laquelle cette nomination prend effet, ainsi que l’emploi auquel l’intéressé est affecté (arrêts du Tribunal de première instance Ventura/Parlement, précité, point 41 ; Mammarella/Commission, précité, point 26, et Centeno Mediavilla, point 54). Une telle nomination ne saurait, par conséquent, résulter d’un prétendu accord de volonté résultant de l’acceptation d’une offre d’emploi, a fortiori lorsque, comme en l’espèce, l’offre d’emploi émane d’agents de l’institution n’ayant pas la qualité d’AIPN.

45      Cette interprétation est confirmée par l’article 33, premier alinéa, du statut, d’où il ressort que, avant qu’il ne soit procédé à sa nomination, le lauréat de concours a seulement la qualité de « candidat retenu ».

46      En deuxième lieu, il résulte du libellé du courriel adressé par EuropeAid au requérant le 20 avril 2004 que celui-ci « souhait[ai]t » seulement « connaître la position [de l’intéressé] sur [son] recrutement éventuel pour un poste […] en Jordanie ». Le même courriel « précis[ait] qu’à ce stade, il ne s’agi[ssai]t que d’une hypothèse de travail » formulée à titre « exploratoire ». Il s’ensuit que ce courriel ne constituait pas une décision ferme de recrutement comme le requérant le prétend, ni même une offre ferme d’emploi, comme le requérant le suggère aussi, à supposer que ce concept trouve à s’appliquer dans le cadre unilatéral caractérisant les relations entre l’administration et ses fonctionnaires.

47      La circonstance que le requérant a réservé à ce courriel une suite favorable le 21 avril 2004 et le fait qu’il a résilié, dès le 17 mai 2004, le contrat le liant à son précédent employeur ne sauraient remettre en cause la nature du courriel du 20 avril 2004 et engager la Commission plus qu’elle ne le souhaitait à ce moment.

48      De surcroît, dans sa réponse du 21 avril 2004, le requérant se déclarait « très intéressé » par le poste proposé, en assurant à son correspondant qu’il « donnera[it] la plus haute priorité à un recrutement dans des délégations (par préférence à un poste dans toute autre DG) », sans pour autant conférer à sa prétendue acceptation de l’emploi en question un caractère plein et entier. De même, le requérant a donné son préavis le 17 mai 2004, sans y avoir été obligé ni même incité. En effet, l’administration n’a demandé au requérant quand il pourrait se rendre disponible que dans le courrier du 16 août 2004 par lequel elle lui a adressé une offre ferme de recrutement.

49      Le caractère exploratoire du courriel du 20 avril 2004 est, au demeurant, confirmé par les courriers ultérieurs de la Commission.

50      Ainsi, si la DG « Relations extérieures » a écrit le 10 juin 2004 au requérant pour l’informer « qu’une procédure de recrutement [était] en cours », ce courrier précisait que c’était « sous réserve [...] que [son] dossier soit complété de toutes les pièces nécessaires et de l’avis favorable du service médical ». La convocation à un examen médical, datée du lendemain, mentionne d’ailleurs que celui-ci s’inscrivait dans la perspective « d’un éventuel engagement ».

51      Enfin, la DG « Personnel et administration » a seulement informé le requérant le 16 août 2004 que la Commission avait « décidé de [lui] offrir un poste de fonctionnaire stagiaire [...] en Jordanie » tout en lui demandant s’il avait effectivement l’intention d’accepter cette offre.

52      En troisième lieu, il découle de l’article 3 du statut que ce n’est qu’après avoir fait l’objet d’une décision de nomination de l’AIPN que le lauréat d’un concours général peut revendiquer la qualité de fonctionnaire et, partant, réclamer le bénéfice de dispositions statutaires (arrêt Mammarella/Commission, précité, point 27, et arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 55).

53      Le requérant tire, dès lors, vainement argument du fait que le courriel de la DG « Relations extérieures » du 10 juin 2004 l’a invité à prendre contact afin de planifier la formation destinée à le préparer à ses nouvelles fonctions en Jordanie et du fait qu’il a suivi une telle formation dans le courant du mois d’août suivant. De plus, lors de l’audience, la Commission a fait valoir à cet égard, sans être contredite, que le requérant avait participé à cette formation à titre volontaire, sans être couvert par la sécurité sociale des fonctionnaires et sans percevoir aucune rémunération. En toute hypothèse, les dates auxquelles ce courriel et cette formation sont intervenus empêchent d’y trouver la preuve d’une décision de recrutement antérieure au 1er mai 2004.

54      Au vu de ce qui précède, le Tribunal ne saurait, à l’instar du requérant, présumer l’existence d’une décision de recrutement antérieure au 1er mai 2004.

55      Il apparaît au contraire que l’engagement du requérant résulte de l’acte de nomination, adopté par l’AIPN le 31 août 2004, qui a fixé son entrée en service au 1er septembre suivant. Conformément à l’article premier, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, alors en vigueur, il y a lieu de considérer que c’est à cette date qu’il a été recruté.

56      Par conséquent, le classement du requérant a, à juste titre, été déterminé conformément à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, laquelle disposition était également entrée en vigueur à cette date, conformément à l’article 2 du règlement no 723/2004.

57      Le grief, tiré de la violation de l’article 2 du règlement no 723/2004 et d’une erreur manifeste d’appréciation, doit, dès lors, être rejeté.

58      En conclusion, l’ensemble du recours en annulation doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa recevabilité en tant qu’il est dirigé contre les courriers des 16 et 24 août 2004 et contre la décision de l’AIPN du 11 février 2005.

 Sur le recours en indemnité

 Arguments des parties

59      La Commission conteste la recevabilité du recours en indemnité.

60      Elle observe que le requérant prétend engager sa responsabilité sur la base d’un prétendu comportement fautif résultant d’un défaut d’information. Elle lui reproche, dès lors, de ne pas avoir fait précéder son recours d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut. La Commission considère aussi que ce recours ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable à l’époque du dépôt de la requête.

61      Le requérant rétorque que son recours en indemnité n’est pas fondé sur un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, mais sur l’illégalité des décisions de la Commission des 16, 24 et 31 août 2004, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’introduire une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Il prétend, ensuite, avoir satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable à l’époque du dépôt de sa requête.

62      Au fond, le requérant soutient que son classement, inférieur à celui auquel il pouvait légitimement s’attendre, affecterait le développement de toute sa carrière. Sa rémunération et sa pension seraient ainsi réduites par rapport à ses attentes légitimes. La Commission aurait, en outre, commis une faute, engageant sa responsabilité, en ne l’informant pas des conséquences de la modification du statut avant qu’il ne consente à son engagement. Il demande, en conséquence que la Commission soit condamnée à lui verser une indemnité évaluée, provisoirement, à 250 000 euros.

63      La Commission répond que l’engagement de la responsabilité non contractuelle des institutions de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions constituées par l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ledit comportement et le préjudice invoqué. En l’espèce, l’acte de nomination ne serait pas illégal et le requérant ne démontrerait pas le caractère réel et certain du dommage qu’il prétend subir.

 Appréciation du Tribunal

64      Ainsi qu’il ressort du point 32 ci-dessus, le juge est en droit d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée à son encontre.

65      En l’espèce, le Tribunal constate que le recours en indemnité doit, en toute hypothèse, être rejeté dès lors que l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose, notamment, une illégalité et qu’il ressort de l’examen du recours en annulation qu’il n’est pas établi que la Commission en ait commis une.

 Sur les dépens

66      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Tagaras

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2010.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.