Language of document : ECLI:EU:T:2011:46



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

17 février 2011 (*)

« Dumping – Importations d’agrumes préparés ou conservés originaires de la République populaire de Chine – Droits de la défense – Obligation de motivation – Principe de bonne administration – Article 15, paragraphe 2, et article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement (CE) n° 384/96 [devenus article 15, paragraphe 2, et article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement (CE) n° 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑122/09,

Zhejiang Xinshiji Foods Co. Ltd, établie à Liuao Town, Sanmen County (Chine),

Hubei Xinshiji Foods Co. Ltd, établie à Dangyang City (Chine),

représentées par Mmes F. Carlin, barrister, A. MacGregor, solicitor, Mes N. Niejahr et Q. Azau, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et R. Szostak, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes G. Berrisch et G. Wolf, puis par Me Berrisch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et C. Clyne, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 1355/2008 du Conseil, du 18 décembre 2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 350, p. 35), dans la mesure où il concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La réglementation antidumping de base est constituée par le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22)].

2        L’article 3, paragraphes 3 et 5 à 7, du règlement de base (devenu article 3, paragraphes 3 et 5 à 7, du règlement n° 1225/2009) dispose :

« 3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[…]

5. L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement, l’importance de la marge de dumping effective, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement. […]

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents […] que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. […]

7. Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire. »

3        L’article 9, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 4, du règlement n° 1225/2009) prévoit :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de la Communauté nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission présentée après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la rejeter dans un délai d’un mois à partir de sa présentation par la Commission. […] »

4        L’article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (devenu article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1225/2009) se lit comme suit :

« 1. Les consultations prévues par le présent règlement se déroulent au sein d’un comité consultatif composé de représentants de chaque État membre et présidé par un représentant de la Commission. Des consultations ont lieu immédiatement, soit à la demande d’un État membre, soit à l’initiative de la Commission, et, de toute manière, dans un laps de temps permettant de respecter les délais fixés par le présent règlement.

2. Le comité se réunit sur convocation de son président. Celui-ci communique aux États membres, dans les meilleurs délais, au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion, tous les éléments d’information utiles. »

5        L’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base (devenu article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1225/2009) dispose :

« 4. L’information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l’être, compte tenu de la nécessité de protéger les informations confidentielles, dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale conformément à l’article 9. Lorsque la Commission n’est pas en mesure de communiquer certains faits ou considérations à ce moment-là, cela doit être fait dès que possible par la suite […]

5. Les observations faites après que l’information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l’urgence de l’affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours. »

 Antécédents du litige

6        Les requérantes, Zhejiang Xinshiji Foods Co. Ltd et Hubei Xinshiji Foods Co. Ltd, sont des sociétés productrices et exportatrices de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) établies en Chine.

7        À la suite d’une plainte déposée le 6 septembre 2007 par la Fédération nationale espagnole des associations de l’industrie des conserves végétales (FNACV), la Commission des Communautés européennes a ouvert, le 20 octobre 2007, une procédure antidumping à l’encontre des importations de certains agrumes préparés ou conservés originaires de Chine pour la période allant du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007.

8        Le 4 juillet 2008, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 642/2008, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 178, p. 19, ci‑après le « règlement provisoire »). Le 7 juillet 2008, la Commission a communiqué aux requérantes un document d’information provisoire (ci‑après le « document d’information provisoire ») exposant les faits et éléments essentiels sur la base desquels les mesures antidumping provisoires avaient été prises. Le 4 août 2008, les requérantes ont présenté à la Commission leurs observations sur le document d’information provisoire, qui portaient notamment sur les chiffres relatifs au volume des ventes de l’industrie communautaire, l’impact du coût des matières premières et la méthode de calcul utilisée pour déterminer le prix total à l’exportation et ont sollicité la tenue d’une réunion (ci-après les « observations du 4 août 2008 »).

9        Le 10 novembre 2008, la Commission a envoyé aux requérantes un document d’information finale (ci-après le « document d’information finale ») qui exposait les faits et éléments essentiels sur la base desquels des mesures antidumping définitives étaient envisagées ainsi qu’un document d’information spécifique (ci-après le « document d’information spécifique »). Le 20 novembre 2008, les requérantes ont présenté des observations sur lesdits documents (ci‑après les « observations du 20 novembre 2008 »).

10      Le 25 novembre 2008, la Commission a recueilli l’avis du comité consultatif antidumping prévu à l’article 15 du règlement de base (ci‑après le « comité antidumping ») sur sa proposition de droits antidumping définitifs. Le 3 décembre 2008, la Commission a adopté sa proposition de règlement définitif, qu’elle a transmise au Conseil de l’Union européenne le 4 décembre 2008. Le 5 décembre 2008, le Conseil a envoyé cette proposition aux délégations des États membres. Le 17 décembre 2008, des représentants des requérantes et d’autres sociétés ont participé à une réunion avec la Commission. Le 18 décembre 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1355/2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine (JO L 350, p. 35, ci-après le « règlement attaqué »), lequel est entré en vigueur le 31 décembre 2008.

11      Le 5 janvier 2009, la Commission a adressé aux requérantes une lettre expliquant les modalités de calcul des coûts d’importation et les données relatives à l’industrie communautaire.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mars 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2009, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Le président de la septième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par ordonnance du 24 septembre 2009. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 octobre 2009, la Commission a renoncé à déposer un mémoire en intervention.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 9 septembre 2010.

15      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

16      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

18      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent formellement trois moyens. Le premier moyen comporte, sous l’intitulé « Violation des droits de la défense », trois branches ayant trait, en premier lieu, à la violation de l’article 20, paragraphe 4, et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base, en deuxième lieu, aux incohérences des données fournies par la Commission s’agissant des volumes des ventes de l’industrie communautaire, à l’incidence des prix des matières premières sur l’industrie communautaire et à la prise en compte des coûts postérieurs à l’importation dans le calcul du prix des produits provenant de Chine et, en troisième lieu, à l’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la détermination du préjudice subi par l’industrie communautaire. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et le troisième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration.

19      Le Conseil fait observer, à titre liminaire, que les requérantes, dans le cadre de leur moyen tiré d’une violation des droits de la défense, contestent non seulement la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué mais également le bien-fondé de ce dernier, en invoquant, en substance, une erreur manifeste d’appréciation. Selon le Conseil, ces arguments seraient dénués de pertinence dans le contexte d’un moyen tiré d’une violation des droits de la défense.

20      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exposé sommaire des moyens du recours, au sens de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, n’implique pas une formulation particulière de ceux-ci. La présentation des moyens par leur substance plutôt que par leur qualification légale peut suffire dès lors que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté (arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Italie/Commission, C‑297/02, non publié au Recueil, point 57, et la jurisprudence citée).

21      Dès lors, il convient d’examiner les arguments des requérantes en distinguant :

–        la méconnaissance des délais prévus à l’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base ;

–        la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les prétendues incohérences des données fournies par la Commission relativement aux volumes des ventes de l’industrie communautaire ;

–        la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’incidence des prix des matières premières sur l’industrie communautaire ;

–        la violation des droits de la défense, de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la prise en compte des coûts postérieurs à l’importation dans le calcul du prix des produits provenant de Chine ;

–        la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base.

 Sur la méconnaissance des délais prévus à l’article 20, paragraphes 4 et 5, du règlement de base

 Arguments des parties

22      Les requérantes font valoir que la Commission ne leur a pas fourni les informations nécessaires dans un délai leur permettant de faire connaître utilement leur point de vue et font observer que le non-respect d’un délai constitue une violation des droits de la défense justifiant l’annulation du règlement instituant un droit antidumping lorsque la partie concernée établit qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette violation.

23      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, en ce qu’elle n’aurait pas respecté le délai d’un mois, prétendument exigé par cette disposition, entre l’envoi aux requérantes du document d’information finale (10 novembre 2008) et l’envoi au Conseil de la proposition de règlement instituant un droit antidumping définitif (4 décembre 2008). Selon les requérantes, le fait que la Commission ait raccourci ce délai a eu une incidence négative sur leurs droits de la défense. Par exemple, les requérantes, pour soumettre leurs observations sur le document d’information finale, n’auraient disposé que de dix jours, soit le strict minimum requis par l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base.

24      Les requérantes considèrent qu’un retard dans l’envoi du document d’information finale était d’autant moins acceptable que la Commission disposait de leurs remarques sur le document d’information provisoire dès le dépôt des observations du 4 août 2008.

25      Le Conseil et la Commission contestent les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

26      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vertu du principe du respect des droits de la défense, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son appréciation de l’existence d’une pratique antidumping et du préjudice qui en résulterait (arrêt de la Cour du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, Rec. p. I‑8147, point 99, et arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 132).

27      Les exigences concrètes découlant des droits de la défense des entreprises concernées par une procédure antidumping sont précisées à l’article 20 du règlement de base. En vertu des paragraphes 1 et 2 de cet article, les exportateurs du produit faisant l’objet d’une enquête antidumping peuvent demander à la Commission une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisage de recommander au Conseil l’adoption de mesures définitives. L’article 20, paragraphe 4, du règlement de base prescrit que ladite information doit être donnée par écrit, dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou avant la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale, conformément à l’article 9 du règlement de base. L’article 20, paragraphe 5, du règlement de base accorde, par ailleurs, aux entreprises ayant reçu une telle information finale le droit de déposer d’éventuelles observations, dans un délai fixé par la Commission, qui ne peut être inférieur à dix jours.

28      En l’espèce, la Commission a, le 10 novembre 2008, communiqué aux requérantes le document d’information finale et le document d’information spécifique. La durée du délai accordé aux requérantes pour y répondre était de dix jours, soit jusqu’au 20 novembre 2008. Les requérantes ont respecté ce délai. La proposition relative au règlement attaqué définitif a été envoyée au Conseil le 4 décembre 2008.

29      À cet égard, il y a lieu de noter que, ainsi que le fait remarquer à juste titre le Conseil, il ressort de l’emploi de l’adverbe « normalement » et de la locution « dès que possible » que l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base ne fixe pas de délai impératif. Le législateur a ainsi voulu autoriser une certaine souplesse en ce qui concerne la période d’un mois qui est prévue par ladite disposition. En effet, s’il n’est pas permis à la Commission d’adresser sa proposition de règlement instituant un droit antidumping définitif avant l’expiration du délai imparti aux entreprises intéressées pour formuler leurs observations sur le document d’information finale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147, points 73, 74 et 77), rien n’interdisait à la Commission, dans les circonstances de l’espèce, après avoir reçu lesdites observations, de finaliser sa proposition de règlement et de l’envoyer au Conseil avant que le délai d’un mois visé à l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base n’ait expiré. En effet, dès lors que deux semaines se sont écoulées entre la réception par la Commission des observations du 20 novembre 2008 et l’envoi au Conseil de ladite proposition de règlement, rien n’indique que la nécessité, rappelée par la jurisprudence, de garantir que les observations des parties intéressées soient prises en compte de manière effective (arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, précité, point 78) n’a pas été respectée en l’espèce. Ainsi, il y a lieu de conclure que l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base n’a pas été violé.

30      Quant au fait que les requérantes n’ont disposé que d’un délai de dix jours pour déposer des observations sur ce document, il y a lieu de constater qu’un tel délai correspond au minimum prévu à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base. Par ailleurs, les requérantes n’invoquent pas de circonstances particulières, liées notamment à la complexité de l’affaire, susceptibles de prouver que le délai qui leur a été accordé n’était pas suffisant pour leur garantir la possibilité de s’exprimer utilement sur le document d’information finale.

31      Il ressort de ce qui précède que, ni le paragraphe 4 ni le paragraphe 5 de l’article 20 du règlement de base n’ayant été enfreints, le présent grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration ainsi que sur l’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les prétendues incohérences des données fournies par la Commission relativement aux volumes des ventes de l’industrie communautaire 

 Arguments des parties

32      Les requérantes rappellent que, dans les observations du 4 août 2008, elles avaient examiné les données présentées par la Commission, aux considérants 65, 67 et 70 du règlement provisoire, en ce qui concerne son enquête portant sur le préjudice subi par l’industrie communautaire et demandé des explications concernant le calcul des volumes des ventes de l’industrie communautaire, tel que présenté au considérant 70 du règlement provisoire. Selon elles, la Commission, dans le règlement provisoire, a minimisé les volumes des ventes de l’industrie communautaire, jusqu’à 34 % pour une année, et surestimé ainsi le préjudice prétendument subi par l’industrie communautaire en raison des importations en provenance de Chine.

33      Les requérantes font valoir que leurs droits de la défense ont été violés au motif que, dans le document d’information finale, la Commission n’aurait pas spécifiquement répondu à leurs objections visées ci-dessus. Elles précisent qu’elles ont à nouveau attiré l’attention de la Commission dans les observations du 20 novembre 2008 et lors de la réunion du 17 décembre 2008, sans pour autant recevoir de réponse avant l’adoption du règlement attaqué. La seule explication que les requérantes auraient reçue à cet égard se trouverait dans une lettre de la Commission du 5 janvier 2009, donc postérieure à l’adoption du règlement attaqué, laquelle exposerait que la différence entre les calculs de la Commission et ceux des requérantes était due au fait que les premiers tenaient compte des ventes à l’exportation.

34      Selon les requérantes, l’explication de la Commission, outre qu’elle serait tardive, ne constituerait pas une réponse satisfaisante dès lors que, même en tenant compte des chiffres relatifs au volume des exportations, les calculs figurant dans le règlement provisoire seraient incohérents. Ces incohérences démontreraient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, au titre duquel elle aurait dû déterminer l’existence d’un préjudice en se fondant sur des éléments de preuve positifs.

35      Enfin, les requérantes soutiennent que le Conseil a méconnu le principe de bonne administration en ne tenant pas compte de leurs observations.

36      Le Conseil et la Commission contestent les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

37      Il convient de rappeler que la Commission a fourni, dans le règlement provisoire, toutes les données qu’elle a utilisées pour le calcul des volumes des ventes de l’industrie communautaire, y compris celles relatives aux ventes à l’exportation, qui figurent au considérant 92 dudit règlement. Elle n’a toutefois pas explicitement décrit la méthode suivie pour effectuer ce calcul. En particulier, elle n’a pas expliqué si les ventes à l’exportation jouaient un rôle dans ce calcul.

38      L’absence de cette précision n’a cependant pas empêché les requérantes d’indiquer, dans les observations du 4 août 2008, que, à leur avis, le calcul des volumes des ventes de l’industrie communautaire devait se faire à partir du chiffre de la production communautaire pour une année déterminée, en y ajoutant les stocks détenus au début de cette année avant de soustraire les stocks détenus à la fin de l’année.

39      Par ailleurs, à défaut de prise de position sur cette question par la Commission dans le document d’information finale, les requérantes ont confirmé leur position sur le calcul du préjudice dans les observations du 20 novembre 2008.

40      Or, bien que la Commission n’ait pas indiqué, dans le document d’information finale, les raisons pour lesquelles le calcul des requérantes ne correspondait pas à celui qu’elle a effectué, il n’en reste pas moins que les requérantes ont été mises dans les conditions de pouvoir faire valoir leur point de vue en connaissance de cause, conformément à la jurisprudence rappelée au point 26 ci-dessus. En effet, elles ont eu accès, par le règlement provisoire, à toutes les données nécessaires pour déduire les modalités selon lesquelles la Commission a effectué son calcul. Dès lors, leurs droits de la défense n’ont pas été violés sur ce point.

41      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le règlement attaqué ne répond pas explicitement aux prétendues objections soulevées par les requérantes et que l’explication du rôle joué par les ventes à l’exportation ait été explicitement fournie aux requérantes après l’adoption de ce règlement, dans la mesure où ce fait n’a pas de conséquence sur la constatation que les requérantes disposaient de tous les éléments nécessaires pour pouvoir faire valoir leur point de vue au cours de la procédure.

42      Par ailleurs, l’omission de fournir aux requérantes des explications plus précises ne suffit pas, à elle seule, pour constater une violation du principe de bonne administration susceptible de justifier l’annulation du règlement attaqué, dans la mesure où cette omission ne signifie pas que les institutions n’ont pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles n’ont pas évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 64, et la jurisprudence citée).

43      Enfin, s’agissant des arguments des requérantes visant à faire constater une erreur manifeste d’appréciation en ce que les prétendues incohérences des calculs effectués par la Commission persisteraient même en tenant compte des ventes à l’exportation, force est de constater que ces arguments ne sont pas non plus fondés.

44      En effet, bien qu’elles aient été explicitement informées le 5 janvier 2009 du fait que la Commission avait tenu compte des ventes à l’exportation, les requérantes n’ont présenté, dans leurs écritures ou en réponse aux questions que le Tribunal leur a adressées lors de l’audience, aucun élément susceptible de démontrer l’existence d’erreurs dans les calculs effectués par la Commission. Au contraire, les requérantes se limitent à affirmer, sans autres précisions, que ces calculs seraient incohérents. Dès lors, elles restent en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement provisoire et entérinées dans le règlement attaqué. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 2009, Aker Warnow Werft et Kvaerner/Commission, T‑68/05, Rec. p. II‑355, point 42, et la jurisprudence citée).

45      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les présents griefs ne sont pas fondés.

 Sur la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration ainsi que sur l’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’incidence des prix des matières premières sur l’industrie communautaire 

 Arguments des parties

46      Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas expliqué de quelle manière elle a appliqué l’article 3, paragraphes 5 et 7, du règlement de base, qui prévoit qu’elle tienne compte des facteurs affectant les prix communautaires ainsi que des facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui causent un préjudice à l’industrie communautaire.

47      Les requérantes rappellent, d’une part, que, dans les observations du 4 août 2008, elles avaient fait remarquer que les difficultés rencontrées par l’industrie communautaire n’avaient pas été causées uniquement par les importations en provenance de Chine mais également par d’autres facteurs tels que les prix élevés des matières premières et, d’autre part, que le règlement (CE) n° 658/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, instituant des mesures de sauvegarde définitives à l’encontre des importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) (JO L 104, p. 67), avait examiné l’incidence des prix des matières premières sur l’industrie communautaire. À cette occasion, selon les requérantes, la Commission aurait identifié l’existence de difficultés pour les producteurs communautaires à acheter les matières premières, tout en constatant que ce processus n’était pas encore suffisamment avancé pour produire des effets sensibles sur l’approvisionnement des producteurs communautaires. Dès lors, elles soutiennent que, en l’espèce, la Commission, en réponse aux préoccupations qu’elles avaient exprimées, aurait dû mener une nouvelle analyse pour déterminer si lesdites difficultés s’étaient accrues à un point tel qu’elles étaient désormais à l'origine du préjudice subi par l’industrie communautaire.

48      Les requérantes soutiennent que, dans le règlement provisoire, la Commission a observé que le prix des matières premières avait augmenté de 29 % au cours de la période concernée alors qu’il avait diminué de 33 % au cours de la période allant de 1998 à 2003 et qu’elle a cependant conclu qu’il n’existait aucune corrélation entre les fluctuations des prix des matières premières et la situation générale de l’industrie communautaire. Elles ajoutent que le document d’information finale arrive à la même conclusion, sans expliquer les raisons pour lesquelles l’augmentation du prix des matières premières ne pouvait être responsable, même partiellement, du préjudice subi par l’industrie communautaire, et que la Commission n’a pas fourni d’explications ou de réponses suffisantes, malgré les remarques qu’elles lui avaient soumises à cet égard dans les observations du 4 août 2008.

49      Selon les requérantes, si elles avaient reçu les explications demandées, elles auraient eu la possibilité de contester le raisonnement de la Commission.

50      Enfin, les requérantes soutiennent que le Conseil a méconnu le principe de bonne administration du fait qu’il n’a pas tenu compte de leurs observations.

51      Le Conseil et la Commission contestent les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

52      Il ressort de l’article 3, paragraphes 5 à 7, du règlement de base que, lors de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie communautaire en raison des importations faisant l’objet d’un dumping, il y a lieu, d’une part, d’examiner l’incidence desdites importations sur cette industrie communautaire en tenant compte de tous les facteurs et indices économiques pertinents et, d’autre part, de vérifier s’il existe des facteurs, autres que les importations susmentionnées, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire, et ce pour éviter que le préjudice découlant de ces autres facteurs ne soit attribué aux importations.

53      Les requérantes font valoir que, en l’espèce, il n’a pas été tenu compte de l’incidence, sur le préjudice subi par l’industrie communautaire, des prix des matières premières, facteur qu’elles avaient pourtant invoqué dans les observations du 4 août 2008.

54      À cet égard, il y a lieu de constater que l’incidence des prix des matières premières sur le préjudice subi par l’industrie communautaire a été examinée par la Commission dans le règlement provisoire (considérants 96 et 97) et que cet examen a fait apparaître que, selon les données recueillies, il n’existait pas de corrélation entre les variations observées dans la production et dans les prix des matières premières et le préjudice subi par l’industrie communautaire. Ainsi, entre les récoltes 2002/2003 et 2003/2004, alors que les coûts des matières premières avaient légèrement augmenté, les pertes subies par l’industrie communautaire avaient considérablement augmenté. En revanche, entre les récoltes 2003/2004 et 2005/2006, alors que les coûts des matières premières avaient à nouveau augmenté, les pertes subies par l’industrie communautaire avaient diminué.

55      Les requérantes ayant contesté cette analyse, il a été expliqué, dans le document d’information finale, que les données officielles du ministère de l’Agriculture espagnol confirmaient que les quantités à la disposition de l’industrie de la conserve étaient plus que suffisantes pour couvrir l’ensemble des capacités de production des producteurs espagnols et que, tout en admettant que les producteurs étaient en concurrence, dans une certaine mesure, avec le marché de la consommation directe de produits frais, la production, les ventes et la part de marché relativement faibles de l’industrie communautaire étaient davantage liées à la pression exercée par les importations massives en provenance de Chine à des prix très bas.

56      À cette même occasion, la Commission a indiqué que son analyse était confirmée par la persistance, chez les producteurs communautaires, de stocks considérables, laquelle montrait que la dégradation de la situation de l’industrie communautaire ne s’expliquait pas par une production insuffisante, mais plutôt par l’impossibilité de vendre cette production en raison de la pression exercée par les produits provenant de Chine.

57      Par ailleurs, tout en reconnaissant que le prix des matières premières était soumis à des variations, la Commission a fait observer que, sur la période de cinq ans analysée, le préjudice était constaté indépendamment de ces variations et que, dès lors, les résultats économiques de l’industrie communautaire n’étaient pas directement liés à ces variations saisonnières.

58      Dans les observations du 20 novembre 2008, les requérantes n’ont pas fait de remarque sur ce point ni apporté d’élément nouveau concernant l’incidence des prix des matières premières qui auraient pu amener la Commission à aboutir à un raisonnement différent quant à cette question.

59      Dans ces circonstances, aucune violation des droits de la défense des requérantes ne saurait être constatée en ce qui concerne l’application de l’article 3, paragraphes 5 à 7, du règlement de base.

60      Par ailleurs, le comportement des institutions ne fait apparaître aucune violation du principe de bonne administration susceptible de justifier l’annulation du règlement attaqué, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus.

61      Enfin, pour autant que les requérantes, par les mêmes arguments invoqués formellement au titre d’une violation des droits de la défense, entendent, en substance, se prévaloir d’une erreur manifeste d’appréciation qui vicierait l’analyse faite par les institutions en ce qui concerne l’influence sur la situation de l’industrie communautaire de facteurs autres que les importations de Chine, force est de constater que leurs arguments ne sont pas non plus fondés.

62      En effet, d’une part, les requérantes se limitent à avancer l’hypothèse, non étayée par des éléments de preuve, que, si la Commission avait mené une nouvelle analyse des difficultés que les producteurs communautaires pouvaient rencontrer lors de l’achat des matières premières, elle aurait pu constater que ces difficultés s’étaient accrues par rapport à celles qu’elle avait mentionnées dans le règlement n° 658/2004. D’autre part, elles se bornent à affirmer que l’absence de corrélation entre les fluctuations des prix des matières premières et la situation de l’industrie communautaire constatée par la Commission n'est pas fondée, sans fournir d’élément concret remettant en cause la conclusion à laquelle ladite institution était parvenue.

63      Ainsi, les requérantes restent en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement provisoire et entérinées dans le règlement définitif (voir la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus).

64      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les présents griefs ne sont pas fondés.

 Sur la violation des droits de la défense, de l’obligation de motivation et du principe de bonne administration ainsi que sur l’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la prise en compte des coûts postérieurs à l’importation dans le calcul du prix des produits provenant de Chine

 Arguments des parties

65      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense, puisqu’elle n’aurait pas expliqué les modalités selon lesquelles elle a appliqué, en l’espèce, l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, au titre duquel la Commission doit examiner s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire.

66      Les requérantes rappellent que, selon le considérant 61 du règlement provisoire, les prix de vente de l’industrie communautaire ont été déterminés par la Commission en prenant en considération les prix de vente aux clients indépendants, ajustés le cas échéant au niveau « livraison Hambourg », après déduction des rabais et des remises, et que ces prix ont été comparés aux prix de vente des producteurs-exportateurs de Chine, nets de tout rabais, ajustés le cas échéant au niveau caf (coût, assurance et fret) « livraison Hambourg », majorés des droits de douane et, le cas échéant, des droits de sauvegarde applicables. Toutefois, dans le document d’information provisoire, la Commission aurait opté pour une formule de calcul différente, qui prenait en compte le prix caf à la frontière communautaire et lui ajoutait les droits de douane et les coûts postérieurs à l’importation ainsi que, le cas échéant, les droits de sauvegarde applicables.

67      Les requérantes exposent que, dans les observations du 4 août 2008, elles ont estimé que les prix à l’exportation devraient être établis au niveau des prix de vente des importateurs. Néanmoins, dans son document d’information spécifique, la Commission se serait limitée à exposer qu’un producteur-exportateur avait demandé la prise en compte à cet égard des coûts supportés par les importateurs pour leurs ventes et à fournir des nouveaux tableaux de calcul prenant en compte le prix caf, les droits de douane, une majoration de 2 % au titre des coûts d’importation et de la marge des importateurs ainsi que les droits de sauvegarde. Dans leurs observations sur ce document, les requérantes auraient contesté cette méthodologie et demandé des explications sur le calcul de la majoration de 2 % au titre des coûts d’importation et de la marge bénéficiaire de l’importateur, puisque la Commission n’aurait pas fourni d’élément indiquant que ladite majoration était appropriée. En outre, les requérantes auraient soulevé cette question lors de l’audition qui a eu lieu le 17 décembre 2008 et demandé à connaître les coûts inclus dans la majoration en question, sans pour autant recevoir de réponse. Le règlement attaqué ne contiendrait aucune explication sur ces questions, de sorte que les requérantes n’auraient pas reçu d’information sur le caractère approprié de cette majoration. À la suite de l’adoption du règlement attaqué, la Commission aurait exposé, dans sa lettre du 5 janvier 2009, que les termes « coûts d’importation » incluaient l’ensemble des frais (y compris les frais de transport par route) subis pour amener le produit à l’entrepôt de l’importateur. Or, les requérantes soutiennent que, même à la suite de cette communication tardive, elles ignoraient la source des données prises en compte, les éléments démontrant le caractère approprié de la majoration ainsi que les coûts inclus dans celle-ci.

68      Selon les requérantes, le respect des droits de la défense des parties concernées par une enquête antidumping impliquerait l’obligation pour les institutions de les informer non seulement de l’application d’un ajustement mais aussi des raisons le justifiant. Tel serait d’autant plus le cas lorsque l’ajustement en question affecte directement le niveau du droit applicable, comme en l’espèce. Aussi, en ne communiquant pas aux requérantes les éléments et chiffres sous-tendant la majoration en cause, la Commission les aurait empêchées de réfuter le fondement de son appréciation et d’influencer le niveau de droit applicable. En outre, les requérantes font valoir qu’une majoration de 2 % ne reflète pas tous les frais encourus jusqu’au niveau équivalant au stade départ usine de l’industrie communautaire et que le pourcentage approprié se situe entre 10 et 18 %.

69      Par ailleurs, le fait que le règlement attaqué ne contient aucune autre information sur les éléments et chiffres sous-tendant la majoration litigieuse serait constitutif d’un défaut de motivation à cet égard empêchant les requérantes de défendre leurs intérêts et au Tribunal d’exercer son contrôle.

70      Enfin, les requérantes soutiennent que le Conseil a méconnu le principe de bonne administration en ne tenant pas compte de leurs observations.

71      Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que la notion de coûts postérieurs à l’importation et la méthode pour calculer le prix total à l’exportation aux fins du calcul de la sous-cotation sont bien connues des praticiens de l’antidumping et que ces coûts ne comprennent pas les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais de l’importateur ni sa marge bénéficiaire, sauf dans l’hypothèse, non pertinente en l’espèce, où l’industrie communautaire et les exportateurs s’adresseraient à des types de clients différents.

72      Par ailleurs, le Conseil souligne que la majoration de 2 % pour les coûts postérieurs à l’importation, retenue en l’espèce, était fondée sur des éléments confidentiels.

73      S’agissant de la prétendue violation des droits de la défense, le Conseil soutient que les requérantes avaient déjà exposé, dans les observations du 4 août 2008, leur point de vue concernant les éléments à inclure dans le calcul des coûts postérieurs à l’importation. Ainsi, après avoir appris, par le document d’information finale, que la Commission avait inséré une majoration de 2 % pour tenir compte de ces coûts, elles disposaient, selon le Conseil, de toutes les informations nécessaires pour défendre leurs intérêts. En effet, elles auraient pu formuler des observations sur les éléments à prendre en considération dans le calcul des coûts postérieurs à l’importation et préciser en quoi ledit pourcentage était, à leur avis, trop bas. Dès lors, il ne s’agirait pas de la violation des droits de la défense mais d’une tentative de contester le bien-fondé du niveau de la majoration retenue par les institutions pour tenir compte des coûts postérieurs à l’importation, sans toutefois expliquer les raisons pour lesquelles une majoration plus importante aurait été nécessaire.

74      S’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation, le Conseil fait observer que ladite obligation des institutions n’implique pas qu’elles divulguent la source des preuves qui sous-tendent l’adoption d’une mesure, mais leur impose seulement d’expliciter les principaux points de droit et de fait leur ayant servi de support et étant nécessaires pour rendre compréhensible le raisonnement ayant amené à l’adoption de cette mesure.

 Appréciation du Tribunal

75      Il y a lieu de relever d’emblée que, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, comme c’est manifestement le cas lorsqu’il s’agit de choisir entre plusieurs méthodes pour calculer la marge de préjudice en matière d’antidumping, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union peut vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, précité, point 63).

76      S’agissant du droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue, il y a lieu de souligner que l’article 20 du règlement de base prévoit des modalités relatives à l’exercice du droit des parties concernées, notamment des exportateurs, à être entendues, lequel constitue un des droits fondamentaux reconnus par l’ordre juridique communautaire et comporte le droit d’être informé des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de droits antidumping définitifs (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 15, et arrêt du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T‑147/97, Rec. p. II‑4137, point 55).

77      À cet égard, les entreprises concernées par une enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son appréciation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêts Al-Jubail Fertilizer/Conseil, précité, point 17 ; Industrie des poudres sphériques/Conseil, précité, point 99 ; Champion Stationery e.a./Conseil, précité, point 55, et Kundan et Tata/Conseil, précité, point 132).

78      En outre, il ne saurait être imposé aux requérantes de démontrer que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent si l’information requise leur avait été donnée, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors que la requérante aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale (voir, en ce sens, arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, précité, point 94).

79      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que l’ajustement litigieux, appliqué au prix à l’exportation au titre de frais encourus après l’entrée des produits importés sur le territoire communautaire, a été opéré dans le cadre du calcul de la sous-cotation des prix et donc aux fins de la définition de la marge de préjudice, en vertu de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base. S’agissant de ce calcul, il importe de relever que la détermination du préjudice subi par l’industrie communautaire comporte, selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire. Cette détermination requiert une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et le prix qu’a obtenu ou aurait dû obtenir l’industrie communautaire lors des ventes effectuées sur le territoire communautaire. Afin de garantir le caractère équitable de la comparaison, il y a lieu de s’assurer, tout d’abord, que les prix sont comparés au même stade commercial. En effet, une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents aux stades commerciaux dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte de l’importance réelle du préjudice subi par l’industrie communautaire.

80      Par conséquent, afin que les principes énoncés aux points 76 et 77 ci-dessus soient respectés s’agissant de la comparaison entre le prix à l’exportation et le prix de l’industrie communautaire aux fins du calcul du préjudice résultant d’une pratique de dumping, les entreprises concernées doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur les éléments dont la Commission a tenu compte pour conclure que cette comparaison a été opérée au même stade commercial.

81      En l’espèce, dans le cadre de leurs observations sur le document d’information provisoire, les requérantes ont fait valoir que les prix à l’exportation devraient être ajustés au niveau départ usine de l’importateur, c’est-à-dire en incluant les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux de celui-ci ainsi qu’une marge bénéficiaire raisonnable. En effet, selon les requérantes, la concurrence entre les prix de l’industrie communautaire et les prix des produits importés se ferait à ce niveau.

82      En réponse à cette observation, la Commission a indiqué, au point 28 du document d’information générale, qu’« un producteur-exportateur a[vait] remis en question la méthode utilisée pour le calcul de la sous-cotation et a[vait] demandé un ajustement afin de refléter les coûts à la charge des opérateurs commerciaux pour leurs ventes indirectes » et que « [l]orsque cela était justifié, les calculs [avaient] été adaptés ». La Commission a par ailleurs annexé à ce document deux tableaux consacrés au calcul de la marge de préjudice.

83      À cet égard, force est de constater que la Commission a accepté la nécessité de procéder à un ajustement dans le but de calculer la marge de préjudice.

84      Or, tout d’abord, les deux tableaux annexés au document d’information spécifique contiennent des indications contradictoires quant aux coûts censés être reflétés dans l’ajustement litigieux. En effet, alors que le tableau portant le titre « Underselling margin = injury margin » indique, dans la colonne 4, que l’ajustement en question inclut uniquement les coûts d’importation, c’est-à-dire les coûts jusqu’à l’entrepôt de l’importateur selon la lettre du 5 janvier 2009, le tableau suivant indique que le même ajustement incorpore aussi la marge bénéficiaire réalisée par l’importateur.

85      Ensuite, à supposer que les requérantes aient dû comprendre que l’ajustement en question n’incluait que les frais encourus jusqu’à l’arrivée de la marchandise à l’entrepôt de l’importateur, comme il est raisonnable de le supposer au vu de la taille modeste de cet ajustement, aucun élément parmi ceux qui ont été communiqués aux requérantes durant la procédure administrative n’est consacré à la question de savoir pourquoi ce stade de la chaîne de distribution des produits importés est l’équivalent du niveau départ usine de l’industrie communautaire et, par voie de conséquence, pourquoi cet ajustement est approprié. Or, étant donné qu’une comparaison équitable, c’est-à-dire au même stade commercial, entre le prix à l’exportation et le prix de l’industrie communautaire constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice, il ne saurait être considéré que les opérateurs concernés soient en mesure de faire valoir utilement leur point de vue lorsque aucun élément justifiant ce caractère équitable ne leur est communiqué.

86      Force est donc de constater que les requérantes invoquent à juste titre une violation de leurs droits de la défense du fait de ne pas avoir eu droit aux informations nécessaires pour apprécier si, au regard de la structure du marché, l’ajustement litigieux était approprié en ce sens qu’il permettait d’opérer une comparaison entre le prix à l’exportation et le prix de l’industrie communautaire au même stade commercial. Il convient de préciser que ces informations ne sont pas des données confidentielles, dans la mesure où il s’agit de définir, en le motivant, le stade commercial des produits importés correspondant au stade « départ usine » de l’industrie communautaire et de procéder à un ajustement approprié pour tenir compte de l’ensemble des coûts s’y rapportant. Il est, en outre, patent que les arguments des requérantes à cet égard auraient pu influer sur le contenu de la proposition de mesures définitives.

87      L’argument du Conseil (voir pont 71 ci-dessus) selon lequel il est connu que la notion de coûts postérieurs à l’importation inclut les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux ainsi qu’une marge bénéficiaire raisonnable de l’importateur uniquement lorsque les producteurs-exportateurs et l’industrie communautaire s’adressent à des types de clients différents, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, ne remet pas en cause la conclusion formulée au point précédent.

88      En effet, même s’il y a lieu d’approuver l’affirmation du Conseil selon laquelle, en substance, l’ajustement plus élevé réclamé par les requérantes est justifié seulement lorsque l’industrie communautaire vend essentiellement sa production à des clients autres que les importateurs, ces derniers étant les clients des producteurs-exportateurs et acheminant le produit concerné sur le marché communautaire [voir, à titre d’illustration, le considérant 65 du règlement (CE) n° 2155/97 du Conseil, du 29 octobre 1997, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en matières textiles originaires de la République populaire de Chine et d’Indonésie, et percevant définitivement le droit provisoire imposé (JO L 298, p. 1)], il n’en demeure pas moins que les éléments communiqués à la requérante au cours de l’enquête ne contiennent aucune appréciation à cet égard.

89      Il importe d’ajouter que, dans la mesure où les éléments pertinents pour cette analyse sont normalement entre les mains des importateurs et de l’industrie communautaire, il ne saurait incomber aux requérantes de les produire devant la Commission afin d’avoir droit à une appréciation motivée à cet égard.

90      Enfin, le fait que les requérantes aient pu demander à la Commission, avant l’envoi du document d’information générale, d’établir le prix à l’exportation au niveau des prix de vente des importateurs indépendants n’altère pas cette appréciation. En effet, ce qui importe pour le respect des droits de la défense lors de l’établissement du document d’information générale est la possibilité pour l’intéressé de connaître les éléments qui, selon la Commission, démontrent le caractère équitable de la comparaison des prix à laquelle elle procède, d’autant plus lorsque la Commission, comme en l’espèce, n’a pas suivi la proposition de celui-ci à ce sujet dans ledit document.

91      Pour ces mêmes raisons, les éléments qui, selon les institutions, démontrent que la comparaison entre le prix à l’exportation et le prix de l’industrie communautaire a été faite au même stade commercial sont d’une importance capitale non seulement pour l’exercice effectif des droits de la défense mais également pour le caractère complet de la motivation du règlement attaqué. Étant donné que ce dernier ne contient pas davantage d’informations que les documents communiqués par les institutions au cours de la procédure administrative sur ce point, force est de constater qu’il est entaché d’un défaut de motivation empêchant l’exercice effectif d’un contrôle juridictionnel de sa légalité à cet égard.

92      Il importe d’ajouter que l’explication donnée par le Conseil dans ses écritures, selon laquelle la structure du marché européen ne justifiait pas l’ajustement réclamé par les requérantes (voir point 71 ci-dessus), ne remet pas en cause cette appréciation. En effet, tout d’abord, la motivation d’un acte doit figurer dans le corps même de celui-ci et ne saurait résulter des explications écrites ou orales données ultérieurement, alors qu’il fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 287, et la jurisprudence citée). Ensuite, et en tout état de cause, l’explication du Conseil consiste, en substance, en une simple affirmation selon laquelle, contrairement à ce qu’ont affirmé les requérantes durant la procédure administrative (voir point 81 ci-dessus), l’industrie communautaire et les producteurs-exportateurs s’adressent aux mêmes types de clients, sans pour autant expliquer sur quels éléments ressortant de l’enquête repose cette conclusion.

93      Il y a donc lieu d’accueillir les griefs tirés d’une violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la violation du principe de bonne administration. Par ailleurs, le défaut de motivation constaté ci-dessus fait obstacle à l’examen du bien-fondé des allégations selon lesquelles l’ajustement appliqué n’est pas approprié.

 Sur la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base 

 Arguments des parties

94      Les requérantes rappellent, d’une part, que, selon l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, la Commission est tenue de consulter le comité antidumping avant d’envoyer sa proposition d’adoption de mesures définitives au Conseil et, d’autre part, que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base, le président du comité antidumping doit communiquer aux États membres, dans les meilleurs délais, au plus tard dix jours avant la réunion dudit comité, tous les éléments d’information utiles. Puisque, en l’espèce, le comité antidumping s’est réuni le 25 novembre 2008, les États membres auraient dû recevoir lesdits éléments d’information au plus tard le 11 novembre 2008, soit bien avant l’expiration du délai imparti aux requérantes pour le dépôt de leurs observations sur le document d’information finale, ce délai expirant le 20 novembre 2008.

95      Il s’ensuivrait qu’à partir du 11 novembre 2008 la Commission n’envisageait plus de modifier sa proposition de règlement définitif. En tout état de cause, elle n’aurait pas eu de réelle possibilité de réexaminer ou de modifier sa proposition de règlement définitif, à la suite des observations du 20 novembre 2008, puisqu’il ne lui serait resté que deux jours ouvrables entre cette date et la réunion du comité antidumping prévue le 25 novembre 2008.

96      Les requérantes précisent que le fait de donner au comité antidumping des informations complètes est d’autant plus important que ce serait dans le cadre de celui-ci qu’interviendrait, dans la pratique, l’approbation des mesures antidumping par les États membres, la procédure se déroulant au sein du Conseil ne donnant normalement pas lieu à des modifications. Dès lors, il serait fondamental que le comité antidumping dispose non seulement des documents établis par la Commission, mais également des observations des exportateurs.

97      Selon les requérantes, la circonstance que la Commission puisse ultérieurement modifier sa proposition, y compris sur la base de l’article 250, paragraphe 2, CE ne saurait autoriser ladite institution à clore prématurément la procédure.

98      Enfin, les requérantes soutiennent que la consultation du comité antidumping vise notamment à protéger les droits de la défense des parties. Ainsi, la violation des dispositions régissant cette consultation pourrait entraîner l’annulation du règlement attaqué, puisqu’il ne s’agirait pas, à la différence de ce que prétend le Conseil dans son mémoire en défense, d’une règle de procédure interne ayant uniquement pour objet de garantir le bon fonctionnement de l’institution au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil (C‑69/89, Rec. p. I‑2069, points 48 à 51). Par ailleurs, il ressortirait de la jurisprudence du Tribunal que seules certaines dispositions régissant les procédures internes à une institution pourraient être invoquées par les particuliers.

99      Le Conseil et la Commission contestent les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

100    L’article 15, paragraphe 2, du règlement de base prévoit que le comité antidumping se réunit sur convocation de son président, qui communique aux États membres, « au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion, tous les éléments d’information utiles ».

101    Dès lors, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la question de savoir si les requérantes peuvent se prévaloir d’une éventuelle violation de cette disposition.

102    Il convient d’observer que, dans l’arrêt Nakajima/Conseil, précité, la Cour a jugé que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir d’une prétendue violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers, mais qui ont pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration, telles que celles relatives au respect du délai prévu pour l’établissement de l’ordre du jour provisoire d’une session du Conseil ou à la disponibilité de toutes les versions linguistiques d’un règlement le jour de son adoption (points 48 à 51).

103    Cela ne signifie pas, pour autant, qu’un particulier ne puisse jamais utilement invoquer la violation d’une règle régissant le processus décisionnel aboutissant à l’adoption d’un acte de l’Union. En effet, il convient de distinguer, parmi les dispositions régissant les procédures internes à une institution, celles dont la violation ne peut être invoquée par les personnes physiques et morales, parce qu’elles ne concernent que les modalités de fonctionnement interne de l’institution qui ne sont pas susceptibles d’affecter leur situation juridique, de celles dont la violation peut, au contraire, être invoquée, dès lors qu’elles sont créatrices de droits et facteur de sécurité juridique pour ces personnes.

104    Ainsi, la méconnaissance d’une règle relative à la consultation d’un comité n’est susceptible d’entacher d’illégalité la décision finale de l’institution concernée que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle affecte, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de procédure. En effet, la consultation d’un comité constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de l’acte adopté à la suite de la consultation s’il est établi que l’absence de transmission de certains éléments essentiels n’a pas permis au comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 88, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 742).

105    Tel n’est pas le cas lorsque les documents non transmis au comité, ou transmis tardivement, ne contiennent pas d’éléments d’appréciation importants, inédits par rapport à ceux figurant déjà dans le dossier communiqué au comité lors de la convocation. En effet, dans une hypothèse de ce type, l’absence de transmission ou le retard dans la transmission, par la Commission, d’un document n’a aucune incidence sur l’issue de la procédure de consultation. Dès lors, une telle omission n’est pas susceptible de vicier l’ensemble de la procédure administrative et de mettre ainsi en cause la légalité de l’acte final (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, Rec. p. II‑485, point 23).

106    Par ailleurs, la possibilité qu’une violation des dispositions régissant la consultation d’un comité affecte la légalité de l’acte finalement adopté n’est pas remise en cause par le caractère non contraignant de l’avis du comité.

107    Se pose, dès lors, la question de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, le fait que la Commission n’ait pas attendu les observations des requérantes sur le document d’information finale avant de saisir le comité antidumping ou, en tout état de cause, qu’elle n’ait pas reporté la discussion sur la proposition de règlement à une réunion ultérieure de ce comité, après avoir reçu et analysé lesdites observations, doit être considéré comme une violation d’une formalité substantielle affectant la légalité de l’acte adopté à la suite de la consultation.

108    Tel ne saurait être le cas que dans l’hypothèse où les observations en cause apporteraient des éléments d’appréciation importants et nouveaux par rapport à ceux dont le comité antidumping disposait dès la réception de la convocation.

109    Or, il ressort de l’examen des autres griefs des requérantes effectué ci-dessus que les observations du 20 novembre 2008 n’apportent pas de tels éléments. En effet, premièrement, la méthode suivie par la Commission pour le calcul des volumes des ventes de l’industrie communautaire, dont les requérantes n’ont pas contesté le bien-fondé dans les observations du 20 novembre 2008, pouvait être appréciée à la lecture du règlement provisoire et du document d’information finale. Deuxièmement, quant aux prix des matières premières, les requérantes avaient déjà soulevé leurs objections dans les observations du 4 août 2008 et le document d’information finale y avait apporté une réponse, sans que les requérantes ne produisent d’élément nouveau dans les observations du 20 novembre 2008. Troisièmement, en ce qui concerne les coûts postérieurs à l’importation, dans les observations du 20 novembre 2008, les requérantes ont dû se limiter à invoquer un manque d’explication, la violation des droits de la défense constatée ci-dessus les ayant empêchées de se prononcer sur le bien-fondé du calcul du prix des produits provenant de Chine et de produire des éléments d’appréciation nouveaux et importants par rapport aux objections qu’elles avaient déjà fait valoir dans les observations du 4 août 2008.

110    Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base n’a pas été violé.

111    Le présent grief doit dès lors être rejeté comme non fondé.

112    Il résulte de ce précède que le règlement attaqué doit être annulé pour violation des droits de la défense et pour défaut de motivation en ce qu’il concerne les requérantes.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que le Conseil supportera, outre ses propres dépens, la moitié des dépens des requérantes.

114    Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (CE) n° 1355/2008 du Conseil, du 18 décembre 2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains agrumes préparés ou conservés (mandarines, etc.) originaires de la République populaire de Chine, est annulé dans la mesure où il concerne Zhejiang Xinshiji Foods Co. Ltd et Hubei Xinshiji Foods Co. Ltd.

2)      Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods supporteront la moitié de leurs dépens.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Forwood

Moavero Milanesi

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 février 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.