Language of document : ECLI:EU:F:2011:120

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

14 juillet 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Article 45 du statut – Erreur manifeste d’appréciation – Points de mérite – Examen comparatif des mérites – Motivation »

Dans l’affaire F‑81/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Vidas Praskevicius, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes P. Nelissen Grade et G. Leblanc, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme V. Montebello-Demogeot et M. N. B. Rasmussen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de M. H. Tagaras, président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, M. Praskevicius demande notamment l’annulation de la décision du Parlement européen de ne pas l’inclure dans la liste des fonctionnaires promus au grade AD 6 au titre de l’exercice de promotion 2009 et la condamnation du Parlement au versement de 500 euros en réparation du préjudice moral prétendument subi.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« Afin de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après ‘ancienne structure des carrières’) et la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur après de 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘nouvelle structure des carrières’) et sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite, énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, point B. Ces taux s’appliquent sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er mai 2004. »

3        Aux termes de l’article 25, deuxième alinéa, du statut :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

4        L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f) et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

5        Le 6 juillet 2005, le bureau du Parlement a adopté une décision portant politique de promotion et de programmation des carrières, modifiée en dernier lieu par décision du bureau du 21 avril 2008 (ci-après la « décision Politique de promotion »). Le point I.1 de ladite décision prévoit :

« Le mérite n’est pas une notion statique, mais un concept dynamique qui prend en compte la constance des efforts dans le temps. La notion de mérite recouvre, par exemple, la manière dont le fonctionnaire/agent s’acquitte des tâches qui lui sont confiées conformément à la description des fonctions contenue dans le rapport de notation, le niveau des services rendus, une mobilité réussie, le niveau de responsabilité exercée, la réalisation d’un projet ou d’une étude complexe ainsi que de travaux exceptionnels, l’expérience professionnelle dans un secteur donné, la capacité d’assumer davantage de responsabilités et l’utilisation des langues autres que la langue dont le noté justifie posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f), du statut.

Le mérite d’un fonctionnaire/agent définit le rythme de progression de sa carrière.

L’institution assure, dans un souci d’égalité de traitement et des genres, à chaque fonctionnaire/agent méritant une progression régulière vers les grades supérieurs. Celle-ci se réalise selon un plan d’avancement de carrière qui s’inscrit dans la programmation budgétaire sur laquelle le système de promotion s’appuie. »

6        Le point I.3.2 de décision Politique de promotion dispose :

« Sans préjudice des dispositions statutaires relatives à la promotion, il existe pour chaque grade un nombre minimal de points de mérite ou ‘seuil de référence’ à partir duquel un fonctionnaire/agent sera d’office pris en considération dans le cadre de l’examen des promotions

Ce seuil de référence est égal au nombre d’années de la ‘durée moyenne dans le grade’, tel qu’il figure dans le plan d’avancement de carrière (voir point I.2.), multiplié par 2. »

7        Le point I.3.3 de la décision Politique de promotion prévoit :

« Sur la base d’une comparaison des mérites, l’[autorité investie du pouvoir de nomination] peut refuser la promotion au fonctionnaire qui a atteint le seuil de référence :

–        si la moyenne de ses points de mérite par année dans le grade est inférieure à 1,

–        si le fonctionnaire a reçu zéro point au moins une fois dans les deux ans précédant la dernière année dans le grade ou

–        si, dans l’année précédant l’exercice de promotion en cours, le fonctionnaire a fait l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’une mise en garde suite à une enquête administrative.

Le fonctionnaire ayant reçu zéro point pour la dernière année dans le grade ne peut être promu ».

8        La décision Politique de promotion a été mise en œuvre par décision du secrétaire général du 6 mai 2008 portant mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion.

9        Enfin, l’article 4, paragraphe 8, des directives internes relatives aux comités consultatifs de promotion, adoptées par le secrétaire général du Parlement, le 19 octobre 2005 (ci-après les « directives internes »), prévoit que lesdits comités établissent « la liste des fonctionnaires dont ils recommandent la promotion. Cette liste comportera au maximum un nombre de candidats égal au nombre de possibilités de promotion ». L’article 5, paragraphe 2, desdites directives prévoit que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») « motivera par écrit tout écart par rapport aux avis des comités » et que, « [a]u cas où l’AIPN propose des promotions ou des passages au grade supérieur en faveur de fonctionnaires ou d’agents contractuels non recommandés et/ou qui n’ont pas atteint le seuil de référence des points de mérite, les comités seront appelés à émettre leur avis ».

 Faits à l’origine du litige

10      Le 1er octobre 2003, le requérant a été recruté par le Parlement en qualité d’agent auxiliaire, puis, le 1er mai 2006, en qualité d’agent temporaire.

11      Lauréat d’un concours général destiné à permettre le recrutement de traducteurs, il a été nommé, avec effet au 1er janvier 2007, en qualité de fonctionnaire stagiaire, de grade AD 5, et titularisé à compter du 1er avril 2008.

12      Lors de l’exercice de promotion de 2009, le requérant était administrateur à la direction générale (DG) « Traduction » et avait accumulé 4 points au rythme d’un point pour l’année 2006, d’un point pour l’année 2007 et de deux points pour l’année suivante.

13      Le 2 décembre 2009 ont été publiées la liste des fonctionnaires recommandés pour la promotion, au titre de l’exercice 2009, par le comité consultatif de promotion et la liste des fonctionnaires promus au titre de ce même exercice. Le nom du requérant figurait sur la première liste, mais pas sur la seconde.

14      Par lettre du 24 février 2010, le requérant a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la liste des fonctionnaires promus, publiée le 2 décembre 2009, en ce qu’elle ne mentionne pas son nom. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 21 juin 2010.

15      Postérieurement à l’introduction du présent recours, le requérant a été promu au grade AD 6 avec effet au 1er janvier 2010.

 Conclusions des parties et procédure

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable et fondée ;

–        « avant dire droit, et à titre de mesures d’instruction, ordonner à la partie défenderesse qu’elle produise les documents pertinents de nature à permettre de vérifier dans quelles conditions s’est fait l’examen comparatif des mérites pour l’exercice de promotion 2009, et notamment de produire le tableau de comparaison des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus au grade AD 6, ainsi que le compte-rendu ou procès-verbal du comité consultatif de promotion » ;

–        annuler la décision de l’AIPN du 21 juin 2009 portant rejet de la réclamation ;

–        annuler la liste des fonctionnaires promus, publiée le 2 décembre 2009, en ce qu’elle ne mentionne pas son nom ;

–        indiquer à l’AIPN les effets qu’emportent l’annulation des décisions susvisées et, notamment, le classement au grade AD 6, ainsi que la date de prise d’effet de la promotion au grade AD 6, à savoir le 1er janvier 2009 ;

–        octroyer au requérant 500 euros à titre de réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

17      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        décider sur les dépens comme de droit.

18      Le Tribunal ayant estimé qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire a clôturé, le 10 décembre 2010, la procédure écrite après le dépôt du mémoire en défense.

19      Par lettre du 23 décembre 2010, le requérant a cependant demandé au Tribunal de pouvoir déposer un mémoire en réplique en annexant à ce courrier une note du jurisconsulte du Parlement, du 21 décembre 2009, concernant les enseignements à tirer d’arrêts récents du Tribunal sur la légalité des procédures de notation et de promotion au sein du secrétariat général du Parlement. Le requérant entendait se prévaloir de cette note au soutien des conclusions de sa requête. Lors de l’audience, le Parlement a formellement demandé le retrait de cette note du dossier du Tribunal.

20      À cet égard, quelle que soit la pertinence de la note du jurisconsulte aux fins de la solution du litige, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que de tels documents internes puissent être produits par des personnes autres que les services à la demande desquels ils ont été établis dans un litige devant le Tribunal sans que leur production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par la juridiction (voir ordonnance de la Cour du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil, C‑445/00, point 12 ; arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/9, point 48 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2011, Allemagne/Commission, T‑576/08, point 42 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 10 janvier 2005, Gollnisch e.a./Parlement, T‑357/03, point 34, et ordonnance du Tribunal de la fonction publique du 20 juin 2006, Wils/Parlement, F‑105/05, point 11).

21      Or, en l’espèce, il est constant que le Parlement n’a à aucun moment autorisé le requérant à avoir accès à l’avis du jurisconsulte du 21 décembre 2009, dont il aurait eu une copie par l’entremise d’un représentant du personnel.

22      Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande du Parlement et d’écarter du dossier la note du 21 décembre 2009 de son jurisconsulte.

23      Par ailleurs, à l’issue de l’audience, le Tribunal a invité les parties à une réunion informelle en présence du juge rapporteur afin de rechercher les possibilités d’un règlement à l’amiable du litige. Une telle tentative ayant échoué, la procédure orale a été clôturée et l’affaire, mise en délibéré, par décision du président de la deuxième chambre, le 13 avril 2011.

 En droit

1.     Sur les troisième et cinquième chefs de conclusions

24      Outre l’annulation de la liste des fonctionnaires promus, publiée le 2 décembre 2009, en ce qu’elle ne mentionne pas son nom, le requérant demande, dans son troisième chef de conclusions, l’annulation de la décision du 21 juin 2010 rejetant sa réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, point 43).

25      Il convient donc de considérer, même si l’intérêt légitime du requérant à demander l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation en même temps que celle de l’acte lui faisant grief ne saurait être nié, que le recours doit être regardé comme étant dirigé contre la liste des fonctionnaires promus, publiée le 2 décembre 2009, en ce qu’elle ne mentionne pas le nom du requérant (ci-après la « décision attaquée »).

26      Par ailleurs, le requérant demande, dans son cinquième chef de conclusions, que le Tribunal indique les effets qu’emporterait l’annulation de la décision attaquée. Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration ou de faire des déclarations en droit dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, point 150, et arrêt du Tribunal de la fonction publique du 30 avril 2009, Aayhan e.a./Parlement, F‑65/07, point 52).

27      Il convient, en conséquence, de rejeter comme irrecevable le cinquième chef de conclusions, étant précisé que les indications demandées par le requérant pourraient être dégagées par l’institution de la lecture des motifs de l’arrêt pour le cas où les conclusions en annulation du requérant seraient accueillies par le Tribunal.

2.     Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée

28      À l’appui de son recours dirigé contre la décision attaquée, le requérant soulève cinq moyens tirés, premièrement, de la violation du point I.3.3 de la décision Politique de promotion, de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du devoir de sollicitude, ainsi que de l’article 5, paragraphe 2, des directives internes, deuxièmement, de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation, quatrièmement, de la violation des droits de la défense et de la perte d’une chance, et, cinquièmement, de l’abus de droit.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du point I.3.3 de la décision Politique de promotion, de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du devoir de sollicitude, ainsi que de l’article 5, paragraphe 2, des directives internes

 Arguments des parties

29      Le premier moyen comporte trois branches.

30      Dans le cadre de la première branche, le requérant observe que, en application du point I.3.2 de la décision Politique de promotion, qui renvoie au point I.2 de la même décision, le seuil de référence pour un fonctionnaire de grade AD 5 est de quatre points. En l’espèce, compte tenu de son ancienneté en qualité d’agent temporaire, qui lui aurait permis de bénéficier d’un point de mérite pour l’année 2006, le requérant aurait atteint le seuil de référence en mai 2009. Il observe également qu’il détenait au moins deux ans d’ancienneté dans le grade AD 5 à la date à laquelle une décision de promotion vers le grade AD 6 aurait dû prendre effet, à savoir le 1er janvier 2009.

31      Or, selon le requérant, l’AIPN ne peut, en vertu de l’article I.3.3 de la décision Politique de promotion, refuser la promotion au fonctionnaire qui atteint le seuil de référence que si ce dernier se trouve dans l’une des trois hypothèses visées par cette disposition, ce qui ne serait pas le cas.

32      Le Parlement rétorque qu’aucune disposition statutaire ne prévoit la prise en compte de la période d’activité en qualité d’agent temporaire dans le calcul de l’ancienneté nécessaire pour être promouvable comme fonctionnaire. Selon la jurisprudence, une telle période d’activité ne serait, en principe, pas prise en compte à cet effet même si, au moment de son engagement en qualité d’agent temporaire, l’intéressé avait, en tant que lauréat d’un concours, vocation à être nommé fonctionnaire (arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1991, Wolfdietrich Zoder/Parlement, T‑30/90, point 22).

33      De plus, s’il est vrai que le fait d’avoir atteint le seuil de référence est un élément d’appréciation décisif aux fins de l’octroi d’une promotion, celle-ci ne serait cependant pas pour autant garantie de manière absolue. L’intéressé, dans une telle hypothèse, bénéficierait d’une simple présomption de mérite, d’une recommandation favorable du comité de promotion et, donc, d’un droit de priorité par rapport aux fonctionnaires promouvables qui n’auraient pas atteint le seuil. Ainsi, il perdrait de plein droit sa vocation à la promotion s’il se trouvait dans l’une des trois hypothèses énoncées au point I.3.3 de la décision Politique de promotion.

34      Le Parlement ajoute qu’une interprétation a contrario du point I.3.3 de la décision Politique de promotion, selon laquelle la promotion serait acquise au fonctionnaire qui a atteint le seuil de référence, sans se trouver dans l’une des trois hypothèses visées par ledit point, méconnaîtrait le principe général énoncé au point I.3.2 de la décision Politique de promotion, la jurisprudence constante selon laquelle le statut ne confère aucun droit à la promotion, même aux fonctionnaires réunissant toutes les conditions pour être promus (arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, point 35), ainsi que le principe de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion prévu à l’article 45 du statut (arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T‑216/03, points 82 à 84).

35      Le Parlement rappelle également qu’en vertu de l’article 45 du statut la promotion est attribuée par l’AIPN en considération de l’article 6, paragraphe 2, du statut, lequel définit les disponibilités budgétaires au regard des taux fixés à l’annexe I, point B, du statut, ce qui exclurait également toute automaticité dans le cadre des promotions au bénéfice de fonctionnaires ayant atteint un seuil de référence.

36      Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, le requérant reproche au Parlement d’avoir méconnu l’objectif qu’il aurait poursuivi en adoptant la décision Politique de promotion, à savoir le développement harmonieux et transparent des carrières. Le Parlement aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de promouvoir le requérant alors que ce dernier aurait non seulement fait preuve d’un mérite constant, mais également croissant, puisque, après avoir obtenu un point de mérite en 2006 et en 2007, il aurait bénéficié de deux points de mérite en 2008. Le requérant se prévaut plus particulièrement de ses rapports de notation établis pour ces années.

37      Le requérant estime que le fait que d’autres fonctionnaires aient obtenu une moyenne de points de mérite supérieure à la sienne serait sans pertinence dès lors que la décision Politique de promotion ne fait pas mention d’un tel critère. La position du Parlement, qui conduirait à ce que le mérite d’un fonctionnaire ne se mesure pas par référence aux points de mérite accumulés dans un même grade, sur la base de ses rapports de notation, mais par rapport à une moyenne arithmétique, risquerait de priver indéfiniment de toute promotion des fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence.

38      Le requérant se réfère, à cet égard, notamment à l’arrêt du Tribunal de première instance du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes (T‑171/05, point 46), selon lequel l’AIPN ne saurait se borner à indiquer que les fonctionnaires promus étaient plus méritants que le requérant, mais doit exposer pourquoi elle a estimé que le requérant ne méritait pas de promotion.

39      Enfin, le requérant souligne que, en l’espèce, il avait été recommandé par le comité consultatif de promotion, et ce, après un examen comparatif des mérites, ainsi qu’il ressort de l’article 4 des directives internes. Or, l’AIPN n’aurait pas pris en compte cette recommandation, mais se serait bornée à souligner son large pouvoir d’appréciation.

40      Le Parlement aurait également méconnu son devoir de sollicitude puisqu’il n’aurait pas tenu compte de l’ensemble des éléments pertinents avant de prendre la décision attaquée et certainement pas de l’intérêt du requérant.

41      Le Parlement, tout en rappelant le large pouvoir d’appréciation que reconnaît la jurisprudence à l’AIPN en matière de promotions, rétorque que le fait que le requérant est méritant n’implique pas que, à l’issue de l’examen comparatif des mérites, il fasse partie des fonctionnaires les mieux classés et donc les plus méritants en vue de l’octroi d’une promotion au grade AD 6.

42      Le Parlement souligne que la prise en compte de la moyenne des points viserait à distinguer, parmi les fonctionnaires promouvables, ceux qui sont les plus méritants, tout en respectant l’égalité de traitement puisque les fonctionnaires ayant atteint le seuil de quatre points en trois ans et qui pourraient se prévaloir d’une même moyenne seraient traités de la même façon quel que soit l’ordre d’accumulation des points (2,1,1 ou 1,2,1 ou encore 1,1,2). Le Parlement ajoute que le mérite se mesure principalement par l’accumulation de points, mais également par le rythme de leur accumulation, ce qui permettrait de prendre en compte le dynamisme et la constance des efforts dans le temps. Ainsi, un fonctionnaire qui a accumulé quatre points en deux années serait considéré comme plus performant qu’un fonctionnaire ayant accumulé ces points en trois ans.

43      Quant au respect du devoir de sollicitude, le Parlement observe que, selon la jurisprudence, les éventuelles limites à l’action de l’administration découlant du devoir de sollicitude ne saurait l’empêcher d’adopter des mesures qu’elle estime nécessaires dans l’intérêt du service. À cet égard, le contrôle du juge de l’Union serait limité à la question de savoir si l’AIPN s’est tenue dans les limites raisonnables et non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.

44      Or, le critère de la moyenne de points de mérite lors de l’attribution d’une promotion prendrait à la fois en compte l’intérêt du service et l’intérêt du fonctionnaire promouvable.

45      Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, le requérant fait grief au Parlement de ne pas avoir motivé la décision de s’écarter de l’avis du comité consultatif de promotion, en violation de l’article 5, paragraphe 2, des directives internes.

46      Le Parlement rétorque que l’AIPN a largement tenu compte, en l’espèce, des recommandations du comité consultatif de promotion puisque, sur un total de 105 personnes recommandées, 101 fonctionnaires ont été promus au grade AD 6. Quant aux fonctionnaires non promus, l’AIPN aurait justifié auprès dudit comité son refus en se référant à l’évolution trop faible de leur mérite. De plus, elle ne serait pas liée par les avis du comité de promotion et pourrait s’en écarter dès lors qu’elle explique, même succinctement, le fondement de sa décision. Enfin, l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables au sein du comité de promotion, qui permet une première sélection parmi ces derniers et l’établissement de la liste des plus méritants, ne saurait dispenser l’AIPN de procéder elle-même à un examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires inscrits sur cette liste pour déterminer lesquels d’entre eux doivent être promus (arrêt du Tribunal de première instance du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, points 55 à 59).

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la première branche, tirée de la violation du point I.3.3 de la décision Politique de promotion

47      Il ressort du point I.3.1 de la décision Politique de promotion que « [l]e rapport de notation constituant l’élément fondamental d’appréciation du mérite, il est impératif que le niveau annuel des points de mérite du noté soit en cohérence avec la notation obtenue pendant l’année de référence ». Il y est également prévu que tout fonctionnaire méritant se voit annuellement attribuer des points de mérite dans une fourchette de un à trois, le fonctionnaire non méritant ne recevant aucun point.

48      En outre, selon le point I.3.2, premier alinéa, de la décision Politique de promotion, « [s]ans préjudice des dispositions statutaires relatives à la promotion », un fonctionnaire ou un agent ayant accumulé un nombre minimal de points de mérite correspondant au « seuil de référence », lequel est fonction de la durée moyenne dans le grade, « sera d’office pris en considération dans le cadre de l’examen des promotions ».

49      Ainsi, il ne ressort pas du libellé du point I.3.2, premier alinéa, susvisé, que quiconque ayant atteint le seuil de référence sera automatiquement promu : il est uniquement prévu que, « sans préjudice des dispositions statutaires », l’intéressé sera pris en considération dans le cadre de l’exercice de promotion, c’est-à-dire dans le cadre de la comparaison des mérites par l’AIPN aux fins des promotions. Il importe de souligner, à cet égard, que l’article 45, paragraphe 1, du statut ne mentionne pas uniquement les rapports de notation, comme critère à prendre en considération par l’AIPN aux fins de l’examen comparatif des mérites, sur lesquels repose l’attribution des points de mérite visés au point I.3.1 de la décision Politique de promotion, mais également l’utilisation par le fonctionnaire concerné dans l’exercice de ses fonctions des langues autres que celle dont il a justifié posséder une connaissance approfondie et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. De plus, ainsi que l’a souligné le Parlement, il incombe à l’AIPN de prendre en compte les disponibilités budgétaires à la lumière de l’article 6, paragraphe 2, du statut et des taux fixés à son annexe I, point B, ce qui exclut également toute automaticité dans l’octroi des promotions au bénéfice des fonctionnaires ayant simplement atteint le seuil de référence.

50      Certes, selon le point I.3.3, premier alinéa, de la décision Politique de promotion, l’AIPN peut refuser la promotion à un fonctionnaire, ayant pourtant atteint le seuil de référence, lorsqu’il se trouve dans l’une des trois hypothèses visées (à savoir lorsque la moyenne de ses points de mérite par année dans le grade est inférieure à l’unité, lorsque le fonctionnaire concerné n’a reçu aucun point au moins une fois au cours des deux années précédant la dernière année dans le grade ou lorsqu’il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’une mise en garde dans l’année précédant l’exercice de promotion). De plus, le second alinéa du même point prévoit que « [l]e fonctionnaire ayant reçu zéro point pour la dernière année dans le grade ne peut être promu ».

51      Toutefois, il ne saurait être déduit de ces dispositions particulières, même si leur formulation n’est pas très heureuse, qu’en dehors des hypothèses visées les fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence seraient automatiquement promus dans le cadre de l’exercice en cours. Une telle interprétation méconnaîtrait l’article 45 du statut, qui impose à l’AIPN de procéder à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables à la lumière des critères qu’il énonce. Or, selon une jurisprudence constante, une mesure d’application de portée générale doit faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions de l’acte de base (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 juin 1993, Dr Tretter, C‑90/92, point 11, et arrêt Allemagne/Commission, précité, point 103). Aussi convient-il d’interpréter le point I.3.3 en ce sens uniquement que les fonctionnaires se trouvant dans l’une des hypothèses qu’il énonce ne peuvent en tout état de cause pas être promus, alors même qu’ils auraient atteint le seuil de référence.

52      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

–       Sur la deuxième branche, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du devoir de sollicitude

53      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites à prendre en considération en vue d’une éventuelle promotion, au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée, le Tribunal ne pouvant donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des fonctionnaires à celle de l’AIPN (arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, point 152). L’AIPN dispose également du pouvoir de procéder à l’examen comparatif des mérites selon la procédure ou la méthode qu’elle estime la plus appropriée (arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, Wind/Commission, 62/75, point 17, et arrêt du Tribunal de première instance du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T‑587/93, point 20). Elle n’est pas tenue de se référer uniquement aux rapports de notation des fonctionnaires concernés, mais peut également fonder son appréciation sur d’autres aspects de leurs mérites (arrêt Casini/Commission, précité, point 55).

54      En l’espèce, le Parlement a tenu compte, non seulement du nombre des points accumulés par les fonctionnaires promouvables, mais également du rythme d’accumulation des points, un fonctionnaire ayant atteint le seuil de quatre points en deux années étant ainsi considéré comme plus méritant qu’un fonctionnaire ayant accumulé ces points en trois ans. Le requérant n’a nullement établi en quoi l’AIPN, en suivant une telle méthode, qui permet de prendre en compte le dynamisme des fonctionnaires et la constance de leurs performances, aurait usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée ou ne se serait pas tenue dans des limites raisonnables.

55      L’affirmation selon laquelle l’application d’une méthode fondée sur la moyenne des points accumulés risquerait de priver indéfiniment de toute promotion des fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence n’est nullement étayée. Du reste, en l’espèce, le requérant a bel et bien été promu au grade AD 6 après l’introduction du présent recours.

56      Quant à la circonstance que le comité consultatif de promotion avait proposé la promotion du requérant, il suffit d’observer que, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 8, des directives internes, l’avis dudit comité n’est que consultatif et que, selon les chiffres avancés par le Parlement et non contestés par le requérant, l’AIPN a largement tenu compte, en l’espèce, des recommandations du comité puisque, sur les 105 personnes recommandées pour une promotion, 101 personnes ont effectivement été promues.

57      Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de faire droit au deuxième chef de conclusions du requérant et d’ordonner au Parlement qu’il produise les documents pertinents de nature à permettre de vérifier dans quelles conditions s’est fait l’examen comparatif des mérites pour l’exercice de promotion 2009 et, notamment de produire le tableau de comparaison des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus au grade AD 6, ainsi que le compte-rendu ou procès-verbal du comité consultatif de promotion.

58      Par ailleurs, le requérant n’a pas davantage établi une quelconque méconnaissance du devoir de sollicitude par l’AIPN, qui, en suivant la méthode de la moyenne des points de mérites accumulés, a tenu compte à la fois de l’intérêt du service, en permettant la promotion des fonctionnaires les plus performants dans la durée, et l’intérêt des fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence, dont la situation a d’office été prise en compte dans le cadre de l’examen comparatif des mérites.

59      En conséquence, il convient de rejeter également la deuxième branche du premier moyen.

–       Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’article 5, paragraphe 2, des directives internes

60      Aux termes de l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, des directives internes, les membres du comité consultatif de promotion sont informés des décisions prises par l’AIPN, laquelle est tenue de motiver « par écrit tout écart par rapport à l’avis » du comité.

61      À cet égard, le Parlement fait valoir que le secrétaire général avait informé les membres du comité consultatif de promotion des raisons du refus de l’AIPN de promouvoir quatre des 105 personnes recommandées par le comité pour une promotion, en adressant, le 25 septembre 2009, une note à la présidente du comité de promotion, d’où il ressort que « l’évolution du mérite » des quatre personnes en cause, dont le requérant, ne justifiait pas une promotion. Une telle motivation, au regard du contexte connu des membres du comité de promotion suffit pour répondre aux exigences de l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, des directives internes.

62      En tout état de cause, à supposer même établie l’existence d’une irrégularité procédurale au regard de l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, précité, lequel concerne les relations entre l’AIPN et les comités consultatifs de promotion, elle n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée dès lors que le non-respect de l’article 5, paragraphe 2, premier alinéa, des directives internes n’a pas pu influer sur le contenu de ladite décision.

63      Il convient donc de rejeter la troisième branche du premier moyen et, par voie de conséquence, celui-ci dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

 Arguments des parties

64      Le requérant estime qu’il pouvait légitimement se fier au contenu de la décision Politique de promotion et, en particulier, à sa ratio legis, à son introduction et à ses points I.1 et I.3.3, de telle sorte que, ayant atteint le seuil de référence de quatre points, il pouvait s’attendre à être promu au grade AD 6. En refusant de le promouvoir, le Parlement aurait non seulement violé ladite décision, mais également méconnu le principe de protection de la confiance légitime.

65      Le Parlement aurait également violé le principe de sécurité juridique en adoptant des décisions contraires aux textes législatifs applicables. Le requérant ajoute que, nulle part dans les textes législatifs applicables en matière de promotion, il n’est fait référence à une moyenne des points de mérite, critère que l’AIPN aurait unilatéralement instauré en violation de la décision Politique de promotion.

66      Le Parlement rétorque que les conditions auxquelles est subordonné, selon la jurisprudence, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime ne sont pas réunies en l’espèce. Quant à la prétendue violation du principe de sécurité juridique, le Parlement réitère que, pour évaluer les mérites des fonctionnaires, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. En procédant à cet examen sur une base égalitaire et à partir de renseignements comparables, elle ne serait pas tenue de se référer aux seuls rapports de notation des candidats, mais pourrait également fonder son appréciation sur d’autres aspects de leurs mérites. Une évaluation fondée sur la moyenne des points de mérite permettrait de prendre en compte l’évolution du mérite, ce qui ne serait pas incompatible avec le critère du seuil de référence, tel que prévu par la décision Politique de promotion.

 Appréciation du Tribunal

67      S’agissant, d’une part, de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il suffit de constater que, en dehors du libellé lui-même des points I.1 et I.3.3 de la décision Politique de promotion, lesquels, ainsi qu’il ressort des développements ci-dessus relatifs à la première branche du premier moyen, ne sauraient être lus comme garantissant automatiquement le droit à être promus aux fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence, le requérant ne fait état d’aucun élément de nature à établir l’existence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes que l’administration lui aurait fournies quant à sa promotion du simple fait d’avoir accumulé quatre points de mérite. De plus, il ressort du point 51 ci-dessus que l’interprétation du point I.3.3 de la décision politique de promotion, défendue par le requérant, si elle devait être retenue, serait contraire à l’article 45, paragraphe 1, du statut en ce que, en adoptant ces dispositions internes, ainsi interprétées, l’administration se serait privée d’un examen comparatif complet des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Or, le principe de protection de la confiance légitime ne saurait justifier une pratique contraire à une disposition statutaire.

68      S’agissant, d’autre part, de la prétendue violation du principe de sécurité juridique, il suffit de constater que ce grief repose sur la prémisse erronée que le Parlement aurait méconnu la décision Politique de promotion. De plus, le requérant n’a pas établi en quoi la prise en compte de l’évolution du mérite, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant atteint le seuil de référence, et ce, au titre de l’article 45 du statut, serait contraire au principe de sécurité juridique.

69      Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

70      Selon le requérant, la décision attaquée n’est accompagnée d’aucune motivation. L’AIPN se serait contentée de publier la liste des fonctionnaires promus au grade AD 6, au titre de l’exercice 2009, par la voie électronique, sans exposer au requérant les raisons pour lesquelles son nom n’a pas été repris dans ladite liste, alors même que sa promotion avait été recommandée par le comité de promotion. Le requérant n’aurait donc pas été en mesure de vérifier le caractère fondé ou non du refus de le promouvoir ni d’apprécier l’opportunité d’introduire une réclamation. Ce n’est qu’à la lecture de la décision portant rejet de sa réclamation qu’il aurait pris connaissance de l’argumentation de l’AIPN.

71      Le requérant rappelle également qu’aux termes de l’article 5, paragraphes 2 et 3, des directives internes, lorsque l’AIPN s’écarte de l’avis des comités de promotion, elle doit justifier cet écart par écrit.

72      Enfin, le requérant observe que, dans la décision portant rejet de sa réclamation, l’AIPN s’est bornée à exposer que son nom n’avait pas été retenu en vue d’une promotion parce qu’il était moins méritant que les autres fonctionnaires de la liste. Or, une telle motivation serait insuffisante, dès lors qu’il incombait à l’AIPN d’exposer pourquoi elle avait estimé que le requérant ne méritait pas de promotion (arrêt Nijs/Cour des comptes, précité, point 46).

73      Le Parlement répond que l’AIPN a suivi, en l’espèce, en grande partie, l’avis du comité de promotion. Pour quatre fonctionnaires qui possédaient une faible moyenne de points, elle a décidé de s’écarter de l’avis au motif que « l’évolution du mérite ne justifiait pas une promotion », ainsi qu’il ressort de la note du secrétaire général du 25 septembre 2009 adressée à la présidente du comité de promotion. Cette position serait également exposée de manière détaillée et circonstanciée dans la réponse à la réclamation du 21 juin 2010.

74      Le Parlement rappelle également la jurisprudence concernant la portée du devoir de motivation de l’AIPN en matière de promotions, laquelle jurisprudence aurait été pleinement respectée en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

75      Selon une jurisprudence constante, l’AIPN n’est tenue de motiver une décision de promotion ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des candidats non promus (arrêt du Tribunal de première instance du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, point 25). Par ailleurs, la motivation de la décision portant rejet de la réclamation est censée coïncider avec la décision contre laquelle cette réclamation a été dirigée (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, point 55). Ainsi, lorsque le litige porte sur la contestation d’une décision portant refus de promouvoir un fonctionnaire, les motifs d’une telle décision, laquelle n’est, en principe, pas motivée, sont révélés par la décision portant rejet de la réclamation.

76      En l’espèce, il ressort de la décision de l’AIPN du 21 juin 2010 rejetant la réclamation du requérant que « l’évolution de la qualité [du] travail [de ce dernier] ne justifiait pas encore une promotion en 2009 », le requérant ayant totalisé « quatre points de mérite en trois ans » et obtenu ainsi « la moyenne la plus basse, 1,33, des 105 administrateurs de grade AD 5 promouvables au grade AD 6 en 2009 ». L’AIPN, dans cette décision, s’est également fondée sur les rapports de notation du requérant, et notamment celui de 2008, dans lequel il aurait été « invité à consulter davantage les réviseurs et experts linguistes de manière à obtenir des résultats encore meilleurs, à produire des traductions plus fiables ainsi qu’à faire des efforts pour mieux apprécier les difficultés de textes afin d’éviter des traductions littérales ».

77      De telles considérations répondent pleinement aux exigences de l’obligation de motivation, le requérant estimant lui-même avoir été en mesure, à la lecture de la décision portant rejet de la réclamation, de prendre connaissance de l’argumentation de l’AIPN.

78      Contrairement à ce que prétend le requérant, l’AIPN explique dans ladite décision pourquoi, à la différence des autres fonctionnaires promus, il ne méritait pas de promotion :

« Parmi tous les fonctionnaires de grade AD 5 promouvables en 2009, six avaient cumulé huit points de mérite en trois ans, ce qui implique que tous avaient eu à deux reprises des mérites exceptionnels récompensés par trois points de mérite. Quatorze avaient eu sept points de mérite en trois ans, donc avec un mérite exceptionnel récompensé par trois points de mérite. 56 avaient eu six points de mérite dont quatre en deux ans, ce qui implique qu’ils avaient eu à deux reprises des mérites exceptionnels récompensés par trois points de mérite. Six fonctionnaires avaient cumulé cinq points de mérite.

Les fonctionnaires qui avaient quatre points de mérite n’étaient qu’au nombre de 23. Parmi ceux-ci, vingt avaient cumulé ces points en deux ans, ce qui leur donnait une moyenne de deux.

En comparaison, vous aviez réuni quatre points de mérite en trois ans, ce qui vous donnait, avec deux autres fonctionnaires qui n’ont pas non plus été promus, la moyenne la plus basse, 1,33, des 105 administrateurs de grade AD 5 promouvables au grade AD 6 en 2009 ».

79      Par ailleurs, il a été répondu au grief tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 2, des directives internes aux points 61 et 62 ci-dessus.

80      En conséquence, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et de la perte d’une chance

81      Le requérant estime que, en ne motivant pas la décision attaquée, l’AIPN l’a privé de pouvoir organiser sa défense en toute connaissance de cause, de telle sorte qu’elle a violé le droit fondamental du requérant de se défendre et l’a privé d’une chance de succès à stade avancé de la procédure.

82      À cet égard, il ressort des développements en réponse au troisième moyen que l’AIPN a pleinement respecté son obligation de motivation telle qu’elle a été explicitée par une jurisprudence constante, de telle sorte que, ainsi que l’a observé le Parlement à juste titre, le requérant a pu utilement faire valoir son point de vue dans le cadre de ses échanges avec l’administration.

83      Le quatrième moyen doit être rejeté par voie de conséquence.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’abus de droit

84      Le requérant estime que, en prenant des décisions qui vont à l’encontre des dispositions législatives en vigueur, le Parlement a manifestement abusé de son droit. Il fait valoir que l’AIPN ne peut user de son large pouvoir d’appréciation que dans le respect des textes législatifs pertinents.

85      Le Parlement rétorque que le requérant n’a pas démontré en quoi l’AIPN n’a pas procédé à un véritable examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables ni respecté le principe d’égalité de traitement, en décidant de ne pas promouvoir le requérant ni les autres fonctionnaires qui disposaient d’une moyenne de points de mérite identique, et aurait, de ce fait, outrepassé son large pouvoir d’appréciation.

86      À cet égard, il ressort du rejet des moyens qui précèdent et, en particulier, du premier moyen que le requérant n’a pas établi en quoi la décision attaquée est contraire aux « dispositions législatives en vigueur ». Il convient, en conséquence, de rejeter également le cinquième moyen.

3.     Sur les conclusions indemnitaires

87      Le requérant demande la réparation du préjudice moral prétendument subi du fait de ne pas avoir illégalement été retenu sur la liste des fonctionnaires promus au grade AD 6 pour l’exercice de promotion de 2009. Il fait également grief au Parlement de ne pas lui avoir personnellement notifié sa décision de non promotion. Le requérant évalue la réparation à 500 euros.

88      Le Parlement conclut au rejet de la demande indemnitaire, en l’absence d’illégalité ou de faute de service qu’il aurait commise, susceptible d’engager sa responsabilité.

89      À cet égard, il convient d’observer que la demande indemnitaire vise, pour l’essentiel, à obtenir réparation du préjudice moral causé par la décision attaquée dont le requérant recherche l’annulation. C’est pourquoi le rejet de la demande en annulation doit aussi entraîner, dans cette mesure, le rejet de la demande indemnitaire.

90      Le requérant demande également réparation du préjudice subi du fait que le Parlement ne lui aurait pas personnellement notifié la décision de ne pas le promouvoir. S’il faut comprendre cette demande indemnitaire comme mettant en cause une faute de service, elle doit être rejetée comme irrecevable dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une demande préalable, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, suivie, le cas échéant, d’une réclamation dirigée contre le rejet de celle-ci.

91      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

92      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

93      Il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe. Toutefois, dans ses conclusions, le Parlement ne conclut pas formellement à ce que le requérant soit condamné aux dépens, mais à ce que le Tribunal statue sur les dépens « comme de droit ». Il y a donc lieu de juger que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Tagaras

Boruta

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Tagaras


* Langue de procédure : le français.