Language of document : ECLI:EU:C:2020:298

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 23 avril 2020 (1)

Affaire C461/18 P

Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd

contre

Distillerie Bonollo SpA,

Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA,

Distillerie Mazzari SpA,

Caviro Distillerie Srl,

Conseil de l’Union européenne

« Pourvoi – Dumping – Importations d’acide tartrique originaire de Chine – Pourvoi formé par une partie intervenante en première instance – Article 11, paragraphe 9, du règlement (CE) no 1225/2009 – Recours en annulation introduit par un producteur de l’Union – Recevabilité – Affectation directe »






Table des matières


I. Le cadre juridique

II. Les antécédents du litige

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

V. Le pourvoi incident

A. Les arguments des parties

B. Analyse

1. Sur la recevabilité du pourvoi incident

a) Sur la recevabilité du moyen unique soulevé à l’appui de la demande principale de la Commission, en tant qu’il est dirigé contre les points 59 et 63 de l’arrêt attaqué

b) Sur la recevabilité de la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal

c) Sur la recevabilité de la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal, en tant qu’il fait référence aux arguments avancés par le Conseil dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal

2. Sur le fond

a) Sur la demande principale de la Commission, tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué

b) Sur la demande subsidiaire de la Commission, tendant à l’annulation du point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué

VI. Sur le pourvoi principal

A. Les arguments des parties

B. Analyse

1. Sur la recevabilité du pourvoi

2. Sur la recevabilité du moyen unique du pourvoi

3. Sur le fond

VII. Sur les dépens

VIII. Conclusion


1.        Par son pourvoi, Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil (2) (ci‑après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a annulé le règlement d’exécution (UE) no 626/2012 du Conseil, du 26 juin 2012, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 349/2012 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (3) (ci‑après le « règlement litigieux »).

2.        Dès lors que Changmao Biochemical Engineering n’était pas partie, mais intervenante à la procédure devant le Tribunal, le présent pourvoi offre à la Cour l’occasion de se prononcer sur la portée de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes duquel les parties intervenantes en première instance ne peuvent former un pourvoi contre une décision du Tribunal que lorsque cette décision les affecte directement. La Cour aura également à se prononcer sur la portée de l’article 11, paragraphe 9, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (4) (ci‑après le « règlement de base »), aux termes duquel, en cas de réexamen de mesures antidumping, la Commission européenne applique la même méthode que dans l’enquête initiale, à moins que les circonstances n’aient changé. En outre, la Commission ayant formé un pourvoi incident par lequel elle conteste l’arrêt du Tribunal en ce qu’il considère que les requérantes, des producteurs de l’Union européenne, sont directement concernées par le règlement litigieux, la Cour devra déterminer si l’interprétation qu’elle fait de la condition relative à l’affectation directe dans son récent arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, ci‑après l’« arrêt Montessori », EU:C:2018:873), est également applicable en matière d’antidumping.

I.      Le cadre juridique

3.        L’article 11 du règlement de base, intitulé « Durée, réexamens et restitutions », dispose, au paragraphe 9 :

« Dans toutes les enquêtes de réexamen ou de remboursement effectuées en vertu du présent article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu des dispositions de l’article 2, et en particulier de ses paragraphes 11 et 12, et des dispositions de l’article 17. »

II.    Les antécédents du litige

4.        L’acide tartrique est utilisé dans la production du vin et d’autres boissons, comme additif alimentaire et comme retardateur de prise pour le plâtre et d’autres produits. Dans l’Union et en Argentine, l’acide tartrique L+ est fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin, les lies de vin. En Chine, l’acide tartrique L+ et l’acide tartrique DL sont fabriqués à partir du benzène. L’acide tartrique fabriqué par synthèse chimique a les mêmes caractéristiques physiques et chimiques et est destiné aux mêmes utilisations de base que celui fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin.

5.        Changmao Biochemical Engineering est un producteur-exportateur chinois d’acide tartrique. Distillerie Bonollo SpA, Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA, Distillerie Mazzari SpA, Caviro Distillerie Srl et Comercial Química Sarasa SL (ci‑après les « requérantes en première instance ») sont des producteurs d’acide tartrique de l’Union.

6.        Le 24 septembre 2004, la Commission a été saisie d’une plainte relative à des pratiques de dumping dans le domaine de l’acide tartrique, déposée par plusieurs producteurs de l’Union, dont Industria Chimica Valenzana (ICV), Distillerie Mazzari et Comercial Química Sarasa.

7.        Le 30 octobre 2004, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (5).

8.        Le 27 juillet 2005, la Commission a adopté le règlement (CE) no 1259/2005 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (6).

9.        Le 23 janvier 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 130/2006 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (7).

10.      Le règlement no 130/2006 accorde à Changmao Biochemical Engineering et Ninghai Organic Chemical Factory (ci‑après les « deux producteurs-exportateurs chinois ») le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (SEM) conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. Des droits antidumping de 10,1 % et 4,7 % respectivement ont été institués sur les biens produits par les deux producteurs-exportateurs chinois (8). Toutes les autres sociétés visées se sont vu imposer un droit antidumping de 34,9 %.

11.      À la suite de la publication, le 4 août 2010, d’un avis d’expiration prochaine de certaines mesures antidumping (9), la Commission a reçu, le 27 octobre 2010, une demande de réexamen au titre de l’expiration de ces mesures, déposée par les requérantes en première instance. Le 26 janvier 2011, la Commission a publié l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration desdites mesures (10).

12.      Le 9 juin 2011, la Commission a reçu une demande de réexamen intermédiaire partiel concernant les deux producteurs-exportateurs chinois, au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base. Cette demande a été déposée par les requérantes en première instance. Le 29 juillet 2011, la Commission a publié l’avis d’ouverture d’un réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (11).

13.      Le 16 avril 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 349/2012 instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du [règlement de base] (12).

14.      Le règlement d’exécution no 349/2012 maintient les droits antidumping institués par le règlement no 130/2006.

15.      À l’issue de la procédure de réexamen intermédiaire partiel visant les deux producteurs-exportateurs chinois, le Conseil a adopté, le 26 juin 2012, le règlement litigieux, lequel modifie le règlement d’exécution no 349/2012.

16.      En substance, le règlement litigieux refuse le statut de SEM aux deux producteurs-exportateurs chinois et, après avoir construit la valeur normale sur la base des informations communiquées par un producteur ayant coopéré dans un pays analogue, à savoir l’Argentine, augmente les droits antidumping applicables aux produits fabriqués par lesdits producteurs-exportateurs, respectivement, de 10,1 % à 13,1 % et de 4,7 % à 8,3 % (13).

17.      Le 5 octobre 2012, Changmao Biochemical Engineering a introduit un recours en annulation du règlement litigieux.

18.      Par arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (14) (ci‑après l’« arrêt du 1er juin 2017 »), le Tribunal a annulé le règlement litigieux dans la mesure où il s’applique à Changmao Biochemical Engineering, au motif que, en refusant de communiquer à celle‑ci les informations relatives à la différence de prix entre l’acide tartrique DL et l’acide tartrique L+, différence qui constitue l’un des éléments fondamentaux du calcul de la valeur normale pour l’acide tartrique DL, le Conseil et la Commission ont violé les droits de la défense de Changmao Biochemical Engineering ainsi que l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

19.      Le 28 septembre 2012, les requérantes en première instance ont introduit un recours en annulation du règlement litigieux.

20.      Par décision du 9 septembre 2016 et par ordonnance du 15 septembre 2016, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis les interventions respectives de la Commission et de Changmao Biochemical Engineering au soutien des conclusions du Conseil, en précisant que, dès lors que leurs demandes d’intervention avaient été déposées après l’expiration du délai visé à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 (15), tel que modifié en dernier lieu le 19 juin 2013, elles étaient uniquement autorisées à présenter leurs observations lors de la procédure orale, sur la base du rapport d’audience qui leur serait communiqué.

21.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal dit le recours recevable, accueille le premier moyen soulevé par les requérantes en première instance et annule le règlement litigieux.

22.      Premièrement, le Tribunal rejette la fin de non‑recevoir soulevée par le Conseil, tirée de ce que les requérantes en première instance ne sont pas directement et individuellement concernées par le règlement litigieux et qu’elles n’ont, en outre, pas d’intérêt à agir.

23.      En particulier (16), le Tribunal considère que les requérantes en première instance sont directement concernées par le règlement litigieux. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, cette condition exige que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante, d’une part, et qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, d’autre part. Étant donné que les États membres, chargés de mettre en œuvre le règlement litigieux, n’avaient aucune marge d’appréciation s’agissant du taux du droit antidumping et de l’institution de ce droit sur les produits visés, la seconde exigence est remplie. En ce qui concerne la première exigence, le Conseil et la Commission avaient soutenu que la modification du taux du droit antidumping introduite par le règlement litigieux n’est pas susceptible de produire des effets juridiques sur les requérantes en première instance, puisque, d’une part, celles‑ci ne paient pas de droits antidumping et que, d’autre part, elles ne disposent pas d’un droit subjectif à l’institution de droits antidumping d’un certain niveau à l’encontre de leurs concurrents. Le Tribunal écarte cet argument. En effet, si les juridictions de l’Union avaient retenu une interprétation aussi restrictive de cette exigence, tout recours introduit par un producteur de l’Union contre un règlement instituant des droits antidumping devrait systématiquement être déclaré irrecevable, et il en serait de même pour tout recours introduit par un concurrent du bénéficiaire d’une aide d’État déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission à l’issue de la procédure formelle d’examen, ainsi que pour tout recours introduit par un concurrent contre une décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur. Or, ces types de recours ont été déclarés recevables par la jurisprudence. Étant donné que, en l’espèce, la demande de réexamen intermédiaire partiel a été déposée par les requérantes en première instance et que les droits antidumping institués à l’issue de la procédure de réexamen intermédiaire partiel sont destinés à compenser le préjudice dont elles sont victimes en tant que producteurs concurrents opérant sur le même marché, le Tribunal conclut qu’elles sont directement concernées par le règlement litigieux.

24.      Deuxièmement, le Tribunal accueille le premier moyen soulevé devant lui, tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

25.      Ainsi que le rappelle le Tribunal, l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base prévoit que, dans toutes les enquêtes de réexamen, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête initiale, compte tenu des dispositions de l’article 2 de ce règlement.

26.      En l’espèce, lors de l’enquête initiale, la valeur normale a été calculée, pour les deux producteurs-exportateurs chinois, qui se sont vu accorder le statut de SEM, sur la base de leurs prix de vente intérieurs réels respectifs et, pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM, sur la base d’informations communiquées par le producteur du pays analogue, en particulier des prix de vente intérieurs en Argentine. Aux termes du règlement litigieux, le statut de SEM a été refusé aux deux producteurs-exportateurs chinois lors de l’enquête de réexamen, de sorte que la valeur normale ne pouvait plus être établie sur la base des prix de vente intérieurs réels facturés par chacun d’eux. Celle-ci a été construite, en substance, sur la base des coûts de production en Argentine.

27.      Le Tribunal estime que constitue un changement de méthode, au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, le fait que, dans le règlement litigieux, la valeur normale pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM a été calculée sur la base des coûts de production en Argentine plutôt que sur la base des prix de vente intérieurs argentins. Étant donné que le règlement litigieux n’invoque aucun changement de circonstances, ce changement de méthode est contraire à l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

28.      En conséquence, le Tribunal a annulé le règlement litigieux (17).

29.      À la demande des requérantes en première instance, le Tribunal a maintenu le droit antidumping institué par le règlement litigieux en ce qui concerne Ninghai Organic Chemical Factory jusqu’à ce que le Conseil et la Commission aient pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt attaqué. Du fait de l’arrêt du 1er juin 2017, ce droit ne pouvait être maintenu en ce qui concerne Changmao Biochemical Engineering.

IV.    La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

30.      Par son pourvoi, Changmao Biochemical Engineering demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité et de condamner les requérantes en première instance à supporter les dépens exposés par elle tant en première instance que dans le cadre du pourvoi.

31.      Distillerie Bonollo, Industria Chimica Valenzana (ICV), Distillerie Mazzari et Caviro Distillerie (ci‑après collectivement « Distillerie Bonollo e.a. ») demandent à la Cour de rejeter le pourvoi comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé. Distillerie Bonollo e.a. demandent également à la Cour de condamner Changmao Biochemical Engineering et toutes parties intervenantes à supporter les dépens exposés par elles en première instance et dans le cadre du pourvoi.

32.      Le Conseil demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme irrecevable et de condamner Changmao Biochemical Engineering aux dépens afférents au pourvoi.

33.      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé, et de condamner Changmao Biochemical Engineering aux dépens.

34.      La Commission a formé un pourvoi incident, par lequel elle demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de déclarer irrecevables les quatre premiers moyens soulevés devant le Tribunal (18) et de déclarer non fondé le cinquième moyen soulevé devant lui ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur ce cinquième moyen (19). À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il impose au Conseil de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt. La Commission demande également à la Cour de condamner Changmao Biochemical Engineering aux dépens.

35.      Distillerie Bonollo e.a. demandent à la Cour de rejeter le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche (20), comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé. Elles demandent également à la Cour de rejeter le pourvoi incident comme non fondé ou inopérant pour le surplus. Enfin, Distillerie Bonollo e.a. demandent à la Cour de condamner la Commission à supporter les dépens exposés par elles dans le cadre de la procédure devant la Cour ainsi qu’à la suite d’un éventuel renvoi devant le Tribunal.

36.      Le Conseil soutient les conclusions de la Commission dans le cadre du pourvoi incident.

37.      Changmao Biochemical Engineering demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de déclarer irrecevables les quatre premiers moyens soulevés devant le Tribunal, de déclarer non fondé le cinquième moyen soulevé devant lui ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur ce cinquième moyen. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il impose au Conseil de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt. Enfin, Changmao Biochemical Engineering demande à la Cour de condamner Distillerie Bonollo e.a. à supporter les dépens exposés par elle.

38.      Lors de l’audience du 24 octobre 2019, Changmao Biochemical Engineering, Distillerie Bonollo e.a., le Conseil et la Commission ont présenté des observations orales.

V.      Le pourvoi incident

39.      Dès lors que, dans son pourvoi incident, la Commission conteste, à titre principal, la recevabilité du recours en première instance, il convient d’examiner ce pourvoi incident en premier.

A.      Les arguments des parties

40.      La Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter comme irrecevables les quatre premiers moyens soulevés devant le Tribunal (21) et de rejeter comme non fondé le cinquième moyen soulevé devant lui ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur ce cinquième moyen (22). À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le point 2 de son dispositif impose au Conseil de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

41.      À l’appui de sa demande tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué, la Commission soulève un moyen unique. Elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 51 à 73 de cet arrêt, que Distillerie Bonollo e.a. sont directement concernées par le règlement litigieux.

42.      En premier lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal ne peut invoquer le droit à une protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pour retenir une interprétation large de la condition relative à l’affectation directe. Par ailleurs, une telle interprétation, selon laquelle cette condition est remplie dès lors que l’acte de l’Union attaqué produit des effets matériels sur la situation du requérant, est incompatible avec une jurisprudence constante qui exige que l’acte attaqué produise des effets juridiques sur sa situation. En second lieu, la Commission fait valoir que, pour que le règlement litigieux produise des effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a., il doit conférer à ces dernières un droit matériel. Or, aux yeux de la Commission, Distillerie Bonollo e.a. ne disposent pas du droit d’exiger l’institution de mesures antidumping d’un certain niveau à l’encontre de producteurs concurrents de pays tiers, étant donné que l’article 21 du règlement de base permet au Conseil et à la Commission de s’abstenir d’imposer des mesures lorsqu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Union d’appliquer de telles mesures.

43.      La Commission en conclut qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

44.      Partant, la Commission demande à la Cour de rejeter comme irrecevables les quatre premiers moyens soulevés devant le Tribunal et de rejeter comme non fondé le cinquième moyen soulevé devant lui. En ce qui concerne ce dernier moyen, lequel est tiré de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation, la Commission reconnaît qu’il est recevable, car il s’agit d’un moyen d’ordre procédural et non d’un moyen de fond. Néanmoins, la Commission soutient que ce moyen n’est pas fondé, étant donné que Distillerie Bonollo e.a. ont eu de nombreux échanges écrits et oraux avec elle pendant la procédure administrative. Toutefois, pour le cas où la Cour jugerait qu’elle n’est pas en mesure de statuer définitivement sur le cinquième moyen soulevé devant le Tribunal, la Commission demande à la Cour de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il se prononce sur ce moyen.

45.      À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué. À l’appui de cette demande, la Commission soulève un moyen unique, tiré de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en maintenant le droit antidumping institué par le règlement litigieux « jusqu’à ce que la [Commission] et le [Conseil] aient pris les mesures que comporte l’exécution [de cet] arrêt ». En effet, la Commission fait valoir que, depuis l’entrée en vigueur du règlement (UE) no 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014, modifiant certains règlements relatifs à la politique commerciale commune en ce qui concerne les procédures d’adoption de certaines mesures (23), seule la Commission est compétente pour imposer des mesures antidumping.

46.      Changmao Biochemical Engineering soutient l’ensemble des conclusions de la Commission, à deux exceptions près : d’une part, elle est en désaccord avec la demande subsidiaire de la Commission (laquelle est résumée au point 45 des présentes conclusions) et, d’autre part, elle demande à la Cour de condamner Distillerie Bonollo e.a. à supporter les dépens exposés par elle.

47.      Distillerie Bonollo e.a. concluent au rejet du pourvoi incident.

48.      En premier lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal est irrecevable. En effet, elles font valoir, premièrement, que le Tribunal n’a pas examiné ce moyen, deuxièmement, qu’il s’agit d’une question de fait et, troisièmement, que le pourvoi incident fait référence à la réponse du Conseil aux questions écrites du Tribunal, dont la Commission n’aurait pas dû recevoir communication dès lors qu’elle a été admise à intervenir sur la base du seul rapport d’audience. Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que cette demande est, en tout état de cause, non fondée.

49.      En deuxième lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que le moyen unique soulevé à l’appui de la demande de la Commission tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre les points 59 et 63 de cet arrêt. En effet, s’agissant du premier de ces deux points, la Commission conteste des faits établis par le Tribunal et, s’agissant du second, elle cherche uniquement à substituer sa propre interprétation à celle retenue par le Tribunal.

50.      Distillerie Bonollo e.a. soutiennent également que ce moyen unique est entièrement non fondé ou inopérant. En particulier, elles font valoir que le Tribunal ne s’est pas fondé sur le principe de protection juridictionnelle effective pour étendre la notion d’« affectation directe », dès lors que c’est à titre surabondant qu’il se réfère à ce principe au point 93 de l’arrêt attaqué. Par ailleurs, un requérant est directement concerné par un acte de l’Union lorsqu’il est concerné en sa qualité d’opérateur livré à la concurrence de ses congénères, ainsi que le rappelle le Tribunal au point 52 de l’arrêt attaqué. Ce critère a été entériné par la Cour dans l’arrêt Montessori (point 43). Par conséquent, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent qu’elles sont directement concernées en tant que concurrentes directes des deux producteurs-exportateurs chinois, dont les produits ne font pas l’objet de droits antidumping suffisants au titre du règlement litigieux.

51.      En troisième lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que le moyen unique soulevé à l’appui de la demande subsidiaire de la Commission n’est pas fondé. En effet, le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué impose non seulement au Conseil, mais également à l’institution compétente, à savoir la Commission, de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

52.      Le Conseil soutient l’ensemble des conclusions de la Commission.

53.      En premier lieu, le Conseil fait valoir qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué au motif que c’est à tort que le Tribunal a conclu à la recevabilité des quatre moyens de fond soulevés devant lui. Si la condition relative à l’affectation directe doit être interprétée à la lumière du principe de protection juridictionnelle effective, celui‑ci ne saurait avoir pour effet d’écarter les conditions de recevabilité fixées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Par ailleurs, la jurisprudence qui exige que l’acte de l’Union attaqué produise des effets sur la situation juridique du requérant, plutôt que sur sa situation matérielle, reste valable. Or, un règlement instituant des droits antidumping n’est pas susceptible de produire des effets juridiques à l’égard des producteurs de l’Union puisque, d’une part, ce ne sont pas eux qui paient ces droits et, d’autre part, ils ne disposent pas d’un droit à l’institution de droits antidumping à l’encontre des producteurs-exportateurs de pays tiers. Par conséquent, aux points 52 et 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur en considérant, en substance, qu’il est satisfait à la condition de l’affectation directe dès lors qu’est affectée la situation matérielle du requérant.

54.      En deuxième lieu, le Conseil fait valoir que, si la Cour devait annuler l’arrêt attaqué, il y aurait lieu de rejeter, comme non fondé, le cinquième moyen soulevé devant le Tribunal.

55.      En troisième lieu, le Conseil fait valoir que, si la Cour devait décider de ne pas annuler l’arrêt attaqué, il y aurait néanmoins lieu d’annuler le point 2 de son dispositif, le règlement no 37/2014 donnant à la seule Commission compétence pour adopter des mesures antidumping.

B.      Analyse

56.      Par son pourvoi incident, la Commission demande l’annulation de l’arrêt attaqué (ci‑après la « demande principale de la Commission »), au motif que le Tribunal a commis une erreur en considérant, aux points 51 à 73 de cet arrêt, que Distillerie Bonollo e.a. sont directement concernées par le règlement litigieux. À titre subsidiaire, la Commission demande l’annulation du point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, dans la mesure où celui‑ci impose au Conseil de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt (ci‑après la « demande subsidiaire de la Commission »), au motif que, depuis l’entrée en vigueur du règlement no 37/2014, seule la Commission est compétente pour imposer des mesures antidumping.

57.      Distillerie Bonollo e.a. concluent au rejet de l’ensemble des conclusions de la Commission, tandis que Changmao Biochemical Engineering et le Conseil soutiennent celles‑ci.

1.      Sur la recevabilité du pourvoi incident

58.      Distillerie Bonollo e.a. contestent la recevabilité, d’une part, du moyen unique soulevé à l’appui de la demande principale de la Commission et tiré d’une erreur d’appréciation de l’affectation directe, en tant qu’il est dirigé contre certains points de l’arrêt attaqué, et, d’autre part, de la demande de la Commission tendant au rejet du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal (24).

59.      À mon sens, il y a lieu de rejeter ces exceptions d’irrecevabilité.

a)      Sur la recevabilité du moyen unique soulevé à l’appui de la demande principale de la Commission, en tant qu’il est dirigé contre les points 59 et 63 de l’arrêt attaqué

60.      En premier lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que le moyen unique soulevé par la Commission est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre le point 59 de l’arrêt attaqué, auquel le Tribunal constate que Distillerie Bonollo e.a. sont directement concernées par le règlement litigieux du fait que celui‑ci impose aux deux producteurs-exportateurs chinois des droits antidumping destinés à compenser le préjudice dont elles sont victimes en tant que concurrentes desdits producteurs-exportateurs. Selon Distillerie Bonollo e.a., il s’agit d’une question de fait.

61.      À mon sens, cette exception d’irrecevabilité doit être rejetée. La Commission ne conteste pas le constat effectué par le Tribunal au point 59 de l’arrêt attaqué, à savoir que Distillerie Bonollo e.a. sont livrées à la concurrence directe des deux producteurs-exportateurs chinois, ce qui est effectivement un fait établi échappant au contrôle de la Cour (25). En effet, l’argument qu’invoque la Commission au sujet dudit point 59 est que le préjudice dont est victime l’industrie de l’Union a été apprécié non pas dans le règlement litigieux, mais dans des « actes juridiques antérieurs » (à savoir le règlement d’exécution no 349/2012 et le règlement no 130/2006), de sorte que ce n’est pas le règlement litigieux, mais ces « actes juridiques antérieurs » qui sont à l’origine de tous effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a. Or, il s’agit là d’un point de droit.

62.      En second lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que le moyen unique du pourvoi incident est irrecevable en tant qu’il est dirigé contre le point 63 de l’arrêt attaqué, auquel le Tribunal rejette l’argument du Conseil selon lequel, pour que la condition relative à l’affectation directe soit remplie, le requérant doit disposer d’« un droit subjectif à l’institution de droits antidumping d’un niveau précis ». En effet, selon Distillerie Bonollo e.a., la Commission cherche uniquement à substituer sa propre interprétation à celle retenue par le Tribunal.

63.      Selon moi, cette exception d’irrecevabilité doit également être rejetée. Certes, cet argument a été avancé en première instance par le Conseil, au soutien duquel la Commission était alors intervenue. Cependant, selon la jurisprudence, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (26). En outre, c’est un point précis de l’arrêt attaqué que conteste la Commission, à savoir le point 63.

b)      Sur la recevabilité de la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal

64.      Dans son pourvoi incident, après avoir exposé les raisons pour lesquelles, selon elle, Distillerie Bonollo e.a. ne sont pas directement concernées par le règlement litigieux et après avoir conclu à l’annulation de l’arrêt attaqué dans son intégralité, la Commission soutient qu’il y a lieu de rejeter, comme non fondé, le cinquième moyen soulevé devant le Tribunal, tiré de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation.

65.      Distillerie Bonollo e.a. contestent la recevabilité de la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal. En effet, d’une part, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur ce cinquième moyen et, d’autre part, la question de savoir si, notamment, les droits de la défense de Distillerie Bonollo e.a. ont été violés est une question de fait.

66.      Selon moi, cette exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

67.      Premièrement, il est vrai que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’examine pas le cinquième moyen soulevé devant lui. En effet, il n’y avait pas lieu de procéder à un tel examen, étant donné que le Tribunal a accueilli le premier moyen tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base et qu’il a annulé le règlement litigieux en conséquence (27). Toutefois, cela ne signifie pas que la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé en première instance est irrecevable. En effet, il ressort clairement du pourvoi incident que la Commission demande à la Cour d’examiner et de rejeter, comme non fondé, le cinquième moyen soulevé en première instance dans l’exercice du pouvoir, qui lui est conféré à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de statuer définitivement après avoir annulé la décision du Tribunal. En effet, dans son pourvoi incident, ce n’est qu’après avoir exposé les raisons pour lesquelles Distillerie Bonollo e.a. ne sont pas directement concernées par l’arrêt attaqué et pour lesquelles, en conséquence, il y a lieu d’annuler celui‑ci, que la Commission demande à la Cour de rejeter, comme non fondé, le cinquième moyen soulevé en première instance. En outre, dans son mémoire en réplique, la Commission explique que c’est « [a]fin d’assister la Cour de justice dans l’exercice de ses pouvoirs au titre de l’article 61 du statut » de la Cour de justice de l’Union européenne que la Commission a exposé son point de vue au sujet du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal.

68.      Deuxièmement, bien que l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne précise pas si, lorsqu’elle statue définitivement, la Cour peut trancher des questions de fait, celle‑ci a assumé cette compétence dans la pratique (28). Par conséquent, le fait que l’examen du cinquième moyen soulevé en première instance nécessite une appréciation des faits, le cas échéant, n’aurait aucune incidence sur la recevabilité de la demande de la Commission tendant au rejet de ce moyen comme non fondé.

c)      Sur la recevabilité de la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal, en tant qu’il fait référence aux arguments avancés par le Conseil dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal

69.      Dans son pourvoi incident, la Commission, à l’appui de sa demande tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal, fait référence à la réponse du Conseil aux questions écrites posées par le Tribunal (29) dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure (30).

70.      Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que sont irrecevables les références, dans le pourvoi incident, à la réponse du Conseil aux questions écrites du Tribunal, au motif que la Commission a été admise à intervenir en première instance au titre de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, c’est‑à‑dire sur la base du rapport d’audience. Par conséquent, la Commission n’était pas en droit de recevoir communication de la réponse du Conseil aux questions écrites du Tribunal. En conséquence, Distillerie Bonollo e.a. demandent à la Cour de refuser de statuer sur la demande de la Commission tendant au rejet, comme non fondé, du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal.

71.      L’on ne saurait, selon moi, juger le pourvoi incident irrecevable en tant qu’il fait référence aux arguments avancés par le Conseil dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal.

72.      En l’espèce, la Commission a été admise à intervenir devant le Tribunal au titre de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 (31).

73.      Aux termes de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, si la demande d’intervention a été présentée après l’expiration du délai de six semaines qui prend cours à la publication, au Journal officiel de l’Union européenne, de l’avis relatif à l’introduction de l’instance, l’intervenant « peut, sur la base du rapport d’audience qui lui est communiqué, présenter ses observations lors de la procédure orale ». Il s’ensuit que, dans cette hypothèse, la partie intervenante n’est pas en droit de recevoir communication de la requête, du mémoire en défense, de la réplique ou de la duplique (32).

74.      Toutefois, en l’espèce, la Commission était bien en droit de recevoir communication de la requête et du mémoire en défense. En effet, aux termes de l’article 24, paragraphe 7, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 (33), « [l]orsque le Conseil ou la [Commission] n’est pas partie à une affaire, le Tribunal lui transmet une copie de la requête et du mémoire en défense, à l’exclusion des annexes à ces documents, pour lui permettre de constater si l’inapplicabilité d’un de ses actes est invoquée au sens de l’article 277 TFUE ».

75.      J’observe que les arguments avancés par le Conseil dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, auxquels se réfère la Commission dans son pourvoi incident (34), figurent également dans le mémoire en défense du Conseil devant le Tribunal, dont la Commission était en droit de recevoir communication (35).

76.      Dès lors, indépendamment de la question de savoir si la Commission était en droit de recevoir communication de la réponse du Conseil aux questions écrites du Tribunal, le fait que, dans son pourvoi incident, la Commission fait référence à des arguments avancés par le Conseil dans ladite réponse ne saurait entraîner l’irrecevabilité du pourvoi incident en tant qu’il vise les arguments du Conseil.

2.      Sur le fond

77.      Ainsi que je le rappelle au point 56 des présentes conclusions, la Commission demande l’annulation de l’arrêt attaqué ou, à titre subsidiaire, l’annulation du point 2 de son dispositif. J’examinerai chaque demande successivement.

a)      Sur la demande principale de la Commission, tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué

78.      Par son moyen unique, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur en considérant que Distillerie Bonollo e.a. sont directement concernées par le règlement litigieux.

79.      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale peut former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire si celui‑ci la concerne directement et individuellement.

80.      Selon une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle‑ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (36).

81.      Au point 59 de l’arrêt attaqué, le Tribunal conclut que, les requérantes en première instance étant à l’origine de la procédure de réexamen intermédiaire partiel et les droits antidumping institués à l’issue de cette procédure étant destinés à compenser le préjudice dont elles sont victimes en tant que concurrentes des deux producteurs-exportateurs chinois, le règlement litigieux produit directement des effets sur leur situation juridique. En outre, étant donné que les États membres n’avaient aucune marge d’appréciation s’agissant du taux du droit antidumping et de l’institution de ce droit sur les produits visés, le second critère de l’affectation directe est, lui aussi, rempli.

82.      Je relève que, dans son pourvoi incident, la Commission conteste uniquement l’appréciation du premier critère de l’affectation directe effectuée par le Tribunal, aux points 51 à 73 de l’arrêt attaqué, et non l’analyse du second critère, au point 50 de cet arrêt.

83.      L’argument de la Commission consiste à soutenir que le règlement litigieux ne produit pas d’effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a. parce que celles‑ci ne disposent d’aucun droit susceptible d’être affecté par l’adoption de ce règlement. Selon la Commission, si le règlement de base confère des droits procéduraux à Distillerie Bonollo e.a. en leur qualité de plaignantes, seuls les droits matériels, et non les droits procéduraux, sont pertinents pour déterminer si le règlement litigieux produit des effets sur leur situation juridique. Or, ni le traité FUE ni le règlement de base ne confèrent à Distillerie Bonollo e.a. un droit matériel à l’institution de droits antidumping d’un certain niveau à l’encontre des producteurs de pays tiers concurrents.

84.      Pour leur part, Distillerie Bonollo e.a. estiment que le règlement litigieux produit directement des effets sur leur situation juridique parce qu’elles disposent d’un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping sur le marché sur lequel elles sont actives. Cela découle, par analogie, du point 50 de l’arrêt Montessori.

85.      Selon moi, il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé à l’appui de la demande principale de la Commission. Ainsi que je l’explique dans les présentes conclusions, je propose de transposer à la présente affaire la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Montessori et de conclure que le règlement litigieux produit directement des effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a., eu égard au droit de celles‑ci à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping sur le marché sur lequel elles sont actives.

86.      D’emblée, je relève que, contrairement à ce que soutient le Conseil, le fait que le règlement litigieux n’impose pas à Distillerie Bonollo e.a. de payer des droits antidumping ne signifie pas que ce règlement ne produit pas d’effets sur leur situation juridique.

87.      En effet, les droits antidumping sont, par définition, institués sur des produits fabriqués par des producteurs de pays tiers et non sur les produits fabriqués par des producteurs de l’Union tels que Distillerie Bonollo e.a. Par conséquent, si la Cour devait suivre l’approche préconisée par le Conseil, les producteurs de l’Union n’auraient pas qualité pour agir en annulation d’un règlement imposant des mesures antidumping. Une telle solution ne serait guère compatible avec les arrêts du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, points 12 à 16), et du 18 octobre 2018, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Commission (T‑364/16, EU:T:2018:696, points 36 à 53), dans lesquels le juge de l’Union a estimé qu’était recevable le recours en annulation introduit par un producteur de l’Union.

88.      Plaide également en faveur de la position que j’exprime au point 85 des présentes conclusions le fait que les droits antidumping sont acquittés par les importateurs du produit concerné dans l’Union et perçus par les autorités douanières des États membres lors de la mise en libre pratique de ce produit dans l’Union. Ils ne sont pas acquittés par les producteurs-exportateurs. Par conséquent, si la Cour devait suivre l’approche préconisée par le Conseil, les producteurs-exportateurs n’auraient pas qualité pour agir en annulation d’un règlement instituant des droits antidumping sur les importations de leurs propres produits dans l’Union. Une telle solution ne serait pas plus compatible avec une jurisprudence constante selon laquelle sont recevables les recours introduits par ceux des producteurs et exportateurs du produit concerné auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur le fondement des données afférentes à leur activité commerciale (37).

89.      En outre, comme je le mentionne au point 85 des présentes conclusions, je partage l’avis de Distillerie Bonollo e.a. selon lequel, en les plaçant dans une position concurrentielle désavantageuse, le règlement litigieux affecte directement le droit de celles‑ci à ne pas subir une concurrence faussée sur le marché sur lequel elles sont actives.

90.      Premièrement, c’est ce qui résulte de l’arrêt Montessori. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que, en plaçant les parties demanderesses en première instance dans une position concurrentielle désavantageuse, produit directement des effets sur leur situation juridique et, partant, affecte leur droit à ne pas subir une concurrence faussée par les mesures en cause sur le marché sur lequel elles sont actives la décision par laquelle la Commission, d’une part, constate que des mesures constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, mais renonce à ordonner leur récupération, et, d’autre part, conclut que d’autres mesures ne constituent pas des aides d’État (38). La Cour précise que les parties demanderesses en première instance tirent ce droit des dispositions relatives aux aides d’État, à savoir les articles 107 et 108 TFUE, lesquels ont pour objectif de préserver la concurrence (39).

91.      Je propose de transposer la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Montessori à la présente affaire, laquelle a trait non pas à des règles relatives aux aides d’État, mais à la réglementation antidumping. En effet, je considère que le règlement litigieux produit directement des effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a., eu égard à leur droit à ne pas subir une concurrence faussée, non pas par des aides d’État (comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Montessori), mais par des pratiques de dumping sur le marché sur lequel elles sont actives.

92.      À l’appui de cette solution, je relève que, tout comme les articles 107 et 108 TFUE, la réglementation antidumping vise à préserver la concurrence. Certes, aux termes de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base, les mesures antidumping poursuivent un double objectif : d’une part, éliminer les effets de distorsion des échanges provoqués par le dumping et, d’autre part, restaurer une concurrence effective. Cependant, j’insiste sur le fait que les pratiques de dumping doivent être considérées comme des actes de concurrence déloyale de la part de producteurs de pays tiers, contre lesquels il y a lieu de protéger les producteurs de l’Union (40). Il s’ensuit que, selon la jurisprudence, l’institution des droits antidumping constitue une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping (41). Ainsi, à mon sens, l’élimination des effets de distorsion des échanges est avant tout une condition de la restauration d’une concurrence loyale dans le marché intérieur.

93.      J’observe également que l’importance de l’objectif de restauration d’une concurrence effective poursuivi par les droits antidumping est attestée par la règle du droit moindre. En vertu de cette règle, énoncée à l’article 9, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, le niveau du droit antidumping est déterminé conformément à la marge de dumping, à moins que la marge de préjudice soit inférieure à celle‑ci, auquel cas le droit antidumping est calculé sur la base de cette dernière. La règle du droit moindre garantit que l’industrie de l’Union ne puisse obtenir une protection allant au-delà de ce qui est nécessaire afin de parer aux effets préjudiciables des importations faisant l’objet du dumping (42), soit, en d’autres termes, que l’industrie de l’Union ne se voie pas conférer un avantage concurrentiel, par rapport auxdites importations, qui irait au-delà du nécessaire (43).

94.      Ainsi, par analogie avec l’arrêt Montessori, il y a lieu de considérer que le règlement litigieux affecte directement le droit de Distillerie Bonollo e.a. à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping sur le marché sur lequel elles sont actives et que, partant, il produit directement des effets sur leur situation juridique. En effet, Distillerie Bonollo e.a. sont des producteurs d’acide tartrique de l’Union qui opèrent sur le même marché que les deux producteurs-exportateurs chinois, comme le constate le Tribunal au point 59 de l’arrêt attaqué. Dès lors, en imposant des droits antidumping prétendument insuffisants auxdits producteurs-exportateurs, le règlement litigieux est susceptible de placer Distillerie Bonollo e.a. dans une position concurrentielle désavantageuse dans le marché intérieur.

95.      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne découle pas de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 21 du règlement de base que Distillerie Bonollo e.a. ne disposent pas d’un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping sur le marché sur lequel elles sont actives.

96.      L’argument de la Commission consiste à soutenir que, lorsque a été constatée l’existence d’un dumping et d’un préjudice, et qu’il est établi que le second résulte du premier, elle peut néanmoins, au titre de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 21 du règlement de base, s’abstenir d’imposer des mesures antidumping s’il n’est pas de l’intérêt de l’Union d’appliquer de telles mesures. Il s’ensuit, selon la Commission, que Distillerie Bonollo e.a. ne disposent pas d’un droit matériel à la protection contre le dumping.

97.      Je ne suis pas d’accord avec ce raisonnement.

98.      Il est vrai que, selon la jurisprudence du Tribunal, l’industrie de l’Union ne dispose pas d’un droit à l’institution de mesures de protection, même lorsque l’existence d’un dumping et d’un préjudice a été établie, étant donné que de telles mesures ne peuvent être imposées que lorsqu’il a également été constaté, conformément à l’article 9, paragraphe 4, et à l’article 21 du règlement de base, qu’elles sont justifiées au regard de l’intérêt de l’Union (44). L’examen de l’intérêt de l’Union nécessite une évaluation des conséquences probables tant de l’application que de la non‑application des mesures envisagées pour l’intérêt de l’industrie de l’Union et pour les autres intérêts en jeu, à savoir ceux des importateurs, des opérateurs intervenant en amont, des utilisateurs et des transformateurs des produits concernés, ainsi que des consommateurs (45). Cela exige la mise en balance des intérêts de ces parties (46).

99.      Cependant, je constate qu’il s’agit d’une exigence négative. Aux termes de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base, ce n’est que s’il n’est pas dans l’intérêt de l’Union d’appliquer les mesures antidumping proposées que la Commission peut s’abstenir d’imposer de telles mesures (47). En pratique, celle‑ci n’a que très rarement décidé, lorsque les trois autres conditions (à savoir le dumping, le préjudice et le lien de causalité) étaient réunies, de ne pas imposer de mesures antidumping au motif qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’Union d’appliquer de telles mesures (48).

100. Par ailleurs, je souligne que le fait que la Commission peut renoncer à ordonner la récupération d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union (49), ainsi que le fait que l’État membre concerné peut refuser d’exécuter la décision de récupération en cas d’impossibilité absolue de l’exécuter correctement (50), n’ont pas empêché la Cour de juger, dans l’arrêt Montessori, que les concurrents de bénéficiaires d’aides d’État disposent d’un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des aides sur le marché sur lequel ils sont actifs.

101. En particulier, lorsque la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur enfreint le principe de protection de la confiance légitime du bénéficiaire de l’aide (51), la Commission n’est plus tenue d’ordonner sa récupération. Il lui est même interdit de l’ordonner (52). Dans un tel cas, la constatation de l’incompatibilité de l’aide avec le marché intérieur n’aboutit pas à la restauration de la concurrence sur le marché en cause. Cependant, ainsi que je l’indique au point 100 des présentes conclusions, cela n’a pas empêché la Cour de conclure que les concurrents du bénéficiaire de l’aide disposent d’un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des aides d’État.

102. De même, la Commission peut décider de ne pas imposer de mesures antidumping lorsqu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Union d’appliquer de telles mesures. Dans un tel cas, les effets de distorsion des échanges résultant du dumping ne sont pas éliminés et la concurrence n’est pas restaurée dans le marché intérieur. La Cour ne devrait pas pour autant être empêchée de juger que les producteurs de l’Union disposent d’un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping.

103. Troisièmement, contrairement à ce que soutiennent le Conseil et la Commission, si la Cour devait conclure que le premier critère de l’affectation directe est rempli en l’espèce, cela ne serait pas dû aux simples effets matériels (par opposition aux effets juridiques) que produit le règlement litigieux sur la situation de Distillerie Bonollo e.a.

104. En effet, comme je le constate au point 85 des présentes conclusions, le règlement litigieux produit directement des effets sur la situation de Distillerie Bonollo e.a. eu égard au droit de celles‑ci à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping et non eu égard à de quelconques effets matériels de ce règlement.

105. Je relève également qu’il n’existe aucune contradiction entre la solution proposée au point 85 des présentes conclusions et le point 81 de l’arrêt de la Cour du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que la circonstance qu’un règlement instituant des droits antidumping sur les importations de bioéthanol originaire des États‑Unis d’Amérique place les producteurs américains de bioéthanol dans une position concurrentielle désavantageuse ne permet pas, en soi, de considérer que ceux‑ci sont directement concernés par ce règlement. En effet, d’une part, j’observe que ces producteurs étaient des producteurs de pays tiers dont les produits étaient soumis à des droits antidumping, alors que je propose de considérer que disposent d’un droit à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping les producteurs de l’Union. D’autre part, les producteurs américains de bioéthanol n’étaient pas actifs dans le marché intérieur (53), alors que je propose de reconnaître le droit susvisé aux acteurs réels du marché et non à ses acteurs potentiels (54).

106. Quatrièmement, contrairement à ce que soutiennent le Conseil et la Commission, la solution proposée au point 85 des présentes conclusions n’équivaut pas à « assouplir » le premier critère de l’affectation directe.

107. Ainsi que je le rappelle au point 87 des présentes conclusions, dans un arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, points 11 à 16), le juge de l’Union a estimé que les producteurs de l’Union ont qualité pour agir en annulation d’un règlement imposant des mesures antidumping. Par ailleurs, dans un arrêt du 18 octobre 2018, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Commission (T‑364/16, EU:T:2018:696, points 36 à 53), il a reconnu aux producteurs de l’Union qualité pour agir en annulation d’une décision prise par la Commission en exécution d’un arrêt de la Cour, qui indiquait aux autorités douanières nationales de cesser de percevoir des droits antidumping sur les importations de produits fabriqués par un producteur‑exportateur particulier.

108. Il s’ensuit que, si la Cour devait considérer que le règlement litigieux produit directement des effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a., cela ne constituerait pas un « assouplissement » de la condition de l’affectation directe, contrairement à ce que soutiennent le Conseil et la Commission. En effet, la décision de la Cour serait conforme à la jurisprudence citée au point 107 des présentes conclusions.

109. Plaide notamment en faveur de cette conclusion le fait que, en matière d’antidumping, chaque fois qu’un requérant (qu’il s’agisse d’un producteur de l’Union, d’un producteur-exportateur ou d’un importateur) s’est vu refuser la qualité pour agir en annulation d’un règlement imposant des mesures antidumping, c’est parce qu’il n’était pas individuellement concerné par ce règlement et non pas parce qu’il n’était pas directement concerné par lui (55).

110. À ma connaissance, il n’existe qu’une seule exception à cette jurisprudence. Il s’agit de l’arrêt de la Cour du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155), dans lequel les producteurs américains de bioéthanol se sont vu refuser la qualité pour agir au motif qu’ils n’étaient pas directement concernés par l’acte attaqué. Cependant, ainsi que je l’ai expliqué au point 105 des présentes conclusions, cela est dû à la circonstance particulière que lesdits producteurs n’exportaient pas directement de bioéthanol vers l’Union et que, partant, leur production n’était pas directement soumise aux droits antidumping institués.

111. Par ailleurs, dans les affaires dans lesquelles les requérants se sont vu reconnaître la qualité pour agir en annulation d’un règlement imposant des mesures antidumping, soit le juge de l’Union n’a pas examiné la condition de l’affectation directe (56), soit il a considéré qu’elle était remplie. Lorsqu’il l’a jugée remplie, c’est eu égard au second critère de l’affectation directe, c’est‑à‑dire, ainsi que je le rappelle au point 80 des présentes conclusions, au motif que les autorités douanières des États membres, sans qu’elles bénéficient d’une quelconque marge d’appréciation, sont obligées de percevoir les droits institués par un règlement antidumping. Le premier critère n’a pas fait l’objet d’un examen (57).

112. À ma connaissance, il n’existe que deux exceptions à cette jurisprudence. Dans son arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil (T‑80/97, EU:T:2000:216), le Tribunal a conclu qu’un règlement portant extension de mesures antidumping produisait directement des effets sur la situation juridique d’un importateur. En effet, eu égard aux circonstances de l’espèce, la possibilité pour la Commission d’octroyer à la requérante une exemption du droit étendu (lorsque les importations ne constituent pas un contournement du droit initial), prévue dans ce règlement, était purement théorique (58). De même, dans son arrêt du 18 octobre 2018, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Commission (T‑364/16, EU:T:2018:696), le Tribunal a jugé qu’une décision indiquant aux autorités douanières nationales de cesser de percevoir certains droits antidumping produisait directement des effets sur la situation des producteurs de l’Union « dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption des mesures antidumping ». Dans cet arrêt, le Tribunal souligne, notamment, que la plainte ayant conduit à l’adoption du règlement initial et la demande de réexamen au titre de l’expiration avaient été introduites par une association professionnelle au nom de producteurs de l’Union dont les requérantes faisaient partie (59). À cet égard, je rappelle que, comme je l’indique au point 85 des présentes conclusions, je propose de déterminer si le premier critère de l’affectation directe est rempli sur le fondement non pas des droits procéduraux du requérant, mais de son droit à ne pas subir une concurrence faussée. En effet, les droits procéduraux conférés par le règlement de base varient considérablement en fonction des personnes en cause (60), de sorte qu’il est permis de se demander si un règlement imposant des mesures antidumping est susceptible de produire directement des effets sur la situation juridique de toute personne à laquelle le règlement de base confère des droits procéduraux.

113. Ainsi, à mon sens, il n’existe aucun élément dans la jurisprudence en matière d’antidumping susceptible d’étayer l’argument de la Commission selon lequel il y a lieu de refuser aux producteurs de l’Union la qualité pour agir, au motif qu’ils ne disposent d’aucun droit à la protection contre le dumping et que, partant, le règlement instituant des droits antidumping ne produit pas directement d’effets sur leur situation juridique. Il me semble plutôt que l’arrêt attaqué est conforme à la jurisprudence des juridictions de l’Union, lesquelles, comme je l’évoque au point 110 des présentes conclusions, n’ont, à ma connaissance, refusé qu’une seule fois la qualité pour agir à la requérante au motif que celle‑ci n’était pas directement concernée par l’acte attaqué, dans des circonstances différentes de celles de l’espèce.

114. Cinquièmement, l’argument de la Commission et du Conseil selon lequel c’est à tort que, aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se fonde sur le droit à une protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, pour « étendre » la condition de l’affectation directe, ne me convainc pas.

115. Le Tribunal considère auxdits points que, étant donné que le règlement litigieux n’est pas susceptible de comporter des mesures d’exécution à l’égard de Distillerie Bonollo e.a., celles‑ci ne disposent pas, en principe, de voies de recours alternatives sur le plan national. Si, selon le Tribunal, une telle circonstance ne saurait aboutir à écarter la condition de l’affectation individuelle, la condition selon laquelle une personne doit être concernée directement et individuellement doit néanmoins être interprétée à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective.

116. Bien que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux n’ait effectivement pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant les juridictions de l’Union (61), ce n’est pas, selon moi, le propos du Tribunal aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué.

117. Le Tribunal n’est pas parvenu à la conclusion que Distillerie Bonollo e.a. sont directement concernées par le règlement litigieux en se fondant sur l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Sa conclusion s’appuie sur d’autres motifs, à savoir la circonstance, visée au point 59 de l’arrêt attaqué, que Distillerie Bonollo e.a. sont à l’origine de la procédure de réexamen intermédiaire partiel et que les droits antidumping institués par le règlement litigieux sont destinés à compenser le préjudice dont elles sont victimes en tant que concurrentes opérant sur le même marché que les deux producteurs-exportateurs chinois. Les points 92 et 93 de cet arrêt ne font qu’étayer cette conclusion à laquelle le Tribunal avait déjà abouti.

118. Je précise également que, en jugeant que le règlement litigieux produit directement des effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a. pour les raisons évoquées au point 117 des présentes conclusions, le Tribunal n’a pas méconnu la condition de l’affectation directe. Certes, il en a retenu une interprétation plus large que celle préconisée par le Conseil et la Commission, mais cela ne revient pas à la méconnaître.

119. J’en conclus que, étant donné que le règlement litigieux est susceptible de placer Distillerie Bonollo e.a. dans une situation concurrentielle désavantageuse sur le marché sur lequel elles sont en concurrence avec les deux producteurs-exportateurs chinois, ce règlement affecte directement leur droit à ne pas subir une concurrence faussée par des pratiques de dumping sur ledit marché. Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en considérant, au point 59 de l’arrêt attaqué, que le règlement litigieux produit directement des effets sur la situation juridique de Distillerie Bonollo e.a. et que le moyen unique du pourvoi incident doit être rejeté.

120. En conséquence, il y a lieu de rejeter le pourvoi incident en tant qu’il tend à l’annulation de l’arrêt attaqué.

b)      Sur la demande subsidiaire de la Commission, tendant à l’annulation du point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué

121. À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué dans la mesure où celui‑ci maintient le droit antidumping institué par le règlement litigieux en ce qui concerne les produits de Ninghai Organic Chemical Factory jusqu’à ce que non seulement la Commission, mais également le Conseil aient pris les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt. En effet, la Commission fait valoir que, depuis l’entrée en vigueur du règlement no 37/2014, elle seule est compétente pour adopter des mesures antidumping.

122. Le Conseil et Changmao Biochemical Engineering soutiennent la demande de la Commission, tandis que Distillerie Bonollo e.a. sont en désaccord avec celle‑ci.

123. À mon sens, il y a lieu d’accueillir la demande subsidiaire de la Commission.

124. Au point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, le Tribunal maintient le droit antidumping institué par le règlement litigieux en ce qui concerne les produits de Ninghai Organic Chemical Factory « jusqu’à ce que la [Commission] et le [Conseil] aient pris les mesures que comporte l’exécution [de cet arrêt] ».

125. Je relève que, aux termes de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. En l’espèce, le règlement litigieux a été adopté par le Conseil. Cependant, il ne s’ensuit pas que le Conseil doive, ni même puisse, prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt attaqué.

126. En effet, selon la jurisprudence, l’obligation d’agir énoncée à l’article 266, premier alinéa, TFUE ne constitue pas une source de compétence et ne dispense pas l’institution en cause de la nécessité de fonder l’acte contenant les mesures que comporte l’arrêt d’annulation sur une base juridique qui l’habilite à adopter cet acte, d’une part, et qui est en vigueur à la date d’adoption dudit acte, d’autre part (62).

127. L’article 1er du règlement no 37/2014 modifie l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base en ce sens que les droits antidumping définitifs, qui étaient précédemment imposés par le Conseil, sont désormais institués par la Commission (63).

128. En l’espèce, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt attaqué ne peuvent être prises qu’à compter de la date du prononcé de cet arrêt, soit postérieurement au 3 mai 2018. Par conséquent, elles ne peuvent être prises qu’après l’entrée en vigueur du règlement no 37/2014, le 20 février 2014 (64). Dès lors, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt attaqué doivent être fondées sur l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, tel que modifié par le règlement no 37/2014, ainsi que sur l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base (65).

129. Par conséquent, seule la Commission est compétente pour prendre ces mesures.

130. J’en conclus que le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure où il maintient le droit antidumping institué par le règlement litigieux en ce qui concerne les produits de Ninghai Organic Chemical Factory jusqu’à ce que le Conseil ait pris les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt. En revanche, ledit point 2 reste valable dans la mesure où il maintient ce droit jusqu’à ce que la Commission ait pris les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt.

131. Il y a lieu de rejeter le pourvoi incident pour le surplus.

VI.    Sur le pourvoi principal

132. Changmao Biochemical Engineering demande l’annulation de l’arrêt attaqué, au motif que le Tribunal a commis une erreur en accueillant le moyen tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

A.      Les arguments des parties

133. Par son moyen unique, Changmao Biochemical Engineering conteste les points 132 à 137 et 139 à 141 de l’arrêt attaqué.

134. Ce moyen est divisé en trois branches.

135. Dans son moyen unique, pris en sa première branche, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que le fait que, dans le règlement litigieux, la valeur normale est établie sur la base des coûts de production en Argentine plutôt que sur la base des prix de vente intérieurs argentins ne constitue pas un changement de méthode au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base et que, en tout état de cause, les circonstances ont changé. En outre, selon Changmao Biochemical Engineering, le Tribunal a commis une erreur en considérant qu’appliquer la méthode utilisée lors de l’enquête initiale est conforme à l’article 2 du règlement de base et en s’abstenant de ce fait de tenir compte des différences dans les procédés de production de l’acide tartrique en Argentine et en Chine.

136. Dans son moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, Changmao Biochemical Engineering fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur en considérant que le fait que la même valeur normale s’applique à tous les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM efface toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré.

137. Distillerie Bonollo e.a. soutiennent, en premier lieu, que le pourvoi est irrecevable, en deuxième lieu, que le moyen unique du pourvoi est irrecevable et, en troisième lieu, que ce moyen est, en tout état de cause, non fondé.

138. En premier lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent la fin de non‑recevoir soulevée par le Conseil et la Commission.

139. En deuxième lieu, Distillerie Bonollo e.a. font valoir que le moyen unique du pourvoi, pris en ses première, deuxième et troisième branches, est irrecevable en tant que Changmao Biochemical Engineering, dans ce moyen, pris en l’une ou plusieurs de ses branches, premièrement, ne fait que réitérer des arguments avancés devant le Tribunal, deuxièmement, soulève une question de fait, troisièmement, demande à la Cour de statuer sur un moyen sur lequel le Tribunal ne s’est pas prononcé et, quatrièmement, conteste un motif énoncé à titre subsidiaire dans l’arrêt attaqué.

140. En troisième lieu, Distillerie Bonollo e.a. soutiennent que le moyen unique du pourvoi est, en tout état de cause, non fondé. Selon elles, la méthode a été modifiée dans le règlement litigieux, étant donné que la méthode consistant à calculer la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine n’a pas été appliquée. Elles font valoir qu’il n’existe aucun élément de preuve que les circonstances ont changé. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Changmao Biochemical Engineering, le Tribunal n’a pas omis de tenir compte des différences de coûts de production en Argentine et en Chine. Quant à l’affirmation de Changmao Biochemical Engineering selon laquelle l’application de la même valeur normale efface toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré, Distillerie Bonollo e.a. relèvent qu’aucune disposition du règlement de base ne prévoit un traitement favorable des producteurs-exportateurs ayant coopéré en ce qui concerne l’établissement de la valeur normale.

141. Le Conseil soutient que le pourvoi est irrecevable, au motif que l’arrêt attaqué n’affecte pas directement Changmao Biochemical Engineering, comme l’exige l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, le règlement litigieux, dans la mesure où il s’applique à Changmao Biochemical Engineering, avait déjà été annulé par l’arrêt du 1er juin 2017. Dès lors, toutes mesures prises en exécution de l’arrêt attaqué, telles que le nouveau calcul de la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine, ne peuvent s’appliquer qu’à Ninghai Organic Chemical Factory.

142. La Commission soutient que le pourvoi est irrecevable pour le même motif que celui avancé par le Conseil. En tout état de cause, aux yeux de la Commission, le pourvoi n’est pas fondé. En effet, selon elle, le libellé de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base fait référence à la méthode utilisée « lors de l’enquête [initiale] » et non à la méthode utilisée pour une entreprise en particulier. Cette disposition ne saurait être appliquée « entreprise par entreprise ». Par ailleurs, la genèse de cette disposition plaide en faveur d’une interprétation large de l’obligation d’appliquer la même méthode dans l’enquête de réexamen. Enfin, l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base doit être considéré comme l’expression du principe d’égalité de traitement, lequel est désormais consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Par conséquent, dans le règlement litigieux, la valeur normale devrait être déterminée sur la base des prix de vente intérieurs pour tous les producteurs ne bénéficiant pas du statut de SEM, en ce compris les deux producteurs-exportateurs chinois.

B.      Analyse

143. Changmao Biochemical Engineering soulève un moyen unique, tiré de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ne permet pas au Conseil, lors du réexamen intermédiaire, de calculer la valeur normale sur la base des coûts de production dans le pays analogue, à savoir l’Argentine, lorsque, lors de l’enquête initiale, la valeur normale a été déterminée sur la base des prix de vente intérieurs argentins.

144. Distillerie Bonollo e.a., le Conseil et la Commission concluent au rejet du pourvoi.

1.      Sur la recevabilité du pourvoi

145. Le Conseil et la Commission soutiennent que le pourvoi est irrecevable, au motif que l’arrêt attaqué n’affecte pas directement Changmao Biochemical Engineering, comme l’exige l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, étant donné que le règlement litigieux, dans la mesure où il s’applique à Changmao Biochemical Engineering, avait déjà été annulé par l’arrêt du 1er juin 2017. Distillerie Bonollo e.a. soutiennent la fin de non‑recevoir soulevée par le Conseil et la Commission, tandis que Changmao Biochemical Engineering soutient que le pourvoi est recevable.

146. Je considère que le pourvoi est recevable, pour les raisons exposées dans les présentes conclusions.

147. Le pourvoi a été formé par Changmao Biochemical Engineering, laquelle n’était pas partie, mais intervenante à la procédure devant le Tribunal (66).

148. Aux termes de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, pour qu’une partie intervenante en première instance (autre qu’un État membre ou une institution de l’Union) puisse former un pourvoi contre une décision du Tribunal, il faut que celle‑ci l’« affecte directement ».

149. Ainsi que le font remarquer le Conseil et la Commission, lors du prononcé de l’arrêt attaqué, le règlement litigieux, dans la mesure où il s’applique à Changmao Biochemical Engineering, avait déjà été annulé par l’arrêt du 1er juin 2017, lequel est entre-temps devenu définitif.

150. Cependant, je relève que, dans l’arrêt attaqué, la portée de l’annulation du règlement litigieux n’est pas limitée (67).

151. En outre, je rappelle que, selon la jurisprudence, l’institution dont émane l’acte annulé par un arrêt, afin de se conformer à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt, conformément à l’article 266, premier alinéa, TFUE, est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui‑ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (68).

152. L’arrêt attaqué annule le règlement litigieux au motif que, en établissant initialement la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs argentins pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM, puis en utilisant, lors de l’enquête de réexamen ayant conduit à l’adoption de ce règlement, une valeur normale construite déterminée, en substance, sur la base des coûts de production en Argentine, le Conseil a changé de méthode et, partant, a violé l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base. Dès lors, afin de se conformer à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt attaqué, conformément à l’article 266, premier alinéa, TFUE, la Commission devrait rouvrir la procédure et recalculer la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine (69).

153. Étant donné que, comme je l’évoque au point 150 des présentes conclusions, la portée de l’annulation du règlement litigieux n’est pas limitée, la Commission devrait, en exécution de l’arrêt attaqué, recalculer la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs argentins non seulement pour Ninghai Organic Chemical Factory, mais aussi pour Changmao Biochemical Engineering.

154. En revanche, dans l’arrêt du 1er juin 2017, le règlement litigieux a été annulé au motif que, en refusant de communiquer à Changmao Biochemical Engineering des informations relatives au calcul de la valeur normale, le Conseil et la Commission ont violé l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que les droits de la défense. Par conséquent, afin de se conformer à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt, la Commission devrait donner à Changmao Biochemical Engineering l’accès auxdites informations et lui permettre de présenter des observations à cet égard.

155. Dès lors, les mesures qu’il convient de prendre en exécution de l’arrêt attaqué diffèrent des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 1er juin 2017.

156. Il s’ensuit que Changmao Biochemical Engineering est directement concernée par l’arrêt attaqué eu égard à l’obligation de la Commission de rouvrir la procédure et de recalculer la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine en exécution de cet arrêt.

157. Cette conclusion est conforme à la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, International Power e.a./NALOO (C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, EU:C:2003:534). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’arrêt du Tribunal annulant la décision par laquelle la Commission avait rejeté une plainte introduite à l’encontre de trois entreprises affectait directement celles‑ci. En effet, « en exécution de l’arrêt attaqué, la Commission [était] tenue de procéder à un nouvel examen de la [plainte] » et, « [à] l’issue d’un tel examen, il [était] possible que la Commission adopte un acte défavorable [aux trois entreprises], qui pourraient alors se voir exposées au risque de recours en indemnité devant les juridictions nationales » (70).

158. En l’espèce, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que le calcul de la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine aurait pour effet d’instituer des droits d’un niveau nettement plus élevé que celui de 13,1 % imposé par le règlement litigieux. Cette affirmation n’est contestée par aucune des autres parties. Dès lors, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt cité au point 157 des présentes conclusions, il existe un risque que les mesures prises par la Commission en exécution de l’arrêt attaqué soient défavorables à Changmao Biochemical Engineering et que celle‑ci se voie exposée au risque de recours en paiement de ces droits.

159. La conclusion à laquelle j’aboutis au point 156 des présentes conclusions ne saurait être mise en cause par l’argument de Distillerie Bonollo e.a. selon lequel Changmao Biochemical Engineering est concernée non pas par l’arrêt attaqué, mais par les mesures prises en exécution de celui‑ci, de sorte que c’est uniquement lors de l’adoption de telles mesures que Changmao Biochemical Engineering sera directement concernée par cet arrêt, au sens de l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

160. En effet, la recevabilité du pourvoi introduit par une partie intervenante en première instance contre un arrêt annulant un acte de l’Union n’est pas subordonnée à la condition que l’institution compétente ait satisfait à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt, conformément à l’article 266 TFUE : une telle condition n’est pas prévue à l’article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette disposition exige simplement que « la décision du Tribunal » affecte directement la partie intervenante en première instance. Par conséquent, pour déterminer si tel est le cas, il convient de prendre en considération uniquement l’arrêt du Tribunal et l’obligation de l’institution compétente, issue de l’arrêt annulant un acte de l’Union, de prendre les mesures que comporte son exécution. Ni ces mesures elles‑mêmes, ni la question de leur adoption dans le délai imparti ou de leur adéquation avec l’arrêt en exécution duquel elles sont prises ne sauraient entrer en ligne de compte.

161. Il est vrai que Changmao Biochemical Engineering sera en mesure de demander l’annulation des mesures prises en exécution de l’arrêt attaqué. Cependant, contrairement à ce que soutiennent Distillerie Bonollo e.a., cela ne lui donne pas « deux chances pour atteindre son but ». En effet, dans l’hypothèse où Changmao Biochemical Engineering soulèverait, à l’appui d’un recours en annulation des mesures prises en exécution de l’arrêt attaqué, un moyen sur lequel le Tribunal s’est déjà prononcé, ce moyen serait irrecevable en ce qu’il enfreindrait le principe de l’autorité de la chose jugée (71).

162. Je rappelle également que, lorsque, comme en l’espèce, l’acte de l’Union annulé par l’arrêt du Tribunal est un règlement, l’obligation, pour l’institution compétente, de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt ne naît qu’à compter du rejet du pourvoi (72). Par conséquent, dans une telle hypothèse, si l’on devait suivre l’approche préconisée par Distillerie Bonollo e.a., la recevabilité du pourvoi introduit par une partie intervenante en première instance dépendrait du bon vouloir de l’institution compétente pour exécuter l’arrêt attaqué.

163. Dès lors, il est indifférent que la Commission n’ait pas encore pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt attaqué ou l’exécution de l’arrêt du 1er juin 2017 (73).

164. De même est indifférent le fait que, à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping instituées par le règlement d’exécution no 349/2012, la Commission a adopté, le 28 juin 2018, le règlement d’exécution (UE) 2018/921 (74), lequel maintient le droit de 10,1 % imposé à Changmao Biochemical Engineering par le règlement d’exécution no 349/2012 (75).

165. J’en conclus que le pourvoi est recevable.

2.      Sur la recevabilité du moyen unique du pourvoi

166. Premièrement, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par Distillerie Bonollo e.a. contre le moyen unique du pourvoi, pris en ses trois branches, en tant que Changmao Biochemical Engineering se borne à y réitérer des arguments avancés par le Conseil en première instance. Ainsi que je l’explique au point 63 des présentes conclusions, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. J’observe que le pourvoi conteste des points spécifiques de l’arrêt attaqué, à savoir, s’agissant de l’argument tiré de l’absence de changement de méthode, le point 132 ; en ce qui concerne l’argument selon lequel les différences dans les procédés de production de l’acide tartrique en Argentine et en Chine devraient être prises en considération lors de la détermination de la valeur normale équitable, les points 132 et 135 à 137 ; s’agissant de l’argument tiré d’un changement de circonstances, le point 134 ; et, en ce qui concerne l’argument selon lequel le fait d’appliquer, à tous les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM dans le cadre de l’enquête de réexamen, la méthode appliquée lors de l’enquête initiale effacerait toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré, les points 139 à 141.

167. Deuxièmement, dans la mesure où il convient de comprendre les écritures de Distillerie Bonollo e.a. en ce sens que l’argument tiré d’un changement de circonstances est irrecevable au motif qu’il s’agit d’une question de fait, il y a lieu de rejeter cette exception d’irrecevabilité. En effet, j’estime que la question de savoir si la circonstance que le statut de SEM a été accordé, puis refusé aux deux producteurs-exportateurs chinois est la preuve que les circonstances ont changé, au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, est une question de droit.

168. Troisièmement, si je suis d’accord avec Distillerie Bonollo e.a. qu’un moyen tiré de la violation des droits de la défense serait irrecevable, le Tribunal ne s’étant pas prononcé sur ce moyen dans l’arrêt attaqué, il ne me semble pas qu’un tel moyen ait été soulevé dans le pourvoi. Dans l’exposé de la troisième branche du moyen unique, le pourvoi énonce brièvement, à titre d’introduction, que les conclusions du Tribunal afférentes à la valeur normale « vont à l’encontre de la jurisprudence constante […] relative […] à la garantie de comparaisons de prix équitables et au respect des droits de la défense des exportateurs » (76). En l’absence de tout autre élément en ce sens, ces quelques mots ne signifient pas que Changmao Biochemical Engineering a soulevé un moyen tiré de la violation des droits de la défense.

169. Quatrièmement, l’argument selon lequel le Tribunal a commis une erreur en considérant, au point 141 de l’arrêt attaqué, que la même valeur normale est appliquée à tous les producteurs-exportateurs lorsque celle‑ci est déterminée sur la base de données relatives à un pays analogue n’est pas irrecevable au motif qu’il est dirigé contre un motif énoncé à titre subsidiaire dans l’arrêt attaqué, comme le soutiennent Distillerie Bonollo e.a. En revanche, c’est à juste titre que celles‑ci considèrent que cet argument est inopérant (77).

170. J’en conclus que le moyen unique du pourvoi est recevable dans son intégralité.

3.      Sur le fond

171. Aux termes de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, dans toutes les enquêtes de réexamen effectuées en vertu de cet article, la Commission doit appliquer, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu, notamment, des dispositions de l’article 2 de ce règlement.

172. Selon la jurisprudence, l’exception permettant aux institutions d’appliquer, lors de la procédure de réexamen, une méthode différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale lorsque les circonstances ont changé doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte (78).

173. En l’espèce, lors de l’enquête ayant conduit à l’adoption du règlement no 130/2006, la valeur normale pour les deux producteurs-exportateurs chinois, qui bénéficiaient du statut de SEM, a été établie sur la base de leurs prix de vente intérieurs réels, conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base (79), tandis que la valeur normale pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM a été calculée sur la base des prix de vente intérieurs dans un pays analogue, à savoir l’Argentine, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement (80).

174. En revanche, lors de l’enquête ayant conduit à l’adoption du règlement litigieux, le statut de SEM a été refusé aux deux producteurs-exportateurs chinois. Dès lors, la valeur normale ne pouvait plus être établie conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base. Celle-ci a été calculée, en substance, sur la base des coûts de production en Argentine, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ce règlement (81).

175. Par son moyen unique, Changmao Biochemical Engineering soutient que le Tribunal a commis une erreur en considérant que le Conseil a violé l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base en utilisant pour les deux producteurs-exportateurs chinois, lors de l’enquête de réexamen, une valeur normale construite sur la base des coûts de production en Argentine, alors que, dans l’enquête initiale, il avait établi la valeur normale pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM sur la base des prix de vente intérieurs argentins.

176. Le moyen unique du pourvoi est divisé en trois branches. Dans la première de celles-ci, Changmao Biochemical Engineering soutient que la méthode n’a pas été modifiée et que, en tout état de cause, les circonstances ont changé, de sorte que c’est à tort que le Tribunal a conclu à la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

177. À mon sens, il y a lieu d’accueillir le moyen unique du pourvoi, pris en sa première branche.

178. Contrairement à ce que soutient Changmao Biochemical Engineering (82), il y a bien eu un changement de méthode au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

179. Selon la jurisprudence, constitue un changement de méthode aux fins de cette disposition le fait que, dans le cadre de la procédure initiale, le prix à l’exportation a été établi sur la base des prix réels à l’exportation vers l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base, tandis que, dans le cadre de l’enquête de réexamen, un prix à l’exportation construit a été déterminé en prenant en considération les prix réels à l’exportation vers des pays tiers, conformément à l’article 2, paragraphe 9, de ce règlement (83). De même, lorsque, dans l’enquête initiale, le Conseil calcule la valeur normale sur la base des prix à l’exportation réels d’un producteur situé dans un pays tiers analogue et des prix de vente intérieurs de ce producteur, mais que, lors de l’enquête de réexamen, il établit la valeur normale sur la base des coûts de production de ce même producteur, la méthode a été modifiée (84).

180. En l’espèce, lors de l’enquête initiale, la valeur normale pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM a été établie sur la base des prix de vente intérieurs argentins, alors que, dans l’enquête de réexamen, pour les deux producteurs-exportateurs chinois, qui n’étaient plus éligibles au statut de SEM, elle a été calculée, en substance, sur la base des coûts de production en Argentine. Eu égard à la jurisprudence citée au point 179 des présentes conclusions, il me semble que cela constitue un changement de méthode au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

181. Par ailleurs, il n’a pas été démontré, selon moi, que les circonstances ont changé.

182. Le juge de l’Union a considéré, notamment, qu’un engagement de prix minimaux (portant atteinte à la fiabilité des prix réels à l’exportation vers l’Union et obligeant, dans le cadre de l’enquête de réexamen, au calcul d’un prix à l’exportation construit sur la base des prix à l’exportation vers des pays tiers) (85) ou une évolution significative des coûts de production du produit concerné (86) constitue un changement de circonstances au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base (87).

183. Cependant, Changmao Biochemical Engineering se borne à déclarer qu’il y a eu un important changement de circonstances et que le fait que le Conseil et la Commission lui ont accordé le statut de SEM lors de l’enquête initiale, mais le lui ont refusé lors de l’enquête de réexamen en est la preuve. J’estime que cela ne suffit pas pour établir un changement de circonstances au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

184. En particulier, je relève que, aux termes du considérant 27 du règlement litigieux, la raison pour laquelle il a été décidé, lors de l’enquête de réexamen, d’utiliser une valeur normale construite sur la base des coûts de production en Argentine plutôt que d’utiliser les prix de vente intérieurs argentins est liée à l’existence d’une « différence entre les méthodes de production en Argentine et en [Chine], qui a une incidence majeure sur les prix et les coûts ». Ainsi que l’explique Changmao Biochemical Engineering, alors que, en Argentine, l’acide tartrique est fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin, en Chine, il est fabriqué par synthèse chimique. Toutefois, il ressort du règlement d’exécution no 349/2012 que les différences entre les procédés et coûts de production de l’acide tartrique existaient déjà lors de l’enquête initiale (88). Il n’a pas été soutenu devant la Cour que les coûts de production de l’acide tartrique en Argentine ou en Chine ont évolué entre la période d’enquête initiale et la période de réexamen intermédiaire. Il s’ensuit, selon moi, qu’il n’est pas démontré que les circonstances ont changé au sens de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

185. Néanmoins, il me semble que le Tribunal n’a pas motivé de manière adéquate et suffisante sa conclusion, aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué, que l’application de la méthode utilisée lors de l’enquête initiale ne serait pas contraire à l’article 2 du règlement de base.

186. Je rappelle que, aux termes de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, la Commission est tenue d’appliquer, dans toutes les enquêtes de réexamen, la même méthode que dans l’enquête initiale, « compte tenu des dispositions de l’article 2, et en particulier de ses paragraphes 11 et 12, et des dispositions de l’article 17 ».

187. Je relève que, lorsque, comme en l’espèce, les circonstances n’ont pas changé, il ne suffit pas, pour justifier un changement de méthode, que la nouvelle méthode soit plus appropriée que l’ancienne (89). En l’absence d’un changement de circonstances, un changement de méthode n’est justifié que si l’ancienne méthode est contraire à l’article 2 ou à l’article 17 du règlement de base.

188. En effet, il découle du libellé de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base et de la jurisprudence citée au point 172 des présentes conclusions que l’application, dans l’enquête de réexamen, de la méthode utilisée dans l’enquête initiale constitue la règle générale, et l’utilisation d’une méthode différente, l’exception. Si l’on devait considérer que, en l’absence d’un changement de circonstances, une nouvelle méthode peut être appliquée dans la procédure de réexamen alors même que l’ancienne méthode n’a pas été jugée contraire à l’article 2 ou à l’article 17 du règlement de base, l’exception deviendrait la règle.

189. Par conséquent, il y a lieu de déterminer si l’application, dans l’enquête de réexamen, de la méthode utilisée dans l’enquête initiale serait contraire à l’article 2 du règlement de base.

190. Selon la jurisprudence, il appartient au Conseil de démontrer que la méthode utilisée lors de l’enquête initiale est contraire à l’article 2 du règlement de base (90).

191. Devant le Tribunal, le Conseil a fait valoir que, compte tenu des différences entre les procédés de production de l’acide tartrique en Argentine et en Chine (91), il ne pouvait appliquer, dans l’enquête de réexamen, la méthode utilisée lors de l’enquête initiale sans violer l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, aux termes duquel la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation doit être équitable. Le Conseil a soutenu que la comparaison entre, d’une part, la valeur normale calculée sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine, et donc fondée sur des données relatives au procédé de production naturel, et, d’autre part, les prix à l’exportation réels des deux producteurs-exportateurs chinois, donc relatifs au procédé de production synthétique, aurait été inéquitable.

192. Aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal rejette l’argument du Conseil selon lequel l’application de la méthode utilisée lors de l’enquête initiale ne permettrait pas une comparaison équitable entre la valeur normale et les prix à l’exportation, aux motifs que, d’une part, si cette comparaison avait été inéquitable, le Conseil et la Commission auraient également été amenés à modifier le droit antidumping applicable aux autres producteurs-exportateurs, ce qu’ils n’ont cependant pas fait, et, d’autre part, l’acide tartrique fabriqué par synthèse chimique « a les mêmes caractéristiques et est destiné aux mêmes utilisations de base » que celui fabriqué à partir de sous-produits de la fabrication du vin.

193. Il me semble que, en se fondant uniquement sur ces motifs, le Tribunal ne pouvait conclure que l’application de la méthode utilisée dans l’enquête initiale « n’apparaît pas contraire à l’article 2 du règlement de base » (92).

194. Premièrement, le fait que le Conseil n’a pas modifié le droit imposé aux autres producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM ne prouve pas que la méthode utilisée lors de l’enquête initiale n’est pas contraire à l’article 2 du règlement de base. Cela peut tout aussi bien vouloir dire que le Conseil a violé cette disposition en ne modifiant pas ledit droit. Le comportement du Conseil ne permet de tirer aucune conclusion en ce qui concerne la légalité tant de l’ancienne que de la nouvelle méthode.

195. Deuxièmement, il me semble que, pour conclure que l’application de la méthode utilisée lors de l’enquête initiale n’aurait pas été contraire à l’article 2 du règlement de base, le Tribunal ne peut se contenter de constater que l’acide tartrique fabriqué par synthèse chimique « a les mêmes caractéristiques et est destiné aux mêmes utilisations de base » que celui fabriqué à partir de sous‑produits de la fabrication du vin. En effet, aux termes du considérant 27 du règlement litigieux (93), les différences dans les procédés de production de l’acide tartrique en Argentine et en Chine, sur lesquelles s’est appuyé le Conseil lorsqu’il a fait valoir que l’application de l’ancienne méthode serait contraire à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, ont « une incidence majeure sur les prix et les coûts ».

196. Par ailleurs, je relève que les différences entre les procédés de production constituent la raison pour laquelle, dans le règlement litigieux, la méthode a été modifiée et la valeur normale, pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM, calculée non pas sur la base des prix de vente intérieurs argentins, mais sur la base des coûts de production en Argentine (94). Dès lors, il me semble que, dans la mesure où le Conseil se fonde sur les différences entre les procédés de production pour démontrer qu’il aurait été illégal d’appliquer l’ancienne méthode dans l’enquête de réexamen, le Tribunal aurait dû examiner non seulement si ces différences rendaient inéquitable la comparaison entre la valeur normale et les prix à l’exportation, mais aussi si elles s’opposaient à ce que les prix de vente intérieurs argentins soient utilisés pour le calcul de la valeur normale. Ce n’est que si le Tribunal devait constater que, nonobstant les différences dans les procédés de production, les prix de vente intérieurs en Argentine pouvaient être utilisés pour le calcul de la valeur normale, qu’il aurait pu conclure que l’application de l’ancienne méthode n’aurait pas été contraire à l’article 2 du règlement de base et que, par conséquent, le Conseil ne pouvait appliquer une nouvelle méthode dans le règlement litigieux.

197. Il est vrai que, devant le Tribunal, le Conseil, auquel il appartient de démontrer qu’il serait illégal d’appliquer l’ancienne méthode, a uniquement fait valoir que les différences entre les procédés de production ne permettraient pas une comparaison équitable telle qu’elle est exigée à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base ; il n’a nullement fait valoir que ces différences s’opposeraient à l’utilisation des prix de vente intérieurs argentins lors du calcul de la valeur normale. Néanmoins, il me semble que ces deux questions sont liées, comme l’atteste le considérant 42 du règlement litigieux, aux termes duquel « [c]e même calcul, s’il avait été effectué sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine, en ajustant la valeur normale et/ou le prix à l’exportation conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, n’aurait pas permis une comparaison équitable » (95).

198. Il en résulte que le Tribunal a omis de motiver de manière adéquate et suffisante sa conclusion, au point 137 de l’arrêt attaqué, que l’application de la méthode utilisée lors de l’enquête initiale ne serait pas contraire à l’article 2 du règlement de base.

199. Ainsi que le fait valoir la Commission, on ne saurait soutenir que l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base doit être interprété en ce sens que l’exigence relative à l’application de la même méthode dans l’enquête initiale et dans l’enquête de réexamen vise non pas la méthode appliquée dans la procédure initiale dans son ensemble, mais la méthode utilisée, dans la procédure initiale, pour chaque producteur-exportateur.

200. Si tel était le cas, il conviendrait, dans l’enquête de réexamen, d’établir la valeur normale pour les deux producteurs-exportateurs chinois sur la base de leurs prix de vente intérieurs réels (96). Or, étant donné que, d’après l’enquête de réexamen, lesdits producteurs-exportateurs ne sont plus éligibles au statut de SEM, cela serait contraire à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. De ce fait, le Conseil pourrait appliquer une nouvelle méthode sans violer l’article 11, paragraphe 9, de ce règlement (97).

201. Cependant, j’estime qu’on ne peut interpréter l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base en ce sens que l’exigence relative à l’application, dans l’enquête de réexamen, de la méthode appliquée dans l’enquête initiale vise la méthode utilisée pour chaque producteur-exportateur. En effet, premièrement, va à l’encontre d’une telle interprétation le libellé même de cette disposition, étant donné que celle‑ci exige l’application de la même méthode que celle utilisée lors de « l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit ». Par définition, une enquête concerne l’ensemble des producteurs-exportateurs du produit concerné. Rien, dans le libellé de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, ne permet de penser qu’il y a lieu de tenir compte de la situation individuelle de chaque producteur‑exportateur. Deuxièmement, bien que, pour « assurer une plus grande cohérence horizontale », la Commission ait proposé d’abroger l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, en raison, notamment, du fait qu’il « a parfois conduit à perpétuer l’utilisation de méthodologies clairement dépassées » (98), cette disposition n’a pas été abrogée. Cela laisse entendre qu’il convient de faire une lecture large de la règle énoncée audit article, celle‑ci s’appliquant ainsi à la méthode utilisée lors de l’enquête dans son ensemble et non à la méthode utilisée pour chaque producteur-exportateur.

202. Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le moyen unique du pourvoi, pris en sa première branche, et d’annuler l’arrêt attaqué.

203. Néanmoins, par souci d’exhaustivité, j’examinerai brièvement les deuxième et troisième branches du moyen unique du pourvoi.

204. Dans son moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, Changmao Biochemical Engineering fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en considérant, aux points 139 à 141 de l’arrêt attaqué, que le fait que la même valeur normale s’applique à tous les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM efface toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré.

205. À mon sens, le moyen unique du pourvoi, pris en ses deuxième et troisième branches, ne peut prospérer.

206. Aux points 139 à 141 de l’arrêt attaqué, le Tribunal rejette l’argument du Conseil selon lequel le fait de calculer la valeur normale sur la base des prix de vente intérieurs en Argentine pour les deux producteurs-exportateurs chinois, lesquels ont coopéré, d’une part, et pour les autres producteurs-exportateurs, lesquels n’ont pas coopéré, d’autre part, effacerait toute distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré. Selon le Tribunal, cette distinction existerait toujours, étant donné que les producteurs‑exportateurs qui coopèrent peuvent bénéficier d’un traitement individuel au titre de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, tandis que les producteurs-exportateurs qui ne coopèrent pas ne peuvent en bénéficier.

207. Est inopérant l’argument de Changmao Biochemical Engineering selon lequel, en ce qui concerne le calcul de la valeur normale, ne permet pas d’opérer une distinction entre producteurs-exportateurs qui coopèrent et producteurs‑exportateurs qui ne coopèrent pas le fait que les premiers peuvent bénéficier d’un traitement individuel, contrairement aux seconds. Certes, lorsqu’un producteur-exportateur bénéficie d’un traitement individuel au titre de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, c’est la valeur normale applicable à l’échelle du pays à l’ensemble des producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM qui s’applique, bien qu’une marge antidumping individuelle soit calculée sur la base des prix à l’exportation réels du producteur-exportateur bénéficiant du traitement individuel. Toutefois, aux points 139 à 141 de l’arrêt attaqué, la question n’est pas de savoir si la même valeur normale s’applique à tous les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM, qu’ils aient ou non coopéré, car tel est bien le cas, comme le reconnaît le Tribunal. La question est de savoir si, alors que la même valeur normale s’applique, le traitement individuel permet néanmoins d’opérer une distinction entre les producteurs-exportateurs ayant coopéré et ceux n’ayant pas coopéré.

208. De même, est inopérant, pour la même raison, l’argument de Changmao Biochemical Engineering selon lequel la même valeur normale ne s’applique pas à tous les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM ayant coopéré lorsque leurs coûts et procédés de production diffèrent.

209. Je conclus donc qu’il convient d’accueillir le moyen unique du pourvoi, pris en sa première branche. En conséquence, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué pour ce motif.

210. À mon sens, la Cour n’est pas en mesure de statuer définitivement sur cette affaire conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, la résolution du litige implique une nouvelle appréciation des circonstances de l’espèce, à la lumière des considérations exposées aux points 185 à 198 des présentes conclusions, et le Tribunal est mieux placé pour mener à bien cette appréciation.

211. Dès lors, il y a lieu de renvoyer la présente affaire devant le Tribunal afin qu’il examine si l’application, dans l’enquête de réexamen, de la méthode utilisée dans l’enquête initiale serait contraire à l’article 2 du règlement de base. Par la suite, s’il devait conclure que tel est le cas et que, par conséquent, le Conseil pouvait appliquer une nouvelle méthode dans le cadre de l’enquête de réexamen sans violer l’article 11, paragraphe 9, de ce règlement, le Tribunal serait tenu d’examiner les autres moyens soulevés devant lui.

VII. Sur les dépens

212. Étant donné que je propose de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, il y a lieu, dans cette hypothèse, de réserver les dépens afférents au pourvoi principal.

213. En revanche, dans cette hypothèse, il y a lieu de statuer sur les dépens afférents au pourvoi incident.

214. Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, lequel est applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

215. En l’espèce, la Commission succombe en tant qu’elle demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué au motif que le Tribunal a commis une erreur en considérant que Distillerie Bonollo e.a. sont directement concernées par le règlement litigieux, mais obtient gain de cause en tant qu’elle demande à la Cour d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué dans la mesure où celui‑ci impose au Conseil de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt. Distillerie Bonollo e.a. ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de condamner celle‑ci à supporter, outre ses propres dépens, quatre cinquièmes des dépens exposés par Distillerie Bonollo e.a., tandis que celles‑ci devraient supporter un cinquième de leurs propres dépens.

216. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, lequel est également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, le Conseil, étant intervenu au litige dans le cadre du pourvoi incident, devrait supporter ses propres dépens.

217. Aux termes de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une partie intervenante en première instance participe à la procédure de pourvoi, la Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens. Changmao Biochemical Engineering ayant participé au pourvoi incident, elle devrait supporter ses propres dépens.

VIII. Conclusion

218. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de statuer de la manière suivante :

–        annuler l’arrêt du Tribunal du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil (T‑431/12, EU:T:2018:251) ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal de l’Union européenne ;

–        réserver les dépens afférents au pourvoi principal ;

–        accueillir le pourvoi incident en tant qu’il tend à l’annulation du point 2 du dispositif de l’arrêt du Tribunal du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil (T‑431/12, EU:T:2018:251), dans la mesure où celui‑ci impose au Conseil de l’Union européenne de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt ;

–        rejeter le pourvoi incident pour le surplus ;

–        condamner la Commission européenne à supporter, outre ses propres dépens afférents au pourvoi incident, quatre cinquièmes des dépens afférents au pourvoi incident exposés par Distillerie Bonollo SpA, Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA, Distillerie Mazzari SpA et Caviro Distillerie Srl ;

–        condamner Distillerie Bonollo, Industria Chimica Valenzana (ICV), Distillerie Mazzari et Caviro Distillerie à supporter un cinquième de leurs dépens afférents au pourvoi incident, et

–        condamner le Conseil et Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd à supporter leurs propres dépens afférents au pourvoi incident.


1      Langue originale : l’anglais.


2      T‑431/12, EU:T:2018:251.


3      JO 2012, L 182, p. 1.


4      JO 2009, L 343, p. 51.


5      JO 2004, C 267, p. 4.


6      JO 2005, L 200, p. 73.


7      JO 2006, L 23, p. 1.


8      Voir considérants 14 à 17 du règlement no 1259/2005 et considérants 12 et 42 du règlement no 130/2006.


9      JO 2010, C 211, p. 11.


10      Avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration et d’un réexamen des mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2011, C 24, p. 14).


11      JO 2011, C 223, p. 16.


12      JO 2012, L 110, p. 3.


13      Voir considérants 17 à 21 et 27 à 29 du règlement litigieux.


14      T‑442/12, EU:T:2017:372.


15      JO 1991, L 136, p. 1.


16      Étant donné que, dans son pourvoi, Changmao Biochemical Engineering conteste uniquement l’appréciation, par le Tribunal, de la condition de l’affectation directe, et non son analyse de la condition de l’affectation individuelle ou de l’intérêt à agir des requérantes en première instance, je me contenterai de résumer l’appréciation de la condition de l’affectation directe.


17      Par conséquent, il n’y avait pas lieu pour le Tribunal d’examiner les quatre autres moyens soulevés par les requérantes en première instance et tirés, le premier, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), lu en combinaison avec l’article 2, paragraphes 1 à 3, du règlement de base, du fait du recours à une valeur normale construite plutôt qu’aux prix de vente intérieurs réels dans le pays analogue ; le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, du fait de la construction de la valeur normale sur la base des coûts dans un pays autre que le pays analogue ; le troisième, de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, du fait de la construction de la valeur normale en ayant recours à une matière première qui n’était pas équivalente ; et le quatrième, de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation.


18      Les quatre premiers moyens soulevés devant le Tribunal sont tirés, le premier, de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ; le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), lu en combinaison avec l’article 2, paragraphes 1 à 3, du règlement de base ; et le troisième ainsi que le quatrième, de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base (voir note en bas de page 18 des présentes conclusions).


19      Le cinquième moyen soulevé devant le Tribunal est tiré de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation (voir note en bas de page 18 des présentes conclusions).


20      Le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, est tiré du caractère non fondé du cinquième moyen soulevé devant le Tribunal (voir note en bas de page 20 des présentes conclusions).


21      Comme indiqué à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, les quatre premiers moyens soulevés devant le Tribunal sont tirés, le premier, de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ; le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous a), lu en combinaison avec l’article 2, paragraphes 1 à 3, du règlement de base ; et le troisième ainsi que le quatrième, de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base.


22      Comme indiqué à la note en bas de page 20 des présentes conclusions, le cinquième moyen soulevé devant le Tribunal est tiré de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation.


23      JO 2014, L 18, p. 1.


24      Dans un souci de clarté, je précise que toutes les exceptions d’irrecevabilité soulevées visent la demande principale de la Commission. Elles ne portent pas sur la demande subsidiaire de la Commission.


25      Arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission (C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 40).


26      Arrêt du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 124).


27      Voir arrêt attaqué, points 142 et 143.


28      Voir, notamment, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a. (C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 141 à 164) ; du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 52 à 60) ; du 3 mai 2012, Espagne/Commission (C‑24/11 P, EU:C:2012:266, points 50 à 59), et du 28 novembre 2019, ABB/Commission (C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, points 95 à 101).


29      Plus précisément, la Commission fait référence à l’affirmation, formulée par le Conseil dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, selon laquelle, pour déterminer si le Conseil a violé son obligation de motivation, il convient de prendre en considération non seulement le libellé du règlement litigieux, mais aussi les échanges oraux et écrits qui ont eu lieu pendant la procédure administrative. La Commission se réfère également à une autre affirmation formulée par le Conseil dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, selon laquelle Distillerie Bonollo e.a. n’excipent pas d’un défaut de motivation, mais se bornent à contester l’approche retenue par le Conseil et la Commission, ce qui ne suffit pas à établir une violation des droits de la défense ou un défaut de motivation.


30      Voir arrêt attaqué, point 34.


31      Voir point 20 des présentes conclusions.


32      Arrêt du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission (C‑113/07 P, EU:C:2009:191, points 37 à 39).


33      Devenu article 82 du règlement de procédure du Tribunal.


34      Voir note en bas de page 30 des présentes conclusions.


35      Dans son mémoire en défense devant le Tribunal, le Conseil précise que la question de savoir s’il a violé son obligation de motivation doit s’apprécier non seulement à la lumière du libellé de l’article 296 TFUE, mais également à la lumière des échanges qui ont eu lieu pendant la procédure antidumping. Il ajoute que les requérantes en première instance, plutôt que de contester le défaut de motivation, critiquent sur le fond l’approche préconisée par le Conseil et la Commission.


36      Arrêt Montessori, point 42 ; arrêts du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 69), et du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, point 103).


37      Arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission (239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, points 11 à 14), et du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil (240/84, EU:C:1987:202, points 5 à 7). Voir aussi, notamment, arrêts du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil (T‑155/94, EU:T:1996:118, points 45 à 53) ; du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil (T‑170/94, EU:T:1997:134, points 35 à 42) ; du 13 septembre 2013, Huvis/Conseil (T‑536/08, non publié, EU:T:2013:432, points 23 à 29) ; du 13 septembre 2013, Cixi Jiangnan Chemical Fiber e.a./Conseil (T‑537/08, non publié, EU:T:2013:428, points 20 à 29) ; du 16 janvier 2014, BP Products North America/Conseil (T‑385/11, EU:T:2014:7, points 74 à 78) ; du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505, points 25 à 32) ; du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, points 57 à 64) ; du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil (T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, points 22 à 39), et du 10 octobre 2017, Kolachi Raj Industrial/Commission (T‑435/15, EU:T:2017:712, points 49 à 55).


38      La Cour s’est fondée sur le fait que les parties demanderesses en première instance, à savoir M. Pietro Ferracci, propriétaire d’un établissement d’hébergement hôtelier « bed and breakfast », et Scuola Elementare Maria Montessori, un établissement d’enseignement privé, offraient des services semblables à ceux fournis par les bénéficiaires du régime d’aides, à savoir des entités ecclésiastiques et religieuses. En outre, leurs établissements respectifs étaient situés à proximité immédiate des bénéficiaires de l’aide. Par conséquent, ils étaient actifs sur le même marché géographique de services. Étant donné que M. Ferracci et Scuola Elementare Maria Montessori étaient, a priori, éligibles à l’aide objet de la décision litigieuse, celle‑ci était susceptible de les placer dans une situation concurrentielle désavantageuse (voir arrêt Montessori, point 50).


39      Voir arrêt Montessori, points 43 et 52.


40      Voir, à cet égard, Reymond, D., Action antidumping et droit de la concurrence dans l’Union européenne, Bruylant, 2016, point 60.


41      Arrêts du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil (C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 91), et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil (T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 50). Voir aussi conclusions de l’avocat général Van Gerven dans l’affaire Nölle (C‑16/90, non publiées, EU:C:1991:233, point 11) et de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (C‑100/17 P, EU:C:2018:214, point 105).


42      Arrêt du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258, points 167 et 168).


43      Conclusions de l’avocate générale Trstenjak dans l’affaire Moser Baer India/Conseil (C‑535/06 P, EU:C:2008:532, point 170) et arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil (T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 51).


44      Arrêts du 8 juillet 2003, Euroalliages e.a./Commission (T‑132/01, EU:T:2003:189, point 44), et du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil (T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 162).


45      Voir article 21, paragraphe 2, du règlement de base.


46      Arrêt du 15 juin 2017, T.KUP (C‑349/16, EU:C:2017:469, point 44).


47      Arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil (T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 163).


48      Voir Juramy, H., « Anti-Dumping in Europe: What About Us(ers)? », Global Trade and Customs Journal, nos 11/12, 2018, p. 511 à 518 (notamment p. 516 et 517), et Melin, Y., « Users in EU Trade Defence Investigations: How to Better Take their Interests into Account, and the New Role of Member States as User Champions after Comitology », Global Trade and Customs Journal, no 3, 2016, p. 88 à 121 (notamment p. 96).


49      Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9), « [l]a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union ».


50      Arrêt du 9 novembre 2017, Commission/Grèce (C‑481/16, non publié, EU:C:2017:845, point 28), et arrêt Montessori, point 80.


51      Arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑372/97, EU:C:2004:234, point 111).


52      Arrêt du 15 novembre 2018, World Duty Free Group/Commission (T‑219/10 RENV, EU:T:2018:784, points 264 et 268).


53      Les producteurs américains de bioéthanol en cause n’exportaient pas directement leur production sur le marché de l’Union, mais la vendaient sur le marché intérieur (américain) à des négociants/mélangeurs indépendants qui mélangeaient ensuite le bioéthanol à de l’essence aux fins de son exportation, en particulier vers l’Union (conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2018:794, point 63).


54      Cette proposition est conforme aux points 46 et 50 de l’arrêt Montessori.


55      Arrêt du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil (T‑598/97, EU:T:2002:52, points 49 à 64) ; ordonnance du 27 janvier 2006, Van Mannekus/Conseil (T‑280/03, non publiée, EU:T:2006:32, points 108 à 141) ; arrêt du 19 avril 2012, Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil (T‑162/09, non publié, EU:T:2012:187) ; ordonnance du 5 février 2013, BSI/Conseil (T‑551/11, non publiée, EU:T:2013:60, points 23 à 41) ; arrêt du 13 septembre 2013, Cixi Jiangnan Chemical Fiber e.a./Conseil (T‑537/08, non publié, EU:T:2013:428, points 28 et 29) ; ordonnances du 21 janvier 2014, Bricmate/Conseil (T‑596/11, non publiée, EU:T:2014:53, points 21 à 60) ; du 7 mars 2014, FESI/Conseil (T‑134/10, non publiée, EU:T:2014:143, points 41 à 76) ; arrêt du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, points 48 à 56), ainsi que ordonnance du 25 janvier 2017, Internacional de Productos Metálicos/Commission (T‑217/16, non publiée, EU:T:2017:37, points 26 à 33), laquelle a été confirmée sur pourvoi (arrêt du 18 octobre 2018, Internacional de Productos Metálicos/Commission, C‑145/17 P, EU:C:2018:839).


56      Arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission (239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, points 12 à 14) ; du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission (264/82, EU:C:1985:119, points 12 à 17) ; du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil (240/84, EU:C:1987:202, points 5 à 7) ; du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil (C‑133/87 et C‑150/87, EU:C:1990:115, points 14 à 20) ; du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission (C‑156/87, EU:C:1990:116, points 17 à 23) ; du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil (C‑305/86 et C‑160/87, EU:C:1990:295, points 19 à 22) ; du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C‑358/89, EU:C:1991:214, points 13 à 18) ; du 13 septembre 2013, Huvis/Conseil (T‑536/08, non publié, EU:T:2013:432, points 25 à 29), et du 13 septembre 2013, Cixi Jiangnan Chemical Fiber e.a./Conseil (T‑537/08, non publié, EU:T:2013:428, points 22 à 27).


57      Arrêts du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil (T‑155/94, EU:T:1996:118, point 53) ; du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil (T‑170/94, EU:T:1997:134, point 41) ; du 16 janvier 2014, BP Products North America/Conseil (T‑385/11, EU:T:2014:7, point 72) ; du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505, point 28) ; du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509, point 62) ; du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil (T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 24), et du 10 octobre 2017, Kolachi Raj Industrial/Commission (T‑435/15, EU:T:2017:712, point 54).


58      Arrêt du 26 septembre 2000, Starway/Conseil (T‑80/97, EU:T:2000:216, points 61 à 69).


59      Arrêt du 18 octobre 2018, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Commission (T‑364/16, EU:T:2018:696, points 41 et 42).


60      Ainsi, les droits procéduraux conférés aux producteurs de l’Union diffèrent considérablement de ceux conférés aux groupes de consommateurs.


61      Arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97), et du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 99).


62      Arrêts du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434, points 38, 40 et 45), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 39 et 40).


63      Voir annexe, point 22, sous 5), du règlement no 37/2014.


64      Aux termes de l’article 4 du règlement no 37/2014, celui‑ci « entre en vigueur le trentième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne », soit le trentième jour à compter du 21 janvier 2014.


65      Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base (lequel n’a pas été modifié par le règlement no 37/2014), les droits antidumping sont imposés par voie de règlement. Selon la jurisprudence, l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, tel que modifié par le règlement no 37/2014, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base, lus conjointement, constituent la base juridique habilitant la Commission à réinstituer des droits antidumping à la suite du prononcé d’un arrêt annulant un règlement instituant des droits antidumping (arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 42 à 44). Voir aussi arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, point 55).


66      Voir point 20 des présentes conclusions.


67      Le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué n’annule pas le règlement litigieux seulement dans la mesure où il s’applique à Ninghai Organic Chemical Factory. Il l’annule sans nullement limiter les effets de cette annulation. Cela découle du fait que le recours en première instance a été introduit par des producteurs de l’Union et non par un producteur-exportateur susceptible de demander l’annulation du règlement litigieux uniquement dans la mesure où celui‑ci lui est applicable.


68      Arrêts du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil (C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 81) ; du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS (C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 49), et du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 35).


69      S’il n’appartient pas aux juridictions de l’Union de se substituer à l’institution concernée en précisant les mesures à adopter en vue d’exécuter leurs arrêts (conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire National Iranian Tanker Company/Conseil, C‑600/16 P, EU:C:2018:227, point 109), il n’en reste pas moins que ces mesures doivent tenir compte du dispositif et des motifs de l’arrêt en cause et être compatibles avec ceux‑ci (arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, points 76 et 77).


70      Arrêt du 2 octobre 2003, International Power e.a./NALOO (C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, EU:C:2003:534, point 52).


71      Voir arrêt du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission (T‑66/01, EU:T:2010:255, points 196 à 211).


72      C’est ce qui résulte de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes duquel, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter du rejet du pourvoi.


73      Par avis publié le 7 septembre 2017, la Commission a rouvert la procédure ayant conduit à l’adoption du règlement litigieux en exécution de l’arrêt du 1er juin 2017 [avis relatif à l’arrêt du 1er juin 2017 dans l’affaire T‑442/12 concernant le [règlement litigieux] (JO 2017, C 296, p. 16)]. Aux termes de cet avis, la procédure a été rouverte uniquement en exécution de cet arrêt.


74      Règlement instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures [antidumping imposées par le règlement d’exécution no 349/2012] effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil (JO 2018, L 164, p. 14).


75      Conformément à l’article 11, paragraphe 6, du règlement de base, dans le cadre d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, la Commission peut uniquement maintenir ou abroger les droits antidumping précédemment institués, mais non pas les modifier. Étant donné que le règlement litigieux, qui modifie le règlement d’exécution no 349/2012, a été annulé par l’arrêt du 1er juin 2017 et que ce dernier ne maintient pas les effets de ce règlement dans l’attente de son exécution par la Commission, celle-ci a dû maintenir le droit de 10,1 % imposé à Changmao Biochemical Engineering par le règlement d’exécution no 349/2012. En revanche, le règlement d’exécution 2018/921 maintient le taux de 8,3 % imposé à Ninghai Organic Chemical Factory par le règlement litigieux. En effet, bien que celui-ci ait été annulé par l’arrêt attaqué, ce dernier maintient ses effets en ce qui concerne Ninghai Organic Chemical Factory jusqu’à ce que l’institution compétente ait satisfait à l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 266 TFUE (ce qu’il ne lui appartiendra de faire qu’une fois le présent pourvoi rejeté, le cas échéant, comme je l’explique au point 162 des présentes conclusions).


76      C’est moi qui souligne.


77      Voir point 208 des présentes conclusions.


78      Arrêts du 19 septembre 2013, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil (C‑15/12 P, EU:C:2013:572, point 17), et du 18 septembre 2014, Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:2231, point 43).


79      Considérants 18 à 28 du règlement no 1259/2005 et considérant 13 du règlement no 130/2006.


80      Considérants 29 à 34 du règlement no 1259/2005 et considérant 13 du règlement no 130/2006.


81      Considérants 27 à 29 du règlement litigieux.


82      Dans un souci de clarté, je précise que Changmao Biochemical Engineering soutient que constitue un changement de méthode le calcul de la valeur normale non pas sur la base des prix de vente intérieurs argentins, mais sur la base des coûts de production en Argentine pour les producteurs-exportateurs ne bénéficiant pas du statut de SEM. Elle ne fait pas valoir que constitue, en soi, un changement de méthode contraire à l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base le fait que le statut de SEM lui a été accordé lors de l’enquête initiale, mais refusé dans le cadre de l’enquête de réexamen.


83      Arrêt du 18 septembre 2014, Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 21, 44 et 59), ainsi que conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:118, point 78).


84      Arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil (T‑299/05, EU:T:2009:72, points 170 à 172). Voir aussi arrêts du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, points 27, 28 et 43), et du 16 décembre 2011, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil (T‑423/09, EU:T:2011:764, point 57).


85      Arrêt du 18 septembre 2014, Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 45 à 49).


86      Arrêt du 15 novembre 2018, CHEMK et KF/Commission (T‑487/14, EU:T:2018:792, point 63).


87      Voir aussi arrêt du 16 décembre 2011, Dashiqiao Sanqiang Refractory Materials/Conseil (T‑423/09, EU:T:2011:764, point 63).


88      Je renvoie à cet égard au considérant 26 du règlement d’exécution no 349/2012, aux termes duquel « les différences entre les procédés de production en Argentine et en Chine ainsi que leur incidence sur le calcul des coûts et la valeur du produit concerné ont déjà été attentivement examinées lors de l’enquête initiale ».


89      Arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 50).


90      Arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil (T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 51).


91      Voir point 184 des présentes conclusions.


92      Voir arrêt attaqué, point 137.


93      Voir point 184 des présentes conclusions.


94      Aux termes du considérant 27 du règlement litigieux, « compte tenu de la différence entre les méthodes de production en Argentine et en [Chine], qui a une incidence majeure sur les prix et les coûts, il a été décidé de construire une valeur normale plutôt que d’utiliser [les] prix de vente intérieurs [argentins] » (c’est moi qui souligne).


95      C’est moi qui souligne.


96      Voir point 173 des présentes conclusions.


97      Aux termes de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, la valeur normale doit être déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable. En d’autres termes, dans cette hypothèse, la valeur normale ne peut être déterminée sur la base des prix de vente intérieurs réels dans le pays n’ayant pas une économie de marché concerné.


98      Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 10 avril 2013, relative à la modernisation des instruments de défense commerciale – Adapter les instruments de défense commerciale aux besoins actuels de l’économie européenne [COM(2013) 191 final, point 2.6.2]. Voir aussi article 1er, paragraphe 5, sous b), de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, modifiant le [règlement de base] et le règlement (CE) no 597/2009 du Conseil relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne, soumise le 10 avril 2013 [COM(2013) 192 final].