Language of document : ECLI:EU:T:2010:290

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 juillet 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale CARLO RONCATO – Marques nationales figuratives RV RONCATO et verbale RONCATO non enregistrées – Marques nationales figurative antérieure RV RONCATO et verbale antérieure RONCATO – Absence de risque de profit tiré indûment du caractère distinctif et de la renommée des marques antérieures – Existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑124/09,

Valigeria Roncato SpA, établie à Campodarsego (Italie), représentée par Mes P. Perani et P. Pozzi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Roncato Srl, établie à Campodarsego, représentée par Mes M. Cartella et M. Fazzini, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 janvier 2009 (affaires R 237/2008‑1 et R 236/2008‑1), relative à une procédure d’opposition entre Valigeria Roncato SpA et Roncato Srl,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 21 juillet 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 octobre 2005, l’intervenante, Roncato Srl, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CARLO RONCATO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 9 et 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, lunettes, appareils et instruments de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ».

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 9/2006, du 27 février 2006.

5        Le 26 mai 2006, la requérante, Valigeria Roncato SpA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009).

6        À l’appui de son opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009), la requérante faisait valoir : 

–        la marque figurative italienne, enregistrée le 14 novembre 1995 sous le numéro 662773 et renouvelée en 2005, pour les « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; malles et valises ; valises, valisettes, sacs, sacs à main, sacs de voyage, malles de voyage, mallettes, valises pour voyager en avion », relevant de la classe 18, représentée ci-après :

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–        la marque verbale italienne RONCATO, enregistrée le 13 juin 1989 et renouvelée en 1997, pour les « valises, malles de toutes matières, formes et dimensions, peaux, cuir et imitations du cuir », relevant de la classe 18.

7        À l’appui de son opposition, fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009), la requérante faisait valoir des marques non enregistrées désignant les « montres, porte-clés en métal et en argent, porte-clés en métal plaqué, sacoches pour ordinateurs, adaptateurs, prises électriques, masques de repos pour le visage, bouchons pour les oreilles », à savoir :

–        le signe verbal RONCATO ;

–        le signe figuratif :

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–        le signe figuratif :

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8        Par décision du 29 novembre 2007, la division d’opposition a fait partiellement droit à l’opposition et a rejeté la demande d’enregistrement pour les « savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux », relevant de la classe 3, ainsi que pour tous les produits relevant de la classe 14. Elle a rejeté l’opposition pour tous les autres produits.

9        La requérante et l’intervenante ont formé, respectivement, le 25 janvier et le 28 janvier 2008, un recours contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 23 janvier 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a rejeté le recours de la requérante et a fait droit au recours présenté par l’intervenante en rejetant l’opposition. La chambre de recours a considéré, en substance, que, d’une part, les preuves présentées au soutien de la notoriété des marques non enregistrées invoquées étaient insuffisantes et, d’autre part, la requérante n’avait pas avancé d’arguments convaincants en ce qui concerne le profit indu que la marque demandée tirerait du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures enregistrées. La chambre de recours a également constaté l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens aux fins de la procédure devant le Tribunal et à ceux exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : 

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : 

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

15      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir exigé, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 et de l’article 12, paragraphe 1, sous b), du code de la propriété industrielle italien (ci-après le « CPI »), que la marque en question jouisse d’un degré élevé de notoriété  en relation avec les produits pour lesquels elle est utilisée. Selon elle, un usage sérieux serait suffisant. Elle soutient également que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié les preuves qu’elle avait produites, lesquelles suffisaient pour démontrer un usage effectif, continu et suffisamment ancien des marques antérieures non enregistrées en relation avec les produits pour lesquels l’usage antérieur a été invoqué.

16      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

17      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale peut former opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire, lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable, d’une part, des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire et, d’autre part, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

18      Il résulte de la locution « lorsque et dans la mesure où, selon […] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », que les deux conditions, énoncées à la suite de ce membre de phrase à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 40/94 [l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), étant devenu article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 207/2009], constituent des conditions qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi s’explique par le fait que le règlement n° 40/94 reconnaît à des signes étrangers au système de la marque communautaire la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque communautaire. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque communautaire et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [arrêt du Tribunal du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, Rec. p. II‑649, point 34].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il incombe à la chambre de recours de prendre en considération aussi bien la législation nationale applicable en vertu du renvoi opéré par cette disposition que les décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, la requérante doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Last Minute Network/OHMI – Last Minute Tour (LAST MINUTE TOUR), T‑114/07 et T‑115/07, Rec. p. II‑1919, point 47, et la jurisprudence citée].

20      La législation nationale applicable en l’espèce est l’article 12, paragraphe 1, sous b), du CPI, qui prévoit ce qui suit :

« Ne sont pas nouveaux […] les signes qui, à la date du dépôt de la demande […] sont identiques ou similaires à un signe déjà connu comme marque ou signe distinctif de produits ou de services fabriqués, mis dans le commerce ou fournis par des tiers pour des produits ou services identiques ou similaires, si en raison de l’identité ou de la ressemblance entre les signes et de l’identité ou de la similitude entre les produits ou les services est susceptible d’apparaître un risque de confusion pour le public, pouvant consister notamment en un risque d’association entre les deux signes […] L’usage antérieur du signe, lorsqu’il ne confère pas de notoriété à celui-ci ou qu’il ne lui confère qu’une notoriété purement locale, ne lui ôte pas sa nouveauté, mais le tiers ayant fait un usage antérieur du signe a le droit de poursuivre l’usage de la marque, y compris à des fins publicitaires, dans les limites d’une diffusion locale, et ce nonobstant l’enregistrement de la marque elle-même. »

21      Il ressort de la réglementation nationale que, afin de s’opposer à l’enregistrement d’un signe en tant que marque, la marque non enregistrée doit avoir acquis une notoriété qui n’est pas seulement locale, étant précisé que les signes dont l’utilisation n’est pas notoire peuvent continuer à être utilisés. Une distinction est ainsi opérée par le droit national entre les signes antérieurs n’ayant pas acquis une notoriété, les signes dont la notoriété serait seulement locale et les marques non enregistrées notoires qui seules peuvent empêcher la reconnaissance de la nouveauté d’une marque. Ainsi, seules les marques notoirement connues et dont la notoriété n’est pas purement locale peuvent faire obstacle à l’enregistrement de la marque demandée.

22      Il ressort également de l’arrêt du 12 juillet 1984 de la Corte d’appello di Firenze (cour d’appel de Florence, Italie), joint en annexe au mémoire en réponse de l’OHMI, que « la notoriété générale de la marque ayant fait l’objet d’une utilisation antérieure est la condition indispensable pour écarter le droit du titulaire de la marque ».

23      La chambre de recours a constaté, aux points 28 et 77 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé que les marques qu’elle invoquait étaient notoirement utilisées pour désigner les produits pour lesquels l’usage antérieur avait été invoqué, à savoir les montres, les porte-clés en métal et en argent, les porte-clés en métal plaqué, appartenant à la classe 14, et les sacoches pour les ordinateurs, les adaptateurs, les prises électriques, les masques de repos pour le visage, les bouchons pour les oreilles, appartenant à la classe 9.

24      S’agissant, en premier lieu, des preuves de l’usage antérieur, la chambre de recours n’a pas pu évaluer le degré de notoriété de l’utilisation des marques non enregistrées alléguées pour les produits concernés, car la déclaration solennelle sur le chiffre d’affaires et sur les dépenses publicitaires et promotionnelles fournie par la requérante ne distinguait pas entre ses produits traditionnels et ses autres produits. La chambre de recours a par ailleurs constaté que les catalogues publicitaires fournis par la requérante étaient destinés aux commerçants et non au public général. Les preuves apportées par la requérante ont ainsi été considérées comme insuffisantes pour démontrer l’usage notoire au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous b), du CPI.

25      Ces considérations de la chambre de recours doivent être approuvées. En effet, les preuves apportées par la requérante, telles que décrites par les parties, ne contiennent aucune information relative au degré de connaissance ou de reconnaissance des marques antérieures non enregistrées ou tout autre élément permettant de déduire qu’elles sont notoirement connues en Italie ou sur une partie substantielle du territoire italien.

26      La requérante soutient que la jurisprudence italienne distingue la notion de « notoriété » de celle de « réputation » en précisant que, par « notoriété générale », il faut entendre une simple connaissance de la marque par le public. Il y a lieu de relever à cet égard que, contrairement aux affirmations de la requérante, la chambre de recours n’a pas exigé des preuves d’une notoriété élevée de la marque non enregistrée, mais seulement des preuves attestant la connaissance de la marque par le public, ainsi qu’il est prévu par le CPI.

27      S’agissant, en second lieu, de l’argument de la requérante selon lequel, en vertu des directives relatives aux procédures devant l’OHMI, la preuve de l’usage antérieur de la marque non enregistrée doit être appréciée selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009), il convient de constater que lesdites directives concernent la qualification et l’administration de la preuve et il ne ressort nullement de ces directives que les mêmes critères doivent être appliqués au cas des marques antérieures non enregistrées. Ces directives précisent seulement que les preuves apportées seront examinées dans les mêmes conditions. Par ailleurs, les directives relatives aux procédures devant l’OHMI, publiées sur son site Internet, ne constituent que la codification d’une ligne de conduite qu’il se propose lui-même d’adopter, de sorte que, sous réserve de leur conformité aux dispositions de droit de rang supérieur, il en résulte une autolimitation de l’OHMI, en ce qu’il lui appartient de se conformer à ces règles, qu’il s’est imposées. En revanche, ces directives ne sauraient déroger au règlement n° 40/94, et c’est donc uniquement à l’aune de ce dernier qu’il convient de traiter une procédure d’opposition [arrêt du Tribunal du 12 mai 2009, Jurado Hermanos/OHMI (JURADO), T‑410/07, Rec. p. II‑1345, point 20].

28      Il convient de rappeler à cet égard que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 vise à protéger les marques non enregistrées en les assimilant à des marques enregistrées, alors que l’article 43, paragraphe 2, dudit règlement définit les conditions dans lesquelles le titulaire d’une marque communautaire antérieure enregistrée peut former opposition contre une demande d’enregistrement. Il y a également lieu de rappeler que la réglementation italienne ne requiert pas la preuve d’un usage sérieux de la marque, mais la notoriété de cet usage auprès du public.

29      Dès lors, la jurisprudence concernant l’usage antérieur au sens de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 invoquée par la requérante n’est pas applicable en l’espèce.

30      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques antérieures non enregistrées n’avaient pas acquis une notoriété générale et, dès lors, ne satisfaisaient pas aux conditions posées par la législation et la jurisprudence italiennes pour interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

31      Étant donné que les conditions posées par l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sont cumulatives, il suffit que l’une d’entre elles ne soit pas satisfaite pour qu’une opposition soit rejetée. En conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

32      Selon la requérante, la chambre de recours a considéré, à tort, que ses arguments portaient sur le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), alors qu’elle faisait valoir la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. À cet égard, elle estime que toutes les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 sont réunies. Plus particulièrement, elle soutient que le public, en présence des produits couverts par la marque demandée, pourrait établir un lien entre elle et ces produits, ce qui constituerait un avantage indu, les produits de l’intervenante profitant gratuitement de ses investissements dans les campagnes publicitaires. Elle conteste également les considérations de la chambre de recours concernant l’existence d’un juste motif au sens de cette disposition.

33      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

34      En vertu de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

35      Par ailleurs, il convient d’interpréter l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 en ce sens qu’il peut être invoqué à l’appui d’une opposition formée aussi bien à l’encontre d’une demande de marque communautaire visant des produits et des services non identiques à ceux désignés par la marque antérieure et non similaires qu’à l’encontre d’une demande de marque communautaire visant des produits identiques à ceux de la marque antérieure ou similaires [arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, SIGLA/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, point 33].

36      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, les marques antérieures prétendument renommées doivent être enregistrées. Deuxièmement, ces dernières et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elles doivent jouir d’une renommée dans la Communauté, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée des marques antérieures. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal VIPS, précité, points 34 et 35 ; du 30 janvier 2008, Japan Tobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T‑128/06, non publié au Recueil, point 45, et du 21 janvier 2010, G-Star Raw Denim/OHMI – ESGW (G Stor), T‑309/08, non publié au Recueil, point 23].

37      La requérante et l’OHMI s’accordent pour considérer que les trois premières conditions posées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 sont remplies en l’espèce : les marques antérieures ont été enregistrées en Italie, les éléments dominants dans les marques en question sont identiques et la renommée des marques antérieures en Italie a été prouvée.

38      L’intervenante, quant à elle, estime que les marques en conflit ne sont ni similaires ni identiques.

39      Il y a lieu de commencer par examiner si la quatrième condition posée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 est remplie en l’espèce.

40      Cette disposition vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir arrêt VIPS, précité, points 36 à 42, et la jurisprudence citée).

41      Il convient de rappeler que le titulaire des marques antérieures n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à ses marques. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire des marques antérieures ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire des marques antérieures doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 38).

42      En l’espèce, la requérante soutient qu’il existe un risque que la marque demandée tire un profit indu du caractère distinctif élevé et de la renommée des marques antérieures. Plus précisément, l’intervenante pourrait établir un lien entre ses produits et ceux de la requérante, ainsi qu’avec la tradition de cette dernière, en exploitant le pouvoir d’attraction, les fonds de commerce, l’image d’excellence ainsi que la qualité associée au signe distinctif de la requérante. L’intervenante profiterait ainsi gratuitement des investissements, des campagnes publicitaires ainsi que de l’attention constamment apportée par la requérante aux produits et aux consommateurs.

43      La chambre de recours a considéré que les arguments de la requérante étaient insuffisants pour démontrer l’avantage indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ainsi que le préjudice porté à la renommée de ces marques.

44      Il convient de rappeler que l’existence d’un lien entre les marques en conflit ne dispense pas le titulaire des marques antérieures de rapporter la preuve d’une atteinte effective et actuelle à ses marques, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, ou d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, précité, point 71).

45      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante n’a apporté aucune preuve susceptible de démontrer que la marque demandée tirait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures.

46      La requérante soutient également que le secteur des produits relevant de la classe 3 couverts par la marque demandée présente pour elle un marché d’expansion potentielle.

47      À cet égard, il y a lieu d’ajouter qu’un préjudice hypothétique ne suffit pas pour établir qu’un risque sérieux d’atteinte aux marques antérieures se produise dans le futur.

48      Par ailleurs, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure doit être entendu comme englobant les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation [arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, point 51].

49      Tel n’est manifestement pas le cas dans le présent litige. En effet, ces éléments de l’histoire commune des marques en conflit ne permettent pas de constater une action de parasitisme manifeste ou une tentative de tirer un profit de la réputation des marques antérieures par la marque demandée. Ainsi que la chambre de recours l’a constaté, la requérante et l’intervenante avaient fait partie d’un même groupe de sociétés dissous en 1995, en évoquant notamment l’accord conclu entre les deux frères Carlo et Giovanni Roncato, par lequel ceux-ci se reconnaissaient mutuellement le droit d’utiliser la marque RONCATO. Elle a également constaté que le public italien était exposé depuis des années à l’usage simultané de marques comportant l’élément « roncato » avec des éléments de différenciation. Ensuite, elle a indiqué que Roncato était le nom de famille de deux personnes unies par un lien familial et que l’entreprise à l’origine de deux sociétés était fondée par leur père. Elle a fait remarquer également que la requérante avait toléré la présence de la marque de l’intervenante sur le marché des valises et des sacs. La chambre de recours a enfin ajouté que le litige en cause était assez éloigné du cas classique du concurrent malhonnête qui décide d’enregistrer sous son nom une autre marque célèbre afin d’en tirer un avantage indu.

50      Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que la chambre de recours avait méconnu l’article 8, paragraphe 5 du règlement n° 40/94, en considérant que l’avantage indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ainsi que le préjudice porté à la renommée de ces marques n’avaient pas été démontrés.

51      Il convient de relever que l’examen de l’existence d’au moins un des trois types de risques visés par la quatrième condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 doit, logiquement, précéder l’appréciation des éventuels « justes motifs ». S’il s’avère qu’aucun de ces trois types de risques n’existe, l’enregistrement et l’usage de la marque demandée ne peuvent être empêchés, l’existence ou l’absence de justes motifs pour l’usage de la marque demandée étant, dans ce cas, dépourvue de pertinence (arrêt VIPS, précité, point 60).

52      Une des conditions nécessaires à l’application des dispositions de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’étant pas remplie, le moyen tiré de la violation de cette disposition n’est pas fondé. Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

54      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Valigeria Roncato SpA est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juillet 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.